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60-65_Lévy-Lambert 6/12/06 11:53 Page 60 LIBRES PROPOS Quelques X dans l’affaire Deyfus Hubert LÉVY-LAMBERT (53) L'année 2006 est celle du centenaire de l'arrêt de la Cour de cassation Metz avec le rang de sous-lieutenant. du 12 juillet 1906 qui a mis un point final à l'Affaire sur le plan Il fut nommé en 1861 lieutenant en juridique en cassant sans renvoi le jugement du tribunal de Rennes second au 9e régiment d’artillerie et du 9 septembre 1899 condamnant Dreyfus (X1878). capitaine en second en 1867. Nous publions à cette occasion six notices biographiques concernant Il fit la guerre de 1870 à l’École des polytechniciens impliqués à des degrés divers dans l'Affaire, de pyrotechnie et à la Commission d’expériences de Bourges puis au choisis en fonction de leur renom. Les lecteurs intéressés par une vue 7e régiment d’artillerie à Rennes puis d'ensemble de l'Affaire vue du côté des anciens X pourront se référer à Paris. Il prit part aux combats de à une étude de l’auteur publiée à l'occasion du centenaire du début Champigny et du Bourget et fut nommé de l'Affaire dans La Jaune et la Rouge de janvier 1995 (p. 49-61). chevalier de la Légion d’honneur en Parmi les quelque 150 camarades répertoriés dans cet article, nous 1871. en avons choisi six qui illustrent par leur comportement respectif Il épousa en 1876 Marguerite la cassure que l'Affaire créa dans tous les milieux. Chapuy, artiste dramatique et lyrique Par ordre alphabétique, on trouvera ci-après la biographie du général à succès, qui renonça au théâtre et au Louis André (1857), ministre de la Guerre de 1900 à 1904, dreyfusard; chant après son mariage. de Maurice Bernard (1882), ingénieur des Mines, dreyfusard; du Il fut nommé chef d’escadron en capitaine Julien Carvallo (1883), dreyfusard, dont un frère fut directeur 1877 au 34e régiment d’artillerie, lieu- des études et donna son nom à la boîte Carva; de Louis de Freycinet tenant-colonel en 1885 à Grenoble, (1846), ingénieur des Mines, ministre de la Guerre de 1888 à 1893 et de général de brigade en 1893, comman- dant de l’École polytechnique de 1894 novembre 1898 à mai 1899 (les Cabinets duraient peu à cette époque!), à 1896, officier de la Légion d’hon- antidreyfusard; du général Auguste Mercier (1852), ministre de neur en 1895, général de division la Guerre de décembre 1893 à janvier 1895, farouche antidreyfusard commandant la 10e division en 1899. jusqu'à sa mort en 1921; Marcel Prévost (1882), ingénieur des Tabacs, En mai 1900, alors qu’il était en académicien, dreyfusard. manœuvres à Nemours, Waldeck- Rousseau, président du Conseil, l’ap- pela à la suggestion de Maurice Ephrussi pour succéder comme ministre de la ANDRÉ Louis, Joseph, Nicolas il eut comme condisciple le futur pré- Guerre au général de Galliffet qui (1857) sident Sadi Carnot. Sa fiche signalé- n’avait duré que onze mois à ce poste tique établie par l’École indique qu’il très exposé où il resta plus de quatre ans, Louis André naquit le 29 mars était châtain clair, yeux bleus, visage un record pour l’époque. 1838 à Nuits-Saint-Georges (Côte- ovale, qu’il mesurait 1,79 m et qu’il avait André avait alors la réputation d’un d’Or) de Nicolas André, négociant et une cicatrice au front (comme Harry républicain intransigeant et d’un anti- Joséphine Charles, sans profession. Potter ?). clérical notoire. À peine nommé, il Il fit ses études au lycée de Dijon puis Entré 54e de sa promotion, il en procéda à une épuration de l’armée. au collège Sainte-Barbe avant d’inté- sortit 60e sur 102 en 1859 et fut envoyé C’est ainsi que les généraux Alfred grer l’École polytechnique en 1857, où à l’École d’application de l’artillerie à Delanne (X 1862), chef d’état-major 60 DÉCEMBRE 2006 • LA JAUNE ET LA ROUGE 60-65_Lévy-Lambert 6/12/06 11:53 Page 61 général et Édouard Jamont (X1850), de délation et utilisé les fiches pour déci- des Mines de l’Imerina à Madagascar où général en chef en temps de guerre, der de la carrière des intéressés et on le retrouve en 1907 comme ingé- ainsi que de nombreux chefs de bureau allant jusqu’à le frapper. Malgré l’ap- nieur-conseil de la société Le graphite de l’état-major furent relevés de leurs pui de Jaurès, il dut démissionner en français 1. fonctions. André essaya à plusieurs novembre 1904, entraînant le gou- Bernard fut un des signataires des reprises en 1900, 1902, 1903, de faire vernement Combes dans sa chute. Il deux premières pétitions des « intel- voter des lois permettant de réinté- fut remplacé par Maurice Berteaux, lectuels» de