DÉBATS de l'Assemblée nationale du

QUÉBEC

Le lundi 19 mai 1969

Vol. 8 - No 40 TABLE DES MATIÈRES

Commission de la présidence du Conseil 1765

Contrat avec la Churchill Falls 1765

Paiements en retard 1767

Conflits ouvriers 1768

Comité des subsides Crédits du ministère des Affaires culturelles 1772

Ajournement 1802 1765

(Seize heures quatre minutes) j'ai été surpris qu'on n'ait pas préparé en mê- me temps une copie française. Mais on a vu, M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les por- depuis lors, à corriger cela. tes. A l'ordre, messieurs! Deuxièmement, ce n'est pas la première fois, dans les annales de l'Hydro-Québec, que Présentation de pétitions. les contrats sont rédigés en anglais. J'ai ici Lecture et réception de pétitions. une liste d'à peu près une quarantaine de con- Présentation de rapports de comités élus. trats signés en anglais, au cours des années Présentation de motions non annoncées. 1961 à 1966 inclusivement, entre l'Hydro-Qué- bec et les compagnies avec qui l'Hydro-Québec L'honorable Secrétaire de la province. faisait affaire. Il n'y a donc pas de scandale dans cette affaire. Commission de la présidence du Conseil M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de M. PAUL: M. le Président, je voudrais fai- l'Opposition. A l'ordre! re motion pour que la commission permanente de la présidence du conseil soit autorisée à M. LESAGE: M. le Président, ce n'est peut- siéger aujourd'hui pendant que la Chambre sera être pas une question de scandale, mais une en séance. chose est certaine, c'est qu'il s'agit du plus important contrat qui ait été signé au Québec. Il M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t- s'agit d'un contrat entre l'Hydro-Québec et elle adoptée? la Churchill Falls (Labrador) Company qui a Adopté. son siège social à Montréal. Or, Montréal, aux dernières nouvelles, était encore dans la pro- M. PAUL: M. le Président, je voudrais fai- vince de Québec. re motion pour qu'à la commission permanente de la présidence du Conseil exécutif MM. Paul M. BERTRAND: Si le chef de l'Opposition Emile Sauvageau et Guy Gauthier remplacent veut me permettre juste un mot. Il vient de di- MM. Cardinal et Tremblay (Chicoutimi). re qu'il s'agit d'un contrat entre Churchill Falls... M. LAPORTE: M. le Président, à la même commission, je fais motion pour que le nom de M. LESAGE: (Labrador) Corporation. Pierre Laporte soit remplacé par celui de M. . M. BERTRAND: ... Corporation et l'Hydro- Québec M. LE PRESIDENT: Ces motions sont-elles adoptées? M. LESAGE: Le siège social de la compa- Adopté. gnie Churchill Falls est à Montréal. Nous y avons vu à cela quand nous étions là, nous. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics. M. BERTRAND: Par exemple, le 22 mars 1966, un arrêté ministériel a été adopté en L'honorable premier ministre. français concernant un contrat de vente d'éner- gie électrique, l'Hydro-Québec à Domtar News- Contrat avec la Churchill Falls print Limited, à son usine de Trois-Rivières, et le contrat entre l'Hydro-Québec et Domtar M. BERTRAND: M. le Président, je dépose Newsprint Limited était en anglais. deux copies du texte français du contrat interve- nu entre l'Hydro-Québec et Churchill Falls La- M. LESAGE: L'arrêté en conseil était en brador Corporation Ltd., en date du 12 mai. J'en français, c'est justement la responsabilité gou- ai déjà transmis cinq copies au chef de l'Oppo- vernementale. sition et des copies vont être distribuées immé- diatement à tous les députés, de même qu'aux M. BERTRAND: J'ai dit qu'il y en avait membres de la tribune de la presse. une quarantaine; si l'on veut que je produise la Je regrette infiniment ce qui s'est passé. liste, je suis prêt à le faire. L'autre jour, lorsqu'on m'a transmis une copie anglaise, j'ai eu à peu près la même réaction M. LESAGE: Non, je voulais tout simple- que certains autres ont eue en cette Chambre; ment signaler qu'il s'agit du contrat le plus 1766 important signé au Québec, avec la responsa- M. LAPORTE: Qu'est-ce qu'il y aurait de bilité du gouvernement du Québec, qui a été changé, quand même vous donneriez 50 exem- engagé dans la substance et les détails de l'en- ples? tente intervenue. Non seulement l'Hydro, mais le gouvernement a constamment été consulté à M. BERTRAND: Cela ne changerait rien. ce sujet. D'autant plus que la copie de lettre d'inten- M. LAPORTE: Bon! tion qui a été déposée par le premier ministre, la semaine dernière, en même temps que le M. BERTRAND: Et c'est tellement vrai que contrat, était en français. quand nous voulons faire des emprunts aux Etats- Unis, on exige même que les arrêtés ministé- M. BERTRAND: Oui, je l'ai dit tantôt, je riels soient en anglais. pensais que les autorités de l'Hydro-Québec avaient préparé la traduction française. C'est M. LESAGE: M. le Président, la différence la première question que j'ai posée quand j'ai dans le cas que vient de citer le premier mi- reçu la copie anglaise. Je dis au chef de l'Op- nistre, c'est que le gouvernement n'était pas position que si l'on veut en faire un casus belli, directement impliqué. j'ai une quarantaine d'exemples de contrats intervenus en anglais entre l'Hydro-Québec et d'autres compagnies. M. DOZOIS: Même chose. Cela ne guérit pas le mal, mais je dis que M. LESAGE: Pardon! Nous verrons demain ça s'est déjà fait, et dans tous les cas où il matin jusqu'à quel point le crédit du Québec est s'agit de contrats qui sont sujets, par la suite, engagé. Non seulement celui de l'Hydro-Québec, à un financement, sur le marché américain, on mais comment le crédit de la province de Qué- exige que le texte anglais soit le texte officiel, bec est engagé par ce contrat entre la Churchill parce que les avocats américains, qu'on le Falls et l'Hydro-Québec. Mais cela, c'est pour veuille ou non, n'acceptent pas la langue fran- demain matin. Il ne faut pas s'imaginer que l'on çaise comme telle, comme langue d'interpré- n'engage pas le crédit de la province de Québec tation du contrat, c'est la langue anglaise qui et que l'on ne l'engage pas sérieusement, et très prévaut. sérieusement. Alors, si on veut soulever des tempêtes, cela va devenir une tempête dans un verre d'eau M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition veut- comme je l'ai dit l'autre jour. J'ai vu à faire il prétendre aujourd'hui pour prétendre le con- corriger au moins pour que nous ayons une tra- traire demain que le contrat de l'Hydro-Québec duction immédiatement. Dès que je l'ai reçue, avec la Churchill Falls n'est pas une bonne af- je l'ai transmise au chef de l'Opposition. faire pour le Québec?

