A la découverte de l’Histoire Cours d’Histoire 2012/2013. G. Durand

COURS 11 – LA PAPAUTE A

Avignon doit sa célébrité, et l'essentiel de sa physionomie, au séjour qu'y fit la papauté au xive siècle. De 1309 à 1367 (ou 1403 si l'on compte les papes du Grand Schisme), la ville devint la capitale de la Chrétienté, principalement à cause de l'insécurité politique de Rome et de l'Italie d'alors. Papes français, les neuf papes d'Avignon se plurent sur les bords du Rhône, mais ils donnèrent toujours la priorité à la reconquête de leur pouvoir temporel en Italie. Dans des circonstances défavorables, ils surent, en excellents juristes, augmenter leur pouvoir en faisant de leur curie l'instrument d'une centralisation rigoureuse que favorisait l'heureuse situation géographique d'Avignon. Mais cette évolution, loin de résoudre le problème constitutionnel dans l'Église, l'aggrava bien plutôt, comme en témoigne le Grand Schisme ; elle aggrava aussi l'enlisement de l'Église dans les affaires temporelles : la « réforme dans la tête et les membres », réclamée au concile de Vienne, resta lettre morte. Sans doute était-il vain de l'attendre d'abord de réformes administratives.

1. La papauté à Avignon

• Circonstances de l'établissement de Clément V à Avignon (1305-1314)

Lorsque Bertrand de Got, archevêque de , est élu pape en 1305, il se fait couronner à Lyon, sur le chemin de l'Italie, avec l'espoir de réconcilier dans cette ville d'Empire les rois de France et d'Angleterre, en guerre au sujet de l'Aquitaine. La poursuite de cet objectif, condition d'une croisade efficace en Orient, et surtout ses démêlés avec Philippe le Bel ne permettront pas à Clément V de rejoindre Rome. Il doit d'abord dissuader le roi de France de poursuivre le procès en hérésie qu'il a intenté à la mémoire de Boniface VIII, puis il tente de faire face, par le concile de Vienne (1311- 1312), à l'affaire des Templiers dont le roi a décidé la perte. Comme la plupart des cours de l'époque, la curie pontificale mène d'abord la vie itinérante de son maître, en Limousin et en Aquitaine. Cependant, à partir de mars 1309, pour plus d'indépendance, le pape se fixe au couvent des dominicains d'Avignon : la ville appartient à l'un de ses vassaux, le comte de Provence, et de plus elle jouxte le Comtat Venaissin, possession du Saint-Siège depuis le xiii e siècle. Le concile de Vienne terminé, l'Italie est de nouveau à feu et à sang, du fait de l'expédition de l'empereur Henri VII : Clément V ne peut s'y rendre ; d'ailleurs, il est désormais trop malade pour cela. Aux yeux des contemporains, cet exil n'eut rien d'extraordinaire : on a pu calculer en effet que, de 1100 à 1304, les papes avaient résidé seulement quatre-vingt-deux ans durant à Rome même.

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Clément V sur son trône pontifical, Manuscrit de la Bibliothèque palatine

• Les papes d'Avignon de 1316 au Grand Schisme

On doit sans doute à Jean XXII (1316-1334), successeur de Clément V, le véritable établissement de la papauté en Avignon, ville qu'il aimait pour en avoir été longtemps l'évêque. Il y résida de façon stable durant les dix-huit années de son pontificat, menant de là une politique italienne complexe, mais finalement stérile. Au service de cette politique, cet administrateur de génie sut concevoir un vaste système de fiscalité qui procura désormais au Saint-Siège des ressources abondantes et régulières. Dans le même temps, il se réserva la nomination aux principaux bénéfices ecclésiastiques (dont les évêchés, auparavant pourvus par élection), ce qui renforçait sa mainmise sur le haut clergé et les églises locales et accroissait sa puissance, face aux pouvoirs politiques. Son successeur, Benoît XII (1334-1342), ne poursuivit pas ses vastes desseins et n'obtint guère de succès en Italie. Soucieux de réformer la vie religieuse, il échoua dans ce projet parce qu'il y fit preuve d'une trop grande minutie. Cependant, en reconstruisant en grand le palais épiscopal de la ville, il permit l'épanouissement des structures curiales mises en place par Jean XXII. La politique italienne de Clément VI (1342-1352) ne fut guère plus heureuse ; ainsi acheta-t-il Avignon à Jeanne Ire de Naples et construisit-il un second palais, contigu à celui de Benoît XII. Ce pape prestigieux et brillamment doué ne réussit pas non plus à réconcilier l'Angleterre et la France, ce qui ruina également ses projets de croisade. Innocent VI (1352- 1362) découvrit dans le cardinal Albornoz, qui s'était déjà illustré dans la Reconquista contre les Maures, le stratège militaire et l'habile diplomate qui allait enfin pacifier les États de l'Église en Italie, si bien qu'Urbain V (1362-1370) put finalement rejoindre Rome en 1367. Son désir de médiation dans l'interminable guerre franco-anglaise l'obligea cependant à revenir en Avignon, où il mourut en 1370.

