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16 Avril - 26 septembre 2016

Dossier pédagogique

Dossier réalisé par le service éducatif et le service des publics du musée des Beaux-Arts de .

Musée des Beaux-Arts de Rouen 1

1ère de couverture Gustave Caillebotte, Intérieur ou Femme lisant, 1880, huile sur toile Collection particulière

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SOMMAIRE p. 3

I- INTRODUCTION ET PRESENTATION DE L’EXPOSITION p. 4

II- PARCOURS DE L’EXPOSITION p. 5

III- PISTES DE REFLEXIONS p. 14 A- La bourgeoisie mise en scène p. 14 B- Le réseau p. 17 C- Intérieur, extérieur p. 25 D- Regardant, regardé p. 27

IV- PISTES PEDAGOGIQUES p. 33 A- XIXème et la bourgeoisie mise en scène p. 33 B- Peinture et modernité p.33 C- Rapport texte-image p. 34

V- ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES p. 36

VI- POUR ALLER PLUS LOIN p. 38 - Chefs-d’œuvre impressionnistes dans les collections permanentes - Parcours «portrait» dans les collections permanentes

VII- VISITER L’EXPOSITION AVEC SA CLASSE p. 39

ANNEXES p. 40 Quelques biographies p. 40 Repères chronologiques p. 43

3 I - INTRODUCTION ET PRESENTATION DE L’EXPOSITION

Dans le cadre de la troisième édition du Festival Normandie Impressionniste, consacré au thème du portrait, le musée des Beaux-Arts de Rouen entreprend d’étudier une facette plus secrète de ce mouvement pictural, en explorant l’histoire intime de ce qui apparaît à bien des égards comme une véritable famille d’artistes. Spontanément associés à la peinture de paysage, les impressionnistes ont toutefois consacré une part importante de leur travail à des sujets neufs, pris dans leur environnement urbain, social ou intellectuel, dont ils se sont attachés à peindre les transformations. Ces artistes, souvent décrits comme des adeptes du plein-air, s'emparent dès leurs premières œuvres de la représentation des intérieurs, appartements modernes, nouveaux lieux de sociabilité dans lesquels évoluent leurs contemporains, pour en faire un de leurs sujets de prédilection. Cette nouveauté ouvre la voie à Bonnard et Vuillard, pour qui le cercle feutré dans lequel évolue le citadin constitue une source inépuisable d’inspiration.

Ces tableaux sont autant d’occasions de sortir des ateliers et d’offrir une vision neuve d’un univers familial et des relations entre les individus alors en plein bouleversement sous les effets de la croissance urbaine et industrielle et des transformations sociales et culturelles. À ce titre, cette exposition permet de comprendre l'évolution de l'histoire sociale de la , et particulièrement celle de la famille, dont de nombreux travaux universitaires dans la lignée de ceux d'André Burguière ont renouvelé notre perception ces dernières années.

Dans un siècle où évoluent les rôles de chacun dans la société, où la place de la femme, celle de l’enfant, celle de l’artiste, font l’objet de nouvelles définitions, les impressionnistes ont été eux aussi des fils, des pères, des amants, des maris. Certains thèmes déjà étudiés lors de précédentes expositions (Camille, Brême, 2006 ; Impressionist Interiors, Dublin, 2008 ; Degas et le nu, Musée d'Orsay, 2012) sont ici mis en perspective de façon inédite. À travers onze thèmes articulés chronologiquement, une centaine de peintures de première importance, mais aussi des photographies, des dessins, des sculptures et des correspondances, l’exposition offre une plongée au cœur d’univers personnels souvent occultés par une œuvre immense.

Après avoir organisé deux expositions de référence sur le mouvement impressionniste, Une ville pour l’Impressionnisme (2010) et Éblouissants reflets (2013), le musée des Beaux-Arts de Rouen, où Claude Monet expose dès 1872 le portrait de sa femme Camille sous le titre de Méditation, poursuit sa démarche en proposant, avec Scènes de la vie impressionniste, d’explorer un nouvel aspect, méconnu, de l’aventure impressionniste.

4 II - PARCOURS DE L’EXPOSITION

1. Monet et la caricature Le plus célèbre des impressionnistes n’a débuté sa carrière ni avec des paysages, ni avec des nymphéas, mais avec des « portraits-charges ». Tout juste sorti du lycée où il remplit les marges de ses cahiers de dessins irrévérencieux, le jeune homme qui signe encore « Oscar », se procure son argent de poche en croquant la société havraise et les touristes de passage. Avec le développement de la presse et l’invention de la lithographie qui permet de reproduire le dessin aisément, un nouveau média apparaît au XIXe siècle : le journal satirique. Du ministre au bourgeois, en passant par l’artiste ou l’ouvrière, nul n’échappe au regard acéré des caricaturistes, qui deviennent de véritables célébrités, tel Nadar dont Monet s’inspire à Claude Monet ses débuts. Léon Manchon, vers 1854 Exposées dans la devanture d’un encadreur du Havre ces caricatures lui Graphiste rehaussé de blanc 56 x 42 cm offrent un premier succès et, sans la rencontre avec Boudin qui y montre Rouen, musée des Beaux-Arts ses marines, le jeune homme aurait peut-être poursuivi dans la voie du dessin de presse. En épousant la carrière de peintre, Monet abandonne symboliquement le prénom d’Oscar et signe désormais de son deuxième prénom, Claude, se plaçant ainsi sous le parrainage du plus célèbre des paysagistes français du XVIIe siècle, Claude Gelée dit Le Lorrain. Cette première transition préfigure l’évolution de son œuvre, du portrait au paysage, genre qui fera son succès.

2. Portraits de Famille Le portrait de famille est un exercice ancien permettant aux peintres de prouver leur virtuosité à saisir la diversité des expressions et des personnalités, et d’offrir une image avantageuse de leur situation personnelle. Les impressionnistes n’ont pas négligé cette tradition picturale : c’est souvent un portrait de famille qui leur ouvre les portes du Salon, ou qui lance leur carrière. Lors des Salons de 1877 et 1878 deux portraits de famille de conception diamétralement opposée retiennent l’attention. Le déjeuner dans la serre de Louise Abbema, avec son intérieur exubérant réputé être celui de Sarah Bernhardt, annonce à la fois par son titre et son sujet un tableau qu’Edouard Manet ne réalisera que deux ans plus tard1. La jeune peintre connaîtra une éclatante carrière de portraitiste mondaine avant de sombrer dans l’oubli. Fantin-Latour, connu pour ses sympathies impressionnistes, présente l’année suivante La famille Dubourg où se retrouvent son épouse Victoria, sa belle-sœur et ses beaux-parents. La toile, bien que parfois jugée d’une sévérité excessive, est très bien accueillie et incarne aux yeux de la critique « l’individualisme moderne ». Fantin-Latour, déjà célèbre mais réputé pour sa timidité, poursuivra une carrière solitaire et exigeante. Deux compréhensions de la modernité sont ici à l’œuvre : l’esprit tapageur d’une société élégante d’une part, le recentrement de la famille bourgeoise sur son intimité d’autre part. Si le peintre classique mettait sa famille en scène selon les normes de la respectabilité, l’impressionniste lui, déverrouille les codes de la représentation pour rendre explicite la véritable nature des comportements, comme les relations entre les individus.

3. Identités artistiques Il est de tradition pour un peintre d’échanger des portraits avec ses condisciples et d’interroger sa propre image. Au cours du XIXe siècle, cette tradition académique a été réinvestie par les peintres en rupture comme un moyen d’affirmation de soi, voire un geste de défi à l’égard de la société.

1 Berlin, Alte National Galerie

5 Au début de leur carrière, les impressionnistes pratiquent volontiers cet exercice. Ils mettent en scène leurs relations amicales, familiales, les liens d’estime et de respect mutuels, et cèdent parfois à l’introspection. Ainsi pour Auguste Renoir et Claude Monet, qui se rencontrent dans l’atelier de Charles Gleyre au début des années 1860, ou Édouard Manet et , unis par une profonde tendresse, au-delà de leurs liens familiaux. Chez Degas, le portrait est souvent l’occasion d’exprimer des liens d’amitié, qu’il s’agisse de son vieux camarade de lycée Alfred Niaudet ou de ses compagnons de guerre, Jeantaud, Linet et Lainé. Au-delà de la sphère intime, d’autres personnalités jouent un rôle crucial dans l’émergence du mouvement impressionniste : des marchands comme Ambroise Vollard, des critiques d’art tel Diego Martelli, ou encore des collectionneurs comme Victor Chocquet. Leurs Edouard Manet Berthe Morisot au bouquet de portraits sont autant de témoignages d’amitié, mais aussi de violettes, 1872 dépendance mutuelle, dans le nouveau système économique qui se Huile sur toile, 55 x 40,5 cm , Musée d’Orsay met progressivement en place. Mais ces tableaux, conçus pour être exposés, ont également une dimension stratégique : en choisissant de révéler publiquement ces visages, les impressionnistes dévoilent un réseau de solidarité solidement implanté dans les cercles les plus influents.

4. Muses et modèles L’image de la femme occupe une place immense dans l’œuvre des impressionnistes. Si la plupart d’entre eux ne pratique qu’assez rarement le portrait de commande, leurs toiles nous restituent néanmoins les traits d’un grand nombre de personnages identifiés. Les effigies de ces compagnes, amies ou parentes, leur permettent de célébrer la séduction particulière de la femme moderne, la beauté de ses toilettes, son cadre de vie. Le statut de ces œuvres est souvent ambigu et la frontière entre portrait et scène de genre incertaine. On reconnaît les épouses des artistes dans La Lecture de Manet ou dans Méditation de Monet, mais comme chez Renoir, Pissarro ou Gauguin, ces toiles peuvent également être reçues comme des moments d’intimité domestique mettant en scène des personnages anonymes. Toutefois, il est manifeste que l’enjeu du tableau ne se limite pas à quelques séances de pose : la proximité entre le peintre et son modèle confère parfois à ces toiles une intensité particulière, qui se nourrit des liens psychologiques et sentimentaux unissant le couple. Manet et Renoir ont été particulièrement sensibles au pouvoir de suggestion de certaines femmes : le premier dépeint à plusieurs reprises Suzanne Leenhoff, sa compagne ; il est littéralement captivé par l’image de Berthe Morisot, comme il est séduit quelques années après par la fraîche figure d’Isabelle Lemonnier. Renoir fait poser sa maîtresse Tréhot dans la plupart des toiles importantes de ses Albert Bartholomé débuts. Plus tard, ce sont Henriette Henriot et Nini Lopez qui Dans la serre, Salon de 1881 deviennent ses modèles de prédilection, avant qu’il ne multiple les Huile sur toile, 235 x 145 cm Paris, Musée d’Orsay effigies de sa femme Aline ou de , sa gouvernante, dans des œuvres qui ne répondent plus qu’imparfaitement à la définition du portrait, mais s’attachent inlassablement à dégager un archétype féminin.

6 5. L’enfance Avec le recul spectaculaire de la mortalité infantile, la place de l’enfant au sein de la famille devient dans le dernier tiers du XIXe siècle l’objet de toutes les attentions. Une meilleure connaissance de la psychologie propre au jeune âge et des étapes de son développement lui confèrent un nouveau statut, celui d’une personne à part entière. Genre constitué depuis la Renaissance, le portrait d’enfant connaît parallèlement un succès grandissant. S’ils se réfèrent à leurs illustres aînés, Titien, Vélasquez ou Chardin, les impressionnistes savent aussi s’en affranchir, non sans un certain humour, comme Monet qui détourne la tradition du portrait équestre et princier, en fixant l’image de son fils caracolant sur son cheval mécanique. Pierre Auguste Renoir Aux conventions jusque-là de mise se substituent des sujets plus Claude et Renée, vers 1902- intimes, moments ordinaires de la vie familiale qui donnent à voir des 1903 Huile sur toile78,7 x 63,5 cm enfants au berceau, à l’étude ou occupés au jeu, tantôt idéalisés, Paris, Musée d’Orsay tantôt réalistes. Le naturel des poses, qui tranche avec les représentations académiques, est cependant obtenu au prix de longues séances fastidieuses pour l’enfant, comme certains modèles devenus grands l’ont relaté. A travers leurs tableaux, les impressionnistes illustrent les principes modernes qui guident l’accompagnement de l’enfant, éducation et loisirs, tout en exprimant d’une façon nouvelle et sensible l’affection de l’amour parental. Il ne s’agit plus désormais de faire le portrait d’adultes miniatures mais de saisir cet instant fugace qu’est l’enfance, non sans parfois quelque gravité. Dans les portraits des fragiles et vulnérables Jeanne-Rachel et Félix Pissarro, qui mourront prématurément, il semble que ce n’est plus le peintre qui observe son enfant, mais l’inverse.

6. Correspondances : lettres et liseuses Le XIXe siècle est un moment décisif pour l’entrée en écriture de toute une société, en raison des progrès sans précédent de l’alphabétisation, du développement des déplacements humains et des transactions économiques. La correspondance devient le lieu de l’expression privilégiée de l’attachement entre les êtres, et plus généralement celui de la sphère privée. Tenus comme le moyen le plus sûr d’entrer dans les coulisses de la vie privée, les lettres et billets qui nous sont parvenus constituent des témoignages précieux pour l’historien : d’un style spontané souvent proche de l’oralité, ils livrent une part de l’intimité d’artistes confiant leurs doutes et leurs interrogations à leurs proches, débattant entre eux de questions artistiques ou faisant part de leurs préoccupations quotidiennes. Les impressionnistes ont souvent dépeint des scènes de lecture, donnant ainsi à voir l’importance qu’elle tenait dans les comportements sociaux, tout en saisissant l’état psychologique des lectrices ou lecteurs absorbés dans leur activité. Ils ont également entretenu des échanges épistolaires intenses avec leurs proches ou leurs pairs, en associant souvent le dessin à l’écriture. Cependant, lorsqu’ils abordent ce thème dans leurs œuvres, Gustave Caillebotte, Armand Guillaumin, ou encore Otto Scholderer représentent essentiellement des femmes. Consciemment ou non, ils s’inscrivent ainsi dans une mode à la fois littéraire et picturale pour des sujets sentimentaux, dont Flaubert moque le simplisme dans son Dictionnaire des idées reçues : «Genre épistolaire. Genre de style exclusivement réservé aux femmes. »

7. Jeunes et Julie Le XIXe siècle voit la « découverte » de l’adolescence, désormais comprise comme un moment décisif de la vie avec ses spécificités propres. Pédagogues, moralistes, médecins, psychologues, mais aussi écrivains et artistes se penchent sur cette « deuxième naissance », considérée comme une période de crise mais aussi de transition et de potentialités. Cette attention nouvelle, limitée sous le Second Empire à une population masculine et bourgeoise, s’étend à l’époque impressionniste aux filles et aux milieux populaires. D’ « un âge de classe », l’adolescence devient une « classe d’âge » distincte et universelle. Mais si les lois Ferry permettent en 1882 aux jeunes filles l’accès à l’enseignement secondaire, la « fabrique des filles » oscille toujours entre contrôle et volonté éducatrice.

