La Conférence Olivaint (1875-1940)
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INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES DE PARIS CYCLE SUPERIEUR D'HISTOIRE DU XXE SIECLE Un cercle d'étudiants catholiques sous la Troisième République : LA CONFÉRENCE OLIVAINT (1875-1940) David COLON Mémoire présenté pour le DEA "HISTOIRE DU XXE SIECLE" Directeur du mémoire : M. Jean-Pierre AZÉMA 1996 SIGLES ET ABRÉVIATIONS ACJF Association catholique de la jeunesse française ALP Action libérale populaire AN Archives nationales BN Bibliothèque nationale CCO Cercles catholiques d'ouvriers CGT Confédération générale du travail CIEC Confédération internationale des étudiants catholiques CNR Conseil national de la résistance CO Conférence Olivaint DRAC Ligue pour les droits des religieux anciens combattants ELSP École libre des Sciences politiques FFEC Fédération française des étudiants catholiques FNC Fédération nationale catholique GEDES Groupe d'études diplomatiques, économiques et sociales GUSDN Groupement universitaire pour la Société des Nations HEC Hautes études commerciales IC Institut catholique INA Institut national agronomique JEC Jeunesse étudiante chrétienne JP Jeunesses patriotes MRP Mouvement républicain populaire PPère PSF Parti social français RP Révérend Père SDN Société des Nations sj Jésuite (de la Compagnie de Jésus, e societate Jesu) UCINA Union catholique de l'Institut national agronomique UPF Union pour la France USIC Union sociale d'ingénieurs catholiques Introduction Parmi les nombreuses Conférences d'étudiants qui ont existé sous la Troisième République, la Conférence Olivaint occupe une place à part. D'abord en raison de sa longévité : créée à l'automne 1874, elle eut une activité régulière jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, seulement interrompue par la Grande Guerre, et elle est l'une des rares à exister aujourd'hui encore. En second lieu, en raison sa nature : créée à l'initiative de la Compagnie de Jésus, au sein d'une Congrégation mariale, elle était destinée à regrouper et encadrer des jeunes étudiants catholiques en vue les former à la vie publique, dans un esprit de défense religieuse. Jusqu'à ce jour, peu de travaux ont étudié l'Histoire de la Conférence Olivaint. Un membre de la Conférence, Emmanuelle Bastide, a étudié dans un mémoire de Troisième cycle la période la plus immédiatement contemporaine1 ; Gilles Le Béguec, dans sa thèse sur les filières d'accès aux fonctions parlementaires, lui consacre quelques développements, en fondant son propos sur les documents conservés à la Bibliothèque nationale2 ; enfin, l'abbé Molette, dans sa thèse sur les débuts de l'Association catholique de la jeunesse française (ACJF), la cite régulièrement, sans discerner véritablement sa spécificité3. 1 Emmanuelle BASTIDE, La Conférence Olivaint : 1947-1987, un lieu de formation des élites à la vie civique. Paris : Institut d'Études politiques, Mémoire de DEA préparé sous la direction de M. Jean-Marie Mayeur, 1990, 130 pages. 2 Gilles LE BÉGUEC, L'entrée au Palais Bourbon : les filières privilégiées d'accès à la fonction parlementaire, 1919-1939. Thèse, Paris X, Nanterre, 1989. Lille : Atelier de reproduction de l'Université Lille 3, 1990. 3 Charles MOLETTE, L'Association catholique de la jeunesse française (1886-1907). Paris : Armand Colin, 1968. 4 Ce relatif vide historiographique s'explique par la confidentialité qui entoure depuis les origines les activités de la Conférence Olivaint. Sous la Troisième République, en particulier, celle-ci ne cherchait pas la publicité, et pouvait apparaître comme un cercle fermé. Les activités de la Conférence concernaient chaque année quelques dizaines de jeunes gens triés sur le volet, souvent issus des collèges religieux, et les séances hebdomadaires étaient fermées au public ou aux curieux. La cooptation des membres dans des milieux bourgeois ou nobiliaires, le fort encadrement jésuite, la discrétion, et la constitution, à partir du début du XXe siècle, d'un réseau d'anciens, donnèrent ainsi à la Conférence Olivaint des aspects de « Franc- maçonnerie catholique ». En même temps, l'Olivaint fut, dès l'origine, un lieu de rencontre et de débat, d'échanges et de confrontations parfois vives entre les tenants d'un catholicisme social, et les catholiques intransigeants et réactionnaires. Le Ralliement, la Séparation des Églises et de l'État, plus tard la condamnation de l'Action française (AF) ont été autant de terrains propices aux divisions. Mais la question la plus envenimée, la seule qui fut proscrite des débats parce que trop brûlante pendant très longtemps, fut la question du régime. Née avec la Troisième République, la Conférence fut pendant longtemps un bastion de l'opposition la plus résolue au régime républicain, puis à la législation laïque des différents gouvernements, avant d'être une caisse de résonance de l'antiparlementarisme de l'entre-deux guerres. En cela, l'apport de l'Olivaint aux mouvements de jeunesse - l'Association catholique de la jeunesse en particulier, aux