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mensuel

Revue culturelle à tendance musicale... Actualité non exhaustive, enthousiasmes et fulgurances. Quelques fondus polyvalents se répandent sur le Web et activent le bouche à oreille en vous mettant le doigt dans l’oeil.

à emporter ou à consommer sur place

edito chroniques cd/dvd «Bon anniversaire, Le Doigt Dans L’œil ! spectacles Alors, ça fait quoi d’avoir un an ? le chanteur oublié - Ben ça fait gazouiller dans les chaumières et sous les la porte ouverte projecteurs, ça fait rudement plaisir de voir qu’on est de interrogations écrites plus en plus nombreux à écrire et que vous êtes de plus sommaire en plus nombreux et de plus en plus loin (salut Mos- au doigt et à l’oeil cou, St-Pierre et Miquelon, Lausanne ou la Jordanie…!) dis-moi qui tu suis à nous lire, ça fait qu’à force de rester indépendants et rencontres désintéressés, on s’attire la sympathie de nos artistes interviews scriptées chéris et des professionnels qu’on soutient quand on a l’impression d’aller dans le même sens, ça fait qu’on decryptage s’améliore joyeusement, ça fait que l’improbable défi de reportages donner aussi la parole à des anonymes qui racontent les oreilles à l’est leur histoire et leur ressenti a été compris et apprécié, ça fait que l’objectivité est une notion subjective dont le doigt dessus on est fi ers ! » radios et médias Et encore une chanson pour cette nouvelle année fraî- chement démarrée : l’air du temps «Vivez heureux aujourd’hui…demain, il sera trop tard !» par ignatus () les doigts de la main La fi lle de la chèvre la rédaction

en vidéo sur le site

DANS CE NUMERO : Hubert-Félix Thiéfaine, Clarika, Renan Luce, Franck Monnet, Sarclo, Bel Hubert, Simon Gerber, Bertrand Tavernier, Barbara Carlotti, Daguerre, Enzo Enzo, Romain Di- dier, Pascal Mathieu, Elise Caron, Tanger, Tranches de Scènes, Bertrand Betsch, CharlElie Couture, Jeanne Cherhal, Wins- ton Mac Anuff, Arman Meliès, Adrienne Pauly... page 2

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je ne sens plus rien » (Romance). « t’aimer sans contrepartie, sans t’ demander ton avis » (Toute ma vie dans tes bras ) C’est ça aussi le Bertrand talent de Bertrand Betsch : savoir Charlélie BETSCH dire de belles choses avec des COUTURE «La chaleur mots simples. Savoir nous toucher «New Yor Cœur» humaine» avec des mots de tous les jours. Nous parler de ce qu’on connait : La fi lle de l’Est que je suis ne les amours, les ruptures. pouvait laisser passer l’album de Dans la vie il y a des gens à qui Visiblement Bertrand Betsch a été ce Nancéien d’origine mais on ne pense pas tous les jours. remercié par Labels (ce nouvel al- globe-trotter devant l’Eternel. Parfois on les croise et on est bum sort chez Pias) et c’est peut Parti de l’Est de la France en avi- heureux de les croiser. On par- être aussi de ça dont il nous parle on sans ailes, il aura toujours été le un peu avec eux et on se dit à travers ses chansons, la diffi cul- sur la route. Tous les continents «pourquoi je ne le vois pas plus té de continuer dans ce monde, auront abreuvé son inspiration. souvent, ce mec est génial, cha- d’avancer, les rapports friqués et Dès 1981, ses «Poèmes rock» que fois je passe un bon moment le manque de « chaleur humaine prennent leur source en Améri- en sa compagnie». Il y a aussi » « on ne leur en veut pas, on que, puis il voyage en Asie du- des artistes comme ça. Des artis- ne leur en veut plus mais quand rant l’hiver 1984 pour fi nir par tes dont tous les albums sont des même… » (La fi n des colonies). « l’Australie. Sa tournée en Afrique bijoux, des œuvres travaillées Ce qui nous fait mal, fait mal pour en 1998 le mènera au , avec soin, complètes, belles et rien ».(Les gens qui s’aiment) « et en Tchad ou au Cameroun. Ses réussies. Et là on réécoute les pourtant nous sommes toujours pérégrinations font de lui ce qu’il anciens albums en se rappelant debout et nous tenons le coup » est, le défi nissent profondément. du bonheur que ça a été chaque (Les vents contraires) Aujourd’hui donc, ce sera un car- fois de les écouter et on se jure L’album entier évoque les rap- net de voyage américain. de ne plus lâcher cet artiste. Chez ports humains, parfois si diffi ci- On le retrouve avec la boule à moi Bertrand Betsch fait partie de les, si compliqués et pourtant si zéro, petite barbichette grison- ceux là. nécessaires, si enrichissants. Les nante, un air de Sean Connery «Emmène moi n’importe où, je rencontres, les pertes de vues. dans «Le nom de la rose» avec la reste pas là, y’a bien une place Car même lorsqu’il fait une repri- robe de bure en moins. Charmant à côté de toi, y’a bien une place se, la chanson parle de rupture, quoi… Grosses lunettes d’avia- dans tes bras, y’a bien une place de séparation « Et quand il en vint teur, que caches-tu derrière ? pour moi (…) On parlera de rien une autre, on ne sait à qui la faute, Ahhh…revoir une fois encore ses du tout, on boira juste un coup». tu m’avais jamais menti mais avec yeux verts de «Double vue»… (Au cinéma) ainsi commence l’al- elle tu es parti » (Bang Bang). New York l’a pris aux tripes et au bum, alors on est déjà conquis A l’écoute de « Parce qu’il » on cœur, les photographies de la po- de retrouver cette voix qui nous pense forcément à « Déjeuner du chette l’attestent. Les gratte-ciel, est connue, d’entrer à nouveau matin » de Prévert. les rues pleines de yellow cabs, dans son univers. Et les chan- Là c’est sûr, après avoir écouté un la ville grouillante doit être bien sons passent, l’écoute de l’album tel joyau, Bertrand Betsch on ne le plus que ces clichés… On ima- nous enchante. Odes aux rap- laissera plus sortir de nos vies. gine que c’est ce qu’il voit de son ports humains, à l’amitié, l’amour. appartement de New York. Ce «j’oublierai tout ce qu’on s’est fait Gab quotidien qui peut toutefois sur- et pourquoi on se tait, je laisserai prendre à chaque détour de rues. fi ler la peine mais pas la chaleur www.bertrandbetsch.com Heureusement, les Américains humaine» (la chaleur humaine), www.myspace.com/bertrand ne lui ont pas enlevé son esprit «car quand tu tiens ma main, je betsch critique. page 3

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Il reste lucide et aborde des thè- Ne pas être catalogué comme me au cœur. Sous ses airs de mes engagés comme dans «Je l’aime trop faire les Français, par- ritournelle positive, elle se veut suis miné», chanson contre les tir pour être vraiment soi dans tou- d’une sacrée ironie. En écoutant mines anti-personnelles. Je vous tes les disciplines car être peintre ce titre, il fait beau dans les têtes! rappelle que les Etats Unis n’ont n’est pas une lubie mais c’est de «Sous les avalanches», premier toujours pas signé le traité contre là qu’il vient, des beaux arts et du extrait de l’album à envahir les ces horreurs là ! voyage. Il n’a pas voulu être seu- ondes, est une drôle de chanson Avec «Tous les hommes», il lement Charlélie le chanteur. d’amour, tout en pudeur… comme me semble reconnaître l’un des Alors faites le saut et découvrez sait si bien le faire monsieur De- grands dirigeants de la planète cet album revendicatif d’un « Em- lerm. mais toute ressemblance avec merdeur »mais aussi ses tableaux «Sur ta peau les bleus et les brûlu- des personnes ou des faits réels car jusque dans sa peinture, il mé- res, sur ton menton les trois points est purement …etc vous connais- lange les cultures, comme avec « de suture, la cicatrice au bout de sez la tournure… Afro building », à voir sur son site ton bras je t’aimerais moins si tu «D’accord, d’accord avec toi, d’ac- internet qui traduit bien son uni- les avais pas, Sous les avalan- cord t’as raison, celui-là il est gra- vers. ches, t’es pas étanche, dans cet ve, qu’est-ce qu’il est con ! Mais Charlélie le « multiste » comme il igloo tu te cognes partout t’as pas tous les Américains ne sont pas se plait à se défi nir, un artiste tout la dégaine de miss aquitaine, t’as comme ça….» simplement comme on les aime pas le cerveau de la dame avec C’est avec «Juste un instant» par chez nous, dans le grand Est. un chapeau» (A voir aussi, le vi- qu’on a découvert son album sur Pour tous ceux qui sont sur la route déo clip, mettant en scène et en les ondes, ballade agréable à et ont trouvé leur autre chemin… chorégraphies Vincent Delerm et l’oreille, musique obsédante mais Jean Rochefort !). dans le bon sens du terme. C’est Myriam Tchanilé «Je t’ai même pas dit», est une dans les chansons les plus dou- déclaration d’amour délicatement ces qu’on retrouve sa voix bien www.charlelie.com brodée sur laquelle, on siffl ote, et connue et son accent qui n’est on peut esquisser quelques petits pas lorrain du tout ceci dit en pas- pas… sant… Ma Marseillaise à moi se- Certains titres touchent droit au rait celle de Charlélie, chant calme coeur, comme «Ambroise Paré», et reposant avec un harmonica Vincent bouleversant, ou «Marine», duo ensoleillé, bien loin des bières et DELERM avec son complice Peter Von Poe- des stades de foot. On se croirait «Les piqûres hl (arrangeur de l’album). Cette douce mélodie aborde l’impossibi- sur la route 66 en écoutant «Ja- d’araignées» mais assez (never enought)». J’y lité de faire totalement table rase étais pas mais j’ai vu «Easy rider». des histoires d’amour passées, Je me l’écoute en boucle, surtout Pour ce nouvel opus, Les piqûres et le fait de devoir s’accommoder l’intro. Des évocations, des sou- d’araignées, Vincent Delerm a sa- des traces indélébiles de son vécu venirs d’autres groupes de rock vamment mêlé mélodies épurées «je ne peux pas effacer le garçon légendaires, sans vouloir les citer et intimistes (art dans lequel il est juste avant moi, il faudra diviser pour ne pas laisser s’évaporer le passé maître) et jolie pop sucrée. certains sentiments par trois»… charme de cette chanson. Quelles C’est un album qui se déguste. magnifi que… guitares, nom de dieu ! Certaines chansons pétillent com- Voici un album qui donne bonne Bien sûr qu’on les entend, ces in- me des bulles de champagne, mine et qu’on peut passer en bou- fl uences, mais ce qui est bon, c’est vous étourdissent légèrement, et cle pour lutter contre la sinistrose. qu’on les oublie. Ne pas se mettre collent aux lèvres un sourire d’aise dans le rang. Ne pas vouloir d’éti- assez délicieux. La chanson « Il Séverine Gendreau quette et ceci depuis toujours, de- fait si beau », joyeux pied de nez puis ses débuts. aux tracas quotidiens, met du bau- www.vincentdelerm.com page 4

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La voix grave de Romain Dudek et le son grondant des percus- sions servent magistralement le texte «C’est pas tellement que Romain Winston c’était noël, ça fait longtemps MAC ANUFF DUDEK qu’on y croit plus. «Poésie C’est pas tellement qu’elles « des étaient belles, nos machines Rockin’» mais elles n’y sont plus…» usines» Avec «Melissa», il signe un titre Il est de la belle et vieille épopée bouleversant et gracile à la fois… du reggae, sixteen ou mundell, Romain Dudek est un «chanteur «Melissa n’est pas normale, mais sans avoir laissé traîner son nom dégagé», paraît il. Il n’en reste normal ça veut dire quoi, ça veut dans les compil qui vont bien pas moins talentueux ! dire sans les étoiles, sans soleil ou autre bible de la Jamaïque : Ce charmant jeune homme avait, sans ibissa. Winston Mc Anuff revient depuis dit-il, envie de «faire du bruit», Alors elle se réfugie dans un ces deux derniers albums comme et a cherché quelqu’un pour l’ac- monde qu’elle a crée, un enfer ou un mec qui, aujourd’hui, veut en compagner. un paradis qu’on ne comprendra dire plus après avoir traversé le Il a eu la bonne idée de colla- jamais…» Superbe. monde et réalisé les rencontres borer avec un formidable per- Il parvient à nous faire sourire et qui donnent envie...et côté scène cussionniste nommé Maël Gué- même rire (jaune) avec les «Sa- française il y a deux ou trois trucs zel, homme-pieuvre à mille bras lauds d’pauvres» dont il dresse qui semblent ne pas lui déplaire. bioniques, vu de mes yeux vu à un portrait criant et crispant de Associé à Camille Bazbaz en l’enregistrement d’une émission vérité, et qui habitent en bas de 2005 pour l’album «A Drop», le de radio dont ils étaient les invi- chez lui, à croire qu’ils le font ex- chanteur compositeur continue tés (la bande passante sur RFI). près…du bonheur musical qui l’aventure franco-jamaïcaine en L’album «Poésie des usines» est défoule ! persistant dans la construction le joli fruit de cette union, vérita- «40 vierges» est un sujet rare- d’album sans registre particulier, ble caverne d’Ali Baba, puisque ment abordé (il a réduit les 1000 avec un rendu très particulier. Il le deuxième CD bonus renferme vierges quelquefois promises au vient faire groover Paris et ses les versions initiales de certaines nombre de 40). pavés, avec un album teinté de des chansons, et une vidéo…rien Vu ici sous un angle assez origi- soul, une âme de revenant qui que ça ! nal où sa voix grave prend une connaît tout. Electric dread ne Mais revenons en à notre mou- dimension particulière, presque s’éclate pas dans le reggae, la ton, Romain Dudek. entraînée vers le côté obscur... soul, le blues, la fusion ou autre... Doté d’une voix d’or (douce et Sur cet album aussi, la chanson il vient en France transmettre rauque, délirante et sombre), et «Bernadette n’aime pas les en- de vieilles vibes associées à de de doigts de fée sur sa guitare, fants» qui lui a valu de défrayer jeunes gars du réseau de la fa- ce jeune artiste est performant quelques chroniques et de s’atti- mille chedid, à de jeunes talents dans tous les registres. rer sûrement des volées de bois comme le chanteur R. Wan, à de L’album ouvre sur un cri «Aaaa», vert ! jeunes artistes qui ont la vista. Au original. On vous laisse imaginer et sur- delà des morceaux d’accordéons Et enchaîne sur la chanson épo- tout découvrir. de Java qui viennent se poser nyme «La poésie des usines», un peu partout, on a bien envie qui rend noblement hommage à Séverine Gendreau de croire que c’est également tous ces oubliés, dont les usines tous ces petits moments enfer- ont fermé. www.romaindudek.net més avec nos compatriotes de musiciens qui l’on plongé dans page 5

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cd / dvd quelque chose de neuf, quitte à Laframboise, on se doit de vérifi er L’esthétique du chagrin d’amour, «désélectrifi er» un peu sa cheve- si ce n’est pas un gag, et on est c’est une approche pudique du lure de 57 années. Paris Rockin’, immédiatement emporté, caressé, malheur avec des fl eurs autour, Reach out and touch H.I.M ou en- par des harmonies d’une infi nie pas de tourbillons enragés, extra- core l’envoutante mélodie de Roa- délicatesse, mélange de mysti- vertis, mais un vertige individuel, mer ne nous invitent effectivement cisme et de pop music qui aurait un voyage en solitaire sur un voi- pas à faire les bonds que l’on a marié des polyphonies de chant lier silencieux, ou un planeur qui pu lui voir faire l’an dernier dans grégorien à la retenue mélanco- frôle les nuages, dans un souffl e les petites salles parisiennes.... lique des mélodies anglaises de imperceptible…C’est un peu com- juste à se laisser aller avec l’aide l’époque élisabéthaine. me des dessous chics qui seraient de quelques violons qui ne pleu- Si c’était une boisson, ce serait la pudeur des sentiments… C’est rent jamais au contact de la voix un champagne millésimé, à la fois danser sur des charbons ardents, chaude du rasta. Une aventure frais et léger, avec des arômes avec grâce, comme si de rien qui propose à chaque chapitre subtils qui se révèlent en deuxiè- n’était… Vous aimiez ? j’en suis une atmosphère un peu différente, me ou troisième gorgée. fort aise, eh bien, chantez mainte- sans nous perdre, sans nous lais- C’est un album à écouter la nuit, nant. ser sur le bas-côté en nous faisant quand tout est calme, pour se sen- toujours croire à la suite, à l’image tir en pleine communion avec cet- Norbert Gabriel de Rock soul, Wretched state ou te sorte de chant des étoiles bai- Ras Child moins profond mais tel- gné d’un scintillement très doux, www.manonlaframboise.com lement entraînant. Merci au label incompatible avec les éclairs des qui ressuscite les compos qui pi- néons agressifs. quent, celles qui montrent les cho- Je ne sais pas si le nom prédes- ses qui ne laissent pas indifférent tine à un style, mais il y a indis- aux choses ; Mc Anuff vivant, une cutablement un signe, subtilité, Arman bonne chose pour nous : Irie ! réserve, pas de tape à l’oreille MELIES clinquant. Manon Laframboise Vincente Coronini a une de ces voix rares, comme «Les tortures Teresa Salgueiro, pour qui a été volontaires» www.makasound.com créé le groupe Madre Deus, une perfection vocale qui permet de On n’est probablement pas censé porter toutes les nuances sans avouer ce genre de choses, mais effets tapageurs, sans effort, avec c’est d’abord la pochette de l’al- une élégance raffi née. bum d’Arman Meliès qui m’a sé- A l’heure où la tendance est de for- duite : racé, mystérieux, assez Manon cer sur le décibel avec des images proche des collages des surréalis- LAFRAMBOISE qui claquent comme des fl ashes, tes, à la fois désuet et futuriste. « Esthétique il est bon de trouver quelque ra- Le livret lui oscille entre le visuel du chagrin reté qui apaise, on ne peut pas des fi lms muets, du cahier d’his- passer sa vie à trépigner comme toire naturelle et de l’iconographie d’amour » des pois sauteurs, ce qui devient d’un James Bond psychédéli- Dépaysement et enchantement agaçant à la fi n. On va au spec- que… garantis. Voilà un album qui ne tacle, et on vous intime de taper Le soin apporté au contenant ne trompe pas son monde, au pre- dans vos mains, à côté du rythme peut cependant pas être un ha- mier coup d’œil, on voit que ce le plus souvent, de vous lever, de sard, car en fait il illustre à la per- n’est pas du rock binaire, du rap sautiller, faut que ça bouge, c’est fection le contenu de l’album. Im- ou de la lambada. Avec un titre pa- d’un pénible parfois, en plus d’être possible à résumer, Les Blessures reil, et le nom de l’auteur, Manon ridicule. Volontaires est d’inspiration très page 6

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cd / dvd iconographique, et agit littérale- on regardait ailleurs, mais pas du ment comme un charme. côté de en tout cas… Du Je serais ainsi bien en peine de point de vue d’Hitler, les démo- craties ne bougent jamais, qui se vous citer les paroles ou vous ren- Xavier dre compte des textes avec préci- souvient du génocide arménien, sion. MERLET disait-il ? Mais je m’égare, ce qui Déroulés par une voix envoûtante, «Du point me fait penser à ces années 35/36, ils m’ont plus semblé jouer le rôle d’vue d’la c’est l’ambiance jazzy swing, déli- de sous-titres possibles pour les mouette» cate, ciselée façon Django quand images que les mélodies font naî- il jouait avec Jean Sablon, et jouer tre. était le mot juste. Un des ciseleurs Un univers entier surgit, où défi lent «Du point d’vue de la mouette, de notes sur cet album s’appelle comme sur pellicule des décors l’homme a des soucis» Hervé Legeay, tiens donc… Dans glamours aux lignes pures, dans «du point d’vue de la mouette, les ambiances alternées, on pas- lesquels des silhouettes impecca- qu’il tombe tout seul» se un joli moment, on est au spec- bles et glacées évoluent, indiffé- Voilà bien l’avis des animaux… tacle de la vie, et de ses aberra- rentes. j’avais déjà évoqué quelques bes- tions, abordées du point de vue On pense à Hitchcock et Grace tioles qui s’en battaient l’œil, de la d’un disciple peut-être involontaire Kelly, Bergman – Ingrid ou Ingmar menace qui pèse sur l’humanité, de Gilbert Lafaille, son Safari évo- – Rita, Marlène ou toute autre icô- v’là que les mouettes aussi s’en que un peu un certain président et ne inaccessible. tapent les rémiges, des soucis de des éléphants, et Mon pays gra- On imagine de grands hôtels l’homme et des ravages de la pla- touille les marchands de promes- luxueux, des chambres feutrées, nète. Encore que, les mouettes, ses électorales avec un humour des ascenseurs où dans d’immen- elles feraient bien de faire gaffe, distancié. De mon point de vue, ses miroirs se refl ètent des créatu- si les forêts amazoniennes et les « LA VIE SANS TOI » qui termine res à la coiffure et la mise irrépro- forêts primaires disparaissent à la l’album est un petit chef d’œuvre chables. cadence d’un terrain de foot par doux amer, qui fait écho à la pre- La décadence n’est que pressentie, minute, ça peut avoir de sérieu- mière chanson, on subit des ava- voilà peut-être pourquoi les person- ses répercussions sur leur éco- nies, on fait le malin, même pas nages d’Arman Meliès avancent système… La preuve que c’est de mal, allez, tournez manège, c’est tous masqués. première importance, le foot, c’est la vie… Oui mais quand même, la Car dans cet étrange univers, le référent (…..) d’évaluation des vie, c’était mieux avant… même les meurtres se doivent catastrophes écologiques, mais d’être élégants et les tortures, vo- du point de vue de la mouette, le Norbert Gabriel lontaires ! foot, c’est pas le pied, en quelque Offrez-vous donc le luxe de ce sorte. Cette première chanson qui www.xaviermerlet.com ciné-club d’un autre genre où les ouvre l’album de Xavier Merlet, si- infl uences viendraient autant d’un gnale avec un humour légèrement Hollywood fantasmé que d’un Bas- acidulé qu’il y a des soucis qu’on PLANETES MUSIQUES ferait bien de prendre en compte hung, d’un Dominique A ou d’un le rendez-vous des Gainsbourg période BB, mais aussi ici et maintenant, au lieu de les nouvelles musiques traditionnelles d’Archives ou même d’Ennio Mor- remettre à des lendemains incer- ricone. tains qui risquent fort de rire jaune, 40 concerts, sortie d’albums Une visite non guidée pour un plai- et je ne parle pas des chinois. sir garanti. Remarquez, en 1936, on chan- Lancement les 16, 17 et 18 février tait «Tout va très bien Madame la Maison de la Musique Mélanie Plumail Marquise», on venait d’obtenir les 8, rue des Anciennes Mairies acquis sociaux, mais en Espagne, 92000 Nanterre tel 01.41.37.94.21 www.armanmelies.com la démocratie était assassinée, page 7