M. LAPORTE: M. le Président, quand on M. LESAGE: M. le Président, j'aurai cer- est chef d'un parti politique — dans son pro- tainement, avant de me prononcer d'une façon gramme de 1966, l'Union Nationale annonçait définitive sur l'excellence des conditions et des qu'elle verrait à donner au français le statut modalités du contrat, à obtenir des réponses d'une langue nationale — et que cette langue précises du président de l'Hydro-Québec. ne peut même pas être utilisée pour signer le plus important contrat jamais signé dans le Québec, on ne se défend pas sur le passé, on M. BERTRAND: Vous les aurez, il va être admet tout simplement que c'est une erreur. là.

M. BERTRAND: M. le Président, on pour- M. LESAGE: Mais ce qui m'embête, M. le rait parler pendant des heures là-dessus, ça Président, et je ne voudrais pas que demain le n'avancerait à rien. Je pourrais donner un au- premier ministre fasse des gorges chaudes, non tre exemple, un contrat d'énergie électrique en- plus que ses collègues, c'est que j'ai dû me tre la compagnie d'électricité et la préparer pour demain en étudiant le contrat en General Motors of Canada Limited... langue anglaise. Je n'ai aucune envie de recom- mencer mon travail ce soir avec la version fran- M. LAPORTE: Qu'est-ce que ça change, çaise, je n'en aurai pas le temps. ça? M. BERTRAND: Allez-vous poser vos ques- M. BERTRAND: Cela ne change rien. tions en anglais demain? 1767

