Roger Boutry Et Ses Œuvres Pour Saxophone
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Roger Boutry et ses œuvres pour saxophone Christian Valeix- Avant d’aller plus loin, revenons à vos dix ans au CNSMDP. Roger Boutry- J’ai commencé en 1944 avec une première médaille de solfège. J’étais alors dans la classe de Lucette Descaves. Puis il y a eu le piano dans la classe de Jean Doyen, en même temps que je faisais la musique de chambre dans la classe de Pierre Pasquier. J’ai également appris l’accompagnement au piano avec Nadia Boulanger, l’harmonie avec Henri Challan, la fugue et le contrepoint avec Noël Gallon ainsi que la direction d’orchestre avec Louis Forestier. Ensuite, est venue la classe de composition de Tony Aubin. En 1954, j’ai obtenu le Premier Prix de Composition en même temps que j’obtenais le Grand Prix de Rome, ce qui m’obligeait à quitter Paris et à découvrir des horizons nouveaux. CV- Vous n’avez pas été un peu déçu de quitter le Conservatoire ? RB- J’ai plutôt été étonné de ne plus retrouver mes habitudes de rentrée. CV- C’est pendant votre long séjour à Rome que vous écrivez Sérénade. RB- J’avais bien connu Marcel Mule et il m’avait demandé d’écrire pour saxophone. J’ai écrit Sérénade assez rapidement. Je l’avais appelé Sérénade car j’avais écrit une partie de guitare qui, malheureusement, a été supprimé par l’éditeur Salabert au moment de son édition. Pas de guitare donc mais un petit orchestre symphonique avec les bois par un, l’orchestre à cordes et un piano. J’ai trouvé des éléments intéressants qui ont constitué le premier mouvement, puis un andante que j’ai appelé Sérénade avec cette partie de guitare et un final brillant avec beaucoup de changements de mesure. Elle a été créée au Festival de Vichy en 1962 avec Jean-Marie Londeix. En 1963, c’est Daniel Deffayet qui l’a jouée au Théâtre des Champs Elysées avec l’orchestre de la Radio. Ensuite, l’œuvre a souvent été jouée en concours, soit entièrement soit en partie, sans le premier mouvement. CV- A cette époque, vous étiez, par-delà la composition, pianiste. RB- En 1958, à la Villa Médicis, Madame Ibert m’avait demandé de donner un concert pour toutes ses amies. Cette même année, je me suis présenté au concours Tchaïkovski dont c’était la première édition et j’y ai remporté un prix. Au sortir de la Villa Médicis, il y a eu cette tournée en Algérie et en Tunisie pour les Jeunesses Musicales de France autour de Chopin avec Maurice Fleuret. Maurice Fleuret était le conférencier et moi le pianiste. En 1959, je suis retourné en Algérie, mais cette fois-ci en tant que soldat. J’y suis resté jusqu’en 1961. Le service militaire dans le contexte de la guerre d’Algérie a interrompu cette carrière de pianiste par le fait que cette circonstance m’a éloigné du milieu de la musique. CV- Deux ans hors du milieu… ce qui oblige à se refaire une place… RB- Comme j’avais un premier prix de direction d’orchestre, j’ai eu envie de voir un petit peu de ce côté-là. J’ai alors travaillé avec l’orchestre de la Société des Concerts et les associations Lamoureux et Pasdeloup. CV- Vous devenez aussi professeur d’harmonie au CNSMP en 1962, un an avant de composer le Divertimento qui est une commande du Conservatoire pour le concours de saxophone. RB- Oui. Raymond Loucheur était alors le directeur du CNSM. Chaque année, il commandait des œuvres pour chaque instrument. Cette plate-forme de création était très importante pour les compositeurs, jeunes ou moins jeunes. Elle a permis la production d’un répertoire pour les instrumentistes. On m’a souvent dit que j’étais connu à l’étranger surtout par mes morceaux de concours. Je regrette la disparition de cette formule. CV- Combien de fois avez-vous composé pour les concours du CNSMP ? RB- J’ai fait la flûte une fois ; je n’ai pas été sollicité pour le hautbois ni pour la clarinette. J’ai écrit pour le basson trois fois, Interférences étant une composition pour le concours de basson en 1972. Il y a eu le cor, la trompette, le trombone deux fois, le tuba deux fois, le piano, le clavecin, la contrebasse à cordes, le trombone-basse, le cornet à pistons, la harpe et la percussion. CV- Le Divertimento est initialement pour saxophone alto et piano. A quelle circonstance est due la version pour orchestre à cordes ? RB- A Marcel Mule qui m’a dit souhaiter le jouer à d’autres occasions avec un orchestre à cordes. Je l’ai donc adapté pour orchestre à cordes et cette version a été jouée pour la première fois en 1969. A son tour, Michel Nouaux, qui était saxophone soliste à la Garde Républicaine, a sollicité une version