mouvements d'étudiants - comme la Fédération française des étudiants catholiques (FFEC), ainsi qu'aux jeunesses des ligues et des partis politiques, mérite d'être étudié. Cercle catholique conservateur, sinon réactionnaire, la Conférence Olivaint a en effet vu sortir de ses rangs plusieurs générations de parlementaires, de fonctionnaires, d'avocats, de professeurs et d'hommes de lettres qui, pour beaucoup d'entre eux, se sont distingués par leur attachement à l'Eglise et à la patrie. Naturellement, le présent travail a ses limites. Dans l'état actuel des sources, il ne peut se prétendre ni complet ni exhaustif. On arguera aussi que l'appartenance de l'auteur à l'organisation qu'il étudie peut amener le lecteur à douter de la sincérité de l'analyse, par manque de recul et de regard critique. Les faits relatés, cela dit, sont lointains : la Conférence Olivaint d'avant-guerre n'a que peu de choses en commun avec celle qui fut refondée en 1947, sous l'impulsion du RP Huvenne et qui, en 1968, s'est « laïcisée » à l'issue de la présidence de Laurent Fabius. Loin d'avoir pour ambition 5 d'établir l'histoire pieuse de la Conférence Olivaint, le présent travail vise avant tout à mettre en lumière les ambivalences d'un cercle catholique aussi conservateur qu'ouvert aux questions sociales, en ne laissant rien dans l'ombre de l'extrême conservatisme de ce cercle catholique. 6 Remerciements Je remercie M. Jean Pierre Azéma, pour le soutien la patience dont il a fait preuve à mon égard tout au long de ce travail, ainsi que MM. René Rémond et Gilles Le Béguec, pour les précieux conseils qu'ils m'ont donnés au début de ma recherche. Je remercie mon camarade Laurent Bigorgne, qui le premier m'a donné l'idée de faire ce travail. Je tiens à remercier les RR. PP. de Boissière et Gillibert, ss. jj., respectivement ancien et actuel conseillers de la Conférence Olivaint, qui ont soutenu mon projet. Je remercie tout particulièrement le RP Bonfils, s.j., archiviste de la Province, ainsi que son assistante, qui m'ont offert un très agréable et sympathique accueil aux Archives jésuites de la Province. Qu'ils soient remerciés pour le temps qu'ils m'ont ainsi consacré et l'aide et les conseils qu'ils m'ont prodigués. Je remercie Amélie, du secrétariat de Sciences Po, pour son sourire, qui vaut tous les encouragements du monde. Merci au seul témoin vivant que j'ai rencontré et qui a bien accepté de m'ouvrir la porte de son bureau, ainsi que celle de ses souvenirs, monsieur André Aumonier. Merci enfin à mes copains et amis qui ont souffert mes sautes d'humeur durant la phase de rédaction du mémoire, Hélène de Virieu et Raphaël Enthoven en particulier, dont les encouragements me furent on ne peut plus précieux. 7 Première partie : UN CERCLE CATHOLIQUE LITTÉRAIRE ET CONSERVATEUR. (1874-1888) Chapitre premier : La fondation de la Conférence Olivaint À l’origine de la Conférence Olivaint (CO), il y a un ordre religieux, la Compagnie de Jésus, sa Congrégation étudiante, rebaptisée ‘ Réunion des jeunes gens de la rue de Sèvres », et un nom significatif, celui du RP Pierre Olivaint, martyr de la Commune. La fondation de cette organisation s'inscrit donc autant dans un héritage, celui des Congrégations jésuites, que dans des circonstances politiques déterminées, au lendemain de la Commune, et au tout début d'un régime, la Troisième République, contre lequel l'action de la Conférence Olivaint s'est inscrite durablement. LA CONGREGATION La Conférence Olivaint est parfaitement indissociable de la Congrégation qui lui a donné naissance en 1875 et qui lui a permis de se développer et de prospérer jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. La Congrégation dont il s'agit fut fondée en 1852 au collège jésuite de Vaugirard, à l'initiative du Père Jean Gagarin4. Ce dernier était désireux, en effet, de faire revivre la Congrégation mariale qu'il avait connue, en exil, au collège belge de Brugelette ; il réunit autour de lui, le 5 décembre 1852, à l'occasion de la première réunion, quelques jeunes gens issus de Brugelette, parmi lesquels Paul Lauras, Charles de Maistre - petit-fils de Joseph de Maistre - et Félix de Roquefeuil. Les réunions avaient lieu tous les quinze jours et consistaient en une messe, suivie d'une instruction. Transférée une première fois rue des Postes, en 1853, la Congrégation déménagea au milieu des années 1860 pour rejoindre la rue de Sèvres. C'est là qu'elle se développa et donna naissance au lendemain de la Commune à plusieurs conférences d'étudiants. L'héritage de l'antique Congrégation La Congrégation de la rue de Sèvres - très vite rebaptisée ‘ Réunion de la rue de Sèvres » pour dissimuler sa nature congrégative - n'était, cependant, que la nouvelle forme revêtue par une Congrégation plus 4 Michel CORNUDET, Souvenir du 25e anniversaire de la fondation de la Réunion des jeunes gens. Bourges : E. Pigelet, imprimeur de l'Archevêché, pp. 6 à 29. Le Prince Jean Gagarin, premier secrétaire de l'ambassade de Russie à Paris avait été converti par le RP Ravignan et madame Swetchine.