RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES DANS LES FORÊTS DE HAUTE BELGIQUE

ESSAI SUR LES FONDEMENTS DE LA SOCIOLOGIE DES CHAMPIGNONS SUPÉRIEURS

INTRODUCTION

Depuis des années, nous nous sommes attaché à Nous venons d'énoncer les qualités essentielles que l'étude de la flore et de la végétation mycologiques (1) l on est en droit d'exiger dune méthode mycosociologi­ de la Haute Belgique. Au cours de cette étude nous que : une méthode qui soit adaptée aux caractères avon envi agé le problème de la sociologie des cham­ particuliers des champignons. pignons supérieur . Les méthodes classiques utilisées dans l'étude des Nous ne sommes pas le premier à nous engager associations végétales autotrophes se sont rapidement dans cette voie. Mais alors que la seule liste des travaux révélées, à l'expérience, inutilisables dans Je cas des consacrés à la sociologie des autres végétaux compor­ mycètes. Le caractère hétérotrophe des champignons, terait plusieurs volumes, une revue critique des travaux leurs relations de dépendance avec le milieu, dominées qui traitent de la sociologie des champignons ne par les facteurs biotiques, la situation de leur mycélium comptera que quelques page . peu accessible à 1 observation - la présence de 1 orga­ ous avons étudié attentivement les méthodes et nisme n'est révélée que pendant peu de temps chaque les technique employée par nos devancier ; nous les année par les organes aériens -, la double dépendance avon discutées en fonction des données qu'elles ont de 1 apparition de ceux-ci vis-à-vis de la saison et permis de recueillir. Cette révision nous a autorisé à vis-à-vis des conditions atmosphériques, le rythme sai­ voir dans l'insuffi ance des méthodes employées, une sonnier qui est propre à la végétation fongique, la des rai on majeures du peu de progrès des études de notion d'individu en mycologie, la question de l'espèce sociologie dans le domaine de la mycologie. Nous fongique, la réaction physionomique des carpophores avons été ainsi amené à poser tout Je problème de la aux conditions de l'ambiance, sont autant d'éléments méthode en sociologie mycologique, à en recon idérer dont une méthode d'étude des champignons sur le ter­ les fondements et les principes directeurs et à mettre au rain doit tenir compte au premier chef. point un en emble de techniques d'analyse et de syn­ Les champignons apparaissent d'une manière fugace thèse appropriées. et durant une courte période. Il s'agit de multiplier les Nous avons voulu que cette m.:thode, qui tient observations au maximum et de recueillir le plus pos­ compte des données acqui e par nos devanciers et qui sible de données chiffrées en cette saison où des centai­ se fonde sur des recherche personnelles nombreuse , nes d'espèces développent leurs carpophores en même soit aussi adaptée que possible aux caractères propres temps. Il s'agit de ne pas distraire au profit d'une aux champignons supérieurs et que ses techniques technique qui serait trop compliquée, le temps et soient pratiques, c'est-à-dire simples et rapides, de l'attention nécessaires aux observations. Une technique manière à faire face aux nécessités de l'observation sur pratique aura de plus des chances d'être adoptée par Je terrain. d'autres chercheurs et elle permettra l'éclosion de nom­ breux travaux en mycosociologie, condition du progrès 1 ( ) Nos investigations se sont limitées aux champignons de cette discipline. supérieurs : Ascomycètes, Discomycètes (ainsi que quelques rares Pyrénomycètes), Basidiomycètes (à l'exclusion des Urédi­ nales et Ustilaginales). ** * l 2 INTRODUCTION

La mise au point de ce travail a nécessité des La fragilité des champignons et la fugacité de leurs observations nombreuses et de longue baleine. L'étroite caractères constituent certainement une des premières dépendance dans laquelle la végétation mycologique se causes de cette situation. La fragilité de beaucoup trouve vis-à-vis des conditions atmosphériques est un d'espèces s'oppose à une bonne conservation en herbier fait bien établi. D'une part, la production des carpo­ et interdit une étude différée : on doit immédiatement phores connaît au cours de l'année des fluctuations prendre le plus de notes descriptives possible, dessins, dues à ces conditions. D'autre part, les années très aquarelles et se contenter d'exsiccata qui n'auront plus favorables au développement fongique sont rares; d'intérêt qu'au point de vue des caractères microscopi­ durant les années de cc disette 1>, les observations insuf­ ques. La systématique des plantes vertes se travaille fisantes donnent au chercheur une vision imparfaite de sur des matériaux d'herbier. La systématique des mycè­ la composition de la flore et de la répartition des tes s'élabore sur des aquarelles et des notes prises sur espèces; les généralisations que l'on voudrait tenter le vif; on mesure sans peine la place que peuvent y seraient pour le moins hâtives. prendre la subjectivité et l'arbitraire. La fugacité de Durant nos dix dernières années de recherches, nous certains caractères, tels que la nature et l'insertion des n'avons pu disposer d'un matériel mycologique abon­ voiles ou la couleur des lamelles jeunes, exige que le dant et effectuer des observations nombreuses qu'en développement sur le terrain soit attentivement suivi 1942, 1945 et 1950. et les aspects successifs que prennent les carpophores Un autre fait qui complique encore le problème de soigneusement notés. Quantité de descriptions que l'on l'étude des champignons supérieurs est l'apparition << à trouve dans la littérature mycologique ne représentent éclipse li de cerLaines espèces. Si les espèces banales qu'un stade de développement et les noms spécifiques font, bon an mal an, leur apparition, d'autres espèces, qui leur ont été attribués encombrent inutilement la les plus intéressantes souvent du point de vue écologi­ nomenclature. que, ne se montrent qu'à intervalles fort espacés et fort On peut trouver une deuxième raison des difficultés irréguliers; il semble même que certaines espèces ne que rencontre la mycologie systématique dans le jeu produisent leur appareil sporifère que tout à fait compliqué de la priorité et de la synonymie, qui con­ exceptionnellement. traint le mycologue à perdre un temps précieux dans Si bien qu'en définitive, le mycosociologue se l'obscurité des descriptions anciennes : tantôt elles sont trouve non seulement dans la nécessité d'explorer un franchement insuffisantes et peuvent s'appliquer à plu­ même site tout au long de la saison, mais encore de sieurs espèces distinctes; tantôt elles font état de poursuivre ses recherches durant plusieurs années. caractères différentiels dépourvus de valeur taxono­ La base d'une étude pbytosociologique est l'analyse mique; toujours elles ignorent les caractères d'ordre floristique, analyse qui implique la connaissance des anatomique ou chimique que les techniques modernes espèces constitutives de l'association à étudier. Or en nous permettent de saisir. mycologie, la connaissance des espèces demande à elle Un troisième facteur qui entrave les progrès de la seule un long apprentissage et des années de travail; mycologie est le polymorphisme si déroutant des et elle reste encore incomplète : cc Nombre de genres champignons, qui rend vaine toute tentative de définir sont encore si mal connus qu'il est impossible pour le les espèces par la mention de quelques caractères moment, même à un mycologue très expérimenté, d'en stables. L'observation et l'expérience ont montré dans déterminer toutes les espèces 11 (J. FAVRE, 1948). Est-il quelle mesure étendue pouvaient varier les carpophores besoin de rappeler les paroles désormais classiques de d'un même mycélium en fonction des conditions René MAIRE : cc Il faut vingt ans pour former un atmosphériques ou des facteurs écologiques. Les diffé­ mycologue li. rences qui en résultent entre carpophores d'une même Nous sommes loin d'avoir rencontré et étudié toute espèce peuvent parfois dépasser en ampleur les diffé­ la flore mycologique de notre région. En treize années, rences entre espèces voisines. plus de cent quarante mille carpophores nous sont Nous croyons utile de développer quelque peu ce passés dans les mains et nous avons appris à connaître point, qui intéresse directement le sujet du présent tout au plus deux mille espèces de champignons supé­ travail. rieurs. Notre expérience personnelle ne peut que nous Les conditions atmosphériques peuvent soit affecter porter à confirmer dès à présent les paroles de le développement, soit provoquer des modifications René MAIRE. d'aspect, couleur ou consistance dans un carpophore ** * développé. Dans ce dernier cas, considérons les cham­ pignons hygrophanes. Le revêtement et la chair de ces On ne peut oublier non plus que la systématique champignons ont la propriété de s'imbiber d'une mycologique est toujours en voie d'élaboration, et cela grande quantité d'eau lorsque l'humidité atmosphéri­ est vrai même pour les régions d'Europe dont la flore que est suffisante. Imbu, le champignon a une appa­ fongique est la mieux connue. La mycologie a traversé rence humide, une teinte sombre. Si le temps devient une véritable crise, dont elle n'est pas encore tout à plus sec, l'eau d'imbibition s'évapore progressivement, fait dégagée. la chair s'opacifie et pâlit, le chapeau pâlit aussi en

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prenant successivement toutes les tonalités possibles dulleux puis creux, blanc, fragile, tendre, non bulbeux, entre la teinte la plus sombre et la plus pâle. Les atténué de bas en haut, muni d'un anneau large et aspects extrêmes sont souvent si différents, que les caduc. A côté de ces caractères, que nous reprenons espèces en deviennent méconnaissables. seuls ici, les auteurs attirent l'attention sur d'autres En ce qui concerne l'influence des conditions atmo­ différences dans la couleur du chapeau, la nature des sphériques sur le développement, prenons le cas de verrues, l'odeur, etc. Or la majorité des mycologues Amanita solitaria. Si on extrait un jeune carpophore de admettent à l'heure actuelle qu'il s'agit d'une seule et la terre humide, on remarque que le chapeau est même espèce et que toutes les différences observées couvert de verrues très grosses et très épaisses, en sont provoquées par des facteurs d'ordre écologique. forme de pyramides plus ou moins irrégulières. Lorsque Pendant des décennies, la littérature mycologique a été le champignon se développe en période assez pluvieuse, encombrée par ces dénominations diverses - ainsi que la terre humide, peu cohérente, éclate, se désagrège et par quelques autres que nous n'avons pas cru devoir se soulève facilement sous la poussée des carpophores; citer - qui toutes désignent le même champignon. Les la force d'inertie du sol résistant à la poussée est observations sur le terrain que relatent DUMÉE (1916), presque nulle, et, par conséquent, les verrues ne se GILBERT (1930) et DAMBLON (1942) ne laissent guère trouvent ni écrasées, ni aplaties. Si l'humidité atmosphé­ place au doute : D UMÉE et DAMBLON ont vu côte à côte rique, est, en même temps, très forte, le revêtement sur le même mycélium, les différentes formes dépendre piléique, toujours un peu visqueux, le devient davan­ de l'épaisseur de la couche d'humus et de la nature tage et les verrues, pendant l'extension du chapeau, plus ou moins tassée du sol; GILBERT a pu se baser sur glissent avec facilité sur sa surface, sans s'étendre, sans ses observations pour expliquer l'action du milieu et s'aplatir et sans se disloquer; elles restent donc pyrami­ les processus morphogénétiques qui en découlent dales jusque sur l'adulte, puisque l'air fortement humide Dans le cas d'une autre Amanite, Amanita crocea, ne les dessèche pas : c'est la forme très rare figurée GILBERT (1930 b) a pu faire la preuve expérimentale par YITTADINI (1835) sous le nom de Amanita strobili­ du rôle des facteurs écologiques : c'est la teneur de f ormis. Cette forme a conservé ses caractères à cause l'humus en sels ammoniacaux qui est responsable de de la concomitance d'une forte humidité du sol et de l'existence d'une soi-disant variété blanche de ce cham­ l'atmosphère. II suffit alors d'une chute de pluie pour pignon, qui est normalement d'un beau jaune orangé entraîner les verrues et laisser le chapeau à nu, et l'on brillant. La décoloration se produit en période très se trouve en présence d'une autre forme. Si cette double humide après la rupture de la volve, au moment où le humidité est moins forte mais encore sensible, les jeune chapeau traverse une couche d'humus riche en verrues glissent moins facilement, se distendent en sels ammoniacaux; GILBERT a montré en même temps même temps que le chapeau s'étend et prennent assez que le pigment est totalement insoluble dans l'eau. La vite l'aspect de lambeaux aplatis : c'est la forme cou­ seule observation de spécimens incomplètement déco­ rante que GILLET (1878) a figurée, sous le nom de lorés lui avait déjà permis de soupçonner une action Amanita pellita. Si l'humidité atmosphérique est faible, d'ordre écologique. ces lambeaux verruqueux se dessèchent rapidement, L'existence d'une action morphogénétique du milieu adhèrent plus ou moins fortement au revêtement piléi­ et l'absence de valeur taxonomique de certains carac­ que, se disloquent, se fanent et brunissent rapidement. tères induits de la sorte sont amplement prouvées par C'est la forme, également courante, figurée et décrite l'observation et par l'expérience. Beaucoup d'auteurs par BouoIER (1904) sous le nom de Amanita solitaria. se fondent sur ces faits pour refuser aux influences Cette transformation des verrues en fonction du degré stationnelles tout potentiel générateur d'espèces nou­ d'humidité de l'atmosphère a été prouvée expérimenta­ velles. C'est là généralisation hâtive. lement (GILBERT, 1928, p. 174). MELZER et ZvARA (1927) ont donné deux belles Les facteurs écologiques sont responsables dans planches qui représentent ce qu'ils considèrent comme une large mesure des différents aspects que peuvent divers aspects de Russula xerampelina. Ils ont reconnu prendrent les carpophores d'une même espèce, ou par­ un caractère d'ordre biochimique commun à toute cette fois d'un même mycélium. FRIES (1836) et QuÉLET série de champignons, différents d'aspect et de colora­ (1872) ont décrit sous le nom de Amanita spissa un tion, qui ont été considérés comme espèces distinctes champignon à plein, gris, épais et trapu, muni par les auteurs (une vingtaine de taxons ont ainsi été d'un bulbe napiforme radicant et d'un anneau ample décrits et nommés). Tous ces champignons ont en com­ et solide. Sous le nom de Amanita valida, ils donnent mun de posséder dans leurs carpophores un phénol qui un champignon à stipe plein, dur, court, grisâtre, muni donne sur la chair une réaction verte sous l'action du d'un bulbe ovoïde et immarginé et d'un anneau ample, sulfate de fer et une coloration rouge brique sous blanc puis brunissant. Ils appellent Amanita excelsa l'influence de l'eau anilinée et qui au contact de l'air un champignon dont le stipe est farci, grisâtre, très donne naissance à la triméthylamine, à odeur caracté­ long, muni d'un bulbe globuleux et d'un anneau ample, ristique de crevette. S'autorisant de ce caractère com­ blanc, déchiré, souvent caduc. Les mêmes auteurs dé­ mun, MELZER et ZvARA rapportent toutes ces formes à nomment Amanita cariosa un champignon à stipe mé- une seule espèce : Russula xerampelina. Une observa-

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tion attentive du terrain leur permet en même temps de sur l importance de ces facteurs écologiques, l'unani­ constater que l'influence de l'arbre sous lequel_ c~oît le mité est loin d'être réalisée sur l'incidence taxonomique champignon est responsable de ces vanatlons : de ceux-ci ! « l. Dans la forêt de Chênes, R. xerampelina a le cha­ * peau rouge écarlate, rouge sang ou, v~eux carminé, * * tournant quelquefois au bleu, tacbete d ocre, de brun L'originalité de la méthode mycosociologique que ou d'olive mais jamais tout vert. 2. Sous les Trembles nous avons élaborée, ainsi que l'importance des obser­ et les Bouleaux son chapeau est entièrement vert de pré vations qu'eIJe a permis de réaliser, nous autorisent, ou citrin ... 3. Sous les Hêtres il a des tons discrètement pensons-nous, à la proposer sous la forme d'un (( Essai accordés parmi lesquels prédominent les couleurs jaune, sur les fondements de la sociologie des champignons fauve, jaune crème, roux cannelle, agréablement pour­ supérieurs ». pre et brun, en général les teintes du feuillage des La première partie de cet cc Essai » expose la hêtres aux jours de l'automne. 4. Sous les Charmes nécessité d'une méthode, grâce à un aperçu critique des prévaut un brun tiède intense. 5 .... sous les Sapins il travaux effectués dans le domaine de la géographie brille d'un écarlate superbe et d'un rouge de sang. mycologique (1) : chorologie, écologie, sociologie. 6. Sous les Pins prédomine un rouge bai ou le brun La deuxième partie sera consacrée à la proposition pur.». , d'une méthode mycosociologique : exposé des données Tout en reconnaissant qu'il s'agit là d' ({ especes de base, choix des principes directeurs, discussion biologiques », MELZER et ZVARA ne les conçoivent pas critique des voies et moyens, mise au point des techni· comme de c( bonnes espèces », parce qu'elles possèdent ques d'analyse, de synthèse et de classification. en commun des caractères déclarés « fondamentaux 11. La troisième partie constituera une illustration et C'est arbitrairement que les auteurs supposent spécifi­ une démonstration de la méthode proposée : analy e que le caractère biochimique qu'ils ont mis en évidence. mycosociologique de groupements silvatiques caduci­ On pourrait tout aussi bien le considérer comme un foliés de Haute Belgique, définition des unités, synthèse caractère de groupe. Si l'hypothèse de MELZER et de groupements mycologiques, établissement d'un systè­ ZYARA est plausible, celle qui consiste à supposer le me de classification. contraire ne l'est pas moins : Russula xerampelina peut Un résumé et des conclusions générales rappelleront s'être adapté à chaque type de station, à chaque hôte, les grandes lignes de l'étude et souligneront l'intérêt de au point d'acquérir des caractères nouveaux; ceux-ci la méthode proposée : données générales et régionales ne se traduisent à nos yeux que dans la couleur de la acquises en mycosociologie, chorologie et synchoro­ cuticule et le caractère des laticifères à phénol n'est logie, généralisations possibles. pas affecté; les caractères nouveaux sont irréversibles et les formes biologiques observées peuvent être consi­ dérées comme espèces ou sous-espèces autonomes. 1 ( ) Etant donné les acceptions différentes dans lesquelles SINGER (1949) adopte ce point de vue : « These varieties les termes phytogéographiques sont employés selon les auteurs, are quite constant. They may be considered as sub­ il n'est pas inutile que nous précisions le sens que nous attri­ species (in the sense of mycoecotype) or as species, buerons à certains d"entre eux dans la suite de ce travail. forming a stirps xerampelina ». L'expérimentation seule Nous comprenons la « Géographie botanique• ou « Phyto­ géographie • et la « Géographie mycologique • ou • Mycogéo­ pourra donner raison à l'une ou à l'autre de ces hypo­ graphie • dans le sens le plus large; ces sciences englobent: thèses; il n'est d'ailleurs pas exclu que la réalité soit plus nuancée et que la première hypothèse soit vraie la Cho r o 1 o g i e ou science des aires de distribution des unités systématiques; dans certains cas, la seconde dans d'autres cas. En résumé, on retiendra parmi les raisons fonda­ l 'Eco 1 o g i e ou science de l'habitat des espèces; mentales des difficultés que rencontrent les mycologues la Sociologie ou science de la vie en commun des espèces; systématiciens : le polymorphisme des champignons, l'importance des facteurs stationnels et les interpréta­ la S y n ch o r o l o g i e ou science des aires des asso­ ciations; tions diverses que l'on peut donner aux faits d'observa­ la S y né col o g i e ou science des relations entre les tion. Si les mycologues sont depuis longtemps d'accord associations et le milieu ambiant.

4 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES, ETC.

PREMIÈRE PARTIE

APERÇU CRITIQUE DES RECHERCHES DE GÉOGRAPHIE MYCOLOGIQUE

Il y a plus de deux siècles, comme l'a rappelé par Ce serait nous éloigner de l'objet de cette étude que exemple HAUMAN (1933), que l'idée vint à l'esprit des de tenter ici pareille synthèse. naturalistes de prolonger cc l'étude du fait purement Nous aurions voulu limiter cet aperçu historique à botanique - la plante elle-même, en quelque sorte l'examen des travaux entrepris dans le domaine de la détachée du sol - par celle du fait géographique, sociologie mycologique, puisqu'aussi bien cette disci­ c'est-à-dire les relations de cette plante avec son mi­ pline fait l'objet principal de notre mémoire. Néan­ lieu ». C'est à la fin du XIX" siècle, après plusieurs moins les problèmes de chorologie et d'écologie myco­ décennies d'observations, d'expériences, de travaux di­ logiques ont une incidence si directe sur la sociologie vers, que la géographie botanique prit son essor. des champignons que nous avons dû nous résoudre à jeter un coup d'œil sur ces deux disciplines : inventaire Cette notion du << fait géographique » n'est apparue critique des documents disponibles, évolution des idées, en mycologie que vers le milieu du XIX" siècle et les principaux faits acquis, tels furent les objets de nos progrès de la géographie des champignons sont restés investigations. lents et limités. Les publications sont dispersées et il Nous examinerons successivement les recherches de n'existe encore aucun ouvrage qui fasse la synthèse des chorologie mycologique, les progrès de l'écologie des recherches entreprises et des résultats acquis dans ce champignons supérieurs, le problème de la sociologie domaine. mycologique et les travaux effectués dans ce domaine.

CHAPITRE PREMIER

LES RECHERCHES DE CHOROLOGIE MYCOLOGIQUE

La chorologie végétale constitue un des chapitres breux en comparaison de ceux qui concernent les autres importants de la phytogéographie. L'étude des aires de végétaux. Malgré notre désir de concision, il ne nous a distribution et, en particulier, de leur périphérie fournit pas été possible de limiter notre enquête bibliographi­ de précieux renseignements au sujet de l'histoire des que aux seules études sur les champignons supérieurs; flores. Au point de vue taxonomique, elle permet de celles-ci , trop peu nombreuses, ne permettent pas de comprendre l'origine d'espèces ou de groupes d'espèces. rendre compte des progrès de la chorologie mycolo­ L'extension ou la régression de l'aire de certaines plan­ gique et de l'évolution des conceptions en matière tes permet de déceler des modifications même légères d'aires mycologiques. Force nous a donc été de brosser dans les conditions de climat; c'est ainsi que l'on un tableau général des recherches effectuées. peut apprécier, pour l'Europe, le recul du climat Le premier travail en date est la dissertation de atlantique devant le climat continental en voie de E. P. PRIES (1875), fils du célèbre mycologue suédois progression. Elias PRIES, qui n'est certainement pas resté étranger Ainsi qu'on va le voir, cette science a préoccupé à la rédaction de ce mémoire (1). A l'époque où cette très tôt les mycologues et elle a acquis dans certains domaines un intérêt pratique indiscutable. Néanmoins (1) Cf. BRONGNIART et D ECAISNE, Àflll. Sc. Nat., 1861, p. 10, les travaux de chorologie mycologique sont peu nom- note 1.

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note sur la distribution géographique des champignons embrassant tout le problème de la chorologie mycolo­ a été écrite, le recensement des flores mycologiques du gique. En 1898, cet auteur fait ressortir un nouveau monde était à ses débuts et la connaissance des espèces parallélisme remarquable entre les champignons et les souvent fort grossière. Aussi ne peut-on accorder phanérogames en étudiant les Rouilles du domaine qu'une valeur historique à la plupart des conclusions méditerranéen, de la Californie et du Mexique et en de l'auteur. Celui-ci a réussi, néanmoins, à détruire la constatant des rapports mycogéographiques entre ces conception fausse que l'on s'était faite jusqu'alors d'une régions. Tandis que PRIES et SCHROTER avaient simple­ répartition uniforme des champignons à travers le ment constaté d'une manière statique l'existence d'une monde; il a pu démontrer l'existence, à côté d'espèces diversité dans la répartition géographique des champi­ cosmopolites telles que Schizophyllum commune, de gnons, DIETEL s'est efforcé de rechercher dans les phé­ genres ou d'espèces particuliers à certaines régions et nomènes du passé géologique les causes de cette diver­ permettant de définir des flores fongiques distinctes : sité. A propos de la distribution des Urédinées, il écrit ainsi, les espèces des genres Hexagona, Favolus et en 1900 : cc Es weisen demnach auch noch verschiedene Laschia ne croissent que dans les régions intertropi­ andere Umstande darauf hin, dass die Entwicklung der cales, tandis que le genre Sparassis est particulier à la Rostpilze mit denjenigen ihrer Nahrpflanzen H and in zone tempérée. Sur la base de divers exemples, Hand ging, so dass die geographischen Verhaltnisse E. P. PRIES conclut à l'existence de deux zones myco­ früherer Erdperioden in der jetzigen Verbreitung dieser géogra phiques : une zone tropicale et une zone tempé­ Parasiten ebenso, wenn auch in beschranktem Masse, rée; il ne croit pas possible d'en admettre davantage : zum Ausdruck kommen müssen, wie in der geogra­ « Il suffirait d'admettre deux zones à végétation fongi­ phischen Verbreitung der Gefasspflanzen » (p. 219). que particulière, à savoir une zone tempérée et une D ans ses travaux ultérieurs, notamment ceux de 1911, zone tropicale; car la zone froide des géographes ne DIETEL étaye et développe ses théories. produit pas des types propres et différents de la zone Se basant sur les considérations dynamiques de tempérée, elle est seulement plus pauvre en espèces; DIETEL, Ed. FISCHER tente dès 1904, dans son travail quant aux zones tropicale et subtropicale, on ne saurait, sur les Urédinées de la Suisse, d'établir l'existence de dans l'état présent de nos connaissances, indiquer entre deux éléments mycogéographiques caractérisés par leur elles aucune différence essentielle » (trad. NYLANDER, origine et leur histoire : l'élément boréo-alpin et l'élé­ 1861, p. 20). L'auteur reconnaît que les espèces sem­ ment méridional (p. xxxv). C'est la première fois blent réparties dans les pays tropicaux d'une façon qu'apparaît en mycologie cette conception d'éléments spéciale à chaque contrée; c'est le cas, par exemple, en floraux géographiques. FISCHER admet pour les cham­ ce qui concerne les espèces du genre Clathrus. Il con­ pignons parasites la même origine géographique que clut, par contre, ainsi qu'on l'a vu, à l'uniformité de la pour les plantes-hôtes. répartition géographique des champignons dans la zone SCHELLENBERG tire parti des recherches de DIETEL tempérée. et de FrscttER dans son étude des Ustilaginées de la Si les données utilisées par l'auteur sont exactes, Suisse (1911, pp. xv-x1x). elles sont malheureusement fort insuffisantes et il serait Cependant, à la même époque, THEISSEN (1910) impossible de tracer des limites d'aires de distribution met en doute la conception énoncée par ScHROTER, sur la base des faits connus à l'époque. admise par DIETEL, MAGNUS et FISCHER, au sujet de Ce n'est que vingt-quatre ans plus tard, qu'apparaît l'existence d'un paralléli sme entre la répartition des un petit travail de ScHROTER (1881) sur la distribution champignons et celle des autres groupes végétaux. géographique des champignons. Etudiant des champi­ THEISSEN rappelle combien l'organisation interne et les gnons parasites de Laponie, cet auteur établit leur aire exigences biologiques des champignons diffèrent de de distribution et parvient à faire justice de la concep­ celles des Anthophytes. Après avoir estimé a priori tion antérieure d'une répartition uniforme des mycètes qu'il est légitime de supposer que le comportement dans la zone tempérée. Il définit trois grands domaines spécial des champignons vis-à-vis des facteurs externes mycologiques en Europe : le domaine arctique, Je va conditionner des caractères particuliers de réparti­ domaine médio-européen et le domaine méditerranéen. ti on à la surface du globe, THEISSEN démontre, à la En 1889, ScttROTER change la dénomination de son lumière des faits acquis, que ses prédécesseurs ont tiré cc arktisches Gebiet >> en cc hochnordisches Gebiet » des conclusions trop hâtives. En effet, ce n'est que par (1889' p. 28). l'utilisation de relevés autant que possible complets et En 1890, MAGNUS attire l'attention sur le fait que dignes de foi des espèces existant dans les différentes des champignons parasites connus des hautes monta­ régions du globe qu'il est possible d'établir des compa­ gnes d'Europe se retrouvent aussi dans les montagnes raisons et de tirer des conclusions d'ordre géographi­ américaines; ainsi était démontrée, parallèlement à ce que. L'auteur constate qu'une simple juxtaposition - qui existe chez les phanérogames, l'existence d'un type non critique - des listes d'espèces recensées dans dif­ d'aire mycologique circumboréale. férents territoires montrerait qu'il existe un nombre Il était donné à DIETEL de rassembler les rares don­ considérable d'espèces endémiques et justifierait pleine­ nées existantes en un ensemble d'un haut intérêt ment une mise en parallèle des champignons avec les 6 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE phanérogames et les ptéridophytes sous le rapport de l'étude de la distribution de nombreuses espèces myco­ leur distribution géographique. THEISSEN fait ressortir, logiques. Des synthèses en général limitées, mais très par de nombreux exemples, combien la critique la plus sérieuses, apparaissent dans ce domaine. Citons celles serrée est néce3s&ire dans l'utilisation des données dis­ de PrcBAUER (1927) sur la distribution géographique ponibles, à cause des erreurs de détermination qui des Urédinées de Moravie, celles de LIND (1927, 1934) abondent dans la littérature et à cause des pièges de la sur la distribution de micromycètes arctiques, de synonymie. Citons un de ces exemples: Camarops BLOCHWlTZ (1930) sur la distribution générale des moi­ hypoxyloides KARST. (Finlande) = Bolinia tubulina sissures, de GUYOT (1930, 1932, 1933) sur la distribu­ Arn. et Scttw. (Silésie, Suède, Amérique du Nord) = tion des champignons parasites, de PoEVERLEIN (1937) Nummularia gigas PLOWR. (Angleterre) = Nummularia sur celle des Urédinées de l'Allemagne méridionale, de ustulinoides P. HENN. (Brésil) = Nummularia soleno­ JdRSTAD (1938) sur les Urédinées arctiques, de WOLF p/ea STURB. (Paraguay). Dès lors, THEISSEN estime (1941) sur la distribution des Allomyces, de MmoLETON qu'aucun fait certain n'autorise encore à étendre aux (1943) sur celle des espèces du genre Pithyum, de champignons les faits établis concernant les aires des MOSER (1949) sur une Strophaire boréale, etc. phanérogames. Il considère que les faits permettent Les monographies générales modernes contiennent seulement de considérer soit l'Europe tempérée, soit de nombreux renseignements sur la dispersion géogra­ toute la zone tempérée nord comme un domaine myco­ phique des espèces étudiées. Citons ARTHUR et coll. géographique particulier en regard d'autres zones au (1929) et GUYOT (1938) avec leurs monographies des sujet desquelles il ne peut encore rien être dit de précis, Urédinées (ce dernier va jusqu'à préciser la répartition faute de jalons suffisants qui permettent d'opposer géographique des espèces sur chacun des hôtes qu'elles l'une à l'autre différentes flores. Et l'auteur conclut : parasitent), G!LMAN et ABBOTT (1927) et GILMAN (1945) << Es bedarf noch der eingehendsten D tailarbeiten, um avec leurs travaux monographiques sur les champi­ ein einigermassen vollsttindiges, geographisch verwend­ gnons du sol, SINGER (1949) avec son magistral aperçu bares Rohmaterial zu gewinnen » (p. 364). Appliquant des du monde, CORNER (1950) avec sa remar­ ses principes à une étude de la distribution des X ylaria quable monographie des Clavaires, etc. du Brésil, T HEISSEN se montre extrêmement prudent En 1933, BISBY, auteur avec BULLER et BEARNESS et il répartit les espèces en seulement quatre groupes d'une flore mycologique du Manitoba (1929) qui révèle de distribution : espèces cosmopolites, espèces tropopo­ les préoccupations mycogéographiques des auteurs, lites (répandues dans toute la zone tropicale), espèces remet en question le problème soulevé par THEISSEN néotropopolites (espèces qui ne sont connues que de et il compare, à la lumière des travaux modernes, la l'Amérique tropicale), espèces isolées, peut-être endé­ distribution des champignons à celle des phanérogames. miq ues. BrSBY récapitule les faits connus concernant les divers En 192 1, R EICHERT publie une flore mycologique groupes de champignons et il arrive à des conclusions de l'Egypte dans laquelle les considérations mycogéo­ d'un grand intérêt. Il estime que le nombre des espèces graphiques tiennent la plus large place. REICHERT de champignons existant sur la terre est du même ordre répartit les différentes espèces de cette flore entre deux que celui des espèces de phanérogames (200.000), bien types d'aires de distribution. Pareille attitude peut que celles-ci, dans l'état présent de nos connaissances, paraître prématurée quand on connaît la pauvreté des l'emportent à peu près dans la proportion de deux à un donnée disponibles en mycologie; l'auteur, qui n'igno­ (lto.000 contre 80 à 100.000). On peut s'attendre, re pas l'étude de THEISSEN, ne semble guère avoir tenu affirrne-t-il, à ce que les espèces de champignons l'em­ compte des conseils de prudence de celui-ci. Si l'auteur portent en nombre sur les espèces de spermatophytes applique sur des bases très étudiées les principes dyna­ dans tout territoire considéré, tout au moins dans les miques de DIETEL, on peut regretter que son recense­ régions tempérées. Plus petite est l'aire explorée et plus ment de la flore mycologique de l'Egypte se soit borné forte est la prédominance numérique des espèces de à du matériel d'herbier et que ce recensement présente champignons sur celle des plantes à fleurs. L'auteur les plus graves lacunes - bien compréhensibles dans établit que la distribution moyenne des espèces de de pareilles conditions - en matière de champignons champignons est plus grande que la distribution rnpérieurs; ces lacunes faussent complètement non seu­ moyenne des espèces de phanérogames et que, en géné­ lement la physionomie qu'il donne de cette flore, mais ral, la distribution des saprophytes est plus étendue que encore les calculs minutieux de pourcentage auxquels celle des parasites. Les saprophytes tels que les Myxo­ l'auteur s'est li vré au sujet des différents éléments mycètes, Mucorales, Pézizales et Gastéromycètes, qui géographiques de la flore de l'Egypte. n'ont habituellement pas d'exigence très spécifique Il n'y a guère que quelques décennies que les mono­ quant au substrat, ont d'ordinaire la distribution la graphies systématiques et les catalogues régionaux plus étendue; cependant, du fait qu'ils peuvent commu­ soigneusement mis à jour ont commencé à se multi­ nément parasiter plus d'une espèce, les parasites obliga­ plier. Il serait fastidieux et dépourvu d'intérêt de les toi res ont souvent une extension plus considérable que énumérer ici. Ils apportent des renseignements dignes leurs hôtes individuels. BrSBY montre que l'association de foi qui peuvent être pris en considération pour avec les plantes vasculaires est prédominante parmi les

7 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

mycètes et que la distribution des champignons dépend diverses contrées du globe et de tirer ensuite des au premier chef de la distribution des hôtes et des conclusions d'ordre géographique. substrats. BISBY croit pouvoir conclure que les facteurs Tel n'est pas le cas en ce qui concerne les champi­ climatiques ont moins d'effet sur la distribution des gnons supérieurs. De toutes les études importantes que champignons que sur la distribution des plantes à nous avons examinées, une seule consacre une place graines. prépondérante à ces organismes : c'est la dissertation Ce rapide aperçu de l'histoire de la chorologie des de FRIES (1857), qui avait déjà constaté ce déséquilibre champignons nous permet de constater deux faits d'une dans l'étude des différents groupes mycologiques : grande importance. Le premier est l'état de peu de cc Dans l'état présent des choses, les champignons supé­ développement de cette discipline. La seule synthèse rieurs sont, il faut le reconnaître, médiocrement étudiés mondiale est celle de FRIES (1857); elle a une valeur et, par conséquent, leur distribution géographique est historique. De tous les autres travaux, un seul manifeste moins bien connue que celle des autres végétaux. La la prétention d'embrasser le problème sur de larges plupart des mycologues actuels s'occupent presque bases et de définir de nombreux éléments mycologi­ exclusivement des Mucédinées, des champignons infé­ ques : c'est la << Flore d'Egypte » de REICHERT (1921); rieurs, des espèces parasites et foliicoles. Une raison nous avons dit quelles réserves formuler à son sujet. de cette prédilection gît, sans doute, dans la facilité de Les travaux modernes dignes de crédit sont de portée conserver en herbier ces derniers champignons, ce qui limitée, soit au point de vue systématique, soit au point permet de déterminer aisément, à l'aide des collections, de vue de la superficie envisagée. On attend une large les espèces déjà connues. Un tel secours fait défaut synthèse qui brosserait le tableau des grands domaines pour l'étude des champignons supérieurs; leur nature mycogéographiques du globe, comme cela est fait fugace et la difficulté de les conserver avec leurs depuis longtemps pour les phanérogames, et qui défini­ couleurs et leurs formes naturelles obligent le mycolo­ rait les divers éléments que l'on peut y distinguer. N ous gue à les étudier incessamment de nouveau, et à consa­ paraissons être loin encore de cette synthèse. A l'heure crer beaucoup de temps et de travail à la seule tâche actuelle, toutes les nuances d'opinion existent au sujet de s'approprier ce qui en est connu; encore faut-il que de la question de savoir si les champignons ont des cette étude se fasse à la campagne sur les plantes aires définies, déterminées par le climat et ses change­ vivantes >> (trad. NYLANDER, 1861, p. 12). Ces considé­ ments au cours de l'histoire. En ce qui concerne la rations sont restées étonnamment pertinentes, à l'heure présente étude et la nécessité dans laquelle nous pou­ actuelle, et elles rejoignent celles que nous avons énon­ vons nous trouver d'avoir recours à des données myco­ cées dans les premiers paragraphes de ce travail. Il géographiques, retenons qu'il semble bien établi que n'est pas inutile de citer l'avis, récent et très autorisé, des aires existent, qui peuvent dans leur extension pré­ de SINGE R (1949) : « It is too early to be very precise senter tous les degrés depuis le cosmopolitisme jusqu'à about the geographic areas and the ecologic characte­ !'endémisme, en passant par les aires circumboréales ou ristics of ail the groups. The data available are though les aires pantropicales. Il resterait à savoir dans quelle by no means too scattered, yet, unfortunately, too unre­ mesure la genèse et l'évolution de ces aires se trouvent liable. A citation of an or bolete, without study sous la dépendance des facteurs qui définissent l'aire of the specimen, by anybody Jess than a first rate spe­ des phanérogames. cialist, is not a scientific document of any weight. Le second fait capital qui se dégage de l'esquisse Reducing our material by elimination of the doubtful, que nous avons tracée est le suivant : les champignons we finally arrive at a point where the material begins supérieurs font rarement l'objet d'études chorologiques. to become so scarce that, in some cases, conclusions La plupart des travaux de cet ordre ont été consacrés can no more be drawn, and even in the remaining cases aux mycètes inférieurs, en particulier aux Urédinées. this can be done only in the three or four best herbaria En plus de l'intérêt économique considérable qui of the world » (p. 108). Près de cent ans après FRIES, explique l'importance prise par les études consacrées à ces paroles ont une curieuse résonance; cette perma­ ces champignons parasites, il est indéniable que ce sont nence dans la pauvreté des données disponibles prend les grands botanistes voyageurs du XIX• siècle qui ont un relief singulier. rendu possible un large recensement de ces organismes Le mycosociologue ne pourra pas compter sur des à travers le monde. Soit qu'ils les aient recueillis données chorologiques abondantes, comme peut le consciemment, soit qu'ils les aient récoltés involontaire­ faire le phytosociologue; lorsqu'une espèce relevée dans ment en même temps que leur plante-hôte, ils ont un groupement lui paraîtra avoir une signification amassé dans les grands musées du monde des matériaux géographique particulière, il devra s'astreindre le plus considérables; ils ont permis aux spéciali stes de révéler souvent à établir lui-même son aire de distribution, sur des données sûres, contrôlables à tout moment dans travail long et fastidieux quand l'esprit et le temps sont les herbiers, la richesse en champignons parasites des déjà sollicités par les tâches sociologiques.

8 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

CHAPITRE II

LES PROGRÈS DE L'ÉCOLOGIE DES CHAMPIGNONS SUPÉRIEURS

A l'opposé de la chorologie des champignons, l'éco­ En 1857, Elias FRIES (trad. NYLANDER , 1859) a tiré logie de ces organismes a pris un grand développement. parti, dans une étude détaillée, de son expérience au Mais ici encore, ce sont les préoccupations d'ordre sujet de l'apparition saisonnière des champignons sous économique qui motivent la direction et l'extension la latitude de la Suède; ce travail, dans lequel l'auteur pri es par les recherches. Il serait hors de propos de maintient la division linnéenne de l'année en douze parcourir, dans ce travail consacré à la sociologie des périodes de végétation, n'a rien perdu de sa valeur. champignons supérieurs, l'abondante littérature qui FERRY expose, en 1887, ses vues sur les espèces dresse le bilan des progrès réalisés dans la connaissance acicoles et les espèces foliicoles et, en 1892, sur les de la réaction des champignons parasites vis-à-vis des espèces calcicoles et les espèces silicicoles. facteurs du milieu (cf. LARGE, 1950) ou celle, tout aussi Quelques années plus tard, BouoJER (1901) examine, abondante, ayant trait à l'écologie des micromycètes sur la base de ses riches observations, l'influence de du sol (cf. WINOGRADSKY, 1949). la nature du sol et des végétaux qui y croissent sur le L'étude de la destruction du bois par les champi­ développement des champignons. Il distingue les ter­ gnons et l'étude du problème des mycorrhizes ont pris, rains siliceux ou granitiques, les terrains calcaires, les elles aussi pour des raisons d'ordre économique, une terrains argileux; il dit quelques mots de l'influence des grande ampleur. Nous bornerons l'aperçu de ces recher­ divers arbres ou plantes sur la poussée des champi­ ches non eulement aux champignons supérieurs mais gnons; il attire enfin l'attention sur la préférence d'un encore aux travaux qui apportent des données au sujet certain nombre de champignons à l'égard des lieux de leur comportement dans la nature. Nous rencontre­ découverts, gazons et prairies. rons auparavant les problèmes généraux de l'écologie des champignons supérieurs. Nous traiterons au para­ Plus près de nous, dans son grand ouvrage sur les graphe consacré à la sociologie des faits acquis en Basidiomycètes de la Finlande, THESLEFF (1920) ras­ synécologie. semble une documentation très copieuse sur le dévelop­ Dans la plupart des travaux floristiques et systéma­ pement de la flore fongique au cours des saisons. Il ne tiques con acrés aux champignons, l'habitat de ceux-ci fait qu'aborder la question de la dépendance à l'égard est presque toujours signalé, mais souvent d'une façon du climat. superficielle. De nombreuses espèces sont décrites sim­ En 1923, Jacob LANGE expose brièvement quelques­ plement comme croissant << dans les lieux ombragés », unes de ses observations en écologie mycologique, « dans les bois », « sous les arbres », et ainsi de suite. résultat de trente ans d'expérience acquise sur Je ter­ Cependant, les grands traités mycologiques compren­ rain; il discute notamment la question de la dépendance nent une multitude d'indications concernant la présence plus ou moins étroite de beaucoup de champignons des champignons sur différents sols et dans différents vis-à-vis des arbres et il donne une longue liste de types de forêts (FRIES, 1821-... ; GILLET, 1878- champignons qui, au Danemark, croissent exclusive­ 1890; BOUDIER, 1904-1910; RICKEN, 1915; BRESADOLA, ment ou de préférence dans Je voisinage d'arbres parti­ 1927-1933; LANGE, 1935-1940; etc.). L'expérience de culiers. Cette liste comprend surtout des espèces com­ ces auteurs se traduit dans leurs ouvrages par d'innom­ munes. Il est trop risqué, estime l'auteur, de porter un brables données des plus précieuses qui n'ont jamais jugement sur l'habitat d'espèces qui n'ont été rencon­ encore été mises en œuvre. Mais la tradition orale joue trées qu'une ou deux fois. Ont aussi été exclus les un rôle capital en mycologie, et à tout mycologue pos­ champignons qui sont communs à plusieurs types de sédant un entraînement pratique raisonnable est parve­ bois. Les données soigneusement rassemblées par nue un peu de la science des maîtres; il n'ignore pas LANGE sont d'un très grand prix pour le mycosociolo­ que la plupart des espèces ont des exigences très gue. LANGE traite encore de l'influence de la nature du exclusives en ce qui concerne l'habitat. sol, de son humidité ou de son acidité, de conditions Les travaux publiés sont rares dans ce domaine. locales de microclimat favorables à de petites espèces En 1854, WESTENDORP élabore une vaste compilation fragiles, du rôle du tapis herbacé, de l'existence dans laquelle les cryptogames sont classés d'après leurs d' « oasis à champignons ». L'auteur divise en trois stations naturelles. C'est la première tentative de ce types les champignons de plein air : espèces xérophiles, genre. espèces semi-coprophiles et espèces parasites de racines.

9 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Il discute ensuite de la longévité des mycéliums. LANGE vieux de 1934 et l'automne très sec de 1935. Il met ses conclut à la nécessité de travaux expérimentaux. observations en rapports avec les diagrammes des pré­ HERMANN (1923) étudie la dépendance des champi­ cipitations atmosphériques. gnons vis-à-vis du substrat. Il s'agit d'une vaste récapi­ En 1937, il relate le résultat de ses observations tulation dans laquelle l'auteur introduit quelques faits durant l'automne froid et pluvieux de 1936 et il com­ d'observation personnelle. pare les données recueillies en 1934, 1935 et 1936. Il y a plus de détails originaux dans les observations Enfin en 194 0, il publie un gros mémoire dans de ZEUNER (1923), qui s'est attaché à étudier l'influence lequel, par des mesures sur le terrain et des expériences de la température, de l'humidité de l'air et du sol sur de laboratoire, il étudie la signification d'un grand le développement des champignons. Se basant spéciale­ nombre de facteurs : l'humidüé du sol, l'humidité ment sur des observations générales sur le terrain, il atmosphérique, les précipitations, l'évaporation, la tem­ estime que la formation des primordiums surtout est pérature, la transpiration, l'influence indirecte et directe influende par une température suffisamment élevée et du vent, la lumière, le sol. Il devient indubitable que que le développement ultérieur du carpophore est ces éléments sont de la plus haute importance pour le influencé par les précipitations et par l'humidité du sol; développement de la flore fongique et que leur action il précise cependant que les diverses espèces diffèrent varie avec les espèces. Intéressante est la démonstration considérablement dans leurs réactions. Malheureuse­ des besoins en humidité, spécialement chez les espèces ment, les exemples concrets qu'il décrit paraissent être vivant sur le bois. Après avoir présenté de nombreux des cas plutôt aberrants. · relevés sociologiques, FRIEDRICH met en rapport, com­ La petite étude de GRAHAM (1927) sur l'écologie des me il l'avait fait dans ses travaux précédents, le déve­ champignons de la région de Chicago est très élémen­ loppement fongique au cours de plusieurs années avec taire et constitue en partie un travail de vulgarisation. les conditions atmosphériques. On peut cependant L'auteur traite de la saison d'apparition des champi­ regretter que son exposé de cette question soit basé gnons, du sol et des successions d'associations. En dans une large mesure sur un matériel d'observation rapport avec ce dernier point, très en honneur auprès plutôt maigre et qu'il tire des conclusions en comparant de l'école américaine d'écologie végétale, l'auteur indi­ ses mesures météorologiques à la flore fongique déjà que les différences entre le contenu fongique des développée, qui doit pourtant dépendre, peut-être très associations préclimax et des associations climax et il étroitement, des conditions antérieures. FRIEDRICH fournit la liste dans chaque cas. Il affirme que beau­ distingue ensuite les divers aspects saisonniers dans coup de champignons que l'on trouve dans la forêt plusieurs types de forêts; il examine enfin la dépen­ climax se trouvent aussi dans les associations préclimax. dance des espèces par rapport à l'altitude. Il explique le fait en supposant que la composition de En 1942, dans une courte note, FRIEDRICH revient l'humus ne change que lentement et que la litière de sur cette dernière question à propos d'observations feuilles est en grande partie très semblable dans les faites dans les Alpes d'Oetztal. deux associations. Mais, soulignons-le, ce travail appelle des réserves. LE!SCHNER-SrsKA (1939), dans le cadre d'un travail Le travail de GILBERT (1928) est l'unique ouvrage plus spécialement sociologique, consacre une partie de qui ait embrassé le champ tout entier de l'écologie ses recherches à la comparaison graphique du dévelop­ mycologique. C'est un essai, que l'auteur a voulu sans pement de la flore fongique, exprimé par le nombre prétention, dans lequel il rassemble les données existen­ d'espèces trouvées, rapproché de la température et des tes et qu'il enrichit du résultat de ses multiples obser­ précipitations. La recherche s'étend sur six semaines vations. Constatant qu'il ne reste le plus souvent rien environ de la saison mycologique l< maximale » et elle de la grande expérience des grands mycologues au établit un certain degré de conformité entre les précipi­ point de vue écologique, il vise, dans cet essai, à diriger tations et la flore des champignons. l'attention vers les notes à prendre sur le terrain au Les recherches les plus complètes dans ce domaine sujet des diverses conditions stationnelles et au sujet sont celles de WILKINS et PATRICK (1940). Elles portent des caractères des espèces récoltées. L'auteur discute sur la flore des champignons au long d'une année l'influence des différents facteurs du milieu et il résume entière en terrain herbeux découvert, en diverses loca­ dans des tableaux les points qui devraient être pris en lités. Le nombre des individus est rapproché des fluc­ considération dans une étude écologique. On peut seu­ tuations de la température; l'humidité du sol est aussi lement regretter dans ce travail, l'insuffisance des réfé­ prise en considération. Les auteurs montrent qu'au rences bibliographiques; il n'en reste pas moins vrai commencement et à la fin de l'année, la température qu'il constitue une base solide à l'étude des champi­ basse est le seul facteur limitant, tandis qu'en été c'est gnons sur le terrain. l'élévation de la température; à la fin du printemps et Les études de FRIEDRICH sont à la fois plus limitées en automne, les deux meilleures saisons pour les cham­ et plus fouillées. pignons, leur développement peut être contrarié par En 1936, FRIEDRICH relate les observations qu'il a l'indigence du sol en eau. En conséquence, il y a de faites dans la Forêt de Vienne durant l'automne plu- grandes différences dans la flore, en une même saison,

10 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE sujvant l'aptitude variable des différents sols à retenir D'autres publications, très nombreuses elles aussi, l'eau. exposent les résultats des recherches sur le comporte­ En 1946, GRAINGER publie les résultats d'une enquê­ ment physiologique des champignons destructeurs du te mycoécologique menée sur le terrain au titre de prise bois. La connaissance de ces mécanismes a une grande de contact avec le problème. L'auteur a effectué de importance pour la compréhension du rôle des champi­ nombreuses mesures de pH, de degré d'attaque des bois gnons ligillcoles dans les forêts. Nous citerons quelques par les espèces ligillcoles, de teneur du sol en eau et en auteurs à titre d'exemples. FALCK (1907), LINDGREN matières organiques. Il conclut que la majeure partie (1933), CARTWRIGHT et FINDLAY (1934) ont observé des champignons supérieurs préfèrent des conditions l'influence de la température sur le développement d'acidité du substrat. L'écologie des champignons mycélien et l'activité destructive des champignons; coprophiles lui paraît dépendre dans une large mesure BAVENDAMM (1928 b) a étudié leurs oxydases; NOECKER de la réaction du milieu. La plupart des Basidiomycètes (1938) s'est intéressé à leurs exjgences en vitamine B; humjcoles exigent une haute teneur en eau du substrat : BAVENDAMM et REICHELT (1938) ont établi une relation deux modifications observées dans l'écologie d'un site entre le développement mycélien et la teneur en eau du montrent toute l'importance de ce facteur. L'aspect substrat; (BJ0RNKAER (1938) et N. PRIES (1943) ont cc maximal » d'automne de la poussée fongique reflète, entrepris des recherches sur les conditions de sporula­ selon GRAJNGER, le seul moment de l'année où la tem­ tion, de germination des et de développement pérature, la teneur en eau et le taux d'azote disponible du mycélium; GA UMANN (1934, 1936, 1938) a signalé sont simultanément suffisants. L'auteur établit que des relations intéressantes entre le développement du l'étude écologique des champignons lignicoles sur le mycélium, l'activité destructrice du champignon et la terrain peut être menée au moyen de mesures simulta­ formation d'enzymes, d'une part, et la température, nées de pH et de degré d'attaque du bois. Ce travail d'autre part. HUMPHREY (1924) a étudié la teneur en apporte des données très précieuses et ouvre des vues du bois de résineux attaqué par des polypores; nouvelles sur les problèmes mycoécologiques. On fréquemment cette teneur n'est pas plus basse que dans déplorera toutefois le caractère prématuré d'une des le bois sain, dans certains cas (Phellinus pini) elle est conclusions : sur la base de très nombreuses détermina­ plus forte, dans d'autres (Fomes marginatus) elle est tions de pH, quatre-vingt-huit pour les Russules et beaucoup plus basse. KÜRSCHNER (1927) montre que quarante-six pour les Lactaires, l'auteur conclut à une Phellinus schweinitzi transforme la cellulose et ne laisse acidophilie nette de ces deux genres, en dessous de subsister que la lignine, tandis que Phellinus igniarius pH 6; un coup d'œil jeté à la liste des espèces étudiées détruit également cellulose et lignine. Ces exemples montre qu'elle ne comporte aucun des représentants montrent que la décomposition du bois s'opère d'une habituels de ces genres sur les sols calcaires ! façon fort compliquée et que la plupart des champi­ Nous avons ainsi examine les principaux travaux gnons ligillcoles sont plus ou moins spécialisés dans qui ont trait aux relations entre les champignons et le l'attaque de certains constituants du bois. Ces faits pré­ milieu. Moyennant les réserves formulées, nous dispo­ sentent un grand intérêt au point de vue de la présence sons d'une solide documentation de base en vue de et du rôle des champignons ligillcoles dans un groupe­ recherches sur la sociologie des champignons. ment déterminé. Ainsi que nous l'avons déjà signalé, il existe toute Au sujet du comportement des champignons dans une série de travaux d'un caractère plus particulier : la nature, ou au sujet des facteurs du milieu où ils à savoir la littérature qui a trait à la destruction du vivent, on trouve encore dans la littérature mycologique bois par les champignons. Ces travaux devront entrer des renseignements dispersés ou bien des données inté­ en ligne de compte dans nos recherches. Certains de ressantes insérées dans des mémoires ayant trait à ceux-ci, très approfondis, nous renseignent sur la biolo­ d'autres sujets. C'est ainsi que les œuvres célèbres de gie de l'une ou l'autre espèce lignicole : Annillariella DE BARY (1886), de BREFELD (1872-1912) et de BULLER mellea fait l'objet de la littérature la plus abondante (1909-1934), les travaux de DE SEYNES (1864), de (SCHMITZ et ZELLER, 1919; CAMPBELL, 1931; THOMAS, HANSEN (1897) et de FALCK (1904, 1916), pour ne citer 1934; LEACH, 1937, 1939; etc.); les polypores viennent que ceux-là, contiennent beaucoup de faits au sujet de ensuite: Fomes annosus (MOUNCE, 1929; J0RGENSEN, la dispersion des spores par les champignons, problème LUND et TRESCHOW, 1939; RISHBETH, 1950, 1951; etc.), d'intérêt écologique et sociologique capital. Fomes hartigii, F. robustus, Tranzetes abietinus, T. De tous les facteurs de l'environnement, c'est un versicolor, Inonotus hispidus, Trametes confragosa, fait d'ordre biotique qui a été le plus étudié : le problè­ Ganoderma lucidum, etc. (ScHMITZ et ZELLER, 1919; me des mycorrhizes occupe une place tout à fait spé­ CAMPBELL, 1930, 1931; SKORIC, 1937; GARREN, 1938; ciale dans la littérature mycologique. CAMPBELL et DAVIDSON, 1938, 1939; LOHWAG, 1940; Les mycorrhizes sont des filaments mycéliens vivant GROSJEAN, 1942; etc.), aussi Fistulina hepatica en rapport avec des racines. La nature fongique de ces (CARTWRIGHT, 1937). MüNCH (1909c) s'est intéressé à formations fut d'abord reconnue par Elias PRIES Collybia velutipes et CAMPBELL (1931) à Stereum (1832) chez Monotropa et par REISSEK (1846) chez des hirsutum. Orchidées. Les recherches se multiplièrent et c'est en