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en faut, je dirais que c’est la fi lle politique, bucolique, métapho- de Diane Dufresne et Hubert-Félix rique, fantasmatique - à travers Thiéfaine, pas mal, non ? des reprises de classiques et des Last but not least, elle termine inédits en carte blanche. Tous les Adrienne avec «L’herbe tendre» de Serge genres, tous les rythmes, tous les PAULY Gainsbourg dans une version im- degrés, on passe ainsi du gros peccable, tendre, avec une délica- rock de l’Esprit du Clan à la balade «...» tesse respectueuse… comme si la mélancolique de Ridan, de la fable fi lle de la boite de nuit avait trouvé de Tom Poisson aux pamphlets Avec Adrienne Pauly, on entre son Roméo, sous un coin de ciel d’Hervé Akrich, Tue-Loup ou La- dans la scène de la vie sur un che- bleu, du vrai, pas du toc en néons- villiers, de l’ode viscérale (un texte val au galop. Il y a les sentiments sunlight… original de Nougaro interprété par entre l’amour et la rage, de la fi lle Jehan) à la boutade rigolarde de (du Prisunic) qui veut un mec, et Norbert Gabriel Juliette, en passant par le tour qui fait l’amour avec un con, total de France autobiographique de méchant cafard… www.adriennepauly.com Kent… Dans le cinémascope permanent C’est la loi du genre : l’ensem- de sa vie, Adrienne Pauly invite ble manque parfois d’unité et les les trente six états d’âme des transitions peuvent être brutales, fi lles d’aujourd’hui, parfois c’est mais au moins on goûte, c’est une Nous deux, parfois Minitel rose, PAYSAMES étape. On découvre des artistes midinette ou femme libérée, leur et leur vision de la ruralité. On dé- vie, c’est un poème déjanté qui «20 ans 20 couvre des agriculteurs aussi, non fonce comme un TGV vers un dé- chansons» plus comme la masse anonyme du cor improbable, une sorte de truc secteur primaire, mais comme des indéfi ni, qui porte la menace, ou individus dont les témoignages et la promesse, de l’inconnu. Road les photos composent le livret du mot-vie où on appelle un chat un CD. Pas mal pour commencer chat et un con, un con. C’est l’époque des bonnes réso- 2007 ! On dit d’Adrienne, c’est la Gréco lutions et des vœux idoines : que de Belleville, ouais… pourquoi de le choix des urnes ne soit pas fu- Mélanie Plumail Belleville ? néraire ; que les enfants de Don C’est la Pauly d’aujourd’hui, point. Quichotte parviennent à éviter les www.productions-speciales.com Elle écrit ses textes, compose et ailes féroces de leurs moulins à s’associe parfois pour la musique, vent et les paroles en l’air ; que le elle impose une présence scéni- bordel ambiant, de toute évidence que époustoufl ante, et rare chez inéluctable, soit au moins joyeux. une artiste si jeune. Elle a un sens Alors ce qu’on fera en 2007, faut de la scène très sûr, comédienne voir : défi ler dans une manif anti- YXXY qui maîtrise son carré de plan- EPR, signer une pétition contre la «L’un dans ches pour inventer les vagues qui peine de mort, décorer sa boîte l’Autre» vont l’emporter. Je sais, c’est un aux lettres d’un autocollant anti- disque, et pourtant on y est déjà, pub, garder son sang-froid ou dans le spectacle. retrousser ses manches… une Je ne connaissais rien de «YXXY» Les comédiennes qui chantent sélection aléatoire mais pleine de et pour avouer la chose, avec un apportent toujours un plus, une fa- bonne volonté. nom de scène aussi diffi cile à frap- çon de porter les mots qui donne Une sélection aléatoire et une for- per sur un clavier (vous ne savez un supplément de présence, d’in- me d’engagement alternatif, c’est pas quel calvaire c’est quand il tensité. Le sujet mérite attention, justement ce qu’on trouve sur s’agit de ne pas oublier un «x» ou il faudra y revenir. Je voulais dire la compilation Paysâmes, sortie un «y»), je désirais me soustraire «les comédiennes qui chantent», pour les 20 ans de la Confédéra- à la chronique hebdomadaire qui mais ça vaut aussi pour Adrienne tion Paysanne. 20 chansons qui m’échoit tous les lundis matin. Pauly. Au jeu des références, s’il causent campagne – poétique, Avec beaucoup de réticences et page 8

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cd / dvd spectacles un rien d’obligation patronale, je Ce disque est de la sueur de Des cheveux razibus de souris me suis quand même forcé à met- clown qui fait couler son rimmel tout sauf grise. tre l’album dans ma chaîne hi-fi . sur sa face triste d’auguste. La Des poses de guitare-héroïne fu- J’étais déjà là, prêt à copier ma fée clochette baroque et barrée rieusement addictive. chronique de «RRRrrr», le fi lm en compagnie de son alter ego Une allure de Frenchie-comic- des Robins des Bois, en essayant Boris «Saoulaterre» nous montre manga-pop-rock-songwriter … de prononcer «YXXY» (chez moi que l’un dans l’autre, les préjugés Et voilà que je m’y perds à nou- ça fait «IXI») en modifi ant «ac- sont faits pour tomber les clichés. veau. teur» par «chanteur» et «impro- A l’avenir si vraiment vous avez Pas simple de parler de quelqu’un nonçable» par «détestable». Mais encore du mal à formuler ce nom qui vous laisse sans voix, et pas je crois que dès la première chan- de scène vous pouvez transvaser seulement parce qu’on s’est égo- son «C’est pas Pour de Vrai» je «YXXY» dans «Magistral» c’est sillé aux rappels ou qu’on s’est ef- me suis mis à aimer cet album qui du tout pareil. forcé de jouer, comme elle, de la mélange des sons électro avec trompette sans trompette – pour une voix de chanteuse pour bordel Pierre DERENSY un résultat plus proche de la bas- ambulant. Lascive, érotique, gé- se-cour que de Gillespie. missante et hurlante sur «Viens» www.yxxy.fr Non, la chique est tranchée net dès on rentre dans son univers avec l’ouverture, par les percussions tri- délectation et les mots orduriers bales martelées crescendo sur les ou massacreurs s’échappent de fl ancs du piano. votre tête pour ne plus écrire que Par la voix qui frôle les vertiges, des louanges (ou essayer) afi n les interludes en pirouettes, ora- de complimenter ces rythmes bi- Jeanne toires ou chorégraphiques : toute zarroïdes et rendre le chroniqueur CHERHAL cette somme d’audaces gouailleu- totalement mordu à ces 14 titres ou ses, généreuses, intelligentes, en intéressants. Proche d’une Emilie l’énergie harmonie avec la troupe d’excel- Simon sans rentrer dans le cliché renouve- lents musiciens. Bjorkien, la musique industrielle Je vous entends d’ici : d’YXXY (en faisant des recher- lable «va-donc eh ! avec ton lyrisme à ches j’ai appris que c’était une deux balles. Donne-nous du con- bien jolie personne de sexe fé- Feuille blanche, blafarde même cret.». minin prénommée Anne-Sophie) sauf pour quelques ratures qui Mais je ne peux même pas recou- lance l’onomatopée sur le devant suintent ça et là. rir à des comparaisons savantes. de la scène pour un chant de si- Les yeux dans les vagues, je tente Certes il y a de la ‘diva dévorée’ rène où elle dit en experte noc- d’écrire un article sur Jeanne Che- en Jeanne Cherhal, comme en turne «Je voudrais qu’on ai de la rhal en scène et je n’y arrive pas. Janis Joplin, Camille, Nina Morato tendresse pour nos colères et nos Je m’absorbe et sitôt je sèche. ou Brigitte Fontaine. accès de folie». De la folie il y en a Non que je n’aie rien à dire, bien A la voir franchement lascive au plein dans ce disque, des os, des au contraire : j’abonde, je débor- clavier, on pense même à Tori cubitus qui pointent au dessus de de, je fuis. Amos. la chair, de la brutalité malaxée Mais par où commencer ? Mais Jeanne Cherhal ne ressem- sous forme de tendresse dans un Par quel bout m’y coller ? ble à personne, pas même à ce cirque royal pour humanoïdes en- Comment résumer au compte- qu’elle fut tant elle surprend et fermés dans des clapiers. Hypno- goutte un talent qui jaillit? semble toujours se renouveler. tique, psychédélique, des samples J’essaie alors d’être méthodique. Si elle a copié ses consœurs, c’est piquants pour exalter le parfum de Je me raccroche à des images, uniquement dans leur liberté, leur la rose «YXXY» qui éclot comme nombreuses, en pluie. indépendance et leur folie plus ou par magie en plein hiver. Une robe Milky Way version cuir. moins douce. page 9

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Voilà peut-être pourquoi, au delà qui savent se lover contre la voix mars prochain et viendra proba- du plaisir réjouissant d’un specta- de la belle Katia Goldmann. Se blement ramasser quelques sen- cle réussi, il reste longtemps après reposer sur un trio professionnel sations de plus le long de ce sen- chez les spectateurs comme un n’est cependant pas suffi sant pour tier plein de vie. écho, une énergie tenace, com- l’artiste du soir, qui, en plus de son me une envie de sauter du grand propre rôle à jouer, a mis l’accent VIncente Coronini plongeoir en oubliant qu’un jour on sur une mise en scène bienvenue. a eu peur. L’ensemble marche bien, l’har- www.katiagoldmann.com Alors comme le chante si joliment monie est là entre ce que l’on voit Jeanne : ‘Merci’. et les sons que l’on écoute : ses réinterprétations du boléro cubain Mélanie Plumail «quizas, quizas, quizas» ou de «my heart belongs to daddy», ex- IGNATUS / www.jeanne-cherhal.com trêmement bien maîtrisées propo- sent à ces standards une nouvelle ORLANDO identité pour nous faire passer les frontières. Les compositions sont neuves Ignatus mais tournent déjà : jeune chan- Katia Défi nir Ignatus est un exercice teuse, Katia déroule des histoires acrobatique, on pourrait dire une GOLDMANN légères et sincères avec des mots sorte d’héritier de Boby Lapointe qui pour faire plus que raconter qu’irait faire un show manière Las s’agencent avec pas mal de chic Vegas, mais au Set de la Butte, Il y a celles qui chantent et dont pour incarner le mouvement. D’un mise en scène du genre Crazy on n’entend pas la voix, celles qui quotidien so-so aux amours réelle- Squirrel, sunlights et troupe d’aco- ont ce petit truc en plus qui plaît ment virtuels, la chanteuse arrête lytes obéissant au doigt et à l’œil ou ne plaît pas et puis il y a celle juste un instant la bonne humeur du maître. C’est qu’il y a du mon- qui chante et que l’on écoute sou- et les jeux de la vie pour nous de en scène, 8 ou 9 comparses, 10 rire. Probablement que tout est lié, proposer «ceux qui dansaient», instruments, des effets spéciaux à que l’on ne chante pas un peu de une composition singulière qui ap- épater notre néo-helvète réfugié brésilien, que l’on ne dope pas sa porte là un début de triste beauté, fi scal… Ignatus qui se défi nit lui musique de rythmes latins ou de sur un fl ot de mots qui laisse à sa même «cœur de bœuf et corps de bossa sans être heureuse et avoir créatrice le champ du hip hop jazz nouille» dirige son opéra-bonzaï envie d’envoyer. Mardi soir, le grand ouvert. A vrai dire probable- avec le fl egme et la fougue d’un sentier des halles était plein, am- ment plus que ce seul champ... grand pro qui connaît son affaire. biance début de semaine, avec un Egalement pianiste, Katia en pro- Le Sept de la Butte est une jolie public qui n’a pas envie d’envoyer fi te enfi n pour nous compter une salle, mais ce n’est pas lui faire af- valser les bancs mais plutôt d’es- aventure dévoilée de dos, reçue front de préciser que ce n’est pas sayer d’attraper l’heure et demi en pleine face. le Zénith, ni l’Olympia sur le plan dont il dispose pour se laisser sé- Sa vision du monde la rapproche surface. N’empêche, les perfor- duire. Parce qu’à vrai dire de ce de cette douce mélancolie brési- mances d’Ignatus mettent la salle, côté là, les musiciens et le jazz lienne qui refuse de s’attrister et comble, dans un état jubilatoire et qu’ils proposent ont tout pour plai- qui, parallèlement, peut renon- un chorus à la Jimi Hendricks dé- re : un pianiste investi et lié à sa cer à trop approfondir les choses chaîne un enthousiasme délirant. chanteuse par les arrangements verbalement. Pour ce premier al- Et à gauche sur la scène, la p’tite qu’ils inventent, un batteur subtil bum, les choix s’avèrent payants blonde qui montre ses dentelles, et chaleureux, un contrebassiste : la chanteuse au talent haut sera rappelle que Pigalle est à deux alignant des lignes authentiques effectivement reprogrammée en pas et demi. page 10

chroniques

spectacles

Voilà, je crois que j’ai bien situé Il y a quelques lieux à signaler Jeanne Cherhal. Tout en conser- l’ambiance, pas la peine d’aller à comme le Set de Butte qui perpé- vant, donc, l’élégance de la sim- Las Vegas, suivez Ignatus, qui est tuent la vocation de découvreurs, plicité. un invité permanent de la dernière de défricheurs, et qui donnent au Pas de vache maigre et enragée page du mag. public la possibilité de rencontrer ramant aux galères de la vie de des artistes originaux, des formes bohème dans ses propos ou ses www.ignatub.com de spectacles un peu différentes, attitudes, Renan Luce n’est pour certains commencent, d’autres autant pas lisse. Il insuffl e subtile- comme le Bijou, de Philippe Pa- ment humour ou mélancolie à ses gès, dans le Sud ont une sérieuse interprétations, et sa voix whisky- réputation depuis quelques an- cigarettes met en valeur la maturi- nées (info de Jean-Michel Boris, té de son écriture, et tranche avec un expert dans le domaine). Pre- ses allures d’adolescent. nez des notes, et surveillez les Ajoutons que les inédits dévoilés annonces. sur scène ne dépareillent pas et Et amusez-vous bien. laissent présager un bel avenir sous le signe du développement Norbert Gabriel durable. Entre nous, ce serait dommage de ne pas en profi ter Orlando www.orlando-labarbichette.fr dès aujourd’hui. Même lieu, le lendemain pour dé- couvrir Orlando, que le buzz in- Mélanie Plumail sistant m’a intimé d’aller écouter dans les plus brefs délais. Orlando www.renanluce.fr est un trio, c’est leur troisième pas- sage au Set, et le bouche à oreille a fonctionné. Totale surprise, sous Renan TALENTS DETOURS ce nom qui évoque le chanteur de LUCE charme rescapé des années 50, DE L’ADAMI on a trois personnalités volcani- Développement durable. 2007 ques, qui vous déroulent une sé- Pour la 4ème année, rie de tableaux entre Kurt Weill, le Tant d’aisance pour si peu de ri- néo réalisme allemand de l’Ange des, j’avoue, ça m’épate. Et atten- de nouveaux festivals Bleu, et Carmen la passionnaria tion, pas cette aisance hautaine et s’associent à cette opération ce qui se serait engagée dans les misanthrope des imbuvables im- qui prouve sa notoriété troupes républicaines du côté de bus d’eux-mêmes. Pas l’aisance et surtout son effi cacité Teruel. automatique des VRP de la scène. Orlando, c’est le cabaret des sen- Non, une aisance timide et rafraî- timents exacerbés, baroques et chissante, parfois maladroite mais Le but est de soutenir des romantiques, avec 3 artistes tota- toujours charmante. Un peu com- artistes en plein lement polyvalents, musiciens, co- me si Souchon et Voulzy l’avaient développement à accéder médiens, ils font vivre des person- mis en scène, chorégraphie com- à des festivals prestigieux, nages picaresques dans l’esprit prise. du Cabaret de la dernière chance, De fait, à voir et entendre Renan sur les meilleures scènes avec tequila ou vodka bien frap- Luce, on dirait que c’est facile. Fa- de ces derniers. pée, de ces trucs qui vous démon- cile d’écrire et composer de fort C’est un véritable partenariat tent la tête, et vous la remontent jolies choses. Facile d’en faire un en carrousel bigarré. On ne sait album délicat qui d’emblée séduit qui est mis en place par plus si on est dans un bistrot de public et professionnels. Facile de l’Association Artistique marins d’Amsterdam, un pub irlan- prendre sa guitare pour jouer dans de l’Adami dais ou une bodega hispanique, la première partie de Bénabar de- d’ailleurs on s’en fout, on a fait un vant un Zénith plein à craquer, ou www.adami.fr sacré beau voyage. pour assurer en tournée celles de page 11

chroniques le chanteur oublié

sur scène (Olympia, 1968, Vieux Colombier, 1971), il a été surtout Eric photo : connu dans la profession comme ROBRECHT Raphaël Caussimon compositeur («Et remettez-nous ça»: paroles de Bernard Dimey, «Ma mère», «Il fait soleil», «Le Vieux Cheval», «Mes amis», «Les Milices», «Enfants, vous n’avez « Une rue qui monte et zigzague d’œuvre « Les Cœurs purs », plus de rose», «Orly Bar», «Le Un petit café tout là-haut dont il avait fourni à Jean-Roger Gauchisme à la mode», «Où irez- Juste à côté du terrain vague le thème des paroles. Ensuite il vous danser ?», «Copains de mai» Où fût assassiné Nono… » nous a chanté ses propres chan- : paroles Jean-Roger Caussimon). C’est là-haut que j’ai vu et entendu sons et c’était tout aussi magi- Et qu’il est malheureusement dé- un chanteur pianiste de grand ta- que. Ses chansons étaient tou- cédé le dimanche 15 janvier 2006 lent. Là-haut c’est au Lapin Agile tes teintées d’humour et, sous à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière. (ou : « à Gill » puisque le lieu reste une incroyable lucidité, d’un Si vous avez d’autres informations lié à jamais au caricaturiste qui a esprit lunaire, aérien. Il avait la sur ce poète compositeur, n’hesi- dessiné son enseigne) doyen des légèreté d’un ange tout en nous tez pas à nous les envoyer. cabarets artistiques montmartrois peignant le monde sordide dans Pour conclure cette chronique je hanté par les fantômes de Bruant, lequel nous survivons. Je suis voudrais supplier les maisons de Couté, Picasso ou Max Jacob où sorti de ce cabaret la tête dans disque du style «EPM» ou «Le l’on vit et chante encore. J’étais les étoiles et heureux d’avoir chant des artisans» de rééditer ce soir-là tout heureux d’être as- rencontré l’un de ces artistes ra- ses disques afi n que vous vous sis sur l’un de ces vieux bancs res. Plus tard j’ai essayé de me rendiez compte que je ne dis pas où peut-être Louise Michel ou renseigner sur lui mais en vain. que des conneries (clin d’œil à un Suzanne Valadon avaient leurs Y’a bien un minuscule petit arti- internaute scrupuleux…) et que habitudes. Y’avait quelque chose cle dans l’indispensable livre de c’était bien l’un de ces grands d’émouvant dans l’air. On a vu Chantal Brunschwig, Louis-Jean oubliés de la chanson ou, plutôt, défi ler devant nous des chanteurs Calvet et Jean-Claude Klein : « l’un de ces maudits qui ne vou- éprouvés, des chanteuses déses- Cent ans de chansons française laient pas l’être… pérées, des chanteurs rigolos et 1880-1980 » mais c’est tout. Il n’y P.S.1 : Il existe quand même, je celui qui les accompagnait toute a rien non plus sur le net (à part m’en voudrais de ne pas le citer (et la soirée a eu, lui aussi, son pe- une référence moqueuse sur « l’internaute scrupuleux aussi), un tit quart d’heure de gloire. C’était Bide et Musique »). En voilà en- coffret de 4 CD intitulé «Un Siècle Eric ROBRECHT et avant de com- core un bien maudit, me dis-je… de Veillées d’Hier à Aujourd’hui» mencer son petit tour de chant, il Pour cette chronique j’ai donc avec en exclusivité, les plus gran- se présenta modestement ainsi : fouillé dans mes vieux « Chorus des chansons de ceux qui ont « Je suis l’ancien pianiste et l’un », les médiathèques et autres débuté au Lapin Agile, et donc des compositeurs de Jean Roger greniers et je peux maintenant quelques unes d’Eric Robrecht. Caussimon… qui n’est pas mort. vous dire qu’Eric Robrecht est Disques EPM n° 980 612 Qui me regarde à chaque fois que un Auteur-compositeur-interprè- P.S. 2 : Le début de cette chroni- je le chante et c’est pourquoi je le te d’origine belge puisqu’il est né que est un extrait de la chanson chante souvent. Pour le retrou- à Bruxelles en 1932. Et qu’il fut qui rend hommage au Lapin Agile ver… » d’abord élève au conservatoire : FRÉDÉ (Paroles: Michel Vaucai- Il nous a donc interprété quelques de Bruxelles, puis pianiste d’or- re, musique: Daniel White, 1946) unes de ses incroyables compo- chestre. Et que Jacques Canetti sitions inspirées des poèmes du lui a fait enregistrer 2 disques. Et Eric Mie vieil ananar et notamment le chef que malgré quelques passages www.ericmie.com page 12

