LES COMBATS D'une REINE Avec Judith Magre, Magali Pinglaut, Françoise Courvoisier
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13 novembre 2011 dimanche | 17h © François Grobet Les combats d’une reine d’après des textes de Grisélidis Réal mise en scène Françoise Courvoisier Saison 2011-2012 | Dossier de presse Benoît Frachebourg · chargé de communication | [email protected] | +41 (0) 32 717 82 05 Théâtre du Passage | 4, passage Maximilien-de-Meuron · CP 3172 · 2000 Neuchâtel | www.theatredupassage.ch A:H8DB76IH 9ÉJC:G:>C: 9:<G>HwA>9>HGw6A B>H::CH8ÝC: ;G6CvD>H:8DJGKD>H>:G 6K:8?J9>I=B6<G: :IB6<6A>E>C<A6JI A:ED8=:<:CÝK:! I=wÙIG::CK>:>AA:"K>AA: lll#aZedX]Z#X] ,>',B6GH'%&& LES COMBATS D’UNE REINE DE GRISÉLIDIS RÉAL avec JUDITH MAGRE MAGALI PINGLAUT FRANÇOISE COURVOISIER du 7 au 27 MARS 2011 conception & mise en scène Françoise Courvoisier assistant Frédéric Schreyer lumière Aurélien Gattegno bande son Nicolas Le Roy coiffure & maquillage Arnaud Buchs archives Igor Schimek Production Le Poche Genève Trois actes de la vie et de l’œuvre de Grisélidis Réal, écrivaine, peintre et prostituée légendaire. Le spectacle est conçu pour trois comédiennes, trois générations pour refaire le voyage passionné et passionnant d’un personnage hors du commun. Grisélidis a trente-cinq ans (Suis-je encore vivante ?) lorsqu’elle se bat pour la liberté dans une prison à Munich ; elle en a cinquante (La Passe Imaginaire) lorsqu’elle défend la cause des prostituées à Genève; elle en a plus de septante (Les Sphinx) quand elle se bat contre le cancer, ou plutôt pour la vie. À travers les âges, la même voix, la même jeunesse ne l’ont jamais quittée. Images disponibles, libres de droits Judith Magre dans Les Combats d’une reine / Photographie Augustin Rebetez « Je crois à la liberté. Vous ne pouvez pas savoir la liberté qu’on a quand on est tout en bas de l’échelle. Rien à gagner, rien à perdre. Être nomade, pieds nus dans le sable, habillée de vent et de poussière. » Grisélidis Réal, La Passe Imaginaire S GRISÉLIDIS AU THÉÂTRE, UN PARADOXE EN OR… Françoise Courvoisier Qu’il s’agisse de son métier de prostituée ou, plus tard, de sa maladie, Grisélidis Réal se faisait un plaisir à ne rien cacher, à dévoiler la réalité jusque dans les moindres détails. Et pourtant, notamment dans ses lettres à Jean-Luc Hennig, elle ne cesse d’enjoliver sa vie, d’embellir le quotidien. Elle mange des fraises «énormes, rouge sang», ses boucles d’oreille sont des «méduses d’or» et quand elle tombe amoureuse, c’est à la folie : « Une folie féroce, muette, incrustée comme une pieuvre géante au profond de mon corps… ». Même la laideur trouve grâce à ses yeux et ses clients les plus affreux se voient pourvus, sous sa plume, de qualités exceptionnelles. À la fin de sa vie, alors qu’elle est déjà si malade, elle montre une extraordinaire détermination à se parer : « Toujours se rire des écroulements, des pâleurs, des décrépitudes, de l’inéluctable affaissement […] apprêter astucieusement le peu qui me reste de cheveux, de seins, d’ongles […] Toujours flamber, être dressée, pavoiser, charmer, s’éblouir, rayonner. ». Et, paradoxalement, à la même période, elle écrit aussi : « Enterrez-moi nue, comme je suis venue, sans argent, sans vêtements, sans bijoux, sans fioritures… » (Les Sphinx). Ce sont précisément ces contradictions, ces changements d’humeur, passages abrupts du désespoir le plus absolu à l’extase la plus totale, qui rendent les écrits de Grisélidis si savoureux au théâtre. Peut-on imaginer personnage plus vivant, plus merveilleusement humain ? Grisélidis fait partie des écrivains dont la vie et l’œuvre sont étroitement mêlées. D’où cette force d’authenticité qui capte le lecteur instantanément. Écrire des histoires qui ne seraient pas vraies n’aurait eu aucun sens pour elle. D’où son trouble, sa légère appréhension la première fois (Grisélidis, en 1993, au Théâtre du Grütli à Genève), à me voir transposer ses écrits, donc sa vie, à la scène. Jouer Grisélidis, c’est pour commencer, vaincre nos propres préjugés sur la prostitution. Envisager l’acte sous un autre regard et admettre q’une personne qui fait l’amour pour de l’argent n’est pas forcément sale, désespérée ou immorale. Penser avec elle que « Ce n’est pas plus dégradant de rendre un service avec son sexe plutôt qu’avec ses bras ! ». Trouver le juste ton pour parler des manies et exigences de certains clients, parler avec naturel du métier avec la précision et tous les détails concrets déclinés méticuleusement par l’auteur, nécessite de la part des interprètes un certain cran. « André : a épousé son infirmière. Lécher, sucer, enculer un petit peu… 200.