Roland-Garros. Soixante Ans De Tennis
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LES OLYMPIQUES Collection dirigée par Bernard Morlino LE DEFI DE SEDAN Yanny Hureaux, préface d'Antoine Blondin. LA TRAVERSEE DU VERCORS sous la direction de Régis Maldamé. LES DEFIS DU RACING, un siècle de football parisien : 1887-1987, Bernard Morlino. LE DEFI DE L'OLYMPIQUE DE MARSEILLE, Jean-Claude Juan et André de Rocca, préface de Michel Hidalgo. A paraître : x LA PASSION DES VERTS, Monique Pivot, préface de Jorge Semprun. LE DEFI DES GIRONDINS, François Trasbot. LE DEFI DE L'OLYMPIQUE LYONNAIS, Olivier Blanc. Roland-Garros soixante ans de tennis A Marie. @ LA MANUFACTURE, 1987, 13, rue de la Bombarde, 69005 LYON Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous les pays, y compris l'U.R.S.S. ROLAND-GARROS Soixante ans de tennis Préface de Louis Leprince-Ringuet de l'Académie française Gérard Marchadier LES OLYMPIQUES la manufacture Sommaire Préface, Louis Leprince-Ringuet 11 Trois petits courts et puis s'en vont 97 Un dimanche, 5 juin 1983 15 Les apprentis-sorciers 102 1984 : guerre froide pour un tournoi Le temps des virtuoses et de l'ennui 107 d'anthologie 19 L'éternel retour 115 L'ordre établi 23 Mai 68 119 Oasis rouge au temps des assassins 31 Chelem et cuisine 122 Flash-back 39 Monsieur Roland Garros 41 Le joli mai des magiciens 123 Nastase, le génie incarne 127 Les pionniers : Max Decugis 45 Un Viking nommé Borg 131 ... Suzanne Lenglen 47 Parenthèses 139 Un photographe nommé Lartigue 49 Le tennis venu du froid 141 La première pierre 51 Fenêtre sur court 142 Quatre garçons dans le vent 55 Roland-Garros à l'affiche 145 L'âge d'or, suite et fin 63 Jacques "Tbto" Brugnon 71 Philippe Chatrier 150 Jean Borotra 73 Autour de la tribune D 153 Henri Cochet 75 Annexes : René Lacoste 77 1928-1986, soixante années de résultats ........ 157 Roland-Garros cosmopolite .................... 81 Champions juniors 185 La guerre 91 Repères bibliographiques 186 L'an 37 avant Noah ......................... 93. Index des principaux noms cités .............. 187 Marcel Bernard, juin 1934. Les champions D'un courage indompté que leur orgueil banda La chemise percée et la face tomate Ils luttent, Yankee glabre et moderne Sarmate Sous un soleil cuisant d'Alger ou de Blida A coups de lemon-squash et de Whiskey-soda Ils chassent de leurs nerfs la torpeur qui les mate. La balle va, revient, suit le geste automate : Lutte épique, égalant les hauts faits de l'Edda. Mais la fortune enfin fait son choix et bascule. Quinze, trente, quarante... A Roncevaux, Roland Lui-même succomba. Dans un ultime élan, Il bondit sur le lob trop court qui s'émascule, Et d'un smash foudroyant, tel un assassinat, Gagne le jeu, le set et le championnat. José-Maria de Heredia (1895) Louis Leprince-Ringuet et son ami Jean Borotra, deux polytechniciens unis, depuis 1920, par la passion du tennis. Préface Roland-Garros : soixante ans déjà ! J'avais vingt-six ans à l'époque, fana de tennis, fervent du T.C.P., ami de Jean Borotra depuis l'Ecole polytechnique en 1920. Nous étions de la même promotion, mais il avait fait la guerre de 1914-1918, était revenu avec galons d'officier et décorations. Je suivais sa rapide ascension tennistique et admirais son jeu agressif, dynami- que, ses volées efficaces, souvent acrobatiques, sa joie de lutter et de gagner, son tempéra- ment sportif. Depuis, notre amitié s'est constamment renforcée et, progressivement, je fis connaissance de nos autres mousquetaires, Henri Cochet, René Lacoste, Jacques Brugnon, et ne manquais jamais leurs exploits. Je me souviens parfaitement — les souvenirs de jeunesse sont d'une grande précision — de Gobert, avec son style magnifique, de Decugis, solide et tenace, de Suzanne Lenglen natu- rellement. En 1927, après le gain de la coupe Davis à Philadelphie, la construction de Roland- Garros fut décidée et rapidement menée grâce au don du terrain appartenant au Stade fran- çais et à l'aide importante de la Ville de Paris. Pourquoi le nom de Roland Garros, aviateur 11 de la glorieuse escadrille des Cigognes, tombé en octobre 1918, quelques jours avant l'armis- tice du 11 novembre ? C'est à la demande du Stade français qui le comptait surtout comme joueur de rugby. Voilà donc notre beau stade construit sur un site merveilleux, à la porte de Paris. Roland-Garros connaît, dès sa mise en service, un éclatant succès. Cochet bat Lacoste en finale, puis nos quatre mousquetaires s'imposeront en coupe Davis et réussiront à la gar- der jusqu'en 1933. Glorieuse époque ! Lorsqu'on consulte le palmarès de Roland-Garros, on est frappé par la succession de gran- des périodes. Les Français gagnèrent toutes les finales du simple messieurs jusqu'en 1932. Quelques années plus