chroniques la porte ouverte

L’instrument a permis à Marcel «Je me souviens qu’on fi xait sou- Azzola de rencontrer la fi ne fl eur vent les jambes des danseurs, du music-hall, et dans ces mé- pas seulement celles des danseu- moires qui tournent les pages ses. Les meilleurs couples nous Marcel de 70 ans de carrière, on croise donnaient invariablement le bon AZZOLA le gotha de la variété dans son rythme.» sens le plus noble, les créa- On pourrait en extrapoler une sorte Il y a des gens teurs toujours en quête d’inven- de philosophie de la vie propre aux qui sont dans tion musicale, François Rauber, italiens des années 20 : on avait de la légende par Boris Vian, Mort Shuman, et la chance, du travail, de l’amour, un coup du aujourd’hui Abd Al Malik, parmi le sens du devoir, celui du travail hasard, un bref les 5 ou 6 douzaines de «cou- bien fait, de la dignité humaine, le épisode qui occulte un parcours ples» qu’il a formés sur scène ou respect des autres, et la polenta de vie très riche et diversifi é. C’est sur disque. pour se caler avant une expédition peut-être le cas de Marcel Azzola, On comprend la relation à la fois bicycliste aux confi ns de la ville… et ce serait dommage de ne gar- complexe et évidente qui permet che bella la vita… Pour ceux qui der que l’anecdotique «Chauffe aux artistes de réussir l’alchimie ont croisé Marcel Azzola, pas be- Marcel» comme une cerise qui aléatoire de ces moments d’an- soin de commentaire superfl u, ils cacherait le gâteau. thologie qui restent dans la mé- savent le privilège dont ils ont bé- Marcel Azzola vient de publier moire collective. Bien sûr, l’em- néfi cié. Pour les autres, ce livre un livre «Mémoires» 200 pages blématique «Vesoul» … est là pour partager ce privilège.Et d’une vie d’homme et d’artiste qui Marcel Azzola, modeste et gé- pour son «porte-plume» Christian sont un excellent panorama d’un nial, comme on dit Là-bas, a le Mars, bravo et merci pour avoir siècle de musique. Mais c’est plus talent de rendre des hommages transmis dans l’écrit, la mémoire que ça. Marcel Azzola est un hom- discrets et essentiels : en deux et la voix de Marcel Azzola. me d’une grande élégance morale lignes, il montre la générosité de qui porte sur les gens un regard Léo Ferré, en un quart de page, Norbert Gabriel profondément humain, pas com- il dessine un portrait émouvant plaisant, mais toujours équilibré de Barbara, «Tout est toujours Editions L‘Archipel et sensible. Et jamais phagocyté dans les chansons, pourvu que «Marcel AZZOLA, Mémoires» par le côté confi dences-rumeurs- les auteurs soient authentiques» (avec un CD inclus 17 titres) bons mots de salon qui déforment Sans effets tapageurs, il parle de la réalité en portraits-caricatures Piaf avec une tendresse lucide assez éloignés de la vérité. Mar- beaucoup plus signifi ante que cel Azzola a un parcours musical maintes biographies un peu vai- d’une richesse exceptionnelle, bal, nes… CONFIDENCES jazz, classique, chanson, toujours Il se cache derrière son accor- TROP INTIMES dans l’exploration, pas dans la déon dont il est l’historien sen- gestion d’un fonds de commerce sible et concis, et derrière les folklo-parigot qui a souvent con- chanteurs et musiciens célèbres Attention théâtre ! fi né l’accordéon à un rôle d’amu- qui lui ont fait confi ance. Je n’ai Ce n’est pas du boulevard con- seur à la fête de la bière. cessé de vouloir me hisser à la venu et pathétique. Ce n’est pas Ils sont quelques uns, Gus Viseur, hauteur de leurs espérances et de l’intello avant-gardiste prise de Tony Murena, à avoir participé à de leur talent… tête. C’est entre les 2, empruntant l’arrivée du jazz en France, à avoir Observateur fi n et précis du mon- le meilleur de ces styles opposés. déblayé le chemin pour les Ri- de qui l’entoure, on peut résumer Du bon théâtre qui fait réfl échir et chard Galliano, Daniel Mille, Yann son approche des autres avec ressentir en même temps. L’his- Tiersen… Ils sont quelques uns, cette réfl exion venue du temps toire : une jeune-femme ayant un Azzola, Freddy Balta, Joe Rossi, des guinguettes, de ses débuts, premier rendez-vous avec un psy- Marc Bonel, Joss Baselli à avoir quand on allait jouer sans être chanalyste se trompe de porte et été les compagnons essentiels payé… «On avait la chance de sonne chez un conseiller fi scal… d’artistes majeurs de la chanson. faire danser les gens, des gens Pour information, cette pièce est Mais ces Mémoires sont bien plus qui adoraient ça, et qui pour l’es- une adaptation d’un fi lm de Pa- qu’une histoire de l’accordéon. sentiel dansaient très bien.» trice Leconte dans lequel jouaient page 13

chroniques la porte ouverte alors Fabrice Lucchini et Sandrine à base de mots va être un voya- Certains chercheront à maîtriser Bonnaire. Le texte a été revu pour ge, celui du partage, de l’envie ce labyrinthe irrationnel. la circonstance. Les répliques sont commune de rentrer dans une La deuxième version, elle, met de autrement percutantes et pleines histoireet de la créer en lui don- la lumière dans les zones d’om- de fi nesse. Comme un ballet, les nant corps et voix». Jean-Paul bre. Mais une lumière blafarde car séquences s’enchaînent avec fl ui- Alègre nous dévoile dans la pré- ce n’est que le vécu personnel de dité sans négliger une bonne dose face la diffi culté de faire un choix chacun qui pourra tisser les fi ls d’humour. Tout comme dans le et la décision fi nale de garder les entre présent, passé et futur… fi lm, la progression et le dénoue- deux versions. «La seconde ver- Ce livre «Dix ans» a un message: ment sont doucement perceptibles sion est peut-être plus facilement «Il n’est jamais trop tard dans la et s’apprécient à travers l’évo- accessible aux compagnies de vie tant que l’on est en vie». Ma- lution des tenues, des attitudes, théâtre. Ce que je sais, c’est rie-Ange Munoz a pris des risques, des éclairages. Le malaise latent que ces deux versions s’éclai- s’est mise en danger, elle n’a pas se dissipe peu à peu avec subti- rent l’une l’autre.» Intrigant, cette choisi simplement de raconter des lité mêlant identifi cation, clichés, idée de devoir lire la seconde histoires mais elle veut «inventer théories, anecdotes. La thérapie version pour comprendre la pre- un nouveau théâtre et faire parti idéale. En bref, une pièce savou- mière. Ne pas comprendre tout de ceux qui changent la vie des reuse et intelligente qui ne laisse de suite et chercher les clés de autres.» aucune place à l’ennui, interpré- l’énigme, cette idée me plaisait Ainsi, elle nous offre sa version du tée par des acteurs au charme bien. On retrouve deux person- bonheur, très lucide : certain, au jeu irréprochable et à nages dans un hall d’aéroport : « - Alors le bonheur parfait n’existe la gestuelle dansante. Davantage une jeune femme de 30-35 ans pas, Docteur ? serait de trop ! et un homme de 40-45 ans. Elle - S’il était parfait, ce ne serait plus attend quelqu’un, inévitablement du bonheur ! De trop de facilités, Valérie Bour un homme qui n’arrive pas. Lui d’évidences, de succès naîtraient la voit défaillir et vient à son sou- la satiété et l’ennui. » www.theatre-atelier.com tien. Il est médecin. Que fait-il Alors n’hésitez pas à vous dépla- vraiment là ? En parallèle, on as- cer pour découvrir ce texte lors siste à une opération chirurgicale d’une lecture le lundi 19 février : une question de vie ou de mort. au Théâtre Mouffetard (dans le Des phrases courtes, très profes- 5ème à Paris). A partir de 20 heu- sionnelles devant la table d’opé- res, des acteurs comme Marc Du- Marie-Ange ration nous envahissent froide- ret, Gaëlle Billaut-Danno, Larissa MUNOZ ment, nous glacent le sang. On Cholomova, Audrey Bonnet, Ma- sent que l’auteur a vécu de près thieu Genet, Herrade Von Meier une opération à cœur ouvert… viendront défendre ce livre et on J’aime le plaisir éphémère que Est-ce l’endroit ou simplement espère que des projets de mise en procure une pièce de théâtre jouée cet étranger en face de soi, les scène y verront le jour. sur une scène. langues se délient et on apprend Marie-Ange Munoz écrit actuelle- Mais me voilà plongée dans un li- certaines vérités, en tout cas on ment son premier roman et vient vre de théâtre inattendu, puisque les devine, car chaque lecteur de développer deux projets de deux versions de la même pièce se construit son histoire, au fi l fi lms pour Thierry Frémont. se volent la vedette dans «Dix de ce qu’il comprend. Le texte Prometteuse ans» de Marie-Ange Munoz. est fl uide presque minimaliste écriture Depuis 4 ans déjà, ce jeune auteur mais exigeant. Ainsi à la fi n de que voilà… écrit pour le théâtre mais depuis sa la première version, ce monolo- et bonheur plus tendre enfance, elle vit avec gue de l’homme devient un long retrouvé de cette passion. Et écrire du théâtre poème très sensible où les mots, lire du théâtre, devient pour elle «tout simplement souvent en courtes phrases, bien au chaud une des plus belles expériences s’entrechoquent pour laisser voir sous sa couette… du partage. Car on n’écrit pas une part de vie. La souffrance et pour soi, on le fait pour les autres, l’amour se mélangent. Une pre- Myriam Tchanilé parce que l’on a le goût des autres mière version qui peut laisser sur et que l’aventure que l’on propose sa fi n le lecteur. www.lebruitdesautres.com page 14

interrogations écrites

au doigt et à l’oeil

Barbara DAGUERRE CARLOTTI

Barbara Carlotti est née en 1974. Elle a pris des cours de chant jazz puis lyrique et son style diffi cilement classable a inté- gré de nombreuses infl uences musicales. Après un passage par la danse Après quelques années pas- contemporaine, elle commen- sées à écumer les scènes de ce à oser chanter ses propres France avec les Veilleurs de chansons en 2002. Vous êtes à 2 doigts de faire Nuit… plus de 500 concerts, «Les lys brisés», son 1er al- quoi ? trois albums autoproduits… bum, est sorti en 2006. Des bêtises souvent… Daguerre revient, simplement, plus chanson que jamais… En premier lieu, choisissez un Que faîtes-vous « les doigts L’urgence et l’énergie de la scè- doigt ! Qu’est-ce qui motive ce dans le nez » ? ne rock intactes. choix? Ecouter de la musique, regarder Mes deux index : pour les pointer des fi lms, marcher en regardant En premier lieu, choisissez un vers le ciel le ciel. doigt ! Qu’est-ce qui motive ce choix ? Comment s’appelle chaque Qui ou qu’est-ce qui est à « 2 le pouce(Bob); c’est un doigt très doigt de votre main? doigts de vous énerver » ac- fi dèle,qui m’a beaucoup aidé à Ils s’appellent tous « mes petits tuellement ? voyager ou à faire une trêve, et chéris » L’individualisme à outrance, c’est en plus c’est le doigt qu’on met le pas à 2 doigts, ça m’énerve à moins souvent dans l’œil !!! Quelle place ont les mains dans mort !!! votre activité ? Comment s’appelle chaque Elles se posent sur les touches du Que feriez-vous volontiers «à doigt de votre main? piano ou les cordes d’une guitare l’œil» ? Bob, Bruce, Léonard, Roger et pour composer mes chansons et Etre guitariste de Philippe Kate- Victoria (valable pour les deux elles expriment en dansant par- rine mains). fois ce que les mots ne peuvent pas dire quand je chante. Que signifi e pour vous «Le Quelle place ont les mains dans doigt dans l’œil» ? votre activité ? Qu’allez-vous faire de vos dix Beaucoup de douleur !!! même si parfois je m’en sers doigts demain ? comme un pied,ça n’est pas de Charger le Bus et partir en con- Propos recueillis trop d’en avoir deux (je veux par- cert, les poser sur un micro, entre par Clémentine Deroudille ler des mains, bien que avoir deux temps : manger avec, les claquer pieds, c’est cool aussi !). en écoutant de la musique sur la en concert : route les passer dans mes che- le 13 février à la Cigale (Paris) Qu’allez-vous faire de vos dix veux, les mettre dans des gants doigts demain ? si il fait trop froid. www.barbaracarlotti.com aucune idée, ils vivent au jour; ils page 15

interrogations écrites

au doigt et à l’oeil dis-moi qui tu suis sont libres de faire ce qu’ils veu- Où préférez-vous être placé lent, mais on organisera peut être dans une salle de spectacles ? une petite réunion entre doigts, Dans l’ambulance des pompiers. histoire de connaître la motivation de chacun. Hubert Citez-nous les paroles d’une Félix chanson qui vous ressemble. Vous êtes à 2 doigts de faire THIEFAINE kili kili kili watch watch watch watch quoi ? watch o kwem kwéba. Depuis 3 la sieste. jours je ne cesse de répéter ce pe- Que faîtes-vous « les doigts tit air qui commence à m’énerver ! dans le nez » ? Hubert-Félix Thiéfaine, on ne le kili kili …etc… la sieste. présente plus. Symboliquement, il donne du Que vous évoquent les diman- Qui ou qu’est-ce qui est à « 2 sens à ce magazine. Son talent ches ? doigts de vous énerver » ac- le rend admirable et ses faibles- La naissance de mes deux gar- tuellement ? ses, attachant. çons ! ma compagne étant une dormir par les temps qui courent, Toute confusion est bonne à femme très professionnelle, elle c’est vraiment une honte! prendre, à chacun de se faire sa a toujours refusé d’accoucher un propre interprétation… autre jour que le dimanche ! Que feriez-vous volontiers à l’œil » ? Quel est le dernier projet auquel Quelle est la 1ère chanson qui de l’amour. vous ayez réfl échi ? vous a retourné la tête ? Des rollers sur coussins d’air en Les roses blanches de Berthe Syl- Que signifi e pour vous «Le forme d’utérus. va… ma mère me la chantait sou- doigt dans l’œil» ? vent quand j’étais enfant…je pense ça fait splitschhhh, ça fait mal,ça Quel lieu où vous retournez ré- que ma mère elle aussi était une donne une vision étroite… et ça, gulièrement vous inspire et vous star & je pense que comme toutes c’est con. rassure ? les stars, elle ne vivait qu’à travers Le cimetière de Montmartre sa propre égocentricité émotive… Propos recueillis chargée d’une rare sensibilité fé- par Valérie Bour Je quitte la terre pour quelques minine profondément possessive! mois, quels livres et disques me www.daguerre.be conseillez-vous d’emporter ? Le 1er concert vu ? Tintin : le secret de la licorne… Un concert d’Antoine à Annecy, En concert le 5 février le Coran, les Cioran, la Bible, quand j’avais 16-17 ans… malheu- à L’Européen* Charles Bukowski & Virginie Des- reusement, depuis Antoine est de- 5 rue Biot 75017 PARIS pentes… venu ce que l’on sait…Atoll, les lu- Musicalement je dirais tous les dis- nettes ! C’est étrange comment la ques de Thiéfaine, plus Blonde on vie fabrique très vite des vieillards Blonde de Dylan & Amour Anar- consternants! chie de Ferré… Je n’ai pas à vous expliquer pour- Comme Gérard Lenorman, vous quoi…vous comprendrez ! êtes élu Président de la Répu- blique…qui voyez-vous comme Vous n’avez encore jamais osé Ministre de la Culture ? le faire… de quoi s’agit-il ? Quand j’entends le mot culture, je Me tailler les ongles avec une sors mon revolver ! Vous m’avez tronçonneuse. bien parlé de politique ? page 16

interrogations écrites

dis-moi qui tu suis

N’est-il pas ? Haben Sie ein autre re allemande mais je déteste Noël Qu’est-ce qui vous fera toujours question ? Kanne ich machen parce qu’une année le père Noël rire ? etwas für sie ! fous êtes zi jolie, m’a offert comme cadeau ma L’humanité franzose bademoiselle ! mère dans un cercueil… Qu’est-ce qui vous agacera tou- On vous donne Carte Blanche. Qui prend le volant en tournée? jours ? Qui rêvez-vous d’inviter sur mon chauffeur. Ma gueule devant la glace, le ma- scène (mort, vivant, réel ou ima- tin, au moment de me raser ! ginaire) et pour quel duo ? Ma cousine Berthe débarque, Néron…pour une sonate au clair quels spectacles nous con- Quel est votre luxe dans la vie? de lune où je jouerais du cor de seillez-vous sans hésiter ? Penser que je suis Greta Garbo chasse ! Les marionnettes du Jardin du Luxembourg & la visite du centre Vous souhaitez pratiquer un Si vous deviez comparer votre médico-légal du Quai de la Ra- nouveau mode d’expression ar- univers à un fi lm, quel serait-il ? pée tistique, lequel et par qui aime- Hostel [Eli Roth] riez-vous être initié ? A quoi ressemble votre voyage J’aimerais être initié par Sharon Hibernatus se réveille d’un siè- idéal ? Stone…mais concernant le nou- cle de cryogénisation et décou- À une chute au fond d’un puits veau mode d’expression artisti- vre le cinéma. A votre avis, quels que, j’en ai rien à cirer… fi lms anciens ou récents sont à Quel est votre dernier rêve ra- visionner en priorité ? contable ? Je n’arrive pas à dormir…pou- La traversée de Paris… Les ton- Je ne fais que des cauchemars… vez-vous m’aider à y remédier? tons fl ingueurs…Une nuit en En- & ils ne sont pas racontables… No problèmo, baby, si t’es une fer…True Romance…Blow up… ils sont tout simplement sordides, fi lle…il me reste des doses de Up in smoke….Les Blues Bro- affreusement gore & abominables. Cialis & 3 bouteilles de vodka ! thers…Spinal Tap…Sympathie for Mais je les préfère à la réalité. Par contre, je suis en panne de Mister Vengeance & tous les Park condoms. Chan-wook …Tous les Night Sha- Que faites-vous quand vous ne malayan… Tous les David Lynch… faites rien ? Propos recueillis les fi lms des frères Cohen… Being Je me caresse devant la photo de par Valérie Bour John Malkovitch…tous les Al Pa- Benoît 16 cino… tous les Laurel & Hardy… www.thiefaine.com Tous les Michèle Pfeiffer… Tous A l’instar de Lady Di, qui vou- www.thiefaine.free.fr les Godard…tous les Truffaut & driez-vous voir chanter à vos puis bien sûr le Triporteur avec funérailles ? Darry Cowl ! Vitellius, Othon, Savonarole, Tor- quémada, Francis Heaulme, Fran- Actualité : Ecrivez un sms à Céline Dion cis Lalanne , Caligula…& François Les chansons Bravo pour votre dernier match à Hollande ! de Thiéfaine en Roland Garros !...moi aussi j’adore bande dessinée les aviateurs ! Quels sont vos derniers petits aux éditions bonheurs banals ? Soleil Quelle chanson n’avez-vous ja- Manger la merde de mon chien & mais osé chanter ? boire des soupes à base de psilo- Oh Tannenbaum ! j’adore la cultu- cybes page 17

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me convenait bien… est musicalement très riche, ou Cela dit, les groupes d’enfants, les pièces musicales pour enfants c’est toujours un peu diffi cile, je de Bartok que ma mère écoutait Elise découvrais.. et puis j’ai fait la Cité et me faisait écouter, c’était le plus CARON de La Musique dans une salle de souvent … disons indigent. Pour 230 places, ç’a été un choc, j’étais la plupart de ce que j’ai entendu J’ai encore dans l’oreille le sou- très timide, et je ne voulais plus le dans les musiques classiques venir musical d’un spectacle qui tourner, c’était en 2002, j’ai laissé pour enfants, c’est rare que ce soit ouvrait les Francos en 97 ou 98, tomber un an ou deux, j’avais été à mon goût, je ne vois pas en quoi «Chansons tombées du ciel» trop impressionnée, je ne savais il faudrait tout simplifi er pour eux, dans lequel deux chanteuses pas comment m’en sortir, et puis ils sont capables d’écouter, d’en- et un orchestre jazz dirigé par le directeur du Festival d’Amiens, tendre la complexité de n’importe Claude Barthélémy revisitaient Jacques Pornon a programmé quelle musique, si elle est pour les chansons folk-populaires mon spectacle Eurydice-bis créé eux… françaises, les comptines qu’on en 2002, et il m‘a commandé une «Les petites oreilles», c’est un apprend à l’école. semaine de « petites oreilles » , je public de 3-4 ans, et c’est mieux n’ai pas refusé, parce que ça ne quand il y a les parents… A la sortie, avec deux festivaliè- se fait pas; et pendant cette se- C’est toujours très sensible, il faut res, nous sommes restés assis maine, j’ai commencé à compren- percevoir le moment où l’attention face aux tours de La Rochelle, dre comment je pouvais fonction- faiblit, où il faut faire de l’animation dans la magie de ce spectacle, ner sur scène avec des enfants, plus que de la musique… et en oubliant le spectacle sui- et je me suis rendu compte que Nous sommes 3 en scène, avec vant dont nous avons donné les ce n’était pas plus diffi cile qu’avec Christine Chazelle au piano, et Mi- places à des passants. des adultes, il ne faut pas bêtifi er, chel Musseau compositeur clown L’une des chanteuses était Elise j’ai commencé à apprivoiser cette et comédien qui joue du piano Caron, une artiste toujours en scène, j’ai fait une tournée, et c’est jouet et de la scie musicale. quête d’aventures musicales un très grand plaisir maintenant, Il m’a conseillée sur ce projet-là. innovantes, inattendues, et sou- pas parce que j’ai chopé le truc, il J’avais pleins d’idées, de thèmes, vent atypiques, une inventive qui n’y a pas de truc justement, c’est c’était assez touffu, des thèmes recrée chaque fois, du lyrique ça que j’aime faire… très courts parfois 15 ou 20 se- au jazz, à la chanson, au théâtre Quand j’ai eu cette commande, condes, qu’il a fallu étoffer, ce sont ou au cinéma, elle excelle dans il n’y avait pas de thème imposé, toujours des compositions origina- la création sans souci de fi xer c’était en fonction d’un livre que le les.» son image, avec un éclectisme département du Val de Marne édi- qui déroute certains médias aux tait pour les jeunes accouchées, Le jazz visions très simplettes et réduc- un livre magnifi que plein d’images «J’ai commencé à faire du jazz trices. très différentes, collages, photos, en 1991, mais j’étais dans le mé- peinture, très beau, on pouvait y tier depuis 1979, comédienne et En 2006, Elise Caron avait plu- trouver tous les thèmes… en le chanteuse, un peu de ciné, un sieurs spectacles sur la route, feuilletant, je me suis dit que c’était peu de télé, et un peu de musique «Chansons pour les petites comme si je partais de mon imagi- classique, de la musique contem- oreilles» «De l’omme» une sor- nation, je n’ai pas voulu faire une poraine, beaucoup de créations, te de théâtre musical original, et illustration, mais en fonction de ce et le jazz c’est un hasard pur, ma «Eurydice-bis» qu’elle a créé, et que je ressentais, mettre les mots culture est plutôt classique, un auquel elle tient beaucoup. et les musiques dont j’avais envie peu chanson, mais pour moi, être .. et qui me correspondent chanteuse c’était interprète de AutoPortrait de l’artiste C’est sur cette base que j’ai ima- musique écrite, de Monteverdi à «Chansons pour les petites oreilles, giné des textes, avec l’idée de ne Debussy, ou Ravel. c’est une commande du Festival pas prendre les enfants pour des Ce tournant de jazz a été vraiment de Marne en 2000; au départ, je le imbéciles. un tournant, j’ai rencontré Andy faisais dans les bibliothèques, en Je me souvenais de mon enfance, Emler, à La Réunion, en vacan- piano-voix, une confi guration qui mais à part Pierre et le loup, qui ces, et il dirigeait un stage que j’ai page 18