M. LESAGE: Bien, il est possible que je tion du premier ministre — sous forme de ques- sois obligé d'en poser en anglais, justement tion — sur une lettre qui lui a été adressée le parce que le contrat est en langue anglaise et 12 mai. Je comprends que cette lettre a dû être que je n'aurai pas le temps d'ici demain, et référée au ministère de l'Education, car il s'agit j'avise le premier ministre dès maintenant de encore une fois, de plaintes d'instituteurs qui ne ne pas se préparer à faire des gorfes chaudes... sont pas payés. Il s'agit de l'Association des enseignants du Nord-Ouest québécois. La lettre M. BERTRAND: Moi, j'ai plus confiance dans est de madame ou mademoiselle Alexandra Hu- le chef de l'Opposition qu'il a confiance en lui. don, responsable du service technique de cette Je sais qu'il peut lire ce soir le contrat fran- association. Elle soutient que des sommes, al- çais... lant jusqu'à $4,000, seraient dues depuis 1965- 1966 à quelques institutrices. Cela m'inquiète M. LESAGE: Si j'en ai le temps. beaucoup. Ensuite, on donne la liste d'un certain nom- M. BERTRAND: ... et poser ses questions en bre de commissions scolaires locales où les français demain matin. enseignantes ne seraient pas payées depuis les mois de février, mars et avril. Les endroits M. LESAGE: Oui, mais je ne sais pas si sont: Latulipe, dans le Témiscamingue; Saint- j'aurai le temps, c'est un très long contrat de... Mathieu, dans l'Abitibi-Est; Laferté, dans l'Abi- tibi-Ouest; Saint-Dominique-du-Rosaire, dans M. GRENIER: Cest un petit gars brillant. l'Abitibi-Est; Rémigny, dans Rouyn-Noranda; Saint-Bruno-de-Guigues, dans le Témiscamin- M. LE PRESIDENT: A l'ordre! gue; Val-Saint-Gilles, dans l'Abitibi-Ouest. Ce serait dans les quatre comtés du Nord-Ouest. M. LESAGE: Si au moins je pouvais en dire autant du député de Frontenac. M. BELLEMARE: Ils sont tous encore dans les niches, je suppose? M. GRENIER: Ah, mais vous le pensez, je le sais. M. BERTRAND: Sont-ils encore saints, ceux-là? M. LESAGE: J'espère que le premier minis- tre prend mes dernières remarques en tenant compte du ton et de l'intention que j'avais lors- M. BELLEMARE: Ils sont tous encore dans les niches. que je les ai formulées. M. LESAGE: Je ne sais pas — pour me ser- M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pourrais vir d'une expression utilisée par le député de vous aider. Gouin l'autre jour, et qui m'a frappée — si ces... M. LESAGE: M. le Président, quand il s'agit de kilowatt, quand il s'agit de dollars et de M. BERTRAND: « Désainté. » cents, je ne suis pas certain du degré d'aide que je peux attendre du député de Chicoutimi. M. LESAGE: Désacralisé. ... saints ont été désacralisés. Disons que j'aimerais mieux me fier à cer- tains de mes collègues, de mon côté. M. BELLEMARE: Moi, je lui ai dit que, si M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de l'Eglise perdait tous ses saints, elle deviendrait Bourassa aussi. plate. C'était canonique; je l'ai dit devant un prélat. M. GRENIER: Basile. M. LESAGE: Alors, je demanderais au pre- M. LESAGE: M. le Président, à moins qu'on mier ministre de bien vouloir nous transmettre n'ait d'autres questions sur ce point... les renseignements qu'il pourra obtenir du mi- nistère de l'Education. UNE VOIX: Non. M. BERTRAND: Je remercie, d'ailleurs, le Paiements en retard chef de l'Opposition de m'en avoir fait part tan- tôt, avant l'ouverture de la séance. J'essaierai M. LESAGE: ... je voudrais attirer l'atten- d'obtenir la réponse pour demain. 1768

