Le Fokontany De Tsarahonenana Dans La Commune Rurale De Masindray : La Société Rurale Et Les Pratiques Populaires
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Chapitre V Le fokontany de Tsarahonenana dans la commune rurale de Masindray : la société rurale et les pratiques populaires 1- Historique de la commune rurale de Masindray La commune rurale de Masindray d’une superficie de 76 km² est située à 26,5km au sud-est de la capitale et fait partie du fivondronam-pokontany Antananarivo Avaradrano1. Elle se limite à l’ouest par la commune rurale d’Alasora, au Nord-Est par la commune rurale d’Ambohimanambola, au sud par la commune rurale d’Ankadinandriana, à l’est par la commune rurale d’Alarobia Ambatomanga et au nord-ouest par la commune rurale d’Anjeva. Masindray est composé de 11 fokontany dont Tsarahonenana, constitué de sept villages2. La commune d’Ambohimanambola est la plus proche de la capitale et située à 6km de Masindray. Nous avons choisi le fokontany de Tsarahonenana pour représenter la commune de Masindray. La population du Tsarahonenana est recensée au nombre de 1178 habitants, avec une densité moyenne de population de 3 habitants par km². Le fokontany de Tsarahonenana se trouve au nord-est de la commune de Masindray. Il est composé de sept villages dont Ambohindava, Ambohirohy, Ambodiriana, Maheninarivo, Ankadivory Ampitorahona et Tsarahonenana3. D’après les traditions orales, la circonscription de Masindray a été dominée par plusieurs groupes de notables andriana d’origine différente à l’époque royale. Chaque groupe d’andriana voulait conquérir l’ensemble des villages avoisinants pour étendre sa domination d’où les guerres intestines qui ravageaient tous les villages. D’une part, les vaincus étaient obligés de quitter Masindray en vendant leurs biens aux esclaves, andevo et émigrèrent dans la région du Moyen Ouest, à Trsiroanomandidy où ils créèrent un autre village dont le nom reprend celui de Masindray. Ceux-ci ont définitivement quitté Masindray. D’autre part, les vainqueurs restés sur place ont dû partir pendant la période coloniale à cause de l’indigénat qui était trop dur. Ils ne vendirent pas leurs biens 1Andrianampoinimerina divisa l’Imerina en six toko, parties et fit d’Avaradrano la caste la plus ancienne et instaura l’Amboara (bois très dur utilisé pour faire les cercueils des Rois et aussi souvent employés pour attacher les bœufs). Les six divisions de l’Imerina étaient Avaradrano, Vakinisisaony, Marovatana, Ambodirano, Vonizongo et Vakinakaratra. 2La Commune rurale de Masindray est composée de onze fokontany : Tsarahonenana, Antsaharoaloha, Miadamanjaka II, Aminampanga, Ivoara, Faliarivo, Masindray Tànana, Manazara, Antanamalaza, Antanimenabe, l’étendue de la superficie est de 42 km². 3 Registre du recensement de la commune rurale de Masindray. 1 mais laissèrent leurs terres au soin de leurs serviteurs, d’où la présence massive des descendants des serviteurs sur place4. A l’époque royale, le village d’Ambohindava fut occupé par des groupes de notables riches appelés olom-potsy5ou andriana. Ces notables faisaient essentiellement du commerce de zébus ou dabokandro dans la région de Betsileo6. Pendant leur absence, les serviteurs s’occupaient de leurs biens, leurs habitats, l’agriculture et l’élevage. Ces villages sont situés sur les amonts, faciles à protéger contre les envahisseurs, par le creusement des fossés tout autour du village, caractéristique des villages des Andriana. Ces nobles riches propriétaires du village d’Ambohindava avaient choisi de vivre dans les pays betsileo à cause des conditions physiques et climatiques plus favorables qu’à Ambohindava, où ils pouvaient être maîtres de la région grâce à leur titre de famille noble comme officiers chargés de l’expédition dans le pays betsileo, un moyen pour conquérir de nouvelles terres. En guise de reconnaissance envers leurs serviteurs, ils leurs donnèrent des parcelles de terres à cultiver et des terrains à bâtir. Les principales occupations étaient l’agriculture et l’élevage (essentiellement des bœufs, moutons et des volailles). Le commerce des tubercules au marché d’Anjeva vient après l’agriculture et l’élevage. Toutefois, leurs habitations n’avaient pas été attribuées pour leur retour à Ambohindava. De ce fait, ce sont essentiellement les descendants des serviteurs qui occupent actuellement le village et c’est d’ailleurs la base de la population d’Ambohindava7. Le village de Maheninarivo fut occupé par la famille d’un seigneur appelé Andriamaheninarivo à l’époque royale. Celui-ci était le frère des 6 autres seigneurs qui dominaient la région d’Ambohimanambola. Comme tous les autres nobles, Andriamaheninarivo avait la famille Andrianovitsy, serviteur royal pour s’occuper de leurs biens. Mais à l’arrivée des colonisateurs, il perdait ses serviteurs. L’obligation de la corvée de 10 à 30 jours par mois avait poussé la famille princière à quitter le village et à vendre ses terrains aux serviteurs