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1885 que FRANCK créa le terme« >>au cours 1923 a, b, 1924 a, b, c, 1925 a, b; HA.MMARLUND, 1923; d'une recherche sur les causes de la présence de truffes MooESS, 1939; BJORKMAN, 1942). MASUI (1927) et ASAI dans le voisinage de certains arbres. FRANCK distingua (1934) au Japon, JAHN (1934, 1935) en Allemagne, deux types de mycorrhizes : les mycorrhizes ectotro­ SAPPA (1946) en Italie appliquent les mêmes méthodes. phes, qui forment un manchon extérieur autour des Ces techniques expérimentales permettent de considé­ racines, le mycélium ne pénétrant qu'entre les cellules rer sur des bases nouvelles, biochimiques cette fois, le tout à fait externes des racines, et les mycorrhizes problème en soi (MELIN 1925 a; M ELIN et H ELLEBERG, endotrophes, dans lesquelles le champignon vit à l'inté­ 1925; MELIN et LINDEBERG, 1939; M ELIN et NYMAN, rieur des cellules de certaines zones du parenchyme 1940, 1941; MELIN et NORKRANS, 1942; RAYNE R et cortical des racines. Plus récemment, JAHN (1934, 1935) NETLSON-JONES, 1944; M ELIN, 1946 a; etc.). a montré qu'il convenait de distinguer en outre des C'est dorénavant sur la base de la synthèse mycor­ mycorrhizes péritrophes, dans lesquelles les racines sont rhizique réalisée in vitro en cultures pures (MELIN, entourées d'une couche de mycélium sans qu'il y ait 1922 b, 1936) qu'il va être possible d'établir l'inventaire p énétration; le mycélium vit dans la rhizosphère et le des champignons à mycorrhizes et des a rbres avec champignon est en partie symbiotique, en partie sapro­ lesquels ils vivent en relation. MELIN (1948), RAYNER phytique. (1927, 1934, 1945) et ROMELL (1939) font la revue des L'étude des mycorrhizes endotrophes a fourni beau­ données expérimentales en cette matière. Sont bien coup de faits intéressants d'ordre général (STAHL, 1900; prouvés, à l'heure actuelle, les liens qui unissent : Noël BERNARD, 1901-1902. 1909; BURGES, 1936; etc.). les M é 1 è z e s avec Bolet us elegans, B. viscidus, Elles sont moins répandues, bien plus spécialisées B. luteus, B. variegatus, Boletinus cavipes, Hygropho­ comme hôtes (Orchidées, Arum, etc.) et plus uniformes rus lucorum, Lactarius porninsis, psam­ comme types d'organisation (1) que les mycorrhizes mopodium; péritrophes et que les mycorrhizes ectotrophes. C'est les Cèdres avec Sepultaria s11mneriana; parmi celles-ci que le rôle des Basidiomycètes est prépondérant. les Pins avec Boletus badius, B . wanulatus, De nombreux chercheurs se sont attachés à recen­ B. luteus, B. variegatus, B. bovi1111s, Cortinari11s ser les champignons supérieurs à mycorrhizes. D ès mucosus, Lactarius deliciosus, R11ss11la fra[?ilis, 1862, T ULASNE attirait l'attention sur les Elaphomyces, R. sanguinea, R. purpurea, Tricholoma virga/11111; BoUDIER reprenait la même question en 1876 et R EESS les Epicé as avec Boletus badi11s, B. felleus, en 1885. FRANCK montrait, en 1885, les relations entre Amanita spissa, A. porphyria, A. muscaria, Lactarius les truffes et les Cupulifères. En 1889, NoACK signalait rufus, L. deliciosus, Tricholoma virgatum, T. auran­ comme champignons à mycorrhizes des Geaster, des til11n, T. rutilans, T . vaccinum, Russ11la queleti, Corti­ Agarics, des Lactaires, des Cortinaires, etc. Les données narius balteatus, C. caninus, C. sanguineus, C. traganus; d'observation se sont ainsi multipliées sur l'existence les B ou 1 e aux avec Amanita muscaria, Lacta­ de relations entre les arbres et les champignons supé­ rius plumbeus, L. glyciosmus, L. rufus, Tricholoma rieurs (FRANCK, 1894; H ESSELMAN, 1901; SARAUW, 1904; f lavobrunneum, Boletus scaber; MANGIN, 1910; FUCHS, 1911; R EXHAUSEN, 1920; M c DOUGALL, 1922; PAULSON, 1923; BEDR CHAN, 1923; les Hêtres avec Russula fellea, R. cyanoxantha, SAMUEL, 1926; etc.). R . delica, R. vesca, Lactarius acris, Tricholoma ustale, En 1921, PEYRONEL montre par de nombreux exem­ T. squarrulosum, T. tigrinum, mueif lu us; ples, que les connexions sont assurées et peuvent être les Chênes avec Boletus impolitus, Lactarius su ivies entre les carpophores de champignons et les quietus, L. chrysorrheus, Amanita phalloides, A. eliae; arbres à mycorrhizes, grâce à des cordons plus ou les Au 1 ne s avec Gyrodon lividus, Lactarius moins volumineux mais toujours perceptibles (sauf cyathula, L. lilacinus; pour les Lactario-Russulés). Mais c'est avec l'école suédoise de MELIN que les Peu p 1 i ers avec Boletus duriusculus, Lacta­ s'ouvre dans ce domaine une aire expérimentale dont rius controversus, Tricholoma pessundatum. les résultats ne cessent de se multiplier. Des espèces de Une partie des Hyménomycètes à mycorrhizes sont plus en plus nombreuses d'arbres et de champignons spécialisés à un seul genre d'arbre; d'autres moins sont confrontées in vitro (MELIN, 1917, 1921, 1922 a, spécialisés peuvent former des mycorrhizes avec des espèces appartenant à différents genres. Boletus elegans (1) On a réparti entre divers genres provisoires (Rhizocto­ est, par exemple, une des espèces les plus spécialisées : nia, Rhizofagus, Orcheomyces, ...) et classé parmi les Fungi elle est étroitement liée aux Mélèzes; d'autres Bolets imperfecti les mycéliums stériles que l'on obtenait en cul.Jture sont un peu moins spécialisés, pouvant s'allier à partir des m ycorrhizes endotrophes. Il semble bien établi, à divers Conifères appartenant à des genres à l'heure actuelle, qu'il s'agit le plus souvent du mycélium de divers Basidiomycètes, Armillariella mellea, Marasmius sp., différents : Pins, Mélèzes... Parmi les champignons Corticium sp., etc. (KUSANG, 1911; CATON!, 1927; BURGEFF, les moins spécialisés, citons Amanita muscaria, 1932, 1936; DERX, 1937). qui forme des mycorrhizes avec les Pins, les Epicéas,

12 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE les Mélèzes, mais aussi avec les arbres feuillus tels que de la symbiose mycorrhizique pour les arbres croissant les Bouleaux. LANGE (1923) suppose qu'il existe dans sur sol à l< mor » ne fait plus de doute a l'heure ce dernier cas des races biologiques : u That biological actuelle. races exist in fungi is made proba ':ile also by the Un autre aspect pratique de la question a été exposé natural history of Amanita muscaria . As everybody par RAYNER (1941). Cet auteur a montré, à propos du knows it grows profusely in our coniferous plantations reboisement des landes d'Angleterre et d'Ecosse, la and also in woods of Betula, but is never to be met nécessité de bien connaître les exigences écologiques with under Fagus, Quercus or other common frondose des champignons : l'introduction et le développement trees. In the Scandinavian woods where coniferous d'une essence forestière peuvent être compromis si les trees and Betula abound together (but only rarely conditions écologiques sont défavorables à son cham­ mingled with Fagus and Quercus) two biological types: pignon symbiotique. -type and the -type may have corne into Tous ces faits sont d'une importance capitale pour existence (while there was small opportunity for the l'étude de la sociologie des champignons; le mycoso­ evolution of a fagophile or dryophile type). And after ciologue est assuré de disposer de plus en plus de the introduction in D anemark (about 150 years ago) données contrôlées au sujet des relations biotiques entre of the coniferous forest-trees this hypothetic pine-type les espèces qu'il recense et l'environnement. may have introduced itself in our country like so many Un aspect particulier du problème des relations other pinophile plants » (p. 3). entre les champignons et le tapis végétal, non moins SINGER (1949) a pu vérifier dans certains cas le important au point de vue sociologique, est offert par bien-fondé de l'hypothèse de LANGE. En Europe, la question des << ronds de sorcières i>. Boletus granula/us est lié aux Pins à deux aiguilles; en On a remarqué depuis longtemps (HurroN, 1790) Amérique, il s'est allié aux Pins à cinq aiguilles; l'existence dans les prairies de plaques circulaires, dont l'examen des carpophores montre que des différences la végétation appauvrie contraste avec le reste du tapis morphologiques correspondent à ces spécialisations herbacé et en particulier avec la végétation périphé­ écologiques et que l'on a réellement affaire à des races rique des cercles, qui est plus vigoureuse et de colora­ distinctes. SINGER montre d'autres relations entre la tion plus foncée. Ce sont ces cercles que l'imagination taxonomie et le problème des mycorrhizes : des familles populaire a qualifiés du nom de << ronds de sorcières i> entières, tels les Gomphidiaceae, ou des groupes, tels ou ailleurs de << cercles de fées i> ou << demi-lunes ». les Suilloideae, se confinent dans les mycorrhizes avec On sait à l'heure actuelle que ce phénomène est en des Conifères, tandis que d'autres, tels les Leccinum, relation avec la présence dans le sol du mycélium de s'attachent aux Fagales et aux Salicales. certains champignons, dont, à la saison propice, les Le problème des mycorrhizes acquiert sa plus gran­ carpophores apparaissent, souvent avec abondance, de importance en sylviculture. Depuis que FRANCK, en dans la région moyenne de la zone annulaire. 1885, ::i édifié sa théorie de l'utilité des mycorrhizes WITHERING (1796) fut le premier à dire qu'ils étaient ectotrophes pour les arbres, les recherches, les théories dus à la croissance de Marasmius oreades. Il a été divergentes, les discussions se sont succédé. L1 ~ s idées, établi par la suite que d'autres espèces produisent aussi d'aboi d assez contuses et contradictoires, se sont préci­ des ronds de sorcières : Agaricus arvensis, A. campes­ sées. Confirmant quelques indications antérieures, ter, Lepiota procera, Tricholoma georgii, Clitocybe HESSELMANN (1917 a, b, c) a établi que dans les sols gigantea, C. candida, Rhodopaxillus saevus, R. panaeo­ à (( mor n (sols à humus acides), il n'y a pas de nitrifi­ lus, R. sordidus, etc. (WOLLESTON, 1807; J . H. GILBERT, cation; les arbres -;;.'y peuvent trouver l'azote qui leur 1877; BAILLON, 1906; SHANTZ et PIEMEISEL, 1917; est nécessaire qu'à l'état d'ammoniaque ou de combi­ BULLER, 1922; BAYLISS-ELLIOT, 1926; E. J. GILBERT, naisons organiques. D'autre part, dans de tels sols, on 1928; GUINIER, 1937; HOLLANDE et MÉTROD, 1946). a constaté la grande abondance de filaments mycéliens Tous les cas existent entre l'aspect que nous avons d'espèces variées, contrastant avec la rareté relative décrit et l'aspect de simples cercles de carpophores des bactéries. Suivant l'opinion émise dès 1903 par sans modification de la végétation herbacée, en passant VON TUBEUF, on admet que l'ammoniaque existant par les cas d'une légère stimulation de celle-ci dans la dans l'humus est le produit de l'activité des champi­ zone de croissance des mycéliums. Cette tendance des gnons. Vis-à-vis des arbres, les champignons auraient champignons supérieurs à former des cercles dont le donc un rôle utile en mettant à leur disposition de diamètre va en augmentant d'année en année existe l'azote sous une forme assimilable. C'est MoLLIARD aussi chez d'assez nombreuses espèces croissant dans (1910) qui a apporté une preuve évidente du rôle des l'humus des forêts : Clavaria div. sp., Cantharellus div. champignons dans la production de l'ammoniaque et sp., Nevrophyllum clavatum, Boletus granulatus, Lacta­ qui a aidé à préciser le fonctionnement physiologique rius deliciosus, Clitocybe nebularis, Lepista inversa, des mycorrhizes du type ectotrophe; GUINIER (1937) a Tricholoma terrewn, T. flavobrunneum, Hebeloma confirmé complètement les observations de MoLLIARD. sinapizans, Collybia dryophila, Rhodopaxillus nudus, Etablie par des expériences nombreuses et démon­ Lycoperdon gemmatum, etc. (E. J. GILBERT, 1928; stratives, par l'école de MELIN notamment, cette unité GUINIER, 1937). BAYLISS (1911), SHANTZ et PIEMEISEL

13 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

(1917), BULLER (1922) et BAYLISS-ELLIOT (1926) ont Ces diverses considérations visent à montrer l'état démontré le mécanisme de la formation des ronds de des recherches en écologie mycologique. Elles nous sorcières : développement rayonnant du mycélium, autorisent à approuver SINGER (1949) au sujet de l'inté­ front de croissance périphérique, zone stimulée externe, rêt de cette discipline; cet auteur est catégorique lors­ zone d'action léthale, zone stimulée interne. MoLLIARD qu'il affirme : <

CHAPITRE III

LES RECHERCHES DE SOCIOLOGIE MYCOLOGIQUE

l. Intérêt d'une étude sociologique des champignons. associations (TÜXEN, in PIRK, 1944), sans se dissimuler les difficultés taxonomiques et sociologiques qui entra­ C'est à la fin du XIX" siècle que l'étude de la vie vent ce travail (MossERAY, 1939). D 'autant plus que : en commun des plantes a commencé à préoccuper les «The field mycologist is generally a systematist rather phytogéographes : le terme « Phytosociologie » a été than an ecologist » (WILKINS et coll., 1937, p. 703), créé en 1896 par KRYLOV et VON PACZOSKI; vers 1920 tandis que le phytosociologue amené par ses études sur ce terme s'est imposé universellement et cette discipline le terrain à s'intéresser aux champignons dispose rare­ a pris un développement considérable. La phytosocio­ ment d'une formation suffisante en cette systématique logie aborde maintenant le problème des phytocénoses mycologique tellement hérissée de difficultés. dans toute sa complexité. L'étude sociologique des champignons peut présen­ Au début, le recensement de la population des ter de l'intérêt sur le plan de la phytopathologie. groupements végétaux a porté presque exclusivement BRAUN-BLANQUET attirait l'attention dès 1928 sur le sur les plantes vasculaires, mais, par la suite, l'énumé­ fait que les champignons parasites sont dans certains ration s'est étendue aux bryophytes et aux lichens, très cas plus strictement assujettis à un groupement végétal rarement aux champignons. que la plante-hôte : soit que l'hôte ne se trouverait en Pour arriver à effectuer ce recensement, le phyto­ état de réceptivité que dans une association donnée, sociologue doit pouvoir nommer toutes les plantes qu'il soit que les exigences écologiques du parasite, plus rencontre dans un groupement et les reconnaître sous strictes que celles de l'hôte, ne se trouveraient satisfai­ les aspects les plus divers. La phytosociologie est ainsi tes que dans une association à laquelle celui-ci ne serait tributaire de la systématique, mais elle peut aussi lui pas exclusivement lié (GUINOCHET, 1938). venir en aide. La répartition des associations indique à Les faits exposés dans !'Introduction autorisent à présent au systématicien où se procurer le matériel penser que l'étude approfondie d'une éventuelle socio­ nécessaire à l'étude de certaines espèces rares, élective­ logie mycologique pourrait être directement utile à la ment liées à un groupement végétal. Des considérations taxonomie des champignons : à côté de l'intérêt en soi d'ordre phytosociologique peuvent aider à mieux recon­ qu'elle présenterait, une telle étude fournirait sans naître les unités infraspécifiques valables. Dans cet doute des données à la systématique des champignons, ordre d'idées, l'étude des associations constitue une comme elle le fait pour la systématique des autres base excellente pour l'étude des formes écologiques, végétaux. des écotypes, et pour les travaux de systématique expérimentale. 2. La sociologie mycologique, science possible ? Certains spécialistes regrettent l'absence quasi géné­ rale des champignons dans les relevés d'associations Nous avons employé plus haut l'expression << une et plusieurs d'entre eux attendent beaucoup de leur éventuelle sociologie mycologique ». En effet, si utilisation dans l'étude et dans la classification des l'existence de relations de causalité entre les espèces

14 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE mycologiques et le milieu dans lequel elles vivent est Donc en supposant, cas limite, qu'un mycélium ne un fait indéniable, si l'on est donc autorisé à parler de donne qu'un carpophore, cela signifierait qu'une seule l'écologie mycologique, science qui étudie ces relations sur sept trillions arriverait à reproduire l'espèce. de causalité, peut-on avec la même assurance parler Or, non seulement un mycélium donne plus d'un carpo­ d'une sociologie des champignons, c'est-à-dire d'une phore au cours d'une année (une demi-douzaine, au science qui étudierait la vie en commun de ces orga­ maximum), mais encore il en produit pendant de nom­ nismes ? L'existence de communautés mycologiques, breuses années (on a observé des mycéliums de Lyco­ de composition et de structure définies, accessibles à perdon giganteum qui donnaient des carpophores pen­ l'étude, n'est pas certaine a priori. dant vingt-cinq ans). La quantité de spores qui se perd Deux hypothèses peuvent être formulées. est donc encore bien plus grande, de l'ordre de Ou bien les champignons sont, sur le plan spécifi­ 1Q14 à 101s ! que, liés plus ou moins électivement à un milieu, plus Parmi les facteurs responsables de cette extraordi­ ou moins dépendants d'un groupement végétal et inté­ naire destruction de spores et de la limitation du nom­ grés intimement à son cortège floristique : leur étude bre de carpophores, on peut reconnaître : de nombreux sociologique appartiendra à la phytosociologie clas­ petits animaux (acariens, podures, coléoptères, etc.) qui sique. se nourrissent de spores et en détruisent un grand Ou bien les champignons forment dans la nature, nombre; les pluies qui peuvent contrarier l'émis­ au sein des groupements végétaux, des ensembles régis sion des spores, favoriser l'envahissement des par des lois qui leur sont propres : leur étude sociolo­ moisissures et des bactéries et faire pourrir spores et gique fera l'objet d'une discipline autonome, la carpophores; les vents qui agissent sur la dispersion mycosociologie. des spores et peuvent la rendre hétérogène; le milieu Considérons la question de la propagation et de la écoclimatique qui n'offre que localement des conditions dispersion des champignons supérieurs. Les champi­ propices à leur germination et au développement des gnons se reproduisent par spores et ces spores sont carpophores de chaque espèce; etc. émises durant une période plus ou moins longue et en Tous ces facteurs sont des éléments du milieu, quantité plus ou moins grande selon les espèces. La considéré au sens le plus large. durée de l'émission des spores des Hyménomycètes est Certains de ces facteurs sont accessibles à l'étude. en rapport avec la consistance des carpophores : les Ce sont ceux qui forment ces ensembles complexes plus aqueux ayant la période fertile la plus courte, les mais relativement stables (1) auxquels on a donné le plus ligneux la plus longue (GILBERT, 1927). Le nombre nom de milieux stationnels ou écoclimatiques. Chacun de spores projetées est variable selon les espèces, et de ces milieux satisfait aux exigences individuelles pour une espèce donnée proportionnel à la surface d'une série d'espèces, un milieu écoclimatiq ue donné hyméniale. Les recherches très minutieuses de BULLER détermine l'existence d'une flore fongique de type bien (1909-1934) ont permis à cet auteur d'établir quelques défini. moyennes : chaque carpophore, au cours de sa vie, Les autres facteurs du milieu - animaux, éléments émet environ un milliard trois cent millions de spores atmosphériques, etc. - agissent de façon irrégulière, chez Agaricus campester, cinq milliards chez Coprinus variable, différente de champignon à champignon, de comatus, onze milliards chez Polyporellus squamosus, station à station; la résultante de cette action apparaît sept mille milliards chez Lycoperdon giganteum. extraordinairement complexe. Nos moyens restent telle­ WHITE a signalé qu'un grand Ganodenna applanatum ment impuissants à démêler le jeu combiné de ces fac­ a libéré des spores pendant six mois sans arrêt, à teurs que nous devons nous résoudre à les englober raison de trente milliards par vingt-quatre heures, soit sous le nom de «hasard» et renoncer, du moins provi­ un milliard deux cent cinqüante millions par heure. soirement, à leur étude. Jouant différemment pour Chaque spore est susceptible de donner un mycé­ chaque espèce, ce cc hasard » tend à contrarier la lium capable de produire plusieurs carpophores. réunion en un milieu donné des espèces qui peuvent y L'imagination reste confondue devant le nombre croître; jouant différemment pour chaque station, il incommensurable de spores de champignons de toutes rend difficile la réunion dans des stations identiques de espèces qui sont libérées chaque année et devant la la même population mycologique. petite quantité de réceptacles qu'on peut, proportion­ Nous nous trouvons ainsi en présence du jeu contra­ nellement, récolter. Le cas de Lycoperdon giganteum dictoire de deux systèmes de causalité. Si l'intervention est particulièrement probant. On a rarement l'occasion du cc hasard » dans l'apparition et la répartition des de rencontrer les carpophores de cette espèce, non pas qu'on les néglige ou qu'ils passent inaperçus : ils attei­ gnent jusqu'à cinquante centimètres de diamètre et (1) Nous ne songeons pas à nier l'évolution des milieux peuvent peser jusqu'à six kilos. Voilà donc une espèce stationnels et les variations de toute espèce qui peuvent affec­ ter leurs facteurs analytiques, mais la nature et la rapidité de qui émet sept milliards de spores par réceptacle, qui ces variations empêchent rarement de disposer, pour observa­ est rare et qui le reste : on n'observe aucune augmen­ tions et expériences, de stades stables pendant une durée tation du nombre de carpophores d'année en année. suffisante.

15 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

espèces fongiques l'emporte en importance sur le jeu tabl. 42a). Des indices de fréquence sont employés : des facteurs stationnels, elle viendra masquer le déter­ R , AR, AC, C. Malheureusement, si l'exactitude des minisme des relations entre flore mycologique et milieu déterminations est certaine (déterminations faites par écoclimatique. On pourra trouver des ensembles diffé­ M m• R OUSSEAU), il est évident que cette liste n'est qu'un rents dans des stations identiques; la présence de maigre reflet de la végétation mycologique du site chaque espèce restera évidemment déterminée par ses étudié. En 1910, MASSART, dans son « Esquisse de la exigences autoécologiques, mais la végétation mycolo­ Géographie botanique de la Belgique », cite encore çà gique ne sera qu'un fort pâle reflet des conditions de et là l'une ou l'autre espèce mycologique, mais cette milieu. Dans ce cas, la première hypothèse énoncée au fois à simple titre d'exemples de la flore de quelques début de ce paragraphe devra être retenue et l'étude groupements végétaux (pp. 166, 168, 197, 212, 267). de la sociologie des champignons supérieurs appartien­ Il faut bien reconnaître que les champignons n'ont dra à la phytosociologie classique. jamais tenu beaucoup de place dans la plupart des La seconde hypothèse se trouvera vérifiée et il y travaux consacrés à la géographie botanique. Quant à aura lieu d'envisager une mycosociologie en tant que la littérature phytcsociologique, c'est à peine si l'on y discipline autonome si l'influence du milieu écoclima­ trouve des allusions aux champignons supérieurs. C'est tique sur la composition des flores fongiques est domi­ ainsi que BRAUN-BLANQUET (1928) publie un exemple nante et détermine la physionomie de ces flores. de relevé de hêtraie et y comprend Marasmius sp. et C'est au travers des faits d'observation, par l'exa­ Boletus sp., l'un et l'autre avec la mention + .1, qui men de la résultante objective du jeu contradictoire des indique la présence d'un spécimen; il eût mieux valu deux systèmes de causalité en présence, que l'on pourra ne pas parler du tout des champignons ! C'est tout juste voir lequel l'emporte, quand et dans quelle mesure. s'il est tenu comp!e des champignons supérieurs dans Nous examinerons quels éléments les observations des études spéciales d'associations; citons BEGER (1923), que nous avons rassemblées apportent au dossier de MARKGRAF (1922), CHRISTIANSSEN (1925), lSSLER ce problème. (1924-1929), W AREN (1926), KAISER (1927), TüXEN Mais au préalable, il y a lieu d'examiner les données (1928), ARWJDSSON (1929), TANSLEY (1939), etc. Il n'y a que l'on peut trouver dans la littérature. rien à retenir de ces travaux au sujet de la question que nous nous sommes posée; quelques champignons sont 3. Les données de la littérature mycosociologique. cités, au hasard de l'une ou l'autre observation, et ce sont presque toujours des espèces banales et ubiquistes. Les tentatives pour déterminer les relations entre C'est dans les travaux des mycologues que nous les champignons et les groupements végétaux remon­ voyons apparaître une préoccupation réellement socio­ tent assez loin. Deux des plus anciennes furent celle de logique, pas encore bien précisée au début, s'affirmant HENNING (1888), qui publie quelques remarques sur la de plus en plus par la suite. Nous avons cité déjà présence de champignons dans des groupements végé­ HENNING (1888) et BRINKMANN (1897). taux physionomiques de Suède, et celle de BRINKMANN En 1901, MAIRE, DUMÉE et LUTZ publient une flore (1897), qui présente des observations judicieuses sur la mycologique de la Corse dans laquelle ils donnent des flore mycologique, le sol et les associations végétales de listes d'espèces trouvées dans différents types de végé­ Westphalie. tation, tels que bois de Pins, de Hêtres, etc. Ils commen­ Au début de ce siècle, les auteurs des grandes tent l'abondance des espèces de Russules (46 espèces) monographies de géographie botanique tiennent sou­ et la pauvreté des espèces de Cortinaires, attribuant ces vent compte des champignons. Nous citerons à titre faits à la nature du sol, granitique ou schisteux, favora­ d'exemple ÜRAEBNER et MASSART. Dans son mémoire ble aux Russules, les Cortinaires étant considérés com­ sur les bruyères du nord de l'Allemagne, ÜRAEBNER me plutôt calcicoles. Les auteurs ont remarqué que des (1901) relève dans les associations les champignons au zones réduites de sol calcaire que l'on rencontre dans même titre que les plantes supérieures, les fougères, l'île portaient une flore fongique caractéristique, diffé­ les mousses, les hépatiques, les lichens, voire même les rente de celle de la plus grande partie de l'île. Il est à algues. Dans chaque association, il divise la liste des regretter que les auteurs n'énumèrent dans leurs listes espèces en espèces caractéristiques, espèces fréquentes que les champignons regardés comme typiques des et espèces accessoires; aucun coefficient n'est donné. associations considérées et qu'ils ne donnent pas de Les associations ne sont d'ailleurs pas encore nettement renseignements sur l'abondance des différentes espèces. délimitées et les listes de ÜRAEBNER correspondent le En 1911, EooELBÜITEL apporte une contribution plus souvent à des ensembles complexes. importante à l'étude de la flore mycologique de la En 1908, dans un « Essai de géographie botanique région du Wézer. Dans ce travail, l'auteur dresse un des districts littoraux et alluviaux de la Belgique », tableau de cette flore en fonction de certaines forma­ Jean MASSART publie une liste de champignons supé­ tions végétales, des substrats et des terrains. Certains rieurs (5 Gastéromycètes, 25 Agaricales, 1 Discomycète) habitats mycologiques sont assez correctement définis, et il indique, dans un tableau, leur répartition dans les des considérations sur le rôle de l'humidité sont parfois associations végétales des dunes littorales (vol. annexe, formulées, mais en général les essais de l'auteur trahis- ...... ·• ; 1~·- '. /\ r ; ..~ 1~ \ :"'.\\ : ...... t~.,.. •c:J :- \ ·~·::i · : J)/ t.. ) '~ J'' ..... '- ,,Jf, / ' ' \-;1;-•. ·~....- ~ - / \: :,~ - -:- -· -«·c., '/ DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE sent tous un souci trop essentiellement orienté a priori ( + , 1, 2, 3, 4, 5) l'abondance et la sociabilité des espè­ vers l'importance du substrat géologique. Les listes ces observées lors de trois visites au cours de la saison rassemblent des espèces qui ne croissent pas nécessai­ mycologjque, soit de juillet à octobre. Pour finir, HAAs rement ensemble : aucun relevé analytique n'étant fournit une liste complète d'espèces, montrant l'abon­ publié, il n'est pas possible de tirer de ce travail le dance relative des spécimens dans les stations respecti­ moindre parti d'ordre sociologique. ves, en précisant s'ils étaient également communs dans Carlton REA (1914) traite d'une manière générale les associations de résineux et de feuillus, ou plus des macromycètes caractéristiques de différentes asso­ abondants dans les unes que dans les autres, ou pré­ ciations de Grande-Bretagne, telles que chênaies, sents seulement dans l'un des deux groupes. La conclu­ hêtraies, bétulaies, bois de Conifères, pâturages. REA sion principale de HAAs est l'importance capitale du émet l'opinion que c'est l'association végétale qui, sous-sol d'abord, de la végétation phanérogamique vivante o u morte, détermine la répartition des cham­ ensuite dans la distribution des flores fongiques. Autre pignons. conclusion accessoire, mais non moins importante, de KNAUTH publie en 1924 des listes longuement com­ cet auteur : il n'est pas possible d'arriver à une compré­ mentées de la florule mycologique des bois de H êtres hension exacte des traits essentiels de la flore mycolo­ et des bois de Chênes de l'Allemagne. gique sans appliquer rationnellement aux champignons BARZAKOFF et ATANASOFF et PETROFF, en 1932, des principes empruntés, moyennant adaptation à ces ainsi que RAMSBOTTOM , la même année, s'intéressent organismes, à la méthode des prises de relevés phyto­ eux aussi à la flore des hêtraies. Les données des sociologiques. Dans le territoire étudié par HAAs, les premiers auteurs con i tent en de simples listes d'espè­ résultats acquis sont extrêmement démonstratifs de ces as ociées aux Hêtres dans les Balkans. Y sont l'existence de « groupements mycologiques », bien que citées 24 espèces qui croissent sur Fagus sylvatica, l'auteur n'ait pas osé employer ce terme (il se borne 36 espèces qui vivent sur d'autres espèces de Fagus à parler de « flore fongique » de l'un ou l'autre site). et 29 e pèces qui représentent la flore fongique la Il y a peu de critiques à adresser à HAAs : il semble plus fréquente du sol forestier des hêtraies. Aucun seulement avoir sous-estimé ou ignoré beaucoup de détail écologique n'est donné. R AMSBOTTOM donne une petites espèces, dont l'importance ne paraît pas négli­ liste d'environ cent espèces de macromycètes caracté­ geable; une autre faiblesse est le rapprochement chro­ ristiques des hêtraies d'Angleterre. On trouve dans ce nologique des diverses analyses, sans que chaque loca­ travail quelques précisions d'ordre stationne!. Se lité ait été suffisamment visitée : les résultats n'appa­ posant la question des causes de la répartition raissent pas comme une somme homogène des divers des champignons, RAMSBOTTOM écrit : « It is aspects mycologiques annuels; cela rend difficile une well known to Mycologists that beech wood comparaison des résultats et diminue un peu la force possess quite a di tinctive flora apart altogether de la démonstration. from the fungi actually parasitic on the beech. Apart On doit à l'école de Vienne, avec Hë>FLER, from parasites and mycorrhizal fungi, it is uncertain Mm• LEISCHNER-S ISKA et FRIEDRICH, des travaux où whether the nature of the soi! or the phanerogamic ces auteurs tentent d'appliquer aux champignons les flora is the more important factor in determining the méthodes de phytosociologie mises en pratique pour fungus flora » (p. 347). les phanérogames. Si précieux et si utiles soient-ils, ce ne sont cepen­ Hë>FLER (1937) se pose la question de savoir si les dant pa les travaux de ces divers auteurs qui permet­ différents biotopes que l'on peut distinguer dans un tront de résoudre le problème de la distribution écolo­ site ne conditionnent pas des groupements mycologi­ gique ou sociologique de champignons. Les auteurs se ques qui pourraient ne dépendre que partiellement de bornent à dresser des listes synthétiques correspondant l'association de plantes vertes. Il estime qu'une méthode à des formations végétales plutôt qu'à des associations sociologique très précise peut seule aider à résoudre ce bien définies. problème et il met au point une technique de dénom­ C'est avec le travail de HAAS (I 932) que commen­ brement et de pesée des champignons de chaque espèce cent à apparaître des ouvrages d'un caractère plus récoltée dans des carrés d'essai de superficie constante; nettement sociologique. HAAs a étudié la répartition le biotope est noté : sol, feuilles mortes, brindilles, sou­ des macromycètes dans la flore forestière de certains ches, etc. Hë>FLER publie sept analyses pratiquées dans districts du Württemberg. Prenant pour point de départ les hêtraies de la Forêt de Vienne. Malheureusement la relation entre les champignons et le sous-sol, il ses tableaux sont peu démonstratifs de la qualité de sa examine ensuite les rapports entre les champignons méthode, car les analyses effectuées ont été pratiquées et la végétation et distingue surtout végétation résineuse à des moments très différents et elles ne sont pas com­ et végétation feuillue. II définit ainsi un certain nombre parables entre elles. De toute façon, on peut douter de de districts pour lesquels il donne des détails écologi­ l'utilité de la méthode de Hë>FLER, son application ques et la liste des espèces de champignons qu'il a demandant un temps considérable. observées. Faisant usage de carrés d'essais de 100 à Mm• LEISCHNER-SISKA (1939) étudie les hêtraies de 200 m~ , il note suivant une graduation de six valeurs la région de Salzbourg et elle cherche à savoir s'il ne

17 3 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES suffirait pas d'appliquer purement et simplement aux méthode paraît quelque peu primitive et rend les résul­ champignons les méthodes d'analyse phytosociologique tats fort peu comparables entre eux. de BRAUN-BLANQUET, méthodes qui ont fait leurs preu­ L'école phytosociologique allemande de TüxEN s'est ves pour les plantes vertes. L'auteur n'a cependant pas intéressée au rôle que les champignons pouvaient jouer visé à dénombrer intégralement les espèces apparaissant dans la différenciation des associations végétales. PrRK 2 dans ses carrés d'essai de 100 m ; beaucoup de petites (1948) cherche, dans cet ordre d'idée, à différencier par formes ont été négligées; certains champignons n'ont leur flore mycologique deux sous-associations du été déterminés que jusqu'au genre. Cette étude est fort Querceto-Carpinetum. L'auteur applique un coefficion­ peu probante. nement d'abondance, basé sur le nombre de carpopho­ FRIEDRICH (1940) a fait de nombreux relevés au res, et de sociabilité, qui rend compte du groupement cours de l'étude écologique que nous avons commentée plus ou moins dense de ces carpophores. Dans l'intro­ précédemment. Il vise surtout à établir l'existence, dans duction à ce travail, TillŒN proclame son enthousiasme les hêtraies et les pessières étudiées, de facies saison­ devant les résultats obtenus. Nous devons pourtant niers ou cc Aspekts » de la flore mycologique, et il constater que ces résultats n'apportent rien à la connais­ montre que des facies sont distincts et caractéristiques sance de la vie en commun des champignons, car toute selon les groupements végétaux considérés. FRIEDRICH la recherche est subordonnée au souci de distinguer les insiste sur le fait qu'il n'est possible de dresser la liste deux sous-associations du Querceto-Carpinetum; d'au­ mycologique d'un site déterminé qu'après plusieurs tre part, une connaissance fort incomplète de l'écologie années d'observation. Signalons que la technique socio­ des champignons laisse l'auteur utiliser comme diffé­ logique de cet auteur consiste simplement à dénombrer rentielles des espèces symbiotique , obligatoires et fidè­ les carpophores de chaque espèce présente dans des les de conifères, artificiellement plantés et qu'il relègue 2 carrés d'essai de 100 m • évidemment au rang de compagnes accidentelles sans Des recherches mycosociologiques ont été faites en signification sociologique. Angleterre par WILKINS et ses collaborateurs. En pre­ En 1950, PIRK a publié une très courte étude sur mier lieu (WILKINS, ELLIS et HARLEY, 1937), les auteurs les champignons des associations moussues de charbon­ ont étudié la constance des espèces mycologiques dans nières. Les relevés présentés constituent des documents certains types de forêts (surtout de Chênes et de utilisables. Hêtres) par des études qui se sont étendues sur six Il reste enfin à relever deux études de mycosociolo­ années. Les auteurs ont essayé en même temps de gie de tout premier plan, tant par le nombre des obser­ déterminer la fréquence des espèces. Pour recueillir les vations et le soin avec lequel elles ont été effectuées résultats, vingt personnes ont été au travail durant une que par la valeur mycologique de leurs auteurs. L'une semaine chaque année. La conclusion générale de cette est due à Morten LANGE (1948), le fils du grand myco­ étude est que la distribution des champignons dépend logue danois Jacob LANGE; nous sommes redevables de de la nature du sous-sol, du caractère de la végétation l'autre à Jules FABRE (1948), l'éminent mycologue de dominante et de facteurs climatiques tels que l'humi­ Genève qui, pendant quinze années, a exploré avec une dité et la température. Une autre conclusion capitale est attention soutenue les hauts-marais du Jura et qui a la nécessité de regarder chaque association végétale recensé leur flore mycologique avec un esprit critique comme formée d'un ensemble de stations mycologiques remarquable. plus petites : « The characteristic fungus of any area Ces deux études sont consacrées à la végétation can be expressed in terms of the summation of the mycologique des tourbières, mais elles diffèrent fonciè­ flora of these constituent units and the collective floras rement quant aux buts poursuivis et aux techniques will vary according to the nature and relative propor­ utilisées. tions of these constituent units » (p. 730). M. LANGE cherche à étudier la distribution des La publication suivante (WILKINS, HARLEY et KENT, espèces en fonction des associations végétales (conçues 1938) a trait à la distribution des macromycètes dans dans le sens de l'école scandinave), des conditions de une partie de la forêt de Charlton (Sussex). Les auteurs sol et des différences d'humidité dans une tourbière; cherchent à établir la dépendance de la flore des cham­ il cherche aussi à examiner leur rythme saisonnier dans pignons à l'égard des associations végétales, du sol, de des conditions climatiques variées. La technique em­ la couche de feuilles, etc. Les auteurs se gardent de ployée par l'auteur consiste à dénombrer les carpopho­ tirer une conclusion générale. res présents tous les huit ou tous les quinze jours dans En 1940 (WILKINS et PATRICK, 1940), les auteurs des quadrats établis en permanence pendant trois ans s'attachent à établir la constance et la fréquence des dans une tourbière. La végétation de la tourbière est champignons de prairie, en rapport avec les types de analysée selon les méthodes de l'école scandinave. Les sol. résultats obtenus nous renseignent avec précision : Dans ces trois travaux, les auteurs anglais ont établi 1 ° sur le développement de la flore mycologique de la la fréquence par simple dénombrement des carpophores tourbière au cours de l'année; 2° sur la présence des de chaque espèce, non pas dans une aire de dimension espèces en relation avec les associations végétales de la fixe, mais bien le long d'un transect en zigzag; cette tourbière et avec le type de substrat; 3° sur l'efficacité

18 DANS LES F ORETS DE HAUTE BELGIQUE de la méthode employée (dimension et nombre des 4. La succession des saisons est responsable quadrats, nombre d'observations, nombre d'années d'aspects de la végétation mycologique, distincts et d'observation). bien caractérisés selon les différents groupements consi­ FAVRE cherche à établir l'inventaire des espèces de dérés : ce sont les << aspects mycologiques saisonniers » champignons qui croissent dans les différents hauts­ (E. FRIES, 1857; FilIEDRICH, 1940; M. LANGE, 1948; marais du Jura. Il effectue en quinze années 200 explo­ FAVRE, 1948). rations dans 65 tourbières différentes, la plupart d'entre 5. Les variations que l'on peut enregistrer d'une elles ayant été visitées plusieurs fois. Ces observations année à l'autre dans les conditions météorologiques répétées permettent à l'auteur de recenser 485 espèces sont responsables de fluctuations importantes dans le et de se faire une idée de leur fréquence, de leur développement de la flore fongique; ces variations se abondance et de leur répartition au sein de différents traduisent qualitativement dans la liste des espèces qui groupements végétaux. Au point de vue technique, produisent leurs carpophores et quantitativement dans l'auteur a renoncé à la méthode des carrés d'essai et à le nombre et la vigueur de ceux-ci : on a affaire à des tout système de coefficient : il se borne à tenir compte << aspects mycologiques annuels >i (FRIEDRICH, 1936, du nombre d'explorations au cours desquelles chaque 1937, 1940). espèce a été observée et du nombre de hauts-marais où elle se développe. L'auteur considère, au moins Au sujet des techniques de sociologie mycologique, provisoirement, les associations fongiques comme syné­ les conclusions suivantes se dégagent de l'examen de ties au sein des groupements de plantes supérieures et la littérature : l'analyse qu'il en donne consiste en des listes synthéti­ ques d'espèces fréquentes, d'espèces préférantes, etc. 1. L'étude des groupements mycologiques peut FAVRE traite ensuite du développement saisonnier de être rationnellement conduite selon les principes qui la flore fongique des hauts-marais, de l'influence du ont fait le succès des travaux de phytosociologie. climat, du sol et des facteurs biotiques sur les champi­ 2. Les auteurs qui ont tenté d'appliquer purement gnons et Jeurs groupements; il tente enfin un bref essai et simplement les méthodes phytosociologiques classi­ de chorologie (1). ques aux champignons ne se sont pas trouvés suffisam­ * ment armés par ces méthodes pour analyser, décrire et * * synthétiser les faits mycosociologiques. 3. Des essais d'adaptation aux champignons de L 'examen des travaux effectués dans le domaine méthodes phytosociologiques ont été tentés, mais les ..ie la sociologie des champignons supérieurs nous per­ techniques d'analyse adoptées jusqu'ici par les auteurs met de considérer comme acquis les faits suivants : comportent une bonne part d'arbitraire. En outre, elles l. La distribution des espèces mycologiques dépend diffèrent non seulement d'une école à l'autre, mais en ordre principal de la nature du sol et du sous-sol, encore entre les auteurs d'une même école. Dès lors les du caractère des formations végétales, des substrats données recueillies sont difficilement comparables organiques disponibles et de facteurs climatiques tels entre elles. que l'humidité et la température (MAIRE, D UMÉE et 4. Les essais de synthèse répondent à des points LUTZ, 1901 ; EooELBÜTTEL, 1911; REA, 1914; HAAS, de vue propres à chacun des auteurs. Les listes synthé­ 1932; WILKINS, ELLIS et HARLEY, 1937; M. LA GE, tiques n'ont souvent qu'une portée très limitée. Il 1948; FAVRE, 1948). s'avère nécessaire de publier les relevés analytiques. 2. Le jeu de ces divers facteurs détermine l'exis­ qui par leur objectivité constituent des documents tence de groupements mycologiques qu'il est possible universellement utilisables. de reconnaître sur le terrain (HAAS, 1932). Aucun 5. Les synthèses ne sont valables que si elles repo­ auteur n'a encore tenté de définir et de dénommer ces sent sur des analyses comparables entre elles : les diffé­ groupements fongiques. rents sites étudiés doivent être suffisamment visités au 3. Ces groupements mycologiques sont partielle­ cours de l'année, pour que les résultats soient une ment subordonnés aux associations de plantes vertes; somme homogène des aspects mycologiques saisonniers, ils sont surtout conditionnés par les différents biotopes et pendant plusieurs années, pour qu'ils totalisent les que l'on peut distinguer au sein de ces associations aspects mycologiques annuels. (HOFLER, 1937; WILKINS, ELLIS et HARLEY, 1937). 6. Les analyses doivent être complètes et ne négli­ ger ni les « petites espèces » ni même les formes écolo­

(1) Que FAVRE dénomme « Mycogéographie ». giques de valeur taxonomique non encore précisée.

19 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

CONCLUSIONS DE LA PREMIÈRE PARTIE

l. L'étude des relations des champignons avec leur giques saisonniers et annuels et le jeu des facteurs milieu - la géographie mycologique - a débuté il y a limitants, différent selon les saisons et les années. une centaine d'années; les progrès de cette étude sont 6. L'étude des relations biotiques des champignons restés lents. La valeur et le nombre des faits acquis avec les autres organismes a permis de distinguer trois sont limités relativement aux données rassemblées dans grands groupes écologiques : les espèces saprophytes, le domaine de la géographie des plantes vertes et ils les espèces parasites et les espèces à mycorrhizes. Les sont très inégaux d'une discipline à l'autre : chorologie, recherches ont surtout été développées dans le sens des écologie, sociologie mycologiques. problèmes soulevés par les deuxième et troisième grou­ 2. Les études de chorologie mycologique ont pu pes; les espèces du premier groupe ont été plus négli­ établir qu'il existe une prédominance numérique des gées. Les exigences de nombreux champignons quant à espèces de champignons sur celles de plantes vertes leurs relations biotiques ont été établies expérimentale­ d'autant plus grande que J'aire explorée est plus petite. ment et il apparaît que ces exigences sont plus ou Il est aussi démontré que la distribution moyenne des moins strictes selon les espèces envisagées. La docu­ mycètes est plus large que celle des plantes vertes. mentation disponible sera d'un grand secours lors de Ces faits impliquent, à l'intérieur d'un groupement la discussion de la valeur sociologique des espèces au donné, une inégalité dans la valeur sociologique des sein de divers groupements. espèces de champignons et des espèces de plantes 7. Le groupement des espèces fongiques en unités vertes. sociologiques est un fait acquis. Ces groupements sont 3. Il est établi que des aires mycologiques existent, conditionnés par la nature physique et chimique des qui vont depuis le cosmopolitisme jusqu'à ]'endémisme. substrats, par les caractères de l'environnement bioti­ Il n'est pas encore possible de savoir dans quelle que et par des conditions d'ordre climatique. Ces mesure l'histoire de ces aires est liée à celle des flores groupements ne peuvent être étudiés au niveau des et des climats. L'aire de distribution des champignons associations de plantes vertes : ils doivent être envisa­ supérieurs n'a été établie que dans de rares cas. Cette gés sur le plan des biotopes que l'on peut distinguer au absence de matériaux chorologiques constitue un handi­ sein de ces associations. Il convient dès lors, de traiter cap pour le mycosociologue; celui-ci devra s'astreindre la mycosociologie en discipline autonome. Il est à à faire lui-même les recherches nécessaires pour savoir remarquer qu'aucun auteur n'a encore tenté de définir si des espèces mycologiques peuvent être considérées exactement et de dénommer des groupements mycolo­ comme différentielles géographiques et servir à carac­ giques, ni même de rechercher sur quels critères définir tériser des races géographiques de groupements myco­ les biotopes qui sont propres aux champignons et qu'il logiques ou d'associations. convient de distinguer au sein des associations végétales. 4. Les facteurs de l'environnement ont fait l'objet 8. La lenteur des progrès que l'on constate en socio­ de nombreuses études d'écologie mycologique. En logie mycologique peut être attribuée pour une bonne dehors de la littérature mycologique générale classique, part à l'insuffisance des méthodes suivies et des techni­ qui contient de multiples données éparses, des travaux ques employées. La plupart des auteurs ont appliqué spéciaux ont été consacrés à l'étude des exigences des aux champignons des méthodes de travail peu ration­ espèces vis-à-vis du substrat, de la nature du sol et du nelles : les uns n'ont fait aucun effort dans le sens de sous-sol, des conditions de climat, et à l'étude de leurs l'appréciation quantitative des phénomènes observés; relations biotiques. certains ont utilisé arbitrairement les techniques de la 5. Il est à présent établi que l'humidité du sol, phytosociologie classique; d'autres ont imaginé, tout l'humidité atmosphérique, les précipitations, l'évapora­ aussi arbitrairement, des techniques extrêmement com­ tion, la température, le vent, la nature du sol jouent pliquées qu'aucune base concrète ne venait justifier; un rôle capital dans le développement de la flore fongi­ d'autres encore ont fait des analyses superficielles, ou que et que l'action de ces facteurs varie selon les tout au moins de valeur inégale, et des synthèses espèces. hâtives, faute de directives logiques dans la poursuite Les principaux facteurs limitant le développement de la recherche. fongique sont la température de l'air et du sol, la teneur Il apparaît nettement que la première tâche qui du substrat en eau, le taux d'azote disponible. Un s'impose en mycosociologie consiste dans l'élaboration rapport peut être établi entre les aspects mycosociolo- d'une méthode de travail adéquate.

20 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

DEUXIÈME PARTIE

PROPOSITION D'UNE MÉTHODE MYCOSOCIOLOGIQUE

La première partie de ce travail a posé les ques­ nombre d'individus ou de la densité globale, mesures tions-clés de la mycosociologie. Existe-t-il des groupe­ rigoureuses ou appréciation des faits .. . ? Autant de ments fongiques? S'il en existe, quels sont les facteurs questions au sujet desquelles il va falloir soit adopter de leur déterminisme, le complexe écoclimatique qui les une position de principe, soit discuter des techniques conditionne est-il le même que celui qui détermine les les plus rationnelles. associations végétales? Quels sont ces groupements? Nous avons montré que des méthodes de travail Les recherches effectuées à ce jour par différents arbitraires, sans fondements concrets, éventuelJement auteurs permettent, ainsi que nous l'avons montré, de trop compliquées, avaient conduit la mycosociologie répondre sommai rement aux deux premières questions : dans une impasse. Il importe donc de chercher à met­ il exi te des groupements fo ngiques; ces groupements tre au point une méthode qui soit à la fois rationnelJe ont un déterminisme di fférent de celui des associations et pratique. végétales; celui-ci est dominé par les facteurs du sub­ Pour que la méthode soit rationnelle, il faut qu'elle strat organique et du climat. soit parfaitement adaptée à la biologie des organismes L'étude de la troisième question n'a pas encore été qu'il s'agit d'étudier, les techniques employées devant abordée. traduire objectivement les caractères de leur sociologie. Cette étude doit permettre d'approfondir nos con­ C'est pour cette raison qu'il nous a paru nécessaire de naissances sur la végétation mycologique, d'ordonner mettre d'abord en relief les faits qui ont une incidence ces connaissances, de préciser les causes qui différen­ sur la sociologie des mycètes et, parmi ces faits, surtout cient les divers groupements, d'établir le rôle respectif ceux qui nous rendent cette sociologie perceptible. des espèces qui les constituent, etc. Ce problème, qui Pour que la méthode soit pratique, en même temps est l'objet propre de la mycosociologie, exige un travail que rationnelle, elle doit suivre une voie simple et considérable d'analyse, de synthèse et de classification, mettre en œuvre des techniques rapides. Dans le choix et il requiert avant tout une méthode de travail des principes directeurs, il ne faudra ni perdre de vue adéquate. les données de base, ni négliger les exigences pratiques. Il y a plusieurs manières d'aborder le problème; il y a plusieurs méthodes (1) de travail possible selon le point de vue auquel on se place, selon les techniques (2) ** * pratiques que l'on adopte. Point de vue écologique ou point de vue floristique, observations directes sur le Le plan de cette deuxième partie se dégage logique­ terrain ou cultures et expérimentation, subordination ment de ces considérations : absolue à l'association végétale ou définition d'unités Chapitre premier. - Recherche des bases concrètes autonomes, analyse du recouvrement spécifique, du de la méthode. Chapitre 2. - Choix des principes directeurs. (1) Méthodes : ensemble de règles et marche à suivre pour résoudre un problème. Chapitre 3. - Discussion de la marche à suivre et (l) Techniques : ensemble de moyens, de procédés pour mise au point de techniques pratiques (analyse, synthèse réussir à faire un ouvrage selon certaines règles. et classification).

21 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

CHAPITRE PREMIER

DES BASES DE LA MÉTHODE

Les phytosociologues qui ont fait allusion aux possibilités morphologiques et leurs exigences physio­ champignons supérieurs, ainsi que plusieurs des auteurs logiques. qui se sont engagés dans la voie de la sociologie myco­ Nous avons vu dans la première partie quels sont logique, ont souvent perdu de vue la nature originale les faits connus en matière de chorologie et d'écologie des êtres qu'ils étudiaient. Traitant a priori les champi­ mycologiques. Il nous reste à voir les faits morpholo­ gnons comme des plantes, ils ne se sont guère demandé giques et physiologiques qui ont une incidence sur la si les méthodes employées traduisaient bien la réalité vie en commun des mycètes. du développement fongique. L'examen des caractères morphologiques nous dira L'observation des formes biologiques présente un ce qui, dans la nature, nous apparaît des champignons grand intérêt en géographie botanique. Depuis que et ce qui échappe à l'observation directe, quels sont DE HUMBOLDT (1806) a attiré l'attention sur la question leurs organes aériens, leur manière d'être, les rapports et proposé son << Physiognomik der Gewachse », plu­ entre leur morphologie et le milieu. sieurs systèmes ont vu le jour; c'est celui de RAUNKIAER L'examen des caractères physiologiques propres aux (1905) qui est le plus fécond en matière d'associations mycètes doit nous permettre de pénétrer la nature de autotrophes et qui est le plus généralement utilisé par leurs groupements et de connaître les exigences majeu­ les phytosociologues. res que le milieu écoclimatique doit satisfaire. Nous avons ainsi à rappeler ou à décrire la morpho­ Sans chercher à savoir si un autre système ne logie générale des champignons, les modalités de leur conviendrait pas mieux aux mycètes, certains auteurs thalle, les courants cytoplasmiques dont celui-ci est Je les ont inclus dans la classification de RAUNKIAER siège, la forme des carpophores, leurs conditions d'ap­ (BRAUN-BLANQUET, 1928, pp. 242-256). Cette classifica­ parition, l'hétérotrophie de ces organismes; nous discu­ tion est, comme on le sait, basée sur la manière, pour terons de la valeur morphologique et des types physio­ une plante, de passer la saison défavorable à son déve­ nomiques des carpophores; nous soulignerons le rôle loppement. Or, si la saison défavorable est la même de l'eau et de la température dans le développement pour toutes les plantes vertes d'une région - celle où fongique. photosynthèse et métabolisme sont ralentis -, il n'en Un certain ton de traité pourra apparaître à la lec­ est pas de même pour les mycètes, chez lesquels la ture de ce chapitre : nous n'avons pu l'éviter, car il saison défavorable varie selon les espèces. Comment s'agit de faits connus, exposés pour la plupart dans les l'utilisation d'un tel système en mycologie pourrait-il grands traités (GAÜMANN, 1926; LUTZ, 1942; LANGERON, avoir une portée générale et se montrer féconde, alors 1945; ÛUILLERMOND et MANGENOT, 1946). Nous nous que des champignons qui vivent côte à côte dans le dispenserons de répéter ces références générales; nous même substrat peuvent réagir très différemment aux indiquerons nos sources dans Je cas de faits moins conditions extérieures : l'un sera surtout sensible au classiques et dans le cas de faits que nous n'avons pu froid et son développement sera inhibé par la gelée, un vérifier personnellement. Notons en passant que nous autre n'entrera en activité qu'en hiver, un troisième avons adopté la nomenclature morphologique de dépendra moins de la température et pourra se montrer LANGERON (1945). en toutes saisons, à condition que l'humidité soit suf­ L'originalité de cet exposé réside dans Je point de fisante; selon le système de RAUNKIAER, ces trois espè­ vue sociologique auquel on s'est placé et dans les véri­ ces seront rangées dans la même catégorie des Geo­ phyta mycetosa. fications et contrôles auxquels les données utilisées ont été soumises. Cet exemple suffit à montrer l'écueil à éviter : l'assi­ milation a priori des mycètes aux plantes vertes. Il est § 1. LES MODALITES DU THALLE nécessaire de fonder la méthode d'étude sociologique des champignons sur l'ensemble des faits concrets qui Un champignon supérieur est constitué par un thalle déterminent ou caractérisent la vie en commun de ces formé de filaments tubulaires ou hyphes. Au cours de organismes. son développement, le thalle se présente sous deux états Le fait mycosociologique comporte, d'une part, la successifs : un état végétatif et un état fertile; dans ce station et ses caractères écoclimatiques, d'autre part, les dernier cas, il est le support d'un appareil reproducteur mycètes présents dans une région déterminée, leurs ou d'un appareil propagateur.