Conflits ouvriers blème, c'est sûr, je l'ai dit. On en fait un faux problème. Le président de la CSN m'a répondu M. LESAGE: Maintenant, M.le Président, je que le principal problème, c'étaient les tra- sens que le ministre du Travail tient à faire des vailleurs. J'en suis. J'ai eu l'occasion de dire déclarations aujourd'hui. à M. Pepin, ici, dans cette Chambre, qu'on avait prévu dans le bill 290 un article spécifique pour M. BELLEMARE: Ah, oui! régler le problème des bureaux de placement, bien que je sois encore convaincu que ce n'est M. LESAGE: Dois-je lui poser mes deux pas la meilleure formule que de mettre en 1969 questions d'affilée ou... C'est peut-être aussi des anneaux dans le nez des patrons. Ce ne sont bien. Premièrement, où en sommes-nous en ce pas des bestiaux, on ne doit pas considérer les qui touche la grève dans le domaine de la cons- employeurs comme des bêtes à cornes, qu'on truction? Deuxièmement, y a-t-il lueur d'espoir traîne avec un anneau, qu'on humilie, puis qu'on d'un règlement dans le conflit qui oppose les agenouille. Ce n'est plus dans cette condition- employés de garage à leurs employeurs à Qué- là qu'on travaille. Les patrons, il y a eu des bec? Dans ces deux cas-là, Québec est particu- années ont été des antisyndicalistes, aujourd'hui lièrement frappé. L'économie de la région n'est les syndicalistes sont devenus des antipatrons. pas tellement vivante d'avance que nous puis- Il y a une limite. Il ne faut pas non plus cher- sions, ici à Québec, souffrir facilement de tels cher à mettre un anneau dans le nez des patrons arrêts de travail. Je demanderais au ministre pour les mettre à genoux devant un bureau de de nous faire rapport et de nous donner l'assu- placement. rance qu'il fait tout son possible pour que se Je pense que les relations patronales-ouvriè- règlent ces conflits. On a bien réussi à régler res doivent se comprendre, comme celles-là, en l'affaire d'Air Canada. Eh bien, mon Dieu, je respectant les droits de chacun, mais pas en voudrais bien qu'il me donne une lueur d'espoir obligeant quelqu'un à être le maître de l'autre, dans ces deux cas-là, et ça je l'ai dit publiquement. Ce n'est pas en vertu de la caisse électorale, comme le pré- M. BELLEMARE: M. le Président, dans la tend Marcel Pepin, que nous sommes obligés, grève des employés de garage... nous, de retraiter. Il n'est pas question de cais- se électorale. C'est l'argument du faible ou du M. LESAGE: Je pense que le député de Du- lâche, celui qui accuse en général tout un grou- plessis voudrait en ajouter une troisième. pement ou tout un ministère d'être à la solde d'une caisse électorale. C'est clair, ça. M. COITEUX: Si l'honorable ministre me permet — il pourra se lever seulement une fois — M. LESAGE: Qu'est-ce que c'est, la caisse est-ce que je pourrais lui demander s'il a des électorale? nouvelles intéressantes à nous communiquer sur les grèves qui paralysent actuellement Wabush M. BELLEMARE: Vous lirez la déclaration, Mines, Cartier Mining, Iron Ore, North du président de la CSN, qui a accusé le minis- Shore and Labrador Railway et qui, par ricochet, tère du Travail d'être à la solde de la caisse paralysent aussi tous les travaux de Churchill électorale, pour ne pas régler le problème des Falls? Ce qui est énorme pour l'économie de la bureaux de placement. région. S'il a des nouvelles, il pourrait nous don- ner tout ça en même temps. M. LESAGE: Non!

M. BELLEMARE: M. le Président, je prends M. BELLEMARE: Oui. je lui réponds au- bonne note des questions. Je dois dire que nous jourd'hui que c'est l'argument du faible et du avons été assez occupés en fin de semaine, sur- lâche que de ne pas accuser personnellement tout durant les nuits, qui ont été fort longues. quelqu'un, que de porter une accusation géné- Plusieurs grèves affligent le Québec présente- rale. Je pourrais peut-être moi aussi poser cer- ment, particulièrement celles de la construc- taines questions sur certaines caisses de cer- tion. Nous avons également celle de Rimouski, taines centrales. Je m'en réserve le droit en qui s'est déclenchée vendredi, et qui vient s'a- temps et lieu. Mais il est temps, dans la pro- jouter à celle de la construction de Québec. Il y vince de Québec, que les centrales syndicales a aussi une tendance, du côté de la Gaspésie, comprennent leurs responsabilités. Ce n'est pas dans la construction, grève qui fait suite aux à mettre des anneaux dans le nez des patrons mêmes principes. « On fait une grève sur les qu'on réussira à établir de bonnes relations pa- bureaux de placement ». On déplace le pro- tronales-ouvriêres. Les patrons à genoux en 1769