pour orchestre d’harmonie qui, elle, date de 1974. CV- 1973 est l’année de votre nomination à la tête de la Musique de la Garde Républicaine. Comment y êtes-vous rentré ? RB- Par concours. Le chef de la Musique, François Julien Brun, était alors parti à la retraite et se trouvait momentanément remplacé par son adjoint intérimaire Raymond Richard. Un concours a été lancé qui, pour la première fois, était accessible aux personnes de l’extérieur alors que, jusque-là, un tel concours était réservé aux chefs de musique militaire. Nous avons été 14 à nous présenter à ce concours sur titre pour lequel Henri Dutilleux et Raymond Gallois-Montbrun (directeur alors du Conservatoire) faisaient partie du jury. Et le jury m’a désigné. CV- Et vous avez revêtu la tenue militaire. RB- Oui, mais au grade de lieutenant-colonel alors que j’avais quitté l’armée avec le grade de caporal. Evidemment, cette situation a éveillé des jalousies mais c’était aussi la première fois qu’un Prix de Rome prenait la tête de la Musique de la Garde Républicaine. J’ai retrouvé là trois générations de musiciens que j’avais déjà côtoyés, à savoir des camarades de mon père, des camarades du Conservatoire comme la flûte solo et des violonistes, et un tromboniste qui avait été mon élève au Conservatoire. Et cette affaire a duré 24 ans. CV- Vous écrivez Alternances en 1974. RB- Cette troisième composition pour saxophone s’adresse à un quatuor avec orchestre symphonique et répond à une commande des Concerts Pasdeloup. Je voulais composer quelque chose de nouveau, de différent par rapport à ce que j’avais pu composer jusqu’alors. Aujourd’hui, je considère que c’est une œuvre à part. J’ai par la suite écrit une version pour quintette (avec deux saxophones ténor) et orchestre d’harmonie en relation avec ce moment du quatuor de saxophones de la Garde qui devenait quintette et qui voulait changer de répertoire. Un ensemble de saxophones ouvre déjà une polyphonie particulière. Mettre ensemble deux systèmes polyphoniques comme un ensemble de saxophones et un orchestre d’harmonie permet de composer dans une autre direction que la façon conventionnelle. Je me suis attaché là à des effets de sonorité entre l’orchestre et le quatuor/quintette plus qu’à des formes mélodiques ou rythmiques. Ensuite, beaucoup plus tard, à la demande du quintette de la Garde qui souhaitait une musique pour quintette seul, j’ai composé Improvisations, faite de cinq morceaux courts, faciles à écouter et pas trop difficiles à jouer. CV- Arrive ensuite Etincelles en 1980. RB- C’était une demande de Gréco Casadesus –alors directeur artistique pour EMI- pour le quatuor Deffayet qui enregistrait un disque et auquel il manquait entre une et deux minutes de musique. Je l’ai appelé Etincelles parce que c’était un scherzo très brillant, tout feu tout flamme. CV- Roger Boutry chef d’orchestre et Roger Boutry compositeur pouvaient-ils être en conflit ? RB- Quand on est chef d’orchestre, on s’imprègne de la musique des autres. On porte certaines musiques en soi au-delà du temps des répétitions et des concerts et, quand on entreprend de composer, il est commode d’écrire en aval de ces influences. Il me semble donc important de tenter de s’en protéger autant que faire se peut de façon à n’écrire qu’en pleine originalité. CV- L’œuvre suivante dédiée au saxophone est Azar qui date de 2002. RB- Elle m’a été commandé par un saxophoniste espagnol, Javier de la Vega. Nous nous sommes rencontrés de façon savoureuse à Valencia, en Espagne, où je faisais partie d’un jury de concours. Alors que j’étais en train de travailler mon piano dans une salle du bâtiment, un homme entre et, après m’avoir écouté, me demande qui je suis. Je lui réponds « Boutry ». Ça ne lui disait rien du tout. « Et vous avez écrit pour saxophone ? » me dit-il. « Oui, oui, un divertimento ». A ce mot, il fait un bond. Il ne connaissait sans doute pas mon nom mais le Divertimento, ça, il le connaissait, étant saxophoniste. Avoir le compositeur en face de lui sans avoir été introduit a été un petit choc. Il ne s’est pas démonté et a voulu profiter de l’aubaine en me proposant d’écrire une œuvre dont il m’assurait qu’il la jouerait et la ferait éditer en Espagne. Pour un compositeur, être édité constitue un plus très significatif. J’ai accepté sa proposition et j’ai composé Azar. Azar veut dire hasard en espagnol, nom qui commentait bien notre rencontre. La partition est éditée chez Rivera à Valence. CV- Sketch, joué pour la première fois en 2000 à Montréal lors du Congrès Mondial du Saxophone, résulte d’une demande du quatuor Diaphase.