22 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE a) Le thalle végétatif. cordons mycéliens de couleur vive. Ces cordons se Le thalle végétatif se présente sous une forme fila­ composent de minces fibres sclérenchymateuses à pa­ menteuse ramifiée en m y c é 1 i u m , sous forme de rois fortement épaissies qui entourent de gros filaments filaments parallèles agrégés en s y n né ma ( r hi z o - à cloisons résorbées; ces derniers jouent un rôle vascu­ m o r p h e s , o z o n i u m s , p s e u d o r h i z e s ) ou laire et permettent un transport rapide des éléments sous la forme massive d'un faux-tissu de filaments orga­ nutritifs, tandis que les filaments sclérenchymateux nisés en s t rom a ( s c 1 é r o tes) . assurent la résistance des cordons. Les ozoniums sont généralement étalés en lame en dehors de substrat nour­ Le mycélium. ricier de l'espèce qui les forme, voire même sur des substrats tout à fait inertes comme la pierre ou la bri­ Le mycélium naît d'une spore et se développe en que; ils paraissent favorables à la formation des rayonnant autour d'elle en tous sens; il est formé exclu­ carpophores, qui s'y développent souvent en essaims sivement d'hyphes ramifiées dont l'accroissement est extrêmement denses chaque fois que les conditions terminal et indéfini. Le mycélium tend donc toujours à atmosphériques s'y prêtent. Tel est le cas de Pseudo­ s'accroître circulairement et son extension peut être coprinus disseminatus, qui forme ses carpophores par considérable. La forme du mycélium dépend de la milliers sur un ozonium rouge (BULLER, 1924, pp. 30- nature du support. Elle est, au moins au début et lors­ 43). Les carpophores de Coprinus radians ne se que le substrat s'y prête, circulaire, rayonnante ou globuleuse, Je développement pouvant s'effectuer dans forment que sur son ozonium (LUTZ, 1911, p. 110). les dimensions d'un plan ou dans les trois dimensions Les pseudorhizes. de l'e pace. La pseudorbize est un organe en forme de racine, Le mycélium est peu accessible à l'observation qui relie Je mycélium développé dans du bois enfoui au directe sur Je terrain. Il n'est identifiable spécifique­ stipe du carpophore aérien. Chez les espèces à pseudo­ ment que dans des cas très rares, et encore à la suite rhizes, le primordium est d'abord plus ou moins profon­ de l'observation in vitro de cultures délicates à réaliser. dément enfoui : il apparaît à la surface de la racine ou Par contre, lorsque le thalle végétatif prend une du débris de bois dans lequel se développe le mycé­ forme de synnéma ou de stroma, il est souvent po sible lium. Il se différencie rapidement en un primordium de de l'observer en nature et de le déterminer spécifique­ pseudorhizes; celui-ci s'allonge par croissance interca­ ment. Il importe dès lors de donner quelques détails sur laire et pousse le jeune carpophore vers le haut, à tra­ la morphologie et surtout sur la fonction de ces forma­ vers le sol, jusqu'à ce qu'il atteigne la surface, où il tions bien caractérisée . pourra se développer. La pseudorbize s'accroît aussi Le rhizomorphes. en épaisseur et son diamètre est le plus fort juste au­ dessous de la surface du sol, au point où elle sera sou­ Les rhizomorphe ont des cordons mycéliens sous­ mise au plus grand effort mécanique. La longueur d'une corticaux ou souterrain , souvent très étendu , ramifiés pseudorhize dépend de la profondeur où elle a pris et ana tomo és. Ces cordon ont un a pect radiculaire naissance; nous en avons observé de 25 cm chez Muci­ - d'où leur nom - et se composent d'une écorce dula radicata, BULLER (1934, p. 374) en signale de solide, souvent colorée en brun ou en noir, et d'un fin 30 cm chez Collybia fusipes. En plus de celles de ces feutrage intérieur de filament de couleur claire. Les deux e pèces, nous avons en l'occasion d'étudier les champignons à rhizomorphes ne sont pas très nom­ p eudorhizes de Xerula longipes, galericulata, breux. Le cas Je plus cla sique est celui de Armillariella Hebeloma radicosum, Psathyrella caudata, Phaeocol­ 111e//ea, qui envoie ses rhizomorphe aus i bien sous les lybia lugubris, Ph. chrystinae, Ph. jennyae, Ph. cidaris écorces des arbres vivants ou abattu que sous la terre et, chez les Discomycètes, de Pseudotis radiculata. dan la direction de nouveaux hôtes. En plus de cette Les pseudorhizes sont généralement annuelles et espèce, nos ob ervations ont porté sur les rhizomorphes impies. Collybia fusipes constitue, avec ses pseudo­ de lthyphal/11s imp11dic11s, de Collybia platyphylla, de rhizes pérennes et ramifiées, un cas exceptionnel chez Cortinari11s bulliardi, de Marasmius androsaceus et de les Agarics. Les pseudorhizes vivaces de cette espèce M11tinus caninus. se ramifient par Je processus suivant: la première Dans tous le cas étudié , les rhizomorphes appa­ année, il se forme un carpophore solitaire; lorsque raissent comme des organes qui permettent à un mycète celui-ci disparaît, après libération de ses spores, la de traverser une région peu favorable à son dévelop­ pseudorhize persiste et elle donne ensuite une touffe de pement et d'atteindre un milieu qui lui convient, oit carpophores munis chacun d'une pseudorbize secondai­ pour poursuivre son exten ion végétative, soit pour re. Celles-ci se ramifient à leur tour, et ainsi de suite. former des carpophores. En comptant Je nombre de ramifications il est possible de calculer l'âge de ces formations. Les rameaux peu­ Les ozoniums. vent fusionner latéralement et former une masse spon­ Ce terme, emprunté à l'ancienne nomenclature gieuse, foncée, irrégulière, que l'on pourrait confondre mycologique, désigne actuellement des réseaux de fins dans certains cas avec un sclérote.

23 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Les espèces à pseudorhizes annuelles et simples ont Les corémiums. des carpophores solitaires qui apparaissent çà et là sans Les corémiums sont des conidiophores agreges en régularité, tandis que Collybia fusipes donne des carpo­ faisceaux et devenus coalescents par voisinage. Ces for­ phores en touffes plus volumineuses d'année en année, mations sont rares ou mal connues chez les Discomycè­ pendant très longtemps au même endroit. tes et chez les Basidiomycètes. Le cas le plus fréquent, et que nous avons pu observer attentivement, est celui Les sclérotes. de Coryne sarcoïdes, dont les corémiums forment des En un ou en plusieurs points du mycélium de cer­ masse gélatineuses trémelloïdes; cette espèce apparaît taines espèces, des filaments s'accolent, s'enchevêtrent, plus souvent sous cette forme conidifère que sous sa épaississent leur membrane, gonflent leurs cellule , qui forme ascosporée. se remplissent de matériaux de réserve. Les hyphe superficielles de ces concentrations mycélienne 'incrus­ Les cériomyces. tent d'une substance voisine de la cutine et e colorent Les cériomyces ou ptychogaster sont des masses en brun, en noir, ou en violet foncé. On a donné le nom irrégulières, plus ou moins charnues ou subéreuses; ce de sclérotes à ces formations qui se pré entent comme ont des tramas formés d'hyphes enchevêtrées et leur de petits tubercules solides, bien délimités, formé d'une tructure est concentrique. Les filaments supportent masse de faux-tissu ou pseudo-parenchyme et pourvu l'appareil conidien. Le terme « c é rio m y ces » a d'une écorce différenciée, plus ou main foncée Ion été créé autrefois pour désigner un genre autonome au son degré de cutinisation. ein duquel on distinguait différentes espèces. Quand Après une période de repo plu u main longue, on s'est aperçu que les cériomyces étaient les formes un sclérote peut donner un mycélium ou pr duire de conidiennes de divers Porés, le terme a perdu son sens carpophores, selon les cas d'e pèce. Le lérote ont taxonomique primitif. Les cériomyces ne sont pas rares donc des organes de conservation et d laten e. et nous avons eu l'occasion d'observer et d'étudier Les dimensions des sclérote ont très ariable et Ceriomyces a/bus ( =Leptoporus ptychogaster), Cerio­ peuvent aller de la taille d'un grain de pa ot à celle myces hepaticus ( = Fistulina hepatica) et Ceriomyces d'une pomme de terre ou même d"une tête d enfant. Au aurantiacus (=Po/y pi/us su/phureus). cours de nos recherches, nou a on fréquemment observé les sclérotes de Co/lybia tuberosa, C. cookei, Les stromas conidifères spéciaux. T yphula erythropus, Sclerotinia rnberosa, etc.: nou Il y a lieu de considérer aussi le stroma de Tremella n'avons rencontré Stromatinia baccarum, S. mccinii et mesenterica et de Dacryomyces deliquescens. Chez S. pseudo-tuberosa que sous cette forme. ans jamais cette dernière espèce, les stromas conidifères ont exac­ en avoir vu les carpophores. tement la même forme q ue les carpophores à basides - ce sont de petites masses gélatineuses hémisphéri­ b) Le thalle fertile. ques - mais ils sont orangés et non jaunes. Chez La thalle fertile se présente ous le formes les plus Treme/la mesenterica, les deux stades, conidien et basi­ variées, avec tous les intermédiaires entre une réduction diosporé, se succèdent sur le même stroma. morphologique telle qu'il se confond pre que avec le Les carpophores. mycélium et la complication du carpophore des Amani­ tes, des Clathrus ou des Dictyophora. Les carpophores sont de vrais stromas : ce sont des Mais, si réduit soit-il, chez les champignons supé­ masses de pseudo-parenchymes formées de filaments rieurs, le thalle fertile, support de 1 appareil reproduc­ étroitement enchevêtrés et disposés selon des modalités teur sporifère, se présente toujours sous la forme d·un spécifiques très diverses. Ces « stromas fertiles » appa­ élément plus ou moins massif : le c a r pop ho r e. raissent sur le mycélium sous la forme de petits nodu­ Il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit du support des les ou primordiums, dans lesquels les hyphes dessinent appareils de propagation par conidies : le thalle fertile une ébauche d'organisation. En se développant, ces ne se présente alors que rarement sous la forme d'un primordiums vont donner naissance à des carpophores stroma ( c é r io m y ces) ou d'un synnéma conidifère de forme spécifique; ce sont les parties des champi­ ( c o r é m i u m ) . Les conidiophores restent le plus gnons qui jouent sur le terrain le plus grand rôle physio­ souvent indépendants, qu'ils soient simples ou ramifiés; nomique et qui sont les plus accessibles à l'observation, chez de nombreuses espèces, tout appareil de support à tel point que l'on a coutume de prendre la partie pour des conidies a disparu : elles naissent directement sur le le tout et de parler d'une Russule, d'un Bolet ou d'un mycélium, sur le revêtement des carpophores, voire Coprin en ayant en main un carpophore de ces champi­ même à l'intérieur de ceux-ci. Ces formes réduites sont gnons. Toute la systématique des champignons supé­ peu accessibles à l'observation sur le terrain. Aussi rieurs est basée sur les caractères des carpophores et limiterons-nous notre aperçu aux corérniums, aux des organes reproducteurs dont ils sont le support. cériomyces et aux carpophores, sans omettre le cas spé­ L'intérêt de l'étude des carpophores au point de vue cial des Dacryomyces et des Trémelles. de la mycosociologie ne réside pas seulement dans le

24 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE fait que c'est presque uniquement par eux que l'on peut il cesse de se produire du nouveau cytoplasme. Or on déceler l'espèce et dans le fait de leur rôle physionomi­ observe un déplacement rapide du cytoplasme existant que particulier dans une station. Un grand intérêt dans les parties âgées vers les points de développement s'attache aussi à d'autres questions : quelle est la valeur des carpophores ou simplement vers les points d'élon­ morphologique des carpophores ? Quel est le mode gation végétative. La preuve a été faite du rôle que d'apparition des carpophores (époque de croissance, jouent les vacuoles dans ce mouvement : c'est la pres­ disposition des carpophores entre eux)? Quelle est sion qui règne dans les vacuoles des cel1ules vieilles leur durée? Quelle est la signification d'un carpophore qui en chasse progressivement le cytoplasme; ces cel­ au point de vue de l'individu fongique? lules se vacuofüent de plus en plus, se vident et meu­ L'importance de ces organes fertiles et le problème rent. Une cellule morte est aussitôt isolée de la cellule qu'ils soulèvent méritent que nous leur consacrions des plus jeune qui la suit par obturation du pore de 1::1 paragraphes spéciaux, mais il nous reste, à propos du cloison; cette cloison bouchée empêche du cytoplasme thalle, à envisager auparavant les courants cytoplasmi­ de se perdre et force le sens du mouvement qu'il va ques dont celui-ci est le siège. prendre sous l'effet de la pression vacuolaire. Ainsi à l'épuisement du milieu nutritif, correspond un dévelop­ pement centrifuge des vacuoles et c'est ce développe­ § 2. LES COURANTS CYTOPLASMIQUES ment centrifuge qui est responsable du mouvement centrifuge du cytoplasme. Reconnus d'abord chez les champignons à filaments Les courants cytoplasmiques peuvent se développer cœnocytiques (Phycomycètes), les courants cytoplasmi­ sur une grande longueur de filaments et leur mouve­ ques existent aussi chez les champignons à thalle cloi­ ment peut être rapide, de l'ordre de 10 cm à l'heure, ce sonné. qui, à l'échelle microscopique, est énorme. Les cloisons des hyphes de ces champignons sont Ainsi un mycélium peut puiser en grande quantité pourvues d'un pore central qui établit la continuité dans le milieu nutritif les éléments qui lui sont néces­ cytoplasmique d'une cellule à l'autre. Toutes les cellules saires, y compris l'eau, et les drainer très rapidement vivantes d'un champignon communiquent ainsi entre à travers le système de tubes que sont les hyphes, vers elles de manière à former une seule masse de cyto­ les points où s'édifient des carpophores ou des organes plasme. de réserve. C'est ce qui permet d'expliquer la prodi­ La cloison perforée des hyphes des champignons gieuse rapidité avec laquelle s'édifient de grands carpo­ supérieurs présente un double avantage. D 'une part, en phores comme ceux des Bolets ou des Lépiotes, avec cas de rupture du filament ou de nécrose d'une cellule, leur masse charnue, leur appareil hyménial compliqué, le pore très fin de la cloison qui sépare la cellule lésée leurs dizaines de millions de spores et leur richesse des cellules voisines peut être obturé instantanément, et biochimique, alors qu'ils sont privés de tout tissu vascu­ c'est là ce qui se produit; les cellules saines bourgeon­ laire et que leur développement n'est pas une simple nent ensuite l'une vers l'autre à travers la cellule morte prise d'eau. Lorsqu'une poussée de carpophores s'est et restaurent le filament. D 'autre part, le pore des cloi­ produite sur un mycélium, une grande partie de celui-ci sons qui met les cytoplasmes en contact permet le pas­ est épuisée et beaucoup de filaments sont morts et sage rapide de la masse cytoplasmique d'une cellule à vides. Lorsque les carpophores émettent les spores, ils l'autre. se vident à leur tour de leur substance, meurent et se Le courant de cytoplasme qui s'établit ainsi d'une désintègrent plus ou moins rapidement. cellule à l'autre est uniquement animé chez les champi­ A la lumière de ces phénomènes, il est possible de gnons supérieurs d'un mouvement centrifuge : le cyto­ mieux comprendre la nature originale des champignons, plasme se dirige des portions anciennes du thalle vers singulièrement différente de celle des autres végétaux les parties jeunes en pleine croissance. comme de la nature animale ! BULLER ( 1933), dont les travaux sur cette question des courants cytoplasmiques font date, a pu établir expérimentalement la double cause de ces courants. § 3. LA FORME DES CARPOPHORES Lorsqu'un jeune mycélium exploite le milieu nutri­ ET LEURS TYPES PHYSIONOMIQUES tif, son cytoplasme augmente constamment de volume. Or les cellules n'augmentent pas de volume et elles ne Nous envisagerons d'abord le carpophore des Disco­ se divisent pas; les filaments mycéliens ne s'accroissent mycètes, ensuite celui des Basidiomycètes. qu'à leur sommet, il n'y a pas d'accroissement interca­ laire. Le cytoplasme produit doit donc se déplacer et a) Le carpophore des Discomycètes (s.l.). on constate qu'il s'écoule sans cesse vers le point d'élongation par un mouvement lent et continu en pas­ Ce carpophore, encore appelé apothécie, se présente sant à travers le pore des cloisons. le plus souvent sous la forme d'un disque sessile ou Vers l'arrière, là où le thalle a épuisé les éléments stipité, généralement simple, tapissé par !'hyménium. nourriciers du substratum, les cellules se vacuolisent et On peut rattacher les nombreuses formes qu'il prend à

25 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES quelques types; nous en avons dressé le tableau 9. Réceptacles en tu ber cule char n u , irrégulier ou suivant (1) : arrondi: Terfezia (Terféziacées) l. Réceptacles en d i s q u e lenticulé, pulviné ou aplani, Tuber (Tubéracées) sessiles : E/aphomyces (Elaphomycétacées) Ca/loria, Orbi/ia, etc. (Calloriacées) Mollisia, Tapesia (Mollisiacées) Ciliaria, H11maria, etc. (Humariacées) b) Le carpophore des Basidiomycètes. Ascobolus, Ascophanus, etc. (Ascobolacées) Le carpophore des Basidiomycètes présente une Pyronema (Pyronémacées) Apostemidium (Ombrophilacées) gamme de formes bien plus riche encore. On peut rat­ Rhizina, Discina (Pézizacées) tacher ces formes multiples à des types principaux que nous définissons comme suit: 2. Réceptacles en m a s s e g é l a t i n eu s e tu r b i né e, sessiles: 1. Carpophores r és u pin é s, apprimés sur le support, en forme de plaque floconneuse, gélatineuse, céracée, coriace, Coryne, Bulgaria (Bulgariacées) membraneuse, crustacée, subéreuse ou charnue, suppor­ tant à leur face externe un hyménium 3. Réceptacles dressés, stipités, en forme de l!sse ou rugueux : massue: Sebacina (Trémellacées) Geogloss11m (Géoglossacées) T11/as11ella (Tulasnellacées) Mitrula (Léotiacées) Cristella (Théléphoracées) spatule: Tomentella (Ph yllactériacées) Spathularia (Léotiacées) Cortici11m, Peniophora (Corticiacées) tête arrondie : Stere11m (Stéréacées) Leotia (Léotiacées) en cupules confluentes : Ombrophi/a (Ombrophilacées) Porotheli11m (Cyphellacées) plissé: 4. Réceptacles en c u p u l e , sessiles : Coniophora, Phlebia (Méruliacécs) Urceole/la, Arachnopeziza, etc. (Lachnellacées) Peziza, A leu ria, Galactinia, etc. (Pézizacées) alvéolé: Meruli11s, Gyrophana (Méruliacées) 5. Réceptacles en ore i 11 e, cupules sessiles fendues sur hérissé : le côté et relevées latéralement: Odontia (Hydnacées) Otidea, Wynne/la (Pézizacées) radulé: 6. Réceptacles en c u pu l e s t i pi té e, régulière, concave Rad11/11m (Hydnacées) ou aplanie: lrpex (Polyporacécs) Dasyscypha (Lachnellacées) poré: Sclerotinia, Helotium, etc. (Ciboriacées) Po ria (Polyporacées) Macropodia, Sarcoscypha, etc. (Pézizacées) lamellé : 7. Réceptacles en chapeau stipité, en forme de R es11pinat11s (Tricholomatacées) doigt de gant : 2. Carpophores discoïdes, plus ou moins convexes, Verpa (Helvellacées) gélatineux, couverts sur leur face externe par !'hyménium : mitre: Helvella (Hel vellacées) Dacryomyces (Calocéracées) Tremel/a, Exidia (Trémellacées) tête cérébriforme : Gyromitra (Helvellacées) 3. Carpophores c u p u 1 a i r es , charnus, céracés ou coria­ tête alvéolée : ces, en coupe plus ou moins profonde tapissée sur la face Morchella (Morchellacées) interne par un hyménium lisse :

8. Réceptacles globuleux - creux, tapissés à l'inté­ Cyphel/a, Cytidia (Cyphellacées) rieur par !'hyménium, hémi-hypogés (2), s'étalant en coupe à maturité : 4. Carpophores en mass es g é l a tin e uses , tapissées Sarcosphaera, Sepultaria (Pézizacées) en tout ou en partie par !'hyménium, sessiles, versiformes, cérébriformes : (1) Les genres et familles cités le sont à titre exemplatif. Dacryomyces (Calocéracées) Les listes ne sont nullement limitatives. Tremel/a, Exidia (Trémellacées) 2 ( ) Nous proposons cette désignation pour les champignons foliacées : terrestres qui poursuivent tout leur cycle de développement, Tremella (Trémellacées) maturation des spores comprise, à peine enfouis sous la sur­ face et ne s'ouvrent à la lumière en rejetant la pellicule du sol auriculées : qui les recouvre, qu'au moment de la libération des spores. Hirneola (Auriculariacées) 26 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

5. Carpophores d r es s é s généralement charnus ou tena· poré: ces, parfois gélatineux, recouverts en tout ou en partie par Poly porus, Boletopsis, etc. (Polyporacées) un hyménium lisse ou rugueux, en forme de Strobilomyces (Strobilomycétacées) spatule : Boletus (Bolétacées) Guepinia (Trémellacées) lamellé: massue: Phylloporus (Bolétacées) Nevropliyllum (Cantharellacées) Russula, Lactarius (Russulacées) Gomphidius Clavaria (Clavariacées) (Gomphidiacées) Paxillus (Paxillacées) colonne simple : Rhodophy llus, etc. (Rhodophyllacées) Calocera (Calocéracées) Tubaria, etc. (Crépidotacées) Clavaria, Typ/111/a (Clavariacées) Inocy be, Cortinarius, etc. (Cortinariacées) dendroïdes : Pholiota, Stropharia, etc. (Strophariacées) Conocybe, etc. (Bolbitiacées) Cafocera (Calocéracées) Coprinus, etc. (Coprinacées) Cfavaria (Clavariacées) Agaricus, L epiota, etc. (Agaricacées) coralloïdes : A manita, Plu/eus, etc. (Amanitacées) Pliyllacteria (Phyllactériacées) Tricho/oma, Clitocybe, etc. (Tricholomatacées) Clavaria, Sparassis (Clavariacées) H ygrophorus, etc. (Hygrophoracées)

6. Carpophores en ch a p e a u à s y m é t ri e d i m id i é e, 8. Carpophores en ch a peau s tipi té , arrondi en sessil es ou stipités à stipe latéral, excentrique ou oblique, forme de sac contenant !'hyménium et s'ouvrant à gélatineux, charnus, coriaces ou subéreux, supportant à la maturité : face inférieure un hyménium Ecchy na (Ecchynacées) mésentériforme : Tulostoma (Tulostomatacées) Secotium A 11ric11/aria (A uriculariacées) (Sécotiacées) Elasmomyces (Astérogastracées) lisse ou rugueux : L ycoperdon (Lycoperdacées) Stere11m (Stéréacées) plissé : 9. Carpophores en sac sessile, arrondi ou oblong, Dicty o/11s (Cantharellacées) ovoïde ou piriforme, globuleux ou turbiné, charnus, conte· Trogia (Méruliacées) nant !'hyménium et s'ouvrant à maturité : hérissé : Lycoperdon, Bovista (Lycoperdacées) Tremellodon (Trémel lacées) Scleroderma (Scléroderma tacées) Herici11111 (Hydnacées) Arca11ge/ie/la (Astérogastracées) radulé : 1O. Carpophores en chapeau s t i pi té, en forme de lrpex (Polyporacées) cône ou de doigt de gant, garni extérieurement de logettes alvéolé: qui contiennent !'hyménium : M emli11s (Méruliacées) Ithyphallus, Mutinus (Phallacées) poré: F om es, Trametes, etc. (Polyporacées) 11. Carpophores en réseau o u ra m if i é s , supportant tubulé: !'hyménium à la face interne : Fis111/i11a (Fistulinacées) C/athrus, Co/us (Clathracées) lamellé : Lenzites (Polyporacées) 12. Carpophores en c o r b e il l es ses s i le s , contenant Paxil/11s (Paxillacées) !'hyménium à l'intérieur de sporangioles isolés les uns des Crepido t11s (Crépidotacées) autres: P/e11ro t11s, Pa11 el/11s, etc. (Tricholomatacées) Nidularia, Cyathus, etc. (Nidulariacées)

7. C:upophorcs en ch a peau à symétrie rayon· 13. Carpophores en s ac g l o b u l eux , sessile, hémi· na n te , stipités, charnus ou coriaces, supportant à la hypogé, dont l ' e n v el op p e ex terne s'ouvre e n face inférieure un hyménium é t o i l e et expose à l'air un sac interne contenant !'hyménium : lisse ou rugueux : Cratere//11s (Cantharellacées) Geaster (Lycoperdacées) Pliyllacteria (Phyllactériacées) Astrae11s (Sclérodermatacées) plissé: 14. Carpophores en tubercule charnu , irrégulier ou Ca111'1arellus (Cantharellacées) arrondi, renfermant !'hyménium, hypogés : hérissé : H ymenogaster, Ga11t.'era (Hyrnénogastracées) Hyd1111m (Hydnacées) M elanogaster (Sclérodermatacées) Ca/odon, Sarcodon (Phyllactériacées) Octaviano (Astérogastracées) radulé: Hysterangium (Phallacées) Sistotrema (Polyporacées) R/iizopogon (Rhizopogonacées)

27 F. DARIMONT. RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES c) Les types physionomiques. Les carpophores à symétrie dimidiée, sessiles ou munis d'un stipe latéral, excentrique ou oblique, char­ Cette gamme importante des formes que peuvent nus-tenaces, coriaces ou subéreux, souvent persistants prendre les carpophores des champignons supérieurs ou capables de reviviscence après de siccation, se ren­ est en réalité bien plus grande encore du fait qu'inter­ contrent dans de nombreu e familles de Basidiomycè­ viennent, en plus de ce que nous avons pri en considé­ te , depuis le Auriculariacée jusqu'aux Pleurote ration d'autres caractères tels que la taille, l'amplitude, (Tricholomatacées), en passant par la plupart des gen­ la corpulence, le port des réceptacles, la nature de leur res de Polyporacées. Ces carpophores dimidiés appa­ trame, de leurs voiles, de leurs revêtements, etc. rai ent sur substrat vertical ou oblique, généralement Ces considérations et cette longue nomenclature ligneux, dans des conditions a sez sèches. Nous quali­ seraient hors de propos ici si elles ne faisaient ressortir fierons ce f a ci e s : p l e u r o t o ï d e . l'extraordinaire diversité morphologique des champi­ Le fa ci es t r é me 11 o ï d e , corre pondant à gnons supérieurs et le fait que cette diversité ne va pas des carpophore en masses gélatineuses ver iformes, de pair avec la classification systématique : la même reviviscentes après des iccation, e t caractéri tique des forme générale peut se retrouver dans toute une série Trémellacées. II se retrouve aus i parmi les Calocéra­ de familles tant d'Ascomycètes que de Basidiomycètes. cées (Dacryomyces), les Auriculariacées (Hirneola) et Un rapport existe, au contraire, entre les types physio­ chez les Ascomycètes parmi les Bulgariacées (Coryne, nomiques et les divers types d'habitat mycologique. Bulgaria). Ce facies est celui d'un ensemble d'espèces Le polymorphisme des champignons, relativement indé­ épixyles expo ées dan les strates aérienne des forêts, pendant de la position systématique des espèces, paraît ou sur de tronc couchés en dehors de l'ambiance dès lors gouverné par la 1 o i d e c o n v e r g e n ce forestière, à une dessiccation a sez vive. On pourrait é ph armon i que de V ESQUE (1882). Cette loi géné­ aussi rattacher à ce facie trémelloïde l'une de rare rale constate qu'il se produit une ressemblance ou Agaricales qui vivent dans les cimes des arbres, Muci­ convergence morphologique chez des êtres de familles dula mucida, tellement e t importante la gélification du différentes, même très éloignées, par suite de l'adapta­ revêtement du chapeau. tion à des conditions extérieures identiques. Le fa ci es c o r t i c i o ï d e , celui pré enté par C'est ainsi que les champignons dont l'habitat est les résupinés cru lacés-indurés, étendus en plaques plus hypogé ont tous des carpophores charnus, globuleux ou moins grandes sur un support ligneux, carre pond et clos. Ils appartiennent à des familles diverses, tant lui aussi à des conditions xériques et s'observe dans parmi les Ascomycètes que parmi les Basidiomycètes; plusieurs familles (Corticiacées, Hydnacées, Polypora­ les tableaux que nous avons dressés le font apparaître. cées, S téréa cées). Ils ont un facies que nous appellerons fa ci es tu b é - A côté de ces types physionomiques fondamentaux, r o ï de et ils sont si semblables entre eux que, trompés on pourra encore définir quelques facies d'importance par cette convergence morphologique, les auteurs les secondaire, dont les caractéristiques morphologiques se ont pendant longtemps rassemblés en un seul et même déduiront aisément de ce qui a été dit aux paragraphes groupe systématique. « a » et cc b » : f a c i e s p h y 11 a c té r i o ï d e , o t i - L 'accord est maintenant réalisé au sujet de ce phé­ déoïde, pistillarioïde, dendroïde, nomène de convergence chez les champignons hypogés. lycoperdoïde et pézizoïde . D'autres faits de convergence, pourtant nets, paraissent Au type physionomique, indépendant dans une cer­ moins bien connus. En voici quelques-uns que nous taine mesure de la position systématique, qui trahit une établissons d'après nos observations personnelles. influence morphogénétique de l'habitat et qui est fixé Le chapeau stipité, à symétrie rayonnante, charnu, dans le capital spécifique, se superpose, au sein de éphémère et putrescible est le type de carpophore le chaque espèce, un polymorphisme individuel non fixé, plus répandu parmi les Agaricales. Avec le même une plasticité telle qu'une espèce peut répondre aux hyménium lamellé, on le retrouve chez les Russulacées, influences stationnelles en prenant des normes secon­ chez les Hygrophoracées, chez les Gomphidiacées et daires diverses, rappelant parfois d'autres types physio­ ces trois familles n'ont pas d'autre type de carpophore. nomiques. Nous avons insisté sur ce fait dans l'intro­ On le trouve supportant des types variés d'hyméniums duction de cette étude; nous ne reviendrons pas ici sur à travers toute la série des Hyménomycètes (des Can­ cette question. Sont-ce aussi des formes de convergence tharellacées aux Bolétacées), chez les Gastéromycètes épharmonique ? Il appartiendra au mycosociologue (Sécotiacées, Astérogastracées, Phallacées) et même d'étudier ces formes et d'apprendre à mieux définir chez les Ascomycètes (Helvellacées, Morchellacées). l'habitat en accordant, sur le plan sociologique, une Une enquête sur l'habitat de ces champignons qui ont valeur indicatrice à la physionomie des espèces. Il ce facies agaric o ï de révèle que ce sont toutes restera au systématicien à déterminer la valeur taxono­ des espèces qui vivent sur le sol (humus, feuilles mor­ mique éventuelle de certains écotypes ou, au contraire, tes, débris ligneux, souches pourrissantes, etc.), dans à rapprocher certaines espèces affines encore séparées des conditions hygrophiles ou mésophiles. dans la classification pour des raisons de physionomie.

28 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

caryogamie et qu'apparaisse l'appareil reproducteur. Sont-ce là caractères de fructifications ? § 4. LA VALEUR MORPHOLOGIQUE Cette assimilation à des << fruits '' n'est donc valable DU CARPOPHORE en aucun sens. Du point de vue de l'espèce fongique, les carpophores sont des organes, aériens le plus sou­ On assimile fréquemment les carpophores des cham­ vent, qui supportent l'appareil reproducteur, le mycé­ pignons supérieurs à des fructifications; c'est là concep­ lium, généralement souterrain, étant l'organe végétatif. tion erronée ou tout au moins licence de langage. En C'est la définition que nous avons adoptée en tête de effet, les deux stades du thalle, mycélium végétatif et ce chapitre, elle s'avère amplement justifiée. Si l'on carpophores, ne vont qu'imparfaitement de pair avec veut préciser la comparaison fonctionnelle avec le lierre, les phénomènes de la sexualité et un carpophore n'a on pourra rapprocher du mycélium, l'ensemble racines­ rien d'un fruit. rameaux végétatifs, des carpophores du champignon, Sans vouloir décrire par le menu le processus sexuel les rameaux fertiles de la plante, de !'hyménium, des et ses modalités chez les champignons supérieurs, rap­ basides et des spores, l'inflorescence, les fruits et les pelons-en certains traits es entiels. graines. Le mycélium issu d'une spore est haploïde. Les deux phases essentielles de la fécondation, fusion des § 5. LE MODE D'APPARITION cytoplasmes ou plasmogamie et fusion des noyaux ou caryogamie, sont chez les champignons supérieurs sépa­ DES CARPOPHORES rés dans le temps et dans l'espace au lieu d'être presque a) Epoques de croissance. synchrones comme chez les autres êtres. La caryogamie est retardée jusqu'au moment précédant immédiatement Comme nous l'avons relaté précédemment, un des la méiose : il en résulte une phase dicaryotique ou premiers travaux publiés sur l'écologie des champi­ hétérocaryotique durant laquelle deux ou plusieurs gnons supérieurs a trait à la répartition saisonnière des noyaux de potentialité sexuelle distincte coexistent dans espèces (FRIES, 1857). On sait, et ces faits sont tout à chaque cellule. fait classiques, que les plus grandes poussées de cham­ Les carpophores peuvent se former à différents pignons se manifestent au printemps et en automne, et niveaux sans que l'on puisse établir une relation abso­ que l'automne est plus riche encore que le printemps. lue entre leur apparition et les phénomènes de la C'est exclusivement au printemps cependant que sexualité. Ils peuvent se développer sur un mycélium beaucoup de Discomycètes développent Jeurs carpo­ haploïde, précédant ainsi toute copulation (nombreux phores et que nous avons observé : Morchella div. sp., Ascomycètes, certains Basidiomycètes parthénogénéti­ Disciotis venosa, Acetabula vulgaris, A. ancilis, A. Leu­ ques). Le plus généralement, c'est durant la dicaryo­ comelas, Gyromitra esculenta, Verpa div. sp., Sarco­ phase ou éventuellement l'hétérocaryophase qu'ils sphaera eximia, Sclerotinia tuberosa, Mitrula paludosa, apparaissent. Ils précèdent toujours la caryogamie, Ombrophila aquatica, Vibrissea truncorum. Quelques puisque celle-ci s'opère au niveau de ]'hyménium, dont Basidiomycètes limitent aussi leur apparition à cette ils sont le support. saison : Agrocybe praecox, Calocybe georgii. La plasmogamie n'implique pas la transformation L'été voit augmenter le nombre des Basidiomycè­ fonctionnelle du thalle végétatif en thalle fertile ou tes, avec une prédominance marquée des Russules et carpophore. En effet, un mycélium dicaryotique peut des Bolets, de Collybia dryophila, de Amanita rubes­ végéter longtemps dans cet état - plusieurs dizaines cens. d'années chez certains champignons à ronds de sorcière L'automne permet le développement de la majorité - et produire périodiquement des carpophores. On des espèces terrestres. peut donc conclure que si le développement du carpo­ L'arrière-automne et l'hiver ont leur flore propre : phore est nécessaire à l'achèvement de l'acte sexuel, la Clitocybe nebularis, C. geotropa, C. brumalis, C. dito­ première phase de la fécondation n'est pas absolun1ent poda, Rhodopaxillus nudus, R. saevus, Sarcoscypha liée à l'apparition des carpophores et inversement. coccinea, Tephrophana rancida, Collybia velutipes, Les caractères spéciaux de la sexualité des champi­ Pleurotus ostreatus. gnons supérieurs interdisent une assimilation morpho­ Les espèces lignicoles et les espèces copropbiles logique trop précise avec les autres végétaux. On peut sont moins liées aux saisons et beaucoup d'entre elles dire seulement qu'il existe un hétéromorphisme entre se rencontrent toute l'année. les organes végétatifs et les organes fertiles d'un mycète, Il n'est pas nécessaire d'entrer ici dans des détails comme cela se produit chez le lierre, par exemple, entre plus précis de localisation saisonnière, ni de s'étendre les rameaux végétatifs et les rameaux fertiles. sur les fluctuations que provoquent l'altitude, la météo­ D'autre part, le carpophore de nombreuses espèces rologie, etc. Ce qui importe, c'est le fait qu'un même est pérennant; il supporte chaque année un nouvel hy­ site voit se succéder au cours de l'année toute une série ménium; chez certaines espèces, le carpophore se déve­ d'aspects mycologiques de composition et de physiono­ loppe pendant plusieurs mois avant que se produise la mie diverses. Les carpophores présents en un moment

29 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES donné ne révèlent qu'un fragment de la flore mycolo­ H. arbustivus, H. agathosmus, Scleroderma aurantium, gique du site; pour déceler celle-ci, il faut faire la etc. somme de tous les aspects saisonniers. Ce sont là des Chez certaines espèces, les carpophores apparais­ faits capitaux qui doivent retenir l'attention du myco­ sent en cercle à la périphérie du thalle végétatif. Nous sociologue, tant au point de vue théorique qu'au point avons longuement parlé de ces << ronds de sorcières » de vue méthodologique. au chapitre écologique, en relatant les nombreuses études dont ils ont fait l'objet. Pour notre part, au cours de nos recherches, nous avons eu l'occasion d'observer b) Disposition des carpophores entre eux. les cercles formés par Marasmius oreades, Rhodopa­ Les carpophores peuvent apparaître tout à fait xilllls saevus, R. panaeolus, Calocybe georgii dans les isolés les uns des autres ou bien rapprochés et connés prairies et les pâturages, de Clavaria abietina, C. crista­ par la base de leurs stipes, c'est-à-dire cespiteux. Les ta, C. cinerea, C. invalii, C. flaccida, Rhodopaxillus carpophores cespiteux peuvent former des touffes fasci­ nudus, Clitocybe nebularis, C. geotropa, C. cerussata, culées très volumineuses, comportant des centaines de Biannularia imperialis, Lactarills delicioslls, Lepista chapeaux : Armillariella mellea, Pholiota mutabilis, inversa, L. flaccida, Leucopaxillus rhodoleucus, Hebe­ Psathyrella hydrophila, Hypholoma fasciculare, loma sinapizans, Rhodopaxillus irinus, Hebeloma H. sublateritium, Lyophyllum aggregatum. crustuliniforme, Clitopilopsis fallax, Ripartites tricholo­ Il arrive fréquemment, par ailleurs, que l'on ne ma, Cantharellus cibarius, Lactarius glyciosmus, Corti­ trouve qu'un carpophore de l'une ou l'autre espèce au narius allutus, C. traganus, C. purpurascens, Calocybe cours de toute une journée de recherches, ou bien que georgii dans les bois, Tephrophana palustris dans les les carpophores observés soient tellement distants les tourbières parmi les sphaignes. uns des autres qu'ils appartiennent de toute évidence à La disposition en cercle des carpophores peut se des mycéliums différents. Ce caractère solitaire ou combiner avec l'état cespiteux des stipes et l'on a alors épars des carpophores peut être lié à diverses causes, affaire à des cercles de touffes : Marasmius confIliens, telles que début de poussée, conditions écologiques ou Cortinarius bulliardi, Cantharelllls tubiformis, Crate­ météorologiques défavorables, voire disposition propre rellus cornucopioides. à l'espèce. Tel paraît être le cas de Tylopilus felleus, Il arrive aussi que la confluence des chapeaux for­ dont les carpophores s'observent très généralement soli­ me des cercles continus de carpophores, mais le cas taires, ainsi que de Pluteus cervinus, Pluteus div. sp., est rare : nous l'avons observé chez divers Calodon et Mucidula radicata, Melanoleuca vulgaris, Inocybe en particulier chez C. sllaveolens, dont les cercles attei­ asterospora, Collybia platyphylla. Il est évidemment gnaient en 1951 dans les bois de Werbomont jusqu'à toujours délicat de se montrer affirmatif au sujet d'un 6 m de diamètre et comportaient plusieurs centaines caractère négatif; néanmoins, les nombreuses récoltes de carpophores soudés entre eux par les chapeaux. que nous avons faites des espèces citées, en carpophores Pour des raisons diverses, écologiques, météorolo­ presque toujours solitaires (très rarement deux spéci­ giques, l'aspect du développement en cercle est souvent mens), donnent à penser que le mycélium de ces espè­ masqué et les carpophores se présentent alors sous une ces ne produit généralement qu'un seul carpophore à des dispositions qui paraissent spécifiques d'autres la fois. esp(!ces : solitaires, épars ou grégaires. Le plus souvent, les carpophores apparaissent en Les carpophores résupinés s'étendent sur le sub­ troupes plus ou moins nombreuses. Dans certains cas, stratum et se soudent généralement à leurs points de surtout sur aiguilles mortes, brindilles, souches, ozo­ contact jusqu'à ne plus former qu'une seule surface niums, ces carpophores grégaires peuvent former des hyméniale : Corticium div. sp., Peniophora corticalis et troupes extrêmement denses de plusieurs milliers d'indi­ div. sp., Paria versipora et div. sp., Plzysisporinlls san­ vidus. Nous avons ainsi rencontré fréquemment les guinolentus, Acia uda, Radulum membranaceum. troupes de Marasmius perforans, M. androsaceus, My­ Phlebia aurantiaca. Ces plaques de confluence peuvent cena vulgaris, M. rorida, Mitrula cucullata sur aiguilles atteindre de grandes dimensions chez des espèces péren­ d'épicéas, de Dasyscypha virginea, D. brunneola, Ma­ nes : Stereum rugosum, qui couvre parfois presque rasmius ramealis, M. foetidus sur brindilles, de Cudo­ entièrement de vieux troncs de Hêtre (vallée de la niella queleti dans les anfractuosités des souches, de Hoëgne, Roerbusch, Brandehaag). Pseudocoprinus disseminatus sur son ozonium. Des champignons amorphes ou versiformes peuvent Il arrive fréquemment que les champignons grégai­ également confluer et souder leur trame : Sebacina res forment des touffes plus ou moins volumineuses au laciniata, Heteropus biennis, corémium de Coryne sein de la troupe : Craterellus sinuosus, C. cornucopioi­ sarcoïdes. des, Polyporus cristatus, Clavaria corniculata, C. ver­ Les carpophores dimidiés qui apparaissent sur les micularis, Cortinarius causticus, C. infractus, C. pseu­ substrats verticaux ou obliques présentent une disposi­ do-bolaris C. obtusus, Mycena epipterygia, Clitocybe tion en rapport avec leur symétrie et avec l'allure du dico/or, Leotia lubrica, Otidea onotica, O. alutacea, substrat : ils s'imbriquent les uns au-dessus des autres O. cochleata, O. grandis, Hygrophorus russula, comme les tuiles d'un toit. Us sont parfois isolés les

30 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE uns des autres, formant des groupes de chapeaux imbri­ d'autant plus que l'accroissement extrêmement rapide qués : Trametes versicolor, T. betulina, T. betulina de son mycélium (3 m par an) rend sensibles, en peu f. flaccida, T . gibbosa, Fomes marginatus, Schizophyl­ d'années, les phénomènes que nous avons pu constater. /um commune, Marasmius ramealis, Ganoderma appla­ Considérés du point de vue génétique, tous les natum, Panellus stipticus. La disposition imbriquée va mycéliums issus de fragments d'un thalle primitif uni­ souvent de pair avec un état cespiteux des stipes : que, tous les carpophores auxquels ils donnent nais­ Pleurotus ostreatus, Hohenbuehelia serotina, Dryodon sance continuent à appartenir à un seul et même indi­ cirrhatum, Crepidotus mollis; ou bien elle s'allie avec vidu. une confluence en plaque résupinée des bases des cha­ On a rarement l'occasion de faire des observations peaux sessiles : Stereum hirsutum, Hymenochaete taba­ suivies sur le terrain et, en leur absence, il n'existe cina, G/oeoporus adustus, Trametes quercina, Stereum aucun moyen de repérer les individus fongiques à tra­ purpureum, S. gausapatum, Merulius tremellosus. Une vers les groupes de carpophores épars. espèce pérennante comme Oxyporus populinus arrive La notion d'individu se complique d'ailleurs en à former de grandes plaques de chapeaux épais et mycologie du fait des complexes mycéliens. courts qui se couvrent de mousses avec l'âge et dont les C'est à BULLER (1941, pp. 155-169) que l'on est tubes se stratifient: nous en avons observé à Grand' redevable de la connaissance de ce phénomène très Trixhe (Ernonheid) et à Modave des spécimens âgés particulier : deux ou plusieurs thalles d'une même respectivement de dix-sept et de onze ans et qui cou­ espèce venant en contact anastomosent leurs filaments vraient plusieurs dm2 à la base d'un vieux pommier et et constituent un réseau à trois dimensions ou « com­ d'un érable (A rer pseudop/atanus). plexe mycélien ». Ce complexe va se comporter comme Ces dispositions diverses que peuvent prendre les une unité pour la production de carpophores. Un cham­ carpophores des champignons présentent de l'impor­ pignon ne passe du stade végétatif au stade fertile que tance au point de vue physionomique et au point de lorsque le mycélium a atteint une certaine dimension, vue social. Elles sont aussi un reflet de la manière c'est-à-dire une quantité déterminée de protoplasme, et d'être des mycéliums et de la façon dont ils se compor­ un certain degré de développement physiologique, c'est­ tent dans une station donnée. à-dire une qualité précise d'équilibres biochimiques internes. Toutes les observations concordent à ce sujet. Soit un crottin de cheval, suffisant juste à nourrir un § 6. L'INDIVIDU MYCOLOGIQUE mycélium de Coprinus sterquilinus et à lui permettre de développer un carpophore. Si une seule spore tombe Les carpophores qui apparaissent sur le mycélium sur ce crottin, elle va germer et le mycélium auquel d'un champignon et qui en sont les organes fertiles sont elle donne naissance épuisera les réserves alimentaires évidemment autant d'éléments d'un seul et même indi­ du substrat et produira un carpophore. Au contraire, si vidu. C'est le cas pour les centaines ou les milliers de cent spores germent à la fois dans ce même crottin, les carpophores que l'on peut observer sur un << rond de mycéliums vont apparemment se trouver en concurrence sorcière '' : l'individu fongique est alors facile à repérer, et aucun d'eux ne disposera du volume d'aliments il apparaît nettement aux regards. nécessaire à son passage à l'état fertile. Or on observe Ce n'est pas toujours le cas. qu'il se forme quand même un carpophore et on peut Un mycélium se développe en filaments rayonnants constater aussi que les cent thalles se sont anastomosés qui se ramifient, s'anastomosent et meurent à leur par­ et associés en un complexe unique pour former ce tie postérieure. Le thalle végétatif cesse rapidement carpophore. Quelle que soit la valeur caryogénétique d'être un cercle mycélien pour ne plus apparaître que du carpophore ainsi constitué et quelle que soit l'inter­ comme une couronne d'hyphes entrelacées. Un quel­ prétation que l'on puisse donner au phénomène (coopé­ conque traumatisme, la concurrence victorieuse d'une ration, greffe, parasitisme), il n'en reste pas moins que autre espèce, l'un ou l'autre obstacle physique et voilà la matière cytoplasmique des cent thalles passe dans la couronne mycélienne rompue en plusieurs fragments un seul carpophore et dans les spores qu'il va libérer. indépendants les uns des autres, qui sont de véritables On peut déjà se demander quelle est la valeur de boutures du thalle végétatif. On peut fréquemment ce carpophore au point de vue de l'individu fongique observer dans les bois ces fragments de « ronds » dont dans le cas de ce Coprinus sterquilinus, chez lequel on quelques carpophores jalonnent l'arc. On finit même a pu établir cependant qu'une seule cellule d'un seul par ne plus apercevoir la disposition circulaire tant les thalle était à l'origine du carpophore ? A fortiori, qu'en groupes de carpophores sont épars et semblent disposés est-il de cette valeur individuelle dans le cas de carpo­ sans ordre. Le développement de Biannularia imperialis phores qui se développent à partir d'une pelote de que nous avons suivi dans les bois de Werbomont filaments mycéliens, ce qui se produit le plus généra­ illustre bien ce processus; c'est un champignon rare, lement? mais la grande taille de ses carpophores, qui atteignent Nous aurons à dégager de cet ensemble de faits la jusqu'à 30 cm de diamètre, le signale à l'attention et en conclusion qui s'impose sur le plan mycosociologique, fait un excellent sujet pour des observations suivies, en matière de dénombrements.

31 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Les différences entre les trois catégories de relations § 7. L'HETEROTROPHIE DES CHAMPIGNONS biotiques ne sont pas toujours aussi tranchées qu'il pourrait paraître. C'est ainsi que beaucoup d'espèces Les champignons sont, comme les animaux, des parasites des arbres vivants peuvent se rencontrer en organismes hétérotrophes. Toutefois, leur potentiel de saprophytes sur le bois mort et inversement. C'est ainsi synthèse est plus grand que celui des animaux; ils aussi que des espèces liées habituellement à des arbres peuvent prendre l'azote qui leur est nécessaire à des par mycorrbizes peuvent vivre en saprophytes : HE1M composés minéraux (nitrates et sels ammoniacaux). a observé Amanita muscaria dans les prairies alpines Leur dépendance absolue vis-à-vis d'autres organis­ du Lautaret en dehors de toute végétation ligneuse mes est un des faits cardinaux de la biologie et de la (GILBERT, 1928, p. 94); MATRUCHOT (1903) a pu cultiver sociologie des champignons. en saprophytes des mycéliums truffiers dont la liaison Ces relations de dépendance biotique peuvent mycorrbizique avec les Chênes est bien connue. s'exprimer de trois manières : D'autre part, dans la nature, les espèces croissent en a) Les champignons cherchent leur source de ma­ mélange, que leur lien biotique soit de nature sapro­ tière organique chez des plantes, chez d'autres champi­ phytique, parasite ou symbiotique, et ce fai t n'est pas gnons ou chez des animaux vivants, aux dépens sans importance en matière de sociologie. desquels ils vivent en les épuisant peu à peu : ils se L'bétérotrophie des mycètes est souvent élective. comportent alors en par as i tes . Si quelques espèces peuvent vivre de la matière organi­ Parmi les espèces parasites que nous avons étudiées, que produüe par n'importe quel végétal, le plus grand le redoutable Armillariella mellea vient en premier nombre des champignons sont électifs à cet égard; cer­ lieu. Nous l'avons vu s'attaquer à toutes espèces d'ar­ taines espèces sont même liées exclusivement à l'une bres feuillus ou résineux. Viennent ensuite plusieurs ou l'autre espèce autotrophe. Cette électivité, qui se Polypores : Fomes fomentarius et Ganoderma applana­ manifeste aussi bien en matière de saprophytisme q u'en tum sur Fagus sylvatica; Fomes margina/us sur Picea matière de parasitisme ou de relations mycorrhiziques, excelsa et sur Fagus sylvatica; Fomes annosus sur n'est pas encore complètement expliquée. C'est un fait Picea excelsa; Piptorus betulinus sur Betula verrucosa d'expérience - nous avons pu le vérifier mai ntes fois et sur B. pubescens; Polypilus sulphureus sur Fagus - qu'un arbre solitaire perdu au milieu d'une forêt sylvatica, sur Pyrus domestica, sur Cedrus libanotica; d'essence différente est généralement accompagné de Xanthochrous radiatus sur Alnus glutinosa; etc. Nous champignons qui lui sont propres, tant mycorrhiziques avons observé aussi le parasitisme de Pleurotus ostrea­ que saprophytiques. On donne le nom de cortège tus sur Fagus sylvatica et de Hohenbuehelia serotina à cet ensemble de champignons qui dépendent, à quel­ sur Fagus sylvatica, Sorbus aria, Betula pubescens, que titre que ce soit, d'un végétal déterminé. A ln us glutinosa. Cette spécificité plus ou moins étroite vis-à-vis du Nous avons pu établir le parasitisme de Tephro­ lien biotique a été interprétée de diverses manières. On phana palustris sur Sphagum recurvum et observer les a le plus généralement supposé que le support exclusif cas bien connus de parasitisme entre mycètes : Boletus contient seul les substances nutritives nécessaires aux parasiticus sur Scleroderma aurantium, Nyctalis astero­ espèces qui lui sont propres; on a aussi avancé l'idée phora et N. parasitica sur Russules, Cordyceps capitata qu'il s'agissait d'une exigence en l'un ou l'autre produit et C. ophioglossoides sur Elaphomyces granulatus. du métabolisme de l'hôte, en vitamines par exemple. b) Les champignons vivent en association à béné­ On a supposé que les fe rments hydrolysants grâce fice plus ou moins réciproque avec une plante verte. auxquels les champignons dégradent la matière orga­ C'est le cas des champignons à m y c o r r h i z e s . nique diffèrent d'une espèce à l'autre et n'agissent Nous avons exposé cette question au chapitre des chacun que sur certains débris végétaux. recherches écologiques. Les expériences de LUTZ (1925, 1937) ont mis en c) Les champignons trouvent leur carbone dans la relief le rôle sélecti f de substances antagonistes, rôle matière végétale, fongique ou animale morte et en voie insoupçonné jusque-là, et donnent ainsi une autre expli­ de décomposition : ils se comportent en s a pro - cation du phénomène. ph y tes . C'est le cas pour le plus grand nombre Prenant un support qui, dans la nature, se montre d'espèces. On rencontre les saprophytes sur le sol, invulnérable à l'égard de tel ou tel champignon, le bois l'humus, le charbon de bois, le fumier, les excréments, de Chêne par exemple, et le soumettant à l'action le bois mort, les feuilles tombées, les champignons méthodique répétée de l'eau, LUTZ constate qu'il arrive pourrissants, les cadavres d'insectes, les mousses mor­ un moment où, par suite de la disparition progressive tes, etc. On peut ainsi distinguer des espèces terricoles, des matériaux solubles de ce support, le champignon humicoles, carbonicoles, fimicoles, copropbiles, ligni­ réussit à s'installer, à prospérer et même à donner ses coles, foliicoles, mycétopbiles, zoophiles, bryophiles, carpophores. etc. Nous chercherons à savoir si cette distinction éco­ Inversement, si l'on prend un support très vulné­ logique peut avoir une valeur sur le plan sociologique. rable, tel que le Hêtre, et qu'on l'imprègne d'une solu-

32 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE tian concentrée des principes solubles d'un support Nous ne pouvons passer sous silence un autre résul­ invulnérable, par exemple d 'extrait de cœur de Chêne, tat des expériences de LUTZ, à savoir l'effet morpho­ le premier support devient invulnérable. génétique du substrat inhabituel. LUTZ a reconnu parmi les produits ainsi enlevés au LUTZ a montré qu'un champignon peut s'installer bois et intervenant pour empêcher le développement et se développer sur un support qui est d'ordinaire des champignons les plus sensibles à leur action antago­ invulnérable à son attaque, lorsque par lixiviation le niste, les tannins, les huiles essentielles, térébenthine, seuil de nocivité des matériaux solubles du substrat résines, etc. est atteint. L'auteur a constaté en même temps que les Ce sont donc des substances jouant un rôle antisep­ faibles quantités de substances antagonistes encore tique qui confèrent au support son invulnérabilité rela­ présentes peuvent exercer sur le champignon une tive, ce qui conduit LUTZ à mettre sous leur dépen­ influence plus ou moins grande, qui se traduit parfois dance la << soi-disant spécificité >> des espèces. par une modification de ses caractères extérieurs et Il n'est pas certain que le mécanisme découvert par notamment de la coloration du mycélium et de l'appa­ LUTZ permette d'expliquer tous les cas de relations reil sporifère. C'est ainsi que Piptoporus betulinus peut biotiques électives; il est vraisemblable, au contraire, se cultiver sur bois de Chêne partiellement épuisé, mais que les différentes interprétations que l'on a données que son carpophore devient brun fuligineux et ses ont chacune une part de vérité. spores brunes, par suite de leur imprégnation par le Avant que des expériences systématiques aient per­ tannin resté dans le Chêne et de l'oxydation de ce corps mis d'expliquer les différents cas d'électivité biotique, au contact de l'air et en présence des ferments sécrétés il est difficile d'attribuer au fait une valeur sociologique par le champignon. De même, Peniophora corticalis a précise. Bornons-nous à quelques constatations. Certai­ pu être cultivé sur une vingtaine de bois exotiques nes espèces suivent leur hôte partout, aussi indifférentes variés et il a donné des carpophores sur plusieurs en matière de station qu'elles sont exigeantes en matière d'entre eux, mais !'hyménium qui sur le Chêne est gris de relations biotiques; d'autres espèces ne suivent leurs violacé a présenté des teintes variant du jaune d'or au hôtes que dans certaines stations; elles peuvent ainsi vert olive, en même temps que la forme du carpophore trahir certaines influences du milieu et avoir une valeur se modifiait au point de ressembler au genre Stereum. éco-indicatrice. Nous avons encore pu constater com­ Nous nous trouvons ici en présence d'un exemple bien les espèces de certains cortèges peuvent devenir expérimental de la plasticité de l'organisme fongique, abondantes lorsque la plante à laquelle elles sont liées exemple qui souligne bien l'importance écologique, forme des peuplements purs : ainsi en est-il du cortège déjà exposée, de l'étude de la physionomie des du Hêtre dans une hêtraie, par exemple; nous verrons carpophores. que dans pareils cas, des espèces nullement exclusives d'un groupement peuvent y acquérir une valeur sociologique. § 8. Les expériences de LUTZ laissent entrevoir une inci­ L'EAU ET LE DEVELOPPEMENT FONGIQUE dence sociologique inattendue du lien biotique électif. L'importance du rôle de l'eau dans la biologie des Ce lien peut être moins exclusif si les précipitations champignons apparaît à tous les stades de leur déve­ suffisent dans une station donnée soit à entraîner du loppement : germination de la spore et croissance du sol, soit à enlever d'un substrat ligneux les éléments mycélium, développement des carpophores, émission nocifs à une espèce. L'exclusivité plus ou moins grande d'une espèce pourra être mise en rapport avec Je climat des spores. local. En climat sec, une espèce n'attaquera que cer­ La nature délicate des hyphes mycéliennes les rend tains arbres, en climat humide d'autres hôtes lui seront très vulnérables à la dessiccation; l'humidité du milieu accessibles par suite de la lixiviation de leur bois mort où elles se développent est une nécessité absolue. par des précipitations abondantes. C'est ainsi que Cependant les exigences des différentes espèces à cet GILB ERT (1928, p. 85) a observé au sommet du égard varient dans une large mesure. Tournairet (Saint-Martin de Vésubie), de vieux troncs Certaines espèces sont nettement aquatiques, leur de Mélèze li xiviés par la neige et les pluies, supportant mycélium se développant sur des substrats complète­ de nombreuses espèces de champignons, alors qu'en ment immergés; parmi les champignons supérieurs que plaine ce bois est rarement attaqué. Parmi les espèces nous avons observés, nous citerons notamment Mitrula observées, figurait Polypilus sulplwreus, qui croît géné­ paludosa, Vibrissea truncorum, Ombrophila aquatica, ralement sur arbres à feuilles et qu'on n'a guère ren­ O. clavus, Apostemidium guernisaci. contré sur résineux qu'en montagne, très rarement Le mycélium des espèces sphagnicoles vit lui aussi d'ailleurs : on le signale sur Picea excelsa à Obersdorf dans une très forte humidité au sein des coussins de (Hornle Alp) à 1 500 m d'altitude (ARNDT, 1928), ainsi Sphagnum et il est souvent immergé : Galerina palu­ que sur Larix europaea à Bolzano dans le Tyrol dosa, G. sphagnorum, G. tibiicystis, G. gibbosa, (KIRCHMAYER, d'après PILAT, 1936, p. 44) et dans la G. stagnina, Omphalia sphagnorum, O. philonotis, localité citée par GILBERT. O. oniscus, Hypholoma udum, H. elongatum, Tephro-