7 Les tableaux les montrant occupées à lire, à faire de la musique ou devant leur miroir ne sont pas exempts de ces stéréotypes. Ces prétendues « tranches de vie », qui semblent le reflet d’une vie bourgeoise à laquelle les impressionnistes aspirent, sont pour beaucoup destinées au marché. Les « jeunes filles modèles» de Renoir, recrutées spécialement pour incarner ce qu’il qualifie de « genre commerce», conservent leur anonymat. Bien différente est la suite de peintures consacrée par Berthe Morisot à sa fille Julie. Dès sa naissance en 1878, Julie grandit dans un environnement culturel exceptionnel, entre son oncle Edouard Manet et ses tuteurs, Mallarmé et Renoir. Mais c’est surtout l’extraordinaire qualité de la relation entre une fille et sa mère trop tôt disparue, qui retient ici l’attention. L’acuité avec laquelle Berthe Morisot saisit Berthe Morisot l’expression rêveuse de Julie avec son lévrier offre une véritable Julie Manet et Laërte, dit méditation sur l’adolescence, où la mélancolie paraît se teinter aussi Jeune fille, 1893 Huile sur toile, 73 x 80 cm d’inquiétude face à l’indétermination de l’existence. Paris, Musée Marmottant Monet

8. En société Les transformations sociales qui apparaissent à la fin du XIXe siècle offrent aux peintres et aux écrivains l’opportunité de traiter des sujets inédits, hors de la sphère académique ou politique. Peu de moments ont permis dans l’histoire une telle concordance de points de vue, si l’on considère par exemple la peinture de Manet ou Degas et les récits de Zola ou Maupassant. Au moment où les impressionnistes entreprennent de représenter le temps présent, Paris est devenue la cité des plaisirs à la mode. Magasins de nouveauté, squares, brasseries, galeries de peinture Eva Gonzalès Une loge aux Italiens, 1874 apparaissent sur les Grands boulevards récemment percés, où se Huile sur toile, 98 x 130 cm croisent flâneurs, grisettes, et dandys. Paris, Musée d’Orsay Le théâtre, celui des Français ou des Italiens, mais aussi le tout nouvel opéra Garnier, est le lieu emblématique d’une bourgeoisie triomphante. Dans les baignoires, au parterre ou dans les loges privées, les dames de la bonne société exhibent les symboles de leur réussite sociale, toilettes, bijoux, et tiennent salon en dehors de chez elles, sans disconvenir aux bienséances. Le café, lieu d’une sociabilité rénovée et ouverte aux échanges, joue un rôle essentiel dans la genèse du groupe impressionniste. Le café Guerbois, puis celui de la Nouvelle Athènes, sont les points de ralliement où collectionneurs, critiques et artistes débattent des idées neuves. Les impressionnistes explorent les possibilités plastiques offertes par ces nouveaux endroits, en jouant avec les miroirs, l’éclairage artificiel, ou encore les costumes de leur temps. Si les modèles sont souvent des proches, leur identité est reléguée au second plan : au-delà de la confusion entretenue entre portrait et scène de genre, ces tableaux se situent comme autant d’allégories de la vie moderne et de la nature nouvelle des relations humaines.

9. Intimités On observe au cours du XIXe siècle une séparation grandissante des sphères publiques et privées, de la société civile et de la famille, ainsi qu’une répartition nouvelle des domaines masculins et féminins. Au fur et à mesure de son accession au pouvoir, la bourgeoisie a imposé un nouveau mode de vie, où l’univers familial et intime concentre ce qui auparavant relevait de la sociabilité publique. Sous l’effet de l’industrialisation, le travail est dissocié de la demeure, désormais perçue comme un havre de paix et de ressourcement, opposé au monde extérieur. Si l’intérieur bourgeois prend en compte certaines obligations sociales à travers ses espaces de réception, salon, billard, fumoir, serres…, il en réserve d’autres aux seuls membres de la famille, chambre, boudoir, cabinets de toilette, et assigne à chaque sexe sa place selon le rôle qui lui est dévolu, exception faite de la salle à manger où la mixité est préservée.

8 Fidèles à leur ambition de peindre tous les aspects de la modernité, les impressionnistes ont exploré ces deux faces de la vie domestique. En dehors du rituel social du déjeuner dans la serre, ou du thé de l’après-midi, la femme, identifiée comme mère, épouse ou sœur, est le plus souvent représentée dans l’univers privé, occupée à de vertueux travaux d’aiguille. Franchir le seuil de la chambre est plus transgressif que de faire poser un nu dans l’atelier et les incursions des impressionnistes dans ce domaine, comme avec Zandomeneghi, sont exceptionnelles. Degas, puis les nabis, pousseront plus loin l’observation du réel en restituant des scènes de la vie quotidienne dénuées de toute signification morale. La banalité ordinaire de l’existence y Edouard Vuillard Le Déjeuner du matin, 1903 oscille entre le poétique et le trivial, montrant sans fard les Huile sur toile, 57 x 60 cm petites misères de l’humanité, comme ses moments de grâce. Paris, Musée d’Orsay

10. Le temps retrouvé

1900 est l’année du triomphe de l’impressionnisme. Pour le début du siècle, la France organise l’Exposition universelle et réunit au Grand Palais et au Petit Palais, construits pour l’occasion, mille ans d’art français. Tous les artistes qui ont secoué le XIXe siècle de leurs audaces sont représentés, à l’égal de ceux qui prétendaient autrefois leur faire barrage. Pour la génération impressionniste, le temps des combats est terminé et les portraits en buste que Paul Paulin laisse de Degas, Monet, Renoir, Pissarro, sont le signe d’une respectabilité chèrement acquise. Maurice Denis La nouvelle école quant à elle a fait son choix parmi les peintres de Hommage à Cézanne, 1900 cette rétrospective: c’est autour d’un tableau de Cézanne que Huile sur toile, 182 x 243,5 cm Paris, Musée d’Orsay Maurice Denis représente les jeunes peintres du groupe Nabi religieusement rassemblés chez le marchand d’art moderne, Ambroise Vollard. Les nabis vont poursuivre par d’autres moyens picturaux la révolution des impressionnistes, reprenant leurs thèmes, et en particulier les portraits de groupe ou les scènes de la vie intime. En 1911, c’est une toute autre réunion d’artistes dont le peintre Grün fixe le souvenir. Il y a bien longtemps que le Salon des Artistes Français, qui rassemble les tenants de la tradition, n’est plus que l’ombre du grand Salon d’autrefois, où se faisaient et se défaisaient les réputations. Qu’importe pour cette société élégante si le Salon des indépendants ou le Salon d’Automne sont les nouveaux champs de bataille de la modernité. Avant que l’âge ou la première guerre mondiale ne les emporte, les anciennes gloires de l’art académique ont pris possession du Grand Palais. Ironie ou indifférence, le tout-Paris se presse au pied d’un monument à Corot, celui-là même qui accompagna les débuts des impressionnistes.

9 III - PISTES DE REFLEXIONS

L’exposition Scènes de la vie impressionniste permet aux enseignants de faire travailler des élèves de tout âge dans de nombreuses matières, tant ce mouvement pictural est représentatif d’un siècle et d’une période où le renouvellement des savoirs et l’irruption de la technique s’accompagnent d’une modification des sensibilités. Nous avons choisi quatre éclairages pour aborder cette exposition riche que nous développerons avant de suggérer quelques pistes pédagogiques concrètes. Vous trouverez aussi des fiches œuvres développées dont nous vous conseillons la lecture dans sa version téléchargeable et en couleur.

A- LA BOURGEOISIE MISE EN SCÈNE

Tableau analysé: Louise Abbéma, Le déjeuner dans la serre, 1877, huile sur toile, Pau, musée des Beaux-Arts

La mise en scène sociale de la bourgeoisie par la bourgeoisie: en effet si l’impressionnisme est au départ, mal compris des milieux bourgeois qui craignent les audaces de l’avant- garde et préfèrent les conventions sans risque de l’académisme et du conformisme, les peintres eux-mêmes, pour la plupart, issus de ce milieu, vont s’évertuer à le mettre en scène.

Le groupe impressionniste est un rassemblement hétérogène d’individus, tout à la fois proches et distincts. Pratiquement de la même génération, ils ont passé leur jeunesse sous le Second Empire et vivent leur maturité sous la Troisième République. Ils captent l’air du temps, se représentent eux-mêmes et leurs contemporains dans leur environnement familier, saisissent sur le vif des instantanés de la vie quotidienne à la ville comme à la campagne, à l’intérieur comme à l’extérieur. Ils ne sont pas tous parisiens, mais tous ont vécu plus ou moins longtemps dans la capitale. Ils appartiennent, à quelques exceptions près dont Renoir, Pissarro ou Guillaumin, à des milieux bourgeois plus ou moins aisés dont ils mettent en scène les pratiques sociales.

«L’impressionnisme ? Il se nettoie, il met des gants. Bientôt il dînera en ville.» annonce Charles Tardieu, critique, dans La peinture au Salon de Paris (L’Art, tome II, 1879). Les impressionnistes commencent rebelles et finissent reconnus. Le début des années 1870 avait été le temps de la constitution du groupe impressionniste, de sa labellisation, des premières expositions, des tractations avec les marchands, la presse, les amateurs, souvent dans une position de confrontation. Après 1877, le ton semble changer. S’élabore la stratégie d’un groupe hésitant entre les réseaux traditionnels (Ecole des Beaux-Arts, Académie et Salon) et l’incertitude des expositions de groupe. L’impressionnisme commence d’ailleurs à se répandre au Salon, sous des apparences acceptables (ex: Jules Bastien-Lepage et Giuseppe De Nittis, premier peintre attitré de la vie parisienne). Ayant quitté le café La Nouvelle Athènes, les impressionnistes semblent s’adresser à un nouveau type de public: ils peignent le Paris bourgeois, s’adaptant à une demande potentielle des marchands, galeries, collectionneurs...

1- Se mettre en scène: les portraits de groupe

Les portraits de groupe renvoient à un sous-groupe des scènes de genre développé à partir de portraits peints aux Pays-Bas au XVIIe siècle: « les conversation pieces ». Il s'agit de portraits de groupe informels, de scènes à caractère anecdotique ou familier. Les « conversation pieces » se distinguent par leur représentation de groupes conversant ou en train d'effectuer une activité relevant en général de la vie en société (repas, chasse…). Le groupe est composé de membres d'une même corporation, d’une même famille, mais aussi d’amis; des membres d'un club peuvent être présents. Parfois, l'ameublement et le décor de la pièce constituent le seul sujet de ces œuvres, on parle alors de portraits d'intérieur. Le tableau de Louise Abbéma, Le Déjeuner dans la serre (1877), qui ouvre la section «Portraits de famille», donne une bonne illustration de cet intérêt à la fois pour une scène intime et prise sur le vif de la vie quotidienne (jusqu’au chien qui boit dans une assiette en faïence du service de table) mais dont le cadre (une serre) renforce la mise en scène. Les modes féminines, masculines et enfantines y sont représentées: la robe à traîne de la présumée Sarah Bernhardt, ou plus

10 vraisemblablement de Jeanne, sa sœur, mise en valeur par la soie blanche dans ce lieu plutôt sombre. La posture nonchalante dans laquelle se dépeint elle-même l’artiste est, elle aussi, remarquable. Les vêtements et tissus sont des matériaux qui deviennent les véritables sujets du tableau, ils ressortent au milieu des touches végétales vertes.

2- Intérieur bourgeois

Les logements sont plus ou moins spacieux dans ces maisons parisiennes des boulevards “Haussmann”. Les classes riches logent au premier étage, ensuite plus on monte dans les étages, plus on descend dans la hiérarchie sociale. (La littérature romanesque du XIXe siècle le montre bien, penser au Père Goriot de Balzac par exemple). Le mode de vie bourgeois est assez uniforme au XIXe siècle dans sa manière d’habiter. L’intérieur bourgeois est un mélange d’espaces aux fonctions séparées. En revanche, la surcharge décorative s’observe dans le salon de Thadée Natanson et de son épouse Misia Godebska (Édouard Vuillard, Le salon aux trois lampes, rue Saint Florentin, 1899). Sur le piano du salon se trouve une lampe à pétrole équipée d’un abat- jour jaune. Deux autres lampes sont disposées dans la pièce. Ces trois sources de lumière donnent son titre au tableau. Le choix de cet éclairage diffus confère au décor une présence Edouard Vuillard, Le salon aux trois lampes, rue Saint- aussi intense que celle des personnages. Florentin, 1899, peinture à la colle sur papier marouflé sur L’absence de hiérarchie entre objets et êtres toile, 59 x 95 cm, Paris, musée d'Orsay vivants est caractéristique de l’esthétique nabie et du style de Vuillard en particulier.

Concernant l’intimité, le Dictionnaire Littré (1863-1872) rappelle que « La vie privée doit être murée. Il n’est pas permis de chercher et de faire connaître ce qui se passe dans la maison d’un particulier ». Les lieux de l’homme sont le fumoir, le billard, la bibliothèque car les livres sont affaires d’hommes, le bureau (même quand elle travaille, la femme n’a pas de bureau). Selon le modèle traditionnel, dans le salon, rôles et emplacements sont partagés : les hommes sont au centre et debout, les femmes assises en couronne autour. Le choix du décor est plutôt masculin. Selon les manuels de savoir-vivre, au moment du mariage, l’intérieur est meublé par le futur gendre avec sa belle-mère. Quand ils sont fortunés, les maris peuplent la maison de leurs acquisitions et de leurs collections.