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interview scriptée suivi, puis 3 ans après j’ai été con- j’ai travaillé avaient toujours com- commande - j’ai l’impression tactée par Denis Badaud, il avait posé pour moi et j’étais bien obli- que je ne bouge que si on me demandé à Andy Emler, s’il con- gée de leur donner un peu plus, demande quelque chose - com- naissait une chanteuse, qui pourrait que ce soit du Bach, Monteverdi mande de la scène nationale de faire partie de l’Orchestre National comme j’étais aussi comédienne, Petit Quevilly, Gérard Marcon, et de Jazz, il lui a donné mon adresse, le discours est forcément très im- je viens à peine de faire le dis- j’ai été engagée aussitôt. portant, et l’interprétation est es- que qui est sorti en Novembre Denis m’a demandé d’improviser, sentielle, c’est ce qui fait qu’on 2006.» ce que je faisais tous les jours dans donne beaucoup de soi, et au ma salle de bains … lendemain du jour où j’ai eu cette Le métier de la scène Le jazz, ce n’est pas ma culture ini- commande pour l’année d’après, «Comme j’ai commencé inter- tiale, ça m’a permis de connaître 1995, je me suis dit il va falloir y prète, comédienne, je ne sais des musiciens et dans un festival, aller. J’ai commencé à écrire des pas choisir. à Couches, j’ai rencontré François chansons, j’ai laissé reposer, et J’ai fait du théâtre, du cinéma, Corneloup, c’était la fi n de l’ONJ, et le lendemain, j’ai trouvé ça nul. mais ça ne m’a pas fait décoller; je lui disais que j’aimerais bien de- Il ne faut pas écrire des chansons, la musique, j’avais moins l’im- mander à tous les musiciens avec mais des discours, des interpel- pression d’être sur la sellette. qui j’avais joué de m’écrire une lations, des histoires, parler aux Etre choisie, ça change tout, chanson, pour faire un disque à moi gens comme si c’était à des amis quand on n’est pas choisie et , et il m’a dit pourquoi ne pas le faire qui m’inspirent, à qui j’écris avec qu’il faut se battre pour accéder à toi-même… ma folie, ma passion, ma poésie, quelque chose, ça me renfrogne Ca m’a fait un tilt, une révélation, j’avais été assez infl uencée par plutôt qu’autre chose. petit à petit, j’ai commencé à écri- la poésie de Jacques Rebotier Quand on est comédien, surfer re… dont je joue une pièce à Chaillot avec le rythme, l’atmosphère et Mais à part des lettres pour des en ce moment, (De l’omme) un les mots, c’est naturel, et le pro- amis très chers qui m’inspiraient poète fou, à la poésie brute, sau- pre des musiciens de jazz c’est beaucoup je n’écrivais pas vrai- vage inventive, c’est ce qui m’a d’improviser donc être toujours ment, et puis j’ai commencé à écri- donné l’envie d’écrire, ça m’a très à l’écoute. re des trucs que je voulais absolu- libérée sur ma propre écriture, Tout s’est toujours mêlé, la co- ment dire mais qui n’étaient pas liés j’avais le droit d’écrire des chan- médie, la musique. à une musique. sons sans forme, et les premiè- La musique, c’est du drame, ça La chanson res chansons venaient de mon suffi t à remplir mon coeur de co- Parallèlement, j’ai rencontré un édi- cursus classique, de la mélodie médienne et inversement. teur, qui voulait être mon éditeur… à la française, avec une voix très Comme comédienne, plus on Il y a eu une conjonction d’évé- lyrique, comme des mini opéras. module, plus on est libre avec la nements, j’avais écrit quelques L’idée, c’était de continuer le voix, plus c’est excitant à faire. chansons sans penser à rien de discours, pas d’écrire «des En faisant Eurydice et «les peti- vraiment précis, et les choses se chansons» j’ai fait un disque, tes oreilles» que je tournais en- sont faites, sans projet préconçu. LeRapatiRole avec un pianiste semble, il faut être prêt à impro- En 1994, j’ai été recontactée par magnifi que, Denis Chouillet, suc- viser, j’ai toujours envie de faire Jacques Pornon, qui était directeur cès d’estime assez fort, mais très le clown, de me marrer, on passe de Festival de la Villette à ce mo- restreint. Après il y a eu cette du rire aux larmes dans la secon- ment-là, et Anne Marie, ils étaient commande «Chansons pour les de, je fonctionne un peu comme responsables d’un festival de chan- petites oreilles», j’ai tout écrit, ça, on me retourne son à la Cité de la Musique, et ils je pianote, j’ai fait tout ce qu’il y comme une crêpe, ont eu l’idée de me commander avait de compliqué avec la main il suffi t d’être témoin des chansons, j’étais très surprise droite, je fonctionne à l’erreur, de quelque chose, et très fl attée, je ne comprenais tout ce qui tombe à côté, bien ça peut transformer pas pourquoi on venait me deman- que j’aie commencé la musique une journée, un automobiliste der des chansons, je n’avais jamais à 6 ans, je suis très mauvaise qui me remercie de l’avoir laissé rien écrit, ni composé, je n’étais pas en harmonie, c’est vraiment à passer avec un sourire, ça me connue pour ça en tout cas. l’oreille que je l’ai fait. remplit pour la demi-heure qui Les compositeurs avec lesquels Eurydice-bis c’est aussi une suit. page 19

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Je pense qu’il faut axer sa façon L’année 2007 à rentabiliser, même si c’est lé- de communiquer sur ce qui est Le début d’année va être très vi- gitime d’assurer une rentabilité important à donner, sa simplicité, vant, et chargé, avec les specta- pour continuer…» sa spontanéîté et de l’amour. cles pour enfant, et un duo avec Quand on est sur scène on a tel- un saxophoniste Jean-Rémi Continuer, on a du mal à ima- lement de chance d’être regar- Guédon, une impro sur des tex- giner Elise Caron faire du dé, que c’est une responsabilité tes de Rebotier et il y a un autre surplace. Une telle créativité avec laquelle il faut jouer, et non projet de tournée, des textes de généreuse doit forcément pas avoir un esprit de sérieux, Pavèse mis en musique, avec 14 aboutir, même s’il y a une cer- de mission…. Il y a des phrases musiciens, en italien, en anglais, taine frilosité dans le monde d’enfance qui me restent… c’est magnifi que, mais comme du spectacle pour les artistes J’espère qu’un jour quelqu’un c’est un spectacle lourd, il tourne multiples, on aime bien les viendra me dire, votre disque je très peu. Et puis mon projet per- classements étiquetés, pour- l’écoutais tous les jours … J’ai sonnel, c’est encore autre chose, tant la défi nition même de la reçu quelques lettres de parents je suis partie en 2004 à Ramal- création artistique c’est bien qui me disent que tous les jours à lah, 3 semaines, avec un musi- l’innovation. Un mot revient la sortie de l’école, leurs enfants cien, Jefferson Lambey guitare très souvent, «rencontre» pas mettent le disque et l’écoutent trompette et ordinateur, j’avais comme un hasard furtif, avec en suivant le livret. Ce sont des des thèmes et on a agencé des Elise Caron, une rencontre retours formidables… Il y a des formes qui ressemblent à des est presque toujours suivie de musiques, comme Nino Rota chansons, avec les ambiances création, de projet de création. que je faisais écouter à ma fi lle de Ramallah, on a été très tou- Ainsi qu’elle le dit, il faut être à 4 mois dans son landau, c’est chés par la ville, on a beaucoup à l’écoute, prêt à saisir le mo- plein d’images, de poésie.» enregistré, des chœurs, dans un ment de grâce, à le transcen- conservatoire, les ambiances der, et pratiquer concrètement, Le disque et le spectacle Eu- de la rue, les hélicoptères, un en majuscules, «Mettre de l’art rydice-bis joueur de Oud, c’était en 2004… dans sa vie, et de la vie dans «J’ai mis 4 ans à le faire, j’en J’y tiens beaucoup, j’aimerais son art». Toujours en quête suis très fi ère… Il y a eu un an faire une super tournée, mais de l’aventure exceptionnelle, de travail, à tailler, retailler, pour pour cela, il faut être convaincant à la démesure de ses envies, affi ner un son spécifi que au dis- auprès de gens qui ont du poids elle constate «j’ai toujours que … Après 3 années de scène, dans le métier, mais je n’ai pas été heureuse de ce à quoi j’ai quand on est habitué à l’énergie réussi à passer la barre des hau- participé.» Dans un excellent de la scène, un disque, c’est un tes sphères de la chanson, pour portrait de Michel Contat pour autre son, c’est diffi cile d’accep- le moment. Mon gros problème Télérama, on voit que ses af- ter que ce soit autre chose que c’est de trouver un producteur, fi nités musicales et artistiques sur scène, et une fois qu’on est je ronge mon frein, j’espère. Je vont de Nino Ferrer à Boby La- bien déçu, on travaille pour que ne veux pas que ce projet d’Eu- pointe, Higelin et Bashung, Ri- ce soit un son différent, pour que rydice meure avant d’avoir eu cet-Barrier ou Nougaro, Bour- ça existe en tant que tel. Comme sa vie, c’est une éternelle ado- vil ou Grock, clown ou elfe, j’ai produit le disque, j’ai maîtrisé lescence… et ce serait bien qu’il Yvette Guilbert, et Mickaelle d’un bout à l’autre avec Audrey devienne adulte, ou que moi je Jaqueson, voire les deux si - mon ingénieuse du son. C’est devienne adulte… enfi n adulte… possible… En ce début d’an- une confi ance absolue, elle est Je regrette les années où les pro- née 2007, «chansons pour les coproductrice, c’est une artiste, ducteurs venaient. Aujourd’hui, il petites oreilles» et «Eurydice- et sur scène, elle fait la moitié y a moins de chance pour le pu- bis» tournent du côté d’Argen- du spectacle… Je suis très fi ère blic d’être surpris, on lui impose teuil, Montigny le Bretonneux du résultat, et on l’a fait dans une par une surmédiatisation des en Février-Mars, pour la suite, complicité incroyable, chaque spectacles assez formatés. Il me voir le site d’Elise Caron. chanson a une atmosphère, les semble que les années Brel-Fer- Prochainement, je vous dirai ambiances sont taillées sur me- ré-Brassens offraient des pos- ce que mes oreilles pensent de sure pour chaque chanson, elles sibilités de vraies découvertes, ces deux spectacles. ont toutes leur caractère, ça me avec des prises de risque, pas Norbert Gabriel plait.» seulement des investissements bouillir.la.pluie.free.fr/Caron page 20

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hérents à cette précarité de Ensuite pour le second album, structure. Utopies plus ou chez Tristar Sony, nous avions moins abouties, les Garçons sinon le contrôle, au moins une Bouchers évoluent en Bou- première expérience. Quand CLARIKA cherie Productions, Life Live on arrive dans une maison de s’associe à des structures al- disques avec un album où tout ternatives de productions, les est pratiquement terminé, il n’y Ogres de Barback entament a pas de confl it, on vous prend un parcours original en toute ou on laisse. C’est aussi simple Que reste-t-il de vos 20 ans, de autonomie, la chanson est que ça. Lorsque l’album est une Ramona Lulu, Frénésie et de la écartelée entre le tout show-biz ébauche, et qu’il manque des Marée d’Inox ? et le système D. Clarika entre chansons, on peut être confronté Avec une question comme ça, dans la vie d’artiste avec une à des sortes de pressions, ami- on pourrait croire que nous al- éthique qui n’a pas changé : cales, avec des gens qu’on vous lons visiter des espaces éso- une exigence d’auteur, une propose, ou impose, et qu’on est tériques réservés à des initiés équipe homogène, une vision un peu obligé d’accepter…Nous, triés sur le volet. Que non pas. lucide, et une carrière compa- on a toujours fonctionné en équi- C’était en 1990/91, une bande tible avec une vie de femme, pe complète. Depuis la Marée de jeunes imagine, écrit et pas d’objet chantant asservi d’Inox, Jean-Jacques Nyssen est compose un spectacle musical au tout-média. présent, d’autres ont composé, de chansons, presque une co- écrit, mais c’est resté une histoi- médie musicale, il y a Sophie CLARIKA : La marée d’inox, re avec des liens qui ont perduré, H qui deviendra Grande, Clari- c’est une équipe née après le même si les carrières ont eu des ka, Yves Postic, Jean-Jacques Studio des variétés et une belle évolutions différentes, comme Nyssen, Virginie Jeanne, Na- aventure qui a vécu environ 5 Sophie (La grande Sophie). Dans thalie Dupuy, Hervé Jeanpier- ans, mais qui n’a pas eu de vrai les relations avec les maisons de re… Ils se sont rencontrés au succès, il n’y avait personne de disques ou les producteurs, en Studio des Variétés. C’est aus- connu, et on devait être un peu ce qui me concerne, il y a peu si le début d’aventures indivi- en avance, mais en 1996, Jean- de causes de confl it, je demande duelles dans le miousic hall en Michel Boris nous avait offert une des avis, si ça recoupe des ob- mutation, avec l’épopée Life soirée à l’Olympia… où je n’étais servations déjà entendues, j’en Live in the Bar qui va donner pas, j’attendais ma fi lle, et j’ai été tiens compte, ou pas… mais en La Grande Sophie, Louise At- remplacée. général, chacun sait ce qu’il veut, taque, Castafi ore Bazooka… Chacun avait esquissé un par- et ce que je veux, et c’est plutôt Clarika fait équipe avec Jean- cours individuel avec des bon- simple. Jacques Nyssen, musicien qui heurs divers. Le premier disque, va se consacrer progressive- en 1993, s’est fait très vite, enfi n Un disque tous les 4/5 ans… ment à la carrière de Clarika. entre le moment où la maquette Il faut le temps d’écrire, de laisser Gens de spectacle vivant, ils a été achevée et la signature mûrir les chansons, et d’être cer- sont très vite les habitués de chez Boucherie Productions, tain d’avoir réalisé quelque cho- nouveaux lieux de chanson, avec le label que venait de créer se qui se tienne, faire un album le Sentier des Halles, le Café François Hadji-Lazaro… il n’y a pour faire un album, ça peut être Ailleurs, et quelques autres pas eu de diffi cultés particuliè- très décevant. J’ai fait un disque qui dessinent la nouvelle scè- res, nous étions une équipe com- tous les 4 ans en moyenne, pour ne française. Il faut toujours du plète, un groupe homogène avec différentes raisons, avoir de quoi nouveau, nouvelle chanson, une maquette fi nie, donc l’album faire un bon album, ça prend du nouvelle cuisine, nouveaux s’est fait tel quel. temps, et les enfants aussi, les pauvres, beaujolais nouveau, La seule chose que nous n’avons faire, les élever... J’ai toujours mais cette nouvelle scène doit pas maîtrisée, c’est l’ingénieur du pris soin d’organiser ma vie pro- réinventer les lieux où s’expri- son du studio, nous nous som- fessionnelle en accord avec ma mer, avatar des cabarets des mes confi és à lui, ce n’était pas vie familiale, j’ai deux fi lles , et je années 50, les bistrots chan- notre domaine, aujourd’hui, je ne tiens à m’en occuper, donc mes tants seront l’étape incontour- referais pas la même chose, pour déplacements n’excèdent jamais nable, avec tous les aléas in- ce qui concerne le son… une semaine, je ne tourne pas page 21

rencontres interview scriptée pendant les vacances, c’est un Qu’écoutez vous en ce mo- Une mention spéciale à une choix de vie sur lequel il n’y a pas ment? chanson « Marco » composée à revenir. Coldplay pour rappeler que Marc Bel- tra est retenu depuis plus de 3 Le malentendu «les garçons Qu’écoutent vos fi lles en ce mo- ans, quelque part en Amérique dans les vestiaires» ment ? du Sud, chanson libre de droits C’est un titre qui a dépassé ce Boby Lapointe, Diams, ma petite que vous pouvez télécharger qu’on attendait, pris par des radios fi lle, 6 ans, m’a dit qu’elle aimait sur le site de Clarika. qui n’étaient pas notre style habi- mieux Diams comme chanteu- tuel, comme NRJ qui l’a beaucoup se mais que moi, elle m’aimait Norbert Gabriel passé, mais les auditeurs n’ont d’amour… pas retenu Clarika, ils ont retenu Brassens : je l’ai souvent entendu une chanson… quand j’étais chez mes parents, www.clarika.net C’est avec le Rodéo Tour de Zazie, mais c’est un univers dans lequel où j’étais en première partie qu’il y j’ai du mal à entrer … j’ai une inté- a eu des réactions, je faisais cette grale depuis peu, je vais essayer chanson en avant dernier, et là le de réécouter, ce qui me gênait, public découvrait la fi lle qui faisait c’était ce côté macho misogyne… cette chanson… enfi n je l’ai perçu comme ça, mais Renan il faudrait que je réécoute, j’avais LUCE Les premières parties bien aimé participer à un homma- La tournée Rodéo Tour était bien, ge à Léo Ferré avec… Zazie m’avait choisie pour pre- mière partie, ce n’est pas toujours Depuis 3/4 ans, Clarika a eu Repéré par Barclay après 3 le cas, il y a des associations im- plusieurs chansons dans les mois de concerts dominicaux posées pas toujours heureuses, play-list, Les garçons dans les au Théâtre le Méry (Paris- Place mais en général, les organisateurs vestiaires, Joker, les patineurs, de Clichy), Renan Luce a sorti essaient de faire un plateau cohé- ça s’peut pas, titres qui ne mon- un premier album qui fait beau- rent. trent qu’un aspect de son talent, coup parler de lui. Ce soir, je suis contente d’avoir avec une voix plutôt retenue, Et à juste titre. Claire Diterzi en première par- mais en scène, avec Antisocial, A tel point que Noël lui évoque tie. Avec Lavilliers, ça s’était très de Trust, on est plus près de Ja- surtout la possibilité de se repo- bien passé, on avait fait «ça s’peut nis Joplin que de Carla Bruni. ser et de reprendre la plume ! pas» mais pour des raisons de La même observation vaut pour Nous l’avons rencontré à Caen mésentente entre les maisons de ses collègues du prix Constan- le 6 décembre, journée de grève disques, je n’ai pu la mettre sur un tin, Emily Loizeau et Olivia Ruiz, partielle (par chance pour les album, le dernier, que 3 ans après, dont les prestations scéniques spectateurs) et de manifesta- mais Bernard Lavilliers a été très sont toujours plus pêchues tion des intermittents… présent tout le temps. que les versions enregistrées, encore une bonne raison d’aller Depuis vos débuts dans la chan- Les prix et récompenses découvrir les artistes en scène, son, quels étaient vos plus gros Ça aide, c’est une reconnaissan- et pas en boîte de conserve… doutes ? ce, j’ai été très fi ère du Prix Char- même s’il y a de très bons dis- RL : Je me posais la question «est- les Cros… et aussi d’avoir été re- ques. ce le moment de ne faire que ça tenue dans la sélection 2006 du ?» à l’époque où je faisais encore Prix Constantin… des études et je ne savais pas si je C’est un prix qui reconnaît les devais les arrêter. gens de scène, c’est important, je Il y a des moments où j’ai beaucoup n’ai pas une forte image média- hésité et je pense que j’ai bien fait tique, mais je fais beaucoup de de les fi nir même si aujourd’hui, ça scène, et j’ai bien aimé être avec ne me sert pas du tout. Abd Malik, Olivia Ruiz, Ayo... Et C’était bien de prendre du temps je suis ravie qu’Abd Al Malik l’ait pour que l’écriture mûrisse, pour remporté. que je sois davantage content de page 22