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Grégoire XI (1370-1378), neveu d'Innocent VI, élu en Avignon, ne rentra à Rome, où les troubles avaient repris, que pour y mourir.

• Les papes du Grand Schisme en Avignon (1379-1403)

Sous la pression d'une émeute du peuple romain réclamant « un pape romain ou au moins un pape italien », les cardinaux élirent unanimement un Italien, Urbain VI, pour succéder à Grégoire XI. Cette élection fut-elle libre ? Les historiens en discutent encore ; toujours est-il que, cinq mois après, les mêmes électeurs, sauf trois, choisirent un nouveau pape, Clément VII (1378-1394). Bientôt la Chrétienté entière, suivant ses souverains, se trouva divisée entre les deux obédiences. Urbain VI tenant Rome, Clément VII s'installa en Avignon en 1379, où il trouva l'administration et la capitale dont il avait besoin. Sa grande affaire demeura celle de tous ses prédécesseurs : reconquérir l'Italie. La mort d'Urbain VI, puis celle de Clément VII ne mirent nullement fin au schisme : les cardinaux ne se résolurent pas à voter pour le pape survivant, mais ils lui donnèrent chaque fois un rival. C'est ainsi que fut élu, en 1394, le dernier pape d'Avignon, Benoît XIII. Imbu de la plénitude du pouvoir pontifical, se considérant comme le représentant de Dieu sur terre, Benoît XIII refusa la voie de cession proposée pour mettre fin au schisme par le roi de France et la Sorbonne. Même après avoir subi la soustraction d'obédience de ses partisans, après avoir été chassé d'Avignon (1403), bien après le concile de Constance qui avait mis fin au schisme en déposant les trois papes rivaux en 1415, il refusa encore de démissionner et mourut isolé, mais sûr de son bon droit, à Peñiscola en 1422.

Après Benoît XIII, aucun pape ne résidera plus en Avignon ; l'histoire de la ville se confond désormais avec celle du Comtat Venaissin, qui continuera d'appartenir au Saint-Siège jusqu'en 1791, malgré des occupations militaires temporaires décidées par Louis XIV et Louis XV pour faire pression sur la papauté.

• Tableau chronologique

Clément V : (1305 - 1314) La violente querelle qui opposa, au début du siècle, le roi de France Philippe IV le Bel au Pape Boniface VIII entraîna en 1305 l'élection au trône de Saint Pierre d'un prélat français, Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, qui prit le nom de Clément V. Différentes raisons, dont l'affaire des Templiers, l'amenèrent à s'installer en 1309 en Avignon, ville vassale du Saint-Siège et voisine du Comtat Venaissin, propriété effective de l'Eglise depuis 1274. Il n'y séjourna que par intermittence et logea dans le couvent des Dominicains. Jean XXII : (1316 - 1334) La nette prépondérance des cardinaux français, rapidement établie au sein du Sacré-Collège, assura ensuite l'élection d'un ancien évêque d'Avignon, Jacques Duèse, qui régna de 1316 à 1334 sous le nom de Jean XXII. L'agitation violente de l'Italie, la turbulence des grandes familles et du peuple romains engagèrent le nouveau Pape à s'installer provisoirement en Avignon. Il fit adapter alors le palais épiscopal, situé au voisinage de la cathédrale, aux nécessités de la cour pontificale et s'attacha à l'agrandir, à le fortifier et l'embellir. Benoît XII : (1334 - 1342) Ce palais, toutefois, parut insuffisant aux yeux de Benoît XII (Jacques Fournier) qui en fit l'acquisition, le démolit et fit construire sur son emplacement, par son maître d'oeuvre Pierre Poisson, une puissante forteresse, vaste et austère, reflétant ses goûts sobres d'ancien moine cistercien. Clément VI : (1342 - 1352) Son successeur Clément VI (Pierre Roger de Beaufort), aristocrate fastueux, jugeant ce premier palais indigne de la majesté pontificale, en fit bâtir par son architecte Jean de Louvres un second juxtaposé, "le Palais Neuf", de style plus fleuri, et livra l'ensemble des bâtiments aux équipes de peintres que