3- La femme moderne

Gustave Caillebotte dans Intérieur, femme lisant, 1880, bouscule les conventions. Dans un bel appartement haussmannien, l’artiste met en scène un couple. La femme est au premier plan assise dans un fauteuil et tient entre les mains un journal. En arrière-plan, un homme barbu, étendu sur un sofa, est plongé dans la lecture d’un roman. Il brise le stéréotype qui veut que les hommes lisent la presse quand les femmes s’adonnent à la lecture des romans. Comme le fait remarquer Cédric Pannevel, dans sa notice pour le catalogue de l’exposition, Caillebotte « remet en question l’image traditionnelle de la lectrice dévoreuse de romans et peint le portrait d’une femme de son temps, intéressée par les nouvelles du monde et les mondanités, se sentant prête à débattre sur un pied d’égalité avec les hommes sur les sujets d’actualité. La presse connaît au XIXe siècle, un véritable essor. Les femmes devenant un lectorat de plus en plus important, les journaux se féminisent ». Au XIXe siècle, le pouvoir de l’homme domine, pouvoir public mais aussi domestique chez les bourgeois puisqu’il est maître par l’argent. Le mari a droit de regard sur les fréquentations, les sorties, les allées et venues et même la correspondance de sa femme. A la fin du XIXe siècle, il y eut controverse à ce sujet, mais aucune mesure ne fut prise pour protéger le droit des femmes au secret de leur courrier.

11 En ce qui concerne l’allaitement, il dépend beaucoup du milieu social, de l’époque, de la mode. La bourgeoisie, dans sa grande majorité, privilégie les nourrices. Cependant, des bourgeoises, à l’écoute des médecins qui le préconisent, imitent le modèle anglais de l’allaitement par la mère. À la fin du XIXe siècle, l’entrée dans la modernité se généralise avec l’allaitement par la mère mais au biberon. Balzac, dans un passage des Mémoires de deux jeunes mariées (1841, Paris, L. Conard, 1912, p. 294), étonne par la modernité de ses propos sur l'expérience de l'allaitement: il se complaît à décrire les joies d'allaiter, joies physiques et psychiques mêlées. Zola fait également l’apologie de l’allaitement maternel. Marianne, l'héroïne de Fécondité (1899, édit. Fasquelle, 1957, p. 229-230) allaite successivement ses enfants.

4- “Lieux de monstration” / Sociabilité

Les grands boulevards, les jardins (comme celui des Tuileries), les musées, les cafés, les loges de théâtres, d’opéra mais aussi les guinguettes sont autant de “lieux de monstration” du Paris bourgeois représenté par les impressionnistes. Ce sont des prolongements de l’espace privé où l’on se donne à voir à ses pairs. théâtrale est typiquement un lieu où la femme vient se montrer (Marie Cassatt Femme au collier de perles dans la loge), la mode permettant que les dos et les poitrines soient avantageusement offerts aux regards lors des spectacles. Les jumelles, accessoire indispensable en ce lieu, (Forain La loge, Gonzales Une loge aux Italiens) sont rarement orientées vers la scène!

5- Les loisirs

La bourgeoisie de province possède généralement des villégiatures peu éloignées de la ville où elle passe plusieurs mois de l’année, y conviant parents et amis. Certains ont même quelques fermages à surveiller dans les environs. Ceux qui n’ont pas de propriété louent, pour les vacances des maisons à la campagne ou s’installent dans des hôtels. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, la notion de vacances s’impose comme changement nécessaire d’activité et de genre de vie pour la bourgeoisie, qui imite le modèle aristocratique partageant son année en deux : la saison mondaine en hiver et au printemps, et la villégiature en été et une partie de l’automne. Avec la découverte du littoral par les couches aisées, on est ainsi dans une perspective plus bourgeoise que populaire, et assez loin de l’engagement réaliste des années 1850 (Berthe Morisot, Eugène Manet sur l’île de Wight, 1875).

Après Manet, les peintres impressionnistes sont les premiers à peindre des sujets véritablement «modernes», contemporains: des scènes de rue, des ponts, des gares, des guinguettes, plus généralement les bords de la Seine et de l’Oise, des sujets correspondant à l’urbanisation de l’époque et à un goût de plus en plus répandu pour les «parties de campagne». La peinture reflète le spectacle d’un monde qui se modernise, elle s’efforce de traduire les métamorphoses d’une société en pleine mutation. Ainsi, l’exposition offre l’occasion d’observer la femme moderne, celle qui s’intéresse à la mode, soigne son élégance et ce quel que soit son niveau social, celle qui lit … Au sein de la maison ou dans le jardin ; en ville ou à la campagne ; seule ou en groupe ; assise ou allongée ; déshabillée ou parée de ses plus beaux atours ; absorbée par sa lecture ou rêvassant le livre à portée de main, la femme vue par les impressionnistes est polymorphe. Le portrait de la lectrice transgresse les codes traditionnels du genre en présentant la femme dans des poses naturelles, décontractées, voire allongées, sans fioriture, assumant ses choix de lecture (romans, journaux) (Madame Helleu allongée dans l’herbe, La lecture de Manet, Méditation de Monet, Julie Pissarro de Pissarro, Intérieur ou femme lisant de Caillebotte).

6- La mode

Les peintres s’intéressent à la mode vestimentaire pour décrire la société dans laquelle ils vivent. C’est le début des grands magasins, des premières modistes. L’élégance française au cours des années 1860 est reconnue. La parisienne fait rêver le monde entier et on vient à Paris pour contempler et copier la mode. De même que l’artisanat et le savoir-faire qui se développe, les

12 silhouettes mouvantes ainsi que les tissus des vêtements qui réagissent à la lumière vont susciter l’intérêt des impressionnistes. La notion d’élégance n’est pas liée pour eux à un milieu social: demi-monde, monde du théâtre, ou grande bourgeoise, tout se vaut! Homme public, le dandy, protège son individualité derrière une apparence qu’il veut indéchiffrable. Il a le goût de l’illusion, besoin d’originalité, un sens aigu du détail et de l’accessoire (gants, cravates, cannes, écharpes, chapeaux). La distinction est le principe même de son fonctionnement. Il essaie de faire de sa personne une œuvre d’art. Sa toilette est une de ses principales occupations. Il accorde une grande importance à la propreté, celle du linge et du corps, et porte du blanc, la couleur de l’oisiveté. Cela suppose des revenus suffisants qui dispensent du travail. Plus argentés que les gens de bohème, les dandys ne sont pas forcément très fortunés. Ils méprisent l’argent comme objectif, ont le goût du luxe ostentatoire, haïssent les parvenus, les affaires et la vie de famille: ils refusent le mariage et les enfants.

Les accessoires (ombrelles, gants, chapeaux, éventails...) sont indispensables: ce sont des objets très importants, dits « de contenance», qui aident la femme à garder une jolie attitude :

• Le chapeau, absolument obligatoire, est un point fort de la silhouette. La capote est à l’honneur à l’époque. Il se garnit de tulle, de voilettes, de dentelle, de fleurs. Les cheveux doivent être cachés, leur vue est réservée à l’intimité (voir Manet Berthe Morisot au bouquet de violette, Portrait of Isabelle; Pierre-Auguste Renoir Portrait de Nini Lopez, Jeune femme au miroir, La conversation, La lecture du rôle; Claude Monet Portrait de Blanche Hoschedé enfant; Cup of Tea; Caillebotte Portrait de Madame Caillebotte). • Les gants font la main fine. Les femmes en portent quasiment en permanence, courts dans la journée, longs le soir (Fantin Latour, Famille Dubourg; Mary Cassatt, Tea). • L’ombrelle permet de donner une posture à la femme: elle occupe les mains et donne une attitude féminine. Elle crée aussi des reflets pour le peintre (Paul-César Helleu, Portrait de Marie Renard; Madame Helleu allongée dans l’herbe illustre bien cette citation de Flaubert dans Madame Bovary: «L’ombrelle, de soie gorge de pigeon, que traversait le soleil, éclairait de reflets mobiles la peau blanche de sa figure.»). • L’éventail que l’on peut voir dans le tableau de Mary Cassatt, Woman with a Pearl Necklace in a loge. • Le soulier qu’on voit apparaître parfois sous la robe comme une invitation à la sensualité (Bartholomé, Dans la serre). • Le corset dont on ne peut pas se dispenser! Il n’y a de corps social qu’à travers cette construction qui nie la nature, se l’approprie. Il remodèle, redessine, modifie la silhouette au profit de la mode. C’est un élément de torture qui entrave durement le corps féminin, notamment lors d’efforts physiques (Raffaëlli, Portrait de Judith et Gabrielle; photo de Julie Manet à l’âge de 16 ans). On peut y ajouter ce que l’exposition ne montre pas:  Le sac apparaît, pour le voyage en train qui est aussi une nouveauté de l’époque.  Les dessous aussi se multiplient, les jupons... (C’est à cette époque que naissent les premiers spectacles d'effeuillage!)

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16 B- LE RESEAU

Tableau analysé: Eva Gonzales, Une loge aux Italiens, 1874, huile sur toile, 98 x 130 cm, Paris, Musée d’Orsay

Cette partie montre qu’à cette époque les différents artistes se regardent et se citent les uns les autres: ils sont dans un cercle fermé. Les arts se rapprochent, une porosité s’installe entre les différents domaines (Debussy s’inspirera de la peinture impressionniste et met en musique des poèmes de Verlaine ou Mallarmé par exemple).

1- Des modèles « en partage »

Les impressionnistes peignent leur quotidien, donc naturellement leurs proches. Entre portrait et scène de genre, nombre de ces œuvres sont exposées et vendues, offrant ainsi un aperçu sur la sphère privée des portraiturés. Par leur sujet et leur ambiance, les impressionnistes proposent des scènes de vie familiale d’apparence tranquille, de banales « tranches de vie » prises sur le vif. Grâce aux recherches des biographes et des historiens de l’art, ces vies privées, que l’on voulait discrètes, sont dévoilées, les situations personnelles de certains artistes s’éclairent.

De nombreux portraits de femmes sont clairement identifiés : Camille Monet, par exemple, dont la silhouette revient dans les tableaux de son mari, réapparaît dans les toiles de Renoir ou de Manet. Parmi tous ces modèles, Julie Manet tient une place à part. Elle est peinte par sa mère, Berthe Morisot, depuis sa naissance en 1878 jusqu’à son adolescence, par son père, Eugène Manet, qui à ces moments perdus peignait ainsi que par son oncle Edouard Manet, par Edgard Degas, son parrain, et par Auguste Renoir ami de la famille (Portrait de Julie Manet, 1894). Marcellin Desboutin (ami de Henri Guérard, graveur de Manet, et qui est aussi le mari d’Eva Gonzales, puis de sa sœur Jeanne) est le modèle de Manet pour Le buveur d'absinthe, 1859, puis de Degas pour L’absinthe ou Dans un café, 1875-6. Lui-même, il fait de nombreux portraits de ses amis, parmi lesquels , Auguste Renoir, Berthe Morisot... Édouard Manet épouse en 1863 Suzanne Leenhoff, son ancien professeur de piano, alors qu’elle est la mère d’un enfant naturel, Léon Leenhoff, né onze ans plus tôt, généralement considéré comme son fils, mais qui pourrait être aussi celui de son père, Auguste Manet. Claude Monet ne peut épouser Camille Doncieux, que lorsque son père décède en 1870: cela permet de régulariser la naissance de leur fils Jean, alors âgé de trois ans. Quand Ernest Hoschedé, ami et collectionneur, fait faillite, son épouse, Alice, et ses huit enfants vont vivre à Vétheuil chez les Monet. Alice Hoschedé soigne Camille pendant sa maladie et s’occupe de ses deux enfants. Elle reste avec le peintre après la disparition de Camille en 1879. Le décès d’Ernest Hoschedé en 1891 permet à Claude et Alice de s’épouser l’année suivante et de mettre fin à cet adultère. Claude, à la demande d’Alice, accepte de détruire toute la correspondance et les photos de sa première épouse. Renoir a eu deux enfants cachés avec Lise Trèhot, qui a été son modèle entre 1866 et 1872. Elle apparaît dans de nombreux tableaux. Cependant, il épouse un autre de ses modèles, , en 1890, cinq ans après la naissance de leurs fils Pierre. Julie Vellay, fille de viticulteur bourguignon, entre comme bonne dans la famille de Pissarro. Elle pose aussi comme modèle. Ils se marient lors d’une cérémonie civile en Angleterre en 1871, alors que Julie est enceinte de leur quatrième enfant. Ils ont ensemble huit enfants, très souvent peints par l’artiste, mais à des fins privées.

2- Le réseau

En signe d’admiration réciproque, les peintres impressionnistes adorent se peindre entre eux. Beaucoup se sont rencontrés lors de leur formation. Dans leur jeunesse, les futurs impressionnistes fréquentent souvent les salles du musée du Louvre où ils peuvent voir les chefs- d’œuvre de la peinture italienne, française, flamande et espagnole. Ils y copient les toiles des maîtres du passé. Berthe Morisot et sa sœur Edma y sont inscrites comme copistes en 1859, elles s’y rendent chaperonnées par leur mère. Là, elles se créent une sociabilité professionnelle, font la 17 connaissance de Félix Braquemond (céramiste), dont la femme Marie (du même âge que Berthe), est peintre également ; Braquemond leur présente Henri Fantin-Latour, qui à leur tour leur présente en 1868 Édouard Manet. Les hommes peuvent se retrouver aussi à l’École des Beaux-Arts, mais l’enseignement y est austère et traditionnel et l’objectif est de se conformer à une commande d’État ou à des institutions religieuses (cette formation artistique ne s’ouvre aux filles qu’en 1897). D’autres se retrouvent dans l’Académie Suisse dirigée par Charles Suisse, à Paris, quai des Orfèvres, ou bien encore dans l’Académie Julian (berceau des nabis : Vuillard, Bonnard, Denis…), qui en 1876 tente la mixité (devant les protestations des familles, garçons et filles sont de nouveaux séparés: l’’atelier pour les femmes est tenu par Amélie Baury-Sorel, d’origine catalane, épouse de Rodolphe Julian). Dans le quartier des Batignolles, près de , de nombreux artistes établissent leurs ateliers. Ils se retrouvent dans les cafés du quartier: le Guerbois, la Nouvelle Athènes ou dans le cabaret du père Lathuille (Manet a peint le lieu, Chez le père Lathuille, ainsi que la fille du propriétaire du cabaret, Marguerite Gauthier- Lathuille, 1878). Ils se retrouvent aussi dans leurs ateliers : Henri Fantin-Latour, peintre et ami de Manet, a peint en 1870, Un Atelier aux Batignolles, 1870, Musée d’Orsay. Les Batignolles étaient le quartier où vivaient Manet et un certain nombre des futurs impressionnistes. À la fin de cette exposition, Maurice Denis, dans Hommage à Cézanne, 1900, rassemble une partie de la génération nabie: dans la boutique du marchand de tableaux Ambroise Vollard, le peintre réunit des amis, artistes et critiques, pour célébrer Paul Cézanne représenté par la posée sur le chevalet. Ce tableau, Compotier, verre et pommes, avait appartenu à , qui est également évoqué parmi les exemples tutélaires auxquels Denis rend hommage. On distingue en effet à l'arrière-plan une peinture de Gauguin et