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interview scriptée mes chansons. C’était des études des gens, c’était ça la première qui me fait halluciner c’est que de commerce donc rien à voir ! Je approche que j’ai eue, les petites c’est prévu, on peut y aller, on est n’essaye pas de me vendre, des chorales d’enfant et l’écriture, c’est bien reçus, les concerts se pas- gens font ça très bien pour moi ! venu plutôt à la fi n du lycée, petit sent bien, c’est pas la totale im- à petit, j’avais une amie qui écri- provisation, c’est bien fait… Et concernant la direction artis- vait des poèmes que j’aimais bien tique ? alors j’essayais de faire pareil… Vous êtes privilégié… RL : Au moment d’enregistrer l’al- RL : Oui, je m’en rends compte, bum, je me suis posé beaucoup Vous pourriez chanter les textes du coup j’en profi te tout autant. de questions parce que c’est vrai de quelqu’un d’autre ? Je suis privilégié aussi parce que que je travaillais tout seul dans ma RL : aujourd’hui, je ne pourrais d’autres artistes m’invitent à faire chambre. plus parce que je m’épanouis dans leur première partie donc je joue Mes concerts, c’était guitare-voix, ce que j’écris et je suis content de devant beaucoup de gens que je n’ai jamais vraiment eu l’expé- le faire… je n’aurais pas eu l’occasion de rience des groupes de lycée dans A l’époque, je me disais toujours toucher. Et puis, j’ai de la chance un garage, je n’ai jamais vraiment «j’écrirai mes chansons» mais parce que j’ai une maison de dis- joué avec des gens si ce n’est au c’était toujours vague, je ne sa- que, un tourneur, qui organisent conservatoire dans des musiques vais pas trop comment faire, si tout ça… Ce soir, je chante en de chambre ou des trucs comme j’étais capable. Musicalement, je 1ère partie de Jeanne Cherhal… ça mais jamais le partage de mes ne me sentais pas spécialement Elle a bien aimé ce que je faisais, chansons avec d’autres musiciens doué…J’ai toujours aimé l’écritu- on s’est rencontrés. On n’a pas pu donc c’était plutôt en terme d’ar- re, j’ai toujours été fort en poésie en faire autant qu’on aurait voulu rangements, d’esprit de mes mor- à l’école, en rédaction comme on mais c’est déjà très bien… ceaux que je me posais des ques- dit, mais c’est pas ça qui fait qu’on tions. écrit de bonnes chansons. Mais Et puis fi nalement, en travaillant avec le travail, je suis de plus en d’abord tout seul à faire des ma- plus satisfait de ce que j’écris. quettes où j’ai fait des tests, j’es- sayais divers univers et puis après Dans ce milieu de la chanson j’ai travaillé en collaboration avec professionnelle, qu’est-ce qui un directeur artistique, un réalisa- vous a le plus halluciné ? teur, et les doutes se sont estom- RL : ce qui m’étonne le plus, en- pés… core aujourd’hui, c’est de voir à quel point c’est assez structuré Et les certitudes ? la scène, on a vraiment énormé- RL : Depuis petit - c’était un peu ment de chance. Moi j’hallucine le rêve de gosse -, je sais que le de faire des tournées dans d’aussi chant m’apporte un bonheur que bonnes conditions avec juste un Vous découvrez un métier, y a- je ne trouve pas ailleurs, donc la 1er album. D’être reçu dans plein t-il des pièges que vous n’avez certitude, c’était que c’était vrai- de salles différentes où des gens pas réussi à éviter ? ment ça que j’avais envie de faire! travaillent pour que tout se passe RL : pas vraiment en fait, je crois En regardant les autres, ça me pa- bien – y a des beaux endroits – et que j’étais verni. Y a des petits re- raissait tellement fabuleux comme que les gens viennent aussi. En- grets mais pas des espèces d’ar- métier que je ne me voyais pas fi n, je pense qu’en France on a naques qui me font dire «ah la la, faire autre chose… vraiment beaucoup de chance…il je me suis laissé embarquer dans D’abord, c’était le chant, puis faut quand même un petit enca- un truc…». Sur certains morceaux la scène parce que le but, c’est drement professionnel pour pou- qu’on redécouvre maintenant sur quand même de chanter devant voir démarcher les salles mais ce scène, on se dit ‘tiens, on aurait page 23

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interview scriptée pu l’exploiter sur l’album’ mais En tant que spectateur, avez- c’est déjà fi ni. En 3 minutes, il faut c’est vraiment minime… vous besoin de proximité ? tout de suite être dedans. Voilà. Sinon, dans les travers des autres RL : En tout cas, je n’aime pas artistes qui m’auraient déçu, je quand les artistes vont trop cher- Au niveau de l’écriture, il y a un sais pas, l’alcool et les fi lles, des cher les gens, les faire taper dans peu de vous dans chaque tex- trucs comme ça ? leurs mains systématiquement, te…Où apparaissez-vous dans Pour l’instant non ! leur demander si ça va toutes ces petites histoires comme Il arrive qu’avec certains artistes il les 2 minutes. Par contre, j’aime «Repenti», par exemple ? n’y ait pas un courant dément mais bien sentir un regard, quand la RL : je peux apparaître dans le c’est pareil dans tous les métiers, personne qui est sur scène est côté personnage un peu solitaire, on ne peut pas s’entendre avec contente d’être là et donne sans c’est peut-être ce qui me carac- tout le monde. en faire des tonnes. Certains le térise, même si, avec le métier En tout cas, je n’ai pas du tout font très bien, d’autres moins… que je fais je suis toujours avec cette sensation d’un milieu compli- Je ne connaissais pas grand du monde mais en tout cas, j’ai qué, taré…peut-être parce que je monde dans le milieu avant de de l’affection pour ce genre de ne suis pas dans une sphère show sortir l’album [septembre 2006]. personnages qui sont dans leurs business. On est quand même là Les rencontres se sont plus fai- rêveries…Mais j’avais surtout en- pour faire de la musique, des con- tes pendant la tournée. Sur les vie de parler de quelqu’un que je certs pour les gens, une histoire routes, on croise toujours les mê- ne connais pas du tout et inventer de proximité qui fait qu’on garde mes personnes ou par les 1ères une histoire. Après, il y a peut-être la tête sur les épaules, ça n’a rien parties. Par exemple, Bénabar, des choses que d’autres n’auraient d’abstrait. il m’a invité sur une quinzaine pas écrit de la même façon. Dans de dates donc là, j’ai pu bien le début de «Lacrymal Circus», je La proximité d’ailleurs, que apprendre à le connaître. Pour cherche un abri contre la bruine. vous évoque-t-elle ? le coup, c’était carrément des Moi je viens de la Bretagne, un RL : D’abord celle avec le public, grosses salles, des zénith, on a pays un peu pluvieux donc…je d’essayer de garder un concert in- même fait Bercy…enfi n, il a fait ne sais pas, j’extrapole peut-être, timiste, pouvoir échanger vraiment Bercy ! Et j’ai fait une chanson c’est des petites touches comme avec les gens, les faire participer, en 1ère partie. Mais son public ça. Puis, c’est une chanson sur la les voir après… Même dans les est tellement chaleureux, juste- nostalgie, le bilan qu’on peut faire grandes salles comme le Trianon. ment, ils sont là pour s’amuser, de soi-même, c’est des choses C’est un théâtre très chaleureux, pour chanter des chansons, ça que je fais de temps en temps, de on sent vraiment les gens qui sont se passe bien… se demander où j’en suis, qu’est- là. En plus, ça s’est super bien ce qui compte pour moi, ce genre passé. Tout le monde était debout Que retenez-vous de cette ex- de démarche… à la 2ème chanson, chantait, ta- périence à Bercy ? pait des mains donc là, l’échange RL : L’anecdote, c’est que je suis Vous êtes plutôt solitaire, vos il marche. monté sur scène devant 17000 inspirations sont-elles surtout Après, il arrive que ce soit plus dif- personnes et ma guitare ne mar- cinématographiques, littérai- fi cile, que les gens soient un peu chait pas ! Il y avait un problème res? comme au cinéma, il faut plus al- de branchement donc ils ont vite RL : ça fait partie de mon inspi- ler les chercher. Pour l’instant, ce réglé le problème, mais surtout, ration. Un peu tout, c’est vrai que n’est pas forcément un truc que je j’ai fait une seule chanson et la une lecture, un fi lm ou une musi- fais très bien. J’ai besoin que les leçon, c’est qu’il faut en profi ter que, une atmosphère, ça peut me gens s’investissent par eux-mê- parce que ça passe tellement mettre dans une condition particu- mes mais petit à petit j’apprends vite…C’est vrai que je ne me lière qui va m’amener à être plutôt à les embarquer dans mes chan- suis pas rendu compte, on fait gai ou mélancolique. J’ai l’impres- sons. la chanson un petit peu tendu et sion que je fais davantage appel page 24

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à mon imaginaire qu’à mon vécu m’apporte des choses, au con- On a vécu un grand moment. On mais je n’ai peut-être pas assez traire… est partis à fond parce que c’était de recul pour savoir ce qui m’ins- quand même un concert qu’on at- pire vraiment. Je rencontre des Propos recueillis tend depuis des mois. On l’a bien gens qui laissent des impressions par Valérie Bour préparé pour déclencher des da- donc pour monsieur Marcel, le et Mélanie Plumail tes et monter une tournée donc fossoyeur, des gens m’ont amené c’était important. Mais on n’avait à imaginer ce personnage, physi- renanluce.artistes.universalmusic.fr pas la pression parce qu’on était quement. tellement heureux de jouer tous les 3, le disque est basé là-des- Dans «I was here», vous avouez sus, je ne l’aurais pas fait sans vouloir laisser des traces. Main- Franck M’Bouéké et François tenant que vous y êtes arrivé, à Lasserre. On était à bloc. On a eu quoi rêvez-vous ? Franck un accueil de dingue. Ça a duré RL : Oh, je ne sais pas si j’ai déjà MONNET 1h3/4. La 1ère partie, c’était Bar- laissé des traces ! bara Carlotti, ça s’est très bien Les prochains projets qui me tien- Le Fantomas passé pour elle aussi, ils sont nent à cœur, c’est de penser déjà de la chanson sortis de scène avec des lumiè- au 2ème album, j’aimerais qu’il française, res plein les yeux. Y avait beau- soit le plus réussi possible, c’est épisode 1 coup de contrastes parce que le des espèces de petits stress que (ou l’improbable rencontre en- set est monté comme ça. J’ai des je me mets tout seul, c’est que la tre une naïve et un bavard…) ballades hyper douces. J’ai dédié tournée dure le plus longtemps «sur le pont d’Avignon» à Claire possible, c’est de progresser sur Dans la ligne éditoriale implici- Diterzi…j’ai fait mes petites dédi- scène. te du doigt dans l’œil, il est dit caces que j’aime bien. On s’est que parfois la rédactrice en chè- vraiment amusés et à la fi n, j’ai D’ailleurs, pour le prochain al- vre ferait du favoritisme parce fait des chansons acoustiques et bum, vous pensez ‘continuité’ qu’elle estimera qu’il est néces- on a fi ni avec «t’aimer». Vraiment ou ‘ruptures’ de style ? saire, sinon vital, d’entendre on a plané. Sur mon site internet, RL : C’est une question que je davantage chanter un artiste j’ai eu beaucoup de messages me pose encore. Je ne sais pas (ou ‘une’ artiste, mais c’est plus de gens qui me découvraient, si je dois me demander «qu’est-ce rare, on ne se refait pas). Alors des textos, des mails de gens qui que tu veux faire sur ce nouvel al- après avoir écouté les disques avaient passé un super moment bum?» ou juste ne pas me poser (‘merci Mélanie Plumail’), vu le avec nous et c’est juste exacte- de questions et écrire comme ça dernier concert et rencontré le ment pour ça qu’on fait ce métier. vient et là, effectivement, ça sera bonhomme, je vous convie à la un album un peu dans la continui- table de Franck Monnet. L’en- VB : Première idée reçue : les té du 1er mais à la fois pourquoi tretien fût conséquent et paraî- artistes sont-ils schizophrè- pas. Je n’ai pas envie d’explorer tra donc en plusieurs parties nes? des trucs trop spéciaux. dans lesquelles il commentera FM : Pas plus que dans d’autres A mon avis, on restera un peu les idées reçues qu’on peut métiers mais c’est clair que quand dans le même univers. A moins avoir sur son métier… tu fais des métiers de représenta- de grosses surprises ! Il y aura tion et que tu as une vie person- l’humeur du moment en studio, je VB : Moins de 48h après le con- nelle et familiale à côté, il faut sa- ne sais pas dans quel état d’esprit cert à la Cigale, qu’en reste-t- voir séparer les choses. Sinon tu on sera, tout ça va jouer. Moi, j’ai il? mélanges tout, ça peut devenir le souvent des idées précises parce FM : J’ai du mal à atterrir. C’était vrai bordel. J’ai eu des périodes que je travaille pas mal en amont fantastique. Quasiment toute la où j’étais perdu, je ne savais plus à la maison mais j’aime bien qu’on salle chantait du début à la fi n. qui j’étais. page 25

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Les premières fois que je suis mais j’ai écrit des chansons pour VB : monté sur scène, c’était comme la scène. L’artiste nous tous, au collège, au lycée et Et mon carnet, je m’en sers pour a-t-il for- même à la petite école parce que travailler le français, pas pour de- cément ça m’a vite attiré de faire le clown. venir un grand écrivain ! J’ai un des pro- Après, l’introspection, elle nourrit côté introspectif qui se sent dans blèmes ça parce qu’on se rend compte les chansons. J’aime l’anamnèse, d’ego ? que ce qu’il faut donner sur scè- revenir sur les souvenirs et les FM : Ah ben ne, faut que ça soit fort donc on ressasser, c’est ma matière, la oui, c’est va chercher profond pour donner nostalgie…enfi n bon, bref, je suis obligé ! C’est notre carburant ! aux gens. Mais ça reste un mé- assez pragmatique avec l’écriture. Ce n’est pas seulement une ver- tier, on ne vomit pas sa bile. Si je Je n’ai pas vécu un drame intime rue. On travaille avec ce qu’on faisais une psychanalyse, je sens qu’il a fallu que je livre un jour sur est, soi. Alors si tu veux réussir que ce serait autre chose. Si on va scène… à débrancher le truc. Quand le sur scène, juste pour aller mieux, concert s’arrête, c’est diffi cile de on est mal. Si on y va uniquement VB : Alors, on n’est pas forcé- trouver la part de ce qui est utile pour la gloire, on est plantés. ment torturé ou malheureux et de ce qui est une perversion J’avais le père d’un ami qui disait à pour être inspiré ? ou ce qui devient encombrant son fi ls ‘Si tu fais la musique pour FM : Quand j’étais étudiant, je pour les autres. Mais oui, évi- les applaudissements, tu n’auras sais que j’étais particulièrement demment, l’ego, faut pas seu- que les applaudissements’. C’est actif à la rentrée, en septembre, lement le vivre comme quelque un métier de partage…et ce n’est après les vacances, le temps était chose de négatif. C’est impor- pas de l’angélisme ! Donc je ne un petit peu indéfi ni, les choses tant de bien se connaître aussi vis pas ça comme quelque chose n’étaient pas très rythmées mais pour ne pas trop morfl er parce de pathologique. Je n’ai pas fait avec l’excitation de la rentrée sco- que c’est un métier très très très du bon théâtre mais j’en ai fait laire, à l’université, tout à coup, très dur précisément pour l’ego. pas mal pendant 3-4 ans avec j’écrivais 3 ou 4 chansons dans le Parce qu’il y a des périodes où un groupe d’amis, on montait du mois et je fi nissais les choses et vous êtes au centre du monde, Shakespeare et fallait être carré puis je savais que j’allais être con- tout le monde vous regarde com- le plus possible et comprendre fronté aux autres, que ça allait être me si vous étiez un mélange de ce qu’on faisait parce que c’était un plaisir. Mozart et de Victor Hugo (ou de compliqué. Et là, tu apprends à te Et ce n’était pas du tout la mélan- Rimbaud selon les goûts) et des discipliner, ça devient un travail, le colie… Faut dire aussi que c’est moments où vous n’êtes plus rapport aux autres sur scène qui beaucoup plus facile d’écrire des rien du tout ! Moi en plus comme n’est pas le même que dans la vie, choses complaisantes et tristes j’ai une image assez fl oue, les le silence qu’on laisse, le regard et noires, ça vient plus facilement gens ne me reconnaissent pas. du metteur en scène, ça permet que d’écrire des choses enthou- Même les gens qui m’ont déjà de baliser une activité sans tout siastes et motivantes. C’est plus vus sur scène. Même les gens mélanger, ce que tu es dans ta diffi cile d’évoquer des sentiments qui ont acheté mes disques. Y a cuisine et ce que tu es en specta- moteur dans la vie que ce qui vous des gens qui font le même mé- cle. Moi j’écris pour pouvoir mon- descend. Comme je l’ai fait beau- tier que moi, qui m’ont déjà vu en ter sur scène. J’écrivais tout seul coup, j’ai moins tendance à le me disant «bravo !» à la fi n des comme tous les jeunes glands à faire maintenant. La facilité, c’est concerts, je les croise comme 17/18 ans «aujourd’hui, j’étais pas l’ennemi. Ce n’est pas forcément ça, ils ne me reconnaissent pas. très content» et aussi parce que je fédérateur de plomber une salle Donc vraiment, ya des moments me suis rendu compte qu’il ne fal- mais on trouve ça joli, les trucs où on est complètement nulle lait pas que je chante en anglais. tristes. Mais parfois c’est juste tris- part. Notre ego est spectaculaire C’était un truc opérationnel, j’avais te et casse-couille. Y a pas beau- parce qu’on est confrontés aux une vague habileté en français, coup de Dominique A ! autres dans des moments où page 26

rencontres interview scriptée tout prend beaucoup de valeur, Dans le prochain épisode, menace qui vient du ciel, la me- tout est concentré sur quelques Franck Monnet nous parlera no- nace de l’accident industriel, de semaines dans l’année des fois… tamment des injustices de son l’accident terroriste. Tout ce qui Un des trucs qui peut être gênant métier et de la manière dont il fait la condition humaine main- aussi, c’est les 1ères années où je perçoit le succès, le sien et ce- tenant. C’est un peu ce que l’on faisais ça, j’avais la sensation que lui de ses illustres camarades. essaye d’aborder dans ce pro- si je réussissais dans ce métier-là, chain album. Ce n’est pas vrai- j’allais être un homme heureux. Toujours dans les bacs, l’excel- ment non plus intersidéral, c’est Ça m’a beaucoup troublé. llent album «Malidor» (Tôt ou un peu n’importe quoi, c’est pas Ça a perdu les gens qui étaient tard) sorti fi n 2006. Air non plus. Cela reste un pro- autour de moi aussi. Les anciens pos de terrien. et les nouveaux. www.franckmonnet.net En fait, quand on veut faire ce mé- DB : 4 années se sont pas- tier, on en a une image idéalisée, Franck Monnet en concert bien- sées entre «L’Amour Fol» et comme quand on veut être pilote tôt à Rambouillet, à Bordeaux, à «Météorites». Qu’est-ce qui a de ligne… Roubaix… été le moteur de ce retour ? De ma petite expérience, c’est la Philippe : En fait après l’Amour seule diffi culté qui existe. Réussir Fol on est parti sur la route. Pa- à s’occuper de sa vie en dehors rallèlement, il y avait des colla- de son métier et pas se dire que borations qui commençaient à son métier, c’est sa vie. Mais c’est naître, donc notamment Christo- vrai dans d’autres domaines. Sauf TANGER phe qui… que les artistes sont exposés, Christophe : J’ai fait la rencontre que les succès et les échecs sont de Christophe, l’autre Christo- multipliés par 1000 dans un sens Présent pour un set de 35 mi- phe, le chanteur, et voilà j’ai eu comme dans l’autre et pis qu’on nutes à la Flèche d’Or, TANGER la chance de jouer avec lui sur est là avec sa gueule à raconter (Didier Perrin / Philippe Pigeard scène, et d’être au travail avec des trucs qui ressemblent à notre / Christophe Van Huffel) nous lui depuis quelques années sur vie intime, alors les gens se disent parle du prochain album ME- le prochain disque, en tant que «oh ben dis donc!...» (rires) TEORITES, l’occasion d’évo- réalisateur. Ca m’a ouvert beau- Tu passes pour un con ou un mec quer les 4 années passées de- coup de portes, pour la matière extraordinaire, t’as pas de mi- puis l’AMOUR FOL. sonore de Tanger. Ca a permis temps ! d’élargir, vers des sons plus élec- Ma mère me faisait rire quand elle DB : Après nous avoir fait passer troniques, un peu plus chimiques me disait que petite elle croyait le «Détroit», «prendre l’orient on va dire. vraiment que Sheïla elle était triste dans la bouche», où nous em- Philippe : Il y a eu aussi d’autres quand elle chantait que son petit mener-vous à bord de ces «Mé- collaborations dans le milieu des copain était en retard au rendez- téorites» ? Arts Plastiques avec Dominique vous ! Philippe : C’est un petit peu un Gonzales-Forster. Il y a eu quoi Et les déprimes, c’est pareil, c’est voyage qui s’échappe de Terre, d’autres… Il y a eu la danse avec pas spécifi que aux choses artis- un peu intersidéral cette fois-ci. le spectacle de Nasser Martin- tiques. Tous les métiers ont des Toute la thématique du prochain Gousset, ça s’appelle «Péplum», coups de bourre, comme ça. album, on n’est pas des militants c’est une des plus choses de la Après une charrette en agence écologistes, ce n’était pas notre saison en chorégraphie je crois. d’archi, après un bouclage, quand propos, il se trouve que quand on Peut être le meilleur spectacle, t’as une grosse pression qui s’ar- s’est retrouvé pour travailler les le plus ambitieux. Allez le voir rête, c’est pas les vacances tout nouveaux textes, les nouvelles surtout. de suite…t’as un moment où tu chansons, ce qui est sorti naturel- Il y a aussi le fait que notre rap- t’écroules comme une pauvre lement c’était vraiment des préoc- port à l’industrie a changé dans merde… cupations de terriens en fait. Tout le sens où notre collaboration ce qui est en train de se passer, la avec Mercury s’est arrêtée. Tous Propos recueillis menace de la fi n de la civilisation, on était occupé à autre chose. par Valérie Bour tout ça, et toutes ces questions, la On a mis Tanger un petit peu, page 27

decryptage interview scriptée pas en sommeil, mais en matu- pour faire des chansons pop. Et d’amour» de Donizetti qui est ration pour la suite. Et en fait on en même temps, on a l’impression dans une représentation absolu- s’en remit au travail dès janvier que malgré la taille du répertoire ment géniale, une interprétation 2005, avec un protocole assez et tous les gens qui ont œuvré sur magnifi que. serré, studio pendant 8 jours, la chanson française, il y a encore Donc tous les types de musique avec l’objectif de boucler un mor- tout à faire. Il y a encore une lan- m’intéressent. ceau, écriture, composition et pré gue à aboutir, il y a un dictionnaire Même la musique actuelle, production en 2 jours. Tous les 2 à étoffer, il y a une grammaire à même dans le rap, je ne devrais jours il fallait qu’il y ait un nouveau défoncer, à changer, et pour ça, la pas dire même, mais j’ai moins titre, c’était la contrainte en fait. chanson, c’est vraiment un beau de connaissance parce que c’est Ce que l’on a tenu à l’occasion de laboratoire. plus neuf pour moi, mais il y a quatre sessions, réparties dans des choses qui m’intéressent. l’année 2005. On a aboutit donc à Propos recueillis Dans beaucoup de domaines, le une quinzaine de nouveaux mor- par Didier Boyaud slam bien sur. ceaux. Et on continue, on n’a pas Mais évidemment moi j’ai grandi encore arrêté le track-listing de ce www.myspace.com/tangerexp avec le jazz, le classique. J’ai nouvel album. Je crois que c’est du mal à me passer de certains En concert : vraiment le projet de Tanger le quintets de Schubert, ou des 7 février - Le pont des artistes plus ambitieux. Je pense qu’il va opéras de Mozart, de Benjamin Maison de la Radio Paris ouvrir vraiment l’espace devant, il Britten. 17 février - Le Tryptique - Paris va donner aussi un autre regard Et la chanson, dont je suis un sur tout ce que l’on a fait avant. Je grand consommateur. le vois vraiment comme un album Et je vais acheter Henri Salvador, clé pour tout l’univers de Tanger Eddy Mitchell et deux ou trois en fait. C’est un peu comme si le autres, et j’ai vu notamment un propos là c’était vraiment affi rmé. Bertrand disque de musicien de jazz qui TAVERNIER jouait Jacques Brel. DB : Vos infl uences ont-elles Ce qui m’a beaucoup intéressé. changé ? Conversation avec Bertrand TA- Oui, oui, le duo joue Jacques Philippe : Ca n’a pas beaucoup VERNIER à l’occasion de l’inau- Brel. Et je crois un admirable mu- changé. Depuis le début… On guration de la salle qui porte sicien italien Giovanni Mirabassi vient vraiment du rock’n’roll, on désormais son nom, au Studio qui joue une série de chansons, s’est pris l’électricité les doigts 66, le cinéma de Champigny sur qui a adapté une série de chan- dans la prise, avec le Velvet, avec Marne. Un honneur qu’il partage sons. les Stooges, avec toute cette scè- avec Pierre Richard et Juliette Les chansons, depuis une di- ne-là. Parallèlement, on a été très Binoche, mais aussi une démar- zaine d’années, sont utilisées impressionné par les portes qu’on che personnelle de défense des enfi n par les musiciens de jazz. ouvertes les jazzmen comme Col- lieux qui proposent une pro- Barney Wilen et Guy Laffi tte ont trane ou Miles Davis. Tout l’hérita- grammation différente, et des fait des versions formidables de ge du free, cette façon de jouer la rencontres avec le public. «Que reste-t-il de nos amours» musique comme un funambule qui de Trenet. fait son fi l au gré de sa marche. On DB : Quelle place ont la musi- Avant, il n’y avait que Sidney est toujours dans ces zones là et que et la chanson dans votre Bechet qui jouait «La canne de puis évidemment le corpus de lan- univers? Jeanne». Les chansons étaient gue française que l’on essaye de Bertrand Tavernier : Enorme. La ignorées, mais maintenant elles travailler. C’est une langue magi- musique énorme, la chanson, le sont moins. Et des gens com- que, très compliquée, très dense, toutes les musiques. Hier, j’étais me Sanseverino sont des gens bien plus compliquée que l’anglais à l’Opéra en train de voir «l’Elixir marqués par le jazz. page 28