qui sont les ascendants des populations du village de Maheninarivo et des autres villages8. À l’époque coloniale, la population du fokontany, participait obligatoirement à la construction de la voie ferroviaire Tananarive-Côte Est, subissait fortement le système de l’indigénat avec la corvée obligatoire, payait les impôts. La commune de Masindray contribuait à l’effort de guerre, comme les autres communes lors de la Seconde Guerre mondiale d’où l’insuffisance de la nourriture chez les paysans à cause de l’exportation du riz vers la France. Pour survivre, il fallait cacher la nourriture sinon elle était ramassée par les autorités coloniales. La commune était aussi le théâtre de la répression après l’insurrection de 1947. Les personnes âgées se souviennent que les paysans se cachaient dans les lavabary, réserve du riz sinon dans les herana buissons pour éviter les Sénégalais ayant reçu l’ordre d’éliminer les « traîtres », c’est-à-dire ceux qui étaient en contact avec les partisans de l’insurrection. 4 Source : Maire actuel de la Commune de Masindray. 5 Olom-potsy traduit littéralement la peau claire de la personne issue de la famille noble ou andriana. 6 Le pays betsileo dont la capitale est Fianarantsoa, se trouve au Sud d’Antananarivo. 7 Source : interview de M. Randriamora, 103 ans, habitant du village d’Ambohindava. 8 Source : l’ancien PCLS de Tsarahonenana. 2 L’accession de Madagascar à l’indépendance en 1960 annonçait une nouvelle perspective, loin de la pression coloniale. La population s’est remise à ses principales occupations, à savoir l’agriculture, l’élevage et les autres activités complémentaires comme le petit commerce et les activités artisanales. A cette époque, selon les vieux paysans, la population paysanne n’avait pas vraiment à se plaindre car tout ce dont elle avait besoin était accessible et à des prix raisonnables. Seuls les impôts9 étaient exorbitants et encore en application après l’indépendance. Rakotozafy Edouard, 72 ans évoque que : « L’obligation des impôts était la misère pour les gens pendant l’époque coloniale et lors de la première république. Si le paiement d’impôt avait toujours continué encore jusqu’à nos jours, nous serions encore et davantage plus pauvres. Depuis cette époque, les gens n’ont aucune confiance envers l’Etat »10. Rakotojaona, 70 ans, explique la même chose : « J’ai remarqué qu’avant, on peut dire que les gens vivaient bien. Le pouvoir d’achat était moyen. Les gens n’étaient pas dans les difficultés et tout le monde s’entend bien, se respecte des plus petits au plus grands. Maintenant, on ne sait vraiment plus rien. Les gens deviennent différents, on arrive même à dire qu’il n’y a plus de confiance. Le niveau de vie a fortement baissé. La majorité des paysans sont dans la difficulté où ils sont obligés de vendre leurs biens pour réaliser un projet ou encore s’endetter. Alors, ils sont plus acquittés de leurs dettes. S’ils arrivent à s’en débarrasser, d’autres endettements viennent s’ajouter. Pendant un certain moment, quelques personnes sont devenus usuriers. C’est une pratique qui n’a pas pu tenir longtemps du fait qu’elle a provoqué des problèmes au niveau du village. Les relations sociales ont failli être coupées. C’est le fokonolona qui est intervenu pour régler le problème car sinon la famille qui a emprunté se retrouvait sans rien pour s’acquitter de ses dettes. C’est honteux. Désormais personne n’a plus le droit d’être un usurier par contre on peut louer les terres »11. Masindray a été frappé par la crise comme l’ensemble du pays dans les années 1980. Cette crise s’est manifestée en milieu rural par l’insuffisance du riz. Exportateur du riz jusqu’en 1972, Madagascar est devenu importateur de riz. La production nationale n’arrivait pas à satisfaire les besoins en riz à cause de la forte baisse de la productivité, dûe au départ massif des sociétés d’exploitations rizicoles étrangères, suite à la politique de nationalisation des entreprises au début des années 1970. Le riz importé ne couvrait pas la demande nationale. Le manque touchait les produits de première nécessité comme le sucre, l’huile, le pétrole à lampion, savon qui n’étaient plus approvisionnés régulièrement mais par l’intermédiaire des spéculateurs qui faisaient régner le marché parallèle, risoriso. À Masindray comme partout ailleurs, les paysans ont souffert de cette crise. 9 Impôt de capitation karatra isan-dahy, à payer par les hommes en âge de travailler et impôts sur les bœufs karatr’omby qu’il faut payer tous les ans. 10 Voir Annexes, n° 26. 11 Voir Annexes, n° 98. 3 Afin de faire face à la prolifération du risoriso, le fokonolona se réunissait et décidait de créer une association des paysans du nom de Famonjena dont le siège se trouvait à Ambohindava pour lutter contre l’insuffisance du riz et des produits de première nécessité. La recette de cette association était constituée par la cotisation de ses membres afin de se procurer des produits dans la capitale.