Maurice Denis, Hommage à Cézanne, 1900, huile sur toile, une autre de Renoir. Odilon Redon est également 180 x 240 cm, Paris, Musée d’Orsay à l'honneur : il est représenté au premier plan, à l'extrême gauche, et c'est vers lui que se tournent presque tous les regards. Il écoute Paul Sérusier qui se trouve face à lui. De gauche à droite, on reconnaît Edouard Vuillard, le critique André Mellerio coiffé de son chapeau haut-de-forme, Vollard derrière le chevalet, Maurice Denis, Paul Ranson, Ker-Xavier Roussel, Pierre Bonnard fumant la pipe, et enfin Marthe Denis, la jeune épouse du peintre. C’est à la fois un autoportrait, une scène de genre, un tableau dont le sujet est l’histoire de l’art. Ces professionnels aux regards aiguisés jugent, admirent, comprennent toute la modernité des œuvres de leur confrère qui a l’estime des artistes mais pas celui du public. Des sculpteurs s’intéressent à ces peintres, pour qui la reconnaissance artistique a été longue à venir. Leurs bustes en bronze réalisés dés le début du XXe siècle constituent aujourd’hui une véritable « galerie des illustres». Ils passent ainsi à la postérité. Peintres et sculpteurs impressionnistes se côtoient : Auguste Rodin et Claude Monet ont exposé ensemble en 1889. Albert Bartholomé (1848-1928) fait partie des intimes de Degas. Ce dernier apprécie l’épouse de son ami, Prospérie de Fleury et il le console lorsque la jeune femme meurt en 1887: il le sauve de la dépression en lui suggérant d’ériger un tombeau à sa mémoire. C’est ainsi que Bartholomé, de peintre, devient sculpteur. Paul Paulin (1852-1937), originaire d’Auvergne, commence par des études de dentiste. Lors de son apprentissage chez un praticien parisien, amateur de peinture, il est mis en contact avec des marchands d’art et il rencontre Degas. Ce dernier convaincu de son talent, l’engage à poursuivre une carrière non plus d’amateur mais de professionnel : il lui propose de réaliser son buste (l’un à cinquante ans et l’autre à soixante-douze ans). A partir de 1881, Paul Paulin expose régulièrement au Salon des artistes français, jusqu’en 1889, puis au Salon de la Société Nationale des Beaux-arts, et reçoit à chaque fois des critiques élogieuses. Il réalise de leur vivant les portraits de Degas ; Monet, Renoir, Guillaumin ainsi que celui de Rodin qui a accepté de poser pour lui. Seul le portrait de Pissarro est posthume, réalisé à partir d’un dessin le représentant sur son lit de mort et d’après des photographies.

18 3- Confréries, cercles masculins...

Dans l’espace public, il y a des lieux intermédiaires qui prolongent l’espace privé : clubs, cercles aristocratiques et bourgeois (James Tissot, Le Cercle de la rue Royale, 1868, musée d’Orsay), cabinets particuliers loués le temps d’une soirée dans l’arrière salle d’un café, d’un cabaret, d’un bistrot. Ces espaces sont surtout masculins, à l’image des clubs britanniques: les hommes sont camarades d’école, de guerre, de métier. Quelques mois après le siège de Paris, en mars 1871, Degas réalise un tableau (Jeantaud, Linet et Lainé) où il réunit trois jeunes hommes de la bourgeoisie industrielle et commerçante dans une ambiance amicale. Ce sont des camarades d’armes avec lesquels Degas était dans la Garde nationale, sous le commandement d’un autre de ses amis (de lycée) Henri Rouart. Linet est marchand de plâtre, Édouard Lainé (1841-1888) et Charles Jeantaud (1840-1906) sont deux ingénieurs. Henri Rouart a créé sa propre usine, exploite ses brevets (l’industrialisation du froid) est également peintre à ses heures et il est aussi collectionneur et mécène. Degas a très souvent peint la famille Rouart, dont un fils épouse Julie Manet (la filleule de Degas). Dans ce petit tableau offert à Jeantaud, Degas représente au premier plan Pierre Linet, vêtu d’une redingote de couleur sombre, avec un chapeau haut-de-forme, fumant le cigare. Il a les jambes croisées, sa pose est décontractée. Au second plan à gauche, Charles Jeantaud est accoudé à une table, les bras croisés, le regard perdu dans le vague. A l’arrière plan, Édouard Lainé, allongé Edgar Degas, Jeantaud, Linet et Lainé, 1871 Huile sur toile, 38 x 46 cm, Paris Musée sur un fauteuil, est en train de lire le journal. Derrière lui, une d’Orsay étagère sur laquelle sont posés divers objets qui peuvent renvoyer à la collection de Lainé, amateur d’art. Dans ce portrait de groupe, aucun de ces trois hommes élégants ne se regarde, aucun n’adresse un message au spectateur, ils sont saisis dans un moment de silence complice, d’oisiveté nonchalante. Pour les dames, les loges de théâtre ou d’opéra (l’opéra Garnier date de 1875) prolongent le salon, et constituent des niches protectrices au sein desquelles elles peuvent recevoir.

4- Porosité entre les différents domaines

Revenons à Un atelier aux Batignolles, peint par Fantin-Latour en 1870 en hommage à Edouard Manet, on peut reconnaître Otto Schölderer, peintre allemand venu en France rencontrer les disciples de Courbet ; Manet, le visage aigu, assis devant son chevalet ; Auguste Renoir, coiffé d'un chapeau ; Zacharie Astruc, sculpteur et journaliste, Edmond Maire, fonctionnaire à l’Hôtel de ville, et Claude Monet. Au milieu des peintres, Fantin-Latour représente la figure de Zola (1840-1902). Preuve que littérature et peinture sont liées. Ce dernier, ayant passé son enfance à Aix-en-Provence, avait noué des liens

Henri Fantin-Latour, Un atelier aux Batignolles, d’amitié avec Cézanne et s’est interrogé très tôt sur le Musée d’Orsay, 1870 rapport singulier qu’entretiennent l’écrit et l’image au réel. Assez vite, et bien avant son célèbre «J’accuse», il se fait le défenseur intrépide des peintres impressionnistes, Manet en tête. Il prend ouvertement parti pour ses œuvres dans ses critiques d’art, mais il le met aussi en scène dans L'œuvre (1886) sous les traits du peintre Claude Lantier, que l’on a également vu comme un double de Cézanne. Le roman s’ouvre sur la description de son atelier qui permet au lecteur de pénétrer de l’autre côté du miroir, là où l’on crée le silence et le désespoir. Avec une belle énergie, Zola magnifiera ceux qu’il a vus comme les peintres du réel (de Corot à Pissarro) et les promoteurs du naturalisme pictural (de Courbet à Jongkind), c’est à dire des peintres à la recherche du vrai, autant qu’il éreintera les peintres académiques.

19 Voici deux extraits de ses critiques:

- L’un illustre à merveille les propos élogieux qu’il a pu tenir sur Manet : “Il paraît que je suis le premier à louer sans restriction M. Manet. C’est que je me soucie peu de toutes ces peintures de boudoir, de ces images colorées, de ces misérables toiles où je ne trouve rien de vivant. […] Le tempérament de M. Manet est un tempérament sec, emportant le morceau. Il arrête vivement ses figures, il ne recule pas devant les brusqueries de la nature, il rend dans leur vigueur les différents objets se détachant les uns sur les autres. Tout son être le porte à voir par taches, par morceaux simples et énergiques. On peut dire de lui qu’il se contente de chercher des tons justes et de les juxtaposer ensuite sur une toile. Il arrive que la toile se couvre ainsi d’une peinture solide et forte. Je retrouve dans le tableau un homme qui a la curiosité du vrai et qui tire de lui un monde vivant d’une vie particulière et puissante. Vous savez quel effet produisent les toiles de M. Manet au Salon. Elles crèvent le mur tout simplement. […] Ne regardez plus les tableaux voisins. Regardez les personnes vivantes qui sont dans la salle. Étudiez les oppositions de leurs corps sur le parquet et sur les murs. Puis regardez les toiles de M. Manet : vous verrez que là est la vérité et la puissance. Regardez maintenant les autres toiles, celles qui sourient bêtement autour de vous : vous éclatez de rire, n’est-ce pas ? […] J’ai tâché de rendre à M. Manet la place qui lui appartient, une des premières. On rira peut-être du panégyriste comme on a ri du peintre. Un jour, nous serons vengés tous deux. Il y a une vérité éternelle qui me soutient en critique : c’est que les tempéraments seuls dominent les âges. Il est impossible, – impossible entendez- vous – que M. Manet n’ait pas son jour de triomphe, et qu’il n’écrase pas les médiocrités timides qui l’entourent.” Émile Zola, Salon de 1866, Manet, 1866

- L’autre, qui s’arrête sur une œuvre de Monet, est intéressant car il évoque comme repoussoir le style de Dubufe dont le musée des Beaux Arts de Rouen expose des œuvres: “J'avoue que la toile qui m'a le plus longtemps arrêté est la Camille, de M. Monet. C'est là une peinture énergique et vivante. Je venais de parcourir ces salles si froides et si vides, las de ne rencontrer aucun talent nouveau, lorsque j'ai aperçu cette jeune femme, traînant sa longue robe et s'enfonçant dans le mur, comme s'il y avait eu un trou. Vous ne sauriez croire combien il est bon d'admirer un peu, lorsqu'on est fatigué de rire et de hausser les épaules. Je ne connais pas M. Monet, je crois même que jamais auparavant je n'avais regardé attentivement une de ses toiles. Il me semble cependant que je suis un de ses vieux amis. Et cela parce que son tableau me conte toute une histoire d'énergie et de vérité. Eh oui ! Voilà un tempérament, voilà un homme dans la foule de ces eunuques. Regardez les toiles voisines, et voyez quelle piteuse mine elles font à côté de cette fenêtre ouverte sur la nature. Ici, il y a plus qu'un réaliste, il y a un interprète délicat et fort qui a su rendre chaque détail sans tomber dans la sécheresse. Voyez la robe. Elle est souple et solide. Elle traîne mollement, elle vit, elle dit tout haut qui est cette femme. Ce n'est pas là une robe de poupée, un de ces chiffons de mousseline dont on habille les rêves ; c'est de la bonne soie, qui serait trop lourde sur les crèmes fouettées de M. Dubufe.” Les réalistes du salon, L’événement, 11 mai 1866

Mais d’autres écrivains ont écrit sur les impressionnistes: Huysmans, Laforgue, Mallarmé, Verhaeren, Maupassant, Valéry...

20 Paul Valéry dans son opus Le Triomphe de Manet (1912) écrit à propos de Berthe Morisot au bouquet de violettes, 1872, huile sur toile, 83 x 72 cm, Paris, musée d’Orsay :

«Je ne mets rien, dans l’œuvre de Manet, au-dessus d’un certain portrait de Berthe Morisot, daté de 1872. Sur le fond neutre et clair d’un rideau gris, cette figure est peinte: un peu plus petite que nature. Avant toute chose, le noir, le noir absolu, le noir d’un chapeau de deuil et des brides de ce petit chapeau mêlées de mèches de cheveux châtains reflets roses, le noir qui n’appartient qu’à Manet, m’a saisi. Il s’y attache un enrubannement large et noir, qui déborde l’oreille gauche, entoure et engonce le cou; et le noir mantelet qui couvre les épaules, laisse paraître un peu de claire chair, dans l’échancrure d’un col de linge blanc. Ces places éclatantes de noir intense encadrent et proposent un visage aux trop grands yeux noirs, d’expression distraite et comme lointaine. La peinture en est fluide, et venue facile, et obéissante à la souplesse de la brosse; et les ombres de ce visage sont si transparentes, les lumières si délicates que je songe à la substance tendre et précieuse de cette tête de jeune femme par Vermeer, qui est au Musée de la Haye. Mais ici l'exécution semble plus prompte, plus libre, plus immédiate. Le moderne va vite, et veut agir avant la mort de l’impression. La toute puissance de ces noirs, la froideur simple du fond, les clartés pâles ou rosées de la chair, la bizarre silhouette du chapeau qui fut «à la dernière mode» et «jeune»; le désordre des mèches, des brides, du ruban, qui encombrent les abords du visage; ce visage aux grands yeux, dont la fixité vague est d’une distinction profonde, et offre, en quelque sorte, une présence d’absence, - tout ceci se concerte et m’impose une sensation singulière... de Poésie, - mot qu’il faut que j’explique. Mainte toile admirable ne se rapporte nécessairement à la poésie. Bien des maîtres firent des chefs-d’œuvre sans résonance. Même, il arrive que le poète naisse tard dans un homme qui jusque-là n’était qu’un grand peintre. (...) Ainsi se produit-il parfois que l’enchantement d’une musique fasse oublier l’existence même des sons. Je puis dire à présent que le portrait dont je parle est poème. Par l’harmonie étrange des couleurs, par la dissonance de leurs forces; par l’opposition du détail futile et éphémère d’une coiffure de jadis avec je ne sais quoi d’assez tragique dans l’expression de la figure, Manet fait résonner son œuvre, compose du mystère à la fermeté de son art. Il combine à la ressemblance physique du modèle, l’accord unique qui convient à une personne singulière, et fixe fortement le charme distinct et abstrait de Berthe Morisot.»

5- Correspondances entre les différents acteurs

Les progrès de l’alphabétisation et d’industrialisation que connaît le XIXe permettent le développement des relations épistolaires. On en retrouve la trace dans de nombreuses toiles de l’exposition mais il faut savoir aussi que Monet a entretenu de nombreuses correspondances avec des critiques d’art comme Gustave Geffroy et Octave Mirbeau, le marchand Paul Durand-Ruel, ses amis artistes dont Caillebotte ou Rodin, des écrivains contemporains dont Zola, et évidemment des proches dont Alice, sa deuxième femme, livrant des éclairages précieux sur sa manière de créer, ses états d’âme, ses préoccupations financières, familiales, son état de santé…

6- De nouveaux rapports entre marchands, collectionneurs, peintres et modèles

Dans les années 1880, la population restreinte des collectionneurs de l’impressionnisme s’élargit. Elle passe d’un profil masculin, français, et assez spéculateur, à un type féminin, souvent américain, qui constitue sa collection par recherche du prestige. (Mary Cassat avait, avec Durand Ruel, exporté la lutte moderniste aux Etats-Unis. L’impressionnisme entrait en Amérique et l'Amérique entrait en Impressionnisme.)