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A la découverte de l’Histoire Cours d’Histoire 2012/2013. G. Durand dirigeait Matteo Giovanetti de Viterbe. En 1348, il acheta la ville d'Avignon à la reine Jeanne de Naples, comtesse de Provence. Innocent VI : (1352 - 1362) (Etienne Aubert), préoccupé de pacifier les territoires italiens du Saint-Siège, compléta l'oeuvre monumentale de son prédécesseur. Urbain V : (1362 - 1370) (Guillaume Grimoard) s'attacha à étendre les jardins en faisant aménager un verger en contrebas. Il y fit procéder à des travaux d'embellissement, en ajoutant une galerie de repos, la Roma, aujourd'hui disparue. Grégoire XI : (1370 - 1378) (Pierre Roger de Beaufort), enfin, n'eut d'autre souci que de rétablir le siège de la Papauté à Rome, ce qu'il réalisa en 1376. A sa mort en 1378, la population romaine organisa de violentes manifestations contraignant les cardinaux à élire un pape italien, Urbain VI. Quelques mois plus tard, les cardinaux français déclarèrent cette élection nulle et portèrent leur choix sur Robert de Genève qui prit le nom de Clément VII. Ainsi éclata le Grand Schisme d’Occident. Désormais, la Chrétienté était divisée en deux obédiences. Clément VII (1378 - 1394), Benoît XIII (1394 - 1423) Pendant le grand Schisme d'Occident (1378 - 1417), deux "anti-papes" vécurent dans le Palais, Clément VII (Robert de Genève) et Benoît XIII (Pedro de Luna) qui quitta définitivement Avignon en 1403, après un éprouvant siège de cinq ans.

2. Avignon, capitale provisoire de la Chrétienté

Abritant la papauté et ses services, Avignon devint la capitale de la Chrétienté et prit un rapide essor. Bien que submergés, les Avignonnais firent bon accueil aux nouveaux venus qui apportaient une prospérité inattendue à la cité. Devenue un centre commercial et bancaire de premier ordre, elle fut bientôt la première ville de France après Paris, avec environ 35 000 habitants, dont un millier de juifs, protégés par les papes. Avec plus de 151 hectares, sa dernière enceinte de 1360-1370 mesurait le triple de la première. Cette croissance se fit cependant sans plan et sans souci d'hygiène. L'effort architectural se porta surtout sur les et sur les églises des ordres mendiants (Carmes, Cordeliers, Dominicains). Le mécénat des papes, qui y consacrent 4 p. 100 de leurs revenus, s'étend aussi aux autres arts : peinture (Simone Martini), sculpture, musique (influence flamande). Dans cette Cour, la plus grande d'Europe, les belles-lettres fleurissent (Pétrarque), des bibliothèques se constituent. Son influence artistique rayonne au loin grâce au passage incessant de prélats et de grands seigneurs en visite. Les clercs affluent à l'université, surtout à la faculté de droit, qui fournit la majorité du personnel curial. La faculté de théologie n'est fondée qu'en 1413 par Jean XXII.

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3. LE SIEGE DU POUVOIR APOSTOLIQUE : LE PALAIS DES PAPES

• DEUX PAPES BATISSEURS Du palais épiscopal qu’occupa Jean XXII sur le rocher des Doms, ne demeure que le plan. Les travaux du "palais vieux" de Benoît XII commencèrent en 1335 par la construction à l'extérieur du palais d'un donjon, "la Tour des Anges", que l'on flanqua d'appartements privés et protégea d'un rempart, puis celle de la Grande Chapelle, parallèle à la Cathédrale Notre-Dame des Doms. De 1338 à 1342, on démolit et rebâtit les différentes ailes de l'ancien palais épiscopal autour d'un cloître flanqué de deux tours puissantes, donnant à ce palais l'allure d'une austère et puissante forteresse. Après la construction en 1342 de la Tour de la Garde-Robe, contre la face méridionale de la Tour des Anges, Clément VI entreprit en 1344 "l'Opus Novum" par la salle de la Grande Audience, surmontée de la Grande Chapelle. L'édification de l'aile des Grands Dignitaires, en retour d'équerre, permit de délimiter une vaste et imposante Cour d'Honneur. Le souci de défense se fait moins visible, les façades en sont plus élégantes. A l'intérieur, les croisées d'ogive abondent et permettent l'apparition de beaux décors sculptés.