33 4 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

phana palustris, Hygrophorus turundus, Flammula dans une forêt de résineux à Modling, une humidité du myosotis, etc. sol de 47 % (du poids frais) et de 48 % dans la couche Il est néanmoins certain qu'une trop grande abon­ d'aiguilles. Le 3 décembre, après des vents violents, la dance d'eau dans le sol empêche le mycélium de beau­ teneur du sol en eau s'est abaissée à 29 % et celle des coup d'espèces de se développer. Le petit nombre aiguilles à 24 %. En même temps, les champignons qui d'espèces aquatiques ou sphagnophiles et l'absence de étaient encore abondants le 22 novembre ont presque développement mycologique dans les prairies submer­ totalement disparu le 3 décembre. gées en hiver le démontrent. Les stations mésophiles Le rôle de l'eau dans le développement des carpo­ ou xérophiles sont beaucoup plus riches en champi­ phores est plus apparent. Il est de connaissance classi­ gnons que les lieux marécageux. que que les champignons poussent avec vigueur durant On ne dispose que de quelques chiffres concernant les périodes pluvieuses, après que le sol a été bien les taux d'humidité exigés par les champignons dans détrempé et pendant que l'air demeure humide. le substrat. LuTZ (1942, p. 391) estime que le bois doit L'eau entre dans la proportion de 80 à 95 % dans contenir un minimum de 30 % d'eau pour que les la constitution des carpophores; elle est donc bien un champignons puissent s'y développer normalement et des éléments dont l'influence sur leur croissance est que les mycéliums périssent rapidement au-dessous de prépondérante. 15 %. FRIEDRICH (1940) a observé le développement de FRIEDRICH (1940) a fait de nombreuses mesures Amanita muscaria et de Lactarius vellereus sur des sols pour déterminer le taux d'humidité du substrat néces­ dont la teneur en eau n'était que de 11 et 12 %. On a saire à l'apparition des carpophores : un taux de de même constaté, chez les champignons inférieurs, que 25-40 % d'humidité dans le sol donne un riche déve­ certains Aspergillus pouvaient encore se développer sur loppement mycologique, tandis que celui-ci est très un substrat dont le taux d'humidité était descendu à faible de 15-25 %; 30 % d'humidité permettent un 12 %. Si nous citons ici les organismes inférieurs, c'est abondant développement de Craterellus cornucopioides, parce que, sur eux, WALTER (1921) a pu mettre en mais on n'observe pas de carpophores de cette e pèce évidence une corrélation directe entre le taux minimum en dessous de ce taux. L'auteur qualifie de xérophiles d'humidité relative auquel une espèce peut encore se des espèces qui se sont montrées dans de condition développer et la pression osmotique du contenu des relativement sèches : Amanita muscaria et Lactarius hyphes, pression qui varie de 27 atmosphères chez vellereus déjà cités, pour 11 et 12 % d'humidité. Les Chaetocladium à 217 atmosphères chez certains Asper­ espèces fragiles se développent lor que le sol est très gillus et Penicillium. humide: Mycena rosella demande 77 %. De telles différences spécifiques permettent de com­ FRIEDRICH a poursuivi ses recherches sur les prendre le rôle sélectif des sols de différents types à substrats ligneux. Il considère comme xérophile Schi­ l'égard des mycètes. zophyllwn commune et Trame/es versicolor, qui se Les sources principales d'approvisionnement en eau développent encore sur des substrats dont le taux des champignons sont les précipitations atmosphéri­ d'humidité est respectivement de 17 et de 20 %. Sont ques, pluie ou neige, et la rosée. aussi xérophiles Trametes zona/a, Xylaria hypoxylon La neige est un facteur important dans le dévelop­ et Panellus stipticus. Collybia velutipes, qui se déve­ pement des champignons printaniers (FRIEDRICH, 1940). loppe sur un substrat dont le taux d'humidité est de BRÉBINAUD (1927) a montré que l'effet direct de la pluie 50 %. est considéré comme mé ophile. sur les mycéliums est parfois extrêmement nuisible. Les L'auteur considère comme hygrophiles les espèces filaments aranéeux sont abattus, collés ensemble, le suivantes, qu'il a observées sur des bois humides à développement arrêté. Ce sont les brouillards et la rosée 75-80 % : Hypholoma sublateritium, Armillariella qui favorisent le plus la croissance des mycéliums, et mellea, Pluteus cervinus, Xerula longipes, Hypholoma surtout, dit BRÉBINAUD : (( l'eau de condensation résul­ fasciculare. tant à la fois de la fraîcheur du sol et de la vapeur L'humidité de l'air joue un très grand rôle dans le contenue en abondance dans un air chaud ». développement des carpophores. Le fait est bien connu, Alors que des pluies légères et de courte durée n'ont mais il a rarement été vérifié par l'expérimentation. guère de signification pour les plantes supérieures - FRIEDRICH a fait deux expériences de laboratoire, l'une leurs racines sont profondément enfouies dans le sol-, sur Lepiota procera, l'autre sur Agaricus campester. elles sont d'une grande importance pour le mycélium Placés dans une chambre dont l'humidité relative est des champignons, qui est généralement situé dans la de 35 à 45 %, de jeunes carpophores de Lepiota couche superficielle du sol (FRIEDRICH, 1940). procera ne manifestent aucun développement; à 85- En même temps, ce faible enfouissement des mycé­ 98 %, les chapeaux fermés s'ouvrent en quelques heu­ liums les rend particulièrement sensibles aux périodes res; trois à quatre jours plus tard, le champignon est de sécheresse, ou simplement à l'action desséchante du entièrement développé. Agaricus campester a donné vent. L'assèchement du sol par le vent agit sur le déve­ les mêmes résultats. loppement du mycélium, qu'il ralentit et peut arrêter La littérature ne fournit que peu de données complètement. Le 22 novembre 1937, FRIEDRICH relève (PIESCHEL, 1924; BRAUNHOLZ, 1928; FRIEDRICH, 1940)

34 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE au sujet de la perte d'eau causée aux carpophores par Lepiota procera), soit accumuler l'eau en période humi­ la transpiration et au sujet de la dépendance de cette de (gélatinisation des membranes des hyphes superfi­ perte à l'égard de l'humidité de l'air. cielles et formation de revêtements mucilagineux chez La transpiration des champignons est un processus Gomphidius sp., Ixocomus sp., Limacella sp., Muci­ purement physique. On ne connaît aucun dispositif qui dula mucida, Hohenbuehelia serotina, chez les Hygro­ l'influence physiologiquement. KNOLL (1912) a cepen­ phores et les Cortinaires visqueux, certaines Mycè­ dant montré que beaucoup de carpophores d'Hyméno­ nes, etc.). mycètes peuvent libérer de l'eau en gouttes liquides par Le quatrième mécanisme est celui qui permet à l'entremise de grandes cystides, entièrement compara­ certaines espèces, Marasmius sp., Schizophyllum com­ bles aux hydathodes des hygrophytes parmi les plantes mune, Panellus stipticus, Plicatura faginea, Collybia supérieures. II n'existe chez les champignons rien qui velutipes, Exidia sp., Tremella sp., Dacryomyces sp., soit comparable aux stomates comme mécanisme régu­ etc., de survivre sans dommage à une dessiccation tem­ lateur de la perte d'eau. FRIEDRICH (1940) a démontré poraire durant les périodes de sécheresse. Lorsqu'ils expérimentalement le fait que la transpiration des manquent d'eau les carpophores de ces espèces se champignons n'est qu'une fonction de l'état hygromé­ crispent, se dessèchent, se racornissent et perdent toutes trique de l'air et qu'elle correspond parfaitement à les apparences de la vie. Lorsque la pluie survient et l'évaporation d'un objet inanimé. les imbibe, ils se raniment en quelques heures, repren­ S'il n'existe pas, chez les champignons supérieurs, nent leur aspect habituel, leur forme et leur consistance de mécanisme régulateur de la transpiration aussi per­ normales, toutes leurs fonctions. Ils peuvent même fectionné que de tomates, quatre faits peuvent cepen­ subir plusieurs dessiccations et « résurrections » succes­ dant être mis en rapport avec une aptitude plus ou sives. Ils conservent, à l'état desséché, leur vitalité moins grande à résister à la sécheresse et considérés durant quelques semaines à plusieurs années. Ces dès lors comme des dispositifs protecteurs. champignons sont dits reviviscents; on peut distinguer Le premier est l'existence d'un microclimat spécial, deux types de reviviscence selon que les carpophores humide, au niveau de l'hyménium de beaucoup d'espè­ sont tenaces ou gélatineux. ces; nous en parlerons à propos de l'émission des L'action du vent est nuisible à beaucoup d'espèces spores. et contrarie l'aptitude de certaines d'entre elles à résis­ Le deuxième fait est le faible rapport surface/ ter à une sécheresse relative : un vent même faible volume de beaucoup d'espèces. Les espèces fermes et active en effet énergiquement la transpiration. Cette charnues, telles que les Bolets, les Ru ules, les Lactai­ action met particulièrement en péril les champignons res, les Tricholomes, les gros Cortinaires, ont le pou­ tendres. L'action desséchante du vent est d'autant plus voir d'emmagasiner l'eau abondamment dans Jeurs intense que sa température est plus élevée et qu'il est carpophores et elles se trouvent ainsi en mesure, Jors­ plus sec; mais cette action est aussi rendue critique en qu elles tran pirent par temp ec, de vivre assez long­ période froide lorsque la température basse freine temps sans apport d'eau. Les espèces tendres et fragiles, l'apport d'eau par le mycélium. comme les Galères, les Omphales, les Mycènes, n'ont La force du vent s'accroît notablement à mesure pas la faculté d'emmàgasiner de l'eau; ces petits cham­ qu'on s'élève au-dessus du sol. Ce fait est important pignons re tent cantonnés dan les endroits abrités. au point de vue des champignons arboricoles. Les Si l'apport d'eau nécessaire vient à manquer, si l'humi­ champignons prospérant à la base des troncs sont bien dité de l'air diminue, c'est la mort immédiate par moins exposés à l'action du vent que ceux qui se déve­ dessiccation. Ces espèces tendre pos èdent le plus sou­ loppent plus haut sur l'arbre. Nous avons pu observer vent une texture lâche qui accentue encore la perte fréquemment ce fait chez Collybia velutipes, Hohen­ rapide de l'eau. buehelia serotina, Hypholoma fasciculare, Armil/ariella Au point de vue sociologique, il e t certain que ce mellea : les exemplaires situés à la base des arbres sont fait aura un effet sélectif direct ur le groupement des absolument frais alors que ceux qui se développent espèces et qu'il se traduira dans la physionomie myco­ 1 ou 2 m plus haut sont totalement desséchés. Dans un logique des sites. C'est ainsi que 'expliquent des obser­ cas analogue, FRIEDRICH (1940) a mesuré la vitesse du vations qui peuvent étonner au premier abord : c'est vent; il s'agissait de Collybia velutipes: la vitesse du dans un site xérophile comme la Grande-Tinaimont vent était de 1,8 m/sec. à 10 cm au-dessus du sol et (Han-sur-Lesse) que nous avons observé la plus grande les carpophores y étaient frais; à 2 m de hauteur la quantité de gros carpophores charnus, riches en eau, vitesse du vent atteignait 3,3 m/sec. et les champignons tandis qu'une forêt fraîche et humide comme celle de étaient complètement desséchés, même les tout jeunes Royseux (Vierset-Barse) ne nous montrait que de peti­ exemplaires. tes espèces fragiles, grêles, sans réserve d'eau. Il existe un effet morphogénétique de l'humidité ou Un troisième fait est la nature de certains revête­ de la sécheresse de l'air sur les carpophores. ments, qui peut soit ralentir la perte d'eau (poils sur ULBRICH (1938) a montré que des pluies abondan­ les carpophores de Schizophyllum commune, de Ste­ tes combinées avec une température favorable permet­ reum rugosum, etc., squames sur les chapeaux de taient aux champignons de développer des carpophores

35 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

géants. FRIEDRICH (1940) a observé en août 1934, mois les rares données précises dont on dispose suffisent à particulièrement pluvieux et chaud, de nombreux cham­ le prouver; voici les minimums, optimums et maxi­ pignons géants dans le Wienerwald : Pluteus cervinus, mums établis pour le développement mycélien de quel­ Hypholoma sublateritium, Cantharellus cibarius, Muci­ ques espèces : dula radicata (chapeau : 14 cm de diamètre, stipe : Po ria vaporaria oo 15 ° 25° (LUTZ, 1942). 33 cm de haut). Des précipitations abondantes peuvent Verpa bohemica 30 22° 30° (FALCK, 1907). aussi pâlir les couleurs et atténuer, voire même changer Trame/es versicolor . oo 27-32° 40° (LJNDEGREN, 1933). les saveurs. Gloeopliy/111m saepiari11 m 50 32-35° 45° (L!NDEGREN, 1933). L'effet morphogénétique d'un vent desséchant a été mis en évidence par KEYWORTH (1942), qui a obtenu Les températures élevées agissent notamment en en culture des excroissances trémelloïdes et un hymé­ augmentant la transpiration et en desséchant le sol. nium typique sur le chapeau de Coprinus ephemerus. Les températures basses contrarient les échanges d'eau. Le rôle de l'eau dans l'émission des spores des La température du sol, comparativement à celle de champignons est un fait bien connu et utilisé pratique­ l'air, revêt, pour la formation des carpophores, une importance analogue à celle que possède l'humidité du ment par les mycologues en vue de l'obtention des sol comparativement à celle de l'air. Si la température sporées. vient à baisser, le sol ne se refroidit que lentement. Le BULLER (1909) a étudié attentivement les conditions d'émission des spores et a montré qu'en réalité l'état jeune carpophore qui s'élève dans l'air plus froid, se hygrométrique de l'air n'a aucune action sur la libéra­ comporte de la même façon qu'en présence d'une humi­ tion des spores; il agit en fa it sur les carpophores : dité atmosphérique insuffisante. FRIEDRICH (1940) insis­ l'émission des spores cesse quand le carpophore se te sur le fait que Lepiota procera et Mucidula radicata dessèche; tant que celui-ci retient assez d'eau, la chute semblent particulièrement prompts à réagir de la sorte des spores est continue, quel que soit le degré d'humi­ à cette influence de la température. D ans les forêts dité de l'air. FRIEDRICH (1940) a montré que les carpo­ calcaires froides, nous avons observé nous-même une phores se dessèchent moins rapidement au niveau de tendance générale à la réduction de la taille des carpo­ !'hyménium. Prenant un A garicus campester de 45 mm phores, plusieurs Lépiotes entre autres y montrant des de diamètre, FRIEDRICH a mesuré la surface de la face formes naines. 2 C'est à la fin de l'automne, lorsque survient la supérieure : 3 200 mm , et la surface totale des lamel­ 2 saison froide, qu'apparaît le mieux sur le terrain les : 13 600 mm ; celle-ci est plus que le quadruple de la face supérieure, mais la transpiration n'est pas qua­ l'influence de la température sur le développement des tre fois plus forte, bien au contraire : lorsque le cham­ carpophores. Ceux-ci trahissent des différences infimes pignon perd 6,5 % de son poids frais, en eau, 4 % sont de microclimat. A cette époque, on ne trouve générale­ transpirés par la face supérieure et 2,5 % seulement par ment plus de champignons que dans les endroits jouis­ la face inférieure. sant d'un climat thermique favorable. Ce sont souvent, Après dessiccation, les carpophores charnus ne dans les bois, les pentes exposées au sud et les dépres­ peuvent plus libérer de spores, mais les espèces revivis­ sions de terrain abritées du vent qui présentent les centes conservent cette faculté : l'émission recommence dernières poussées de champignons supérieurs. Les chaque fois que le carpophore est suffisamment creux protègent de l'action refroidissante et desséchante réimbibé. des vents d'automne et les feuilles mortes qui s'y accu­ Cet ensemble de considérations sur le rôle de l'eau mulent généralement, conservent au sol une tempéra­ dans le développement des champignons supérieurs en ture plus élevée qu'alentour. Fin novembre 1942, nous montre aussi les nombreuses incidences sociologiques : avons récolté Rhodopaxillus nudus et Clitocybe nebu­ stations favorables ou non, selon la nature de leur sol et laris dans des creux remplis de feuilles mortes, dans la de leur climat; nécessité d'un équilibre écoclimatique Forêt de la Vecquée (Seraing); dans ces creux, sous les entre sol et air, apport d'eau/déficit de saturation; feuilles, la température du sol s'élevait à 11 °5, tandis saisons propices au développement des carpophores; qu'elle était descendue à 6° hors des creux, en sol influence des variations atmosphériques annuelles ; dénudé. action sélective du milieu en fonction du régime hygri­ Ces différences de température et de développement que, action morphogénétique et physionomies résultan­ fongique sont aussi très sensibles entre les divers types tes; stratification microclimatique à l'intérieur d'un site. forestiers, entre forêts et prairies, etc. Les bois calcaires restent plus longtemps chauds que les bois siliceux, le sol des bois résineux se refroidit moins vite que celui § 9. LA TEMPERATURE des bois feuillus. ET LE DEVELOPPEMENT FONGIQUE CONCLUSIONS DU CHAPITRE PREMIER La température a aussi son importance dans le développement des champignons. Ce développement se 1. Ce chapitre rassemble un ensemble de données fait entre des limites assez étendues de température; fondamentales sur les mycètes, données qui permettent

36 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE de définir leur nature particulière et de faire apparaître Les carpophores ne sont pas assimilables à des les caractères des groupements qu'ils forment dans la fructifications; ils sont une partie importante de l'orga­ nature. nisme fongique, les organes qui supportent l'appareil reproducteur. 2. Les faits montrent que les champignons ont une nature hautement originale: un champignon est une La notion d'individu est difficile à appliquer en masse cytoplasmique nucléée, hétérotrophe, mobile mycologie. Il convient pratiquement de renoncer à dans un système de tubes. Cette originalité de nature se identifier des individus dans la nature. traduit directement dans leur comportement, qui pré­ 6. L'analyse des caractères apparents des carpo­ sente des caractères très différents de celui des plantes phores dans la nature nous a permis de discuter leurs vertes. époques de développement, de décrire les types de 3. Dès que l'on a réalisé ces différences profondes disposition des carpophores entre eux (isolés, grégaires, de nature et de comportement, il devient, dans notre cespiteux, en cercles, confluents, imbriqués) et de dres­ optique, peu adéquat de continuer à désigner Je déve­ ser le tableau des différentes formes du réceptacle chez loppement des champignons dans la nature et un les Discomycètes et du carpophore chez les Basidio­ ensemble d 'espèces par les expressions (( végétation mycètes. mycologique >i et (( flore mycologique '' ou d'englober les champignons d'un site dans la liste des plantes sous 7. Un fait capital ressort de l'étude des types le terme (< liste floristique ». physionomiques des carpophores : au polymorphisme Nous proposons les termes suivants, parallèles aux d'ordre systématique se superpose un polymorphisme termes botaniques et zoologiques : d'origine écologique, et c'est surtout celui-ci qui déter­ mine les types physionomiques (facies) que l'on peut Végétaux Ani maux Mycètes reconnaître chez les champignons. Végétation Populaticrn animale Mycétation 8. Le caractère hétérotrophique des champignons Flore Faune Fonge Liste floristiq ue Liste faunistique Liste fongistique les place dans une situation de dépendance absolue vis-à-vis d'autres organismes et en dernière analyse Ces termes auront en outre l'avantage d'alléger le vis-à-vis des plantes autotrophes. Quelle que soit la texte et de faciliter les comparaisons entre mycètes et manière dont s'expriment ces relations de dépendance autres végétaux. biotique, paras1t1sme, saprophytisme, connexions mycorrhiziques, les espèces croissent en mélange dans 4. Le comportement des champignons dans la la nature et ce fait n'est pas sans importance en nature se traduit sur le plan méthodologique par l'inac­ sociologie. cessibilité d'une partie de leur organisme, le mycélium, à l'observation directe. Les organes que l'on peut L'électivité plus ou moins grande des mycètes vis-à• étudier sur Je terrain sont les organes fertiles : carpo­ vis d'un substrat déterminé se traduit souvent par phores, cériomyces, corémiums, et quelques organes l'existence de cortèges biotiques : ensembles d'espèces végétatifs spéciaux : rhizomorphes, ozoniums, pseudo­ qui dépendent électivement, à quelque titre que ce soit, rhizes, sclérotes. De tous ces organes, les carpophores d'un végétal déterminé. sont les plus fréquents et les plus abondants. 9. L'eau et la température jouent un grand rôle à 5. Il devient ainsi nécessaire d'accorder une atten­ tous les stades du développement des champignons. tion particulière à la question de la valeur morpholo­ Ce sont les facteurs essentiels de la station mycolo­ gique des carpophores, ainsi qu'à la notion d'individu gique; ils interviennent dans la répartition saisonnière en mycologie, bases essentielles des observations et des des carpophores et ont une incidence directe sur la dénombrements mycosociologiques. physionomie de ceux-ci.

37 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

CHAPITRE II

DES PRINCIPES DE LA MÉTHODE

Le problème de la méthode en sociologie revient à C'est ainsi que nous avons accepté d'apprécier les trouver des moyens d'analyser des unités de population caractères sociologiques; nous leur avons appliqué la et de dégager la synthèse des résultats analytique . technique du coefficionnement. La précision de ce Avant d'analyser des groupements, il faut repérer système est suffisante pour le résultat visé et les coeffi­ ces groupements, dissocier la mycétation en unité cients symboliques simples facilitent grandement les homogènes, circonscrire et définir ces unités sur le comparaisons et les synthèses. terrain. Quelle voie suivre ? Nous pouvons procéder à Il n'y a pas deux groupements identiques dans la des mesures écologiques nombreuses pour déterminer nature. Nous fonderons notre synthèse sur des analo­ l'extension spatiale d'un groupement écoclimatique­ gies et nous considérons le groupement mycologique ment homogène. Nous pouvons aussi nous fier à la comme un concept idéal, que l'on peut définir par la physionomie, physionomie des substrats et physiono­ comparaison d unités concrètes et analogues de mycé­ mie des champignons, pour apprécier le caractère tation. d'homogénéité. Trois des questions posées et qui appellent une L'analyse des unités s'attache à leur composition prise de position sont plus particulièrement propres en espèces et à la manière d'être de ces espèces. Com­ aux mycètes. ment observer l'espèce fongique ? Allons-nous chercher Comment observer l'espèce fongique en matière de à observer l'organisme entier et percer les secrets des sociologie? Les carpophores ont-ils une valeur repré­ mycéliums ? Nous contenterons-nous d'observer les sentative suffisante de l'espèce dans la station? carpophores ? Comment exprimer les faits analysés ? Comment définir les unité de mycétation ? La Les décrirons-nous en détails ou bien accepterons-nous physionomie des stations et de leur fonge uffit-elle à de les faire rentrer dans quelques catégories d'appré­ exprimer une écologie homogène ? ciation simple et de les exprimer par des signes conven­ Comment comparer les unités de mycétation ? Les tionnels? listes fongistiques suffisent-elles à faire ressortir les Au moment de la synthèse, quelle base de compa­ rapports d'analogie et à permettre les synthèses raison choisir ? Allons-nous comparer des milieux ou abstractives ? comparer des listes d'espèces ? Rechercherons-nous des Les réponses que nous allons donner à ces questions identités ou nous contenterons-nous d'analogies ? constitueront les principes directeurs propres à la Pousserons-nous la synthèse jusqu'à l'abstraction, jus­ mycosociologie. qu'à la conception du groupement idéal ? Nous dégagerons en même temps des règles et des corollaires subordonnés aux principes. On le voit, plusieurs solutions, plusieurs méthodes s'offrent à nous; on peut les justifier toutes, plus ou moins, sans qu'il soit possible de décider rationnelle­ § 1. LE PRINCIPE DE LA VALEUR ment de la supériorité absolue de l'une d'entre elles. REPRESENTATIVE DES CARPOPHORES Il nous reste à choisir et à dire les mobiles de notre choix. La sociologie a pour tâche le recensement des orga­ Ce sont les résultats obtenus par l'application de la nismes et l'analyse de leur comportement social. Ce méthode qui, en dernière analyse, décideront de la recensement et cette analyse ne peuvent porter que valeur des principes directeurs adoptés. sur des éléments apparents, susceptibles d'observation. La phytosociologie s'est heurtée aux mêmes problè­ En ce qui concerne les micromycètes saprophytes mes initiaux. Plusieurs des questions que nous venons du sol, leur culture aisée permet d'isoler in vitro les de soulever ont fait l'objet de prises de position de la constituants d'une microfonge et de déterminer ceux-ci part des phytosociologues. Nous avons admis sans afin d'être renseigné sur sa composition qualitative; les autre discussion certains principes que ceux-ci ont techniques de numération de germes permettent d'obte­ adoptés, qui ont fait leurs preuves et qui n'entrent en nir des précisions quantitatives sur les groupements de contradiction avec aucun des faits mycologiques de micro-organismes. La sociologie des micromycètes base, ni avec aucun des principes mycosociologiques peut donc baser ses analyses et ses synthèses sur rob­ que nous allons choisir. servation des organismes entiers.

38 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

La difficulté d'observer in situ les organes végétatifs Ces caractères sont importants en phytosociologie. des champignons supérieurs (à de rares exceptions En est-il de même en mycosociologie ? près), les aléas de leur culture et surtout l'impossibilité L'étude de la stratification des organes souterrains quasi générale de dépasser in vitro le stade du mycé­ des plantes, des associations, racines, rhizomes, bulbes, lium stérile - indéterminable - et d'obtenir des car­ etc., a un grand intérêt synécologique puisqu'elle per­ pophores risqueraient fort, si on ne disposait d'autre met d'expliquer l'utilisation des différentes couches du élément d'observation, de retarder de plusieurs décen­ sol. Remarquons cependant que l'étude de ce caractère nies l'expansion de la sociologie des macromycètes. n'est pas essentiellement nécessaire à la définition des Se fondant sur la nécessité d'observer l'organisme associations et qu'elle est le plus souvent négligée par entier et non la fructification seule - il assimile les les phytosociologues. La stratification des mycéliums, carpophores à des fruits - , GILBERT (1928) restreint la qui assument seuls la fonction nutrition des mycètes, << vraie » sociologie des champignons à l'étude de leurs a sans doute plus d'incidences sociologiques que la mycéliums et considère qu'il y a > stratification des racines des plantes autotrophes; mais à parler de sociologie des champignons lorsqu'on se si les carpophores ne nous fournissent aucune donnée borne à l'observation des carpophores. directe sur ce caractère, il est possible d'obtenir indirec­ Nous avons fait justice au chapitre précédent de tement des renseignements par l'étude de la répartition l'assimilation des carpophores à des fructifications. Il des substrats nourriciers et des supports mycorrhiziques. n'en reste pas moins vrai qu'ils ne sont qu'une des Le caractère de dominance a une importance pri­ parties du champignon et que les conditions d'appari­ mordiale chez les plantes vertes, où la notion de surface tion de cet organe fertile sont plus strictes que les est liée à l'autotrophie : l'importance du rôle d'une conditions de développement du thalle végétatif. plante dans une station est en rapport avec la surface Et cependant, il ne nous est actuellement possible foliaire qu'elle expose à la lumière. Ce caractère perd, de découvrir l'histoire des champignons dans la nature sinon toute signification, du moins beaucoup de son qu'au travers des organes de réserve, des stromas coni­ importance chez les organismes hétérotrophes; la domi­ difères et surtout des carpophores. nance des organes aériens n'a plus qu'une valeur Quelle est la portée sociologique des renseignements physionomique : la surface occupée par les carpopho­ que nous pouvons tirer de l'observation de ces organes? res des diverses espèces d'une station contribue avec d'autres caractères, tels que l'espèce, la taille, la cou­ Nous avons rappelé au chapitre précédent la nature leur, la corpulence, etc., à déterminer la physionomie et la va leur fonctionnelle des rhizomorphes, ozoniums, mycologique du site. La dominance des organes souter­ pseudorhizes, sclérotes, corémiums et carpophores. rains, c'est-à-dire la surface relative occupée par chaque Ces divers organes, mais surtout les carpophores, mycélium, est certainement un caractère beaucoup plus jouent un grand rôle physionomique dans les stations; significatif en mycosociologie que la dominance des de plus, ils nous renseignent positivement sur la pré­ organes aériens; il est évident que l'étude directe des sence des espèces, leur dispersion, leur prospérité et mycéliums fournirait seule des renseignements absolu­ parfois sur leur périodicité et leur longévité. ment certains à ce sujet, mais l'observation attentive En un même endroit peuvent apparaître dans le de la répartition des carpophores, de leur fréquence, cours d' une année des carpophores appartenant aux de leur groupement, de leur nombre, de leur volume, espèces les plus diverses; par suite des fluctuations des etc. suffit à apprécier la dominance relative des divers conditions atmosphériques ou d'autres facteurs qui mycéliums. nous échappent, ce ne sera pas tout à fait le même L'étude de la périodicité, c'est-à-dire de la durée et ensemble d'espèces qui se montrera d'une année à de la position dans l'année de la période d'assimilation l'autre. Les carpophores nous révèlent ainsi, peu à peu des espèces, est loin d'être un caractère négligeable en au cours des saisons et au cours des années, les divers phytosociologie : cette étude permet de fixer la durée mycéliums qui existent dans une station. On peut et d'apprécier l'intensité temporaire de la concurrence raisonnablement supposer que la plupart des espèces de chaque espèce au cours de l'année. Les phytosocio­ d'une station n'échapperont pas au recensement de logues insistent généralement dans leurs descriptions leurs carpophores si les recherches sont multipliées sur la succession des floraisons, qui correspondent à dans le cours de l'année et poursuivies durant plusieurs l'optimum de développement des espèces et qui sont années. responsables des aspects saisonniers et des changements La fréquence et la nature des carpophores rencon­ physionomiques d'ensemble. En mycologie, la périodi­ trés dans ces conditions peuvent être regardées comme cité des mycéliums nous échappe. Ce sont les carpo­ une approximation suffisante de la quantité et de phores qui déterminent les aspects saisonniers et qui l'espèce des mycéliums. nous permettent de connaître les périodes durant Les carpophores nous laissent cependant dans lesquelles les mycètes atteignent le sommet de leur l'ignorance de la stratification souterraine des espèces cycle de développement. Les sclérotes et autres organes et ils ne nous renseignent que partiellement sur leur de réserve nous renseignent, d'autre part, sur les pério­ dominance, leur périodicité, leur longévité. des de repos des espèces qui les forment. Ces divers

39 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES organes nous donnent finalement une mesure suffisante Il est évidemment difficile d'apprécier pratique­ du rythme périodique de la plupart des espèces. ment, dans la nature, l'extension d'un mycélium indi­ La longévité des espèces d'un groupement et leur viduel, d'autant moins que la notion d'individu est mode de résistance aux périodes défavorables sont des souvent, comme nous l'avons montré, d'application caractères sociologiques qui interviennent notamment délicate en mycologie. Il est néanmoins certain que les dans la définition des types biologiques de RAUNKIAER. carpophores ne nous renseignent pas, par leur nombre, Le spectre biologique qui résulte de l'étude de ces sur la quantité d'individus de chaque espèce présente, caractères a une grande signification en phytosociolo­ c'est-à-dire sur l'abondance des espèces dans la station. gie, car il renseigne directement sur certains aspects du Un dénombrement de carpophores ne peut servir qu'à climat local. Il n'en est pas de même en mycologie : apprécier l'importance des groupements que forment la longévité d'un mycélium dépend avant tout du entre eux les carpophores d'un même mycélium : touf­ volume du substrat qu'il exploite : ce facteur n'a fes, troupes, cercles, etc. qu'une valeur individuelle, il n'a aucune signification Il résulte de ces restrictions que dans l'application synécologique. Dès lors, si même les carpophores ne du principe de la valeur représentative des carpophores, nous permettent que dans certains cas d'apprécier la nous aurons à respecter les règles suivantes : longévité des mycéliums (lorsqu'ils sont pérennants, 1. La valeur représentative des carpophores est lorsqu'ils forment des ronds de sorcières et lorsqu'ils se fonction du nombre de relevés effectués. développent à partir d'une pseudorhize vivace) et si l'absence de données à ce sujet est le cas le plus fré­ 2. Les données sociologiques obtenues par l'obser­ quent, la faible valeur mycosociologique du caractère vation des carpophores ont la valeur d'indication de longévité atténue l'importance du handicap. minimums. Nous pouvons conclure de cette discussion que si 3. La quantité des carpophores n'a pas de valeur les organes mycologiques visibles dans la nature ne représentative en ce qui concerne l'abondance de nous renseignent pas complètement sur l'organisme l'espèce. fongique et son comportement, ils nous fournissent cependant les données sociologiques essentielles : parmi § 2. LE PRINCIPE DE LA VALEUR ces organes, ce sont les carpophores qui jouent le plus SYNECOLOGIQUE DE LA PHYSIONOMIE grand rôle. Nous admettons en principe que 1 es c a r p o - Une unité de mycétation est la résultante du jeu phores suffisent à nous renseigner des facteurs écoclimatiques et de la réaction du maté­ sur le comportement des champignon s riel mycologique présent; elle reste homogène tant que dans la nature, qu'ils ont une va­ cette action et cette réaction restent uniformes. leur représentative de l'espèce et Pour détecter et délimiter les unités de mycétation, que leur somme est représentative nous pouvons suivre la voie écologique - étude des de la fonge de la station. causes -, ou la voie physionomique - étude des Ce principe appelle trois réserves. effets. Nous avons déjà dit que la détection des espèces L'étude des facteurs déterminants est extraordinai­ par l'intermédiaire de leurs carpophores nécessitait de rement complexe. Elle suppose la connaissance de tous nombreux relevés pendant le cours d'une année et les facteurs qui agissent sur la vie en commun des durant plusieurs années. La valeur représentative des mycètes et leur mesure sur le terrain même; tous les carpophores est fonction de cette cumulation de relevés. facteurs du milieu devront faire l'objet d'une analyse Si les carpophores permettent de tirer des conclu­ et de mensurations précises : la composition du sol et sions positives sur la présence des espèces, leur absence du sous-sol, le pH, la teneur en Ca++, la capacité en ou leur rareté ne permet pas de tirer des conclusions air et en eau, le profil du sol, l'exposition, la pente, le négatives. Une espèce qui donne peu de carpophores régime climatique et microclimatique, le groupement et les donne rarement échappera parfois aux investiga­ végétal, sa composition, sa structure, etc. Mais la con­ tions. D'autres espèces manifesteront de grandes fluc­ naissance de ces facteurs, à supposer même qu'on ait tuations dans la production de leurs carpophores et identifié et mesuré tous ceux qui agissent sur les mycè­ nous ne serons jamais assurés d'avoir décelé leur fré­ tes, ne suffira pas à nous faire décider du caractère quence réelle. Les données obtenues sur les espèces homogène d'une unité de mycétation. En effet, ce n'est dans la station à partir de l'observation des carpopho­ pas la valeur absolue des différents facteurs qui doit res ont le caractère d'indications minimums. rester uniforme pour. que l'unité soit homogène, c'est Que la présence d'une espèce dans une station soit leur action déterminante. L'effet relatif d'un facteur signalée par un carpophore isolé ou par une touffe de déterminant croît au fur et à mesure que son impor­ nombreux carpophores, cette présence est, en individu tance quantitative absolue décroît. Par exemple, sup­ fongique, la même quantitativement, seul varie le nom­ posons que dans une région chaude et sèche, où le sol bre de carpophores produit par cet individu fongique. contient normalement 2 % d'eau, on trouve au voisi-

40 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE nage d'une source une teneur en eau de 12 %. La tation homogènes et à révéler les différence sera bien plus grande entre la mycétation du homologie s qui existent entre elles. sol humide et celle du sol sec qu'entre les mycétations La physionomie globale de la station et des cham­ de deux stations d'humidité moyenne dont les teneurs pignons qu'elle héberge se prête directement à l'obser­ du sol en ~au seraient respectivement de 40 et de 30 %. vation, et la voie que le principe admis ouvre à la Il en est de même pour la teneur en Ca++. Un sol qui recherche sociologique est certainement plus rapide que renferme 0,5 % de CaC03 portera une mycétation la voie écologique. calcifuge, un sol qui en renferme 10 %, une mycétation En corollaire à ce principe, nous devons préciser le calcicole; deux sols renfermant 10 à 20 % de calcaire niveau auquel les groupements mycologiques sont indi­ porteront une même mycétation calcicole. Dans ce vidualisés, prendre position au sujet du caractère dernier cas, au lieu du calcaire, ce sera, soit l'humidité, d'homogénéité que nous réclamons d'une unité de soit tout autre facteur qui jouera le rôle de facteur mycétation et enfin donner la définition de celle-ci. décisif. Là où l'eau est le facteur minimum en valeur A quel niveau, les groupements mycologiques sont­ absolue, ce sont les variations de ce facteur qui provo­ ils individualisés ? queront des ruptures d'uniformité stationnelle, alors Prenons quelques exemples. que les variations de la température, facteur maximum Quand on passe d'une forêt calcicole de Chênes et en valeur absolue dans la région considérée, n'auront de Charmes à une hêtraie ardennaise, la physionomie aucune influence relative sur la mycétation. C'est à son de la mycétation subit de profonds changements. minimum quantitatif absolu qu'un facteur a la plus Quand on parcourt une forêt de type défini, on peut grande influence relative. y observer des variations de la physionomie mycolo­ Pour en arriver à déceler par la voie écologique gique selon que l'on se trouve en présence d'un sol des unités homogènes de mycétation, il faut donc con­ nu ou d'un sol couvert de hautes mousses, selon que naître les facteurs li mi tants et le seuil auquel ils agis­ l'on considère le sol, les souches, les troncs ou les sent. Ceci suppose des recherches expérimentales nom­ cimes des arbres. breuses et complique singulièrement le problème lors­ Quand on examine les mycètes qui croissent sous qu'il est envisagé sous l'angle écologique. les Hêtres et ceux qui accompagnent les Bouleaux, on Et nous n'avons pas encore fait allusion aux inter­ observe des différences sensibles. actions que les facteurs analytiques stationnels exercent Ces exemples situent les trois niveaux auxquels on entre eux, ni à la réaction de la matière vivante elle­ peut concevoir les unités de mycétation : l'association même ... végétale, l'espèce végétale, le biotope. Une telle étude n'est certes pas impossible, mais en Ne perdons pas de vue qu'une unité de mycétation pratique ce serait renoncer pour longtemps à la myco­ est une unité concrète, réelle, qui existe sur le terrain; sociologie que vouloir déceler les unités de mycétation ne perdons pas non plus de vue le principe physiono­ par la voie écologique d'analyse des complexes station­ mique que nous avons admis. nels. Ce serait aussi risquer de perdre beaucoup Considérée dans son ensemble, une association d'efforts en l'étude vaine de facteurs sans importance végétale présente certes une physionomie mycologique sociologique réelle. qui peut paraître homogène : on la trouve constante à La résultante physionomique du jeu complexe des elle-même dans toute l'étendue de l'individu d'associa­ facteurs de l'ambiance et des facteurs spécifiques a une tion considéré. Mais observons de près les types physio­ valeur écologique certaine sur le plan de l'espèce. nomiques des carpophores d'une forêt : de nombreux A-t-elle une valeur indicatrice suffisante en matière facies sont représentés : tubéroïde, agaricoïde, pleuro­ synécologique, c'est-à-dire sur le plan des groupements toïde, corticioïde, trémelloïde, etc. Il apparaît immédia­ d'espèces ? En d'autres termes, les différentes espèces tement que ces facies ne sont pas uniformément pré­ réagiront-elles d'une manière convergente dans leur sents dans tout le volume de la forêt : le facies tubé­ physionomie aux mêmes influences stationnelles, don­ roïde n'existe que dans le sol, les facies trémelloïde et nant ainsi à une unité de mycétation homogène, une corticioïde dominent dans les strates supérieures, le physionomie homogène et à des unités homologues, une facies agaricoïde domine sur le sol. Cette répartition physionomie homologue ? inégale dénote un manque certain d'homogénéité de Qu'il nous suffise de rappeler la plasticité morpho­ l'unité qui serait ainsi conçue. logique des champignons, sur laquelle nous avons lon­ Il s'avère que l'unité de mycétation se situe à un guement insisté; rappelons surtout le fait capital de niveau inférieur à l'association végétale. l'existence de facies de convergence épharmonique. Est-ce au niveau de l'espèce végétale ? Nous fondant sur les faits connus en cette matière, Il est évident que le développement de beaucoup nous admettons 1 e principe de 1 a va 1 eu r de champignons gravite autour de certaines espèces sy n écologique de la physionomie: la végétales, sources de matière organique électives ou physionomie des carpophores, résul­ exclusives. En est-il de même des groupements fongi­ tante des influences stationnelles, ques ? On pourrait se laisser séduire par la notion des suffit à définir des unités de mycé- cortèges liés à certaines essences et y voir le fondement

41 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

même de l'association mycologique. En réalité, ces tum conditionnent une fonge déterminée, distincte de cortèges n'ont ni valeur sociologique ni valeur écocli­ la fouge d'une hêtraie ardennaise, de la fouge d'une matique. Le lien biotique qui existe entre certains pelouse calcaire ou de la fouge d'une tourbière. Au champignons et certaines plantes est un fait concret. sein de l'Acereto-Fraxinetum existent divers types de Le cortège mycologique d'une plante n'est pas un fait substrats et de microclimats : sol forestier nu, limon concret, c'est la liste abstraite que nous dressons en humide dans les ravines, mousses sur les pierres de juxtaposant les faits observés. Toutes les espèces d'un l'éboulis, souches, troncs, branches mortes dans les cortège ne suivent pas nécessairement l'hôte partout : cépées du taillis, bois mort dans la cime des arbres, certains milieux où l'hôte peut vivre peuvent ne pas petits débris ligneux pourrissants accumulés sous les convenir à certaines d'entre elles ou se trouver en feuilles mortes dans les dépressions. L 'observation dehors de leur aire. physionomique montre que ces divers biotopes ont une Voici donc qu'interfèrent les facteurs du milieu fonge homogène et qu'une fouge analogue se retrouve autres que le lien biotique pour enlever tout potentiel dans le biotope homologue d'un autre Acereto­ de réalisation à la liste des espèces d'un cortège. Fraxinetum. D'autre part, les espèces d'un cortège qui vivent en La détection de ces unités ne présente pas de diffi­ un même endroit ont des exigences écologiques variées; cultés pratiques. Une souche dans une forêt rompt elles peuvent n'avoir en commun qu'une seule exi­ l'uniformité du sol forestier; c'est une autre unité de gence : l'électivité vis-à-vis d'un même hôte. mycétation. La fouge des cimes a une autre phy iono­ Prenons l'exemple du cortège du Hêtre. Au sein de mie que la fouge des strates moins élevées; elle rompt ce cortège, on trouve : 1 ° des espèces terrestres liées au donc l'uniformité physionomique; c'est une autre unité. Hêtre par mycorrhizes : Lactarius subdulcis, L. acris, Dans la couche endogée, on trouve côte à côte sous L. blennius, L. pallidus, Cortinarius cinnabarinus, les feuilles mortes, péricarpes, brindilles et feuilles Hygrophorus melizeus; 2° des espèces saprophytes des mortes de Hêtre, cupules et glands, brindilles, feuille feuilles mortes de Fagus : Mycena pelianthina, Maras­ mortes de Chêne, samares, feuilles et brindilles d'Era­ mius peronatus; 3 ° une espèce épixyle sur les racines : ble, etc. L'uniformité de l'unité de mycétation n'est pas Mucidula radicata; 4° une espèce épixyle des brindil­ rompue par la diversité des substrats organiques : des les : ; 5° des espèces épixyles des sou­ conditions microclimatiques homogènes imposent une ches : Pholiota adiposa, Psathyrella cotonea, Trametes physionomie uniforme. Si même certaines espèces, gibbosa; 6° des espèces épixyles des cimes : Mucidula Ombrophila faginea, Xylaria carpophila, sont liées au mucida, Stereum rugosum; etc. Ces espèces ont des Hêtre, Stromatinia pseudotuberosa au Chêne, etc., physionomies différentes qui trahissent l'hétérogénéité d'autres, Dasyscypha virginea, Helotium tuba, atta­ écologique du cortège. quent indistinctement tous les débris disponibles. Le Ajoutons que la distinction des unités de mycéta­ biotope abrite une unité bien concrète de mycétation. tion sur la base des cortèges reviendrait à traiter com­ Les unités ainsi conçues sont homogènes sur le plan me compagnes sans valeur sociologique les innombra­ microclimatique et sur le plan de la nature générale des bles espèces qui n'appartiennent pas à un cortège déter­ substrats, mais elles ne le sont pas toujours sur le plan miné et à séparer des espèces qui vivent côte à côte, de la nature spécifique de ceux-ci. En rejetant pour les les unes sur faînes, les autres sur glands tombés à cortèges biotiques la possibilité de s'identifier avec les terre, par exemple. Que faire aussi d'un mycélium qui associations fongiques, nous avons montré que ce serait attaque en même temps les débris ligneux de plusieurs trahir la réalité que de séparer les fouges de deux essences mêlés sur le terrain ? substrats spécifiquement différents mais intimement Des trois cas envisagés, il ne nous reste qu'une mêlés sur le terrain. conception possible : 1 ' un i té d e m y c état ion Signalons cependant que dans certains cas les facies se situe au niveau des biotopes microclimatiques s'identifient avec les cortèges bioti­ microclimatiques existant au sein ques : dans une tourbière haute, par exemple, le micro­ d'une association végétale facies climat d'une touffe de Polytrichum strictum diffère du microclimatiques terrestres, strates microclimat des coussins de Sphagnum papillosum. microclim atiques aériennes. Au point de vue fongique, il existe là deux unités Si l'on considère l'importance des facteurs du micro­ distinctes de mycétation, déterminées à la fois par le climat du sol et de l'air dans la biologie des champi­ lien biotique et par le microclimat. gnons et le fait que les facteurs eau et température ont Nous sommes à même de prendre position au sujet une grande influence sur la physionomie des carpo­ du caractère d'homogénéité d'une unité de mycétation phores, cette conception est objective. Elle répond au en énonçant la règle suivante : 1 'homogénéité principe physionomique admis et elle concorde avec d'une unité de mycétation est un les faits d'observation. caractère d'ordre écoclimatique, qui Examinons la mycétation d'une forêt d'éboulis cal­ ne dépend pas nécessairement de la caire à Erables et Frênes (Acereto-Fraxinetum). Les nature spécifique des substrats ou conditions écologiques générales de l'Acereto-Fraxine- des liens biotiques.

42 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

Sur la base des faits et en accord avec le principe D'autre part, les arguments que nous avons déjà physionomique adopté, nous avons vu à quel niveau fait valoir au sujet des valeurs respectives de chaque délimiter les unités de mycétation et quel caractère facteur dans les différentes mycosynécies restreignent d'homogénéité leur reconnaître. les possibilités de comparaison, à moins de repérer dans Nous pouvons maintenant en donner une définition chaque cas les facteurs déterminants et leurs seuils complète. d'activité. Nous appellerons m y c o topes, les biotopes Enfin, si même on arrive à déterminer écologique­ mycologiques uniformes tels qu'ils viennent d'être défi­ rnent les stations analogues, on s'apercevra que myco­ nis par leur microclimat et décelés par leur physio­ topes et synmycies ne sont pas liées de façon irréver­ nomie. sible. On trouvera certes les mêmes groupements dans Nous dénommerons s y n m y ci e , la liste des des mycotopes analogues, mais il arrivera de trouver espèces qui croissent dans chacun des mycotopes. dans des mycotopes analogues des synmycies différant Quand nous parlons de mycotopes et de synmycies, beaucoup les unes des autres. En effet, la fouge d'un c'est par une vue de l'esprit que nous séparons ces deux site ne dépend pas uniquement des conditions actuelles notions : elles n'existent pas l'une sans l'autre. Confon­ du milieu, mais encore du matériel spécifique amené et dant en un tout habitat et habitants dans leurs relations conservé dans la région au cours des temps. complexes, nous appellerons m y cos y né ci e, l'unité Il apparaît donc que dans la comparaison des myco­ concrète, objective de mycétation. synécies, la méthode écologique est peu pratique et La mycosynécie, unité concrète de qu'elle ne suffit pas à mettre en évidence toutes les mycétation, comporte un milieu éco ­ différences qui les séparent. climatiquement uniforme ou myco­ A défaut des facteurs du milieu, il est possible de tope et une synmycie, ensemble phy ­ rechercher les analogies que les mycosynécies présen­ sionomiquement homogène des indi­ tent dans leurs synmycies, c'est-à-dire dans leur compo­ vidus fongiques qui exploitent côte sition fongistique. Les rapports de composition fongis­ à côte l e matériel alimentaire dispo­ tique sont infiniment moins complexes que ceux des nible dans le mycotope. facteurs du milieu. La comparaison peut porter sur la Les mycosynécies sont subordonnées aux associa­ présence des espèces, leur quantité, leur manière d'être. tions végétales, au sein desquelles elles se répartissent On a l'avantage de n'avoir à comparer que des valeurs en fo nction des facies microclimatiques terrestres ou peu nombreuses, faciles à apprécier, au lieu d'avoir à des strates microclimatiques aériennes. mettre en rapport une infinité de facteurs de mensura­ tion difficile. Cette méthode fongistique de comparaison des § 3. LE PRINCIPE groupements mycologiques a-t-elle une portée sociolo­ DE LA VALEUR SOCIOLOGIQUE gique suffisante ? DE LA LISTE FONGISTIQUE Les espèces sont repérées par leurs carpophores. La discussion du principe de la valeur représentative des La synthèse des données recueillies dans les unités carpophores nous a permis de montrer la portée des de mycétation implique la comparaison de ces unités. caractères sociologiques fournis par ceux-ci. Pas plus qu'il n'y a deux individus identiques, il n'y a La physionomie des espèces nous renseigne sur les deux mycosynécies identiques; il n'y a que des myco­ homologies stationnelles : nous l'avons admis par le synécies analogues. La comparaison ne peut donc s'at­ principe physionomique. tacher qu'à la recherche des analogies. La liste des espèces exprime à la fois le jeu des fac­ Ayant délimité des mycosynec1es, allons-nous teurs écoclimatiques et l'interférence stationnelle de rechercher leurs analogies écologiques ou leurs analo­ l'histoire des fouges et des aires de distribution myco­ gies fongistiques ? logique. Nous avons renoncé à la voie écologique au mo­ Cette méthode de comparaison nous paraît avoir ment de la définition des unités de mycétation. A pré­ une portée suffisante. C'est pourquoi nous admettrons sent que nous les avons délimitées p~r une autre métho­ le principe de la valeur sociologi­ de, il est certainement plus facile de faire l'analyse de que de la liste fongistique: les rele­ leurs facteurs écoclimatiques et de rechercher les analo­ vés d'espèces, expressions de l'his­ gies qu'elles présentent entre elles sur le plan toire des fouges et du jeu des fac­ écologique. teurs écoclimatiques, suffisent à Mais à l'expérience, on constate rapidement que les découvrir les rapports d'analogie facteurs de l'ambiance sont trop nombreux, trop suscep­ entre unit és de mycétation et à défi­ tibles de combinaisons multiples, qu'ils présentent des nir par abstraction les unités myco­ transitions trop nuancées pour qu'il soit possible de sociologique s synthétiques. distinguer et de définir pratiquement deux mycosyné· En corollaire de ce principe, nous avons à donner cies analogues. la définition des unités mycosociologiques de synthèse.

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Ayant dégagé par la voie fongistique les rapports avon admis le principe de la valeur représentative des qui existent entre diverses myco ynécie , nous rappro­ carpophores : ceux-ci suffisent à nous renseigner sur Je cherons toutes les unités concrètes analogues et fon­ comportement de champignons dans la nature; ils ont drons leurs synmycies en relevé synthétique. C'est ce une valeur représentative de l'espèce et leur somme est relevé synthétique qui définit l'a sociation mycologi- repré entative de la fonge de la station. que; nous appellerons celle-ci une oc i o m y ci e. Nous avons précisé les règles suivantes : Evidemment, la liste des taxon définis ant ce con­ La valeur représentative des carpophores est fonc­ cept ne coïncide exactement avec aucune de li te qui tion du nombre de relevés effectués. nous ont servi à l'établir, avec aucune d ynmycie · Le données obtenues sur les espèces à partir de observées sur le terrain. Mai elle exprime, à la foi . l'observation des carpophores ont le caractère d'indi­ la réalité des grande analogies qui ·i tent entre elle cations minimums. et le potentiel fongi tique de chaque m cotop . La quantité des carpophores n'a pas de valeur La sociomycie , ion idéale représentative en ce qui concerne l'abondance de de 1 en emble de e pèce u cepti- l'e pèce. bles d appartenir à de myco ynec1e 3. Devant la complexité de l'analyse écologique des ana logue , e t un concept de groupe , unités de mycétation, nous avons admis le principe de une notion ab traite qui repose sur la valeur écologique de la physionomie des carpopho­ un fait concret: une analogie de res : celle-ci, résultante des influences stationnelle , c o m p o i t t o n f o n g i t i q u e . La ociomycie suffit à définir des unités de mycétation homogènes et t à la ynm cie ce que ra sociation végétale est à à révéler les homologies qui existent entre elles. l"individu d"a ociation. En corollaire, nous avons établi que l'unité de La définition des unité mycosociologiques supé­ mycétation se situe au niveau des biotopes microclima­ rieur à la ociom cie inspirera du même principe tiques existant au sein d'une association végétale et que fongi tique. Nou avon adopté les termes de la l'homogénéité d'une unité de mycétation est un carac­ phyto ociologie. tère d'ordre écoclimatique qui ne dépend pas nécessai­ Le sociom cie qui présentent entre elles des affi­ rement de la nature spécifique des substrats ou des nités fongi tico-sociologiques évidentes et dont l'ensem­ liens biotiques. ble se distingue nettement des autres collectivités La mycosynécie a été définie comme l'unité concrè­ peuvent être groupées en a 11 i a n ce s . te de mycétation; elle comporte un milieu uniforme ou De même, on peut grouper les alliances qui présen­ mycotope et une synmycie ou ensemble physionomi­ tent de affinités fongistico-sociologiques en unités plus quement homogène des champignons qui exploitent compréhen ives : les ordres . côte à côte le matériel alimentaire disponible dans le L 'unité mycosociologique la plus élevée, la mycotope. classe, est définie selon deux critères : composi­ tion fongistique et physionomie. Une classe réunit les 4. Le caractère peu pratique et insuffisant de la sociomycies qui ont une physionomie homologue et qui méthode écologique nous a amené à admettre le prin­ comportent au moins quelques espèces en commun. cipe de la valeur sociologique de la liste fongistique. Les relevés d'espèces, expressions de l'histoire des fonges et du jeu des facteurs écoclimatiques, suffisent CONCLUSIONS DU CHAPITRE II à découvrir les rapports d"analogie entre unités de mycétation et à définir par abstraction les unités myco­ 1. Ce chapitre est consacré au choix des principes sociologiques synthétiques. directeurs de la méthode mycosociologique. Celles-ci ont été définies. La sociomycie est la liste Plu ieur des principes admis par la phytosociologie synthétique des espèces de mycosynécies analogues. ont été retenus : principe d'appréciation des caractères L'alliance et l'ordre sont des groupes de compréhension sociologiques principe du coefficionnement des carac­ de plus en plus large, dont les affinités fongistiques tères, principe de la recherche des analogies. s'atténuent. La classe est l'unité mycosociologique la plus élevée; elle comprend toutes les sociomycies qui En présence de la difficulté d'observer l'orga­ ont une physionomie homologue et qui manifestent ni me entier chez les champignons supérieurs, nous quelque affinité fongistique.