tard, les Américains avec Budge, Mac Neil, Parker, Patty, Trabert, gagne- ront sept fois jusqu'en 1954, leurs victoires étant entrecoupées par celles de quelques Euro- péens dont notre Marcel Bernard, l'Allemand von Cramm et, deux fois, le Tchèque Drobny au jeu solide et puissant. Puis ce fut la série australienne : dix fois entre 1953 et 1968, avec le merveilleux Rosewall, Hoad, Rose, Roche et l'adroit gaucher Laver. Enfin, après les Espa- gnols Santana et Gimeno, le Roumain Nastase, le Tchèque Kodès, la grande domination sué- doise depuis 1974. Six victoires de Borg, puis deux de Wilander. Noah redonnait à la France, en 1983, son premier succès après trente-sept années d'éclipsé. Jamais je n'ai manqué Roland-Garros, et certaines parties restent profondément gravées dans ma mémoire. Une fin de troisième set entre Cochet qui avait perdu les deux premiers et le grand, superbe, Tilden qui courait vers la victoire, menant cinq jeux à quatre dans le troi- sième. Cochet parvint à égaliser à cinq partout, non sans mal, et, à partir de ce moment, on assista à un tennis de rêve. Le puissant service de Tilden est repris en demi-volée par notre champion qui croise avec une étonnante facilité des coups droits courts, occupe le filet, gagne le set et empoche les deux suivants. Je pourrais décrire longuement tous ces souvenirs de parties acharnées, mais je me conten- terai de celle qui opposa François Jauffret au jeune Borg, le lundi de Pentecôte 1976. Une foule dense, bigarrée, un stade bondé au point que des milliers de jeunes erraient autour des grillages, cherchant vainement à entrer après qu'on eut affiché « complet ». Le plus beau temps de l'année, ce qui signifie, sur le court entouré par les quinze mille spectateurs, une chaleur accablante pour les joueurs. Il ne s'agissait même pas de la finale, seulement d'un match de progression. Mais les deux adversaires étaient attendus par la foule. L'un, le jeune et fougueux Borg, Suédois, vingt ans depuis la veille, champion du monde. Il a déjà gagné Roland-Garros et espère bien inscrire à nouveau son nom au palmarès. L'autre, 12 notre seul Français encore en course, seul sur quinze au départ, François Jauffret, trente- quatre ans, solide, courageux, volontaire. A priori, pas de commune mesure. La jeunesse, la classe, la vitesse, les jambes de vingt ans, la remarquable technique, les services, la préci- sion, tout milite pour Borg. On s'attend à un écrasement facile en trois sets. En fait, la partie commence mal pour Jauffret. Malmené, débordé de tous côtés, malchanceux aussi, subis- sant la loi du placement et de la vitesse, il voit s'envoler ses espoirs avec le premier puis le deuxième set gagnés facilement par Borg. Le troisième commence. Alors Jauffret, malgré le lourd handicap de la chaleur et du mauvais départ, résiste de mieux en mieux, lutte, attaque, avec une concentration et une volonté exemplaires. Il prend le troisième set. Après le repos, commence le quatrième. Là encore Jauffret se surpasse : il gagne, difficilement, sous les clameurs d'un public chauffé à blanc. C'est du délire. Hélas, dans le cinquième et dernier set, Borg aligne les trois premiers jeux : c'est fini, semble-t-il, Jauffret est à bout de forces, mais voilà encore un sursaut ponctué par les applaudissements et les cris de la foule. Il parvient à égaliser, prend même un jeu d'avance ; il est à un jeu seulement, soit quatre points de la victoire. Alors, de minute en minute, c'est l'émotion presque insoutena- ble : cinq partout, puis six partout ; Jauffret sauve une balle de match, puis sept partout, huit partout, et enfin Borg gagne dix à huit, après des péripéties et des alternatives renou- velées d'espérance et de crainte. Quatre heures de jeu en plein soleil. Quelle épreuve ! Ce n'est pas pour décrire un beau match que j'écris ces lignes, mais pour présenter quel- ques réflexions sur le courage et la sportivité. On a besoin de sportifs bien trempés. Nous en possédons trop peu. Les jeunes actuels, pourvus de dons certains, déçoivent par leur manque de tempérament. Il nous faut des hommes, pas des lavettes. Or, autour de nous, propulsés par notre civilisation de la facilité et du confort, que voit-on ? Surtout des êtres sans solidité, agressifs certes mais sans réel tempérament. Il leur manque une âme forte et virile. Ce n'est pas le confort de la vie moderne qui nous dotera de ces personnalités sans lesquelles nous courons inévitablement vers la médiocrité, vers une sorte de dégénérescence. La foule l'a bien compris. Jauffret ovationné, c'était l'hommage au courage, à la personna- lité émergeant enfin de la grisaille. D'ailleurs, il ne suffit pas d'être courageux. Le tennis exige habileté, audace, prudence : attaquer au bon moment, construire son jeu.