janvier 1898 demandant grer Picquart, sans succès. Les esprits qui dura à peine plus de six mois. la révision du procès de 1894 (resp. étaient encore trop échauffés. André se retira alors dans la Côte- 13e et 12e listes) ainsi que de la pro- En décembre 1900, pendant les d’Or où il était conseiller général du testation en faveur de Picquart (7e liste). débats sur la loi d’amnistie, André canton de Gevrey-Chambertin depuis Bernard fut cité comme témoin de déféra le commandant Cuignet devant 1902. En juillet 1906, après l’arrêt de la défense au procès de Rennes en un conseil d’enquête et le punit de la Cour de cassation, il écrivit à Dreyfus : août 1899, pour réfuter les thèses soixante jours de forteresse pour une « Je n’ai pas à vous dire le grand plaisir abracadabrantes et pseudo-scienti- lettre relative à un article sur le «faux que m’ont causé coup sur coup l’arrêt fiques d’Alphonse Bertillon tendant Cuignet ». de la Cour et les séances du Parlement.» à prouver que Dreyfus était le scrip- En juin 1902, le cabinet anticlé- Il demanda au ministre que la Légion teur du « bordereau ». rical du « petit père » Combes suc- d’honneur soit remise à Dreyfus dans Bernard écrivit le 2 septembre au céda à Waldeck-Rousseau. André resta la grande cour de l’École militaire, courrier des lecteurs du journal La à la Guerre. En avril 1903, à la suite mais l’intéressé préféra la petite cour Paix pour rectifier une affirmation d’un long discours de Jaurès deman- et André ne fut même pas invité. Il parue dans La Libre Parole qui le pré- dant à la Chambre la révision du pro- publia ses mémoires en 1907 (Cinq sentait comme Juif : « Par simple res- cès de Dreyfus, André accepta au nom ans de ministère). En juin 1908, à la pect de la vérité, j’ai écrit à M. Drumont du gouvernement de faire une enquête suite de l’attentat contre Dreyfus lors pour m’excuser de ne pas l’être (juif) et qui fut dite « préliminaire ». André du transfert des cendres de Zola au je concluais ainsi : Je n’appartiens donc était sans préjugés mais il n’était pas Panthéon, il lui écrivit : « Vous avez pas à la race ni à la religion qu’honore convaincu de l’innocence de Dreyfus. rempli votre devoir avec la résolution et un Mathieu Dreyfus.» Il confia l’enquête au commandant le courage qui ne vous ont jamais aban- Les calculs de Bernard furent uti- Antoine Louis Targe (X1885). Celle- donné…» Il fut candidat malheureux lisés par Henri Poincaré (X1873) dans ci confirma officiellement que le dos- au conseil municipal de Nuits en 1908 son avis sur le travail de Bertillon, lu sier de Rennes comprenait notam- et au Sénat en 1910. Il mourut en devant le Conseil de guerre par Paul ment des témoignages suspects et des 1913 à Dijon. ■ Painlevé, professeur de mécanique à pièces matériellement altérées. Ce fut l’X. L’avis de Poincaré se terminait le premier pas vers la 2e révision. ainsi : «… En résumé, les calculs de André fut alors convaincu de l’inno- BERNARD Claude Maurice M. Bernard sont exacts ; ceux de cence de Dreyfus. Il considéra que sa M. Bertillon ne le sont pas…» tâche était de prendre la défense des (1882) Bernard intervint à nouveau dans officiers républicains, dont la carrière le cadre de la révision du procès de avait souffert du fait de leur prise de Claude Maurice Bernard naquit le Rennes. Il publia dans Le Siècle en position dans l’Affaire, contre les 24 septembre 1864 à Paris de Jules avril 1904 une série d’articles qui attaques des éléments réactionnaires. Édouard Bernard, comptable et Léonide furent ensuite réunis en une brochure À cet effet, il confia à son chef de cabi- Geneviève Genet, sans profession. Il intitulée Le bordereau, explications et réfu- net le général Percin et son ordon- entra à l’École polytechnique à 18 ans tations du système de M. A. Bertillon et nance le capitaine Mollin, membre dans la promotion 1882. Sa fiche de ses commentateurs. Une réplique du Grand Orient, la constitution d’un signalétique établie par l’École indique fut publiée en juin par L’Action fran- système de fiches relatant les opinions qu’il était châtain, yeux gris, visage çaise puis diffusée sous forme d’une politiques et religieuses des officiers. large, qu’il mesurait 1,67 m et qu’il brochure verte intitulée La théorie de 25000 fiches furent ainsi constituées n’avait pas de signes particuliers. M. Bertillon, réponse à MM. Bernard, à l’aide d’informations transmises par Entré à l’X 8e sur 247, il en sortit Molinier et Painlevé, par un polytech- la hiérarchie militaire quelquefois 4e en 1884 et choisit le corps des nicien.