44 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

CHAPITRE III

DES VOIES ET DES MOYENS DE LA MÉTHODE MYCOSOCIOLOGIQUE

Connaissant les fa its propres à la morphologie et à elle provient, une première dégradation due à d'autres la phy iologie des champignons supérieurs, ayant choisi espèces. Des cas innombrables corroborent cet exemple. entre plusieurs possibilités, des principes directeurs, il Il convient d'étudier en même temps l'ensemble des nous reste à trouver les voies de la méthode et à propo­ mycosynécies d'une association végétale, sous peine de ser des moyens techniques d'analyse et de synthèse. laisser échapper certaines relations causales. La voie de la méthode est la marche à suivre la plus rationnelle, qui guidera le chercheur sur le terrain b) La mycosynécie, objet des analyses. et assurera a ux résultats l'homogénéité requjse et au travail la rapidité voulue. L 'analyse d'une unité de mycétation s'adresse à des Les moyens techniques doivent permettre d'expri­ caractères apparents, que l'on peut aisément observer mer ou de traduire le plus correctement et le plus objec­ sur le terrain. Ceux-ci sont les suivants : tivement possible les faits qu'il s'agit d'observer. l'importance de son mycotope au sein de l'asso- Parmi les caractères d'un fait sociologique, lesquels ciation végétale, nous sont perceptibles? Comment apprécier leur l'extension spatiale du relevé effectué, va leur? Comment exprimer cette valeur? Tels sont les la composition de la synmycie, problème à ré oudre. Les solutions proposées seront la quantité et le mode de présence des espèces au ensuite soumises au test de l'application pratique, en sein de la mycosynécie. même temps que les principes sur lesquels elles sont fondées. L'énumération de ces caractères indique l'ordre même dans lequel les données pourront être recueillies § 1. LES VOIES DE LA METHODE sur le terrain. Il restera à effectuer, pour chaque mycosynécie, la La marche à suivre d'une méthode mycosociolo- fusion des observations fa ites, de manière à disposer de gique comprend trois phases : renseignements représentatifs de son potentiel mycolo­ recherche des stations mycologiques, gique. Les caractères cumulatifs qu'il s'agit de mettre analyse des unités de mycétation, en évidence sont les suivants : synthèse des données recueillies. la somme des espèces présentes, la quantité maximale de présence observée, a) L'association végétale, centre des recherches. Je mode de présence correspondant aux conditions atmosphériques les plus favorables, L'hétérotrophie des champignons place, en dernière la succession des aspects saisonniers. analyse, leurs groupements dans une situation de dépen­ dance absolue vis-à-vis des associations de plantes ver­ c) La sociomycie, concept de synthèse. tes, que cette dépendance soit directe ou indirecte. Or, une association végétale crée en son sein une Cette synthèse peut être basée, avons-nous dit, sur série de microclimats distincts (cf. ANSTAUX, 1948) et les listes fongistiques. l'on a vu le rôle des microclimats sur le déterminisme La première opération qui s'impose est de trouver des unités de mycétation et sur leur stratification. le moyen de rassembler les listes comparables, corres­ Il est donc nécessaire d'axer la recherche des grou­ pondant à des mycotopes homologues. pements mycologiques sur les associations végétales. L'application du principe de la valeur sociologique Nous avons décrit celles-ci écologiquement et sociolo­ des listes fongistiques permet de ~éfinli les diverses giquement selon les normes de l'Ecole zuricho-mont­ unités mycosociologiques. pelliéraine. La comparaison des synmycies analogues permet Les diverses mycosynécies stratifiées au sein d'une de mettre en évidence les caractères synthétiques des association végétale sont partiellement interdépendan­ sociomycies : composition idéale, constance et fidélité tes; une branche morte tombée sur le sol et attaquée des espèces. par un champignon lignicole, a déjà subi dans la cime Il restera à proposer un système de classification et de l'arbre ou dans la partie supérieure de la cépée d'où de dénomination des unités mycosociolog1ques.

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Nous devons à LANGE (1923) des communications intéressantes concernant la répartition inégale de la § 2. LES TECHNIQUES D'ANALYSE mycétation dans un même bois d'apparence homogène. LANGE doit admettre qu'il est impossible actuellement a) Détection de la mycosynécie. Importance du myco­ d'expliquer cet état de chose. tope. Dimension du relevé. LEISCHNER-SISKA (1939) a tenté d'appliquer la tech­ nique des carrés d'essai. Les résultats obtenus sont Le principe physionomique donne le moyen de décevants. Le nombre d'espèces notées dans les carrés déceler les mycosynécies au sein des groupements végé­ de 100 m2 est beaucoup plus petit que le nombre taux, en fonction des substrats mycologiques disponi­ d'espèces observées en dehors de ces carrés. bles et des facies et strates microclimatiques. L'apparition irrégulière et fugace des carpophores, Les diverses mycosynécies d'une association végé­ qui seuls trahissent l'espèce, rend très difficile une tale ont une importance plus ou moins grande au sein étude statistique de l'aire minimale qu'il serait néces­ de celle-ci selon la surface occupée par leur mycotope. saire d'adopter pour englober la plupart des espèces de Nous proposons un système de coefficionnement de la mycosynécie. l'abondance-dominance du mycotope (tableau 1). Pour ces raisons, nous nous en sommes tenu à la m é t h o d e d e s f r a g m e n t s n a t u r e 1s : les mycosynécies sont observées dans leurs limites TABLEAU J. - Coefficionnement des mycotopes. naturelles.

5 : uniformément et densement répandu dans l'asso­ b) Présence des espèces. Etablissement de la liste ciation végétale; fongistique.

4 : répandu densement dans plus de la moitié de la L'analyse de ce caractère se ramène à la simple surface de l'association végétale, ou uniformé­ constatation de l'existence dans la mycosynécie d'au ment répandu avec densité générale moyenne; moins un élément identifiable d'une espèce. 3 : répandu dans une partie importante de l'association Ce caractère ne peut s'exprimer par un coefficient; végétale (25 à 50 % de sa surface), ou uniformé­ il suppose des déterminations correctes. ment répandu avec densité générale faible; Nous avons insisté sur les difficultés de la myco­ sociologie systématique. L'établissement des listes 2 : localisé, irrégulièrement répandu, densité faible; d'espèces exige le plus grand souci de précision et 1 : étroitement localisé, densité générale extrêmement d'exactitude. Afin d'éviter les confusions synonymiques faible; si fréquentes en mycologie, une liste systématique com­ mentée accompagnera toute publication mycosociologi­ + : très étroitement localisé, caractère accidentel. que; les ouvrages utilisés pour les déterminations seront donnés en référence.

Les mycosynécies peuvent être de dimensions très c) Quantité de présence des espèces. variables. Certaines n'occupent que quelques décimè­ Plusieurs caractères quantitati fs sont utilisés en tres carrés : la fonge d'un tronc moussu; d'autres s'éten­ phytosociologie; les plus couramment utilisés sont la dent sur des centaines d'hectares : la fonge terrestre dominance et l'abondance, fréquemment combinés en d'une grande forêt de nature phytosociologique homo­ un caractère d'abondance-dominance. gène. La dominance représente l'étendue (volume et sur­ La nécessité de comparer des relevés de même face) occupée ou couverte par les individus d'une valeur impose le choix d'une superficie constante espèce et l'influence de leur masse sur les autres espè­ d'observation. Les phytosociologues ont ainsi adopté le ces. L'abondance représente le nombre relatif des indi­ système des carrés d'essai. vidus de chaque espèce par rapport à l'ensemble des Dans l'état actuel de nos connaissances, cette espèces du groupement. L'abondance-dominance repré­ méthode n'est pas applicable en mycosociologie. sente la combinaison des deux caractères. Le problème de l'homogénéité de répartition d'une Quelques auteurs ont tenté d'appliquer aux relevés flore a été approfondi par les chercheurs nordiques mycologiques la mesure de l'abondance-dominance; ils (KYLIN, 1926; RüMELL, 1920, 1926; Du RIETZ, 1921, ont utilisé pour ce faire l'échelle classique de BRAUN­ 1932) et mis en rapport, sur le plan sociologique, avec BLANQUET ; + , l, 2, 3, 4, 5. l'aire minimale du carré d'essai. Estimant que l'aspect qualitatif du problème myco­ Ainsi que HdFLER (1937) l'a montré et comme nous sociologique joue un rôle plus important que son aspect avons pu le constater nous-même, une dispersion extrê­ quantitatif, LEISCHNER-SISKA (1939) se contente d'em­ me est de règle chez les champignons. ployer pour les champignons l'échelle combinée

46 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE d'abondance-dominance. Au cours de ses recherches, de leur poids. II espère ainsi pouvoir porter un juge­ cet auteur a découvert l'inconvénient que présente cette ment quantitatif sur le rôle des espèces dans le site : façon de faire. Le symbole 2 de l'échelle employée HbFLER pense que la masse des carpophores produits suppose une dominance supérieure ou égale au 1/20 de fournit une mesure approchée du rôle relatif des mycé­ la surface examinée. Dans le cas d'une aire de 100 m~ . liums des différentes espèces dans la couche de sol il faudrait 650 carpophores d'un champignon de gran­ inaccessible à l'observation. Pour traduire ses mesures deur moyenne (10 cm de diamètre du chapeau) pour en symboles d'abondance, HbFLER établit quatre degrés atteindre cette dominance. Or dans les 83 sites étudiés (1, 2, 3, 4) selon que la valeur par l'auteur, le nombre de carpophores le plus élevé qui ait été observé est de 61 à l'are et cela dans une Vnombre de carpophores x poids des carpophores région remarquable pour sa richesse fongique et dans un moment de forte poussée. Pratiquement donc, seuls est comprise entre 1-10, 10-50, 50-200 ou supérieure les deux premiers degrés de l'échelle ( + clairsemé, à 200. l abondant, l'un et l'autre avec dominance réduite) sont Est-il besoin de le souligner, cette technique ne utilisables, ce qui ne permet qu'une différenciation présente aucun caractère pratique. Aussi HbFLER lui­ sommaire. même propose-t-il une technique plus simple lorsqu'il Comme nous l'avons déjà signalé, la dominance des s'agit de donner un coup d'œil d'ensemble sur la végé­ carpophores n'est pas un indice suffisant du développe­ tation fongique de territoires étendus. Cette technique ment des mycètes; ce caractère est pratiquement consiste dans une échelle d'abondance à six degrés : dépourvu de signification sociologique. Ici réside une + : très clairsemé; 3 : abondant; des différences les plus profondes entre la phytosocio­ 1 : clairsemé; 4 : très abondant; logie et la mycosociologie. Cette distinction repose sur 2 : peu abondant; 5: en masse. des fondements concrets et non sur les nécessités prati­ ques d'une méthode de recensement. Les plantes auto­ Notons qu'il s'agit de l'abondance des carpophores trophes déployent leurs organes verts en surface; la et non des mycéliums, que les deux premiers termes de dominance nous fournit une mesure certaine de leur l'échelle indiquent davantage une densité qu'une abon­ succès dans la lutte pour la lumière. Chez les champi­ dance, et enfin que tous les termes nous paraissent gnons, où il n'existe pas de dépendance directe à d'appréciation bien subjective. l'égard de la lumière, cet élément capital fait défaut. PIRK (1948) s'est efforcé d'être plus objectif en pro­ Le développement de:, carpophores en surface reste posant et en utilisant l'échelle d'abondance suivante : toujours relativement faible. En conséquence, la surface de projection ne fournit pas chez les champignons de + : 1 carpophore; 3 : 11-20 carpophores; 1 : 2-5 carpophores; 4 : 21 -50 carpophores; mesure utilisable au point de vue du rôle quantitatif 2 : 6-10 carpophores; 5 : au-dessus de 50 carpophores. de l'espèce dans la station. Rejetant cette notion de dominance, de nombreux Mais malgré la précision qu'il introduit, PIRK ne auteurs se sont attachés à noter le caractère d'abon­ mesure encore que l'abondance des carpophores, com­ dance, en établissant une échelle de mesure propre aux me tous ses prédécesseurs que nous venons de citer. mycètes. Or, rappelons que nous avons établi la règle que la GILBERT (1929) propose une échelle de quatre quantité des carpophores n'a aucune valeur représenta­ termes: tive de l'abondance d'une espèce. RR: sporadique, quelques carpophores rencontrés une seule Rus (1933) se conforme implicitement à cette règle fois; et l'échelle d'abondance qu'il propose est en fait une R occasionnel, quelques carpophores rencontrés un très échelle de fréquence : petit nombre de fois; 5 : en masse, abondant partout; C fréquent, quelques individus rencontrés presqu'à chaque 4 : stations nombreuses, répandu dans le site; excursion; 3 : dispersion irrégulière; CC : abondant, nombreux individus rencontrés à chaque 2 : très clairsemé; excursion. 1 : quelques stations peu nombreuses; + : une seule station. En réalité, les termes de cette échelle répondent à des notions synthétiques et ils sont inutilisables en GILBERT (1928) a cru ne pas pouvoir retenir le analyse sociologique. caractère de fréquence. Ce caractère qui concerne H6FLER (1937) estime que la notion d'abondance l'écartement des individus d'une même espèce, leur chez les champignons comprend deux caractères : le dispersion dans la localité, ne saurait, dit-il, se mesurer nombre des carpophores et leur poids. II cherche donc par la distance des carpophores, mais bien par la à remplacer la détermination de l'abondance-dominance distance des mycéliums; il en conclut que la fréquence par la détermination du nombre des individus (HbFLER des champignons dans un site nous est inaccessible. En considère chaque carpophore comme un individu !) et mesure rigoureuse, certes ! Les résultats des recherches

47 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES de HAAS, comme ceux que nous avons obtenus, démon­ préoccupé les quelques auteurs qui se sont intéressés trent cependant que la fréquence peut être appréciée à la mycosociologie. avec suffisamment de précision. Ce caractère a cependant une grande signification. Nous dirons qu'une espèce est d'autant plus fré­ Ne fût-ce que pour la physionomie de la mycétation, quente dans un site qu'on y observe plus de groupes il n'est pas indifférent qu'une espèce commune dans le indépendants de carpophores, plus de stations de relevé soit représentée par des exemplaires isolés ou l'espèce, ((station >> signifiant ici (( endroit où existe une espèce très dispersée par des troupes nombreuses, l'espèce », qu'il s'agisse d'un seul mycélium, d'un frag­ ni que les carpophores d'une même espèce aient ici un ment isolé de mycélium, d'un complexe mycélien ou facies agaricoïde, là un facies pleurotoïde. En outre, de mycéliums tellement voisins qu'on ne peut séparer l'aspect, le groupement et le nombre des carpophores leurs carpophores sur le terrain. nous renseignent sur le degré de développement et la On n'a pas, de la sorte, à s'inquiéter de l'observa­ vitalité des mycéliums à un moment donné. tion du mycélium, on n'a pas à s'inquiéter de la notion d'individu fongique, on n'a pas à tenir compte du La physionomie. nombre de carpophores. L'aspect physionomique des carpophores n'a pas Nous avons renoncé à utiliser les caractères de été pris en considération par nos devanciers. Nous dominance et d'abondance des carpophores. La fré­ avons longuement démontré l'importance de ce carac­ quence se présente comme le seul caractère quantitatif tère et admis le principe de sa valeur écologique. Il y qui soit en même temps significatif de l'importance aura lieu dès lors de s'attacher dans les relevés à d'une espèce dans un site et pratiquement utilisable en l'étude des types physionomiques et d'établir le pour­ mycosociologie. centage de présence de chaque facies. Nous proposons une échelle de coefficionnement de Nous appellerons s p e c t r e ph y si on o mi - la fréquence qui rappelle celle proposée par HA.As mais que la proportion centésimale des facies des espèces qui est plus précise et plus objective (tableau 2). présentes dans un relevé.

TABLEAU 2. - Coefficionnement de la fréquence. La sociabilité. Bien que ce terme ne soit pas très heureux, nous adopterons, avec nos devanciers, l'expression « sociabi­ + : RR, une seule station dans le site; lité n pour désigner le mode de répartition des carpo­ 1 : R, quelques stations, 1-3 à l'hectare; phores, la manière dont ils sont disposés les uns par rapport aux autres. Nous avons décrit précédemment 2: AR-AC, stations clairsemées, 4- 10 à l'hectare; ces divers aspects.

3 : C, stations nombreuses, 11-25 à l'hectare; Pour exprimer Jes faits observés, HAAS et LE!SCHNER-S!SKA ont simplement transposé en myco­ 4 : CC, stations très nombreuses, espèce répandue dans logie l'échelle à cinq degrés de BRAUN-BLANQUET. le site, 26-100 stations à l'hectare; Système de HAAS (1934) : 5 : CCC, stations extrêmement nombreuses, espèce pré­ 5 : en touffes copieuses, en grandes troupes, ou comme ense- sente en masse, > 100 stations à l'hectare. mencé; 4 : en rangées, en cercles ou groupés autrement; 3 : en troupes assez fortes; 2 : par petits groupes; Les espèces des catégories 3 à 5 seront considérées 1 : exemplaires isolés. comme les e s p è ce s fr é q u e n te s de chaque Système de LE!SCHNER-SISKA (1939): site considéré. Les coefficients 2 et 3 de l'échelle de HAAS sont 1 : isolé; 2 : par petits groupes; d'application délicate. Ils correspondent aux notions 3 : par petites troupes; familières << assez rare n et << assez commun n (AR et 4 : par petites colonies; AC). Il est le plus souvent difficile de faire pratique­ 5 : en grandes masses. ment le partage entre ces deux notions. Aussi les avons­ nous confondues dans le coefficient 2 de notre échelle. En somme, ces auteurs rendent surtout compte par leur système de coefficionnement de l'abondance des carpophores au sein du groupe. Le mode de groupe­ d) Mode de présence des espèces. Groupement quali­ ment, si important, n'est pas noté. tatif et quantitatif des carpophores. GILBERT (1928) et HëFLER (1937) considèrent que Il s'agit de noter d'une manière simple la façon sous ce mode de groupement est un caractère spécifique et laquelJe une espèce nous apparaît dans un relevé. Ce qu'il n'y a pas lieu de le signaler dans les relevés. mode de présence des espèces n'a que partiellement En est-il bien ainsi ?

48 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

Préoccupé de l'aspect systématique du problème Nous nous sommes attaché à donner du caractère écologique et sociologique, G ILBERT en arrive à perdre de sociabilité une expression claire et précise. Nous de vue le caractère concret de la mycétation qu'il s'agit avons d'abord adopté une série de six indices d'analyser et à déclarer à propos du caractère de socia­ de gr o u p e m e n t , qui correspondent aux diffé­ bilité : « E tant inv ar i a b 1 e pour une espèce don­ rents modes de groupement décrits précédemment. Les née, se développant dans des con dit i o n s no r - lettres choisies comme indices sont les initiales du m a 1 es, la sociabilité a une va 1 e u r s p é ci f i - qualificatif latin de chaque type de groupement (voir q u e » (GILBERT, 1929, p. 141; mots mis en évidence tableau 3). Ces six indices peuvent se combiner entre par nous). eux de manière à signaler des types de groupement Parler d'espèce, notion synthétique, parler de con­ complexes. ditions normales, notion synthétique, et poser que la notion « analysée 11 a une valeur invariable, ce n'est TABLEAU 3. - Expression de la sociabilité des carpophores. plus faire de l'analyse sociologique d'un site; c'est, sur la base d'observations répétées partout où pousse l'espèce, exprimer le caractère idéal de la notion ana­ Indices de groupement: lysée, c'est faire la synthèse d'un caractère systéma­ s carpophora separata, carpophores solitaires, isolés; tique. g carpophora gregaria, carpophores séparés les uns des L'analyse sociologique d'une station exige l'examen autres, mais formant de petites troupes; c carpophora caespiwsa, carpophores fasciculés en objectif des conditions locales d'existence d'un champi­ touffes, stipes ± cannés à la base; gnon, sans qu'importent les conditions d'existence des carpophora ùnbricata, carpophores imbriqués les uns champignons de la même espèce dans tous les endroits au-dessus des autres; où ils se développent. Les observations multiples que a carpophora adjuncta, carpophores accolés ou con- nous avons faites, et que tous les mycologues ont faites fluents en masses ou en plaques; o carpophora orbibus disposita, carpophores disposés en avant nous, des champignons dans leurs stations inter­ circonférences ± complètes. disent de parler de caractères sociologiques invariables. Dans deux stations distinctes, une espèce peut se trou­ Indices combi nés: ver dans des conditions différentes, tout aussi normales gc groupes de touffes; les unes que les autres; la sociabilité de ses carpophores oc cercles de touffes; ic touffes de carpophores imbriqués; peut se présenter différemment. Le postulat d'invariabi­ ai carpophores imbriqués et confluents; lité posé par GILBERT est faux. ga troupes de masses confluentes; HbFLE R n'est pas aussi catégorique que GILBERT; il gai : troupes de carpophores imbriqués et confluents; ca : cercles de carpophores confluents. se contente de déclarer que la sociabilité est fréquem­ ment caractéristique chez les champignons et que des Coefficients d'abondance sociale: renseignements à ce sujet se trouvent dans les grandes groupement très faible, 1-5 carpophores; flores. Il n'en tient pas compte dans ses relevés, mais 2 groupement faible, 6-20 carpophores; estime que l'échelle de BRAUN-BLANQUET est applicable. 3 groupement moyen, 21-50 carpophores; 4 groupement important, 51-250 carpophores; PIRK (1948) est le seul auteur qui ait cherché à 5 groupement très important, > 250 carpophores. introduire plus de précision dans l'analyse de la socia­ bilité. Par la combinaison de coefficients chiffrés et de Indices de développement: signes, il s'efforce de rendre compte du mode de grou­ [) : espèce observée sous une forme de latence; pement des carpophores. Cet essai timide est malheu­ ' début du développement des carpophores; 0 : carpophores vieux, pourrissants ou desséchés, pas reusement peu satisfaisant : il est incomplet, confus, et de carpophores frais. les signes employés sont de lecture difficile dans les relevés. Nous transcrivons les propositions de PIRK dans la langue originale, certaines expressions êtant de traduction délicate : Nous avons ensuite établi une échelle de cinq Gesclligkeit valeurs qui permet d'exprimer 1' a b on dance 1 : einzeln wachscnde Fruchtkërper; soc i a 1 e des carpophores, c'est-à-dire l'abondance 2 : in kleinen Gruppen oder Büscheln 2-5; des carpophores au sein des groupes qu'ils forment 3 : in haufigen (mittJeren) Gruppen 6-1 O; dans le site (tableau 3). 4 : in grossen Büscheln oder Gruppen 11-20; La sociabilité des carpophores est donc exprimée 5 : in Kolonicn mit mehr ais 20 Frkp.; dans notre système par un indice de groupement et par ( : offene Gruppcn oder Flachen (Rindenpilze); un coefficient d'abondance sociale. / : einzeln freistchende Fruchtkërper; Nous appelons spectre de sociabilité O : geschlossene Gruppen oder Flachen (Cort. Ster. Penioph. usw.); la proportion centésimale des types de groupement : : zusammengewachsene Gruppen und Flachen einz. Frk. représentés dans un relevé.

49 5 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

La vitalité. b) Fréquence et sociabilité potentielles. En phytosociologie, la vitalité exprime le degré de Les coefficients de fréquence et d'abondance sociale développement et de prospérité atteint par les différen­ les plus élevés qui aient été attribués à une espèce dans tes espèces. un site expriment le potentiel mycologique minimum En fait deux notions sont ici confondues : le déve­ du site au point de vue de cette espèce. loppement et la prospérité. La comparaison des relevés effectués permet d'éta­ En mycologie, la prospérité ou degré de vigueur des blir la f r é q u e n c e e t 1 a s o c i a b i 1i t é p o t e n - carpophores est dans une certaine mesure indiquée par t i e 11 es de chacune des espèces d'un site. la taille de ceux-ci. Elle dépend des conditions écolo­ giques et des conditions atmosphériques. Les champi­ c) Périodicité. gnons qui poussent dans les sciures sont en général plus vigoureux, leurs carpophores ont une plus grande taille C'est l'examen d'un tableau qui permet de se rendre que la norme de l'espèce; par contre, les champignons compte de la périodicité de chacune des espèces du que nous avons observés dans les forêts de ravin, froi­ site, du moment saisonnier ou des circonstances atmo­ des et humides, sont en général petits et grêles. sphériques qui sont favorables à la production des GILBERT (1928) n'entend par vitalité que ce carac­ carpophores. La périodicité d'ensemble des espèces tère de prospérité et il propose trois degrés pour donne le rythme des a s p e c t s s a i s o n n i e r s . l'exprimer : Nous proposons d'exprimer par une formule le la luxuriance; rythme saisonnier de chaque synmycie, afin de faciliter la vitalité normale; les comparaisons entre synmycies et entre sociomycies. la chétivité. Les signes employés visent à figurer les caractères suivants du rythme saisonnier du développement fongi­ L'application de cette échelle suppose une connais­ que (tableau 4) : sance parfaite de toutes les espèces. PIRK (1948) s'en tient au caractère de taille et il le les saisons de développement; porte dans les relevés à l'aide des signes suivants : l'importance du développement : allure unifo rme ou klein bis 1 Cm Normgrëisse; existence d'un maximum; aspect pauvre; maximum mittel bis 5 Cm Normgrëisse; annuel; gross über 5 Cm Normgrëisse. la permanence du développement : continuité Cette échelle est tout à fait arbitraire et elle ne tra­ d'aspect assurée ou possible; continuité de développe­ duit en rien le jeu des influences stationnelles. Le ment avec changement d'aspect; discontinuité. même signe s'appliquera à deux effets contradictoires : la chétivité d'une Amanite et la luxuriance d'un Maras­ TABLEAU 4. - Légende de la formule du rythme saisonnier. me se traduiront par un même signe : - . Le caractère de taille ou de prospérité est compris dans nos définitions de la physionomie de chacune des v ou V : mycétation vernale; e ou E mycétation estivale; espèces d'un groupement; nous n'avons pas cru devoir a ou A : mycétation automnale; alourdir les relevés en l'exprimant séparément. aa ou AA : mycétation arrière-automnale; Par contre, nous avons tenu à noter, ce que nos h ou H : mycétation hivernale. devanciers ont généralement négligé, certains stades de développement de l'espèce : état de latence (sclérotes, Lettre capitale : existence d'un maximum de développe­ ment; lettre minuscule : allure uniforme du dévelop­ stromas), début de développement (jeunes carpophores), pement. fin de développement (carpophores vieux, desséchés ou pourrissants). Nous utilisons trois indices de 0 : aspect très pauvre de la mycétation : peu d'espèces, dé v e 1 op p e ment (tableau 3). Ces caractères sont peu de spécimens. d'un grand intérêt lorsqu'on cherche à mettre les rele­ indique la saison où se produit le maximum annuel vés en rapport avec les conditions atmosphériques et de développement. lorsqu'on étudie le rythme saisonnier du développement. Succession des aspects saisonniers - (tiret entre les symboles) : continuité d'une même § 3. CUMULATION fonge entre deux aspects; DES RELEVES FRAGMENTAIRES (points entre les symboles) : continuité possible par une partie de la fonge entre deux aspects; a) Liste globale des espèces d'un site. (absence de signe) : continuité entre deux aspects, Les listes fragmentaires des espèces observées dans une fonge en remplaçant une autre; un site au cours de différentes investigations permettent (trait vertical séparant les symboles) : discontinuité entre deux aspects. de dresser une liste globale, qui représente concrète­ ment l'ensemble des espèces existant dans le site : La formule entière se met entre crochets. c'est la 1 i s te f o n g i s t i q u e c u mu 1a t ive .

50 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

TABLEAU 5. - Expression de la constance § 4. LES TECHNIQUES DE SYNTHESE et définition de la fidélité. a) Détermination des mycosynécies de même type. V : espèce présente dans 80-1OO % des mycosynécies Le principe de la valeur écologique de la physiono­ étudiées; IV: des mycosynécies mie nous permet de déceler les différents mycotopes espèce présente dans 60 - 80 % étudiées; d'une as ociation végétale et de rattacher à un même III : espèce présente dans 40 - 60 % des mycosynécies type les mycosynécies analogues. étudiées; Les caractères analytiques des listes fongistiques et II : espèce présente dans 20- 40 % des mycosynécies notamment les spectres physionomique et de sociabilité étudiées; permettent de contrôler les analogies sur le vu des 1 : espèce présente dans moins de 20 % des myco- physionomies globales. synécies étudiées. Avant d'appliquer le principe fongistique à la comparaison de diverses mycosynécies, nous dressons Exclusives : espèces liées exclusivement à un groupement déterminé; le tableau de leurs spectres de physionomie et de soci abilité et nous pourrons écarter d'éventuelles unités Electives : espèces cantonnées surtout dans un groupe­ de mycétation aberrantes. ment déterminé, mais se rencontrant aussi dans des groupements affines; Préférantes : espèces existant ± abondamment dans plu­ b) La constance des espèces. sieurs groupements, préférant cependant l'un d'entre eux; En comparant les synmycies analogues, on constate Accessoires : espèces croissant ± abondamment dans plu­ que le taux de présence des espèces est variable. C'est sieurs groupements très divers; à ce caractère que l'on donne le nom de constance. Nous adoptons pour l'exprimer les symboles que Accidentelles : espèces introduites accidentellement dans un groupement. BRA UN-BLANQUET (tableau 5) emploie en phytosociolo­ gie. Les espèces présentes dans plus de 40 % des relevés sont qualifiées d'espèces constantes. Il en est de même du taux de constance : c'est le c) La fidélité des espèces. pourcentage d'espèces constantes que comprend une sociomycie. Chaque espèce possède une aire géographique, une Dans la description des sociomycies, il n 'est pas amplitude écologique, une capacité plus ou moins inutile de rappeler le nom des espèces qui y jouent le grande de résister à la concurrence de a utre espèces. plus grand rôle physionomique par leur nombre, leur Selon l'importance de es exigences, elle e t plu ou taille, leur fréquence, voire leur couleur. Nous groupe­ moins confinée da ns un mycotope donné. C'est à ce rons ces espèces sous l'étiquette : espèces dominantes; caractère que l'on donne le nom de fidélité. Nous défi­ il e t bien entendu qu'il s'agit d'une dominance physio­ nirons comme BRAUN-BLA QUET les degrés de fidélité nomique relative et non du caractère de dominance des e pèces (tableau 5). spatiale absolue utilisé en phytosociologie. ous réservons le nom de c a r a c t é r i s t i q u e s aux espèces exc lu s iv es et a u x espèces é l ectives. e) Classification. Certaine espèce peuvent ne marquer aucune préfé­ Le principe de la valeur sociologique de la liste rence spéciale à l'égard de l un ou l'autre groupement, fongistique permet de dégager les diverses unités myco­ mais cependant n'apparaître dans chacun de ces grou­ sociologiques, grâce aux affinités qu'elles présentent pements que dans des conditions bien déterminées : ituation géographique, étage altitudinal, pré ence entre elles. locale d un élément nutritif spécial, etc. Ces espèces Pour désigner la sociomycie, nous emploierons le indiquent une variation géographique, altitudinale, nom du ou des champignons qui y jouent le plus grand écologique, etc. des groupements considérés. Elles ont rôle physionomique ou qui ont une valeur caractéristi­ la valeur d ' e s p è c e s d i f f é r e n t i e 11 es . que, comme le fait !'Ecole phytosociologique zuricho­ montpelliéraine. d) Caractères accessoires. Pour marquer l'autonomie de la mycosociologie, nous proposons d'utiliser dans la nomenclature systé­ Le pourcentage des espèces qui, dans un groupe­ matique des suffixes différents dans leur racine de ceux ment de type déterminé, atteignent la fréquence 3 est usités en phytosociologie, mais rappelant ceux-ci par appelé taux de fréquence. leur terminaison (tableau 6).

51 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

2. Les observations sont centrées sur l'association TABLEAU 6. - Vocabulaire sociologique systématique. végétale; les mycosynécies y sont détectées physiono­ miquement et leur abondance-dominance établie (tableau 1). Mycosociologie Phytosociologie 3. L'analyse des synmycies porte sur des carac­ Unités Suffixe Suffixe Unités tères représentatifs de la vie en commun des mycètes - et susceptibles d'une observation rapide et d'une expres­ sion simple : le relevé n'utilise pas la méthode des sociomycie -ecium -etllm association carrés d'essai, il s'adresse au fragment naturel de mycé­ alliance -ecion -ion alliance tation. La présence des espèces est exprimée par la liste fongistique. Le caractère de fréquence a été retenu pour ordre -ecia -etalia ordre préciser la quantité de présence des espèces; une classe -ecea -etea classe échelle à 6 degrés est proposée (voir tableau 2). Le mode de présence des espèces est défini par les carac­ tères de physionomie, de sociabilité, d'abondance sociale et de stade de développement des carpophores; 6 indices de sociabilité, une échelle d'abondance sociale Le suffixe -ecium sera ajouté au nom générique de à 5 degrés et 3 indices de développement sont proposés l'espèce choisie pour la désignation d'une sociomycie, (voir tableau 3). l'épithète spécifique étant mise au génitif. L'alliance sera désignée par le suffixe -ecion. Selon 4. Par la fusion des analyses fragmentaires d'une les cas, celui-ci remplacera le suffixe -ecium dans le même mycosynécie, on peut dresser la liste fongistique nom d'une des sociomycies les plus importantes et les cumulative, dans laquelle les espèces sont dotées de plus représentatives de l'alliance, ou bien il sera ajouté coefficients de fréquence et de sociabilité potentielles. au radical d'un genre ou du nom générique d'une espèce On peut aussi dégager de la comparaison des analyses caractéristique des diverses sociomycies de l'alliance. fragmentaires la connaissance de la périodicité d'ensem­ On procédera de même dans la désignation des ble des espèces : une formule est proposée pour expri­ ordres, en utilisant le suffixe -ecia. mer le rythme saisonnier de la mycétation dans chaque groupement (tableau 4). Le suffixe -ecea sera employé dans la dénomination des classes et ajouté au radical du nom du ou des 5. La synthèse des observations repose sur la genres les plus représentatifs de la classe par la fidélité, comparaison des relevés et sur la recherche de leurs la physionomie ou le nombre des espèces. analogies fongistiques. Elle aboutit à la définition des Les variantes d'ordre géographique que nous pour­ unités mycosociologiques. L'étude des spectres de rions être amené à distinguer seront désignées comme physionomie et des spectres de sociabilité permet de J suivi du nom d'une espèce diffé­ vérifier l'homogénéité des unités comparées. rentielle. Les caractères synthétiques étudiés sont : la con­ stance des espèces, leur fidélité, le taux de constance et le taux de fréquence, la dominance physionomique. Une échelle à 5 degrés traduit la constance (tableau 5); CONCLUSIONS DU CHAPITRE ID 5 termes désignent les degrés de fidélité (tableau 5). Les espèces caractéristiques et les espèces différentielles 1. Ce chapitre propose, sur la base des faits propres sont définies. à la biologie des mycètes et sur la base des principes directeurs admis, une marche à suivre dans le travail 6. Un système à 4 suffixes est proposé (tableau 6) mycosociologique et un ensemble de techniques pour dénommer les unités mycosociologiques systé­ pratiques. matiques.

52 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

CONCLUSIONS DE LA DEUXIÈME PARTIE

1. Les faits ongmaux de la biologie des champi­ base de la physionomie, celle-ci étant l'expression des gnons, qui ont une incidence sur leur vie en commun facteurs de l'ambiance. dans la nature, ont été rassemblés. b) Analyse de ces unités sur la base de l'observa­ tion des carpophores et de leur manière d'être, les 2. Ces faits ont permis d'adopter les principes carpophores ayant une valeur représentative de l'espèce. directeurs d'une méthode de travail mycosociologique, d'énoncer des règles à respecter, de définir des entités c) Synthèse des faits d'observation sur la base de mycosociologiques, de choisir une voie simple et des la composition des listes fongistiques, celles-ci ayant techniques pratiques d'étude. une valeur représentative de toutes les influences sta­ tionnellcs, combinées avec les faits géographiques de 3. Les traits fondamentaux de la méthode proposée l'histoire des fanges. sont les suivants : d) Etablissement d'un système de classification sur a) Détection des unités mycosociologiques sur la la base des analogies fongistiques et physionomiques.

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F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES, ETC.

TROISIÈME PARTIE

ÉTUDE SOCIOLOGIQUE DE LA MYCÉTATION DE FORMATIONS SILVATIQUES CADUCIFOLIÉES DE HAUTE BELGIQUE

Nous avons appliqué la méthode mycosociologique BERGHEN, 1949; NorRFALISE, 1949; NOIRFALISE et exposée dans la deuxième partie de ce travail à l'étude GALOUX, 1950). de la mycétation de la Haute Belgique. Nous avons choisi pour le présent exposé mycosocio­ L'en emble de nos recherches a porté sur l'analyse logique quelques forêts de types nettement distincts : de formati on suivantes et la définition des unités 1 ° Des forêts s i 1 ici c o 1 es : l'une mésophile, mycosociologiques quelles hébergent: oligotrophe, la Chênaie sessiliflore médioeuropéenne; 1. Formations silvatique caducifoliées : Hêtraies, une autre de caractère montagnard, fraîche et froide, la Chênaies à Bouleaux, Chênaies à Charmes, Acereto­ Hêtraie ardennaise; une troisième, thermophile et eutro­ Fraxinef 11111. phe, la Chênaie de Famenne. 2. Tourbières : Tourbières soligènes oligotrophes, 2 ° Des f o r ê t s c a 1 c i c o 1 e s : une forêt thermo­ Tourbière ombrogènes, Tourbière basiclines. phi le, la Chênaie à Charmes et à Primevères; une forêt xérophile, la Chênaie à Chênes pubescents; et enfin la 3. Fourrés et bois tourbeux : Fourrés de Saules à oreil­ forêt froide et humide des ravins et éboulis calcaires, à lette , Aulnaies à Sphaigne , Bétulaie tourbeuse, Erables et Frênes. Polytricheto-Salicet u m. 4. Ruisseaux et mycétation des brindilles immergées. Nos observations se sont étendues à de nombreux 5. Formations de landes et de prairies : Landes à Cal­ massifs boisés. Nous nous limiterons ici à 18 forêts, qui représentent les 6 types considérés et qui nous ont lunes, Garrides à Bromus, Prairies moussues, Prai­ fourni les données les plus nombreuses. Les autres ries fumées. forêts explorées seront citées, car elles nous ont permis 6. Cultures forestières : Pe ières acide , Pe sières cal­ de nous faire une idée de l'extension géographique des caires, Pineraies acides, Pineraies calcaires, Mélè­ groupements découverts. zaies, Populaies. Nous subdivisons cette troisième partie en deux sec­ tions. Le présent mémoire vise eulement à proposer une Dans la première, nous présentons l'analyse éco­ méthode et à permettre de la juger. Aussi nous en tien­ logique, phytosociologique et mycosociologique des drons-nous ici à la relation des recherches effectuées sites étudiés, en consacrant un chapitre à chacun des dans quelques bois feuillu . types forestiers. Le nombre des associations, sous-a sociations et Dans la seconde, nous cherchons à faire la synthèse variantes forestières reconnues dans notre pays est rela­ des faits observés, à définir et à décrire les unités ti vement élevé (MOSSERAY, 1941; Louis et LEBRUN. mycosociologiques que cette synthèse fait apparaître; 1942; DUVIGNEAUD, 1945; MULLENDERS et NorRFALISE, les différentes classes de mycétation font l'objet de l 948; LEBRUN, NOIRFALISE, HEINEMAN et VA DE chapitres distincts.

55 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

SECTION A ANALYSE MYCOSOCIOLOGIQUE DE FORMATIONS SILVATIQUES CADUCIFOLIÉES

La description des sites analysés dans ce travail est ou peu connues, de formes spéciales, ont fait l'objet basée sur nos observations personnelles et sur les docu­ d'une description, de dessins ou d'aquarelles. De nom­ ments généraux disponibles; nous citons dans le texte breux exsiccata sont conservés en herbier, de telle tout travail particulier auquel il est fait appel. sorte qu'il est souvent possible de vérifier une détermi­ Les renseignements topographiques ont été lus sur nation, ou, lorsqu'une espèce est démembrée, de pré­ les cartes militaires de la Belgique au 1/10000• et au ciser le taxon qui figure dans tel ou tel groupement et 1/20000• (altitudes et superficies) ou déterminés sur le de ne pas perdre le bénéfice de la récolte. terrain (pentes, orientations). Nous avons dit dans l'introduction quelles étaient Les renseignements géologiques sont extraits de la les difficultés de la mycologie systématique. Il importe carte géologique de la Belgique au 1/40000•; pour l'Eo­ que nous précisions les ouvrages sur lesquels nous dévonien nous avons suivi la nomenclature proposée avons basé nos déterminations : par ASSELBERGHS (1946). Flores iconographiques: Les mesures de pH ont été faites à l'aide du com­ LANGE: Flora Agaricina danica (1935-1940); parateur calorimétrique de Hellige; à titre de contrôle, KONRAD et MAUBLANC : Icones selectae Fungorum plusieurs échantillons ont été vérifiés à l'aide de l'appa­ (1924-1937); reil électronique Radiometer. BRESADOLA: Iconographia mycologica (1927-1933); Les données climatographiques ont été fournies par !'Esquisse climatographique de la Belgique de PONCE­ BOUDIER: Icones mycologicae (1904-1910); LET et MARTIN (1947). Afin de donner une image éco­ GILLET : Les Champignons qui croissent en France (1878-1890); logique du climat, nous avons ajouté l'indice annuel de Lang (rapport Précipitations/Température), d'après la COOKE: Illustrations of British Fungi (1881-1891). carte publiée par NOIRFALTSE et GALOUX (1950). Monographies, notes et clés de Nous avons obtenu, consignés dans les documents détermination: d'archives ou transmis verbalement par les officiers Hétérobasidiés, Homobasidiés Aphyllophorales : BouR- de !'Administration des Eaux et Forêts, les renseigne­ DOT et GALZIN (1927); ments qui nous étaient nécessaires. Polyporacées s. 1. : PILAT (1936); La méthode utilisée dans nos relevés phytosociolo­ Pleurotus: PILAT (1935); logiques est celle de l'Ecole zuricho-montpelliéraine. Omphalia : CEJP (1936); La nomenclature suivie est celle adoptée dans le travail Mycena : KüHNER (1938); phytosociologique d'ensemble le plus récemment paru Tricholoma : M ÉTROD (1942); dans notre pays (LEBRUN, NOIRFALISE, HEINEMANN et Melanoleuca : MÉTROD (1942); V ANDEN BERGHEN, 1949). Lepiota : K üHNER (1936), LocQUIN (1945); La nomenclature systématique est, en principe, Pluteus: ROMAGNESI (1940); pour chaque groupe respectif, celle de : Coprinus: ROMAGNESI (1941); Phanérogames : HAUMAN et BALLE (1934); Lactarius : ROMAGNESI (1939, 1949), HEINEMANN (1948); Ptéridophytes : LAWALRÉE (1950); Va/varia : HEIM (1936); Mousses : D EMARET (1945); Boletus: KALLENBACH (1934-1942), GILBERT (1931). Mycètes: BOUDIER (1907), Discomycètes; BOURDOT et HEINEMANN (1943); GALZIN (1927), Basidiomycètes Hétérobasidiés et Russula : HEINEMANN (1944, 1950), MELZER et ZVARA Homobasidiés Aphyllophorales (excl. Polyporacées (1927), SCHAEFFER (1933-1934), SINGER (1932, s. l.); PILAT (1936), Polyporacées s. l.; KONRAD et 1936), ROMAGNESI (1936); MAUBLANC (1948), SINGER (1949), Basidiomycètes Hygrophorus: BATAILLE (1910); Agaricales. Cortinarius: BATAILLE (1912), HENRY (B.S.M.F., nom- breux articles); Toutes les récoltes mycologiques ont été soumises Conocybe, Galerina : KüHNER (1935); à un examen macroscopique et microscopique appro­ Amanita : HEINEMANN (1935); fondi; certaines d'entre elles et notamment celles d'es­ Inocybe : HEIM (1931), BOURSIER et KüHNER (1928). pèces de détermination délicate, d 'espèces litigieuses KüHNER et BOURSIER (1932).

56 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

Il nous reste à formuler une remarque au sujet de MOUREAU : ces données sont repérées par le signe x ; l'application de notre méthode. nous les avons traduites en coefficients dans les cas où Nous avons montré qu'il convenait de rassembler des notes très détaillées le permettaient. Nous avons au le plus de données possibles sur chacun des sites étu­ même titre intégré dans les tableaux cumulatifs nos diés et de dresser des relevés cumulatifs. Nous avons relevés antérieurs à la mise au point de la technique pu disposer, pour plusieurs forêts décrites ici, des notes mycosociologique; la grande précision des données recueillies par le Cercle mycologique liégeois depuis sa recueillies (une fiche par mycélium observé) a permis fondation (1 935) et, pour une Hêtraie ardennaise (Je de les exprimer toutes en coefficients . Roerbusch), des observations de MM. DAMBLON et •••

TABLEAU 7. - Types de mycotopes observés dans les associations forestières étudiées.

Associations forestières

Chênaie Type Mycotopes Chênaie 1. Chênaie 1 Chênaie Forêt sessiflore 1 Hêtraie a Charmes à Chênes à Erables médio- ardennaise de et à 1 et Frênes européenne Famenne .P rimevères pubescents 1

1 Mycotopes terrestres A Sur Je sol forestier (épigés) ...... + + + + + + B Dans le sol (hypogés) ...... + c Dans la couche de feuilles mortes et de brindilles en voie d'humification (endogés) ...... 1 + + + +

M ycotopes ligneux D Sur les souches et les débris ligneux plus ou moins enfouis (épixyles subterrestres) ...... + + + + + + E Sur les brindilles près du sol (épixyles inférieurs) .. ... + + + + + F Sur les branches mortes et tombées (épixyles moyens) .. + + + + G Sur les troncs abattus (épixyles moyens) ...... + + + + ... H 1 Sur le bois des buissons (épixyles moyens) ...... + + + 1 Sur le bois des cépées (épixyles supérieurs) ...... + + + + + J Sur les troncs debout (épixyles moyens) ...... + + + + + K Sur le bois des cimes de la futaie (épixyles supérieurs) ... + + + + 1 Mycotopes bryophytiques L Sur les tapis de mousses (bryophiles) ...... + + + + M Dans les coussins de mousses (bryophiles) ...... + + Parmi les mousses des troncs (bryophiles) ...... + + 0 Sur les tapis de Polytrics (bryophiles) ...... + +

1 Mycotopes accidentels s Sur l'argile nue, les ornières le limon humide (épigés) ... + + T Sur le sol herbeux plus ou moins azoté des chemins forestiers (épigés) ...... + + + + u Sur le sol neutre des lisières le long des grands-routes 1 (épigés) ...... + V Dans les endroits dégradés parmi les bruyères ou les graminées (épigés) ...... + + X Sur le sol marécageux près des sources (épigés) ...... + z Sur les fauldes (épigés) ...... + + + +

1 1

57 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

L'analyse mycosociologique d'une association végé­ ont été rangés sous l'étiquette cc mycotope A J>, les tale est axée, ainsi que nous l'avons montré, sur la mycotopes cc souches » sous l'étiquette cc mycotope D >>, détection et sur la définition des mycotopes qu'elle etc. Cette étiquette implique la simple analogie, il n'y comporte. a pas nécessairement identité : les mycotopes sont Sur la base des principes et des règles adoptées, parfois identiques (cas du cc bois des cimes de la tenant compte des substrats disponibles et de la phy­ futaie », mycotope K, par exemple), mais ils peuvent sionomie globale des unités de mycétation, nous avons être fort différents d'une association à l'autre; tel est distingué dans les six associations forestières envisa­ le cas des sols forestiers. gées, une série de m y c o t o p e s te r r e s t r e s , de Le tableau 7 donne la liste des types de mycotopes mycotopes ligneux, de mycotope s repérés dans les diverses associations forestières étudiées. b r y o p h y t i q u e s et de m y c o t o p e s a cc i - Avant d'effectuer le travail de synthèse, nous ver­ dente 1 s (en majeure partie antbropogènes), héber­ rons comment une analyse sociologico-physionomique geant chacun une synmycie et constituant autant de des synmycies peut permettre de contrôler les analogies mycosynécies. Les mycotopes analogues rencontrés réelles de ces types de mycotopes; il est réservé à la dans les diverses associations ont été rattachés à un synthèse fongistique de faire ressortir les rapports même type; ainsi les divers mycotopes cc sol forestier '' d'identité qui existent entre les mycosynécies.

CHAPITRE I

LA CHÊNAIE SESSILIFLORE À BOULEAUX (Quercetum sessilifiorae medioeuropaeum BR.-BL.)

L'association forestière la plus répandue sur les Robertville : Neckel et Reinarstein. sols siliceux de Haute Belgique est la Chênaie à Chênes Membach : Getzbusch. sessiles et Bouleaux (Quercetum sessiliflorae medioeu­ La Gleize : Bois de Cour. ropaeum BR.-BL. = Querceto sessiliflorae - Betuletum Spa : Bois de Lébiolle. Francorchamps : Bois de Francorchamps. Tüx.). T heux : Bois de Staneux. Cette association résulte en général de l'altération Rahier : Bois de Rahier. de la Chênaie à Charmes acidophile, climax forestier Lorcé : Bois des Fagnes. des terrains gréseux et schisto-gréseux de la Haute Chevron : Grirnbiérnont et Bru. Belgique, en dessous de l'étage du Hêtre (450 m) (1). Harzé : Bois de Berleur. Werbomont: Les Arsins, Taille Tinhé et Bois de Regnier. L 'influence humaine (feux, essartage, pâturage en E rnonheid : Taille Boha. forêt) est responsable de la dégradation de la flore, du Ferrières : Bois de Saint-Roch. sol et du climat de cette formation initiale et l'associa­ Ferrières : Bois de Lafru. tion actuelle doit être regardée comme un subclimax. Ferrières : Bois de la Heid Chaude. Le sol est une terre brune forestière dégradée, super­ Ferrières : Bois des Fanges. Xhoris : Bois de Xhoris. ficielle, surmontée souvent d'un néoprofil podzolique. Samrée : Bois de Maboge. La structure floristique du Quercetum sessiliflorae Willerzies : Bois de !'Abîme. medioeuropaeum est bien individualisée et son noyau Louveigné : Bois de Stinval. d'espèces caractéristiques se retrouve dans les nom­ Gomzé-Andoumont : Haie des Chênes. breuses sous-associations et variantes qu'il est possible Profondeville : Bois de Hulle. de considérer en fonction des légères modifications du Pepinster : Bois de Tancrémont. Pepinster : Bois de Banneux. sol, des fluctuations de niveau phréatique, des degrés Fraipont: Bois de Fraipont. de dégradation, des procédés d'exploitation ou de la Forêt: Ry de Mosbeux. situation géographique. Forêt (Péry) : Les Croisettes. Chaudfontaine : Bois de la Rochette. Chaudfontaine: Bois Bouny. § 1. LES SITES ETUDIES Tilff : Bois de Tilff. Tilff : Bois des Manants. Nous avons recuei lli des données mycologiques Méry: Bois de Monceau. dans de nombreuses Chênaies de ce type en Ardenne, Méry: Bois de Farnelette, de Nornont, de Sur le Mont. Angleur et Ougrée: Forêt du Sart Tilrnan. en Ardenne condrusienne et en Condroz (carte 1) : Seraing : Forêt de la Vecquée. Ombret : Bois des Darnes. (1) N.D.L.R.: Ces concepts doivent évidemment être Esneux, Anthisnes et Poulseur massif forestier du Bois nuancés à la lumière des données plus récentes de la phyto­ d'Esneux. sociologie. Esneux : Bois de Lhonneux. 58 t1 ;J>z l'Cl'.l tr1 Cl'.l 'T1 0 ~ tr1 >-3 Cl'.l

/-.~;-,// l...(:C)(_, /~;7 _)-\~ '{\ ' ~::..

::r:: c;J> , ... 11 >-3 tr1 o; l'tr1 ....0 0c tr1

Carte 1

CHÊNAIES SESSILIFLORES À BOULEAUX

• Sites visités .

.À. Sites analysés sociologiquement...... ,...... ~ ~ ~ .. Vl ,, ..i\ ...."'...... \0 ...tA.. > ... F. DARIMONT. RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Comblain-au-Pont : Bois de Comblain. europaeum, mêmes caractères écologiques mésophiles, Ben-Ahin : Bois des Trixhes. même caractère floristique subatlantique, même traite­ Gives : Bois de Wasimont. ment en futaie sur taillis. Ce sont: la Forêt de la Vec­ Les Avins, Havelange et Pailhe: Bois de Bassin. quée à Seraing, le Bois de Fraipont et le massif forestier Marche-les-Dames : Bois de la Gelbressée. du Bois d'Esneux à Esneux, Anthisnes et Poulseur , Nous présenterons ici les observations mycosociolo­ respectivement désignés dans les tableaux ci-après par giques effectuées dans les trois forêts qui ont en com­ les initales FV, BF et BE. mun les caractères dominants suivants : même sous­ Le tableau 8 situe ces massifs forestiers et précise association typique du Quercetum sessiliflorae medio- leurs caractères topographiques et écologiques.

TABLEAU 8. - Quercetum sessiliflorae medioeuropaeum typicum. Caractères généraux des sites étudiés.

Forêts ...... FV BF BE 1 1

Altitude (m) ...... 200-250 225-300 175-285 Situation ...... Versants et plateau Versants et plateau Versants et plateau Traitement ...... Futaie sur taillis Futaie sur taillis Futaie sur taillis Sous-sol: étage ...... Emsien Siegenien Emsien

Sous-sol: nature ...... Grès et schistes Grès et schistes Grès et schistes pH du sol ...... 5, 5 5,2 5,8 Température annuelle moyenne vraie ...... 90 90 90 Pluviosité annuelle moyenne (mm) ...... 950 950 950 Indice annuel de Lang (P/T ) ...... 105 105 105 1

Le tableau 9 rassemble trois des relevés phytosociologiques que nous avons effectués dans ces bois.

TABLEAU 9. - Quercetum sessiliflorae medioeuropaeum typicum. Relevés pbytosociologiques.

Forêts ... FV BF BE

Date du relevé ... 18.V.45 19.IX.43 24.VIII.41 Superficie du relevé (ha) ... 0,25 0,50 Couverture de la strate arborescente 65 % 70 % 80 % Couverture de la strate herbacée ... 75 % 90 % 60 % Couverture de la strate muscinale .. 5 % 10 % 5 %

C a rac t é ri s tiqu es d e l 'associ ati o n:

Laihyrus monianus .. + .2 l. 2 + .2 Maianihemum bifolium ... 1. 2 +.2 1. 2

Hieracium levigaium +.l l. 1 + . I

Populus tremula 1. 3 (1. 3) + .3 Mespilus germanica . + . l + . l Veronica officinalis .. +.2 + .2 Blechnum spicant . . . + .3 Stachys officinalis .. . + .2

60 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

TABLEAU 9 (suite).