21 Les tableaux tournent beaucoup, d’un marchand à une vente chez Drouot. Ces collectionneurs ont un rôle non négligeable dans l’assagissement de l’impressionnisme, et contribuent à la construction sociale d’une image plus bourgeoise de ces œuvres. Les collectionneurs sont aussi des amis: ils apparaissent d’ailleurs dans les tableaux. On reconnaît le pianiste , par exemple, dans Autour du piano de Fantin Latour, 1885, dans L’orchestre de Degas, 1868, dans Bal masqué de Manet, 1873. Chabrier lui-même composait parfois en référence à ses amis peintres: sa première œuvre importante, Impromptu, 1873, fut dédiée à Madame Manet. Quant à Victor Chocquet, peint par Cézanne en 1877 (Portrait de Victor Chocquet), c’est un fonctionnaire des douanes et surtout un collectionneur passionné. Il est un des plus ardents défenseurs et mécènes du mouvement impressionniste, qu’il a découvert au travers de Renoir, puis de Cézanne. «Aussitôt que je connus M. Chocquet, aimera à se souvenir Renoir, je pensais à lui faire acheter un Cézanne ! Je le conduisis chez le père Tanguy où il prit une petite étude de nu. Il Paul Cézanne, Portrait de Victor était ravi de son acquisition, et pendant que nous rentrions chez lui, il Chocquet assis, 1877, huile sur dit : - Comme cela fera bien entre un Delacroix et un Courbet. » toile, 45,7 × 38,1 cm, Colombus, (Ambroise Vollard, Renoir, 1920, p 84) Victor Choquet a également Museum of Art acheté des tableaux lors de ventes aux enchères à Drouot en 1875. Il possédait trente et une toiles de Cézanne et n’hésitait pas à expliquer l’impressionnisme aux visiteurs lors des expositions de l’artiste. Cézanne a peint six portraits et plusieurs études au crayon de cet amateur avant-gardiste. Ici, il le représente assis dans son bel appartement, rue de Rivoli, dans une pose à la fois détendue (il est en chausson) et étudiée (il prend appui sur le dossier du fauteuil avec ses mains croisées). La silhouette longiligne du modèle est mise en valeur dans son intérieur raffiné. Cézanne applique les couleurs à grandes touches de brosses plates dans une marqueterie de tons variés. Avec ce portrait, on peut admirer, la capacité visionnaire de ce mécène éclairé qui a laissé libre court aux essais techniques de Cézanne.

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24 C- INTERIEUR/ EXTERIEUR

Cette partie met l’accent sur le fait que la frontière entre les deux espaces intérieur et extérieur et entre les divers univers se délite. Les vues de dedans montrent aussi le dehors, on voit l’émergence de lieux intermédiaires qui vont devenir un décor privilégié pour la représentation de scènes de la vie moderne.

1- Serres, véranda et autres endroits en verre et acier: une nouvelle architecture, nouveaux usages et nouveaux codes sociaux

Au milieu du XIXe siècle, Napoléon III ordonne une réorganisation de la ville de Paris et confie cette tâche au baron Haussmann, préfet de la Seine. Des quartiers sont rasés, les ruelles médiévales disparaissent laissant place à des boulevards le long desquels se construisent de nouveaux édifices. Sur ces larges avenues, naît la nouvelle ville de Paris, élégante, mondaine, appréciée par les peintres modernes, avec ses cafés, ses restaurants, ses théâtres: ils en exploreront tous les aspects, aussi bien les banlieues, les quartiers sordides, que le centre et nous feront entrer dans l’intimité des appartements.

Louise Abbéma loge au 47, rue Laffitte, au cinquième étage, sous les toits d’un grand immeuble moderne. Il y a cinq ou six pièces disposées en enfilade : une antichambre, une grande salle à manger, un petit salon et l’atelier de l’artiste. Les murs et plafonds sont tapissés de tentures nippones, l’atelier est encombré de chevalets, de tabourets, de fauteuils, une table des coussins, un escabeau et partout d’immenses plantes vertes qui donnent l’impression au visiteur qu’il se trouve dans une serre et dans un coin un énorme poêle. De nombreux objets: des bibelots, des médaillons, des bronzes de Sarah Berrnhard, un piano. Le parquet est recouvert de peau de bête, un sofa à la mode orientale surplombé d’un dais de drap épais. C’est cet étrange décorum que Louise Abbéma montre dans deux de ses toiles : Le déjeuner dans la serre, 1877 (où on a voulu reconnaître l’hôtel particulier de Sarah Bernhard, ce qui serait faux) et la Chanson d’Après midi, 1885.

Dans la serre d’Albert Bartholomé, 1881, nous permet d’identifier clairement la serre dans laquelle se tient l’épouse du peintre. L’usage de la fonte, de l’acier et du verre, s’étend à l’architecture moderne. A Londres, sur le modèle des gares et des serres, on utilise ces nouveaux matériaux pour la première exposition universelle dans le Crystal Palace en 1851. Les serres connaissent un grand succès dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Ces jardins d’hivers inspirent également Manet, dans trois toiles ainsi que Zola (La Curée, 1871) ou le poète Maurice Maeterlinck (Serres chaudes, 1889) pour ne citer qu’eux. Dans le portrait de Bartholomé, Périe est vêtue d’une élégante robe à la dernière mode, représentée entre ombre et lumière, à la lisière entre intérieur et extérieur. On pourra travailler aussi sur toutes les œuvres de l’exposition qui donnent Albert Bartholomé, Dans la serre, 1881, huile à voir un intérieur ouvert vers l’extérieur par une porte, une fenêtre (ouverte sur toile, 233 x 142 cm, ou non). La présence des miroirs permet aussi aux peintres de jouer avec Paris, Musée d’Orsay les espaces, avec des jeux subtils de reflets comme on peut le voir dans le tableau Dans un café, 1880 de Caillebotte dont vous trouverez une analyse complète sur le site du musée.

2- Intérieur/ intériorité

Paul Duranty, critique d’art qui fut l’un des premiers défenseurs des impressionnistes, écrit ceci, dans La nouvelle peinture, en 1876: «Ce qu’il nous faut c’est la note spéciale de l’individu moderne dans son vêtement au milieu de ses habitudes sociales, chez lui ou dans la rue. Avec un dos nous voulons que se révèle un tempérament, un âge, un état social, par un geste toute une suite de sentiments». Il rappelle ici combien la notion de portrait dépasse largement les contours d’un visage ou d’un corps. En peinture (et l’exposition le montre bien), comme dans la littérature réaliste voire naturaliste du XIXe siècle, la frontière entre l’intériorité d’un personnage et son apparence est ténue, changeant ainsi son rapport à l’intime.

25 De même, un intérieur peut être le révélateur d’un peintre (son atelier représenté comme un autoportrait subliminal), ou d’un personnage de roman (la pension Vauquer qui ressemble à sa patronne dans Le Père Goriot d’Honoré de Balzac, paru en 1835).

3- Fond/ Forme

On aurait pu vous parler également des papiers peints et des motifs qui se répètent comme vous pourrez le constater dans la fiche ci-dessous consacrée au tableau de Gauguin La petite rêve ; des tableaux où le personnage se fond dans le décor (Portrait de Victor Choquet assis de Paul Cézanne, par exemple), ou encore de la confusion des genres avec l’utilisation de formats paysage pour des portraits mais on ne saurait être exhaustif!

26 D- REGARDÉ/ REGARDÉ

Tableau analysé: Paul Gauguin, La petite rêve, 1881, huile sur toile, 60 x 74 cm, Copenhague, Ordrupgaard Museum

Cette dernière partie s’attache aux nouvelles poses, sans connivence ni lien de regard avec le peintre. La représentation des personnes du cercle du peintre dans leur intimité devient un sujet à part entière. Elle met en évidence l’évolution des rapports entre les différents membres de la famille mais aussi les activités de chacun dans son quotidien et la modernité qui s’en dégage.

Ce qui importe, dans le tableau, n’est pas nécessairement placé au centre, jusqu’à l’intrusion dans la composition d’éléments extérieurs au cadre. Les impressionnistes reprennent les caractéristiques les plus marquantes de l’art japonais, dont la vogue, depuis les années 1860, a été favorisée par les expositions universelles. On sectionne, on cherche des vues inédites, plongées et contre-plongées, on apprécie les effets de contre-jour et les oppositions de lumière et d’ombre, et l’on inclut dans la composition des éléments végétaux issus de l’extérieur. Ces vues tronquées relèvent d’une esthétique du transitoire, celle de la modernité chantée par Baudelaire. Peindre ainsi, c’est également rappeler la présence de l’artiste derrière son pinceau, à rebours de la théorie selon laquelle l’art le plus réussi est celui qui cache l’art. Un tableau impressionniste oblige souvent à réfléchir au lieu où l’artiste a peint. On est dans une attitude en forme de manifeste, exprimée picturalement.

1- Les nouvelles poses

Le choix du modèle prend une place centrale chez les impressionnistes. Aux modèles professionnels succèdent des personnes de leur entourage proche: ils font poser ami(e)s, épouses, enfants, actrices, courtisanes. Au sein même de la famille, on trouve de nouveaux modèles: par exemple Eugène Manet peint par Berthe Morisot s’occupant de Julie, leur fille. Le cercle intime du peintre est donc donné à voir, sans complaisance, souvent dans des poses ou des tenues décontractées, sans connivence ni lien de regard avec le peintre. La notion de durée entre dans la peinture avec la représentation de moments intimes, de plaisirs fugaces: fumer la pipe, faire une sieste, lire, jouer… (Pierre Auguste Renoir, Claude Monet, 1872, fumant la pipe et lisant) L’invention de la photo en 1839 en permet d’autant plus le questionnement.

2- Moments intimes

Dans les familles riches, au XVIIIe siècle, on faisait appel à des nourrices pour allaiter les enfants (voir le tableau d’Anicet Charles Gabriel Lemonnier, La comtesse d’Herbouville et ses enfants, entre 1804 et 1806, musée des Beaux-Arts de Rouen). Cette tradition se perpétue au XIXe siècle dans la majorité de la bourgeoisie. En rupture avec ce modèle, deux peintres dans l’exposition représentent leurs épouses donnant elles-mêmes le sein en plein air: Pissarro, Julie Pissarro, 1874 et Renoir, Aline Renoir allaitant son fils ,1915. Aline Renoir et Julie Pissarro sont toutes deux issues de milieu modeste. Julie est fille de cantonnier et entre comme domestique dans la famille Pissarro. Camille l’épouse pendant son exil en 1871 à Londres peu avant la naissance de leur quatrième enfant. Aline Charigot, couturière, est à quinze ans le modèle de Renoir, avant d’être son

épouse et la mère de ses trois fils. Toutes deux ont peut-être choisi Pierre Auguste Renoir, Aline Renoir une tradition conforme à leur condition sociale d’origine : l’allaitement allaitant son fils, 1915 maternel. À moins qu’elles n’aient été à l’écoute, comme certaines Huile sur toile, 51 x 40,5 cm, Berne, Kunstmuseum bourgeoises, des médecins qui préconisaient d’imiter le modèle anglais de l’allaitement par la mère. Ces tableaux sont-ils des scènes de genre ou des portraits ? Sont-ils destinés à un usage privé ou à la vente ? Le tableau de Pissarro est resté jusqu’en 1906 dans la famille, avant de passer 27 chez Ambroise Vollard qui en a fait don au Petit Palais en 1930. Renoir, en 1885, avait réalisé trois tableaux de ce type. Celui-ci date de 1915: il s’agit d’un souvenir du temps des jours heureux à un moment où l’artiste, lourdement handicapé par une polyarthrite chronique, ses deux fils mobilisés, l’un d’eux blessé, perd son épouse Aline. Édouard Debat-Ponsan se représente aussi dans Avant le bal, 1886, avec son épouse donnant le sein, en tenue de bal, dans un intérieur bourgeois, avec à ses côtés, la nourrice prête à s’occuper du bébé rassasié.

Les petites sculptures de Degas dévoilent aussi des moments d’intimité : Femme se frottant le dos avec une éponge, Femme se coiffant, Femme se lavant la jambe gauche, Femme sortant de son bain. Elles attestent de l’importance de la propreté, de la perception du corps et des théories hygiénistes de l’époque. Ce sont des fontes posthumes, réalisées entre 1919 et 1921, à partir des modèles en cire découverts dans l’atelier de Degas après sa mort. Ces cires constituaient pour ce dernier un matériau d’étude qui faisait partie intégrante de son processus de création. Il explorait les sensations corporelles, fasciné par les gestes de ces femmes courbées à leur toilette, et représentant désormais des poses de plus en plus difficiles à relier à une expression sociale. Federico Zandomeneghi arrive en 1874, à trente-trois ans à Paris. Sensible à l’art de Renoir, ami de Sisley et Pissarro, il admire Degas qui l’invite dans les expositions impressionnistes. Sa toile, Au lit, présente une jeune femme de profil, allongée dans une pose sensuelle. Certains détails, comme l’aisselle légèrement ombrée, contreviennent ouvertement aux conventions académiques et font penser à une image volée, à une intrusion dans l’intimité du modèle. Tout comme les nus de Degas, qui font régulièrement scandales lors de leur présentation, l’absence d’idéalisation et de coquetterie dans cette toile inspire les critiques du Firenza artistica qui la juge peinte avec « trop de réalisme, pas assez d’esthétique ». Degas, lui-même, se qualifie de « réaliste »: « Du temps de , on peignait des Suzanne au bain ; moi je peins des Femmes au tub » disait-il. Ces peintres modernes dévoilent des moments d’intimité dans les chambres à coucher, les salles de bain qui, en cette fin de siècle, apparaissent dans les nouveaux appartements.

3- Enfants qui jouent, dorment, dessinent...