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LDDLO : Dans quelle mesure Et il faut bien voir que c’est le pre- Bel Hubert, Sarclo et Simon ce que vous écoutez nourrit vos mier fi lm sur le jazz qui remportait Gerber à la sortie du XXème fi lms? l’Oscar de la musique, et c’était un théâtre (Paris)... BT : Ecoutez, moi j’ai travaillé fi lm qui était fait par un français… dans beaucoup de mes premiers Et une nomination à l’Oscar pour VB : Que pouvez-vous me dire fi lms avec Jean-Roger Caussi- Dexter Gordon. Il n’a pas gagné sur la chanson francophone mon. Je lui ai fait composer des l’Oscar mais il a eu une nomina- en Suisse ? chansons originales, il en a écrit tion, ce qui pour les américains BEL HUBERT : On est très soli- trois pour «Le juge et l’assassin» est presque aussi important que daires avec Stephan Eicher par- et une pour «Les enfants gâtés» de gagner l’Oscar. Et il a reçu ce que faut l’aider… qui est devenue un classique, une lettre de Brando, qui lui a dit SIMON : Pauvre garçon, c’est «Paris jadis» qui était chanté par que c’était la première fois depuis pas qu’il n’est pas représentatif, Marielle et Rochefort. Dans les vingt ans que lui, Brando, avait c’est qu’il ne fait pas le même trois chansons du «Juge et l’as- eu l’impression d’apprendre quel- métier que nous. sassin», il y en a une d’entre elles que chose sur le jeu de l’acteur. SARCLO : On connaît un tas qui fait partie de l’Anthologie de la Voyant Dexter Gordon, et Dexter d’aspects du métier sauf le suc- Commune. Ce qui est assez hal- me lisant cette lettre un jour, il était cès et lui, il connaît bien. Je lui ai lucinant car c’est une chanson qui deux heures du matin, il me disait raconté une blague drôle : c’est est à la manière des chansons de « Après ça, Lady Bertrand, qui a la fi lle qui va chez son gynéco- l’époque, très belle musique de besoin d’un Oscar ! ». C’est vrai, logue et qui lui dit «docteur, j’ai Philippe Sarde, et les paroles de qui a besoin d’un Oscar après une des taches vertes sur les cuis- Jean-Roger Caussimon, bien sûr. lettre de Marlon Brando disant ses»…et le gynécologue lui dit «Sans doute mon amour, on n’a que vous lui avez appris quelque «déshabillez-vous», il regarde pas eu de chance…». C’est une chose sur le jeu d’acteur ! Soyons «vous aviez un backstage pour très belle chanson de Jean-Roger sérieux (rires). Stephan Eicher vendredi soir?» Caussimon. «oui docteur, pourquoi ?» «il Propos recueillis faudra lui dire que ses boucles DB : Pour votre fi lm «Autour de par Didier Boyaud d’oreilles ne sont pas en or» ! minuit», quels types de rencon- Stephan Eicher n’a pas trouvé tres avez-vous faites ? ça drôle du tout, jsais pas pour- BT : J’ai eu des rencontres inouïes quoi… pendant la fabrication du fi lm et après, quand tout d’un coup, vous VB : Avant de faire ce specta- avez des gens comme Stan Getz Les 3 cle, quelles sont les questions qui viennent vous dire «C’est le que vous vous êtes posées ? plus beau fi lm que j’ai vu sur le SUISSES SARCLO : Est-ce que Quinquin jazz», ou Dizzie Gillespie qui vous veut venir avec nous ? dit : «C’est un des seuls fi lms qui a La bouche BEL HUBERT : Parce que si j’al- compris ma culture». Là vous êtes pleine. lais avec eux, y avait quelque sur un petit nuage ! Il y avait une chose à boire… époque où je ne pouvais pas entrer En sortant SARCLO : La réponse était oui. dans un club de jazz à New York du spectacle «la quinzaine du SIMON : On ne s’est pas posé sans que les gens me reconnais- blanc chez les 3 suisses» (ou beaucoup de questions, mais on sent et jouent «Round midnight» «la Gym Hommes de Sonce- se connaissait tous déjà bien, en mon honneur. Des pianistes, boz»), on se dit dans un soupir on était déjà copains, on avait des musiciens de jazz, et tout. Il y d’aise qu’il est possible d’être déjà fait plein de trucs…j’avais avait une reconnaissance énorme émouvant sans être triste, d’être été employé subalterne en tant chez les musiciens de jazz, d’une suisse sans être neutre, d’être que musicien pour l’un et l’autre, certaine manière chez certains cri- engagé sans être moralisateur c’était déjà mes patrons donc à tiques français beaucoup moins. et profond sans être chiant. partir de là, y avait pas beaucoup Mais le fi lm a pris un succès, il On en sort avec une espèce de questions. C’est parti d’un a gagné quand même l’Oscar, à d’edelweiss dans le cœur…et concert qu’on a fait à la baie des chaque fois, de la musique. les neurones bien oxygénés. singes à Cournon, Sarclo et moi, page 29

rencontres interview scriptée et en 3ème mi-temps autour de la VB : A quoi tient l’équilibre de table, on a chanté «la génisse» du votre spectacle alors que vous Bel Hubert et tout à coup, on s’est semblez être très différents ? dit «c’est quand même con que le SARCLO : La phrase courte, le Bel Hubert soit pas là, on devrait manque de périphrase, les ima- l’emmener la prochaine fois qu’on ges puisées dans des émotions vient» et de là est partie l’idée de imaginaires vécues, l’incapacité faire les 3, en résumé… à faire une chanson avant d’avoir SARCLO : en 91, Hubert est venu vraiment quelque chose à dire dans un truc que j’avais organisé dedans…tu fais un triangle avec à avignon. Carla Bruni, Bénabar et Vincent En 96, il a fait la 1ère partie du Delerm…tu mets ce triangle quel- Sarclo café de la danse…en 2000, j’étais que part sur la sphère et exacte- président d’un jury d’un concours ment de l’autre côté de la mappe- ble comme des mortaises en que Simon a gagné et le prix, monde, sans critiquer qui que ce bois, tout à coup, ça se prend et c’était la 1ère partie en tournée soit ou quoi que ce soit, il y a une puis tu peux pas faire autrement de Sarclo…pis on a fait des trucs autre chanson qui ne fait pas com- que de vivre avec ça. Alors c’est ensemble, tout le temps, parce me eux. Dans cet autre triangle, tu des gens avec qui tu vis des qu’on est de la même famille, la vas trouver des choses cruelles, moments. Il se trouve qu’on les famille qui fait de la chanson où y des gens qui ont lu des livres, qui partage sur scène avec d’autres a des morceaux qui restent dans ont envie de faire des chansons, gens qui sont d’accord de venir la passoire, où y a pas tout qui qui savent qui est Topor, qui est écouter. Je suis pas persuadé part au lavage, ça fait pas une fa- Ramuz…Simon, Hubert et moi, que ça sert à quelque chose, ce mille romande, ça fait une famille on n’a pas du tout le même ima- que je raconte… ! avec Claude Astier, avec Stephen ginaire. On va pas chercher nos SIMON : C’est un point de vue Faulkner, avec Charlélie Couture images dans les mêmes poubel- complémentaire. quand il était petit, avec Richard les mais on fait les poubelles par- BEL HUBERT : C’est raconter la Desjardins et Thiéfaine quand il ce qu’y a des vrais morceaux de même chose avec des mots plus était petit, c’est la chanson avec trucs dedans. simples. des vrais morceaux de chanson BEL HUBERT : il a tout bien ex- SIMON : Sarclo, faudrait que tu dedans, comme les yogourts aux pliqué. me passes la sauce à salade qui fruits, c’est croquant, c’est moins est sur la table derrière. pâteux quand y a des morceaux. VB : Que vous êtes-vous appris Y a cette histoire de la famille mutuellement ? VB : En dehors de la sauce à sa- Adams où y a un petit enfant qui BEL HUBERT : Chacun a une lade, Sarclo vous apporte quoi, veut vendre de la limonade à un existence, je parle pas que de par exemple ? voisin et le voisin lui dit «mais nous, c’est pour tout le monde, et SIMON : Alors ça, c’est un petit alors y a des vrais morceaux de il se passe un certain nombre de peu long et compliqué à expli- fruit dans ta limonade ?» et puis choses et y a un moment où l’exis- quer. c’était juste une limonade de mer- tence des uns croise l’existence BEL HUBERT : Mais je me de- de alors il dit «nan» et le voisin lui des autres. J’ai pas lu les mêmes mande si c’est pas relativement dit «tu veux acheter mon gâteau bouquins que Sarclo, - d’ailleurs court…c’est que…Sarclo il a cet- de scout?» alors le petit répond est-ce que j’en ai lus beaucoup ? te compétence de déménageur «y a des vrais morceaux de scout -, j’ai pas le même parcours, j’ai quand il faut organiser et déci- dans ton gâteau ?!»… pas les mêmes oreilles mais il se der qu’on va faire quelque chose Si tu veux, quand on fait une chan- trouve que les existences se croi- donc sans Sarclo on n’existe son, y a des vrais morceaux de sent parce que y a un certain nom- pas…il a une compétence que scout dedans ! bre de choses qui tiennent ensem- j’ai de la peine à avoir dans les page 30

rencontres interview scriptée bagnoles [Hubert tient le garage SARCLO : Vas-y. Une fois il cherchait dans ses 2CV à Sonceboz] pour décider SIMON : Alors Bel Hubert, en ce affaires une connerie à Avignon qu’on fait comme ça, on va là… qui me concerne…c’est en gros à pis y a un crétin qui guignait dans SIMON : pis une énergie à met- cause ou plutôt grâce à ce gars-là son sac «on voit des capotes tre là-dedans pour monter un que je me suis une fois intéressé dans le sac ?» et puis Hubert le truc comme ça…même avant ce à des gens qui chantent des chan- regarde en rigolant «Oarf, pour spectacle là, il m’a déjà pris avec sons en français. Ça fait un mo- se branler…», il a une façon de dans un tas de gonfl es (dans le ment que je suis musicien pis tout remettre les choses à plat, je bon sens du terme) ‘je vais jouer à coup il m’a embauché comme trouve que c’est une grande ri- là, viens faire 3 chansons, ça va contrebassiste, y a 10 ans, à mon chesse, c’est de rencontrer un leur plaire!’, ‘donne-moi un dis- échelle, ça fait beaucoup et pis gars qui n’a pas les mêmes critè- que pour telle et telle personne !’ tout à coup, je me suis dit «tiens, res que les autres. Par exemple, pis il est tout le temps à fond… eh ben ça m’intéresse quand même» quand Hélène Hazéra* était à Li- ben nous, évidemment qu’on est et puis en fait c’est le contact avec bération, elle avait une adoration bien contents parce que ça nous Hubert qui m’a donné envie d’écri- pour Hubert parce qu’il était vrai- occupe, sinon on s’ennuie avec re et de m’intéresser à ce que fai- ment dans l’inconvenant, elle qui Hubert! saient ces gens parce qu’avant je cherchait vraiment des choses BEL HUBERT : (rires)…c’est une m’en foutais complètement. Donc à haute teneur en incorrection. espèce de grand frère avec qui tu si on veut c’est carrément mon… Je ne connais rien qui contienne sors pour la 1ère fois en boîte, qui mon… autant d’incorrection qu’Hubert te raconte des histoires…Sarclo, SARCLO : Pygmalion… parce qu’il est totalement naturel il a un bout de… je veux pas ap- SIMON : Toujours est-il que sans et ça, un type de cette nature-là, peler ça du métier parce que c’est Bel Hubert, j’aurais jamais fait ce à côté de Simon et moi, c’est fa- péjoratif… il a un bout de chemin genre de truc donc c’est évidem- buleux ! et… ment carrément important, pis si SIMON : Et puis c’est sûrement SIMON : et il a envie d’en faire c’était que ça ! Son rôle sur scène, grâce à lui qu’on s’est encore profi ter… contrairement à ce qu’on pourrait toujours pas engueulés sur ce BEL HUBERT : à qui il a envie croire, c’est le plus appliqué de spectacle et qu’on continue à se d’en faire profi ter ! Et on a du bol, tous et puis de temps en temps, marrer comme des cons dans la ça tombe sur nous !!! heureusement qu’il est là pour bagnole ! SARCLO : Tu vois ce petit trou nous cadrer un peu quand Sarclo BEL HUBERT : Ça va me compli- du cul qui s’appelle Benoît Do- et moi faisons les crétins pis qu’on quer le boulot pour la rentrée… rémus, là (à la table derrière) j’ai se perd dans des longs discours à SIMON : On lui a mis la pres- magouillé une rencontre avec Re- la con dont tout le monde se fout, sion! naud. J’ai trouvé une Martin 1922 Hubert il est là pour remettre du SARCLO : Ben tu vois, cette in- à Genève, j’ai demandé à Renaud rythme. terview n’était pas inutile, on va si ça l’intéressait, je l’ai faite livrer SARCLO : Pis c’est le plus drôle à Renaud par Benoît Dorémus en ! Hubert il a une façon de voir les téléphonant à Renaud par avance choses qui est tellement person- que Benoît avait fait un beau dis- nelle et perpendiculaire à ce que que qu’il fallait qu’il écoute. vivent tous les autres. Tous les [NDLR : Renaud produit le 2ème gens vivent exactement le con- album de Benoît et reprend une traire de ce que vit le Bel Hubert. de ses chansons sur son nouvel La 1ère fois que j’ai invité Hubert album « rouge sang »] chez moi, je lui ai dit «on n’est pas si mal par ici». Il me regarde avec VB : Et Bel Hubert, qu’est-ce pitié et me dit «putain, je serais qu’il vous apporte ? emmerdé chez toi, je pourrais pas SARCLO : D’abord, la voiture elle sortir par la fenêtre». C’était une arriverait pas, c’est souvent lui qui façon de me dire où j’habitais tota- la répare…non, sans déconner… lement effi cace et à la fois hyper- SIMON : Je peux commencer la et sur-réaliste. Il est capable de bouche pleine ? trouver les raccourcis. Simon Gerber page 31

rencontres interview scriptée savoir qu’on pense du bien les uns compter sur ça, alors il s’assied des autres, on va se faire confi an- sur ses chansons. Simplement, il ce chacun à soi même et on va en passe entre les gouttes, il fait en attendre trop des autres et à par- sorte de pas se faire remarquer, il tir de maintenant, on va pouvoir veut pas qu’on sache que Simon commencer à se disputer ! Gerber a fait des belles chansons. Non mais attends, il a fait 3 albums VB : Il faut soigner Simon aus- qui sont remarquables à bien des si! égards, il mélange un peu la re- SARCLO : Il est vite habillé ! cherche et les trouvailles mais y a SIMON : Moi je fais boum boum, des trouvailles énormes dans ses je joue de la contrebasse et j’ac- albums. Dans le dernier disque, y corde les guitares, il en faut un a un son énorme, un savoir faire pour faire ça, ça va très bien, ça énorme, c’est juste grand, un des aire un truc à 3 où chacun met me plaît beaucoup. disques francophones que j’aime sa viande en jeu, ça rend le truc SARCLO : Simon il a un défaut, le plus depuis «no man’s land» qu’on fait tout seul emmerdant il manque d’orgueil, il ne se rend d’Higelin, quoi. C’est pas un pi- presque… pas compte que le mec qui a écrit que-nique, c’est un disque. Une «Parfois je pense qu’on est qu’à écriture à double tranchant com- VB : C’est plus de plaisir et cinq heures de la mer», c’est pas me j’ai pu constater… Bon, je te moins de risque ? n’importe qui, et quand il vient ici, dis pas que le 23è siècle se sou- BEL HUBERT : C’est-à-dire il prend pas de disques à vendre viendra de Simon Gerber comme moins de risque, c’est tout à fait parce qu’il oublie. Le défaut de de Jean Sébastien Bach mais on relatif (rires), ça dépend qui con- Simon Gerber, c’est qu’y a telle- est dans un coup de bol énorme. duit la bagnole ! ment de gens qui veulent bosser Tu vois le charme d’Hubert et le SARCLO : Tu penses à qui quand avec lui qu’il a du boulot tout le charme de Simon, non seulement tu dis ça ?... enculé… temps donc il va bosser avec les ils sont merveilleux, mais ils en ont BEL HUBERT : C’est pas en ter- uns avec les autres, et du coup il beaucoup. Quand on va commen- me de risque…vivre sur scène, oublie Simon Gerber… mais ça va cer un spectacle et que Simon me c’est communiquer avec des venir. Si t’ouvres le robinet de ce dit «bon ben allons-y pour deux gens, on le fait pour nous mais crétin, ça coule… y a des mecs, petites heures de bureau !», je c’est quand même beaucoup tu les engages comme arrangeur, suis émerveillé de la qualité de dé- plus drôle si on a une équipe de- comme producteur, tu tournes connade. Simon, il bosse et quand vant nous qui écoute et qu’on ar- le robinet pis t’as une goutte pis tu regardes sous l’établi, y a des rive à intéresser, à sortir de leur après t’as une autre goutte pis le copeaux… quotidien, à sortir un moment type te dit «attends, ça vient, ça BEL HUBERT : Moi ça me parait d’existence qui a un peu des vient» pis t’as une goutte «ah je assez relativement clair que en étincelles… alors c’est pas un sens que ça vient !» et pour fi nir fait, on s’emmerde presque à fai- truc de risque mais en fait, quand tu te dis «bon, il se branle et ça re des trucs en solo…le seul truc on le fait ensemble, à trois et le remplit pas une cuillère à café» et qu’y a de bien en solo, c’est qu’on quatrième qui est les autres qui puis lui, t’ouvres le robinet, il te fait prend Simon comme musicien sont là, ça donne quelque chose une musique, il trouve les gars, il comme ça on s’emmerde moins ! de beaucoup plus, ça donne un leur fait confi ance… Non mais d’ailleurs on en discutait gâteau à plus d’étages, y a plus Tu penses ce que tu veux de mon y a pas longtemps, c’est que de de crème ! disque, c’est l’univers de Simon, faire un truc comme ça, je sais pas SARCLO : Parle pour toi !...moi c’est simplement une générosité qui avait imaginé que ça pouvait je trouve que le plaisir de bosser en terme d’oreille qui est halluci- marcher, qu’on pouvait en faire les trois doit exciter notre travail nante, et comme il sait qu’il peut un peu quelque chose, mais de à bosser tout seul et récipro- page 32