Forêts FV BF BE

Diffé rentie lles du groupe du chêne sessile Quercus sessiliflora .. 3.3 4.4 3.3 Convallaria maialis . 2.3 2.3 ]. 3 Luzula nemorosa 1.2 +. 2 1.2 Luzula silvatica l. 3 +.2 Oxalis acetosella +. 3 ]. 3 Solidago virga-aurea 1.2 +.] Teucrium scorodonia 1.2 1. 2

Ca ra c té ri s t i q u es d e 1' a 11 i an ce (Quercion roboris-sessiliflorae c t d e 1 'ordre (Quercetalia roboris-sessiliflorae) : Afelampy rum pratense 1.2 1.1 +. 2 Holcus mollis ... 2.3 ]. 3 2.2 Lonicera periclymem1m ... 2.3 1. 2 l. 3 Pteridium aquilinum 3.4 3.4 2.4 Bewla verrucosa 2.2 l. 2 2.2 Beutla pubescens l.2 2.2 +.2 Hieraci11111 sabaudum +. l 1. l Hypericum pulchrum l. 1 1.1 H ieraci11111 umbellawm +. I 1. 1 Sorbus aucuparia ]. 1 ]. 2 +. l Carex pilulife ra +.2 +.2 +. 2 Pirola roumdifolia .. 1.4

Po/y t ric/111111 f ormosum l. 3 1. 3 +.3 Dicra1111111 scopari11111 l. 3 1.2 1. 3

Compagnes : Quercus robur .. l. 2 +.2 l. 2 J1111iperus communis . +. I Vacci11i11m myrtillus 3.3 3.3 3.3 Pagus silvatica . 1. 2 +.2 1.2 Carpinus bewlus ]. 2 +. I +. 2 Sambucus nigra +.3 Fra11gula al11us . 1. 1 1.1 1.1 Sa111b11cus racemosa . +.2 Calluna vulgaris 1. 20 2.2 1. 2 Sieglingia decumbens +.2 Ilex aquifolium +.! A1oli11ia caernlea ]. 3 2.3 +.3 Deschampsia flexuosa 3.3 3.3 ]. 3

61 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCJOLOGIQUES

TABLEAU 9 (suite). Tableaux IO/ 1 à 5, en annexe.

Forêts FV BF BE

Festuca gr. avina J. 2 1. 2 Agrostis vulgaris J.2 1.2 1. 2 Anihoxanthum odorauan 2 . 2 + .2 J .2

Pseudoscleropodium purum J.2 +. 2 1. 2

Hylocomium splendens J.2 1. 2 Hypnum cupressifonne +. 2 +. 2 1. 2

Emodon schreberi 1. 3 2.3 1. 3

1\lfnium Jwrnum +. 2 + . 2 Dryopteris spinulosa +. l 1.2

Poa nemoralis .. 1. 2 +. 2 Rubus sp. . . .. 2.2 Oreopteris montana . + .3

Potentilla erecia ... + .2 + .2 Sarothamnus scoparius ... +.2

Galium saxatile + .3 +.3

Polytrichum commune ( l .4) ( l .4)

Erica tetralix ...... ( +.2) ( 1. 3)

La Forêt de la Vecquée. à la dégradation de cette forêt dans le passé ont encore un effet direct sur la fonge. En effet, la population du La Forêt de la Vecquée est une partie importante du bassin industriel comporte un fort pourcentage de tra­ massif forestier de Liège. Elle couvre, au sud de la vailleurs étrangers; les Italiens, Russes, Polonais, etc., ville, sur le territoire communal de Seraing, une super­ connaissent et consomment couramment dans leur ficie de 780 ha. Elle fait partie de l'Ardenne condru­ pays les champignons comestibles. Les cueillettes mas­ sienne, terroir qui sépare ici le Condroz de la vallée de sives a uxquelles ils se livrent dans la Forêt de la Vec­ la Meuse et que les géographes ont distingué à son quée, nous ont empêché de traduire exactement dans relief accusé et à son caractère boisé. tous nos relevés le développement des Bolets, des Rus­ De toutes les Chênaies sessiliflores que nous avons sules (1) et en général de toutes les espèces comestibles étudiées, c'est la forêt de la Vecquée (photo 1) qui a été classiques : Golmote (Amanita rubescens), Chanterelle l'objet de l'analyse mycologique la plus poussée. Toute (Cantharellus cibarius), Pied bleu (R/10dopaxi/111s n11- l'année 1942 lui a été consacrée et le nombre des visi­ dus), etc. L'Armillaire (A rmillariel/a me/Ica) est très tes a été aussi rapproché que le permettait le temps recherchée et la Fausse Oronge (A m a nita muscaria) est nécessaire aux déterminations; en moyenne, une explo­ parfois récoltée et apparemment consommée impuné­ ration a eu lieu tous les huit jours; le meilleur travail a ment (2). La Pholiote changeante (Pholiota 11111/abilis) été fo urni à l'occasion d'un séjour d'un mois à l'orée n'est pas récoltée. de la forêt. Quelques observations complémentaires ont été effectuées durant les années suivantes. (1) Toutes les Russules sont récoltées. Celles qui Le tableau 10 et le tableau lObis donnent le détail restent âcres après exposition à la chaleur sont rejetées, les de 47 relevés mycologiques faits à Seraing dans la autres sont bouillies et consommées. Chênaie sessiliflore. Les 18 mycotopes repérés et les 0 Nous avons vu fréquemment des paniers complètement 511 taxons recensés ont permis de recueillir 1 827 remplis de ce champignon toxique, qui a même à son actif des empoisonnements mortels. Interrogés, les récolteurs nous ont données mycosociologiques. déclaré le consommer après une ébullition prolongée et plu­ Les influences anthropiques qui ont tant contribué sieurs renouvellements de l'eau de cuisson.

62 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

TABLEAU 1Obi s. - Forêt de la Vecquée (Seraing) : Série sylvatique silicicole. Dynamique des groupements fongiques.

Série progressive Série régressive Il

1 2 3 4 1 5 6 7 8 1 1

Querceium sessilijl.orae media- Espèces du 1 europaewn : 1 Collybia dryophila ...... 3.4go 1. 2g Boleius chrysenieron ...... 2 .2g l. lg Tubaria furfuracea ...... 2.3gc +.2gc Laccaria amethysiina ...... l.2g +. lg Hydnum repandum ...... ]. l g Lactarius piperaius ...... +. Jg Lactarius vellereus ...... ]. l g Russula cyanoxantha ...... +. l s Russula vesca ...... + . l g Russula lepida ...... 1. 1s +. ls Russula chamaeleonrina ...... +. lg l. lg

Espèces du cortège du Bouleau : Russula aernginea 1. Jg +. ls +. lg + . l g Lactarius theiogalus ...... l. lg l.2g 2.3g 2.2g Corrinarius armillatus ...... + . lg l. lg Russula venosa ...... +. ls +. l g A111a11ita 111uscaria ...... 2.2g 3 .4g 2 .3g 3.2g 3.4g 3.3g Bolews scaber ...... +. l g 2 .2g 2 . lg 3 . 2g 2.3g l. lg Tricholoma flavobrunneum ...... +. l g l. lg +.2g l.2g l. 3g l.2g Lactarius glyciosmus ...... J.2g 2 . 3g l.2g 3.3g 2.2g Bolerus rufescens ...... l. l g +. Js 3.3g 2.2g 3.2g Bolews aurantiacus ...... 1. Jg l. l g +. l g l. l g 2.2g Corti11ari11s pholideus ...... l. lg 2 . Jg 2.3g l. l g Paxillus involutus ...... +. ls 2.2g 2 . l g 3. Jg 2. l g Bolews ho/opus ...... +. lg 1. l g +. l g + . l g +. ls +.3g l.2g Amanila pantlzerina ...... 1 Lacrarius plumbeus ...... 2.2g J.2g 2.3g l. 3g Lactarius torminosus ...... +.2g 2.2g 2.2g Lactarius p11besce11s ...... 1. 3g Lactarius vietus ...... J.2g +.2g Corrinarius hemirrichus ...... +.2g +.2g 2.2g 2.2g

Espèces du Callu11ero-Ge11isrerum : btocy be lacera ...... 2.3g +.2g +. lg Camharellus tubiformis ...... +.3gc 1. 2gc 2.3gc Galacrinia badia ...... 1. 3g +. 2g +. 2g J\1arasmius androsaceus ...... J. 2g +.2g l. 3g Lepiota excoriata ...... +. l s +. ls Omphalia scyphoides ...... +. 2g +. Jg J.2g 2.3g Clavaria argillacea ...... l .4gc Fulvidula fulge11s ...... +. lg Omphalia rustica ...... 2 . 2g l. lg Il 1 63 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

TABLEAU !Obis (suite). Tableaux 11 et 12, en annexe.

1 Série progressive Série régressive

l 2 3 4 5 1 6 7 8 1

·' 1

1 1 1 Compagnes: 1 Laccaria laccata ...... + . l g +.2g 2.3g 3 . lg 2.2g 3.3g 2 . 3g Aiyce11a epipterygia ...... 2 . 3gc 2. lgc l .2gc 3.3gc l .2gc 3.2gc 1 1 1 1 Amanira cilri11a ,·ar. alba ...... +. ls l.2g 3.2g _,_ . ls Boletus edulis ...... 1 2.3g 3.3g +. lg 1 1 Hebeloma cruswli11ifor111e ...... 3.4g 2.4g l .3g 1 1 Cortinarius a110111a/11s ...... +. lg 2.2g 1 3 . 2g J\Iycena galopoda ...... l . 2gc l .3gc 1 Rhodophyllus staurosporus ...... +. ls +. 1s .. 1 Bolews piperaws ...... 1 2 . lg l. l s Clitocybe clavipes ...... + . lg 2. 2g

1 1

LÉGENDE DU TABLEAU.

Série progressive de recolonisation forestière (Forêt de la Vecquée: Mare-a ux-Joncs, déblais):

l. Jeune Callunaie (2 ans) : 30.V.42; 13.VIII.42; 19.IX.42; 21.X.42 (400 m 2) . 2. Jeune bérulaie sur Callunaie (6 ans) : 13.VIII.42; 19.IX.42; 21.X.42 (400 m 2) . 3. Bérulaie pure (15 ans) : 13.VIII.42; 19.IX.42; 21.X.42 (400 m 2) . 4. Chênaie claire à Bouleaux : 13.VIII.42; 19.IX.42; 21.X.42 (400 m 2) .

Série régressive de dégradation forestière (Forêt de la Vecquée : Sentier des Airelles) :

5. Chênaie dégradée à Bouleaux : 22.VIII.42; 26.IX.42; 10.X.42 (400 m 2, . 6. Bérulaie pure : 22.VIII.42; 26.IX.42; 10.X.42 (400 m 2). 7. Callunaie à Bouleaux : 22.VIII.42; 22.X.45 (400 m 2) . 8. Haute Callunaie : 22.VIII.42; 26.IX.42; 10.X.42; 22.X.45 (400 m 2) .

Le Bois de Fraipont. Le massif forestier du Bois d'Esneux.

Nous appelons Bois de Fraipont l'ensemble fores­ Ce massif comporte le Bois communal d'Esneux et tier qui sépare dans leur cours inférieur le Ry de Xha­ le Parc des Fonds de Mary sur le terri toire d'Esneux. le vegnée et le Ruisseau du Fonds des Trois Bois. Ce mas­ Bois d'Anthisnes sur Anthisnes et le Bois Lahaut sur sif boisé au sous-sol siegenien supérieur formé de Poulseur. Ce massif boisé condrusien s'étend sur 800 ha schistes et de grès-quartzites appartient lui aussi à environ. La majeure partie de cette fo rêt est traitée en l'Ardenne condrusienne. Il a une superficie de plus de futaie sur taillis. 300 ha et il est traité, dans les parties que nous avons Nous avons effectué huit explorations mycologiqucs explorées, en futaie sur taillis. dans ces bois et avons adjoint à nos relevés la liste des Nous avons effectué dans ce bois quatre explora­ espèces recueillies au cours d'une excursion du Cercle tions mycologiques; elles suffisent à faire ressortir les mycologique de L iège en 1936; faute de précisions sur analogies avec la mycétation de la Forêt de la Vecquée l'importance des récoltes, les données ne sont pas et elles nous renseignent sur des espèces difficilement coefficionnées : nous avons simplement traduit leur pré­ observées à Seraing par suite des cueillettes utilitaires sence par le signe x ; l'i ntérêt de cette liste réside en (Bolets, etc.). ce fait qu'elle nous donne une bonne image de l'aspect Le tableau 11 donne le détail des quatre relevés estival. faits à Fraipont. Les 15 mycotopes analysés et les 193 Le tableau 12 donne le détail de ces neuf relevés. taxons recensés ont permis de recueillir 295 données Les 12 mycotopes analysés et les 191 taxons recensés mycosociologiques. ont permis de recueillir 483 données mycosociologiques.

64 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

Boletus pipera/us Boletus pseudoscaber § 2. LES MYCOSYNECIES OBSERVEES Boletus que/eti Boletus rufescens Sur la base des substrats disponibles, on peut dis­ Boletus scaber tinguer dans la Chênaie sessiliflore les mycotopes Boletus spadiceus Boletus subtomentosus humeux, les mycotopes ligneux et les mycotopes bryo­ Clavaria cinerea phytiques. Clavaria cristata Sur la base de la physionomie, on peut ensuite dis­ Clitocybe dico/or tinguer 2 mycotopes bumeux, 8 mycotopes ligneux et Clitocybe gal/inacea 3 mycotopes bryophytiques. Clitocybe infundibuliformis Clitocybe nebularis L'influence humaine a créé dans ces bois quelques C/itopilus prunulus mycotopes spéciaux : nous avons distingué 5 mycoto­ Collybia bu tyracea pes anthropogènes. Collybia dryophila Le tableau 13 donne la liste d'ensemble des myco­ Cortinarius anomalus topes observés dans les Chênaies sessiliflores de Cortinarius elatior Craterellus cornucopioides Seraing, Fraipont et Esneux. Hebeloma crustu/iniforme Les tableaux 10, !Obis, 11 et 12 donnent Je détail Hydnum repandum des relevés des synmycies effectués dans les différents Ithyphallus impudicus mycotopes des trois bois étucliés et expriment en chif­ Laccaria amethystina fres de fréquence et d'abondance-sociabilité maxima­ Laccaria laccata Lactarius camphoratus les, Je potentiel mycologique de chacun de ces myco­ Lactarius plumbeus topes. Lactarius theiogalus La comparaison des trois listes d'espèces et des Lactarius vellereus coefficients et indices sociologiques qui leur sont attri­ Lactarius vietus Leotia lubrica bués, l'examen des types physionomiques des carpo­ Lycoperdon echinatum phores, un aperçu des aspects saisonniers nous rensei­ Marasmius confluens gnent sur l'allure générale de la mycétation dans Je Mucidula radicata Q11ercetum sessiliflora e medioeuropaeum. Mycena epipterygia Nous allons considérer chacun des mycotopes repé­ Mycena galopoda Mycena pura rés dans ce type de bois. Si les synmycies relevées ont Mycena sanguinolenta fourni des documents suffisants, nous verrons quelle Paxillus i11 volutus est leur nature sociologique: nombre d'espèces, cons­ Rhodopaxillus nudus tance, fréquence, sociabilité, facies, périodicité saison­ Russula aeruginea nière. Le tableau 14 récapitule les chiffres qui vont être Russula cyanoxantha Russula /epida cités, en même temps qu'il donne la liste des myco­ Russula ochroleuca topes. Russula subfoetens Russula vesca Scleroderma aurantium Mycotope A. - Synmycies épigées du sol forestier. Strobilomyces strobi/aceus (Abondance-dominance : 5) Stropharia aeruginosa Tricholoma co/umbetta La couverture muscinale en tapis ou en coussins est Tricha/orna terreum faible ou localisée, Je mycotope A a une abondance­ dominance maximum. 36 taxons ont une constance IV : Ces synmycies comportent un lot très important de A manita porphyria cons ta nt es : 98, soit 50,2 % des 195 taxons pré­ Amanita vaginata f. a11ra11tiof11/va Boletus aurantiacus sents; 62 taxons ont une constance absolue V : Boletus duriusculus Amanita citrina Boletus ho/opus A manita citri na var. alba Ca11tharel/11s cibari11s Amanita gemma/a Ca11tharel/11s tubiformis A manita muscaria Clitocybe cerussata A manita pa11theri11a Clitocybe clavipes A111a11ita rubesce11s Clitocybe adora Amanita spissa Collybia cirrata Amanita vagi11ata var. /11/ va Corti11arius alboviolaceus Boletus badius Corti11arius armillatus Boletus chryse11tero11 Corti11ari11s paleaceus Bo/etus edulis Cortinarius phoeniceus Boletus erythropus Cortinarius pholideus

65 6 F. DARIMONT. RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

CortinariLts semisang11ine11s tubiformis et Lactarius glyciosmus n'apparaissent pas FlammLt!a /enta comme telles. H elvella crispa Lactarius b/e1111i11s Lactarius glyciosmLts Au point de vue de la soc i ab i 1 i té de s car - Lactari11s pipera/us pop bores, on peut constater que 148 des 195 taxons Lactarius torminosus présents, soit 77,4 %, marufestent une tendance nette à Lactarills volemus la sociabilité grégaire simple cc g » (voir tableaux). Lycoperdon perlatum Rhodophyl/Lts sta11rosporL1s 11 espèces, soit 5,7 %. ont une sociabilité grégaire RussLtla atrop11rp11rea ces piteuse « gc » : R11ss11/a chamaeleontina Ca11tharel/11s t11 biformis R11ss11/a em etica Craterellus cornucopioides R11ss11/a f el/ea Copri11L1s fuscescens R11ss11/a foetens Corti11ari11s scandens Russula puellaris Leotia lubrica R11ss11/a rosea Mycena epipterygia Russula xerampelina Myce11a ga/opoda Tricholoma sulf11re11m M ycena sa11g11i110/enta Tylopilus felleus Otidea 011otica Scleroderma a11ranti11m Les taxons qui, par leur fr é q u en c e , dominent Tubaria f11rf11racea la physionomie du groupement ne sont pas tellement nombreux; aucun n'atteint le coefficient de fréquence 5; Une seule espèce, Phyllacteria terrestris, apparaît 6 seulement peuvent être fréquents (coeff. 4), ce sont : en troupes de carpophores confluents et imbriqués Ama11ita m11scaria 1< gai». Amanita vaginata var. fulva 4 espèces, soit 2 %. apparaissent régulièrement en Cortinari11s pholideus grands cercles « o n : Boletus chrysenteron Boletus edulis Clitocybe cemssata Clitocybe 11 eb11/aris Rhodopaxillus n11dus Rhodopaxillus 1111d11s Rhodophyllus rhodopolius Remarquons que, à part Cortinarius pholideus, ce sont en même temps des constantes. Une espèce, Marasmius confluens, forme des cercles 24 taxons seulement sont fréquents (coefficient 3); de touffes « oc ». ce sont : 3 espèces, soit 1,5 %, A rmillariella mellea, L yophyl­ Amanita citrina lum cartilagineum et Pholiota mutabilis, forment des Amanita citrina var. alba grosses touffes « c ii, les deux dernières de ces espèces Aman.ita rubescens étant en connexion avec du bois enfoui. Boletus aurantiacus Boletus pipera/us 23 taxons n'ont été observés qu'en carpophores Boletus rufescens solitaires cc s ii (12 %) : Boletus scaber Ama11ita porphyria Bolet11s sL1btomentos11s A manita vaginata var. alba Ca11tharel/11s t11biformis Bolet11s pse11dos11/plwre11s Clavaria cristata Clitocybe cyathiformis Clitocybe dico/or Collybia succinea Clitocybe nebularis Cordyceps mi/itaris Collybia dryophila CortinariLIS balausti1111s Cortinari11s elatior Cortinarius bicolor Hebe/oma crustLt/iniforme Cortinarius cliduchus Laccaria amethystina Cortinarius pse11dosc11111/at11s Laccaria laccata Cortinarius orellanus LactariLts glyciosm11s Corti11ari11s semisa11g11ine11s LactariLIS plLtmbeLts Deconica cf. atrorufa Myce11a epipterygia Inocybe asterospora Mycena galopoda Me/ano/e11ca vulgaris Mycena p11ra M11cidula radicata Paxil!Lts invo/11/LtS Pleurote/lus acerosus RL1ss11/a lepida Porphyre/lus porphyrosporus R11ss11la luteotacta 21 de ces taxons sont en même temps des constan­ Russula pectinata tes et il est vraisemblable que c'est par insuffisance R11ssL1/a pseLtdoviolacea Russula rosea d'observations que Boletus aurantiacus, Cantharellus Russula virescens

66 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

L'examen des tableaux montre une nette concor­ Mycotope C. - Synmycies endogées dance générale entre l'abondance sociale maximale des de la couche de feuilles mortes et de brindilles en voie carpophores et la constance des espèces. d'humidification. (Abondance-dominance : 1) Au point de vue du t y p e p h y s i o n o m i q u e , le facies agaricoïde est représenté par 183 taxons sur La forêt est claire, le sol exposé au martèlement de 195, soit 93,9 %. et ce sont en général de grosses espè­ la pluie est tassé et peu propice au développement de ces charnues. Ce pourcentage confirme sur le plan la fonge endogée. Aussi, quoique répandu, le myco­ physionomie des espèces, la validité du mycotope défini tope C est-il relativement localisé et de dominance à la fois sur la base du substrat nourricier et sur la extrêmement faible. On le rencontre dans les dépres­ base de la physionomie stationnelle. sions protégées, là où se sont accumulées durant l'au­ tomne et l'hiver feuilles mortes, brindilles, cupules de Les a s p e c t s s a i s o n n i e r s de cette fonge glands, péricarpes de hêtre, etc. sont fort peu variés. Le sol est froid et lourd, il se Ce mycotope n'a fait l'objet que de trois relevés réchauffe très lentement après l'hiver. Il n'y a pas de dans la Forêt de la Vecquée et d'un autre dans le Bois développement mycologique terrestre au printemps. La de Fraipont. Sa fonge est encore très insuffisamment poussée estivale débute fin mai-début juin avec Colly­ connue. bia dryophila, auquel se joignent bientôt Amanita 6 taxons ont été déterminés, qui sont tous des cham­ rubescens, Paxillus involutus et quelques Bolets. Le pignons très petits : Mollisia apprimés sur le support, nombre d'espèces augmente peu à peu et l'aspect Helotium et Dasyscypha qui ont un même facies de aisonnier estival atteint son maximum fin juillet-début petits Discomycètes stipités, Mycena acicula dont le août : les Amanites, les Bolets et Cantharellus cibarius stipe extrêmement grêle se glisse entre les débris végé­ dominent la physionomie de cet aspect. La nature claire taux et amène le chapeau dans un espace suffisant à du boisement a pour résultat de restreindre aux son extension. Toutes ces espèces sont grégaires sim­ périodes les plus humides le développement des carpo­ ples cc g ». Ce sont les Dasyscypha qui dominent la phores. Aussi la poussée manife te-t-elle des fluctuations physionomie du groupement par leur nombre et la den­ très sensibles, en rapport avec chaque pluie d'orage. Le sité de leurs troupes qui atteignent le coefficient d'abon­ tableau 10 rend bien compte de ce phénomène. dance sociale 5. Après un ralentissement et même très souvent un Nous ne sommes pas renseigné sur le cycle annuel hi atus dans le développement, qui se situe fin août­ de cette fonge, qui n'a été étudiée qu'au printemps à début septembre, de nouvelles espèces font leur appa­ la Vecquée et en été à Fraipont. rition et différencient nettement un aspect automnal. Ce sont les Clitocybes, les Cortinaires, les Tricholomes, Craterel/us cornucopioides, Collybia butyracea. L'as­ pect maximal est atteint fin septembre-début octobre, Mycotope D. - Synmycies épixyles des souches la plupart des espèces donnant des carpophores en et des débris ligneux en étroit contact avec le sol. grand nombre. Les premiers froids d'octobre ralentis­ (Abondance-dominance : 3) sent la poussée, et les gelées qui apparaissent fin octo­ Ce mycotope est répandu partout dans l'associa­ bre ou début novembre arrêtent net tout développe­ tion, mais sa dominance reste faible. Les synmycies ment. On peut à peine parler d'un aspect arrière-autom­ relevées comportent 59 taxons différents. nal. Quelques espèces rendent des carpophores par 28 de ces espèces sont constantes, soit 47,4 %. temps pluvieux entre les périodes de gelée. Nous avons observé ainsi Lactarius vellereus, L. vietus, Mycena pura, Rhodopaxillus nudus, Stropharia squamosa, Constantes V (17 espèces): Tricholoma portentosum. Il n'y a pas d'aspect hivernal A rmillariella mellea de la fonge terrestre. G/oeoporus adustus Hypholoma fasciwlare La formule saisonnière peut s'établir comme suit : H ypholoma sublateritium Mycena galeriw/ata [E 1 Â .. . (aa)]. Mycena po/ygramma E n rés u m é , les synmycies épigées de la Chênaie Pholiota nwtabi/is Plu te us cervinus sessiliflore médioeuropéenne comportent un lot très Psathyrella ca11dol/ea11a important de taxons constants (50,2 %) mais une fré­ Psathyrella hydrophi/a quence le plus souvent faible (15 % des taxons pré­ Schizophyllum commune sents ont une fréquence au moins moyenne). Le type Stereurn gausapaturn social dominant est le type grégaire simple (77,4 %). Stereum hirsutum Stereurn purpureum Presque toutes les espèces ont un facies agaricoïde Stereurn rugosum (93,8 %). Deux aspects saisonniers seulement sont bien Trame/es versico/or caractérisés: un aspect estival et un aspect automnal. Xylaria hypoxy/on 67 F. DARIMONT. RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Constantes IV (11 espèces) : Le type annexé-confluent

68 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

En résumé , les synmycies épixyles des sou­ Stereum fasciatum (1) ches de la Chênaie silicicole médioeuropéenne comptent Stereum purpureum beaucoup d'espèces constantes (47,7 et 20 %) % Au point de vue fr é q u e n c e , une seule espèce d'espèces de fréquence au moins moyenne. La socia­ a, jusqu'à présent, été observée avec la fréquence 4 : bilité des carpophores se répartit entre les types cespi­ Schizophyllum commune, deux autres avec la fré­ teux (35,5 %) et imbriqué (30,3 % ). Le facies agari­ quence 3 : Stereum hirsutum et S. purpureum. coïde domine avec 44 le type pleurotoïde en %. La majeure partie des espèces sont confluentes, soit compte 35,5 %. On peut distinguer quatre aspects imbriquées-confluentes « ai n, 4 espèces (33,3 %) : saisonniers : vernal, estival, automnal, hivernal. Merulius papyrinus Stereum fasciatum (') Mycotope E. - Synmycies épixyles des brindilles Stereum hirsutum Stereum purpureum tombées près du sol (Abondance-dominance: 1) soit grégaires-confluentes « ga n, 2 espèces (16,6 %) : Ce mycotope est peu caractérisé et peu individua­ Bulgaria inquinans Trem ella foliacea lisé dans la Chênaie sessiliflore médioeuropéenne. Marasmius insititius paraît en être une bonne soit résupinées-confluentes cc a », 2 espèces (16,6 %) : constante (V), ainsi que Dochmiopus variabilis, Ste­ Phlebia aurantiaca reum sulphuratum et Schizophyllum commune (IV). Poria versipora Les 13 espèces recensées ont des carpophores de La s o c i a b i 1 i t é d e s c a r p o p h o r e s des petite taille; Trame/es fibula n'est vraisemblablement autres espèces gravite autour du type cespiteux : qu'une forme écologique sans valeur taxonomique, de Trame tes hirs11 ta; le rapport est net entre la taille cc c » : Hypholoma fasciculare, cc ic » : Schizophyllum comm une, réduite et le substrat de faible volume. cc gc » : Ca/ocera cornea. 9 espèces sont grégaires << g n, une est confluente­ imbriquée; 3 ont été trouvées en carpophores soli­ Au point de vue de la p h y s i o n o m i e , 5 espè­ taires. ces ont, dans ce mycotope, des carpophores de facies corticioïde (soit 41 ,6 %). 3 espèces (soit 25 %) ont un Il est prématuré de parler des aspects saisonniers facies trémeUoïde, 3 ont une allure pleurotoïde (25 de ces mycosynécies. %). 1 est agaricoïde (8,3 %). Le développement des carpophores débute en été, Mycotope F. - Synmycies épixyles des branches atteint un premier sommet en automne avec quelques mortes et tombées ou coupées et entassées. espèces charnues et Schizophyllum commune. Le (Abondance-dominance : 1) maximum annuel se produit en hiver : la face inférieure des branches tombées disparaît souvent entièrement Les futaies claires du Q11ercetu111 sessiliflorae ne sous les grandes plaques confluentes des Stereum ou permettent pas l'observation fréquente de ce myco­ de Phlebia aurantiaca. tope. A la Vecquée, en outre, le bois mort est active­ La formule saisonnière peut s'établir provisoire­ ment ramassé par les habitants de Seraing et des villa­ ment comme suit : ges voisins de la forêt; le bois abattu ne séjourne pas longtemps sur l'aire des coupes, par crainte des vols. [(e) - A - aa - HJ. Ce mycotope est donc d'observation très difficile, très irrégulièrement répandu et de densité générale extrê­ Mycotope G. - Synmycies épixyles des troncs abattus. mement faible. (Abondance-dominance : +) Cette mycosynécie a fait l'objet de trois beaux L'entretien des forêts étudiées ne permet pas relevés à Fraipont et d 'observations plus fragmentaires d'observer de troncs abattus normalement et pourris­ à Seraing et à Esneux. sant dans la forêt. Le nombre limité de relevés appelle de nouvelles Les relevés effectués concernent des troncs abattus observations. Mais nous pouvons dès à présent tenter par la cognée et qui séjournent trop peu de temps sur de dégager quelques chiffres et quelques indications: l'aire des coupes pour permettre des observations nous ne nous en dissimulons nullement le caractère suivies. provisoire. Les 15 espèces observées correspondent bien à ce Sur 12 espèces observées dans le mycotope, une, que l'on sait classiquement de cette fonge des troncs Sterewn lzirsutwn, a une constance V; 4 espèces se sont montrées avec une c o n s t a n c e I V : ( 1) N.D.L.R.: Cette détermination paraît inexacte, les échantillons d'herbier identifiés comme tels par F. D ARIMONT Calocera com ea appartenant à S. hirsutum; voir observation dans les commen­ Schizophyllum commune taires de l'index.

69 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

couchés. Mais il est certain que la cons tance Poria versipora des espèces dans ce mycotope est plus élevée qu'il Srereum rugos11m n'apparaît ici, où seul Bulgaria inquinans a une cons­ soit étalés en plaques confluentes et à peine réflé­ tance V, et Schizophyllum commune et Stereum pur­ chies au bord en petits chapeaux plus ou moins imbri­ pureum une constance IV. qués « ai » (3 espèces, 23 %) : Schizophyllum commune apparaît avec le coeffi­ M eruli11s papyrinus cient de fréquence 4, Bulgaria inquinans et Stere11m hirsufllm Stereum hirsutum avec le coefficient 3. Stere11m s11/p/111ratum Les types confluent et imbriqué dominent la s o ci a b i li té des carpophores. soit groupés en masses versiformes confluentes « ga » 9 espèces ont une p h y s i o n o m i e pleurotoïde, (3 espèces, 23 %) : 4 un facies trémelloïde, 1 agaricoïde et 1 corticioïde. Exidia recisa T rem ella foliacea Trem ella m esenterica Mycotope H - Synmycies épixyles des buissons. (Abondance-dominance : 1) Trois espèces ont des carpophores grégaires plus ou moins imbriqués cc gi » (23 %), ce sont 3 Polypores : L'écorce ou le bois mort des buissons (le cc mort Piptoporus bet11/inus bois 11 des forestiers) nourrit quelques champignons Trametes confragosa supérieurs. Mais les buissons sont éliminés à chaque Trametes hirs 11 ta passage de la coupe de taillis et il est rare de trouver ce mycotope bien réalisé dans la Chênaie sessiliflore, La ph y s i o n o m i e d e s c a r p o p ho r es est excepté sous la forme de quelques vieux buissons de dominée par le facies corticioïde, vers lequel tendent Sambucus nigra, S. racemosa, Frangula a/nus ou Mes­ même les espèces normalement dimidiées-confluentes pilus germanica. (7 espèces, 53,8 %); 3 espèces sont trémelloïdes (23 %) Une observation à Seraing et une autre à Fraipont et 3 pleurotoïdes (23 %). nous montrent la constance de Corticium sambuci sur Le développement des carpophores se produit de l'écorce des vieux sureaux disséminés dans ce type de l'été jusqu'à la fin de l'hiver. Le maximum annuel est forêt. atteint durant l'arrière-automne et le groupement garde le même aspect durant tout l'hiver, en manifestant Mycotope 1. - Synmycies épixyles des cépées. seulement un arrêt de développement et une légère (Abondance-dominance : 3) régression des espèces tendres durant les périodes de Le bois mort des arbres de futaie tombé et retenu gelée. parmi les branches dressées des cépées, ainsi que le Les taillis sous futaie claire et les taillis simples bois mort de ces dernières constituent au point de vue de la Chênaie sessiliflore sont très secs au printemps mycologique un horizon bien caractéristique des futaies et nous ne connaissons pas d'aspect printanier de ce sur taillis : ce mycotope est individualisé physiononii­ groupement. quement par les Trémelles et par Merulius papyrinus. La formule saisonnière peut s'établi r : ,,... Les synmycies relevées dans la Chênaie sessiliflore [(e) - a - AA - h]. nous ont donné une liste de 13 espèces, qui comporte 5 espèces de c o n s t a n c e V et 4 espèces de cons­ En rés u m é, les synmycies épixyles des cepees tance IV (soit une constance totale de 69,2 %) : de la Chênaie sessili flore médioeuropéenne comptent 13 espèces, dont 69,2 % sont constantes et 30 % de C o nst a ntes V: fréquence moyenne. La sociabilité des carpophores est Mernlius papyri1111s dominée par le type confluent (77 %); leur physiono­ Penioplzora corticalis mie trahit une nette tendance vers le facies corticioïde Stereum r11gos11m Trametes confragosa (53,8 %), les facies trémelloïde et pleurotoïde se parta­ Tremella m esenterica gent les autres espèces. Ces mycosynécies n'ont qu'un aspect annuel, qui va de l'été à l'hiver et dont le Const a ntes IV: maximum se situe durant l'arrière-automne. Plzlebia aurantiaca Poria versipora Stereum s11 /p/111ratum Mycotope J. - Synmycies épixyles des troncs debout. Tremel/a foliacea (Abondance-dominance : 1) La majeure partie des carpophores montrent une La faible densité de la futaie et les soins attentifs sociabilité du type confluent, soit résupiné-confluent que reçoivent les forêts étudiées ne permettent pas cc a » (4 espèces, 30,7 %) : d'observer souvent les champignons truncicoles. Peniophora corticalis La seule espèce qui paraît constante est Piptoporus Phlebia aurantiaca betulinus, qui s'attaque aux Bouleaux (le mode de

70 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE traitement favorise et augmente la proportion de ceux-ci Ces mycotopes, observés à la Vecquée (Seraing), à dans le cortège floristique de la Chênaie sessiliflore) . Fraipont et à Esneux, ont permis de récolter 15 espè­ La comparaison des 3 synmycies laisse apparaître ces, mais plusieurs d'entre elles paraissent tout à fait une certaine hétérogénéité dans la définition du myco­ indépendantes du mycotope: leurs carpophores étaient tope; la plupart des espèces de la liste de Seraing non seulement implantés dans le sol sous-jacent aux rappellent la fonge des souches : il est de fait qu'elles mousses, mais ils apparaissent en même temps sur le ont été récoltées dans des conditions particulières, sur sol nu dans le voisinage. Déduction faite de ces espè­ de très vieux têtards de Charme, dans une atmosphère ces (Amanita rubescens, Cantharellus cibarius, Paxillus fraîche. involutus), il reste un lot d'espèces dont plusieurs mani­ Cette fonge appelle des observations complémen­ festent une électivité, sinon une exclusivité, pour cet taires. habitat: Clitocybe suaveo/ens Mycotope K. - Synmycies épixyles des cimes Galerina hypnorum des arbres de futaie. Galerina mycenopsis (Abondance-dominance : 1) Hygrophorus minia/Us Ompha/ia fibula Etudié dans deux des trois bois, ce mycotope a Omphalia swartzii fourni une liste de 7 espèces dont 4 sont constantes (57 %) : On peut constater que 5 espèces se sont montrées avec constance dans ce mycotope : Pe11iophora corticalis Phlebia a11ra11tiaca Constantes V: Paria versipora Stere11m mgos11m Galerina hypnorum Omphalia fibula 4 espèces atteignent la fréquence 3 : Exidia gla11d11/osa Constantes IV: Pe11iophora corticalis Laccaria laccata Paria versipora Lactarius camphoratus Stere11m m gos11m Mycena galopoda 5 espèces sont résupinées-confluentes « a » Toutes les espèces ont une sociabilité grégaire « g », (71,5 %) : à part Mycena epipterygia et M. galopoda qui s'obser­ Peniophora corticalis vent souvent en touffes

71 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Mycotope O. - Synmycies des tapis de Polytrics. Paxillus involutus marque une nette préférence à (Abondance-dominance : 1) l'égard de l'argile nue. A part Inocybe Lacera, Boletus chrysenteron, Lac­ Quelques tapis de Polytrichum formosum dans le caria laccata, Omphalia scyphoides, Peziza aurantia et sous-bois clair, l'une ou l'autre plage (plus rare) de Scleroderma verrucosum, les autres espèces n'ont été Polytrichum commune dans une dépression maréca­ observées qu'une fois ou deux dans le mycotope, sur un geuse, représentent dans la Chênaie sessiliflore un total de 16 observations, avec des coefficients très bas : mycotope étroitement localisé et de densité générale + .ls, + .lg, + .2g, et elles sont communes sur le sol très faible certes, mais néanmoins nettement indivi­ forestier; elles doivent donc être considérées comme des dualisé par le substrat, par l'ambiance microclimatique transgressives accidentelles. et par la physionomie des carpophores dont les stipes Des observations nouvelles permettront de préciser sont tous très allongés. la valeur sociologique des espèces pour lesque!Jes nous La liste des 14 espèces observées à Seraing et à venons de faire une réserve. Mais la mycétation de Anthisnes (Massif du Bois d'Esneux) groupe, à côté l'argile et des ornières est dès à présent nettement indi­ d'une espèce étroitement liée au Polytric, Hygropho­ vidualisée et caractérisée par Galactinia badia, Laccaria ropsis umbonata, et de 2 espèces bryophiles strictes, tortilis et Scleroderma aurantium, cette dernière espèce Galerina hypnorum et G. mycenopsis, une série de y atteignant la fréquence 3. La physionomie des taxons champignons qui croissent dans les mêmes bois en se répartit entre les facies agaricoïde (64,2 %), pézi­ dehors des Polytrics (Clitocybe clavipes, Cortinarius zoïde (7,1 %), lycoperdoïde (14,2 %) et un facies pro­ azureus, C. raphanoides, Boletus ho/opus, Cortinarius pre à ce mycotope et que nous qualifierons de torti­ pholideus, Lactarius glyciosmus, Tricholomu f lavo­ loïde (10,7 %) : stipe court, tortu, chapeau petit souvent brunneum). Les 4 dernières de ces espèces appartien­ irrégulier, type Laccaria tortilis. nent au cortège du Bouleau en terrain acide, voire même tourbeux (Boletus ho/opus). D'autres espèces de la liste, Cortinarius croceifolius, C. flexipes, Mycena Mycotope T. - Synmycies des chemins forestiers adonis, se retrouvent dans les tourbières. Il est évi­ herbeux. dent que ces mycosynécies marquent une transition (Abondance-dominance : 2) vers les bois tourbeux et les tourbières et que c'est dans cette direction que doit s'orienter l'étude de cette Les massifs de la Vecquée, du Bois d'Esneux et dLI fange. Bois de Fraipont sont percés de nombreux chemins Indiquons encore que toutes les espèces observées et sentiers forestiers. Le plus important de ces chemins avaient des carpophores grégaires ou solitaires de est, à Seraing, l'ancienne Voie du Ban ou Vecquée ou facies agaricoïde nettement transformé par le milieu. encore Voie de l'Evêque. Ce large chemin s'est enherbé Implantés sur le sol tourbeux ou sur la base morte depuis que le grand trafic l'a abandonné pour emprun­ des Polytrics, les stipes s'allongent de manière à porter ter les routes modernes et il n'est plus parcouru que à la lumière un chapeau dont le diamètre reste en par les promeneurs et les forestiers. Tous ces chemins général plus petit que la moyenne spécifique. forestiers herbeux servent à l'exploitation forestière et les chevaux employés à celle-ci constituent une source de fumure non négligeable. Mycotope S. - Synmycies de l'argile nue Une observation sommaire de la mycétation de ces et des ornières. chemins forestiers herbeux la fait paraître hétérogène : (Abondance-dominance : 2) elle comprend notamment des espèces silvatiques, des Sur le sol accidentellement dénudé, sur les talus, espèces praticoles, etc. Il était intéressant de savoir si au bord des fossés, dans les ornières des chemins fores­ vraiment cette station pouvait être considérée comme tiers, apparaissent à même l'argile, les carpophores de un mycotope homogène et si elle ne révélait aucune div~rses espèces de champignons. Les caractères parti­ espèce en propre; nous en avons fait une étude suivie. culiers et surtout la préférence affirmée par certaines C'est la large et longue aire gazonnée de la Voie du espèces à s'y montrer nous ont incité à traiter cette Ban à Seraing (photo 2) qui nous a fourni matière aux station en mycotope autonome. 13 observations à la plus belles observations, mais les données de Fraipont Vecquée, 3 observations à Fraipont et 1 à Esneux nous et d'Esneux ne sont pas dépouvues de valeur. 102 permettent de constater la constance de : taxons ont été observés à Seraing, 17 à Fraipont et 21 à Esneux. La liste synthétique comprend 115 noms. Voici Galactinia badia Laccaria tortilis à titre purement indicatif, la disproportion étant trop Paxil/11s involutus grande entre les observations, quelques données socio­ Scleroderma auranti11m logiques :

Laccaria tortilis existe exclusivement dans cet habi­ Constantes V (7 espèces) : tat, Galactinia badia et Scleroderma aurantium ne se Agaricus campester trouvent que très accidentellement sur le sol forestier, Bo/etus versicolor

72 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

Clitocybe rivu/osa du sol forestier voisin de vivre dans ce mycotope. Nous L epiota procera ne reprendrons pas ici la liste des 50 espèces qui sont Marasmi11s oreades dans ce cas : la comparaison des synmycies A et T les Stropharia aerttginosa Stropharia semiglobata fait nettement apparaître; ce sont pour la plupart des Amanites, des Bolets, des Clitocybes, des Cortinaires, Cons tan tes IV (11 espèces) : des Inocybes, des Lactaires et des Russules, liés par A grocybe semiorbicularis (Pl. 1) mycorrhizes avec les arbres voisins et qui produisent Amanita rubescens leurs carpophores dans les herbes du chemin en même Bolet11s subtomentos11s temps que sur le sol nu de la forêt. Clavaria vermicularis Les débris ligneux tombés des arbres et qui pour­ Clitocybe dealbata Clitopil11s pru1111l11s rissent enfouis entre les touffes de graminées permet­ Copri1111s plicatilis tent le développement d'une fonge lignicole subterrestre Laccaria laccata assez importante et qui comprend notamment : Lycoperdon gemmatum Rhodopaxil/11s sordidus Coprinus fuscescens Rhodophyllus sericeus Coprinus radians (1) Coprinus micaceus F ré q u e n tes 4 (2 espèces) : Flammula gummosa H eteroporus biennis Bolet11s versicolor Lacrymaria velutina L epiota procera Psathyrella atomata Psathyrella candolleana F r é q u e n t e s 3 (4 espèces) : Psathyrella egenula A garic11s campester Pseudocoprinus disseminatus Marasmi11s oreades Pa11aeoli11a foenisecii La comparaison avec le mycotope D montre que Stropharia semiglobata des rapports existent entre les deux fonges, mais les espèces fragiles dominent ici. Au point de vue de la soc i a b i 1i té des Les petits débris ljgneux retenus entre les graminées c a r pop ho r es, 77 taxons sont grégaires « g >>, sont le support de Deconica inquilina et de Marasmius 11 sont grégaires-cespiteux ou cespiteux; 5 espèces insititius; leur fonge rappelle le mycotope E de la se sont montrées en cercles : forêt. Copri1111s plicatilis Le tapis herbacé de ces chemins forestiers convient Clitocybe dealbata à un grand nombre de champignons praticoles : Clitocybe riv11losa Agaricus campester Inocybe armoricana Agrocybe semiorbicularis Marasmi11s oreades Bovista plumbea 22 taxons n'ont été récoltés qu'en carpophores soli­ Clavaria dissipabilis Clavaria vermicularis taires. Clitocybe dealbata Ajoutons que la ph y si on o mie des car - Clitocybe rivulosa p o ph o r e s a surtout le facies agaricoïde : 103 taxons Galerina rubiginosa sur 115. Geoglossum glutinosum Hygrophorus conic11s Le développement de cette fonge est surtout estival Hygrophorus niveus et automnal; les deux aspects sont séparés par un arrêt Hygrophorus ovin11s de poussée qui se situe fin août-début septembre et Hygrophor11s psittacin11s l'aspect automnal représente le maximum annuel. Il est Lycoperdon giganteum prématuré de chercher à différencier spécifiquement Lycoperdon nigrescens Marasmius oreades ces deux aspects. Un aspect arrière-automnal, très Mela11ole11ca grammopodia pauvre, se caractérise nettement par la présence de Melanole11ca v11lgaris Clitocybe cyathiformis, et un aspect vernal, plus pau­ Rhndopaxillus sordidus vre encore, se distingue par l'apparition de Agrocybe Rlwdophyl/11s serice11s sphaleromorpha. La formule saisonnière peut s'établir Les apports constants d'engrais par les chevaux comme suit: expliquent la présence dans ce mycotope d'un grand

[(v) E 1 Â (aa)]. nombre de champignons coprophiles : Bol biti11s fragilis L'analyse fongistique de ces synmycies des che­ Conocybe cylindracea mins herbeux de la Chênaie sessiliflore révèle, comme Conocybe latritia nous l'avons dit, la coexistence de plusieurs fonges. L'ambiance mésoclimatique forestière et la proxi­ (1) Déterminé avant apparition des carpophores, par son mité des arbres permet à un certain nombre d'espèces ozonium.

73 F . DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Conocybe cf. m ega/ospora Quant à Inocybe armoricana (Pl. III), sa présence Conocybe pubescens var. pseudopilosella est plus significative encore, s'il se peut. Roger HEIM Conocybe rickeni (1931) a décrit cette espèce sur des échantillons récoltés Conocybe siliginea var. ocracea Copri1111s atramentarius en Bretagne, dans une a 11 é e f o r e s t i è r e h e r - Coprinus plicatilis be u se (1), sous des chênes. La station de la Vecquée Panaeolina foenisecii est la deuxième station connue d'Inocybe armoricana. Pa11aeo/11s campan11/at11s Récoltée à plusieurs reprises en juillet et en sep­ Panaeo/11s fimicola var. ater tembre dans la Voie du Ban, cette espèce (2.3go) peut Y Panaeo/11s papilionaceus Panaeolus retirngis être assez fréquente et former des troupes de plusieurs Panaeolus separat11s dizaines de carpophores; nous l'avons même observée Panaeo/11s sp!tinctri1111s formant des cercles, fait très rare chez les Inocybes. Psilocybe cern11a Considérée en fonction de son extrême rareté géné­ Psilocybe semi/anceata rale, cette abondance locale de Inocybe armoricana Stropltaria semig/obata permet de supposer que l'espèce trouve ici, dans le Du lot des autres espèces, nous pouvons extraire mycotope T de la Chênaie sessiliflore silicicole, les Boletus tessellatus (Pl. II) et le ranger parmi les espèces conditions les plus favorables à son développement. du sol de la forêt silicicole. En effet, s'il n'a été trouvé Nous sommes à présent en mesure de répondre à à la Vecquée que dans l'herbe du chemin du Ban, on la question que nous nous sommes posée : l'hétérogé­ peut considérer le fait comme accidentel; il existe néité du site est plus apparente que réelle. Peziza ailleurs dans la Chênaie sessiliflore : nous l'avons aurantia, Amanita vaginata var. wisea, Inocybe geo­ observé à Petit-Avin (Bois de Bassin) et à Biron. phylla et Lactarius torminosus var. cilicioides sont seuls une note discordante dans la mycosynécie; mais Amanita vaginata var. grisea, Inocybe geophylla et ces taxons sont très accidentels et ils correspondent à Lactarius torminosus var. cilicioides, absents de la des conditions localisées à l'extrême : ce caractère hété­ Chênaie sessiliflore, sont trois champignons des bois rogène a le même ordre de grandeur que partout ail­ feuillus calcaires et leur présence ici s'explique, dans leurs dans quelque mycotope que ce soit. un cas, par un apport local de décombres, dans un En fait, la mycétation des chemins forestiers her­ autre par un empierrement calcaire très ancien, dans beux de la Chênaie sessiliflore est homogène dans la Voie du Ban. toute l'étendue de la station. L es lots d'espèces que Lepiota procera est une espèce des jachères et des nous y avons distingués sont fondus sur le terrain en clairières. Elle a été observée en lisière de la forêt dans un seul ensemble : chaque lot représente un groupe la Voie du Ban, mais en exemplaires isolés. Les coeffi­ écologique qui trouve partout dans le mycotope, les cients 4.4g ont été relevés dans une jachère à Fraipont, conditions propices au développement des espèces qu'il jachère que nous avons englobée provisoirement dans comprend. ce mycotope. Il conviendra sans doute ultérieurement L'autonomie du groupement est assurée par des de traiter les deux stations de manière distincte. espèces qui lui sont propres, parmi lesquelles il faut Peziza aurantia a été trouvé sur l'emplacement d'un considérer en tout premier lieu Inocybe armoricana et petit feu allumé par des promeneurs; c'est effective­ Boletus versicolor. ment une espèce assez fréquente sur les fauldes. Il nous reste enfin un groupe de 4 espèces que l'on doit considérer comme des espèces silvatiques, car on ne les trouve jamais en dehors de l'ambiance des Mycotope U. - Synmycies du sol neutre, forêts. Mais ce sont aussi des espèces que l'on ne le long des grands-routes. rencontre pas sur le sol forestier, ou très rarement : (Abondance-dominance : I)

Agrocybe sphaleromorpha Le massif forestier de la Vecquée est percé de trois Boletus versicolor grands-routes qui, jadis, étaient empierrées à l'aide d'un Inocy be armoricana cailloutis calcaire. Les techniques d'entretien des rou­ Inocybe globocystis tes (raclage de la route, curage des fossés) ont eu pour effet de recréer le long de celles-ci deux talus assez Agrocybe sphaleromorpha croît dans l'herbe, dans larges dont le sol, enrichi en carbonate de chaux, a une les endroits frais des bois; Inocybe globocystis a été réaction neutre et porte une végétation différente de la rencontré en d'autres endroits, mais c'est ici qu'il pos­ végétation du Quercetum sessilif lorae medioeuropaeum sède la plus grande valeur accumulative, 2.3g. Boletus voisin (Hedera helix, Carpinus betulus, Fragaria vesca, versicolor est très rare et jamais bien typique en Neottia nidus-avis, Listera ovata, Potentilla sterilis, dehors de ce mycotope; ici nous l'avons vu à maintes reprises nettement caractérisé, avec un très haut degré de fréquence et en très grandes troupes; il atteint des (l) u Dans l'herbe des pelouses et des allées sous les chênes, parc de la Prévallaye, près Rennes (Bretagne), novem­ coefficients très élevés : 4.3g. bre 1929 •. 74 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE etc.); cette végétation appartient incontestablement à la ne considérer que les aires où la végétation est tout à Chênaie à Charmes (photo 3). fait représentative des conditions de sol. La mycétation observée le long de ces routes est, Les mycosynécies U représentent ainsi dans la Chê­ elle aussi, nettement différente de la mycétation du bois naie sessiliflore silicicole des unités transgressives des silicicole; nous l'avons donc étudiée séparément. Il reste forêts feuillues calcaires, unités pauvres en espèces à savoir s'il s'agit bien d'un mycotope homogène et si la certes, mais néanmoins très représentatives. On ne peut fonge qu'il porte est individualisée. pas les considérer comme des groupements constitués Nous n'avons trouvé des conditions propices à cette et pleinement développés. étude qu'à la Vecquée. Il n'est donc pas possible de Cette fonge nous a montré trois aspects saisonniers, discuter de la constance des espèces. Une seule espèce un aspect vernal spécifiquement caractérisé par Aceta­ a montré une fréquence élevée, 4 : Inocybe maculata bula vulgaris et Agrocybe praecox, un aspect estival (Pl. IV). La sociabilité grégaire domine et le facies relié au précédent par Inocybe dulcamara. et I. patouil­ agaricoïde est presque le seul représenté. Nous exa­ lardi et séparé de l'aspect automnal par la période minerons surtout la valeur sociologique des 40 espèces creuse d'août-septembre. Le maximum se situe en observées. automne. La formule saisonnière peut s'établir : Après avoir éliminé de la liste des espèces acciden­ telles comme Lepiota rhacodes (lié à un épicéa planté), [(v) - e 1 Â]. Armillariella me/lea, Coprinus micaceus, Psathyrella candolleana et Pseudocoprinus disseminatus (liés à la Mycotope V . - Synmycies des plages présence de bois enfo ui), Cortinarius hemitrichus (lié à à Calluna vulgaris. un bouleau du Quercetum sessiliflorae), Coprinus atra­ (Abondance-dominance : 2) mentarius et Conocybe spicula f. typica (coprophiles), il reste un lot de 32 taxons, qui comporte 7 espèces Très localisées, ces plages à bruyères peuvent néan­ silvatiques indifférentes (Boletus subtomentosus, Colly­ moins couvrir d'assez grandes étendues dans la Chê­ bia dryophi/a, Inocybe asterospora, 1. fastigiata, Lac­ naie sessiliflore. Nous les avons observées à Seraing caria /accala, Lycoperdon gemmatum et Mucidula radi­ (photo 4) et à Fraipont. La physionomie générale de cata), 6 taxons dont nous ignorons les affinités (Cono­ la station, les chiffres élevés de fréquence et d'abon­ cybe appendiculata, Inocybe confusa, 1. eulheles var. dance sociale atteints par certaines espèces, par ailleurs pallidipes, !. involuta, /. sp. n° 711, Agaricus silva­ représentées dans la Chênaie plus dense, l'extraordi­ ticus) et 19 taxons réputés croître dans les forêts feuil­ naire appauvrissement en espèces de la fonge silvati­ lues calcaires et que nous y avons nous-même observés. que, la présence, enfin, d'espèces étrangères à celle-ci Ce sont: constituent autant d'arguments qui justifient l'examen séparé de la mycétation des plages à bruyères. A grocybe praecox 30 taxons ont été observés à Seraing et 11 à Frai­ A cetab11/a v11/garis pont, 9 d'entre eux sont communs aux deux sites. Lac­ A cetab11/a v11/garis f. he/l'e/loides (Pl. V) tarius vietus atteint la fréquence 4; Amanita muscaria, Ama11ita solitaria A 111a11ita vagi11ata var. grisea Boletus rufescens, Laccaria laccata, Lactarius glycios­ Corti11ari11s i11fract11s mus, M ycena epipterygia atteignent la fréquence 3. Galacti11ia succosa Toutes les espèces sont grégaires et la plupart ont un Inocybe d11/camara facies agaricoïde. Inocybe fastigiata var. 11mbri11e/la De l'examen de la liste des 30 taxons se dégage le Inocybe griseolilaci11a Inocybe j11ra11a (Pl. VII) fait de l'abondance des espèces appartenant au cortège Inocybe flocc11/osa du Bouleau; 40 % des espèces lui sont liées par mycor­ Inocybe mac11/ata rhizes : Inocybe pato11illardi (Pl. YI) Inocybe posternla A ma11ita muscaria Lach11ea hemisphaerica Bolet11s a11ra11tiac11s Lepiota cristata Boletus ho/opus P/11te11s 11a1111s Bo/e/lls rufescens P/11te11s pla11t11s var. terres/ris Boletus scaber Cortinarius hemitric1111s Cortinarius pholideus Ainsi 50 % des espèces observées dans le myco­ Lactarius g/yciosmus tope U appartiennent aux forêts calcaires et donnent Lactari11s plumbeus une individualité certaine à cette mycosynécie au sein Lactarius torminosus Lactarius torminosus var. p11besce11s de la Chênaie sessiliflore. Au point de vue de l'homo­ Lactarius vie/us généité du mycotope, nos observations nous ont mon­ Tricholoma flavobr111111e11m tré qu'il convient d'être très sévère au moment de le délimiter sur le terrain, car ses limites ne sont pas Les espèces des bois clairs sont représentées par toujours nettement tranchées. Il suffit pratiquement de Amanita pantherina.