Le XIXe siècle est paradoxal vis-à-vis de l’enfance et du nourrisson en particulier : la mise en nourrice y atteint des sommets, l’abandon des records alors qu’à la fin du siècle apparaît une science nouvelle : la puériculture. La petite enfance est affaire de femmes. La première éducation de l’enfant lui revient: elle s’occupe de lui donner la première méthode d’apprentissage de la lecture. Dans les milieux bourgeois, le père peut parfois faire office de précepteur, de maître d’apprentissage pour son fils. L’attention portée aux filles est plus exceptionnelle et plutôt dans les milieux intellectuels, ainsi que chez les protestants. Garçons et filles portent robe et cheveux longs jusqu’à quatre ou cinq ans, souvent plus. L’enfant devient plus important : il représente l’héritier, l’avenir de la famille à qui on accorde plus ou moins d’affection. Le 22 février 1871, Victor Hugo écrit : “Je promène Petit Georges et Petite Jeanne à tous mes moments de liberté. On pourrait me qualifier ainsi : Victor Hugo représentant du peuple et bonne d’enfants.” En 1877, il publie L’Art d’être grand-père, lui qu’aucun tyran n’a jamais fait plier est “vaincu par un petit enfant”. Il fait l’apologie des enfants à travers qui, en les contemplant, on trouve “une profonde paix toute faite d’étoiles”. La chambre d’enfant est en France une invention tardive. Le jouet d’enfant devient un objet de consommation courante pour les citadins, une production industrielle avec des rayons dans les grands magasins.

Claude Monet représente son fils, Jean, chevauchant un cheval mécanique en tenue dominicale. En 1872, Monet emménage à Argenteuil avec Camille et Jean, qui a cinq ans. Jean, vêtu d’une tenue élégante et soignée, coiffé d’un canotier, tient les rênes d’un cheval mécanique, jouet de valeur dont l’invention est récente: le fils de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie en possède un. Ce portrait rappelle les portraits équestres des jeunes princes. Il n’a jamais été exposé: il est resté dans le cercle familial. Ce tableau devait représenter pour Claude Monet un signe de réussite sociale, d’une aisance matérielle enfin atteinte.

28 4- L’adolescence ou l’amitié partagée

Les mères ont une grande responsabilité en ce qui concerne les filles. Elles ont la charge de les marier: elles organisent bals et réceptions, font prendre des leçons de piano et de broderie. Jeunes filles lisant, 1891, de Pierre-Auguste Renoir est une scène de genre de la vie moderne, le thème de la lecture féminine faisant écho aux enjeux socioculturels du siècle : l’apparition d’un marché de masse pour les imprimés et l’essor de l’alphabétisation dont le point d’orgue est la promulgation des lois Jules Ferry sur l’école primaire, gratuite, laïque et obligatoire, en 1881-1882. La représentation d’un lectorat féminin rappelle les progrès de l’instruction des jeunes filles qui peuvent, à la fin du siècle, accéder à l’enseignement secondaire des Pierre Auguste Renoir, Jeunes collèges et lycées grâce à la loi Camille Sée de 1880, entraînant le filles lisant, 1891, huile sur toile, développement d’une presse et d’une littérature spécifiquement 55,8 x 46,2 cm. Portland Art féminine. Le choix d’adolescentes renvoie au succès d’une littérature Museum pour la jeunesse à partir du milieu du siècle : lancement de la « Bibliothèque rose illustrée » par Louis Hachette en 1856. Pendant tout le XIXe siècle, cette tranche d’âge est l’objet d’un regard inquiet de la part de la société. Représentées occupées, avec un bon maintien, dans le partage et la complicité, ces jeunes filles incarnent les bienfaits d’une éducation attendue par la bourgeoisie.

5- Femmes cousant

Ces peintures dépeignent un certain mode de vie, rythmé par des activités codifiées dans des manuels de savoir-vivre destinés aux femmes de la bonne société. Mary Cassatt a souvent peint des scènes de thé qui s'apparentent à ces rituels. Ce devoir de société se déroule à jours et heures fixes dans l’après-midi et permet de recevoir des amies et des connaissances pour des moments très courts (de 15 à 30 minutes). Les travaux d’aiguilles sont un véritable poncif du portrait féminin pendant tout le XIXe siècle. Perçus comme l’activité domestique féminine par excellence, ils occupent la femme bourgeoise dans une atmosphère paisible. Le silence règne et le temps semble s’écouler doucement. De très nombreux tableaux de l’exposition témoignent de cet intérêt des artistes pour ces activités féminines. Gustave Caillebotte représente sa mère, tout de noir vêtue, concentrée, les yeux baissés sur son ouvrage (La mère de l’artiste cousant, entre 1873 et 1878). Armand Guillaumin peint son épouse dans cette même activité (Madame Guillaumin cousant, 1888). Sa femme, Marie Joséphine Gareton est son principal modèle. Elle était la fille d’une libraire chez qui l’artiste se fournissait en papier et en couleurs. Elle a décroché l’agrégation de lettres, et en 1886 a été recrutée comme professeur au lycée Fénélon pour enseigner aux jeunes filles de la capitale. Il l’a représente généralement absorbée dans une activité silencieuse, sans communication avec le spectateur. Ici, la jeune femme est dehors, sans doute enceinte de leur premier enfant. Peut-être est-elle en train de Gustave Caillebotte, Portrait de Madame Caillebotte, 1877, broder des pièces du trousseau ? L’artiste ne fait qu’ébaucher le premier huile sur toile, 83 x 72 cm, plan qui évoque les voilages d’un berceau. collection particulière Renoir donne une autre approche de cette activité qui suggère un univers intime et une vie rangée. Le portrait de Christine Lerolle brodant, vers 1895, s’ouvre à l’arrière plan sur un intérieur décoré de tableaux que deux hommes jugent en connaisseurs. Parmi eux, se trouve l’industriel Henri Rouart, amateur d’art et collectionneur, futur beau-père de Christine, qui épousera en 1901 son fils Louis. Christine Lerolle est la fille d’Henry Lerolle, peintre et collectionneur et de Madeleine Escudier. Elle vit dans un milieu éclairé et passionné par les arts où se croisent peintres, musiciens et mécènes. Plus qu’un simple portrait d’une jeune fille absorbée par ses activités domestiques, cette œuvre témoigne aussi des réseaux artistiques. Nicolas Coutant dans la notice du catalogue fait également remarquer le parallèle entre le regard de cette brodeuse absorbée par les gestes de ses mains sur le tissu et le regard du collectionneur et du peintre qui revient sur sa toile. 29 Édouard Vuillard a réalisé plus de cinq cents tableaux mettant en scène sa mère occupée à ses activités courantes dont La couture, en 1902-1903. Pour cette femme, cette activité n’est pas un loisir mais un travail. Vuillard a grandi à Paris dans un milieu modeste et n’a que seize ans à la mort de son père. Sa mère, avec laquelle il vit jusqu’à ce qu’elle s’éteigne en 1928, est issue d’une famille de dessinateurs sur tissus. Elle dirige un atelier de confection de corsets et un atelier de couture à domicile. Edouard Vuillard a baigné dans ce monde de textiles et de soieries, très présent dans sa peinture.

6- Le portrait mortuaire

L’historien Philippe Ariès a montré comment s’est installé, à partir de 1850, le culte des morts en France. Sous l’influence conjuguée des positivistes, des catholiques et de la science, on s'intéresse aux morts. Les cimetières restent dans les villes, devenant des buts et des lieux de méditation. À la fin du siècle, la photographie post-mortem, permettant de garder un dernier souvenir du défunt, se développe. Lorsque Camille Doncieux, la première épouse de Claude Monet, décède en 1879, à l’âge de 32 ans, il éprouve le besoin de la représenter une dernière fois, sur son lit de mort. Il est très abattu par la disparition précoce de celle qui a été aussi la mère de ses deux fils, Jean et Michel, et le modèle de ses débuts. L’art permet de transcender la douleur. Cet ultime portrait n’a été révélé au public qu’en 1963.

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IV - PISTES PEDAGOGIQUES

A- Le XIXe siècle et la BOURGEOISIE MISE EN SCÈNE

- Quelles sont les différentes conditions ayant permis le développement de l’impressionnisme ? Bouleversements socio-économiques, industrialisation, positivisme, théories hygiénistes, la réhabilitation de l’art du XVIIe siècle, les conséquences du romantisme et du réalisme, progrès de la chimie et de l’optique…

- Décrire la société des loisirs : les plaisirs autour de l'eau : régates, canotage, pêche et baignades ; les tenues vestimentaires des canotiers, des jeunes filles (Pierre Auguste Renoir), des divers personnages.

- Faire observer et décrire la vie de la bourgeoisie au XIXe siècle : cadre de vie, occupations, tenues et attitudes. Expliquer en quoi ces représentations correspondent ou non aux attentes du public. Aux membres du jury du Salon ?

- A partir de la description ou d’une image, photographique ou picturale d’un intérieur bourgeois de la fin du XIXe, trouver dans l’exposition le tableau qui irait le mieux dans ce décor et, à l’inverse, celui qui jurerait. En débattre, se questionner sur les objectifs de l’artiste: peindre pour plaire, être compris et vendre, pour exprimer sa sensibilité. Etre dans une démarche expérimentale ou appliquer une « recette».

- En arts plastiques, on pourra envisager une réalisation de ces deux œuvres.

- Faire étudier la biographie de ces peintres représentatifs de la nouvelle société : mettre en avant leurs origines sociales, leurs situations familiales, leurs engagements ou non lors de la guerre de 1870 et leurs opinions politiques lors de l’affaire Dreyfus.

- Rappeler que les œuvres voyagent, changent de propriétaires, viennent de musées nationaux et étrangers, de collections particulières et qu’elles s’inscrivent dans une économie capitaliste.

- Replacer l'exposition « Scènes de la vie impressionniste » du musée des Beaux-Arts de Rouen dans le cadre du « Festival Normandie Impressionniste ». Retrouver les acteurs institutionnels et privés de cette manifestation. Souligner son rôle dans le développement économique de la région.

- Rappeler qu’en démocratisant le portrait, la photographie n'est plus le monopole des classes dirigeantes : elle s’ouvre à d’autres couches de la société. Les moments importants sont immortalisés et permettent à tous d'avoir une représentation de soi.

B- PEINTURE ET MODERNITÉ

- La modernité s’inscrit tout au long du XIXe siècle, techniquement tout d’abord, puis conséquemment dans les arts : le monde réel s’industrialise et permet de nouvelles visions (gares, trains, ponts, structures métalliques, usines, bateaux à vapeur..) en même temps qu’il lui offre de nouvelles façons de voir, avec la photographie… et les recherches picturales, des réalistes aux impressionnistes. Ceci sera à l’origine de scandales : dans le choix des sujets comme dans l’exécution picturale.

- Travail sur l’expressivité du graphisme : exprimer les sensations tactiles ressenties lorsque l’on touche : du sable, une fourrure d’animal, des clous dans une boite, de la farine… en utilisant juste un stylo à bille. « Dans une masse, ce qu’il y a de plus difficile, ce n’est pas de détailler le contour, mais de faire ce qu’il y a dedans. » Camille Pissarro

33 - A propos de Gustave Caillebotte, Dans un café : Quelle serait l’impression de la modernité d’aujourd’hui ? (Quel lieu, quel personnage, quelle pose, quel cadre, quel cadrage, quel format, quelle technique ?) Faire une photographie impossible à faire il y a 10 ans (à l’inverse : faire une photo qu’on ne pourra plus faire dans 10 ans).

- Picturalement, la perte de l’illusion de profondeur, ou en tout cas la disparition de celle-ci en tant que priorité marque la modernité. À partir d’un dessin au trait, étalonnant quelques plans, creuser la surface : accentuer l’impression de profondeur, puis, au contraire, sur une autre épreuve, affirmer la frontalité : annuler l’impression de profondeur (cf , Intérieur aux aubergines, 1912 ; Paul Gauguin, la Vision après le sermon, 1888)

- Expliquer l’intérêt des impressionnistes pour les estampes japonaises. Quelles sont les différentes conditions favorables à leur découverte ?

- Transformer un des tableaux présentés en « estampe japonaise».

- « La couleur est mon obsession quotidienne, ma joie et mon tourment. » Claude Monet. La technique impressionniste exploite les couleurs primaires et complémentaires, les contrastes simultanés, la division de la touche, les mélanges optiques. Félix Fénéon décrit en ces mots : « On proscrivit les bitumes, les tons de momie, tous les funèbres ingrédients de l'école et de la tradition [...] ; si l'on décomposa les tons, on le fit à libres touches [...]. On peignit par larges empâtements ; les toiles se bosselèrent comme des plans en relief. » (La Vogue, septembre 1886). Travailler sur les couleurs primaires et secondaires : devant une toile, demander aux élèves, après leur avoir proposé une large série de couleurs en tubes (industrialisés autour de 1840) de trouver le minimum de couleurs à mettre sur la palette pour pouvoir réaliser quand même l’œuvre.

- Travail sur la touche picturale et l’empâtement : en ne prenant qu’une seule couleur, toujours la même, (par exemple du vert ou du rouge) montrer sur des surfaces différentes, qu’il s’agit de très gros plans - de gazon (de la bruyère) - un paillasson en plastique - un bain moussant - un buisson piquant…

- Travail sur les différents contrastes colorés : complémentaires, de couleurs pures, chaud et froid. Un personnage de la planète «toutenjaunes» tombe follement amoureux d’une personne de la planète «nevapasdutoutavectoi». Représenter et colorer ces deux amoureux. Ou Dedans, c’est l’inverse de Dehors.

- Quantité de lumière dans une couleur : observer une œuvre colorée aux couleurs définies et en aplat (un Matisse, par exemple), et sa photocopie en noir et blanc. Distinguer la transposition en valeur de gris. Remettre les couleurs originales sur l’image d’une représentation dont on n’a qu’une photocopie en noir et blanc, en respectant les rapports de tonalités entre les couleurs. Confronter les résultats.

- « Faites donc comprendre à Monsieur Pissarro que les arbres ne sont pas violets, que le ciel n’est pas d’un ton beurre frais, que dans aucun pays on ne voit les choses qu’il peint (…) » A. Wolff, 1874. Mélanges optiques : cf pointillisme (Seurat), art cinétique (François Morellet, Agam), trames quadrichromiques (Lichteinstein). Faire une image qui, de loin, ne soit pas la même que de près.

C- LE RAPPORT TEXTE-IMAGE :

- Confronter Le Déjeuner sur l’herbe de Manet à la description du tableau intitulé Plein air de Claude Lantier dans L’Œuvre d’Émile Zola.

- Travailler sur le récit « imagé » : Zola déclare en 1877 à Degas, à propos des repasseuses et blanchisseuses de son roman L’Assommoir qui vient d’être publié : « J’ai tout bonnement décrit, en plus d’un endroit, dans mes pages, quelques-uns de vos tableaux.» Analyser la rhétorique très codifiée régissant les descriptions qui, ici ou là, semblent inspirées de tableaux

34 impressionnistes : utilisation de métaphores visuelles, tactiles ou olfactives, style indirect, recours systématique au passé simple qui semble rejeter le discours descriptif.