- Fr » (Le Carnet noir) Pour une actrice, arriver en scène et prétendre « s’être fait neuf clients hier soir » exige une compréhension profonde et sincère de l’acte de prostitution. Il ne s’agit bien sûr pas de le vivre réellement, mais d’admettre qu’il puisse être vécu en toute dignité. « Il serait temps de nous repecter un peu plus, oui. Vous vous rendez compte du service qu’on rend à la société ? Pour le moment, on est juste assez bonnes pour payer des impôts ! » (La Passe Imaginaire) Mettre en scène ou jouer ces textes, c’est s’engager humainement et politiquement, s’engager viscéralement, c’est bouillonner avec elle de colère contre le mépris du bourgeois. Jouer Grisélidis, c’est aussi souffrir dans son corps et dans son âme : éprouver de la compassion pour le « cochon de campagne au poil sauvage », la « baleine échouée à l’agonie », le « bouc puant la sueur de toute une journée de travail »… En tant que metteur en scène, je sais dès le début que je ne peux pas porter à la scène cette œuvre-là comme une autre. Parce qu’il ne s’agit pas d’une fiction, mais bien d’une parole exposée comme une chair à vif. Mon souci principal et ma responsabilité, face à cette œuvre si extraordinaire, pourraient se résumer ainsi : parler de prostitution sans complaisance ni faux-semblants, montrer une prostituée qui ne suscite pas la pitié, mais au contraire le respect, montrer les choses telles qu’elles sont, parce que « C’est un MÉTIER, rien à voir avec les pleurnicheries qu’on nous montre au cinéma ! ». Si Grisélidis, catin révolutionnaire et briseuse de tabous, avait une telle force de conviction, c’était sans doute aussi grâce à cette distance amusée qu’elle gardait toujours, même dans ses colères les plus faramineuses (elle disait aussi « épique, monumentale, gigantesque, cosmologique ») ! Savamment mêlé à son militantisme déchaîné, son humour lui donnait gain de cause face aux plus sceptiques. J’ai personnellement abusé des passages particulièrement caustiques des lettres à Jean-Luc Hennig, sachant qu’au théâtre, pour faire passer une idée nouvelle, rien de tel que le rire. Quand on entend des répliques comme « Que vaut-il mieux prostituer : son cul ou son âme ? Son cul, bien entendu. C’est plus pénible physiquement mais c’est plus propre ! » ou « Je chie sur Dieu ! C’est une honte d’avoir fabriqué une planète pareille… Et ce vieux con voudrait encore qu’on se mette à genoux pour lui dire merci ! », comment ne pas sourire ? Les principales étapes du spectacle La prison À 35 ans, son combat pour rester debout et garder la tête haute dans une prison en Allemagne, où elle est enfermée pendant près d'une année, privée de ses quatre enfants et abandonnée par son amant. (Suis-je encore vivante ?, paru en 2008) Le trottoir À 50 ans, prostituée à Genève, elle raconte les douleurs de ce métier mais aussi la dignité et la joie, parfois, de celles qui l'exercent avec intelligence et tendresse. Et aussi son combat, incroyable, pour la défense des droits des travailleurs et travailleuses du sexe. (La Passe Imaginaire, paru en 1994) La maladie À 75 ans, elle est toujours belle, plus enragée que jamais, drôle, tzigane, écrit des poèmes (À Feu et à Sang), peint (elle est passée autrefois par les Beaux-Arts à Zurich)… son combat est maintenant contre la mort. Ou plutôt pour la vie. Atteinte d'un cancer, elle cherche tous les moyens pour reculer l’inéluctable. (Les Sphinx, paru en 2005) 3 UNE FEMME DIGNE, SUBLIME, INSOUMISE Micheline B. Servin, Les Temps Modernes, n°660 (…) Portrait dans le vif d’une femme hors du commun, peintre, écrivain à la plume de haute volée et prostituée, amante passionnée de la vie et de la liberté qui puisa dans les blessures et les humiliations une force de lutte, Grisélidis Réal. Intitulé avec pertinence Les Combats d’une Reine. Un entrelacement d’extraits de Suis-je encore vivante ?, Le Carnet Noir et Les Sphinx, qui rassemblent les lettres à Jean-Luc Hennig de 2002 à 2005, où se ravivent des souvenirs. Trois épisodes dans les lieux suggérés par une valise, un comptoir de bar, une table bureau. Magali Pinglaut pour le passage dans une prison allemande, la séparation inquiète d’avec les quatre enfants, le désir de peindre mais l’impossibilité. Françoise Courvoisier (qui signe la conception et la mise en scène) pour la prostitution et un inventaire des clients, la connaissance narquoise des travers et compatissante envers les démunis, les victimes de racisme. Elles sont justes, mais l’étincellement du regard aigu et de l’écriture jaillit de l’art et de la finesse d’interprétation de Judith Magre, formidable médiatrice vers Grisélidis Réal, alors atteinte d’un cancer contre lequel elle lutte et apprend à vivre, l’arme de l’humour pas rengainée, toujours féroce envers la médiocrité ; en rebelle lucide sur l’humaine condition, elle n’esquive pas l’avancée de la mort, menant une ultime lutte par révérence à la vie.