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• DES FRESQUES EXCEPTIONNELLES Dès 1343, Matteo Giovanetti, originaire de Viterbe, dirige d'importantes équipes de peintres venus de toute l'Europe. Clément VI, après la décoration de la Tour de la Garde-Robe (Chambre du Cerf) lui confie celles du Palais Vieux : chapelles Saint-Martial et Saint-Jean. En 1352, Matteo Giovanetti

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A la découverte de l’Histoire Cours d’Histoire 2012/2013. G. Durand entreprend les décors de la Grande Audience. Les fresques encore conservées constituent un ensemble exceptionnel et témoignent de la haute qualité artistique de la première école d'Avignon.

De sa formation siennoise, Matteo Giovannetti conserve le goût de la couleur, des accents lumineux, des motifs décoratifs petits mais répétés, ainsi que l’intérêt pour le trompe-l’œil architectural. Dans l’atmosphère très libre de la cour pontificale, il poursuit les recherches de ses maîtres siennois. Simone Martini avait ouvert la voie au véritable portrait : Matteo n’idéalise aucun visage, il emprunte traits et silhouettes aux gens de la cour et de la rue. Surtout il développe l’intérêt des frères Lorenzetti pour le traitement de l’espace. Ainsi adapte-t-il, de manière particulièrement réfléchie, les scènes peintes à l’architecture réelle de la pièce, jouant même de l’épaisseur des parois pour en « faire sortir » les personnages peints sur les ébrasements des fenêtres. Ce peintre possède une véritable personnalité, et une place originale et novatrice dans le développement de la peinture au XIVe siècle en Occident.

Chapelle Saint-Martial, fresques de Matteo Giovanetti

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Clément VI représenté en , Chapelle Saint-Martial

Les documents les plus anciens (1322) concernant Matteo Giovannetti, le disent prêtre ; plus tard, il deviendra chanoine de Viterbe. Son activité de peintre n'est pas connue avant son arrivée en Avignon, en été 1343. Il porte alors déjà le titre de "maître" et reçoit, sur le chantier du Palais des Papes, un salaire élevé. En 1346, il devient le peintre officiel, dirigeant les équipes chargées de décorer les nouvelles salles du palais pontifical (chapelles, Grand Tinel, Consistoire, Grande Audience) ou la résidence d'été de Villeneuve. En plus de ces peintures murales, il réalise aussi retables et tentures peintes, offerts par le pape à des établissements religieux.

Matteo Giovannetti accompagne le pape Urbain V lors de son retour à Rome, au printemps 1367, et quelques mois plus tard travaille aux peintures du Palais du Vatican. On perd sa trace après janvier 1368. De toutes les commandes reçues, il ne reste aujourd’hui que quelques petits panneaux provenant de triptyques portatifs, et des témoins de son talent de fresquiste : dans le Palais des Papes, outre les deux chapelles Saint-Martial et Saint-Jean, il subsiste le voûtain peint de la Grande Audience, et les "sinopie" de la chapelle Saint-Michel et d'une Crucifixion au mur de la Grande Audience ; à la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon, les peintures de la chapelle et quelques bribes de décor aux fenêtres du tinel.

Autre lieu magnifique décoré : la chambre du Pape et la chambre du Cerf. La Chambre du Pape est située au coeur de la Tour des Anges, entre la Chambre du Camérier et le Trésor Haut, qui contient une partie du trésor et la Bibliothèque. Cette chambre est divisée par des cloisons mobiles.

En général, le pape y dort avec les cubiculaires, qui assurent son service. Il peut également y donner des audiences particulières. La salle est ventilée par une ouverture en hauteur, près de la cheminée d'angle, et éclairée par deux fenêtres qui sont simplement garnies de toiles enduites de cire, tendues sur des châssis de bois, parfois peintes de motifs décoratifs. Les comptes qui mentionnent à plusieurs reprises des paiements à des peintres verriers, se rapportent uniquement aux chapelles et aux salles affectées aux cérémonies. Les meubles datent de la fin du 14e et du 16e siècle et ne proviennent pas du palais. Sous Clément VII, la salle est meublée d'un lit à courtines de velours cramoisi et de taffetas émeraude,