1969, ce n'est pas mieux que les syndicats à M. BELLEMARE: Oui, enregistrez, parce genoux, il y a dix ans passés. C'est dans un bon que je n'ai pas peur de le répéter en dehors climat, dans un climat de bonne relation que le de la Chambre autant qu'en Chambre. Il y a ministère a mis ses meilleurs hommes pour une limite à vouloir punir, par des grèves qui tâcher de trouver une solution, mais on n'a vou- sont insensées, tant de monde, tant de person- lu accepter aucune proposition. nes qui payent actuellement pour des grèves de On s'en tient spécifiquement au bureau de pla- prestige. Le ministre a fait toute sa part; son cement qui veut que le patron soit obligé de par ministère et ses meilleurs officiers ont été mis son contrat d'aller chercher les employés au bu- à contribution. Il y a cet après-midi une réu- reau de placement de la centrale syndicale. nion qui, je l'espère, pourra peut-être apporter L'expérience a été vécue aux Etats-Unis et dans certains éclaircissements et surtout une solu- la revue Fortune de décembre 1968, il est dit tion pratique. Je demande cependant aujourd'hui que cela a été une erreur monumentale que d'o- à ceux qui font des déclarations publiques con- bliger les patrons de s'astreindre à aller cher- tre le ministère, l'accusant d'être favorable à cher les employés dans un bureau de placement une caisse électorale, d'être assez courageux d'une centrale syndicale. Tant et aussi longtemps pour accuser personnellement le ministre. qu'on voudra apporter à la table des négocia- tions si peu de collaboration, le ministère, le M. LESAGE: Jusqu'à quel point êtes-vous ministre, ses officiers ou qui que ce soit, ne contre une caisse électorale? pourront pas régler le conflit. On a connu un jour des défaites syndicales fort retentissantes M. BELLEMARE: Jusqu'à quel point? Jus- parce que quelqu'un ne voulait pas céder. On a qu'au point où la loi me le défend. C'est clair, connu la grève de la CTM de Montréal où quel- ça? De faire des choses qui soient illégales. qu'un a perdu la face. On a connu celle de la RAQ, où on a imposé $1,200 de perte aux em- M. LESAGE: Est-ce que c'est ça que le pré- ployés pour leur donner un contrat comprenant sident de la CSN a dit? deux heures de plus de travail par semaine 40 heures à 42 1/2 heures. Gros succès syndical! M. BELLEMARE: Non. Il a dit qu'on était On a connu aussi à Montréal la grève de la obligé dans la construction, le ministère du Tra- CECM, la Commission des écoles catholiques vail et d'autres, d'endurer les caisses électo- de Montréal oft tout le bloc de la centrale a rales pour ne pas donner la sécurité d'emploi. sauté après un vote majoritaire des syndiqués. Il y a une limite d'accuser sans preuve et sans avoir en main les documents. M. LESAGE: Les enseignants, si vous vou- M. LESAGE: Quel rapport y a-t-il entre lez, n'y touchez pas, ne gaspillons pas la situa- les deux? tion. M. BELLEMARE: Aucun pour mol. M. BELLEMARE: Je ne parle pas des ensei- gnants. Le chef de l'Opposition n'est pas au cou- M. LESAGE: Non, mais dans l'esprit de rant, c'est la grève des employés manuels de la M. Pepin? CECM à Montréal. M. BELLEMARE: Dans l'esprit de M. Pepin? M. LESAGE: Ne touchons pas l'éducation, Je ne le sais pas. Il aurait pu porter une accu- s'il vous plaît. sation directe. Cela aurait été beaucoup mieux que d'essayer d'empoissonner le public et sur- M. BELLEMARE: Les employés manuels tout d'encourager ces forces qui, actuellement, ont mis dehors leur syndicat après un vote de ne veulent pas de la grève. Allez dans la rue, 400 de majorité. Ce n'est pas tout de s'en al- allez à la télévision et demandez aux gens ce ler sur une île et de brûler ses bateaux en qu'ils pensent de la grève. Je sais que le chef disant: Maintenant, venez me chercher. Ils s'en de l'Opposition est contre aussi parce que lui- viendront à la nage. même en souffre.

M. LESAGE: Je demanderais au ministre M. LESAGE: Ah non! J'ai fait une farce au du Travail de faire attention dans le domaine ministre du Travail. de l'éducation pour ne pas gaspiller le climat qu'on espère vivre cet après-midi. Pour ce qui M. BELLEMARE: Je n'ai rien dit. Ne le est des autres domaines, qu'il dise tout ce qu'il dites pas. Mais une chose reste vraie, c'est voudra, nous enregistrons. qu'actuellement 6,000 employés... 1770