75 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Les espèces du sol dénudé et tassé des landes à La série régressive du « Sentier des Airelles » nous Cal/una vulgaris apparaissent (photos 13 et 14) : a permis d'assister à l'éclaircissement des taillis de Chênes et de Bouleaux sous l'effet des incendies, à Clavaria argillacea Galacrinia badia l'envahissement du sol par un gaulis dense de Bouleaux, Inocybe lacera à la régression de la bétulaie au profit de la bruyère, Laccaria laccata enfin à la constitution d'une bruyère dense sur sol Omphalia rustica dégradé à humus brut. Omphalia scyphoides (Pl. VIll) Au point de vue phytosociologique, il nous a été Paxil/11s i11vo/11111s Scleroderma a11ra111i11m possible de rattacher ces bruyères au Calluneto-Genis­ tetum Tüx. et d'y distinguer deux de ses sous-associa­ Lepiota excoriata, Cantharellus tubiformis, Mycena tions : typicum et 1110/inietosum. Signalons dans cette epipterygia et Rhodophyllus staurosporus sont des com­ bruyère, à la Vecquée (Seraing), les espèces suivantes : pagnons très fréquents de la bruyère. Fulvidula fulgens Calluna vulgaris, Vacciniwn myrtillus, V. vitis-idaea est un champignon de la tourbe nue et de l'humus brut (RR), Genis/a anglica, Lycopodium clavatum, Juncus très acide. squarrosus, Nardus strie/a, Molinia coemlea, Erica Les autres espèces appartiennent au cortège silva­ tetralix (RR). Ces deux dernières espèces sont des diffé­ tique. rentielles de la sous-association molinietosum qui cor­ Tous les degrés existent sur le terrain dans l'impor­ respond à un sol très dégradé, humide, à profil podso­ tance relative de ces diverses espèces. Tantôt un groupe Jique comportant un horizon Giey. Dans la série pro­ l'emporte, tantôt un autre. En outre, la mycétation gessive, c'est la sous-association ty pic11111 qui tend à se d'un même endroit évolue rapidement, ainsi que nous constituer, tandis que la sous-association molinietosum avons pu l'observer en maints endroits à la Vecquée, domine dans les stades régressifs. soit dans le sens de la régression (à proximité du tram La mycétation reflète ces faits. Dans la bruyère de vicinal de Neuville-en-Condroz, qui provoque de fré­ la cc Mare-aux-Joncs », les espèces argilicoles sont mieux quents incendies), soit dans le sens de la progression représentées et dotées de coefficients plus élevés que (près de la « Mare-aux-Joncs », par exemple, où nous dans la bruyère de dégradation : Inocybe lacera, Galac­ avons pu étudier la colonisation de schistes et d'argiles tinia badia, Clavaria argillacea, Omphalia mstica. Dans de déblais). Ja bruyère du cc Sentier des Airelles », ce sont les espè­ Le tableau lObis rassemble les données mycologi­ ces de l'humus acide, tourbeux, qui l'emportent : Fulvi­ ques recueillies au cours de quelques relevés sur huit dula fulgens, Cantharellus tubifonnis, Omphalia scy­ parcelles choisies dans les deux stations que nous phoides. venons de citer. Les 4 premières colonnes du tableau Il n'y a pas à classer phytosociologiquement les concernent les observations faites auprès de la cc Mare­ bruyères à Bouleaux et les bétulaies pures : ce ne sont aux-Joncs >>, les 4 dernières celles faites auprès du que des stades transitoires d'évolution. Au point de « Sentier des Airelles ». Les données des colonnes 1, 2, vue des champignons, il est possible ici encore de diffé­ 3, 6, 7, 8, correspondent au mycotope V, tableau 10. rencier la mycétation des stades de dégradation de Les données des colonnes 4 et 5 ont été relevées spé­ celle des stades progressifs. Ainsi, c'est à la faveur de cialement, à titre de comparaison; elles correspondent l'altération du sol dans Je sens d'une humidification très partiellement à des relevés du tableau 10, myco­ superficielle qu'apparaissent dans la série régressive tope A. des espèces telles que : Russula venosa, Boletus ho/o­ C'est grâce à l'état de vitalité des plantes syngéné­ pus, Cortinarius armillatus, Lactarius vietus, espèces tiques, édificatrices ou destructrices d'associations, qu'il qui sont absentes des 4 premiers relevés. nous a été possible de repérer côte à côte sur le terrain Dans les Chênaies à Bouleaux, des différences appa­ les parcelles appartenant à une même série, de définir raissent aussi dans la mycétation selon l'orientation de le sens de l'évolution dont elles étaient le siège et d'étu­ l'évolution. Dans la Chênaie progressive, c'est Je Bou­ dier ainsi en un même moment les différents stades leau qui cède la place au Chêne; le cortège mycologi­ d'une évolution de plusieurs années. Dans la série que du Bouleau se réduit en espèces et perd de son progressive, on voit en même temps s'étioler la Bruyère importance, la fonge de la Chênaie sessiliflore se cons­ et germer les Bouleaux; dans la série régressive, on voit titue. Dans la Chênaie dégradée, Je Chêne recule prospérer la Bruyère et mourir les Bouleaux. devant l'envahissement du sol par le Bouleau; les espè­ La série progressive, colonisatrice des déblais de la ces du cortège du Bouleau augmentent en nombre et en cc Mare-aux-Joncs», nous a permis d'observer une jeune fréquence, tandis que les espèces de la Chênaie régres­ bruyère de 2 ans, très claire [les touffes de Bruyère sent très sérieusement. étaient séparées par des plages d'argile nue ou couverte En mettant ces faits en évidence, Je tableau lObis de lichens (Baeomyces roseus)], l'installation de jeunes permet de conclure à l'hétérogénéité dans le temps et Bouleaux de 6 ans sur une bruyère plus âgée, enfin la dans l'espace des synmycies du mycotope V. Nous ne constitution d'un bois dense de Bouleaux âgé de 15 ans nous trouvons pas en présence de groupements stables sous Je couvert desquels la Bruyère avait disparu. et homogènes, qu'il serait possible de définir sur le

76 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE plan de la mycosociologie statique. C'est sur le plan dynamique seul que réside l'intérêt de leur étude : il CONCLUSIONS DU CHAPITRE 1 s'agit d'un ensemble de stades évolutifs qui sont paral­ lèles aux stades de dégradation ou de recolonisation 1. La mycétation de trois Chênaies sessiliflores sili­ de la forêt. Le schéma de cette évolution peut s'établir cicoles a été analysée et décrite : 18 mycotopes ont été comme suit: distingués, 590 taxons étudiés et 2 605 données myco­ sociologiques rassemblées. Les tableaux 13 et 14 don­ nent un aperçu statistique des principales observations Q11erce111m sessiliflorae Synmycie A sociologiques. meclioe11ropae11111 du Q.s. m .

2. La fonge terrestre a permis de distinguer une fonge endogée et une fonge épigée. La fonge endogée est très localisée, elle n'a pu faire l'objet que d'obser­ Cortège mycologique vations fragmentaires : 6 espèces seulement y ont été Bétulaic du Bouleau jusqu'à présent recensées. La fonge épigée (195 taxons) est remarquable par son pourcentage d'espèces cons­ ·~ ·~ tantes : 50,2 %. •• .. La fonge épixyle est le mieux représentée sur les souches (59 taxons) et elle comporte 47,4 % de cons­ Cortège du Bouleau Bétulaie claire tantes; les autres mycotopes ligneux sont bien coloni­ +espèces de sur bruyère sés : 13 espèces sur les brindilles près du sol, 12 sur les la bruyère branches tombées, 15 sur les troncs abattus, 13 sur le • bois des cépées, 10 sur les troncs debout et 7 dans les ,. '"' cimes. '. La fonge bryophile n'est pas très développée : Lande à Synmycie A 15 espèces ont été récoltées dans les tapis de mousses Cal/1111a du Cal/1111 el!lm (5 constantes), 2 dans les mousses des troncs, 14 dans les tapis de polytrics. VEGETATION MYCETATION Cinq mycotopes anthropogènes ont été visités : ornières, chemins herbeux, bordures de grands-routes, plages à bruyères, fauldes; leur fonge est riche, notam­ Le parallélisme de ces évolutions confirme la dépen­ ment celle des chemins herbeux (116 taxons). dance étroite et immédiate de la mycétation vis-à-vis de la végétation. 3. Ce sont les caractères de sociabilité et de facies des carpophores dans les différents mycotopes ainsi que les aspects saisonniers qui déterminent la physio­ nomie mycologique du Quercetum sessiliflorae medio­ europaeum. Mycotope z. - Synmycies des fauldes. Le tableau 14 expose les faits sociaux et physiono­ miques relatifs à cinq des mycotopes les mieux indivi­ (Abondance-dominance : +) dualisés et caractérisés de la forêt. La stratification Les fauldes, aires où l'on a brûlé du bois, consti­ apparaît nettement; types de sociabilité et types physio­ tuent un mycotope classique. Nous en avons fait quatre nomiques évoluent parallèlement et se relayent en che­ observations à Seraing, une à Fraipont et une à Esneux vauchant d'une strate à l'autre. et dégagé une liste de 9 taxons dont 2 se sont retrou­ Dans les massifs forestiers étudiés, en particulier vés dans les 3 sites : Flammu/a carbonaria et Tephro­ dans la Forêt de la Vecquée, les mycotopes anthropo­ phana ambusta. Le chiffre de fréquence 3 est atteint gènes sont très développés et ils jouent un rôle physio­ par ces deux mêmes espèces. nomique non négligeable dans la forêt. La sociabilité des carpophores est du type grégaire Les fonges des ornières, des chemins herbeux, des << g » ou grégaire cespiteux « gc 11 (Coprinus comatus). bordures de grands-routes, des plages à bruyères et des A part Peziza aurantia (pézizoïde, 11,1 %), tous fauldes sont des fonges épigées et elles présentent les les taxons présents rappellent le facies agaricoïde, mais même caractères sociologiques que la fonge du myco­ la plupart d'entre eux (Coprinus comatus est la seule tope A (sol forestier) : dominance de la sociabilité exception agaricoïde, 11,1 %) montrent une similitude grégaire << g 1i et du facies agaricoïde. de modification de ce facies : réduction de la taille, Notons cependant que ce facies présente des varia­ noircissement des pigments. La définition d'un facies tions épharmoniques dans les mycotopes ornières et autonome se justifie: facies anthracophiloïde (77,7 %). fauldes.

77 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

TABLEAU 13. - Quercetum sessiliflorae medioeuropaeum typicum. Mycotopes observés. - Nombre de taxons présents, constants, fréquents.

Nombre de taxons présents Constants Fréquents 1 1

Sites ...... FV BF BE Total V IV Max. 4 Max. 3 1 1 1 1 - 1 1 1

A. - Sur le sol ...... 163 91 112 195 62 36 6 24 C. - Dans la couche de feuilles mortes ...... 6 1 - 6 1 - -- D. - Sur les souches ...... 55 24 27 59 17 11 3 9 E. - Sur les brindilles près du sol ...... 9 3 6 13 l 3 - - F. - Sur les branches mortes près du sol . . .. 4 I l 3 12 1 4 1 2 G. - Sur les troncs abattus ...... 12 5 2 15 1 2 1 2 H. - Sur le bois des buissons ...... 2 l - 2 1 - - - I. - Sur le bois des cépées ...... 11 7 9 13 5 4 - 4 J. - Sur les troncs debout ...... 8 3 2 JO 1 1 - 2 K. - Sur le bois des cimes ...... 7 4 - 7 4 - - 4 L. - Dans les tapis de mousses ...... 14 6 2 15 2 3 - - N. - Dans les mousses des troncs ...... 2 - - 2 - - - - C. - Dans les tapis de polytrics ...... li - 3 14 - - - - 1 S. - Sur l'argile nue des ornières ...... 27 7 1 30 1 3 - 1 T. - Sur sol herbeux azoté ...... 103 17 21 116 7 11 2 4 U. - Sur sol neutre au bord des routes ...... 40 - - 40 - - 1 - V. - Dans les endroits à bruyères ...... 30 Il - 32 9 - 1 5 z. - Sur les fauldes ...... 7 2 5 9 2 1 - 2 1

4. Les aspects mycologiques saisonniers du Quer­ nance d'Amanites, de Bolets, de Russules et de Chan­ cetum sessiliflorae medioeuropaeum diffèrent de l'un à terelles sur le sol et de Pholiota mutabilis sur les sou­ l'autre mycotope : ches; Mycosynécies A: E  ... (aa) 1 c) un aspect automnal qui est séparé de l'aspect Mycosynécies D: (E) -  - aa - :H - (v)J précédent par un arrêt de développement chez les espè­ Mycosynécies F (e) - A - aa -fI ] ces terrestres et qui atteint son maximum fin septembre­ début octobre; toutes les strates de la forêt se garnis­ Mycosynécies 1 (e) - a -AA-" h sent de champignons : c'est l'aspect maximal annuel; il " Mycosynécies K a - AA - h est caractérisé spécifiquement par les Cortinaires et les Mycosynécies T [(v) E  - (aa) Tricholomes; Mycosynécies U: [(v) - e  d) un aspect arrière-automnal qui est très pauvre au sol et appauvri sur les souches et les branches mor­ Au total, la physionomie mycologique naturelle du tes; il est caractérisé par le développement maximal de Q. s. m. prend cinq aspects au cours de l'année : la fonge des cépées et des cimes; a) un aspect vernal, extrêmement pauvre, caracté­ risé par quelques Polypore/lus et Pholiota mutabilis sur e) un aspect hivernal qui ne comporte que des fou­ les souches; ges épixyles. Souches et branches mortes atteignent leur aspect maximal annuel, les lignicoles ligneux se déve­ b) un aspect estival qui atteint son maximum fin loppent activement; les fonges des cépées et des cimes juillet-début août et qui est caractérisé par une domi- prolongent en partie leur aspect arrière-automnal.

78 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

Les mycotopes anthropogènes <i donnent locale­ Agrocybe praecox, A. sphaleromorpha, Acetabula vul­ ment un aspect vernal épigé à cette forêt qui en est garis; ces fanges ont leur maximum annuel en automne.

TABLEAU 14. - Quercetum sessiliflorae medioeuropaeum typicum. Types de sociabilité et types physionomiques dominants.

Types de sociabilité Nombre (en % du nombre de taxons de la synmycie) Physionomie de taxons Synmycies de la synmycie 0 oc s g gc 1 c ic gai i ai ga a Facies dominants % 1 1 1 1 1 1 . 1 1 1 1 1 1 1 1 A 195 2 0,5 12 77,4 5,7 1,5 - 0,5 - - - - agaricoïde 93,8 agaricoïde 44 D 59 - - 11,8 15,2 28,8 6,7 - - 20,3 JO 1,6 5 pleurotoïde 35,5 corticioïde 5 ! trémelloïde 3,3 1 agaricoïde 8,3 F 12 - - - - 8,3 8,3 8,3 - - 33,3 16,6 pleurotoïde 25 16,6 ) trémelloïde 25 corticioïde 41 , 6 pleurotoïde 23 I 13 ------23 23 23 30,7 trémelloïde 23 corticioïde 53 ,8

K 7 ------28,5 trémelloïde 28,5 71,5 l corticioïde 71,5 1

1 1

CHAPITRE II

LA HÊTRAIE ARDENNAISE (Fagetum boreoatlanticum Tüx.)

Des recherches récentes (NOIRFALISE et GALOUX, NOIRFALISE, HEINEMANN et VANDEN BERGHEN, 1949) au 1950) ont permis de rattacher les points les plus élevés Fagetum boreoatlanticum Tüx., qui atteindrait ainsi du district ardennais belge à l'étage du Hêtre. La limite dans notre pays sa limite méridionale (1). altitudinale inférieure de cet étage montagnard oscille Cette association comporte plusieurs variantes qui dans notre pays entre 450 et 500 m. La pluvio ité correspondent soit à des conditions d'édaphisme, soit à annuelle y dépasse 1 200 mm, la température annuelle des stades de dégradation. On distingue quatre types moyenne reste inférieure à 7°5, l'indice annuel de Lang de Hêtraies en Haute Ardenne : la Hêtraie à Asperula est toujours supérieur à 150; durant les mois d'été (mai odorata (Fagetum boreoatlanticum asperuletosum), à à août), la pluviosité dépasse 360 mm, la température la végétation variée, au sol riche, neutre, fertile, d'ori­ moyenne ne monte pas au-delà de 13 °7, les brouillards gine alluviale; la Hêtraie à Festuca silvatica (F. b. fes­ sont fréquents et le degré hygrométrique moyen de l'air tucetosum), caractérisée physionorniquement par l'abon­ est assez élevé. dance des touffes de Festuca silvatica, développée sur sol filtrant, acide, gréseux; la Hêtraie à Luzula nemo­ Le manteau forestier de l'étage montagnard com­ rosa (F. b. luzuletosum nemorosae), à flore pauvre et porte encore dans notre pays des massifs de Hêtres uniforme, sur sol schiste-gréseux, compact, peu per- imposants certes, mais néanmoins dégradés à des degrés divers par les interventions humaines. Les auteurs (cf. ( 1) N.D.L.R. : Les concepts phytosociologiques ont évidem­ à NOIRFALISE, 1949) s'accordent à l'heure actuelle rat­ ment évolué depuis le moment de la rédaction de ce mémoire. tacher phytosociologiquement les Hêtraies ardennaises Cf. e.a. A. NoIRFALISE, La Hêtraie ardennaise. Bull. Inst. (Fagetum arduennense NOIRFALISE, prov., in LEBRUN, Agron. Stat. R ech. Gembloux, 24, 208-240, 1956.

79 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES méable, médiocre, surmonté d'une mince couche Rahier : La Levée. d'humus; la Hêtraie à Deschampsia et Vaccinium (F. b. Basse-Bodeux : Bois de Basse-Bodeux. deschampsietosum), à flore très pauvre, dégradée, sol Chevron (Bru) : Bois des Deux H êtres. Plateau des Tailles : Hêtraie de Poteau (Dochamps). très pauvre, humus brut ou « mor >> assez épais, très Plateau de Nassogne: Bois de Freyr (Tenneville). acide. Plateau de la Croix Scaille : Bois de Louette (Louette-Saint­ La structure floristique dè la Hêtraie boréoatlan­ Pierre). tique est bien individualisée, mais elle comporte peu d'espèces caractéristiques d'association. Elle se distin­ Nous présenterons ici les observations mycologi­ gue surtout de la Hêtraie médioeuropéenne par ques effectuées dans trois forêts pour lesquelles l'aire l'absence du Sapin blanc (Abies alba) et de son cor­ explorée appartenait à la même sous-association à tège. La composition floristique de cette Hêtraie est, luzules blanches (F. b. luzuletosum nemorosae) : le en Ardenne, d'autant plus pauvre que l'on passe d'une Roerbusch, le Bois de Freyr et la Hêtraie de Poteau. sous-association à l'autre dans le sens de l'acidification Nous avons tenu à leur adjoindre les observations faites progressive. à Schlommefurth, dans une des Hêtraies à aspérules (F. b. asperuletosum) sur lesquelles NorRFALISE (1949) a attiré l'attention et qui représenteraient, selon cet § 1. LES SITES ETUDIES auteur, le type naturel de la hêtraie sur sols fertiles, à peu près complètement détruite à l'heure actuelle. Nous avons étudié la flore mycologique de ces hêtraies ardennaises en différents endroits (carte 2) : Les quatre massifs étudiés seront désignés dans les tableaux ci-après par les initiales suivantes : HR, HF, Plateau de la Baraque Michel : Roerbusch (Elsenborn). HP,HS. Plateau de Losheim : Bois de Losheimergraben. Environs de Recht: Scblommefurth (Crombach). Le tableau 15 situe ces massifs forestiers et précise Environs de Spa : La Géronstère. Jeurs caractères topographiques et écologiques.

TABLEAU 15. - Fagetum boreoatlanticum. Caractères généraux des sites étudiés.

Forêts ...... HR HF HP HS 1 1 1 1

Altitude (m) ...... 600 550 575 470 Situation ...... Plateau Plateau Plateau Vallée Exposition générale ...... E N-W w E Traitement ...... Futaie Futaie F utaie Futaie

Sous-sol : étage ...... " ...... Revinien Siegenien Gedinnien Emsien moyen

Sous-sol : nature ...... " ...... Quartzites Quartzites Quartzites Colluvions et phyllades pH du sol ...... 5,5 5,8 5,5 6,8 1 Température annuelle moyenne vraie ...... 6,5 7 6,5 7 Pluviosité annuelle moyenne (mm) ...... 1400 1100 1300 1200 Indice annuel de Lang (P/T ) ...... 215 157 200 171

80 _,

J .. 0

~

~ C/)

'T1 0 § ...., Vl t1 trJ

~ 50-M Il ~ te ~ 0 H 0c trJ

Carte 2

HÊTRAIES ARDENNAISES

e Sites visités.

 Sites analysés sociologiquement. * ...... ,...... ,a1o" •Jo • OO .....,.... ~..... ~ ...... ,.,. ~~ ....,. F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Le tableau 16 rassemble quatre relevés phytosociologiques que nous avons effectués dans ces bois.

TABLEAU 16. - Fagetum boreoatlanticum. Relevés pbytosociologiques.

Forêts HR HF HP HS

Date du relevé ... l.VI.49 14.IX.43 26.VIII.51 26.VIII.51 Superficie du relevé (ha) 0,25 0 , 25 0 ,25 Couverture de la strate arborescente . 85 % 90 % 90 % 90 % Couverture de la strate herbacée 40 % 35 % 40 % 50 % Couverture de la strate muscinale ... 10 % 5 % 5 % 2 %

Caractéristiques de l 'association et de l'alliance (Fagion silvaiicae) :

Pagus silvaiica . 5.5 5 . 5 5.5 5.5 Melica unijlora J. 3 Festuca silvatica 1.2 Mycelis muralis 1.1

Différentielles de la sous-association à aspérules (F. b. asperuletosum) :

Asperula odorata 2.3 Rubus saxaiilis . J. 1

Daphne mezereum ... J. 1

Différentielles de la sous-association à luz ul es b 1anches (F. b. luzuletosum nemorosae) :

Luzula nemorosa ... 3.3 3.4 3.4 Deschampsia fiexuosa l. 3 J. 2 2.2 Vaccinium myrtillus 1.4 +.4 J. 3 Carex pilulifera J.2 +.2 +.2 Dicranum scoparium +. 2 +. 2 Dicranella heieromalla +. 2 +. 2

Caractéristiques de l'ordre (Fagetalia silvaticae):

Acer pseudoplatanus + + l. 1 Acer platanoides ... + Lamium galeobdolon 2 .2 Polygonatum mullif/orum +.2 Viola silvesiris . 1. 1 Paris quadrifolia 1. 1 Stellaria holostea +. 3 Carex silvatica . +.3 +. 2 A trichum undulatum +.2 Poa nemoralis .. +.2 Anemone nemorosa .. + l. 2 + Scrophularia nodosa + Milium effusum + + Stachys silvatica + Moehringia trinervia + + 82 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

TABL EAU 16 (suite). Tableau 17, en annexe.

F orêts H R HF HP HS

Diffé r e nti e l l es m on t agnard es : Poa chaixii +. 2

Polygonatum verticillatum +.2 1.2 Geranium silvaticum + Sambucus racemosa . +.2 +.2 + Trientalis europaea .. +.2 +.3

Co m pag n es : Q11ercus robur .. + + Quercus sessilis . + + + + Bew la verrucosa + + Prunus padus ... + A/nus glutinosa + Cary/us avellana + + Vib11mum opulus + Sorbus a11cuparia + + + + Oxa/is acetosella + ). 2 l. 2 ). 2 Athyriu111 jilix-fe mina + +. 3 +. 2 2 . 3 Dryopceris spinulosa ). 3 l. 2 + Deschampsia caespitosa ... +. 2 +.2 1.2 Dryopteris jilix-111as . + +.3 Senecio f uchsii . + 1.1 Rubus sp .. + + +.2 Lonicera periclyme1111111 ... + 1.1 Poly trichu111 f or111osum 1.4 1.2 ). 2 +. 2 Agrostis vulgaris +.2 ). 1 Carex pallescens +.2 Valeria11a gr. oj]ici11alis .. + Solidago virga-aurea + Lachyrus 1110111a11us .. + + Galeopsis tetrahit ... + +.2 + Rhytidiadelplms criquecrus + Ajuga repcans .. + Geranium robertiaman + Rubus idaeus ... + .2 ). 2 + . 2 Pteridi11111 aq11ili11wn + + Galium saxatile + +.2 Epilobi11111 111011ta11um + + Holcus mollis ... + + Rhytidiadelphus lore1H + + .2

83 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Le Roerbusch. sion des notes recueillies a rendu possible la traduc­ tion des listes dressées en relevés coefficionnés selon Le Roerbusch (Elsenborn) (photos 5 et 6) est un notre technique, tandis que les espèces récoltées, con­ des vestiges de la Hêtraie montagnarde naturelle qui servées en alcool ou en exsiccata, nous permettaient couvrait les sommets du plateau de la Baraque Michel. les vérifications nécessaires. Ajoutons que le relevé du Les plantations résineuses réduisent de plus en plus le 12.IX.37 a été établi en compagnie des autorités myco­ couvert feuillu. Le sous-sol est formé des quartzites et logiques belges les plus compétentes (BAAR, !MLER, etc.) phyllades reviniens. Au point de vue phytosociologique, et celui du 26.IX.38 en présence de sommités m ycolo­ cette hêtraie se partage entre les trois sous-associations giques internationales : HEIM, MAUBLANC, KONRAD, GIL­ suivantes : F. b. festucetosum silvaticae (quelques îlots), BERT, ROMAGNESI, Mme L E GAL, etc. (session 1938 de F. b. luzuletosum nemorosae (la plus répandue), F. b. la Société mycologique de France). La détermination deschampsietosum (aux endroits les plus dégradés). du rarissime et tellement significatif Stropharia depilata Comme nous l'avons dit précédemment, nous avons est due à ROMAGNESI. limité nos investigations à la sous-association à luzules Le tableau 17 donne le détail de 9 relevés mycolo­ blanches. giques faits dans le Roerbusch. Les 14 mycotopes repé­ De toutes les hêtraies que nous avons visitées, c'est rés et les 220 taxons recensés on t permis de rassembler à propos du Roerbusch que nous disposons de la docu­ 607 données mycosociologiques (1). mentation la plus fournie, malgré l'hiatus dû à la guerre. Nous avons, en effet, pu ajouter à nos relevés le résultat d'observations mycologiques effectuées en 1936 et 1937 (1) U n relevé hivernal de 1951 , postérieur à la rédaction, par MM. J. DAMBLON et J. MOUREAU; certaines de ces n'a pu être pris en considération dans les stati tiques. li est observations ont fait partie d'une publication (DAM­ repris dans le tableau 11bis, en compagnie d'un relevé pris à BLON et MOUREAU, 1937), mais ce sont les documents la même date dans le Brandehaag (Membach). La comparaison des deux relevés est tout à fait significative et montre toute la manuscrits que les auteurs nous ont permis de consul­ différence entre une forêt laissée à elle-même et une forêt ter qui nous ont été du plus grand secours : la préci- soigneusement jardinée.

T ABLEAU I7bis. - Hêtraie ardennaise. Aspect hivernal.

Hêtraie ardennaise, non entretenu e: Hêtraie ardennaise , entretenue Brandehaag (Membach) 28.XIl.51 Roerbusch (Elsenborn) 27 .XIl.51

D. - Sur les souches. D. - Sur les souches.

Ganoderma applanatum 2.2i Hypholoma Jasciculare .. +.2°c Polyporellus arcularius .. +. lg Trametes versicolor 2.2i Trame tes gibbosa ... +. 2g Trametes versicolor 2.2i

F. - Sur les branches tombées. F. - Sur les branches tombées.

Calycella citrina ... +.4g Chlorosplenium aeruginosum . l. 3g Phlebia aurantiaca . . .. +.2a Coryne sarcoides ... 2.2ga Paria versipora ... l. 2a Gloeoporus adustus 2.2a Schizophyllum commune l .2ic Leptoporus caesius .. 1. 1s Trame tes hirsuta ... +.2i Phlebia aurantiaca . 3.3a Polyporellus brumalis 2.2g Paria versipora ... 2.2a Schizophyllum commune 2. 3ic Stereum insignitum 3.4ai Stereum purpureum l.2a Stereum rugosum .. . 2.2a Trametes hirsuta .. . 2. 3i Trametes versicolor 2.2i Trame tes zonata ... +. 4ai

84 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

TABLEAU 17 bis (suite).

Hêtraie ardennaise, n o n entretenue Hêtraie ardennaise, entretenue Brandehaag (Membach) 28.XII.51 Roerbusch (Elsenborn) 27.XII.51

G. - Sur les troncs couchés. G . - Sur les troncs couchés.

Caryne sarcaides ... l.2g non observé Fames marginatus .. l. 3gi Ganaderma applanaLUm +.3gi Glaeaparus adusLUs. 1. 3ai H ahenbuehelia seratina .. +.2ic Panel/us stipticus ... l. 3ic Paly parellus arcularius .. 2.2g Schizaphyllum commune 2.3ic Stereum insignitwn 3.4ai Stereum hirsutum .. l. 3ai Stereum purpureum l .4ai Trametes hirsura ... 2. 3i Trame1cs versicolor 1. 3i

J. - Sur les troncs debout. J. - Sur les troncs debout.

Fames marginatus 3 .3g Hahenbuehelia seratina .. 1. 3ic Glaeaparns adustus . 1. 3ai + .2g H ahe11buehelia serotina .. 3.4ic Pipcoparus betulinus +.2i Phlebia auranr iaca . l. 3a Pleuratus astreatus . + .lie Pipcoparus bewlinus 2.3i Stereum rugasum ... 2.3a Ple11raws asrreaws . l. lie Srereum rugasum ... 4.4a Trameres versicalor l.4i

K. - Sur le bois des cimes. K. - Sur le bois des cimes.

Exidia gla11d11losa .. l .2°ga Paria versipara l.2a Exidia sp. 3.3ga Stereum rugasum ... 2.2a Hahenbuehelia seratina .. +.3ic J\fucidula mucida ... +.Joie Phellinus fcrrnginasus 2.4a Phlebia aurantiaca . 3.3a Paria versipara 2.3a Radulw11 111e111branaceum l. 2a Siercum rugasum ... 3. 4a

Le Bois de Freyr. Le sol est formé d'un limon détritique dans lequel les fragments rocheux abondent; il a une couleur jaune Le Bois de Freyr (Tenneville) est situé au cœur du clair et une structure médiocre; la faune y est pauvre. grand massif forestier de Saint-Hubert, sur le plateau La couche d'humus brut atteint 2 cm. de Nassogne, à 550 m d'altitude. Le tableau 18 donne le détail des 2 relevés faits Nous avons effectué 2 relevés mycosociologiques à dans le Bois de Freyr. Les 4 mycotopes analysés et les proximité de la tourbière du Rouge-Ponceau. Le sous­ 55 taxons observés ont fourni 80 renseignements myco­ sol est formé par des quartzites du Siegenien moyen. sociologiques.

85 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

T ABLEAU 18. - Tenneville. Bois de Freyr. Hêtraie ardennaise.

1943 1949 F.A. Soc. D ates ... IX X max. max. 14 15 1 1

A. - Sur le sol.

Amanita citrina ... l. 2g 2.2g 2 2g Amanita citrina var. alba l. 2g l.2g 2g Amanita porphyria +. ls + ls Amanita rubescens . 2.2g 2 . ls 2 2g Amanita spissa +. ls + l s Amanita vaginata var. julva 2. l g 2. l g 2 Jg Amanita vaginata var. plumbea .. 2.2g 3 . lg 3 2g B oletus badius 2. l g l. lg 2 Jg Boletus chrysenteron 2.3g 3. lg 3 3g B oletus erythropus +. ls + l s Cantharellus lutescens ... +. l 'c + Je Clavaria cinerea ... +.lg + Jg Cor tinarius alboviolaceus +. lg + lg Cortinarius anomalus l. lg lg Cor tinarius elatior . 1. l s ls Hebeloma crustuliniforme +. lg + Jg Laccaria amethystina 3.2g 3.2g 3 2g Laccaria laccata ... l.2g l.2g 2g Lactarius blennius .. +. 2g 2.2g 2 2g Lactarius camphoratus .. l.2g l.2g 2g Lactarius plumbeus +.2g + 2g Marasmius peronatus 2.3g 2 3g Mycena pura . 1. l g 2.2g 2 2g Mycena sanguinolenta .. +. lg + Jg Paxillus involutus .. l. ls 1. ls 1s R ussula atropurpurea l. ls ls Russula cyanoxantha 2. l s 3. ls 3 ls Russula lepida 1. ls l. ls ls Russula nigricans .. +. ls l. l g lg Russula ochroleuca . l.2g l.2g 2g Russula rosea . +. l s + Js Scleroderma aurantium . +.2g +. 2gc + 2gc

D. - Sur les souches et les débris ligneux plus ou moins enfouis.

Collybia platyphylla ... +. Js + Js Ganoderma applanatum 2.2gi 2 .2gi 2 2gi Gloeoporus adustus 1. 3ai 1. 3ai 3ai

86 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

TABLEAU 18 (suite).

1943 1949 Dates .. . IX F.A. Soc. X max. 14 15 max.

H y pholo111a f as cieu lare .. l . 3gc 3.3gc 3 3gc Hyplwloma sublateriri11111 2.3gc 2 3gc Leptopoms caesi11s . l. lg lg Leptoporus lacteus . +. l s + ls J\fyce11a ga/ericulara l. lg l.2g 2g 1\fyce11a i11cli11ara .. +.2g + 2g J\ fyce11a polygra111111a l. l g lg Pho/iora 11111tabilis .. 2.2gc 3.3gc 3 3gc Physispori1111s sa11g11ù10/e11111s . +.5a + 5a P/111 c11s cervi1111s ... +. l s + l s Stcrc:1111 hirs11111111 .. + .2ai l .2ai 2ai Trumctcs vcrsico/or l .3gi 3. 3gi 3 3gi

F . - Sur les branches mortes au-dessus du sol.

Clilorosplc11i11111 aerugi11e11111 .. +.3g + 3g Dac1yo111yces deliq11esce11s l. 3g 3g Lcproporus caesi11s . +. ls + l s ,\ Iycc11a ga/cric11lata +. lg + lg Srcrc11111 hirs11111111 .. J . 2ai 2ai Tra111ctcs versico/or +. lg + lg

J . - Sur les troncs debout.

Fo111cs f 0111c11tan'11s . +. ls + l s Piproporus bc111li1111s l. 2g 2g

La Hêtraie de Poteau. La Hêtraie de Schlommefurth.

A proxi mité de la grand-route de la Baraque Frai­ Entre Vielsalm et Saint-Vith, à proximité de ture à La Roche. au lieu-dit Poteau (Dochamps), nous l'ancienne frontière, s'étend un immense massif que avons commencé l'étude d'une hêtraie à luzules blan­ les forestiers allemands ont maintenu à l'état de hêtraie ches qui nous a déjà fourni quelques espèces signifi­ jusqu'au début de ce siècle. Après la guerre de 1914- catives. Cette hêtraie est installée sur sous-sol de grès 1918, l'Administration forestière belge a entrepris la et quartzites gedinniens, à l'altitude de 575 m. Son sol conversion des parties les plus dégradées de cette forêt et son tapis végétal rappellent fort ceux du Bois de en futaies résineuses équiennes. Celles-ci gagnent pro­ Freyr. gressivement en étendue et la forêt naturelle régresse. Nous ne disposons que de 2 relevés mycologiques II faut beaucoup chercher à l'heure actuelle pour trou­ de ce bois. Le tableau 19 en donne Je détail. Les ver quelques îlots intacts de la Hêtraie primitive. NOIR­ 4 mycotopes repérés et les 54 taxons recensés ont pro­ FALISE (1949, p. 82), comme nous l'avons déjà indiqué, curé 61 données mycosociologiques. a attiré l'attention sur l'existence dans ce massif fores-

87 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

tier de quelques lambeaux d'une futaie de Hêtre à Nous avons parcouru quelques ares de cette Hêtraie aspérules qui se caractérise par un sol colluvial épais, à aspérules à Schlommefurth (Crombach); nous avons riche, neutre, et par un cortège floristique que l'on pu y faire en plus des observations écologiques et pby­ n'est pas accoutumé à rencontrer en Haute Ardenne tosociologiques que nous relatons ici et qui confirment (voir tableau 16); les compagnes du Hêtre sont nom­ celles de NorRFALISE, 2 relevés mycologiques qui font breuses et comprennent notamment: Asperula odorata, l'objet du tableau 20. Ce n'est qu'un début d'étude, Rubus saxatilis et Daphne mezereum. L'humus est mais les données recueillies méritaient d'être signa­ doux, ainsi qu'en témoignent l'abondance des espèces lées, bien qu'elles diffèrent à peine de celles des autres des Fagetalia et l'absence des espèces d'humus brut. hêtraies étudiées. Les 4 mycotopes observés et les Les espèces montagnardes sont bien représentées et 45 taxons recensés fournissent 68 données mycosocio­ marquent nettement l'étage de végétation. logiques.

T ABLEAU 19. - Dochamps. Hêtraie de Poteau. Hêtraie ardennaise.

1950 1951 Dates ... X VIII F.A. Soc. 14 26 max. max.

A. - Sur le sol.

Amanita citrina ...... 2.2g +. ls 2 2g Amanita citrina var. alba l.2g 2g

Amanita rubescens . ... 2 . lg l. ls 2 l g

Amanita vaginata var. plumbea .. 3.2g 3 2g Boletus badius l. l g l g Boletus chrysenteron 2. lg 2 lg Cantharellus lutescens ... +. lg + l g Cantharellus tubiformis . 2 . 3g 2 3g Cantharellus tubiformis var. lutescens .. +. lg + lg Clitocybe dico/or ... +. lg + lg Clitocybe nebularis . 3.40 3 4o Clitocybe vibecina .. l. lgc l gc Collybia dryophila . 2.2g 2 2g Cortinarius cinnabarinus l. lg l g Cortinarius delibutus ... 3.4g 3 4g Cortinarius punctatus ... + .lg + l g Cortinarius raphanoides 3. 4g 3 4g Cortinarius subnotatus .. l.2g 2g Cortinarius torvus . 2.4g 2 4g Flammula /enta l. l g lg Inocybe napipes +. Jg + lg Inocybe umbrina ... l.2g 2g Laccaria amethystina ... 3.2g l .2g 3 2g Laccaria laccata ...... 2.2g 2 2g Lactarius camphoratus .. l.2g +. l g 2g Lactarius theiogalus ... ] . lg l g lvfarasmius prasiosmus .. +. lg + l g Marasmius splachnoides l. l g l g

88 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

TABLEAU 19 (suite).

1950 1951 D ates ... X F.A. Soc. VIII max. max. 14 26

/Il[ elanol euca friesii + . l s + l s R ussula f elle a . 2. lg 2 lg Russula mairei l. lg lg Russula ochroleuca . 2 .2g 2 2g Tricholo111a murinaceum + .2g + 2g Tricholoma ustale .. l. l g lg

C. - Dans la couche de feuilles mortes et de brindilles.

Helo1i11111 tuba l. lg lg Il

D . - Sur les souches et les débris ligneux plus ou moins enfouis.

Ga11oder111a applanawm l. lgi ]. lgi lgi

Gloeoporus adusws l .2ai J . 2ai 2ai

Hohe11b11ehelia serotina .. + .2gi + 2gi

Hypholoma f asciculare .. 2.3gc 2 3gc

Hypho/oma sublateritium 2.2gc 2 2gc

Leptoporus caesius . l. ls +. Js Js

Afyce11a galericulara 2. lg 2 lg

Panel/us stipticus ... l.2g 2g

Pholiota mwabilis .. 3.4gc 3 4gc

Psathyrella hydrophila .. l .2gc 2gc

Schizophyllum commune l.2g 2g

Stereum hirsuwm .. +. ls + Js

Stereu111 r11gosum ... 1. 2a 2a

Tramctcs versicolor l.2gi 2gi

F. - Sur les branches mortes au-dessus du sol.

Leptoporus caesius . +. ls + Js

Panellus stipticus ... 2.2g 2 2g Plical/lra f aginea .. l.4g 4g

Schizophyll1m1 commu11e 2.3g 2 3g Tremcl/a f oliacea .. + .2c + 2c

89 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

TABLEAU 20. - Crombach. Bois de Schlommefurth. Hêtraie ardennaise.

1951 1951 F.A. Soc. Dates ... VIII VIII max. l l 26 max.

A. - Sur le sol.

Amanùa porphyria + . ls + l s Amanita rubescens . J. l s J. l s l s Amanita spissa + . ls + ls Amanita vaginata var. plumbea .. J.2g 2g Boletus chrysenteron J. ls ls

Cantharellus cibarius +.2g + 2g Clitocybe infundibulif ormis ... + . ls + ls Collybia dryophila . J. lg lg

Collybia platyphylla +. ls + ls Inocybe Iongicystis . J.2g 2g

Inocybe umbrina ... +. lg + lg Laccaria amethystina J. l g 2.3g 2 3g

Lactarius blennius .. + . ls + ls Lactarius camphoratus .. J. l g J. lg lg Lactarius piperatus l. ls J. lg lg

Lactarius subdulcis 1. lg J. lg lg Lactarius volemus .. + . ls + ls

Marasmius peronatus + . ls + . ls + ls Mutinus caninus ... + . lg + lg Mycena pelianthina + .2g + 2g Mycena pura . + . ls + . ls + ls Russula albonigra .. + . ls + ls Russula amoena ... + . lg + lg Russula cyanoxaniha + . ls 1. ls ls Russula emeticicolor + . ls + ls Russula f oetens l.2g 2g Russula mairei l. ls l s

Russula peciinata .. + . ls + ls Russula rosea . +. ls J. ls l s

D. - Sur les souches et les débris ligneux plus ou moins enfouis.

Collybia plaiyphylla ... +. ls + Js Ganoderma applanatum 2. lg 2. lg 2 lg Gloeoporus adustus 2 . 2i 2.2i 2 2i Hypholoma f asciculare .. +.le +.2c + 2c

90 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

T ABLEAU 20 (suite).

195 1 1951 Dates ... F.A. Soc. VIII VIII max. li 26 max.

Pholiota mutabilis .. +.le + .5c + 5c Psathyrella hydrophila .. +. 3c + 3c Stereum hirsutum .. +.li +. li + li Stereum rugosum ... 1. 2a 1. 2a 2a Trameres quercina . +. ls + . l s + l s Trametes ve1·sicolor l. 2i J.2i 2i Uswlina vulgaris ... +.3a +. 3a + 3a Xylaria hypoxylon +.3gc +. 3gc + 3gc Xylaria polymorpha 3.3g +. 3gc + 3gc

J. - Sur les troncs debout.

tereum rugosum ...... 2.3a 2.3a 2 3a 1 Il

K. - Sur le bois mort des cimes.

Paria versipora ... 2.2a 2.3a 2 3a Stereum rugosum ... 2.2a 2.2a 2 2a

§ 2. LES MYCOSYNECIES OBSERVEES Mycotope A. - Synmycies épigées du sol bumeux. (Abondance-dominance : 5) Quatorze mycotopes ont ju qu'à présent été repé­ Ce rnycotope d'abondance-dominance maximum - rés dans la Hêtraie ardennaise, selon la technique pro­ la couverture muscinale ne dépasse pas 10 % - n'a posée : 3 mycotopes humeux, 6 mycotopes ligneux, pas fait l'objet d'études suffisamment homogènes pour 2 mycotopes bryophytiques, 2 mycotopes anthropo­ qu'il soit possible de tirer des conclusions limitatives gènes et 1 mycotope dû à un accident hydrologique. au sujet de la cons tance d es espèces qu'il Le tableau 21 donne la liste d'ensemble de ces héberge. Sur 131 taxons observés, 5 seulement ont été mycotopes ainsi qu'une statistique sociologique des vus dans les 4 sites étudiés (constance V) : diverses synmycies. Amanita rubescens On trouvera le potentiel mycologique minimum de Amanita vaginata var. plumbea chaque mycotope exprimé dans les deux dernières Boletus chrysenteron colonnes des tableaux 17, 18, 19 et 20, sous forme de Laccaria amethystina coefficients de fréquence et d'abondance-sociabilité Lactarius camphoratus maximale observée. 15 ont été observés dans 3 des 4 hêtraies décrites La comparaison entre eux des mêmes mycotopes (constance IV) : dans les quatre tableaux analytiques, l'examen des coefficients, des types de sociabilité et des types physio­ Amanita citrina Amanita citrina var. alba nomiques des carpophores, un aperçu des aspects sai­ Amanita porphyria sonniers nous renseignent sur la nature de la mycé­ Amanita spissa tation dans le Fagetum boreoatlanticum de l'Ardenne. Boletus badius

91 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Collybia dryophila Mucidula radicata Inocybe 11mbrina Panaeol11s separat11s Laccaria laccata Rhodophyllus staurospoms Lactari11s blenni11s R11ssula albonigra Marasmills peronat11s R11ss11la chamaeleontina Mycena pllra Russula emeticicolor R11ss11la cyanoxantha Russula grisea R11ss11la mairei R11ss11la heterophylla Russula ochrole11ca R11srnla lepida R11ss11la rosea R11ssL1la pectinata Russula vesca Les taxons qui, par leur fréquence, domi­ R11ss11la virescens nent la physionomie du groupement ne sont pas nom­ breux; aucun n'atteint le coefficient 5, 2 seulement Le type ph y si on o mi que dominant est atteignent le coefficient 4 : Amanita vaginata var. plum­ incontestablement le facies agaricoïde, qui est repré­ bea et Laccaria amethystina (2 taxons dont la cons­ senté par 126 taxons sur 131, soit 96 %. Les 5 espèces tance est en même temps absolue); 18 taxons sont de restantes sont Otidea onotica, Clavaria cristata, C. cine­ fréquence moyenne 3 : rea et C. rugosa, soit 4 espèces dressées , et Amanita rnbescens Galactinia badia, qui est vraisemblablement transgres­ Amanita vaginata var. f11lva sive d'un autre mycotope. Les espèces du sol de la Bolet11s badius Hêtraie ardennaise sont presque toutes de grosses espè­ Boletus chrysenteron ces charnues de facies agaricoïde, ce qui démontre le Boletus edulis caractère homogène du mycotope tel qu'il a été défini. Canthare/111s cibari11s Clitocybe nebL1laris Collybia b11tyracea Au point de vue f loris tique, il serait sans Collybia dryophila doute prématuré de vouloir comparer la Hêtraie de Cortinari11s delib11tL1s Schlommefurth aux 3 autres; remarquons cependant Cortinarills raphanoides que les espèces suivantes n'ont, en hêtraie, été obser­ Hydnum repandum lthyphallus imp11dic11s vées que dans cette sous-association à aspérules : Laccaria laccata Inocybe longicystis Mycena pura Lactarius volem11s R11ss11la cyanoxantha Mycena pelianthina Russula lepida R11ss11la albonigra Russula nigricans R11ss11la amoena R11ss11la emeticicolor Au point de vue de la s o ci ab i 1 i t é des carpo­ R11ss11la foetens phores, on peut constater que 103 taxons sur 131, soit Russ11la pectinata 78,6 %, ont une sociabilité grégaire simple cc g )); 5, soit 3,8 %, ont une sociabilité grégaire cespiteuse Les as p e c t s s a i s o n ni e r s de cette fonge cc gc '': épigée sont peu variés. Nous ne connaissons pas d'aspect printanier. La poussée des carpophores débute Cantharellus llltescens Cantharellus tubiformis fin juin et peut se poursuivre sans interruption jus­ Clitocybe vibecina qu'aux gelées de l'arrière-automne. Un maximum de Mycena epipterygia développement fin juillet-début août et un autre en Otidea onotica septembre-octobre correspondent respectivement à un 2 espèces apparaissent régulièrement en cercles : aspect estival, qu'il reste à caractériser spécifiquement, et à un aspect automnal, bien caractérisé par l'appari­ Clitocybe cerussata tion des Cortinaires. Clitocybe nebularis L'aspect arrière-automnal est extrêmement pauvre : et une en cercles de touffes : peu d'espèces (une vingtaine), carpophores isolés; Lac­ Marasmius confluens caria amethystina et Clitocybe nebularis dominent le lot('). 20 espèces n'ont été observées qu'en carpophores Les conditions rudes de l'hiver en Haute Ardenne solitaires, soit 15 % : excluent toute fonge terrestre hivernale. Amanita porphyria La formule saisonnière s'établit comme suit : Boletus erythropus Boletus piperatus Clitocybe clavipes [E - Â ... (aa)] Collybia platyphylla Inocybe asterospora Lactarius volemus (1) Rhodopaxillus 1wd11s n'a pas été jusqu'ici observé par Melanoleuca friesisi nous dans les Hêtraies de la Haute Ardenne.

92 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

E n ré su m é , les synmycies épigées de la H êtraie 5 espèces ont été trouvées dans 3 hêtraies : ardennaise n'ont pas encore permis de reconnaître Collybia platyphy lla beaucoup d 'espèces constantes (15,3 %), ni beaucoup H ypholoma s11blateriti11m d'espèces fréquentes, mais une dominance presque abso­ Leptoporus caesi11s lue se manifeste déjà d 'une sociabilité de type grégaire Mycena galericu/ata simple (78,6 %) de carpophores de facies agaricoïde Psathyrella hydrophila (96 %). Le développement des carpophores se pro­ On ne doit pas se tromper au sujet du caractère duit de l'été à l'automne et manifeste deux maxima apparemment bas du pourcentage de taxons constants : saisonniers. 12/47. Dans l'état des observations, ce chiffre serait difficilement plus élevé : à part le Roerbusch, les 3 Mycotope B. - Synmycies hypogées de l'humus. autres hêtraies n'ont fourni chacune que 2 relevés; elles (Abondance-dominance : +) comptent pour ce mycotope : HF = 15, HP = 14 et HS = 13 taxons et elles n'ont ajouté que 2 espèces à La couche d'humus est faible; on n'en trouve d'accu­ la synmycie du Roerbusch. On peut dès lors supposer mulation q ue dans de légères dépressions et dans le que Je mycotope D héberge un solide lot de taxons cœur des très vieilles souches pourrissantes. Ce myco­ constants que des recherches plus approfondies feraient tope est-il aussi étroitement localisé qu'il Je semble, à apparaître. Il est dès à présent suffisamment individua­ en croire la rareté extrême des trouvailles de champi­ li sé par Je caractère de constance. gnons hypogés? Il faudrait conduire des recherch~s Une seule espèce atteint une fréquence éle­ spéciales selon des techniques appropriées pour pouvoir vée, 4: répondre objectivement à cette question. Quoi qu'il en Trame/es versicolor soit, un seul carpophore de Melanogaster tuberiformis a été récolté au Roerbusch dans l'humus d'une souche 7 espèces apparaissent avec la fréquence moyenne 3 : pourrie. Il n'est évidemment pas possible d'énoncer la moindre considération au sujet du comportement de Collybia platyphyl/a cette fonge. Ga11oderma app/a11at11m J-lyp!to/oma fascic11/are Myce11 a galeric11/ata Mycotope C. - Synmycies endogées P!to/iota m111abilis de la couche de feuilles mortes et de brindilles P/11te11s cervinus en voie d'humification. Stere11m hirs11t11m (Abondance-dominance : 2) La s o ci a b i 1 i té des carpophores se répartit Irrégulièrement répandu et de dominance très fai ­ entre différents types, mais c'est Je type cespiteux, ble. ce mycotope n'a fait l'objet que de 4 observations. simple « c » (3 espèces, 6,3 %) ou groupé << gc » 2 espèces ont été rencontrées; ce sont 2 Discomy­ (16 espèces, 34 %) qui domine. cètes: grégaire simple, et Heloti11m tuba, Calycella Viennent ensuite les types imbriqué cc i » (9 espèces, citri11a , très densement grégaire. La première de ces 19 %) et imbriqué-confluent «ai » (4 espèces, 8,5 %) : espèces se présente sous la forme d'un petit disque sti­ pité, la seconde sous celle d'un petit disque épais et Ganoderma applana111m Hobe11b11e!telia serotina très courtement turbiné. Des observations ultérieures Panel/11s stipticus permettront de décider de la question du type physio­ Po!ypiltts frondos11s nomique de ces espèces. Sc!tizop!tyl/11m comm1111e Trame/es be111/i11a Trame/es gibbosa Mycotope D. - Synmycies épixyles des souches Trame/es versicolor et des débris ligneux en étroit contact avec le sol. Trame/es zona/a (Abondance-dominance : 3) G/oeopoms ad11st11s Quoiqu'uniformément répandu, ce mycotope garde Mem/i11s tremel/os111· une dominance faible, mais les synmycies qu'il héberge S1ere11m !tirs11111m ont fa it l'objet de belles observations. S1ere11m p11rp11re11m Sur les 47 taxons observés, la constance de 7 espèces, soit 14,8 ont été trouvées en groupe 12 d'entre eux seulement apparaît; 7 ont été trouvés %. (( g)): dans les 4 hêtraies : Ga11uderma appla11at11111 Cory11e sarcoides G/ueupoms ad11st11s Leptoporns caesi11s l l ypho/0111a fascic11/are Leptoportts lacte11s Phuliuta 11111/ahilis Ga11oderma /11cfd11m Stere11m hirs11/11m Polypore/lus arculari11s Stcre11111 m gos11m Polyporel/11s varius Trame/es i·ersico/ur Strop!taria depilata

93 F . DAR IMONT. - RECHER CHES M YCOSOCIOLOGIQUES

3 espèces, soit 6,3 % sont résupinées-confluentes leur développement jusqu'au printemps. A ce moment, «.a»: les carpophores annuels (Stereum hirsutum, S. purpu­ Physispori1111s sa11g11i110/e11t11s reum, Trametes versicolor, T. betulina, G/oeoporus Paria versipora adustus, Polyporellus sp., etc.) se détruisent, tandis que Stere11m mgos11 m les carpophores pérennants (Stereum rugosum, Gano­ derma sp.) assurent la continuité de la mycétation des 5 espèces enfin, soit 10,6 %, n'ont été observées souches. qu'en carpophores isolés << s » : La formule saisonnière s'établit comme suit : Collybia platy phylla Fomes margi11at11s [e - Â - H - (v) - ]. M 11 cid11 /a radicata P/11te11s cervi1111s L'originalité de physionomie de cette fonge des Trametes q11erci11a hêtraies est assurée à la fois par la luxuriance du déve­ Il y a lieu d'attirer l'attention sur l'abondance loppement et l'importance des touffes de carpophores sociale que peuvent avoir les carpophores de Pholiota que les espèces peuvent former sur les grosses souches de hêtre, et par les aspects rares de certains carpopho­ mutabilis: << 4gc >i, << 3gc », u 4gc ii, << 5gc »; ils forment des groupes de touffes extrêmement volumineuses res : Ganoderma lucidum au long stipe et à la cuticule sous lesquelles de grosses souches peuvent disparaître laquée, brillante, brun acajou ou noire; Hohenbuehelia entièrement. Dans ces mycosynécies, plusieurs espèces serotina à stipe court d'un brun chaud et à cuticule manifestent la même tendance, mais à un degré moin­ verte. dre : Hypholoma fasciculare, H. sublateritium, Armilla­ En résumé, les synmycies épixyles des souches riella mellea, Psathyrella hydrophila, Mycena inclinata, de la Hêtraie ardennaise comportent une base de taxons Pholiota adiposa, Lentinellus cochleatus. Des espèces constants (25,5 %); elles n'ont pas encore permis de dimidiées peuvent aussi recouvrir entièrement certaines reconnaître beaucoup d'espèces à fréquence élevée. La souches grâce à leur abondance sociale : Trametes ver­ sociabilité des carpophores se répartit surtout entre le sicolor, Gloeoporus adustus, Polypilus frondosus, Phy­ type cespiteux, simple op groupé (40,3 %). et le type sisporinus sanguinolentus couvrent de grandes surfaces imbriqué, simple ou confluent (27,5 %). La physiono­ sur et autour de souches presque entièrement décom­ mie des carpophores se divise également entre les facies posées. agaricoïde et pleurotoïde. Le développement des carpo­ La physionomie des champignons de ces phores charnus se produit surtout en été et en automne, mycosynécies se partage entre plusieurs types, mais les carpophores ligneux se montrent de l'été à la fin 2 sont dominants : du printemps; des espèces pérennantes assurent une le facies agaricoïde comprend 19 espèces, soit 40,4 %; continuité de physionomie. le facies pleurotoïde comprend 19 espèces, soit 40,4 %. Citons encore le type résupiné avec 3 espèces, soit Mycotope E. - Synmycies épixyles des brindilles 6,3 %. tombées près du sol. La majeure partie des espèces de ces synmycies, (Abondance-dominance : 2) même certains Polypores, sont charnus. Toutefois les Ce mycotope, largement répandu, mais de domi­ espèces ligneuses sont nombreuses. nance très faible, n'a fait l'objet que d'une seule obser­ La durée des carpophores des espèces de la fonge vation, au cours de laquelle ont été récoltés : Maras­ des souches des Hêtraies ardennaises est très variée et mius insititius, M ycena stylobates et Schizophyllwn l 'a pp a ri t ion de ces carpophores se répartit d'une commune. La sociabilité de ces 3 espèces était << g ». manière très inégale au cours de l'année. On peut dire Il est prématuré de parler de leur physionomie. que ce mycotope ne manque jamais de champignons. Les carpophores charnus se développent depuis le début de l'été jusqu'aux fortes gelées de l'arrière­ Mycotope F. - Synmycies épixyles automne. Pholiota mutabilis est une des premières espè­ des branches mortes et tombées. ces à apparaître, en compagnie des Hypholoma fascicu­ (Abondance-dominance : 2) lare et H. sublateritium et de Pluteus cervinus. Le nom­ Les branches que la tempête a abattues ou qui, mor­ bre d'espèces augmente peu à peu, les Polypores char­ tes, tombent d'elles-mêmes sur le sol sont immédiate­ nus se développent et à l'automne cette fonge atteint ment colonisées par diverses espèces de champignons. son maximum de luxuriance. Les périodes les plus Les observations trop fragmentaires ne laissent humides sont marquées par l'apparition d'espèces fra­ entrevoir aucun caractère de constance, aucune indivi­ giles au développement rapide : Psathyrella cotonea, dualité de la flore. Il conviendra de multiplier les P. hydrophila, Stropharia depilata, Physisporinus recherches dans ce mycotope (1), peut-être insuffisam- sanguinolent us. Les carpophores ligneux ont une longue durée, ils (1) Les observations faites au Brandehaag (tableau 17 bis) apparaissent durant l'été ou l'automne et poursuivent montrent dans quel sens il faudra orienter ces recherches. 94 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE ment défini sur la base du volume nourricier et de la vent s'étager et s'imbriquer le long du tronc (( i », tandis stratification microclimatique. que Stereum rugosum forme des plaques confluentes <( a >> qui atteignent de très grandes dimensions. Deux Mycotope G. - Synmycies épixyles des troncs abattus. espèces, Tremella foliacea <( ga ii et Mucidula mucida », (Abondance-dominance: +) (( ic croissaient en haut du tronc, à la naissance de grosses branches; leur abondance dans le mycotope Ce mycotope, d'observation accidentelle, a été étu­ suivant nous fait supposer qu'elles sont ici des trans­ dié deux fois au R oerbusch et, sur 10 espèces récoltées gressives. au total, une seule, Pane/lus stipticus, était présente les L 'aspect de cette mycosynécie dominée par les deux fo is. grosses consoles des Polypores ligneux pérennants et R emarquons seulement la dominance du type les grandes plaques confluentes de Stereum rugosum social imbriqué, simple ou confluent (80 %). le est fort homogène au cours des saisons. On peut distin­ nombre des coefficients d'abondance sociale élevés : guer cependant un aspect estivo-automnal, avec le déve­ l coeff. 4, 7 coeff. 3, sur 10 espèces. loppement des espèces tendres : Polypilus sulphureus et Le type p h y si on o mi que dimidié ou facies Fistulina hepatica, et un aspect hivernal, à Pleurotus pleurotoïde domine : 9 espèces sur 10; 1 espèce, dont ostreatus. le type habituel est le facies agaricoïde: Mycena galeri­ La formule saisonnière s'établit comme suit : c11/ata, a ici un stipe court et courbé latéralement. La 10° espèce, Bulgaria inquinans, a le facies trémelloïde [e - Â - H - (v) - ]. tel que nous l'avons défini précédemment: touffes ces­ piteuses de carpophores turbinés ou versiformes (1). En résumé, l'abondance de la fonge épixyle des troncs debout de la Hêtraie ardennaise dépend de l'état d'entretien sylvicole de la forêt. Le type de socia­ Mycotope J. - Synmycies épixyles des troncs debout. bilité imbriqué et le facies pleurotoïde dominent la (Abondance-dominance: 4) physionomie de cette fonge, dont l'homogénéité au Les troncs debout sont nombreux dans une futaie cours des saisons est à peine rompue par quelques pleine. Qu'ils soient vivants ou morts, ils peuvent être espèces spéciales à la période estivo-automnale ou à la le siège d' une activité mycélienne et porter des carpo­ période hivernale. phores. La dominance du mycotope reste évidemment moyenne par rapport à la dominance du mycotope sol. Mycotope K. - Synmycies épixy1es des ci.mes Cette mycosynécie n'a pratiquement été étudiée des arbres de futaie. qu'au Roerbusch. Nous nous bornerons à un minimum de remarques. (Abondance-dominance: 3) Les chiffres de fréquence sont bas, aucun ne Ce mycotope uniformément répandu est limité au dépasse 2; cela s'explique par le soin avec lequel nos bois mort; aussi sa dominance reste-t-elle moyenne. forêts sont entretenues O. Cette mycosynécie étudiée au Roerbusch a fourni Sur les 10 espèces notées, 7 ont le facies pleuro­ une liste de 10 espèces dont 2 se sont retrouvées à la toïde, l est trémelloïde (Tremella foliacea), 1 peut être Schlommefurth: Poria versipora et Stereum rugosum. rattachée à ce dernier facies (Mucidula mucida); Ste­ Elles peuvent être considérées comme c o n s t a n te s . reum m gosum est corticioïde. La fréq uence moyenne 3 est atteinte par Poria versipora et par Peniophora corticalis. A part Radulum Le t y p e p h y s i o n o m i q u e dominant est la membranaceum, toutes les autres atteignent la fré­ disposition imbriquée, les 7 espèces pleurotoïdes peu- quence 2.