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A la découverte de l’Histoire Cours d’Histoire 2012/2013. G. Durand d'une chaire, d'une table, d'escabeaux et de plusieurs coffres disposés le long des parois, renfermant le linge à l'usage du pontife. Les papes aimant beaucoup les oiseaux, on trouve parfois dans leur chambre des rossignols en cage. Au-dessous du plafond, dont seules quatre poutres sont d'origine, court une frise en quadrilobes, aux motifs illisibles. Aux murs, sur un fond bleu, s'entrelacent d'amples rinceaux de vigne et de chêne, parsemés d'oiseaux et d'écureuils. C'est peut-être entre 1336 et 1337 que ces décors ont été exécutés. Mais la datation et l'attribution de ces peintures sont controversées. On peut émettre l'hypothèse qu'une partie des décors a été exécutée par un atelier français dirigé par Jean d'Albon. En effet, l'espace pictural abstrait et l'absence d'effet de perspective se rattachent à la tradition française. Par contre, le registre supérieur des murs et surtout les motifs des ébrasements de fenêtres, exécutés non pas schématiquement mais vus en perspective dans un espace réel, sont de tradition italienne.

La chambre du Cerf se situe à la jonction du Palais Vieux au Palais Neuf, au quatrième niveau de la Tour de la Garde-Robe qui en compte cinq. Au rez-de-chaussée se situent les étuves, c'est-à-dire la salle où le pape prend des bains. Les deux étages suivants correspondent aux garde-robes. Au-dessus de la chambre du Cerf, se trouve la chapelle particulière du pape, dédiée à Saint Michel. La chambre du Cerf constitue le studium ou cabinet de travail du pape Clément VI. Le pape y fait installer un lit et sa librairie particulière ; la pièce est aussi meublée de deux coffres doublés de soie vergetée. Les goûts fastueux de ce pontife expliquent, sans doute, l'originalité du décor de cette pièce.Elle tire son nom de la scène de chasse au cerf qui l'orne et, quasiment disparue lors des remaniements effectués dans la pièce au 18e siècle. Le plafond du 14e siècle est richement décoré. En-dessous, se déroulent deux frises. Elles surmontent les fresques profanes qui ont pour thème les plaisirs seigneuriaux que sont alors la chasse et la pêche. Comme dans la Chambre du Pape, le riche carrelage est une restitution réalisée à partir du sol découvert dans le Studium de la tour de l'Etude.

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Enfouies sous plusieurs couches de badigeon militaire, les fresques de la Chambre du Cerf ont été miraculeusement préservées. Au-dessous d'une bande de ciel, toute une forêt est peinte sur les murs; de grands arbres de diverses essences, des arbustes chargés de fleurs et de fruits, un parterre de hautes herbes et de fleurettes. Dans cette luxuriante nature, oiseaux et animaux sont la proie des chasseurs au faucon, à la pipée, ou aux appeaux. Un chasseur lâche son furet sur un lapin qui s'enfuit en tournant la tête. Ailleurs, des enfants potelés s'ébattent au bord d'une rivière. Quatre personnages utilisant des moyens de capture différents sont groupés autour d'un vivier dans lequel nagent des brochets et d'autres poissons d'eau douce. Plusieurs peintres ont collaboré à l'exécution de ces fresques. En témoignent les changements de style dans la représentation de certains personnages, comme, par exemple, les enfants et le chasseur au furet. La conception de ce décor panoramique en perspective, la 3e dimension suggérée dans la scène du vivier, le modelé dans la plupart des visages révèlent, à n'en pas douter, des artistes italiens. Peut- être étaient-ils dirigés par Matteo Giovannetti ? Des sujets profanes de ce type ornent les tapisseries italiennes et françaises dès le 13e siècle, mais ils sont traités d'une manière plus conventionnelle, qui privilégie l'effet décoratif. Dans la Chambre du Cerf, le thème bucolique est interprété de façon naturaliste, descriptive. Les conceptions plastiques italiennes sont ici au service de l'idéal courtois français.

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APRES LES PAPES

Après le départ des Papes, la Ville-Etat d'Avignon et le Comtat Venaissin demeurèrent propriété du Saint-Siège et le Palais servit de résidence à des légats, puis à des vice-légats italiens jusqu'à la réunion de ces territoires à la France en 1791, pendant la Révolution. Pillé en ces temps troublés, il fut ensuite utilisé comme caserne jusqu'en 1906.

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