- Faire constater combien le tableau de Monet Jeune fille à l’ombrelle peint en 1886 est presque une réécriture du portrait que Flaubert fait de Mme Arnoux dans L’Éducation sentimentale (1869) « Ce fut comme une apparition… »

- Proust est né en pleine révolution impressionniste et il a toujours défendu Manet, Renoir, Monet et Degas qu’avait connus son ami Jacques-Émile Blanche. Il visita leurs expositions et le personnage d’Elstir dans À la Recherche du temps perdu, peut être considéré comme une synthèse de leur époque et de leur école. On lira ces passages avec les élèves et on tentera de mettre en valeur ces éléments.

- Ecrire le portrait d’un personnage à partir de la description (ou de l’observation) d’un lieu.

- Réaliser l’image d’un personnage à partir de la représentation d’un lieu.

- On entre dans la ville, on entre dans les bistros, en peinture comme en littérature. Les miroirs servent à révéler une part de la vérité ou ne montrent plus la réalité (cf. Le Horla de Maupassant…). Pour chacune de ces notions un travail d’analyse d’images pourra être fait afin d’aiguiser le regard des élèves devant des œuvres impressionnistes (Gustave Caillebotte, Dans un café). Des transcriptions littéraires pourront faire l’objet de travaux d’écriture sous différentes formes : prose ou poésie. On pourra aussi partir d’une description réaliste et l’épurer, l’affiner par des sensations pour la rendre « impressionniste. »

- Dialogue entre peinture et littérature: Lire l’extrait de Mon Salon, Édouard Manet, d’Émile Zola, Article publié dans L’Événement illustré, le 10 mai 1868, où l’écrivain raconte son expérience de modèle et analyser l'œuvre picturale pour mettre en évidence le rapport étroit qui s’établit entre les deux artistes.

- Faire rédiger un article ou une lettre pour soutenir une œuvre (un film/ une chanson/ un tag/ une photo...) et son auteur, du point de vue d’un critique d’art, d’un vendeur ou d’un spectateur/ auditeur. Comparer les productions, les mettre en parallèle avec le système art / marchands/ critiques / collectionneurs du XIXe siècle. - On peut donc dire qu’impressionnisme rime avec littérature dans la deuxième partie du XIXe siècle. Soit parce que le scandale qui participe à son éclosion ne manqua pas de faire de certains écrivains de véritables critiques d’art (citons Baudelaire, Zola, Huysmans, Mirbeau, Maupassant…) soit parce qu’il a influencé en profondeur leurs œuvres elles-mêmes (Zola, Maupassant, Verlaine, Mallarmé...). En partant d’articles de journaux contemporains rendant compte d’expositions, définir la critique : son statut, ses fonctions, son public, ses pouvoirs.

- Faire rédiger quelques lignes de commentaire sur un tableau, d’un point de vue critique. Montrer que la critique d’art peut, dans certains cas, être un genre littéraire spécifique.

35 V- ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

Sites internet :

- www.scenesdelavieimpressionniste.fr Présentation de l’exposition Scènes de la vie impressionniste

- www.musee-orsay.fr/fr/espace-professionnels/professionnels/enseignants-et- animateurs/ressources-pedagogiques/ressources-en-ligne.html Site du musée d’Orsay présentant des ressources pédagogiques

- www.marmottan.com Site du musée Marmottan Monet où est conservée la collection la plus importante d’œuvres de Claude Monet

- www.mdig.fr Site du musée des impressionnismes à Giverny, musée qui s’intéresse à l’histoire de l’impressionnisme et à ses suites, notamment la colonie de Giverny et la vallée de la Seine.

- http://www.co-naitre.net/articles/histoireallaitementCRmai2006.pdf (sur l’allaitement) - http://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00952015/document (sur Louise Abbéma)

Ressources du musée :

- Histoire de l’art

 Histoire de l’impressionnisme : - Richard R. Bretell, Impressionnisme, peindre vite, 1860-1890, Hazan, 2009 ;* - Augustin de Butler, Lumières sur les impressionnistes, L’Echoppe, 2007 ;* - Isabelle Cahn, L’impressionnisme ou l’œil naturel, éditions du Chêne, 2005 ;* - Athea Callen, Les peintres impressionnistes et leur technique, Art et images, 2006 ;* - Gabriele Crepaldi, Petite encyclopédie de l’impressionnisme, éditions Sala, 2006 ;* - Jacques-Sylvain Klein, La Normandie, berceau de l’impressionnisme : 1820-1900, Éditions Ouest-France, 1996 ;* - Elisabeth Lièvre-Crosson, De l’impressionnisme à l’expressionnisme, Les essentiels Milan, 2005 ;* - Dominique Lobstein, Au temps de l’impressionnisme, Découvertes Gallimard, 1994 ;* - Karin H. Grimme, Impressionnisme, Taschen, 2007 ;* - Sylvie Patin, Impression, impressionnisme, Gallimard, 1998 ;* - John Rewald, Histoire de l’impressionnisme, Hachette, 2004 ;* - John Rewald, Le post-impressionnisme. De Van Gogh à Gauguin, Hachette, 2004 ;* - James H. Rubin, L’Impressionnisme, Phaidon, 2008 ;*

 Sur le XIXe siècle : - Michelle Perrot, La vie de famille au XIXe siècle, suivi de Anne Martin-Fugier, Les rites de la vie privée bourgeoise, Points, 2015. - Sous la direction de Gloria Groom, L’impressionisme et la Mode, Flammarion, 2012

 Collections musée des Beaux-Arts de Rouen : - Rouen, Les Cathédrales de Monet, musée des Beaux-Arts de Rouen, 1994 ;* - Laurent Salomé, Album, Les impressionnistes, musée des Beaux-Arts de Rouen, RMN, 2003 ;*

 Claude Monet : - Pascal Bonafoux, Monet 1840-1926, Perrin, 2007 ;* - , Claude Monet, souvenirs 1889-1909, L’Echoppe, 2009 ;*

36 - Christoph Heinrich, Monet, Taschen, 2006 ;* - Claude Monet, Mon histoire, L’Echoppe, 1998 ;* - Walter Pach, Une visite de Claude Monet. Giverny, novembre 1907, L’Echoppe, 2009 ;* - Sylvie Patin, Monet « Un œil…mais, bon Dieu quel œil ! », Découvertes Gallimard, 1997 ;*

 Pissarro - Camille Pissarro, Parkstone international, 2009 ;*

 Gauguin - Françoise Cachin, Gauguin “Ce malgré moi de sauvage”, Découvertes Gallimard, 2009 ;* - Ronald Pickvance, Gauguin, Fondation Pierre Gianadda, 1998 ;* - Ingo F. Walter, Gauguin, Taschen, 2003 ;*

- Jeune public

 Impressionnisme - 30 jeux autour des impressionnistes, Récré-musées, RMN, 2002 ; - L’impressionnisme, Gallimard, Mes premières découvertes de l’art, 2004 ; - Véronique Bouruet-Aubertot, L’impressionnisme. Les peintres de la vie moderne, L’art et la manière, 2007 ; - Isabelle Cahn et Olivier Morel, L’impressionnisme, éditions Courtes et Longues, 2006 ; - Marie Sellier, Impressionnisme entrée libre, Album Nathan, 2007 ;

 Peintres - Gauguin, L’invitation au voyage, L’art et la manière, 2005 ; - Monet et les impressionnistes, La Normandie racontée aux enfants, Normandie Junior, 2007 ; - Monet. Le peintre de l’eau et de la lumière, L’art et la manière, 2004 ; - Sylvie Girardet, Nestor Salas, Les chevalets de Monet, RMN, 2003 ; - Catherine et Kimihito Okuyama, Monet, Hazan jeunesse, 1993.

 Autres - Béatrice Joyeux-Prunel, Les avant-gardistes artistiques 1848-1918, Folio, janvier 2016

- Littérature

- , Curiosités esthétiques, L’art romantique, Les Fleurs du Mal, Éditions Garnier ou Gallimard (Pléiade, éd. Pichois) ; - Joachim Du Bellay, Les Antiquités de Rome, Flammarion, 1994 ; - Pierre-Georges Castex, Baudelaire, critique d’art, SEDES, 1969 ; - Joris-Karl Huysmans, L’exposition des indépendants en 1880, L’art moderne, Paris, 1883 ; - Guy de Maupassant, Romans, textes réunis et présentés par Claude Aziza, Omnibus, 1999 ; - Octave Mirbeau, Impressions d’art, Le Gaulois, 1886 ; - , À la recherche du temps perdu, Gallimard, La Pléiade, 1987 ; - Paul Verlaine, Fêtes galantes, Romances sans paroles, Gallimard NRF, collection Poésie, 1973 ; - Émile Zola, Écrits sur l’art, Gallimard, collection Tel, 1991 ; - Émile Zola, Écrits sur l’art, Garnier-Flammarion, 1970 ; - Émile Zola, Le bon combat, Hermann, 1974 ; - Émile Zola, L’Œuvre, Garnier-Flammarion, n°278, 1974 ; - Émile Zola, Pour Manet (anthologie), Complexe, 1989.

*Ouvrages consultables au service des publics sur rendez-vous.

37 VI - POUR ALLER PLUS LOIN

• Chefs-d'œuvre impressionnistes dans les collections permanentes Le musée des Beaux-Arts de Rouen présente l’une des plus riches collections impressionnistes après celle du musée d’Orsay. Vous pouvez donc, en amont ou en aval de votre visite de l’exposition, admirer d’autres chefs d'œuvres de Renoir, Sisley ou Monet et ainsi élargir votre angle de vue en passant des scènes de la vie impressionniste aux paysages, urbains ou non, qui font l’objet principal du fond de Rouen.

• Parcours «portrait» dans les collections permanentes L'exposition pourra vous donner l’occasion de travailler sur la notion de portrait et les collections permanentes vous permettront d’appréhender le sujet plus globalement en vous promenant à travers les siècles.

38 VII - VISITER L’EXPOSITION AVEC SA CLASSE

Musée des Beaux-Arts Exposition Esplanade Scènes de la vie impressionniste 76 000 Rouen Du 16 avril au 26 septembre 2016 Tél. : 02 35 71 28 40 Tous les jours sauf le mardi et le 1er mai www.mbarouen.fr 10h – 18h

Service des publics Esplanade Marcel Duchamp 76 000 Rouen Tél. : 02 76 30 39 18 / Fax : 02 32 76 70 90 Mail : [email protected]

Service éducatif N’hésitez pas à contacter Laure Bernard, professeur d’arts plastiques, Séverine Chaumeil, professeur des écoles, Sabine Morel, professeur de lettres et Patricia Joaquim, professeur d’histoire-géographie pour tout projet pédagogique au 02 76 30 39 18 (sur rendez-vous le mercredi de 15h à 17h – hors vacances scolaires).

Contacts : Laure Bernard, professeur d’arts plastiques : [email protected] Séverine Chaumeil, professeur des écoles : [email protected] Sabine Morel, professeur de lettres : [email protected] Patricia Joaquim, professeur d’histoire-géographie : [email protected]

Informations et actualités sur : - http//www.ac-rouen.fr, rubrique espaces pédagogiques / action culturelle (site du Rectorat) - http//www.musees-haute-normandie.fr / rubrique ressources éducatives

Tarifs Pour le confort des visites, il est nécessaire de réserver auprès du service des publics au moins 3 semaines avant la date souhaitée par le biais du site internet du musée en utilisant la fiche de réservation en ligne.

Visites libres : Durée à préciser / 30 élèves maximum Entrée gratuite pour les groupes scolaires (réservation obligatoire)

Visites commentées : Durée : 1h / Tarif : 45€ par classe

Visites-Ateliers : visite commentée de l’exposition associée à un atelier de pratique artistique animé par un plasticien (matériel fourni) Durée : 2h / Tarif : 100€ pour 15 enfants / 200€ pour 30 enfants

39 ANNEXES

RESSOURCES DOCUMENTAIRES

Quelques biographies extraites de James H. Rubin, L’impressionnisme, Phaïdon, art et idées, 2008

Gustave Caillebotte (1848-1894) Fils d’un riche fabricant de textile dont il hérita avec son frère en 1874, Caillebotte étudit d’abord avec Léon Bonnat, un réaliste académique, avant de se joindre aux impressionnistes par l’intermédiaire d’Edgar Degas avec qui, au début, il avait eu une grande complicité artistique. Il commença à exposer avec le groupe en 1876 et le soutint avec enthousiasme jusqu’en 1882. Caillebotte a joué un rôle primordial dans l’organisation des expositions, payant les cadres et les lieux d’exposition, et achetant des œuvres à ses amis à des prix très surévalués. Il acquit ainsi une splendide collection qu’il légua à l’Etat français à sa mort. Le legs ne fut que partiellement accepté, et non sans polémique. Il constitue aujourd’hui le noyau des collections du musée d’Orsay.

Mary Cassatt (1844-1926) Fille d’un grand industriel de Pittsburgh, Cassatt étudia à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts de Philadelphie avant de voyager en Europe avec ses parents. C’est à Paris qu’elle rencontra Edgar Degas. Ce dernier lui proposa de participer aux expositions impressionnistes, ce qu’elle fit à partir de 1879. Cassatt passa le reste de sa vie en France et demeura toujours proche de Degas. Elle acheta des œuvres impressionnistes et encouragea sa famille et ses amis à faire de même. Elle peignit des scènes familiales d’une grande sensibilité, et partageait le goût de Degas pour les techniques comme le pastel et la gravure. En 1891, elle réalisa une série très originale d’eaux- fortes colorées inspirées de l’art japonais.

Paul Cézanne (1839-1906) Après une enfance passée à Aix-en-Provence, Cézanne commença des études artistiques malgré l’hostilité de son père, homme fortuné. Ses amis de jeunesse, Emile Zola entre autres, avaient eux aussi des ambitions littéraires et artistiques. Après avoir suivi Zola à Paris en 1861, il étudia à l’académie Suisse. Au début des années 1870, il travailla avec Camille Pissarro à Pontoise, se concentrant sur le paysage et la nature morte. Bien qu’ayant pratiqué le plein air comme les impressionnistes ses ambitions étaient marquées par son admiration pour les classiques. Dans les années 1890, il fut remarqué par la critique alors qu’il exposait chez le jeune marchand Ambroise Vollard, et sa peinture influença une nouvelle génération d’artistes conduite par , et les Nabis.