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interview scriptée quement. Et là, je suis sur une VB : C’est le cas ? grosse série de concerts que je BEL HUBERT : Mais si on veut… fais pour mon disque «à tombeau Sarclo il m’a fait rencontrer un ouvert» [production artistique de type au Québec parce que j’étais Simon Gerber] et j’ai du plaisir à allé demander là-bas si peut-être faire ces concerts. J’ai une fas- je pouvais chanter 2-3 chansons à cination pour le souvenir que j’ai des endroits. Et puis le gars que des concerts solo de Desjardins, j’ai rencontré m’a dit «mais si tu de Thiéfaine, de Vannier, Couture, chantes pas, t’es malheureux ?», je suis jaloux de ce truc-là, j’ai en- j’ai dit «ben non», il a dit «ben vie de le faire, je le fais, je joue alors ?» Donc j’ai pris ce type pour tout seul… Alors là, les trois, on un immense trou du cul mais en fait éclairagistes, sonorisateurs, fait, un bout il a raison. Et pis, je on vous emmerde et tout le bazar peux pas savoir exactement si Bel Hubert et puis c’est génial parce qu’on je fais pas du tout chanteur, si est trois chanteurs, on n’a pas je vais me morfondre dans mon place de travail chez Renault ou de bassiste, pas de clavier, pas existence, ça m’étonnerait un tout chépakoi. Y a des fonctionnaires de batteur, pas de sonorisateur, petit peu parce que j’ai tellement de merde dans tout ce truc-là, pas d’éclairagiste, on a personne de choses à faire peut-être moins c’est infesté de chanteurs comé- dans les jambes et on fait juste clinquantes que de faire le mariole diens qui n’ont rien à dire alors trois auteurs de chansons ensem- sur scène mais je crois qu’en fait, c’est ce qu’on fait de pire parce ble avec le même propos, avec j’en n’ai pas vraiment besoin alors qu’au moins l’ouvrier qui est con la même inquiétude d’en mettre que Sarclo fait partie des gens qui parce qu’il va boire ses trois Ri- dans la passoire qui reste… en ont besoin, pas tout le temps, card le soir, pis qui n’est pas vrai- SIMON : On fait tout comme on mais il en a vraiment besoin… Je ment intéressant, au moins il va veut et ça, ça change… fais d’autres conneries, je peux bosser ! Il va se casser les doigts SARCLO : Le truc que j’ai fait avec pas avoir une existence linéaire, sur sa machine pis s’il devient mes deux copains me stimule à métro boulot dodo, mais y a pas bœuf, c’est moins à cause de la faire seul aussi mon bazar, j’ai en- besoin d’être chanteur pour qu’il machine qu’à cause de ses 3 h. vie de dire que je suis chantiste y ait des trucs qui se passent. 13 qu’il est obligé de passer par quand je me lève et que c’est pas Et puis y a pas besoin d’être sur jour derrière sa télévision où y a déprimant, que c’est pas comme scène. Sans ça, tous les gens qui des imbéciles qui débitent des Maxime le Forestier entre deux montent pas sur scène seraient imbécillités…Qu’est-ce que je disques, que je me sens pas com- des malheureux alors que c’est fais, là moi ? Qu’est-ce qui s’est me un gland… je veux me sentir pas le cas du tout ! Non seulement passé ? (rires) adulte, responsable de mes chan- c’est sain mais c’est élémentaire. SIMON : On pourrait garder l’en- sons, je veux aider mes chansons En plus de ça, je pense que la registrement ?! Sarclo, je sais à vivre, ce spectacle aide mes majorité des gens qui montent sur pas où t’étais parti, on a eu droit chansons à vivre, parce que Hu- scène sont les vrais malheureux, à 10 minutes de Bel Hubert fâ- bert et moi on aide les chansons les vrais torturés et puis souvent ché ! C’était vachement bien !!! de Simon, que Simon et moi on ils nous font subir leurs tortures, ils Il a même dit des gros mots des aide les chansons d’Hubert, et que nous emmerdent ! trucs comme ça ! Ça arrive pas Hubert et Simon aident mes chan- SIMON : Ouais, je suis d’accord ! normalement… sons parce qu’ils comprennent BEL HUBERT : Y a vraiment une BEL HUBERT : Mais pourquoi ce que je fais. Alors je sais pas quantité exaspérante de produc- c’est arrivé comme ça ? Parce comment Hubert deale avec son tions scéniques ou médiatiques qu’il y a quelqu’un qui m’a piqué propre orgueil de chanteur et quel qui sont à chier, épouvantables, mon briquet ! C’est ça qui m’a est son prochain projet personnel. qui sont ternes, qui sont plus nul- énervé ! J’aimerais que ce qu’on a fait les les que la vie du mec qui va bos- trois le stimule également à faire ser à l’usine. Y a des gens qui VB : Sinon, vous pensez à une du Bel Hubert et puis s’enrichir de sont éclairés en rouge vert jaune anecdote qui va rester ? ce qu’on a produit là ensemble et sur des plateaux de télé qui mé- SARCLO : Si tu ouvres le disque, que ça soit épais. riteraient même pas d’avoir une c’est marqué au milieu. page 33

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SIMON : Exactement, j’allais dire Prouff (Tourneur W2 produc- la même ! En fait on a décidé de tions) Jean Fauque (auteur pour se réunir pour travailler là-des- Bashung, Hallyday, Dutronc…) sus pour la 1ère fois, on est allés Centre de Olenka Witjas (la Manufacture chez Hubert pis alors on a un peu la Chanson chanson) Stéphan Paris (Ra- fait ça dans sa cuisine, pis on est dio Néo) Clément Praud (pro- allés dans le bistrot d’à côté, pis «Démarrer dans le métier grammateur L’Entrepot) Bruno on a un peu joué pour les gens les 19, 20 et 21 Février 2007» Lion (Editeur Peer Music) Michel pour essayer quelques chansons. Vutrot (Tourneur et Producteur Evidemment, on a bu quelques Durant ces 3 journées, avec 4 Blue Line) Fabrice Absil (tour- rafraîchissements légèrement al- rencontres-débats par jour, des neur et producteur) et Marc Che- coolisés pis le matin suivant, on professionnels aborderont les valier co-fondateur de l’Ecluse. avait l’intention de se lever pour différents aspects du métier, l’ap- travailler… prentissage, les tournées, la pro- Ces journées sont proposées SARCLO : On avait les paupières motion, les médias diffusion, l’édi- pour la 10 ème année, rensei- légèrement parcheminées… tion, la production, la formation… gnements au Centre de la Chan- SIMON : Voilà…et Hubert nous Tout artiste chanson potentiel peut son, pour les conditions, inscrip- voyant dans cet état-là, nous dit : découvrir les données de base in- tions, tél 01 42 72 28 99 et «Il faut juste arriver jusqu’à l’apéro, dispensables pour éviter les per- après c’est tout de la descente» tes de temps, tous les intervenants [email protected] sont des pros réalistes, ils ne sont Propos recueillis par Valérie Bour pas là pour vous dorer la perspec- Avis personnel : j’avais participé tive, mais pour défi nir les règles à la deuxième ou à la troisième Dates / commande CD/DVD sur édition, en observateur et ac- www.lechantlaboureur.ch que l’expérience sur le terrain leur compagnant éventuel d’artistes www.sarclo.com a apprises. débutants dans la chanson. [nouvel album ‘A tombeau Ce ne sont pas des recettes, si ça Les éléments d’information re- ouvert. Chansons posthumes existait la recette du succès, on le cueillis permettent d’optimiser vol 1’] saurait, mais des savoirs empiri- les actions en se débarras- www.simongerber.ch ques dont l’essentiel n’a pas telle- sant d’idées reçues, et souvent [nouvel album ‘Dans ton lit’] ment changé depuis le temps des www.belhubert.ch cabarets. fl oues. Les choses évoluent, il faut Les avis de praticiens branchés * Hélène Hazéra présente no- s’adapter, et la recette de la bonne sur les réalités d’aujourd’hui tamment ‘Chanson Boum !’ sur chanson est toujours aussi mysté- sont indispensables pour ne pas France Culture dans la nuit de rieuse. s’enliser dans des chemins ob- samedi au dimanche à 00h45 C’est l’alchimie aléatoire d’un tex- solètes, et s’épuiser dans des te et d’une musique, d’une voix, et démarches stériles. LES PAPILLONS de l’air du temps qui peut mettre On ne vous berce pas d’illusions + ERIC MIE au top aussi bien «Les amants mais on vous déblaie une partie + DJ LA TEUF d’un jour» que «La danse des ca- des chausse-trappes, ou on vous nards». les signale… Vendredi 16 fevrier - 20h30 Parmi les intervenants, Julien Bas- Même si Internet ouvre de nou- Possibilité de prendre les velles voies de communication, places le soir du concert, souls de Life Live in the bar (La à bord du bateau, dès 20h30. Grande Sophie, Louise Attaque, il y a des fondamentaux qu’il est Castafi ore Bazooka, Clarika..) Ga- toujours utile de connaître. Réservation Fnac Carrefour briel Yacoub (Malicorne) Alex Du- www.guinguettepirate.com thil (Studio des variétés) Fabrice Norbert Gabriel page 34

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savez que les artistes vivent de leur d’autant, et aujourd’hui il y a 5 art, avec un peu de jambon-beurre spectacles de théâtre par pro- et fromage les jours d’opulence. grammation au lieu de 12/13 CABARET C’est bon pour la ligne, mais il faut il y a 20 ans…et il y a plus de CHANSON bien un peu d’énergie pour vous troupes, peut-être 20 fois plus… «Du coté de donner ces soirées exaltantes que On a pu se maintenir, mais c’est vous conseillez à vos amis. plus compliqué, et on doit tra- l’amour» vailler comme des dingues pour Quelques jours avant la première un résultat plus faible. Au départ, avant première, avec Christophe mes comédiens ne sont pas des Christophe Thiry Thiry : chanteurs, ils ont travaillé la voix, L’attrape Théâtre «C’est une commande pour une et j’ai vu que ça pouvait se faire… tournée dans le Tarn, la scène Il y en certains qui ont un timbre Cette avant première va vous nationale d’Albi nous avait pro- et un niveau de voix excellents, permettre, heureux habitants des grammés avec notre autre spec- de plus ils sont bons comédiens, contrées de l’Ile de France, d’as- tacle, (un voyage sur l’histoire du il n’y pas de rupture entre la co- sister à des pré-représentations, théâtre, ludique un peu fou) et on médie et le chant… Les chan- voilà l’affaire : cette troupe qui nous a demandé de faire un caba- sons sont des monuments, il y a existe depuis 19 ans, a réalisé 17 ret en deuxième partie de soirée, de grandes références derrière, créations pour plus de 2000 repré- on savait que je faisais pas mal de mais on les oublie complètement, sentations, crée un nouveau spec- choses différentes, de la musique, on a l’impression que ces chan- tacle, un cabaret musical, qui sera ça a commencé comme ça, autour sons ont été écrites pour eux programmé pour 17 soirées en du spectacle de la saison dernière ; c’est la grande réussite, il me Mai/Juin au Grand Parquet. En at- «Tout le monde court après» texte semble… Il y a une vraie trans- tendant, tous les lundis à partir du autour de l’amour, les infl uences mission du texte et du sens, Les 29 janvier et jusqu’au 5 Mars, le sur le romantisme, confronter nos musiciens sont interprétés par spectacle sera présenté aux pro- idéaux, dans un domaine qui a des comédiens musiciens, qui fessionnels de tout poil suscep- beaucoup bougé en 50 ans… je sont plus dans le travail dramati- tibles d’acheter le spectacle. Et suis parti de chansons bien écri- que de la chanson, on fait moins pour que ce soit plus vivant, il y a tes, bien composées, depuis le de notes, mais les sons choisis, des places pour un petit public de début du siècle, Mistinguett, Fré- les rythmes, les arrangements privilégiés qui pourront découvrir, hel, jusqu’aux contemporains, portent le sens de la chanson, en avant-première «Du côté de avec la troupe actuelle, une partie portent les voix, il y a un piano, l’amour» spectacle de chansons, des «anciens» et 4/5 nouveaux. différentes guitares, basse, sax sur l’amour dans tous ses états. Le succès était arrivé assez vite et … en tout il y a 7 personnes en Sept comédiens, chanteurs, musi- ça m’a entraîné dans un tourbillon scène. Pour les chansons, je ne ciens, dans une petite salle, pres- infernal de 2 ans, au fi l du temps suis pas un connaisseur expert, que dans le public, tiens, ça res- le contexte est devenu plus diffi ci- je suis plus Dylan ou Stones, je semble furieusement à notre ami le… Les évolutions dans le mon- me suis plongé dans la chanson Molière tout ça… de du spectacle ont changé les française, j’ai découvert des cho- conditions de vie, avant le théâtre ses très fortes, et là, il y a bien Vous êtes cordialement invités par avait la place de roi dans les pro- sûr Brel, Ferré, Brassens Nou- LDDLO, à découvrir ce spectacle grammations, et il y avait moins garo, Thiéfaine, et j’ai découvert en création, et une participation de troupes… maintenant, il y a Clarika, Paris-Combo, Pauline «au chapeau» témoignera qu’on d’autres formes, le cirque, le nou- Croze, Linda Lemay, Camille, je paye sa place au prix de son plai- veau cirque, la danse, la marion- ne les connaissais pas et ce sont sir. Ce qui est un marché honnê- nette, le jeune public, c’est bien, de belles découvertes. Allain Le- te, vous en conviendrez, vous qui mais la part du théâtre a diminué prest, c’est un des acteurs qui me page 35

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l’a fait découvrir, c’est lui qui com- chaînes différentes, presque les mence le spectacle.. Il y a aussi mêmes chansons : la une fait des textes de classiques, Musset, renaître une comédie soviétique Marivaux, Strindberg... textes dits LES musicale avec de nouveaux ac- par les acteurs comme s’ils nais- OREILLES teurs/chanteurs et les anciens saient d’une situation présente, le qui ont survécu, la quatre fait un public ne perçoit pas forcément A L’EST nouvel an ABBA ou les mêmes ces classiques, mais ils sont bien chantent les chansons du quar- là. Notre atout et notre pari, c’est tet suédois en russe, les deux de mêler chanson et théâtre, au Le Nouvel An autres chaînes font chanter les cœur du public, c’est un côté ca- ou Les Enchantélés… goldies des années 80, Boney baret qui privilégie la relation avec M, Niagara… le spectateur. Plus près de la rela- Quand il a y une fête, on a en- Quelques jours plus tard TV5 tion intime avec l’humain, être au vie de chanter. A 15 ans une Monde fait passer Samedi Soir cœur des problématiques autour fête n’est jamais réussie sans avec Drucker. Le clou de la soi- desquelles on tourne…» un «adulte» de vingt ans qui rée est un chanteur d’opéra fran- sait chanter et jouer comme co-italien popularisé par Levon J’espère que vous allez toutes les idoles. Chacun s’y retrouve Sayan. Des invités monstres de affaires cessantes prévenir vos dans les textes, ça sonne juste la chanson française y passent amis, les amis de vos amis, vos ou faux, ça ressemble, mais on tous, un par an. L’invité en ques- voisins à qui vous voulez du bien est tous ensemble. A 20 ans en tion n’arrête pas de chanter, le pour aller les lundis à 21 heures randonnée, les plus courageux public n’arrête pas d’applau- au 3 rue d’Avron 75020, c’est à 3 grattent la guitare, les timides dir. C’est la fête de la musique, pas de Nation, et en métro, la li- chuchotent. Qui sait jouer celle- La Marseillaise, du Trénet, des gne 2 vous dépose à Avron, quelle ci ? Qui connaît les accords de chansons italiennes dont une chance, à moins de 50 mètres du Girl ? Te souviens-tu des paro- pour sa maman… Pourtant, el- cabaret improvisé dans la salle les ?…Autour du feu, la chanson les ne me touchent pas plus que de répétition de l’Attrape Théâtre. et la chaleur unit. les chansons de ABBA en russe. Pour attraper un des jolis fauteuils Avec les acrobaties imposées La mondialisation téléchantante rouges, c’est simple, appelez le 01 par Lénine pour unifi er le calen- fait disparaître non seulement la 30 55 09 10, vous avez jusqu’au drier et oublier les 13 jours de chair de poule produite par une 5 mars pour ces avant-premières, retard des Russes vis à vis de voix qui émeut, mais aussi l’en- et quelque chose me dit qu’il n’y l’Europe, Noël arrivée le 7 jan- vie de chanter. en aura pas pour tout le monde. vier. Evidemment la grande fête Et voilà nous, qui ne chantons Impression globale, ou pressenti- est celle qui l’a été pendant les plus pour des fêtes. Ce n’est pas ment, il me semble que c’est une 70 ans du soviétisme…le Nou- que l’on a pas envie, mais on n’y nouvelle approche du spectacle vel An, le soir du 31 décembre. pense plus. La guitare reste en théâtre-chanson, une nouvelle Le 31 au soir les salades sont coffre dans l’armoire entre les forme. Peut-être que nos fi dèles préparés, la viande ou le poulet chemises et les cravates de lecteurs qui avaient 20 ans en prêt, les invités arrivent et la télé papa. Quand les amis nous ren- 1933/34 vont arguer que le Grou- chante. Rien de neuf : le même dent visite, ils n’amènent plus pe Octobre faisait déjà des choses fi lm traditionnel avec ses chan- la guitare, mais du vin chaud et comme ça, de la chanson et du sons à la guitare aimées de tant des feus d’artifi ce. Pour la mu- texte mêlés dans leur théâtre agit- de générations. Après 20h00 – le sique, on met la télé plus fort prop, c’est bien possible, ce serait royaume de la popsa. (en russe ou la radio. Chacun son métier, une bonne raison de plus… : musique populaire) présidée une explication raisonnable, les par les comiques omniprésents. professionnels font leur travail Norbert Gabriel Mêmes personnages sur les à la télé. Nous sommes servis page 38

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reportage de tous les côtés sonores et vi- rel. Notre Pinocchio à nous, ce- assez vagues, ce qui me revenait suels, mais nous ressentons un lui de Collodi est quand même c’était le Pinocchio de Commen- manque d’âme, d’union d’esprit, plus intéressant. Luigi Commen- cini, diffusé à la télévision dans de magie de fête, d’un espoir de cini en avait fait une adaptation les années 70, en feuilleton tous quelque chose de plus grand… plutôt réussie dans les années les après-midi, une version plus 70, avec une fée bleue incar- intéressante que celle de Disney, Le prochain nouvel an je prépare née par Gina Lollobrigida, ça et j’ai commencé à écrire sans des bougies, je sors la guitare et avait de l’allure, les fées modèle réviser mes classiques, sur les j’organise une coupure d’électri- Barbie peroxydée, franchement souvenirs, après j’ai regardé l’ori- cité à la maison… On y va ? Disney, tu pousses, c’est de la ginal, celui de Collodi, et on était fée de grande série, rien à voir assez bien dans l’esprit.. A Moscou, Olga Guerassimova avec nos fées modèle unique sur mesure… Enzo-Enzo : La Fée Bleue est un Et si Pinocchio court toujours, des 3 personnages principaux, c’est parce que les fées bleues ce n’est pas la fée Clochette de ne meurent jamais. Peter Pan, la Fée Bleue est un personnage très proche de la ma- PINOCCHIO Enzo-Enzo, Romain Didier, man, elle protège, elle est indul- Pascal Mathieu, Sybille De- gente, compréhensive mais elle lacroix au milieu des enfants, fait son travail de maman, elle Salon du Livre de jeunesse pardonne mais elle est parfois Ce cher galopin a eu bien des de Montreuil , et quelques très sévère quand Pinocchio fait avatars, le plus grave ayant précisions complémentaires, des grosses bêtises, comme tous d’avoir été adopté par Disney, devant un apéritif… les enfants… Pinocchio, c’est un qui avec les meilleures inten- polisson, mais pas un méchant. tions du monde l’a passé dans Romain Didier : En 1998, L’histoire est réinventée, selon sa machine qui lave plus blanc j’avais travaillé avec Allain Le- l’époque, il faut se donner le droit que blanc, transparent, quoi… prest pour «Pantin-Pantine» un de réinventer ou de rétablir, par spectacle destiné à être créé exemple, c’est un requin dans la Avant d’être un citoyen du mer- par des enfants de 9/10/12 vraie histoire, alors que Disney en veilleux monde de Mickey, Pinoc- ans, dans une forme assez dé- a fait une baleine… en fait, ce qui chio était un bambino estampillé fi nie, chanté en direct, avec un est très joli c’est qu’il y a un mon- italiano, comme Pulcinella, Pan- orchestre en scène, c’est un sieur qui a inventé une histoire, talone, Arlequino. Son papa Carlo spectacle qui continue à être elle a plu à un autre qui l’a racon- Collodi lui avait construit un uni- créé régulièrement.. Et puis, j’ai tée à sa manière, et dans l’histoi- vers riche et bariolé, que nos amis eu une commande de la région re racontée par Pascal Mathieu, il américains ont relooké façon un Franche-Comté pour un opéra y a encore une autre manière… peu niaise parfois. C’est comme destiné au jeune public, avec N ‘importe quelle histoire, ou per- Mickey, un sympathique garçon un thème à trouver, je suis allé sonnage, peut être réinventée au demeurant, mais qui n’arrive voir Pascal Mathieu, qui a ac- pour être dans son époque. On jamais à conclure avec son éter- cepté d’écrire le livret. peut réécrire, changer la donne, nelle fi ancée Minnie. Donald, pas Mais au départ, on n’avait pas il y a mille versions possibles, et plus dégourdi avec sa Daisy, mais choisi un personnage en par- c’est ce qui est merveilleux dans ils ont des neveux, dont on ne ticulier. l’imagination des hommes. Quand connaît pas les parents... Si les tu écris, tu inventes, tu as tous les canards naissent dans des œufs, Pascal Mathieu : Parmi les droits, là dans les images de Sy- les souris ne naissent pas dans quelques idées de départ, il y bille, ce sont des images différen- des bégonias, où alors j’ai raté en avait une assez marrante, tes, ce sont les vraies images de quelque chose dans le cycle de «Les 7 poireaux d’Hercule» une Sybille, pour cette histoire... l’évolution, et les mystères de la histoire d’ogre végétarien, et (pro) création aux USA sont d’un puis on est arrivés à Pinocchio. Romain Didier : C’est toute une ésotérisme qui relève du surnatu- J’avais des souvenirs d’enfance remontée de mémoire de tous page 39