( 1) Les observations du Brandehaag (tableau 17 bis) confir­ La s o ci a b i 1 i té est dominée par le type con­ ment absolument toutes ces considérations. Sur 13 espèces fluent (( a ii, 5 espèces sur 10, soit 50 % : observées dans le mycotope G du Brandehaag, 11 sont du type "i (i, ai ou ic) '" soit 84,6 ~;,; les coefficients d'abon­ Peniophora corticalis dance sociale sont élevés: 2 coeff. 4, 8 coeff. 3; 12 espèces Phlebia aurantiaca sont pleurotoïdes (Po/yporel/11s arc11/ari11s, à stipe couché obli­ Paria versipora que), la 13° est trémelloïde (Coryne sarcoides). Les troncs Rad11/11m membra11ace11m couchés du Brandehaag permettent de porter de 10 à 16 la Stere11m m gos11m liste des espèces de ce mycotope. 7 espèces ont été observées dans les deux sites et sont vraisemblablement de bonnes con­ Ce sont en même temps les espèces qui ont le facies stantes du groupement: G/oeopoms ad11s111s, Hohenh11ehelia corticioïde. serotina, Panel/us stipticus, Schizophyl/11m co111m1111e, Stere11111 3 espèces de facies trémelloïde sont de sociabilité hirs11t11111, S. p11rp11re11111, Trame/es i·ersicolor. grégaire confluente (( ga » (30 %) : (2) Les observations faites au Brandehaag (tableau 17 bis) montrent que ces coefficients s'élèvent vite, en même temps Dacryomyces deliq11esce11s que le nombre des espèces, dès qu'une forêt est abandonnée à Exidia g/a11d11/osa elle-même pendant quelques années. Tremella foliacea

95 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

2 espèces dimidiées, soit 20 %. Mucidula mucida et Des recherches microclimatiques pourront nous dire Hohenbuehelia serotina, ont un recouvrement abon­ s'il convient de maintenir ce mycotope ou bien s'il damment gélifié qui les rapproche du type précédent convient de le fondre dans le mycotope A, en consi­ (f. trémelloïde sensu lato) et ont une sociabilité imbri­ dérant le cortège du Polytric au même titre que le quée-cespiteuse cc ic >i (1). cortège du Hêtre ou de quelque autre plante. L'aspect de cette mycosynécie au cours des sai­ sons manque de variété. Mucidula mucida peut appa­ Mycotope T. - Synmycies du sol herbeux raître dès l'été, son développement n'est arrêté que par et azoté des chemins. les gelées fortes; par temps doux, il se prolonge jus­ (Abondance-dominance : 1) qu'en hiver. Il en est de même de la plupart des autres espèces, leur apparition étant surtout automnale. Ste­ Les apports d'azote ammoniacal par les crottins des reum rugosum est pérennant. Peniophora corticalis, chevaux qui charrient les bois abattus expliquent la Radulum membranaceum persistent jusqu'au printemps. présence des 4 espèces coprophiles observées au Roer· La formule saisonnière s'établit comme suit : busch dans les chemins d'exploitation. Ce mycotope, caractérisé par la nature du substrat, reste étroitement [e - Â - H - (v) - ]. localisé. En r é s u m é , les synmycies épixyles des cimes de la Hêtraie ardennaise sont pauvres en espèces, mais Mycotope X . - Synmycies du sol marécageux elles sont très bien caractérisées physionomiquement des sources. par les types induré corticioïde et gélatineux trémel- (Abondance-dominance : +) 1oïde entre lesquels se partagent également les espèces. Nous avons cru devoir considérer comme un myco­ Le développement des carpophores est surtout autom­ tope de la Hêtraie, cette infime surface du Roerbusch no-hivernal. où, sous l'ambiance des Hêtres, le sol marécageux d'une zone de source héberge un Aulne, 2 espèces de Mycotope L. - Synmycies des tapis de mousses. son cortège : Gyrodon lividus et Lactarius cyathula, et un petit saprophyte des feuilles mortes immergées : (Abondance-dominance : +) Mitrula paludosa. Les petits tapis de Dicranum constituent un myco­ Cette mycosynécie a évidemment un caractère tout tope très localisé mais physionomiquement bien carac­ à fait accidentel dans la Hêtraie ardennaise. térisé par la présence de 2 espèces de petite taille : Galerina hypnorum et Omphalia fibula. Une seule observation dans le Roerbusch ne per­ Mycotope Z. - Synmycies des fauldes. met pas de commentaire. (Abondance-dominance : 1) Les aires où l'on a brûlé du bois ne sont pas telle­ Mycotope O. - Synmycies des tapis de Polytrics. ment rares dans le Roerbusch, par suite du nombre (Abondance-dominance : +) d'ouvriers forestiers qui travaillent en permanence dans la forêt. Ces charbonnières constituent un mycotope Les tapis de Polytrichum formosum sont assez nom­ fort bien caractérisé par ses conditions écologiques et breux dans le Roerbusch. On peut les considérer par sa physionomie. comme des mycotopes spéciaux caractérisés à la fois Les 8 espèces observées au Roerbusch se répartis­ par le substrat spécial qu'ils offrent aux champignons sent entre deux types physionomiques. 5 espèces, soit et par la physionomie de leur fonge : facies agaricoïde 62,5 %. ont un facies agaricoïde de petite taille, de typique (11,1 %) ou modifié (taille moyenne, long couleur noire, grise ou sale : stipe) en un facies polytrichophiloïde (88,8 %). Ca11thare/lus carbonarius Telles nous apparaissent les 9 espèces observées F/ammula carbonaria dans ce mycotope au Roerbusch, la seule hêtraie où Hebeloma anthracophilum nous l'ayions examiné. Omphalia maura La fréquence des espèces est peu élevée. Tephrophana ambusta Socialement, 7 sont du type grégaire simple, 1 du 3 espèces, soit 37,5 %. ont un facies de pezize de type grégaire cespiteux (voir tableau 17) et 1 a été taille moyenne : trouvée en un seul exemplaire : Melanoleuca vulgaris. Galactinia praetervisa Deux espèces, Hygrophoropsis umbonata et Peziza aurantia Hypholoma polytrichi, sont liées biotiquement au genre Rhizina inflata Polytrichum. Les 8 espèces de charbonnières ont une sociabilité grégaire, en général simple. (1) Ici encore, les données du Brandehaag (tableau 17 bis) concordent remarquablement avec celles des autres Hêtraies Les aspects saisonniers classiques, printanier et ardennaises, au sujet de toutes les caractéristiques attribuées estivo-automnal, ne ressortent pas clairement de nos à la fonge du mycotope K. observations.

96 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

des carpophores dans les différents mycotopes, d'autre CONCLUSIONS DU CHAPITRE II part des aspects saisonniers. Les types de sociabilité représentés sont nombreux 1. La mycétation de 4 Hêtraies ardennaises a été et ils diffèrent selon les mycotopes. Le tableau 22 con­ analysée et décrite. 14 mycotopes ont été distingués, sidère les 4 mycotopes pour lesquels nous disposons 258 taxons étudiés et 816 données mycosociologiques de renseignements statistiques suffisants et qui sont rassemblées. Les tableaux 21 et 22 donnent un aperçu importants pour la physionomie générale de la forêt. Ce statistique des principales observations sociologiques. tableau fait ressortir comment les types de sociabilité et de facies se stratifient depuis le sol jusqu'aux cimes 2. La fonge terrestre comprend, à côté d'une fonge des arbres : type (( g » et facies agaricoïde au sol, type hypogée et d'une fonge endogée insuffisamment con­ (( g », (( gc » et « i » et facies agaricoïde et facies pleuro­ nues, une fonge épigée relativement pauvre: 131 toïde sur les troncs, type (( a 1> et facies corticioïde et taxons, donc la fréquence reste faible. trémelloïde, ces types et ces facies se chevauchant plus La fonge épixyle est surtout bien développée et ou moins d'une strate à l'autre. bien individualisée sur les souches (47 espèces), sur les troncs debout (10 espèces) et sur le bois des cimes 4. Le développement saisonnier des carpopho­ (9 espèce ). res dans les mycosynécies A répond à la formule Les fonges bryophiles ont été observées en deux [E - A ... (aa)], tandis que dans les mycosynécies D, mycotopes : les petits tapis de Dicranum et les grands J, K (substrat ligneux) la formule est [e - A - H - tapis de Polytrichum formosum. La fonge de ces der­ (v) - ]. Au total, la succession des champignons dans niers a fourni 9 espèces et elle est bien individualisée la Hêtraie ardennaise s'opère comme suit: a) en été, par 2 espèces liée biotiquement aux Polytrics. apparition de la fonge terrestre et de la fonge épixyle Deux mycotopes anthropogènes ont été identifiés : charnue; b) en automne, maximum de ces fonges et le sol fumé des chemins, avec 4 espèces coprophiles; apparition de la fonge épixyle ligneuse; c) en arrière­ le sol calciné des charbonnières, avec une fonge spé­ automne, fin de la fonge charnue; d) en hiver, maxi­ ciale bien représentée par 8 espèces anthracophiles. mum de la fonge épixyle ligneuse. Cela permet de défi­ 3. La physionomie mycologique de la Hêtraie arden­ nir pour l'ensemble de la forêt quatre aspects saison­ naise dépend d'une part de la sociabilité et du facies niers:

TABLEAU 21. - Fagetum boreoatlanticum. Mycotopes observés. - Nombre de taxons présents, constants, fréquents.

Nombre de taxons présents Constants Fréquents Mycotopcs observés HR HF HP HS Tot. V IV Max. 4 1 Max. 3 1 1 1 1 1

A. - Sur le sol humeux ...... 103 32 34 29 131 5 15 2 18 B. - Dans l'humus ...... 1 - - - 1 - -- - C. - Dans la couche de feuilles mortes . ... 2 - 1 - 2 -- - - D. - Sur les souches ...... 44 15 14 13 47 7 5 1 7 E. - Sur les brindilles près du sol ...... 3 - - - 3 ---- F. - Sur les branches mortes près du sol ... 13 6 5 - 19 - -- 2 G. - Sur les troncs abattus ...... 10 - - - 10 - - - - J. - Sur les troncs debout ...... 10 2 - 1 10 - - - - K. - Sur le bois des cimes ...... 9 - - 2 9 2 -- 2 L. - Dans les tapis de mousses ...... 2 - - - 2 --- - O. - Dans les tapis de polytrics ...... 9 - - - 9 - - - - T. - Sur le sol herbeux azoté des chemins ... 4 - - - 4 - - - - X. - Sur le sol marécageux des sources ... 3 - - - 3 - - - - Z. - Sur les charbonnières ...... 8 - - - 8 - - - -

97 8 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

TABLEAU 22. - Fagetum boreoatlanticum. Types de sociabilité et types physionomiques dominants.

T ypes de sociabilité Physionomie Nombre (en % du nombre de taxons de la synmycie) de taxons Synmycies de la synmycie 0 oc s g gc c ai i a ic ga Facies dominants % 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

A 131 1, 5 0, 7 15 78 ,6 3,8 ------agaricoïde ...... 96 agaricoïde ...... 40,4 D 47 - - J0, 6 14,8 34 6,3 8,5 19 6,3 - - pleurotoïde ...... 40, 4 corticioïde ...... 6,3 pleurotoïde ...... 70 J JO ------70 JO 10 JO corticioïde ...... JO trémelloïde s. 1...... 20 corticioïde ...... 50 K JO ------50 20 30 l trémelloïde s. 1...... 50

1

- un aspect estival que l'on peut tenter de caractériser pement et l'extension de la fonge épixyle et par la par Russula div. sp. et Boletus div. sp., Pholiota présence de Pleurotus ostreatus. mutabilis et Polypilus sulphureus; Le printemps voit la disparition de toutes les espè­ - un aspect automnal caractérisé par le nombre des ces ligneuses annuelles, ne possède aucune espèce en espèces, leur luxuriance et la présence des Corti­ propre et ne connaît pas de maximum de développe­ naires; ment. On ne peut pas parler d'un aspect vernal sur le plan général de la Hêtraie. - un aspect arrière-automnal à fonge pauvre dominée Les consoles des gros Polypores et les grandes pla­ par Laccaria amethystina et Clitocybe nebularis; ques résupinées de Stereum rugosum sont pérennantes - un aspect hivernal bien caractérisé par le dévelop- et appartiennent à tous les aspects.

CHAPITRE III

LA CHÊNAIE À CHARMES CALCICOLE À PRIMULA OFFICINALIS (Querceto-Carpinetum medioeuropaeum Tüx. primuletosum veris (KLIKA) Tüx. et DIEMO T)

On sait que, dans notre région, en dessous de l'étage et à structure grumeleuse assez fine; elle fait partie du du Hêtre, la forêt climax est la Chênaie à Charmes groupe des sous-associations de basse altitude (en des­ médioeuropéenne (1). On peut distinguer au sein de sous de 350 m) (LEBRUN, NOIRFALISE, HEINEMANN et cette association de nombreuses sous-associations et VANDEN BERGHEN, 1949). variantes, selon l'altitude et les types de sol. Cette forêt est mésophile, moyennement sèche et La sous-association à Primula officinalis est un chaude; son sol est relativement frais et profond, la groupement très fréquent dans le district mosan moyen, couche de terre meuble varie entre 15 et 35 cm. en terrain calcaire. La structure floristique du Q.-C. m. p. est bien Cette sous-association colonise les sols de type A-C, individualisée : son cortège comprend un lot très impor­ riches en carbonates, à réaction basique (pH 7 à 7,5) tant d'espèces silvatiques parmi lesquelles abondent les espèces calcicoles et thermophiles. (1) N.D.L.R.: Dans ce cas aussi, les concepts phytosociolo­ Cette forêt est traitée soit en taillis simple, soit en giques se sont nuancés depuis l'époque de la rédaction de taillis sous futaie claire. Dans la futaie dominent les ces lignes ! Chênes; on compte quelques Frênes et quelques Era-

98 DANS LES F ORETS DE HAUTE BELGIQUE

TABLEAU 23. - Querceto-Carpinetum medioeuropaeum primuletosum. Caractères généraux des sites étudiés.

Bois ...... E B M H 1 1 1

Altitude (m) ...... 90-170 80- 160 240-280 200 Situation ...... Versant Versant Versant Plateau Exposition générale ...... S-SW sw w sw Traitement ...... Futaie sur taillis Futaie sur taillis Futaie sur taillis Futaie sur taillis Sous-sol : étage ...... Givétien Carbonifère Givétien Frasnien Sous-sol : nature ...... Calcaire Calcaire Calcaire Calcaire pH du sol ...... 7 7, 3 7,1 7 Température annuelle moyenne vraie (1) ...... 9°2 9°5 8°5 90 Pluviosité annuelle moyenne (mm) ...... 900 850 850 900 Indice annuel de Lang (P/T ) (1) ...... 97 89 100 100

1 ( ) Les chiffres donnés sont ceux du climat général des régions considérées. La moyenne de température du mésoclimat du site est plus élevée et l'indice de Lang plus bas.

bles. Le taillis est principalement constitué par le Rochefort: Bois de Nolaity. Charme, le Coudrier et le Chêne; çà et là, un Hêtre Jemelle: bosquets du Grand Sart. ou un Bouleau. Han-sur-Lesse: Bois du Rocher de Belvaux. Wavreille : Bois Banal. La dégradation du Q.-C. m. p. conduit à la pelouse Lamine : bosquet du Château. mésophile à Bromus erectus (Mesobrometum erecti). Viersel : Bois du Château. On trouve fréquemment des éléments de cette pelouse Modave : bosquets du Camp Romain. dans les clairières et le long des lisières. Pailhe : Bois de Pailhe. Pailhe : Grand Taillis. Evelette: bosquets à Tahier. Vyle-Tharoul : bosquets. Havelange: bosquets. § 1. LES SITES ETUDIES Les Avins: Bois de Petit-Avins. Bois-et-Borsu (Hoyoux) : Bois du Ruisseau de Fontenoy. Nous avons étudié la flore mycologique de ce type Emptinne : Bois du Château de Fontrune. de groupement forestier en différents endroits du dis­ Ehei n : Bois d'Engiboul. trict mosan moyen (carte 3) : Ben-Ahin : Bois du Ravin de Beaufort (Solières). Ben-Ahin: Bois de Solières. Lixhe: Bois du Thier de ivelle (Loën). Durnal : bosquet de Durnal. Soumagne: Bois des Fonds de la Magne. S;JOntin : Bois de la Brugelette. Forêt: Bois de la Grotte des Fonds de Forêt. Esneux: Bois de Beaumont. Nous présentons dans ce mémoire des observations Comblain-au-Pont : Bois des Tartines. mycosociologiques approfondies effectuées dans quatre Rouvreux: Bois du Château d'Amblève. de ces bois, très comparables non seulement quant à Aywaille : Bois du Thier Maquet. leurs caractéristiques écologiques et sociologiques, mais Comblain-la-Tour: Bois des Rochers de la Vierge. aussi quant à leur traitement forestier. Ce sont le Bois Comblain-la-Tour : Bois du Ravin de Bléron. Hamoir : Bois de Hamoir-Lassus. de Beaumont à Esneux. le Bois du Ravin de Beaufort Hamoir: Bois de Néblon-Je-Pierreux. à Ben-Ahin (Solières), le Bois du Coteau de Bourdon à Filot: Bois de la Heid du Renard. Marenne et le Bois de Hamoir-Lassus à Hamoir, res­ Ferrières : bosquet à Ferot. pectivement désignés dans les tableaux ci-après par Vieuxville : Bois des Rochers de Sy. les initiales E, B, M, H. Vieuxville : Bois du Château de Logne. Barvaux : Bois de Bohon. Le tableau 23 situe ces bois et précise leurs caractè­ Marenne : coteaux de Bourdon. res topographiques et écologiques.

99 ...... 0 0

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CHÊNAIES À CHARMES CALCICOLES

e Sites visités.

 Sites analysés sociologiquement. ~·~....~-- . #., • . .,....., ...... ~. ,.

Le tableau 24 rassemble 4 des relevés que nous avons effectués dans ces bois et qui précisent leurs caractères phytosociologiques.

T ABLEAU 24. - Querceto-Carpinetum medioeuropaeum primuletosum. Relevés phytosociologiques.

Bois E B M H

Date du relevé 25.Vl.46 10.IX .48 9.V.43 12.Vl.43 Superficie du relevé (ha) 0, 5 0, 25 0, 5

Couverture de la strate arborescente . 30 % 35 % 20 % 30 % Couverture de la strate herbacée 50 % 40 % 40 % 45 %

Couverture de la strate muscinale 5 % 5 % 5 % JO %

C a ra c t é ri s tiqu es de l ' a s s o ciati o n : Carpimts bet11lus 2 . 3 3. 4 4 .4 3 . 3 Evonymus europaeus 1.2 +.2 +.2 1. 2 Rammculus fi caria .. 1. 2 [+] 1. 2 Rammculus a11ricomus + + .2 Po1e111illa sterilis ... + + Pulmonaria angustifolia subsp. tuberosa + + S tellaria ho los tea +.2 Primula elatior + Lathraea squamaria +. 2

D i f f é r e n t i e 11 e s d e 1a s o u s - a s s o c i a t i o n à Primula offici11alis (Q.-C. m. primuletosum veris) : Carex digitata . 1. 1 + + .2 +. 2 Pirus co111111u11is + Primula officinalis ... !. 1 [+] + 1.2 Campanula persicifolia ... + Viola hirta 1. 1 + 1. 1 1. 1 Comus mas + . 3 + +. 2 Orchis mascula . + + + Vib11mu111 lantana ... + + Lig11slrum vu/gare .. . !. 2 Aquilegia vulgaris .. . + + 1.1 ! 1111/a conyza ... + + +

Di ff é r e n t i e 11c s par rapport au Q11ercetum atlanticum : Campanula trachelium 1.1 + 1. 1 Lonicera xylosteum .. (+)

Car ac té ris tiques de l'a 11 i an ce (Fraxino-Carpinion) Fraxi11us excelsior + !. 1 2.2 !. 2 Stachys silvatica + + +

101 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

TABLEAU 24 (suite).

Bois E B M H

Listera ovata ... + + +.2 Brachypodium silvaticum +.2 + + + Geum urbanum + + Aegopodium podagraria .. +.3 + Prunus avium .. + + Eurhynchium striatum + + Melandryum dioicum + Salix caprea ... + + Viburnum opulus + + Arum maculatum + +.2 Glechoma hederacea +

Caractéristiques d e l'ordre (Fagetalia silvaticae) : Melica uniflora +.2 +.2 +.2 Viola silvestris . 1. 1 l. 1 + l. 1 Poa nemoralis .. l. 3 2.2 +.3 1. 2 Lamium galeobdolon 2.2 + 1.1 2.2 Pagus silvatica . + + (+) + Carex silvatica . l. 2 Acer pseudoplatanus [.] + l. 2 Anemone nemorosa .. +.2 +.2 Mercurialis perennis +. 2 +.2 + Milium efjusum 1.2 Sanicula europaea ... +.2 Phyteuma spicatum . + 1.1 Scrophularia nodosa + Daphne mezereum ... +. 2 Polygonatum multifiorum + Epilobium montanum + Rosa arvensis ... +.2 +.2 +.2 Neottia nidus-avis ... + + Paris quadrifolia ... 1. 2 + 1. 2 Dryopteris filix-mas . +.2 Euphorbia amygdaloides .. +.2 1. 1 Mycelis muralis + Atrichum undulatum 1. 2 l.2

Caractéristiques de la classe (Querceto-Fagetea) : Hedera helix ... + +.2 + + .3 Corylus avellana 3.3 2.2 2.2 2.3

102 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

TABLEAU 24 (suite). Tableaux 25 à 28, en annexe.

Bois ... E B M H

Crataegus monogyna +.2 + l. 2 +.2 Crataegus oxyacantha + + .2 + + Clematis vitalba l. 1 + 1.1 + Cornus sanguinea 1.2 l. 2 + l. 2 Quercus robur 2.3 3.3 1.2 3.3 Geranium robertianum l. 1 + 1.1 + Acer campestre. + l. 2 l. 2 Prunus spinosa . + .2 + l. 2 + Rosa canina + +

Compagnes

B etula verrucosa + + + Ribes grossularia + Ajuga reptans .. + .2 Fragaria vesca . + .2 + 1.2 Rubus sp.. + + + + R osa tomentosa +.3 Rosa rubiginosa + Ornithogalum pyrenaicum +.2 Convallaria majalis . +.2 Veronica chamaedrys + +

Trans gr es si v es de 1a p e 1ou se (Mesobrometum erec1i) : Brachypodium pinnatum + Bromus erectus . + Thymus serpyllum s. !. .. . + + Teucrimn chamaedrys + Origanum vulgare ... + + S edum album ... + Sanguisorba minor .. Juniperus commwzis . +

Le Bois de Beaumont (Esneux). nous avons étudiées mycologiquement, c'est celle-ci qui a fait l'objet des investigations les plus appro­ Nous appelons ainsi le taillis sous futaie qui couvre fondies. le versant exposé au sud de la presqu'île de Beaumont à Esneux. Le sous-sol est formé de. calcaire frasnien et Le tableau 25 donne le détail des 10 relevés myco­ le sol présente les caractéristiques que nous avons pré­ logiques faits à Beaumont (Esneux). Les 13 mycotopes cisées en tête de ce chapitre. repérés et les 247 taxons recensés ont permis de re­ De toutes les Chênaies à Charmes calcicoles que cueillir 850 données mycosociologiques.

103 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Le Bois du Ravin de Beaufort (Ben-Ahin). Le potentiel mycologique 1111Illmum de chaque mycotope est exprimé dans les deux dernières colonnes Nous désignons de ce nom le bois exposé au sud des tableaux 25, 26, 27 et 28. La comparaison de ces au-delà des carrières de Lovegnée et situé en terrain quatre tableaux nous renseigne sur la nature et la phy­ calcaire carbonifère. La présence dans le cortège phyto­ sionomie de la fonge des différents mycotopes du sociologique de ce bois d'espèces comme Viburnum Querceto-Carpinetum medioeuropaeum primuletosum. lantana et Ligustrum vulgare indique des conditions un peu plus thermopbiles que celles des autres bois étudiés ici. Mycotope A. - Synmycies épigées du sol humeux. Ce Ravin de Beaufort ou de Solières est fertile en (Abondance-dominance : S) découvertes mycologiques et connu des mycologues hutois et liégeois depuis de nombreuses années. Nous Ce mycotope a une abondance-dominance maxi­ avons ajouté à notre liste les noms de 2 espèces récol­ mum, le sol étant à peine garni de mousses. Il héberge tées le 7 août 1936 par le Cercle mycologique de Liège dans chacun des sites étudiés des synmycies remarqua­ et non retrouvées depuis lors. bles par leur nature homogène. Sur 220 taxons obser­ Le tableau 26 donne le détail de 3 relevés faits à vés, 46 ont été récoltés dans les quatre bois, 32 dans Ben-Ahin. Les 6 mycotopes repérés et les 151 taxons trois de ces sites. Le lot des constantes, 78, est vrai­ observés ont fourni 245 données mycosociologiques. ment remarquable. Const a ntes V Le Bois du Coteau de Bourdon (Marenne). Amanita citrina Sous ce nom, nous comprenons le taillis sous futaie Amanita rubescens très claire qui couvre le coteau de calcaire givétien Amanita vaginata var. grisea exposé à l'ouest, à proximité de la halte du chemin de Bolet11s chrysenteron fer de Bourdon, sur la commune de Marenne. Boletus luridus Cantharel/11s cibari11s Marenne est célèbre dans les annales mycologiques Clavaria cinerea et exploré depuis très longtemps. Nous avons ainsi pu Clavaria cristata ajouter à notre liste les noms de 4 espèces que nous Clitocybe cyathiformis n'avons pu retrouver et qui avaient été récoltées en Clitocybe inf11ndib11liformis 1936 et en 1937 par le Cercle mycologique de Liège et Clitocybe neb11laris Clitocybe odora en 1938 lors de la session de la Société mycologique Clitopil11s pru1111l11s de France. Collybia dryophila Le tableau 27 donne le détail de 4 relevés faits à Cortinarius anomalus Marenne. Les 5 mycotopes étudiés et les 131 taxons Cortinarius fulmineus observés ont permis de recueillir 200 données myco­ Cortinarius infractus Hebeloma sinapizans sociologiques. Helvella crispa Hydnum repandum Le Bois de Hamoir-Lassus (Hamoir). Hygrophoms cossus Inocybe bongardi Ce bois couvre une centaine d'hectares en bordure Inocybe cincinnata de plateau, à l'est du Château de Hamoir-Lassus. C'est Inocybe geophylla var. alba Inocybe geophylla var. lilacina un taillis sous futaie installé sur calcaires frasniens. Inocybe griseolilacina Le sol profond et frais présente une très légère pente Ithyphallus impudic11s vers le SW. Laccaria amethystina Le tableau 28 donne le détail de 5 relevés faits dans Laccaria laccata ce bois. Les 6 mycotopes repérés et les 132 taxons Lactarius camphoratus Lactarius ichora/us récoltés ont fourni la matière de 213 observations Lactarius mitissimus mycosociologiques. Lactarius quietus Lac/arius torminosus var. cilicioides Lepiota cris/a/a § 2. LES MYCOSYNECIES OBSERVEES Lycoperdon perlatum Marasmius confl11e11s 14 mycotopes ont jusqu'à présent été repérés dans Mucidula radicata Mycena epipterygia la Chênaie à Charmes médioeuropéenne à primevères, Mycena galopoda selon la technique proposée : 2 mycotopes humeux, Mycena pura 8 mycotopes ligneux, 1 mycotope bryophytique et 3 Rhodopaxillus nudus mycotopes anthropogènes. Stropharia aeruginosa Le tableau 31 donne une liste d'ensemble de ces Tricholoma album Tricholoma terreum mycotopes. Tricholoma ustale

104 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

Constantes IV C/avaria amethystina Agaricus silvicolus Clitocybe dico/or Ama11ita inaurata Leotica lubrica Bolet11s pse11doscaber Lycoperdon perlatum Boletus s11btomentos11s Mycena epipterygia C/avaria rugosa Mycena galopoda Clitocybe dico/or Otidea alutacea Clitocybe geotropa Otidea cochleata Cortinari11s al boviolace11s Otidea onotica Cortinarius emollit11s Polyporus cris/a/us Cortinari11s praestans Rhodophyllus nidorosus Corti11ari11s torv11s 8 espèces apparaissent habituellement dans ce myco­ J-Jygrophorus eb11me11s J-fygrophorus le11cophae11s tope en grands cercles

105 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

TABLEAU 29. - Querccto-Carpinetum medioeuropaeum primuletosum. Mycotope A : Aspect vernal de la mycétation.

1 Bois ...... 1 2 3 4 5 6 7 8

1 1 1 1 1 1 1 1

A. - Sur le sol.

Acetubala vulgaris ...... 2.2g l. 3g 1. 3g 2 .2g l.2g +. Jg +.3g Agrocybe praecox ...... l. Jg l. Jg +. l g 1. lg 2 . 30 4.50 5 . 50 3.40 Calocybe georgii " ...... Collybia dryophila ...... l. l g 1. lg l.2g 2 .3g l.2g

Collybia Junicularis ...... 1. lg 2 .3g Disciotis venosa ...... l. l g l.2g 1.2g l.2g l. 2g l. 3g +. l g I nocybe bongardi ...... +. l 'g Inocybe patouillardi ...... +. l 'g Mitrophora rimosipes ...... l. 3g 3.4g 3.4g 3 .4g l.3g 2.3g 2.2g 2.3g

Morchella conica ...... 2.3g Morchella elata ...... 1. lg Morchella rotunda ... " ...... 2.2g 3.3g 3.3g l. 3g 2 .3g 3.3g 3.4g 1. Jg Morchella umbrina ...... +.3g l.4g Morchella vulgaris ...... 2.3g 3 .4g 3.3g 2.2g l.2g l.2g P eziza aurantia ...... l.4g Rhodophyllus clypeatus ...... +.3g l.4g l.2g .. Rhodophyllus rhodopolius ...... +. lg

Sclerotinia tuberosa ...... 2.3g 2.2g 2 . 3g l.2g Tubaria f urfuracea ...... 1. lg 1. lg 1. l g !. lg 1. Jg ]. tg Verpa digitaliformis ...... 2 . l g 3.2g +. lg 1. Jg

L ÉGENDE DU TABLEAU.

1. Lixhe (Loën), Thier de Nivelles : 28.IV.40; 10.IV.43; 5. Barvaux, Bois de la Tour : 2.V.43; IV.46; V.50; IV.51. 3.V.49. 6. Pailhe, Bois de Pailhe: IV.48; 23.IV.50; V.50; 24.IV.51; 2. Forêt, Fonds de Forêt : 3.V.35; 27.IV.40; 17.IV.43; 6.V.5 1. 28.IV.51. 7. Havelange, bosquet : 23 .IV.50; 15.IV.51; 29.IV.5 l. 3. Ehein, Bois d'Engihoul : IV.39; IV.50; 14.IV.51. 8. Pailhe, Grand Taillis : V.43; IV.50; 6.V.51. 4. Ferrières, bosquet à Ferot : 28.IV.42; 3.V.51.

N.B. - Coefficients maxima observés dans chaque site.

grosses espèces charnues. L'homogénéité physionomi­ Acetabula leucome/as que de la mycosynécie est nette. Acetabula vulgaris Les aspects saisonniers de cette fonge sont très Marche/la rotunda Marche/la vu/garis variés. Dans ce bois, la poussée mycologique débute Calocybe georgii avec le réveil de la végétation et cet aspect vernal, bien connu de tous les amateurs de champignons, est nette­ De nombreux relevés de l'aspect vernal du Q.-C. ment caractérisé par des espèces qui lui sont propres. m. p. effectués dans d'autres sites nous permettent de Les analyses faites dans les 4 sites étudiés ici n'ont situer dans cette association tout le cortège printanier relevé que les noms de : classique des bois calcaires. Le tableau 29 donne la

106 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

liste des espèces et les coefficients maxima observés au La formule saisonllière s'établit comme suit :

printemps dans 8 bois du type Q.-C. m. p. [ VE 1 Â - aa ... (h)] La physionomie de l'aspect vernal est nettement E n r é s u m é , les synmycies épigées de la Chê­ domillée par les Discomycètes : grandes coupes de naie à Charmes m~dioeuropéenne à Primula officinalis Pézizes (Acetabula vulgaris, Disciotis venosa, Scleroti­ comportent un grand nombre de taxons (220), un lot nia tuberosa), têtes spongieuses des Morilles, gros stipes très important de constantes (35,4 %), une fréquence blancs et chapeaux noirâtres des Morillons (Mitrophora le plus souvent faible (10 % de taxons seulement ont rimosipes). Les Basidiomycètes sont moins bien repré­ une fréquence au moins moyenne). La sociabilité de sentés : Agrocybe praecox, peu fréquent; Tubaria fur­ type grégaire simple domille (79 %) ainsi que le facies f uracea, petit et effacé; de rares Rhodophyllus; mais agaricoïde des carpophores (90 L'année mycolo­ un d'entre eux joue un grand rôle physionomique par %). ses grands cercles de chapeaux blancs ou crème : gique de ces mycosynécies comporte 4 aspects saison­ niers nettement caractérisés : printemps, été, automne, Calocybe georgii. Cette espèce, la plus tardive des arrière-automne-hlver . espèces vernales, peut prolonger son développeme~t jusqu'au début de juin, assurant ainsi une continuité avec l'aspect estival. L'extrême début de celui-ci est Mycotope C. - Synmycies endogées représenté dans le tableau 29 par Inocybe bongardi, de la couche de feuilles mortes 1. patouillardi, lthyphallus impudicus, récoltés en tout et de brindilles en voie d'humification. jeunes carpophores dès la mi-mai. (Abondance-dominance : +) A la mi-juin, les espèces estivales deviennent plus Ce mycotope n'a fait l'objet que d'une observation nombreuses; nous avons récolté le 12 juin 1943 à et paraît tout à fait accidentel dans ce type de bois. Hamoir et à Comblain-la-Tour : Il s'agissait de Dasyscypha virginea, densement grégai­ A ma11ita rubescens re sur des pétioles et des brindilles de chêne. A ma11ita vagi11ata var. grisea Bolet11s /11rid11s Inocybe bo11gardi Mycotope D. - Synmycies épixyles des souches M11cid11/a radicata et des débris ligneux en étroit contact avec le sol. R11ss11/a cya11oxa11tha (Abondance-dominance : 3) Uniformément répandu mais de domillance faible, Cette liste s'enrichit durant les semaines suivantes ce mycotope a fourni de belles listes et il héberge un et un maximum estival est atteint vers la fin juillet. très fort pourcentage d'espèces constantes. Cet aspect e tival est caractérisé par Je développement Sur 39 taxons observés, 11 ont une c o n s tan c e abondant des Bolets, des Russules, de Cantharellus V, 5 sont de constance IV (soit 41 % d'espèces cibarius, de quelques Lactaires et de quelques Inocybes. constantes) : Un hlatus très net sépare généralement cet aspect estival de l'aspect saisonnier suivant. Il correspond aux Constantes V: fortes sécheresses de l'été et se situe généralement fin Armillariella mellea Gloeopoms adust11s août-début septembre. Hypholoma fasciculare Le développement automnal de cette fonge est Myce11a galeriwlata d'une grande luxuriance et le plus riche en espèces. Myce11a polygramma Il est nettement caractérisé par de nombreuses espèces Pholiota mutabilis Schizophyllum commune qui lui sont propres et qui appartiennent surtout aux Stere11m hirs11tum genres Cortinarius, Tricholoma et Hebeloma. Stereum mgos11m A la fin de cette saison apparaissent des espèces qw Trametes versicolor Xylaria hypoxy/011 persisteront après les premières gelées et qui sont carac­ téristiques de cet aspect arrière-automnal : Clitocybe Constantes IV : cyathifor mis, C. geotropa, C. nebularis, Rhodopaxillus Hypholoma s11blateriti11m nudus, Flammula !enta, Tubaria pellucida. Cet aspect Pa11el/11s stiptiws est en outre marqué par les grands cercles que dessi­ Pholiota squarrosa Polypore/lus bmmalis nent Clitocybe geotropa, C. nebularis et Rhodopaxillus Stere11m gausapatum nudus dans des bois à peu près dépourvus d'autre mycétation. Au point de vue de la fr é q u en c e , une seule espèce atteint le coefficient 4 : Xylaria hypoxylon; Seules les fortes gelées de l'hiver interrompent le 4 espèces ont une fréquence moyenne 3 : développement de ces espèces, développement qui peut, Pholiota mutabi/is lors des hlvers doux, se poursuivre jusqu'en février. Schizophyllum commune Des observations non relatées dans ce travail en font Stereum hirsutum foi. Trame/es versicolor

107 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

La s o c i a b i 1 i t é d e s c a r p o p h o r e s se régressent tandis que les espèces ligneuses se dévelop­ répartit entre plusieurs types, mais c'est le type cespi­ pent. teux, simple << c n (2 espèces, 5 %) ou groupé << gc n La plupart des espèces lignicoles atteignent leur (15 espèces, 38,4 %), qui domine. maximum de développement en hiver. L'aspect hiver­

Vient ensuite le type imbriqué, simple << i >> (7 espè­ nal n'est pas totalement privé d'espèces charnues, soit ces, 17,9 %) ou confluent << ai» (4 espèces, 10,2 %) : que des espèces d'automne aient poursuivi leur déve­ loppement, soit qu'il s'agisse d'espèces propres à l'hiver Crepidot11s mollis (Collybia velutipes). Pane/lus stipticus Schizophyllum commune Les 4 sites étudiés ne permettent pas de bien déga­ Trametes betulina ger les caractères de l'aspect vernal. Les 8 sites dont Trame/es hirsuta les coefficients vernaux maxima sont repris au ta­ Trametes versicolor bleau 30 font mieux ressortir ces caractères. A côté Trametes zona/a des carpophores en voie de destruction (Trametes versi­ Gloeoporus adustus color, Gloeoporus adustus, Stereum hirsutum, Xylaria Stereum gausapatum hypoxylon), le printemps compte des espèces qui ont Stereum hirs11t11m Stereum spadiceum une production vernale de carpophores : Pholiota mu­ tabilis, Polyporellus brumalis, P. arcularius, P. num­ Le type grégaire << g » compte 4 représentants mularius, P. squamosus, Auricularia mesenterica, (10,2 %) : Pseudocoprinus disseminatus, Psathyrella candolleana et P. hydrophila. Collybia velutipes peut être regardé Crucibulum vu/gare comme une transgressive de l'aspect hivernal. La conti­ Polyporellus brumalis Pse11docoprin11s disseminat11s nuité avec l'aspect estival est assurée par des espèces R esupinatus applicatus qui n'interrompent pas leur développement: Pholiota mutabilis, Mycena galericulata. Le type annexé-confluent << a » comprend ici Les espèces pérennantes (Stereum rugosum) et des 2 espèces (5 %) : Stereum rugosum et Paria versipora. espèces lignicoles de longue durée (Gloeoporus adustus, Une espèce, Tremella foliacea, forme des groupes Trametes versicolor, Stereum hirsutum) assurent en confluents << ga n (2,5 %). fait la continuité entre tous les aspects. 4 taxons n'ont été rencontrés dans ce mycotope La formule saisonnière s'établit comme suit : qu'en carpophores solitaires (10,2 %) : [(e) - Â - aa - H - v - ] Fist11lina hepatica L eptoporus caesius En résumé, les synmycies épixyles des sou­ Phe/l inus ribis f. carpini P/11te11s luteomarginatus ches de la Chênaie à Charmes médioeuropéenne à Primula officinalis, comportent un fort noyau de taxons Au point de vue de la ph y s i o n o m i e d e s constants (41 %), mais la fréquence des espèces paraît c a r pop h o r e s , 2 facies dominent nettement ces faible. La sociabilité des carpophores se répartit entre mycosynécies : les types cespiteux (43,4 %) et imbriqué (28,1 %). Les facies agaricoïde (38,4 %) et pleurotoïde (38,4 %) le facies agaricoïde avec 15 taxons (38,4 %), dominent dans la physionomie des carpophores. Les le facies pleurotoïde avec 15 taxons (38,4 %). aspects saisonniers sont assez peu variés : un aspect maximal d'automne, un maximum hivernal, tous deux Le type résupiné à facies corticioïde n'est représen­ spécifiquement caractérisés, un aspect vernal indivi­ té que par 2 taxons, soit 5 %. Le type trémelloïde dualisé mais assez pauvre, un aspect estival pauvre et existe avec un seul représentant: 2,5 %. sans caractère propre. Ces mycosynécies comptent plus d'espèces charnues que d'espèces ligneuses. Les aspects saisonniers de la mycéta­ Mycotope E. - Synmycies épixyles tion des souches du Q.-C. m. p. ne sont pas aussi variés des brindilles tombées près du sol. que ceux de la fonge terrestre. (Abondance-dominance : 3) La fonge estivale ne paraît pas spécifiquement Ce mycotope abondant dans cette forêt de caractérisée; elle ne comporte que des espèces de l'as­ Q.-C. m. p. y garde une dominance faible. Il a fait pect automnal, mais elle est beaucoup plus pauvre que l'objet de 14 relevés dans les 4 sites étudiés ici et nous celui-ci. pouvons essayer de le caractériser. L'aspect automnal représente l'aspect maximal Une seule espèce, Marasmius ramealis, est jusqu'à annuel, en nombre d'espèces et en nombre de carp::> ­ présent reconnue tout à fait constante. Mais sa phores. Durant l'arrière-automne, les espèces charnues fr é q u e n ce , sa s o c i a b i 1 i t é grégaire extrê-

108 DANS LES FORETS DE HAUTE BELGIQUE

TABLEAU 30. - Querceto-Carpinetum medioeuropaeum primuletosum. Mycotopes D et 1 : Aspect vernal de la mycétation.

Bois ...... l 2 3 4 5 6 7 8 1 1 1 1 1 1 1 1

D. - Sur les souches. A uricularia mesemerica ...... +.4ai +. 3ai

Collybia velutipes ...... 1. le +.le +. le +. le l. le Crepidotus mollis ...... + . lie Gloeoporus adustus ...... l .2°ai +. 2°ai 1. 3°li + . 2°ai Hypholoma f asciculare ...... + . lgc l. lgc l .2gc l .2gc Mycena galericulata ...... l . lgc 2. lgc l. lgc +. lgc 2 . lgc Pholiota mutabilis ...... l . 3gc 2.3gc 2 . 5gc 2.2gc 2 . 2gc 4.5gc 2 . 2gc Pluteus cervinus ...... l. l s l. ls l. l s Polyporellus arcularius var. scabellus . ... 2. lg 3. lg 3. lg J. lg l. lg 3. l g +. l s Polyporellus brumalis ...... l. lg l.2g +.2g 2.2g l. l g 1. lg Polyporellus 11ummularius ...... +. ls +. lg l.2g ). 3g

Polyporellus squamosus ...... + .lie + . lie +.lie +. ls Psathyrella candolleana ...... + .2gc l .2gc l .2gc +. 2gc Psathyrella hydrophila ...... +.3gc l. 3gc 1. 2gc 2.3gc Pseudocoprinus disseminatus ...... + Ag l.4g +. 3g S1ere111n hirsulum ...... + .2°ai 2.2°ai 2.2°ai 1. 3°ai l .2°ai 1. 2°ai +.2°ai Stereum rugosum ...... 1. 2a 1. 2a 2.2a 1. 3a +.2a J. 3a +.3a 2.2a Trametes gibbosa ...... + .3i + .2i Trametes versicolor ...... 1. 3°i 2.2°i 1. 2°i 1. 2°i +. 2°i 1. 3°i +. 3oi 2. 2°i Xylaria hypoxylo11 ...... 2.2°gc 2.2°gc 1. 3°gc 1. 2°gc +.1°gc 2.2°gc

I. - Sur le bois des cépées.

Exidia glandulosa ...... + .2ga +. lga Stereum rugosum ...... !. la + .2a Treme/la mesenlerica ...... 2. lga 2. lga 2. lga 2. lga 2. lga 2. lga l. lga 2. lga

L~GENDE DU TABLEAU.

1. Lixhe (Loën), Thier de Nivelles : 28.IV.40; 10.IV.43; 5. Barvaux, Bohon : 2.V.43; IV.46; V.50; IV.51. 3.V.49. 6. Pailhe, Bois de Pailhe: IV.48; 23.IV.50; 24.IV.51; 6.V.51. 2. Forêt, Fonds de Forêt : 27.IV.40; 17.IV.43; 28.IV.51. 7. Havelange, bosquet : 23.IV.50; 15.IV.51; 29.IV.51. 3. Ehein, Bois d'Engihoul : IV.39; IV.50; 14.IV.51. 8. Pailhe, Grand Taillis : V.43; IV.50; 6.V.51. 4. Ferrières, bosquet à Ferot : 28.IV.42; 3.V.51. N.B. - Coefficients ma.xima dans chaque site.

mement dense et surtout sa p h y s i o n o m i e carac­ Presque toutes les espèces ont des carpophores de térisent nettement la mycosynécie. · taille normalement petite; les autres (Trametes versi­ 11 espèces ont été recensées dans ce mycotope, 9 color, Galerina marginata) produisent ici des carpo­ d'entre elles forment des troupes « g », généralement phores de taille réduite : facies microagaricoïde denses; 2 s'imbriquent et confluent cc ai ». (63,6 %) et facies micropleurotoïde (36,3 %).

109 F. DARIMONT. - RECHERCHES MYCOSOCIOLOGIQUES

Mycotope F. - Symnycies épixyles des branches Au point de vue fréquence, 5 espèces peu­ mortes et tombées. vent atteindre le coefficient 3 : (Abondance-dominance : 1) Mer11/i11s papyrinus Les rares grosses branches mortes qui tombent au Peniophora corticalis Tremella m esenterica sol dans ces futaies claires sur taillis, mais surtout les Tremella t11berc11/aria amoncellements de fagots qui séjournent quelque Stereum s11/ph11rat11m temps sur l'aire des coupes sont immédiatement colo­ nisés par les champignons. Au point de vue soc i ab i 1 i té, la majeure par­ Une seule synmycie a été relevée, à Beaumont tie des espèces sont confluentes, soit résupinées-con­ (Esneux), elle compte 8 espèces; 2 de celles-ci attei­ fluentes cc a » (4 espèces, 33,3 %) : gnent une fréquence 3 : Stereum hirsutum et Schizo­ Peniophora corticalis phyllum commune. Phlebia aurantiaca Ces mycosynécies appellent des observations plus Paria versipora nombreuses. Stere11m mgos11m soit étalées en plaques confluentes et à peine réfléchies au bord cc ai » (3 espèces, 25 %) : Mycotope G. - Symnycies épixyles des troncs abattus. M er11li11s papy ri11us (Abondance-dominance : +) Stereum hirs11t11m Une seule observation de ce mycotope accidentel Stere11m s11/plwratum nous a montré une synmycie de 5 espèces, dont 3 attei­ gnent la fréquence 3 (voir tableau 25). soit groupées en masses versiformes confluentes « ga >i (4 espèces, 33,3 %) : Trem ella foliacea Mycotope H. - Symnycies épixyles des buissons. Trem ella lutescens (Abondance-dominance : 1) Trem ella m esen terica Tremel/a t11berc11 laria Ce mycotope est peu répandu et de dominance générale très faible dans ce type de forêt régulièrement La ph y si on o mie des carpophores est domi­ débarrassée de ses buissons (le cc mort-bois » des fores­ née par le facies corticioïde (7 espèces, soit 58,2 %). tiers) à l'occasion de chaque révolution du taillis. les 4 espèces de trémelles représentant le facies trémel­ Néanmoins, nous avons pu l'observer à Esneux (Pru­ loïde (33,3 %). nus spinosa, Evonymus europaeus) hébergeant deux Piptoporus betulinus cc g ii, facies pleurotoïde, est formes de Polypores, à ce point propres à ces buissons, aussi accidentel que son support, le Bouleau, dans ces qu'elles ont reçu un nom dans la taxonomie : mycosynécies. Phel/i1111s pomaceus f. pr1111astri Quant aux a s p e c t s s a i s o n ni e r s , le déve­ Phelli1111s ribis f. evonymi loppement des carpophores de ces synmycies débute en été, mais il est surtout arrière-automnal; il se pour­ suit en hiver. Mycotope 1. - Symnycies épixyles des cépées. Tremella mesenterica peut réapparaître au prin­ (Abondance-dominance : 3) temps, en compagnie d'Exidia glandulosa. Stereunz Nous retrouvons dans ces futaies sur taillis l'hori­ rugosum est rarement pérennant par suite de la des­ truction, en général rapide, de son support (voir zon caractéristique cc bois mort des cépées >J qui était absent des Hêtraies ardennaises traitées en futaies tableau 30). pleines. La formule saisonnière est la suivante : Ce mycotope est aussi individualisé physionomi­ quement dans la Chênaie à Charmes que dans la Chê­ [(e) - a - A''A - h .. . (v)]. naie sessiliflore. En résum é, les synmycies épixyles des cepees Quoique pauvres en espèces (12), ces synmycies de la Chênaie à Charmes médioeuropéenne à Primula nous ont permis de repérer jusqu'à présent au moins officinalis comportent peu d'espèces, mais au moins 2 espèces de c o n s t an ce V : 33 % d'espèces constantes et 41,6 % d'espèces de fré­ M ernlius papyrinus quence moyenne. La sociabilité des carpophores est Tremella m esenterica dominée par le type confluent (91,6 %). La physiono­ et 2 espèces de const a nce IV: mie est de facies corticioïde (58,2 %) ou trémelloïde (33,3 %). Le développement se poursuit de l'été à Stereum rugosum Stereum sulphuratum l'hiver en manifestant un maximum annuel durant l'arrière-automne; il existe un aspect printanier très soit en tout 33 % d'espèces constantes. pauvre.

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