Edgar Degas (1834-1917) Issu d'une famille de banquiers, Degas fréquenta l'Ecole des Beaux-Arts de Paris et étudia les maîtres anciens pendant un séjour de 3 ans en Italie. Ayant rencontré Manet au début des années 1860, il entra dans le cercle impressionniste et abandonna peu à peu les sujets historiques et littéraires. Dans le choix de ses thèmes, il était le plus urbain de tous, et il s’intéressa peu au paysage et à la pratique du plein-air, préférant le travail en atelier. Malgré tout il apporta un soutien décisif aux expositions impressionnistes desquelles il ne s'absenta qu'une seule fois. Il les ouvrit aussi à d'autres artistes dont Gustave Caillebotte et Mary Cassatt. Son intérêt pour la technique l'amena à explorer le pastel, la gravure et la sculpture. Les courses hippiques, le ballet et les scènes de maison-close furent des sujets de prédilection qu'il finit par traiter en séries. Profitant de son succès commercial, il collectionna avidement les maîtres du passé comme Delacroix et Ingres, mais aussi ses amis impressionnistes. A la fin de sa vie, son antisémitisme véhément, révélé pendant l'affaire Dreyfus, l'éloigna de maints amis de jeunesse.

Paul Gauguin (1848-1903) Fils d’un journaliste français et d’une créole péruvienne, Gauguin passe sa petite enfance au Pérou. En 1872, il est embauché à la banque Bertin, à Paris. Après avoir vu l’exposition impressionniste de 1874, il commence à acheter des œuvres et décide de devenir artiste. Il peint à Pontoise avec Pissarro et Cézanne dont l’influence est sensible dans ses premières œuvres, et participe aux expositions impressionnistes à partir de 1878. Après le krach boursier de 1882,

40 Gauguin se retrouve sans emploi et se consacre entièrement à la peinture. En 1884, sa femme, danoise, et leurs enfants quittent la France pour aller vivre à Copenhague. La mésentente avec sa femme et sa belle-famille et les difficultés financières l’amenèrent à revenir en France en 1885.

Edouard Manet (1832-1883) Fils d’un haut magistrat du Second Empire, raffiné et nonchalant, Manet fut considéré par la plupart des impressionnistes comme chef de file, même s’il refusa d’exposer avec eux, persuadé que le Salon était le lieu de rencontre essentiel avec le public. Elève du maître indépendant Thomas Couture, il fut d’abord influencé par le réalisme hollandais et espagnol plutôt que par l’académisme dominant. Deux de ses œuvres, Le déjeuner sur l’herbe et Olympia, provoquèrent un tollé qui établit sa réputation d’artiste radical d’avant-garde. Manet contribua à faire des Batignolles un quartier d’artistes. Au début des années 1870, ses liens avec Berthe Morisot et Claude Monet l’amenèrent à peindre en plein air et à éclaircir sa palette. Cependant, les toiles auxquelles il consacrait le plus d’énergie se composaient toujours de personnages dans un cadre urbain, bien qu’il ait réalisé nombre de natures mortes, de scènes de jardin et de portraits d’amis, dans une manière impressionniste plus souple. Malade, il mourut prématurément.

Claude Monet (1840-1926) Né à Paris et ayant grandi au Havre où son père était négociant, Monet est le peintre emblématique de l’impressionnisme. C’est le titre de sa toile Impression, soleil levant peint en 1872 qui est à l’origine du terme générique qualifiant l’art de plusieurs artistes ayant exposé en même temps que lui à la première exposition impressionniste de 1874. C’est sur les plages normandes qu’il commence à peindre et au contact d’Eugène Boudin qu’acquière l’amour du plein air. Suivant l’exemple des peintres de Barbizon, il s’installe hors de Paris, mais plutôt que la pleine campagne, il préfére les paysages de la banlieue d’Argenteuil. Ses toiles de voiliers s’imposèrent comme des modèles d’impressionnisme, mais il poursuivit son évolution et ses recherches, d’abord en voyageant, puis en peignant des séries d’un même motif, vu sous des angles proches ou dans des conditions variées. Il finit par s’installer à Giverny en 1883 où il achète une propriété qu’il dota d’un jardin splendide, avec un étang couvert de nymphéas, orné d’un petit pont japonais. Il fut l’un des premiers impressionnistes à avoir du succès, en grande partie grâce à sa collaboration avec le marchand Paul Durand-Ruel. Il soutint généreusement ses collègues et amis, organisant la collecte de fonds publics en vue d’acheter l’Olympia de Manet après la mort du peintre. Il a également défendu publiquement Zola lors de l’affaire Dreyfus.

Berthe Morisot (1841-1895) Fille d’un haut fonctionnaire, elle commença, avec ses sœurs, par prendre des leçons de dessin et de peinture, et finit par travailler sous la conduite de Corot. Ayant rencontré Manet au Louvre par l’intermédiaire de Fantin-Latour, elle se joignit à son cercle, adopta un style proche du sien, et posa pour plusieurs de ses œuvres, notamment Le Balcon de 1869. En 1874, elle épousa le frère de Manet, Eugène qui l’encouragea dans sa carrière de peintre. Elle participa, contre l’avis de Manet, à presque toutes les expositions impressionnistes. Elle ne sortit pas du cadre imparti aux femmes de son temps et de sa classe sociale, se consacrant avant tout aux scènes familiales. Cependant elle développa un style personnel et original, à la touche longue et entrecroisée et aux couleurs claires. Elle montra des aspects de la vie moderne auxquels les hommes n’étaient pas particulièrement sensibles. Interdite de café par les convenances, elle fit de sa propre maison un salon pour les artistes. A sa mort, Renoir et Degas organisèrent une rétrospective de son œuvre qui eut beaucoup de succès.

Camille Pissarro (1830-1903) Fils de marchands juifs de St-Thomas dans les îles Vierges, alors danoises, Pissarro fut éduqué un moment en France avant de retourner aux Antilles pour travailler dans l’affaire familiale. Là, il étudia avec le peintre danois Fritz Melbye avant de revenir à Paris en 1855 pour se consacrer entièrement à l’art. Plus âgé que ses amis impressionnistes, il travailla avec Corot au début de l’année 1860 et rencontra Monet à l’académie Suisse. Il fut rapidement intégré au cercle de Manet. Comme il n’était pas citoyen français, il ne fut pas astreint au service militaire et il évita la guerre de 1870 en allant rendre visite à des parents à Londres. C’est là qu’il retrouva Monet et rencontra le marchand Durand-Ruel, qui commença à acheter ses œuvres. Pissarro fut le seul à avoir participé aux huit expositions impressionnistes et il joua un rôle décisif dans la cohésion du

41 groupe. Installé à Pontoise dans les années 1870, il travailla avec Cézanne et Guillaumin, et devint le chef de file de l’école dite de Pontoise à laquelle Gauguin se joignit par la suite. Ils s’intéressaient moins aux loisirs bourgeois que les autres impressionnistes, et ses penchants anarchistes l’incitaient à représenter le monde paysan plutôt que la société industrielle. Néanmoins, il est, avec Guillaumin, celui qui a la plus intégré de sujet de l’industrialisation dans son art. Après son installation à Eragny en 1884, il fut le seul à se convertir, quoique brièvement, au néo-impressionnisme qui le séduisait par sa rhétorique scientifique et démocratique. Dans les années 1890, il suivit l’exemple de Monet en produisant des séries, montrant des vues urbaines prises depuis des fenêtres d’hôtels plutôt que des scènes de campagne et de jardin.

Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) Né à Limoges, Renoir arriva à l’âge de 3 ans à Paris où son père, tailleur, espérait s’enrichir. En 1854, il fut placé comme apprenti chez un peintre de porcelaine et, en 1862, il commença à fréquenter l’atelier de Charles Gleyre. L’année suivante, il était admis à l’Académie. Bien qu’il exposât quelques œuvres au Salon, il peignit fréquemment en compagnie des impressionnistes qu’il avait rencontrés chez Gleyre. En 1869, il travailla notamment avec Monet à la Grenouillère où ils élaborèrent leurs styles impressionnistes propres. Le sujet de prédilection de Renoir était les femmes et ses maîtresses ou de jeunes femmes rencontrées au café, au Moulin de la Galette par exemple, lui servaient de modèles. Ses amis lui obtinrent de nombreuses commandes, essentiellement des portraits, lesquels occupent une place prépondérante dans son œuvre, à la différence de ses confrères. Son succès l’incita à revenir au Salon en 1878, choix qui le disqualifia pour l’exposition impressionniste de cette année-là. Comme Monet, il se mit à voyager dans les années 1880. Cependant, il révisait son style dans un sens plus classique avec l’espoir de s’égaler aux maîtres anciens. En 1884, il entrait dans ce qu’on a appelé sa manière «aigre» ou sa période «ingresque», avec des concours nettement définis mais un coloris toujours éclatant. Dans les années 1890, il s’installa près de la Côte d’Azur où il réalisa de nombreux tableaux représentant des jeunes filles nues et des paysages méditerranéens.

Edouard Vuillard (1868-1940) Edouard Vuillard a grandi et vécu à Paris, avec sa mère qui dirigeait un atelier de confection et qu’il a souvent prise comme modèle. Il a reçu une formation classique dans des académies de peinture et a été marqué par les grands maîtres (Vermeer, Watteau, Chardin, les hollandais du XVIIe siècle). A partir 1890, il participe activement au groupe des Nabis avec Maurice Denis, Pierre Bonnard et Kerr Xavier Roussel. Il a fréquenté aussi le milieu de la Revue Blanche, dirigée par les frères Natanson. Le style de Vuillard s’est construit entre la tradition et les audaces d’avant-garde de son époque. Il a autant réalisé des petits sujets peints dans des valeurs et des tons rapprochés, avec une multiplicité de détails que de décors. Son œuvre phare de la période nabi, Les jardins publics (1894), lui a assuré un grand succès. Edouard Vuillard a une prédilection pour le thème des intérieurs bourgeois. Sous l’influence de Mme Hessel, rencontrée en 1900, il a pénétré le Paris mondain et celui de la grande bourgeoisie industrielle, financière. Il a peint les personnalités rencontrées dans son salon et a détaillé la vie moderne avec ses variations de goût et ses modes. Dans le tableau exposé, La Manucure ou La chambre à coucher de Lucie Hessel, 1906, Vuillard s’attache plus à l’environnement et relaie au second plan Lucy. Il disait « Je ne peins pas des portraits, je peins des gens chez eux».

42 REPERES CHRONOLOGIQUES

1830 : Révolution de 1830 - Règne de Louis-Philippe dit la Monarchie de Juillet (1830-1848) 1837 : Inauguration de la première ligne de chemin de fer (voyageurs) de Paris à Saint-Germain 1839 : Invention de la photographie 1850 : Loi Falloux obligeant les communes de plus de 800 habitants à ouvrir une école primaire pour filles 1851 : Coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte Ière exposition Universelle/Londres Les Frères Goncourt dépeignent dans leur Journal un salon décoré d’œuvres d’art japonaises 1852 : Proclamation du Second Empire Début des travaux (Haussmanniens) d’urbanisation de Paris 1855 : 2ème exposition Universelle/Champs Elysées-Paris 1856 : Hachette lance la « Bibliothèque rose illustrée » Flaubert poursuivi pour «immoralité» pour Madame Bovary, Baudelaire pour Les Fleurs du mal 1862 : 3ème exposition universelle 1862-1863 : Edouard Manet, Déjeuner sur l’herbe, 1862-1863, huile sur toile, Paris, musée d’Orsay et Olympia, 1863, huile sur toile, Paris, musée d’Orsay Victor Hugo, Les Misérables / Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne 1863 : Salon des Refusés Réforme de l’enseignement de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts (création d’ateliers de peinture à l’intérieur même de l’Ecole des Beaux-Arts et nomination des professeurs et des chefs d’atelier par l’autorité de tutelle, minant ainsi l’autorité de l’Académie) 1867 : 4ème Exposition universelle/Champs de Mars-Paris 1868 : Création de l’Académie Julian 1868 : Début du mouvement impressionniste 1870 : Chute du Second Empire – Proclamation de la IIIe République Le Moulin de la Galette (butte Montmartre) devient une guinguette Aux environs de 1870 le courant féministe se structure 1870 : Guerre Franco-prussienne 1871 : Commune de Paris 1872 : Berthe Morisot, Le Berceau, 1872, huile sur toile, Paris, musée d’Orsay Edouard Manet, Portrait de Berthe Morisot au bouquet de violettes, 1872, huile sur toile, Paris, musée d’Orsay 1874 : 1ère exposition impressionniste chez Nadar 1874 : Ouverture du grand magasin Au Bon Marché 1875 : Inauguration de l’Opéra Garnier 1876 : Renoir, Le Bal du Moulin de la Galette 1878 : 6ème Exposition universelle/Paris 1880 : Loi Camille Sée : création collèges et lycées pour les filles (sans philosophie et sans latin) 1881 : Liberté de la presse 1882 : Lois Jules Ferry sur l’enseignement laïc et obligatoire 1883 : Georges-Antoine Rochegrosse, Andromaque, 1883, huile sur toile, Rouen, musée des Beaux-Arts 1884 : Fondation du groupe des XX à Bruxelles : début du mouvement symboliste 1885 : premier vaccin contre la rage (à visée curative) 1886 : 8e et dernière exposition du groupe impressionniste Arrivée de Van Gogh à Paris / Départ de Gauguin à Pont-Aven Emile Zola, L'œuvre 1888 : Début du mouvement Nabi 1889 : 9ème Exposition Universelle-Paris/Tour Eiffel 1889 : Début de l’électrification des rues à Paris 1891-1903 : Période de parution de la Revue Blanche 1892-1893 : série des Cathédrales de Monet 1896 : premier vaccin contre la fièvre typhoïde 1897 : L’école des Beaux-Arts devient mixte Premier vaccin contre la peste 1900 : 13ème Exposition universelle/Paris – Première ligne de métro 1901 : Claude Monet achète une voiture Panhard- Levassor 1903 : Le Prix de Rome cesse d’être réservé aux hommes Création du Salon d’Automne 1904 : Une salle entière du Salon d’Automne est consacrée à Cézanne 1907: Pablo Picasso, Les Demoiselles d’Avignon, 1907, huile sur toile, New-York, Museum of Modern Art 1ère exposition Fauve au 5e Salon d’Automne 1911 : Un Vendredi au Salon des artistes français de Léon Jules Grün… Naissance du cubisme analytique

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