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reportage les Pinocchio, traitée en opéra… che différente sur les plans droits L’idée générale était de construire d’auteurs et contrats plus comple- un spectacle modulable avec 5 mu- xes pour la musique. Néanmoins, siciens ou 30, selon les moyens pour ce Pinocchio dont le disque DVD et les possibilités, sur le papier, existe, dont l’illustration est faite, TRANCHES on peut tout se permettre, pour un et superbement, il suffi rait donc album-disque on peut également que Bayard et EMI s’entendent… DE SCENE prendre des libertés, par exemple, pour une bonne fi n… on voulait avoir Sansévérino, donc on a rajouté le grillon qui n’était pas Pascal Mathieu : La vraie fi n ? Eric Nadot, l’intarissable pas- dans les personnages originaux. quand il est vieux, après avoir sionné, raconte ses Tranches Ensuite, dans la version scénique, été avalé par le requin, sauvé de scènes. un opéra, c’est créer et réaliser des par le thon, il se retrouve sur une Une belle histoire qui ravit tous costumes, des décors, des lumiè- île, dans une jolie maison, et il a les amateurs de chansons et res, un opéra c’est toujours une en- trouvé du travail et ça va être dur qui ne supporte aucune morale treprise de très grande envergure, pour lui… convenue à part peut-être avec des moyens techniques im- «Allez les voir sur scène, main- portants… Mais non mais non, Pascal, le tenant !» travail c’est la santé, car tout fi nit Sybille Delacroix : Pinocchio, je par des chansons dans le monde Le principe ? l’ai découvert par le Collodi sur le merveilleux de… de qui, au juste? C’est un artiste fi lmé sur scène, tard, et j’ai été très heureuse de de l’enfance, qui peut réinventer c’est un reportage, le meilleur retrouver la verve et la fantaisie de le monde tous les jours, et fran- possible avec les moyens qu’on l’original dans l’histoire et la musi- chement, il en a bien besoin, le a et il nous parle de son rapport que de Pascal Mathieu et Romain monde. à la scène et de ses copains. Didier, il fallait donc créer un Pinoc- D’émailler l’entrevue de séquen- chio correspondant au personnage Norbert Gabriel ces, de chansons en public. On de l’histoire, en oubliant tous les est dans le public et on l’entend, autres, c’est notre Pinocchio… Vous pouvez vous régaler l’œil c’est un parti pris. Ce n’est pas du des images de Sybille Delacroix, clip, c’est autre chose… J’ai com- Romain Didier : Il y a eu plein de et manifester votre enthousiasme, mencé à fi lmer des artistes à une versions, alors l’idée c’était de lais- et vos souhaits de voir bientôt le époque où je ne savais pas en- ser remonter les souvenirs, les per- livre-disque disponible sur le : core ce qu’on allait en faire ! sonnages qui avaient marqué, bon, A mon sens, pour certains artis- on a laissé la limace… C’était bien www.pinocchiocourttoujours.com tes, il y a un défi cit d’images, peu de laisser parler l’enfance, d’archives, et quand j’en ai parlé Et c’était de faire une musique qui avec Anne Sylvestre, elle était ne soit ni italienne ni 19 ème siècle, YORFELA tout à fait d’accord. Alors je suis une musique qui colle bien aux jolis allé la fi lmer en studio et c’est mots de Pascal. Chanson française sans doute la séquence phare du dans un univers latin 1er DVD Tranches de scènes… Dans l’entretien informel qui se au théâtre des ça m’a donné plein d’idées. poursuit, vient la question «à quand Blancs Manteaux le livre disque ?». En effet, nous les mercredis 7 et 14 février L’illustration immédiate sert à avons le disque, nous avons la re- 2007 à 20h. frustrer un peu le spectateur ! vue qui est un périodique, le métis- Il y présente une nouvelle On montre un aperçu, une chan- sage semble la suite logique. Mais formation en trio son, d’un artiste et on dit «pour là, nous sommes dans un autre guitare / violoncelle / le reste, allez le voir !» C’est un contexte, celui de l’édition clas- fl ûte traversière arbitraire parce qu’on montre une sique qui est souvent réticente à ou l’itinéraire des instruments seule facette d’artistes multiples s’engager dans des projets mixtes, classiques dans l’univers latin. mais ça enclenche des intérêts. édition-musique, question d’appro- Et plus loin de Paris, il y a tous page 37

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reportage ces gens frustrés de chanson taller dans les salons, ça devenait qui ont un festival par an et qui nettement plus universel. La der- sont en demande. Là où je triche nière étape était de se dire « si je parfois un peu avec les archives, ne parle que de ceux que j’aime, c’est que j’interroge les artistes on risque de tourner en rond très sur des anecdotes que j’ai fi lmées vite » d’où l’idée de faire assu- par hasard. Le propos découle de mer le sommaire à un artiste et l’illustration. Il y a un côté collec- ça donne «Tranches de scène». tor. On se souvient de moments Dans un premier temps, j’ai fait magiques que j’ai eu la chance des sites. Anne Sylvestre était un de fi lmer. peu réfractaire à l’informatique mais avait envie de se servir d’in- Comment est venue l’idée ? ternet pour mettre à disposition Le déclic n’est pas vraiment un des partitions et au fi nal, j’ai fait déclic, il s’étale sur 2 ou 3 ans… son site. Puis j’ai contacté Sar- c’est vraiment un cheminement. clo. J’ai fait une page test que je Suite à une rupture professionnel- lui ai envoyé par la poste. Pis le le, quand il faut changer et avoir jour où il a été connecté, il m’a du temps pour faire des choses. recontacté. J’avais envie de faire de fi lms déjantés qu’on a mises J’ai toujours beaucoup aimé la un portail avec différents artistes, en plage cachée ! Il faut avoir la chanson et fait des photos, de La- de créer un réseau et le but, c’est recette pour les retrouver…c’était villiers, d’Higelin, il y a 20 ans, à d’emmener les gens au spec- une rencontre magnifi que. Et les l’époque où il fallait batailler pour tacle! On a monté des listes de français ne le connaissent pas entrer l’appareil. Mais venant de discussion…on se retrouve dans ou à peine depuis qu’il a monté l’électronique, j’avais envie de le monde entier par affi nités. Et les marches de Cannes pour «la diversifi er et de me tourner vers Tranches de scènes, c’est ça, raison du plus faible» de Lucas internet. Et puis quasiment par c’est une association dont le but Belvaux. Serge Utgé-Royo, c’était hasard, je suis retombé sur Xa- est le partage. Pour l’instant, il y encore autre chose…j’ai vraiment vier Lacouture. On a fait un pre- a 400 adhérents, c’est loin d’être appris beaucoup sur quelqu’un mier site un peu offi cieux. Dans ridicule. Et c’est pour ça que que je croyais bien connaître. Il la foulée, j’ai fait un peu de vidéo l’aventure continue. fallait l’arrêter ! par plaisir. Les logiciels étaient de plus en plus accessibles et ça Comment a évolué le projet ? L’avenir ? il y a des idées, beau- m’a beaucoup attiré. Les entretiens sont devenus plus coup d’idées…notamment offrir D’abord, j’ai fait des dossiers de riches. Chaque artiste est parti plus de visibilités à des artistes, presse multimédia sur cdrom dans des directions différentes, les adhérents de la 1ère heure à autour d’un spectacle de Xavier dans des discussions à bâtons Tranches de scènes, autour d’un Lacouture et Jacques Haurogné, rompus…et c’est le ciment de événement scénique. ‘Melting potes’. L’idée était bonne chaque dvd. Les premiers, on les Ça ferait un numéro spécial mais mais quasiment invendable vus a faits avec les images que j’avais cohérent avec notre démarche. les frais que ça engendrait ! et de plus en plus, on fait les ima- Je pense à des gens injustement L’étape suivante de la réfl exion, ges exprès pour les projets, on va méconnus comme Gilles Rou- c’était de réaliser que j’étais pro- les chercher. Ça prend donc du caute, Hervé Lapalud, François che du public. Et l’idée, c’était « si temps ! Anne Sylvestre est totale- Gaillard ou encore Marc Servera. on arrive à partager tout ce qu’on ment oubliée des médias mais un Ce sont des jeunes qui font des a chacun (pirates vidéo, notam- public nombreux se déplace pour progrès impressionnants ! ment), ça donnera peut-être en- la voir sur scène et c’est eux qui, Parmi les anciens, il y en a peut- vie à un public plus large de dé- les premiers, ont cru en Tranches être un qui aurait la folie de s’inté- couvrir »…et là, ça commence à de scènes et c’est elle qui a don- resser à ce genre de bêtises, c’est prendre forme ! né le ton. Avec Xavier Lacouture, Higelin et je trouverais l’énergie Techniquement, il a fallu attendre c’était très détendu, on se connaît d’aller le chercher ! l’arrivée des graveurs de dvd. On depuis très longtemps… Claude Jeanne Cherhal aussi m’intéres- quittait les ordinateurs pour s’ins- Semal m’a apporté des images serait. Je ne suis pas certain que page 36

decryptage le doigt dessus reportage radios et médias son entourage professionnel ac- mondaine, et de ses agitations tuel pourrait envisager un tel pro- boursoufl ées. jet dans l’évolution de sa carrière Et je me demande aussi pourquoi, mais on se recroisera. MEDIAS qui et pour quelle raison, on remet Sinon, Romain Didier, Ricet-Bar- PRESSE dans l’actualité un livre paru en rier…discuter avec Sansévérino, mea culpa janvier 2006, alors qu’il y a eu de- c’est formidable ! Kent est proche puis 5 ou 6000 bouquins livrés à de cet esprit aussi. (retour vers décembre et le la concupiscence des lecteurs… numéro 9) Je sais que nous vivons une épo- Ensuite, la question, c’est « faut-il que formidable où Steevie du Loft élargir aux artistes très médiatisés Dans la dernière chronique, et Pascal Sevran se font les hé- qui cautionneraient leurs copains j’avais exprimé quelque hu- rauts de la pensée néo-libérale, à découvrir ? » meur envers les débordements mais quand même, ça manque Pour l’instant, je veille déjà à diffu- babilleurs télévisuels de Pascal d’envergure. D’où peut-être ces ser ce que le forum Léo Ferré (à Sevran, ce qui est mon droit, éclats dans les poulaillers d’aca- Ivry sur Seine) appelle la ‘chanson semble-t-il, et j’avais ajouté jou pour faire cocoriquer la basse non crétinisante’…et je n’ai pas de qu’il avait publié des livres re- cour… Tiens c’est beau comme problème de matière ! marquables, ( la vie sans lui) du Souchon… en faisant référence à deux Je prends donc la résolution ferme Propos recueillis par Catherine romans autobiographiques, et et défi nitive de ne plus m’égarer Pinto et Valérie Bour j’avais sauté allégrement quel- dans ces chemins bourbeux que ques autres comme « Le privi- sont les échos télévisuels. Que Renseignements complémentai- lège des primevères » dont le les chanteurs chantent, et que les res, adhésions et commandes titre aurait dû m’attirer, c’est le folliculaires pipoles ferment leur (4 DVD=50 euros) sur : genre de livre que j’achète les clapoir à merde, comme disait yeux fermés tant le titre me fait Rabelais, moi, j’aurais pas osé… www.chanson-net.com/tranches rêver. Mais là, non, je ne l’ai pas mais Rabelais, oui, il peut… descenes vu, et je n’ai pas lu non plus les lignes qui ont tant fait bruisser Dans le tour de manège de l’an- Tél :06.08.71.90.31 les gazettes en cette fi n d’an- née 2006, la presse a perdu née 2006. De fait, ces lignes, Chanson-Mag, et gagné LDDLO même dans le contexte, sont [le doigt dans l’œil], la radio, no- assez discutables. Quand on a tre chère France Inter a élargi et l’ambition d’être un plumitif assi- diversifi é son offre, la télé offre du, on a le temps et le devoir de quelques micro-cases musicales remettre cent fois sur le métier originales, à des heures parfois son ouvrage, pour ne pas s’em- saugrenues et sur des chaînes barbouiller les crayons dans quasi underground, mais bon, des amphigouris calamiteux qui c’est comme les truffes, ça se mé- vous envoient dans la gadoue rite, la bonne chanson. Si on vous comme un vulgaire bousier. en inondait les prime-time façon Ce qu’on dit peut parfois trébu- tsunami, il y aurait moins de mon- cher hors de la pensée réfl échie, de dans les salles de concert, et ce qu’on écrit doit être mesuré à ça, non, jamais. Par exemple, Le l’aune de la réfl exion argumen- bijou, à Toulouse, voilà une adres- tée, éventuellement discutée, se qu’elle est bonne, tout comme pour éviter les sources de po- La baie des singes, à Cournon lémiques médiatisées par les d’Auvergne, des programmations spécialistes de la petite phrase qui méritent le détour, et une éthi- qui tue. Et sur ce point, Pascal que qui respecte les artistes, et Sevran n’est pas un poussin les spectateurs, ça va souvent de innocent des choses de la vie pair. page 40

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Télé bla bla à la guitare, très bien, on entend diffusé le vendredi 26 janvier, et Il s’avère que les bonnes surpri- tout de suite que ce n’est pas un comme disait JC, «à vos casset- ses continuent du côté du TNT accessoire pour faire joli dans le tes !» Cette bonne parole est à Show, je ne sais pas si vous ha- décor. créditer à Jean-Christophe Averty, bitez une région branchée TNT, Autre moment musical télévisuel, un des monuments éminents du mais quand les chaînes hertzien- les rendez vous du lundi sur Di- PAF et de la radio depuis plus de nes déclinent les mêmes variétés rect 8 et Europe 2 TV, qui ont la 50 ans. Les chercheurs d’or peu- sans originalité, c’est vers 23h le bonne idée (!) de programmer vent le retrouver dans une série samedi qu’on peut écouter-voir une émission musicale au même de CD «les cinglés du Music-Hall» des choses intéressantes. horaire. indispensable à tout érudit poten- Tel ce 23 Décembre, avec Elodie Europe propose des Trabendo tiel dans le domaine de la chan- Frégé, qui montre qu’elle s’est Sessions, concerts comme si son. JC Averty est le seul type au vite débarrassée des formatages vous y étiez. monde pouvant faire une heure StarAc pour commencer une car- Evidemment, c’est encore mieux de radio avec un même morceau rière qui devrait être plus riche quand on y est, mais bon, un con- de jazz dont il vous précisera pour que… d’autres. cert d’Abd Al Malik qui devait être chaque version, la date d’enregis- Une collaboration avec Biolay complet, c’est bien d’avoir une trement, le nombre de prises, et s’avère très constructive, textes seconde chance. Bon moment la prise retenue, le numéro de la personnels ou co-écrits, d’autres également avec Sanséverino, (In matrice, les références du studio, 100/100 Biolay, on a eu 7 ou 8 live with…) qui assiste à une soi- le nom et le prénom des musi- chansons en vrai direct, dans rée avec des artistes débutants, ciens, et ce, des origines jusqu’à une formule voix-guitare très dé- dont il commente les prestations, nos jours. S’il le voulait, je suis pouillée, et convaincante. De fait, sans complaisance, ni méchan- sûr qu’il pourrait préciser la cou- il y a quelque chose de Françoise ceté, avant de faire un mini-con- leur des chaussettes du batteur, Hardy qu’on ne soupçonnait pas cert. A suivre. et la marque de ses baguettes et dans la Staracadémicienne Elo- Pour fi nir, avec un drôle de détail, balais. Parmi les artistes étatsu- die, une inspiration plus fi ne, plus pour la journée mondiale du Sida, niens qui viennent en France, et personnelle que les standards, début décembre, la Starac avait y trouvent reconnaissance, Ilene ou les reprises hit-top qui tirent un «prime» j’avais zappé par ac- Barnes, qui ne refuse jamais une plus ou moins vers l’interprète ori- quis de conscience, et un truc soirée concert en direct comme ginel. m’a attiré l’œil, sept ou huit zigo- elle le fi t pour FIP le lundi 15 Jan- Benjamin Biolay qui m’avait sem- tos en superbe «smoking» noir, et vier. Tout ça grâce à l’irremplaça- blé naguère assez empêtré dans pas un seul petit ruban rouge. Du ble Julien Delli Fiori, cet épicurien son rôle de bon faiseur de chan- coup j’ai scruté, tous les artistes gourmand de tous les jazz. son néo-Gainsbourg, était excel- présents, Bruel, Obispo, Delpech, Les amateurs savent bien évi- lent autant dans l’entretien que les animateurs, les techniciens, le demment que TSF est la radio dans les chansons qu’il a écrites, public, rien, pas un ruban… tout jazz, avec rendez-vous con- et parfois interprétées avec Elo- Je vous le dis tout net, ça m’a certs, et des nuits enchanteres- die Frégé, avec un vrai duo, une passablement énervé. Et c’est ses où la musique est diffusée chanson conçue pour être chan- bête, mais je n’ai pas regardé les sans aucune interruption de pub tée en dialogue, ce qui est assez autres soirées, du coup vous ne ou autre. Un autre monde. rare. saurez pas que c’est Cyril qui a Outre leur gratuité et leur côté Bientôt, Elodie Frégé va faire le gagné…Tant pis. événement, notons l’excellente Café de la Danse, une salle qui qualité sonore de ces émissions n’a rien à voir avec les Zénith Radiotages radios, qualité qui n’est pas sou- où le public est une masse as- J’espère que vous avez noté vent au rendez-vous avec les sez abstraite; dans les salles de dans vos rendez-vous le concert machins mp3 et autres bidules 200/300 places, il est là, devant, exceptionnel de Norah Jones, ejusdem farinae. Et rien n’interdit on le voit en détail pas en bloc, spécialement pour France Inter, de se faire des archives sonores c’est plus impressionnant… en remerciement du soutien que pour son petit INA personnel. Autre découverte de la soirée notre radio nationale lui a appor- TNT, Elodie Frégé s’accompagne té en début de carrière. Concert Norbert Gabriel page 41

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la plateforme virginmega où on peut retrouver les groupes Kaolin, Aqme, Uncommon- Clé menfrommars, Fingerless USB ou encore Freedom for King- Kong. Le concept d’albums préchargés sur clé USB se dé- veloppe en réponse à l’érosion des ventes de disque. La maison de disques EMI la rédaction avait commercialisé en nom- A l’heure de la consommation bre limité l’album des Rolling Rédactrice en chèvre de musique à la carte, par le Stones «A Bigger Band» sur Valérie Bour biais des pages MySpace et clé USB. Aujourd’hui on peut Webdoigt/webcam autres sites de télécharge- trouver sur ce support «Gare Didier Boyaud ments légaux (ou non), un pe- au Jaguarr», l’album de l’ex- Graphiste tit groupe de rock toulousain à NTM Joeystarr, le dernier Jus- Sophie Tournel l’énergie rafraîchissante et sa- tin Timberlake «Futuresex/Lo- voureuse a eu l’idée originale vesounds» ou même un Best Rédacteurs de sortir leur deuxième album of années 80… Caroline Besse - Valérie Bour sur… clé USB. Didier Boyaud - Vincente Coro- «BubbleGum explosion» est Caroline Besse nini - Pierre Derensy - Clémen- une capsule de pop rock plei- tine Deroudille - Gab - Norbert ne de vitalité, «à l’opposé des Bubblies : «BubbleGum Explo- Gabriel - Séverine Gendreau stratégies industrielles et mar- sion». Clé USB à commander Olga Guerassimova - Eric Mie keting concentrationnaires», sur le site offi ciel du groupe : Catherine Pinto - Mélanie Plu- comme ils l’expliquent eux- www.bubblies.net mail - Myriam Tchanilé mêmes, ravis d’avoir retrouvé leur indépendance après une Photographes expérience avortée avec une Valérie Bour - Didier Boyaud maison de disque. Jérôme Escriva Le groupe composé de Carine Adsuar, Eric Tio et Jean-Louis Rédacteurs exceptionnels Puyo, bercés (entre autres) Hubert-Félix Thiéfaine - Barba- par les Pixies ou Pavement ra Carlotti - Daguerre - Ignatus alterne indifféremment et avec ______autant d’aisance morceaux en pour nous écrire français et en anglais. La ra- [email protected] dio «Le Mouv’» a beaucoup ______aimé le single déjanté «La Rendez-vous Mouche», présent sur la com- au prochain numéro pilation «L’indé 30» -«100% DEBUT MARS indé, 100% numérique » : la «Faites passer, radio rock a souhaité s’adap- si vous brisez la chaîne ter à l’ère virtuelle en vendant Compilation «L’indé 30» à té- lécharger sur le site il ne vous arrivera rien... cette compilation uniquement et ce serait bien dommage» en téléchargement payant via www.virginmega.fr page 42

l’air du temps

LE TOUAREG

Le touareg, sur son chameau, contemple l’océan de sable qu’il parcourt avec grâce et sérénité. Depuis des millénaires, ses ancêtres traversent ces De nouvelles pensées érotiques traversent immenses étendues avec dans les yeux cette lumiè- alors son esprit mais la grande sagesse qui re qui fait que jamais il ne se perd, et avec dans le le caractérise lui permet de trouver rapide- cœur, cette fl amme qui fait que jamais il ne déses- ment une solution pour calmer ses ardeurs père. : il lit alors le règlement du jeu gratuit sans Son père lui a appris à s’occuper des bêtes, sa mère obligation d’achat permettant aux buveurs lui a appris la patience, son grand-père lui a appris d’Oasis de devenir possesseur de DVD su- à regarder les étoiles et sa grand-mère lui a appris à per drôles. guérir ses blessures. Enfi n calmé, il s’allonge sur sa natte, place Quand le soleil est trop fort, le touareg sait choisir délicatement sur ses oreilles les écouteurs l’endroit pour que ses compagnons de voyage, bê- de son baladeur mp3 et entend pour la tes, hommes, femmes et enfants, prennent un repos énième fois Jean-Patrick Capdevielle chan- bien mérité avant de repartir quand les rayons du ter “quand t’es dans le désert”. soleil auront usé leurs lames pénétrantes. Alors il s’endort en rêvant qu’il “est” Jean- Alors, le touareg, à l’ombre de son chameau, cons- Patrick dans le grand studio d’enregistre- ciencieusement, sort son paquet de Camel, et fume ment climatisé du Palais des Congrès, Por- pensivement une cigarette en regardant l’inscription te Maillot, à Paris... “fumer peut diminuer l’affl ux sanguin et provoque l’impuissance”. Certains rétrogrades croient encore que les touaregs boivent du thé, mangent des dat- Il s’essaye alors à une pensée érotique pour voir s’ils tes et écoutent le silence du désert mais il disent vrai, et comme tout se passe bien, il chasse n’en est rien. cette pensée de son esprit. Avec la chaleur qu’il fait, ça n’est sûrement pas le Le progrès est passé par là et nous autres moment de batifoler. occidentaux devront cesser de prendre ces gens pour des arriérés. Ensuite, le Touareg va retrouver les autres hommes et, ensemble, ils vont partager une bouteille en plas- Ils nous ressemblent de plus en plus. tique de 2 litres d’Oasis parfum orange-passion. Au cours de cette cérémonie séculaire, le touareg Merveilleux n’est-ce pas ! lira l’étiquette et constatera la présence d’acide ci- trique, d’acide ascorbique et de pectines puis il ap- Ignatus prendra avec réconfort qu’Oasis répond aux besoins de l’organisme lors d’un effort physique immédiat.

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