M. LESAGE: Je ne peux pas laisser aller d'emploi est absolument attachée à un service de ça comme ça. bureaux de placement. C'est faux. La meilleure loi, c'est que lorsque nous avons passé le bill M. BELLEMARE: Vous avez une galerie à 290, nous avons dit: Maintenant, à la table des réparer, vous ne pouvez pas attendre. négociations! Toutes les parties contractantes vont y être représentées d'office par la loi. 20% M. LESAGE: Oui, j'ai une galerie à faire pour la CSN, 20% pour la FTQ et le reste pour peinturer. J'ai fait une farce avec cela, et le les patrons qui sont là, les cinq associations pa- ministre du Travail veut s'en servir. Voyons tronales dans la construction. C'est donner la donc! Il faut tout de même être sérieux. parité, c'est respecter la liberté syndicale. Cest permettre surtout des transactions entre eux M. BELLEMARE: Oui, je la prends comme sans maraudage, pour empêcher le chaos qui une farce aussi. existait dans la construction. Mais on veut ab- solument démontrer en face du public que ce M. LESAGE: Cela n'a pas l'air à cela. n'est pas une bonne loi. C'est une loi avant- gardiste, tellement que les ministres des autres M. BELLEMARE: Non? J'ai dit: même le provinces nous ont demandé des détails sur chef de l'Opposition en souffre. Qu'est-ce qu'il notre loi. Il y a une grève à Toronto qui dure dans y a de mal à cela? la construction. Il y a 1,100 patrons qui ont fait le « lock out ». Cela représente des millions M. LESAGE: Peut-être que j'en souffre et des millions par jour. Ils ont des difficultés moins que vous pensez, parce que cela va me extraordinaires dans la construction. permettre de payer plus tard. Nous, ce n'est pas cela. Nous avons un pro- blème sur un point, les bureaux de placement M. BELLEMARE: Il y a 6,000 employés en syndicaux. Imaginez-vous, faire une grève pour grève, à cinq personnes attachées à ces 6,000 cela, sur la sécurité d'emploi en disant aux personnes. Cela fait 30,000 personnes qui en employés: si vous votez en faveur d'un décret souffrent. Pourquoi? Pour un bureau de place- nouveau, vous allez voter contre vous autres, ment. Imaginez-vous donc! On ne lutte pas pour parce que la sécurité d'emploi est attachée à un des conditions de salaires, pour des conditions bureau de placement syndical. C'est faux! normatives, pour des heures de travail. On lutte Il y a dans la loi 290 un article spécifique, pour un bureau de placement, en disant que où un comité mixte doit être formé pour trouver cela va être la sécurité d'emploi. Cest faux. la meilleure solution. Je dis à Marcel Pepin que La sécurité d'emploi sera établie en autant qu'il le ministre du Travail n'a aucune raison de re- y aura du travail à donner. Ce n'est pas plus une culer. C'est clair. Il y a la loi, lui comme d'au- sécurité d'emploi quand un patron donne $0.10 tres devront s'assujettir à cela. S'il veut con- ou $0.20 de plus à un employé, quand il n'a rien tinuer à faire une grève de prestige dans la pro- à faire, quand... vince de Québec, Dieu sait! qui sera responsa- ble. Ce ne sera pas le ministre du Travail. M. LAPORTE: Sommes-nous dans un débat ou une déclaration ministérielle? M. LESAGE: Pourrais-je faire une demande pressante au ministre du Travail? M. BELLEMARE: Il m'a demandé de répon- dre aux trois questions ensemble. M. BELLEMARE: Oui.

M. LAPORTE: Je comprends. M. LESAGE: Pourrais-je lui demander de s'abstenir de venir au comité des enseignants M. LESAGE: Vous êtes dans la construction. en bas? Dans l'état d'esprit où il est cet après- Vous n'avez pas touché à la Cote Nord, ni aux midi... garages. M. BELLEMARE: Je suis de bien bonne hu- M. BELLEMARE: Cela a été un petit peu meur. plus long. Il y a des choses sérieuses qu'il faut dire publiquement aujourd'hui. Il y a des décla- M. LESAGE: Cela ne paraissait pas. rations qui sont faites par des gens qui croient cela comme du bon vent. Ils disent: Oui, c'est M. BELLEMARE: J'ai passé quelques nuits vrai, une caisse électorale. Imaginez-vous donc! de longues heures. J'ai une capacité qui a dimi- Lancer cela à travers le public. La sécurité nué énormément. 1771

M. LESAGE: Cela ne paraît pas. pas été violent. J'ai été énergique, j'ai dit des choses qui doivent être dites, pas mollement M. BELLEMARE: Je n'ai pas autant de force mais comme je les entends. Ce sont des prin- qu'autrefois mais, qu'importe, pour servir la cipes auxquels je crois. Les relations patro- cause, le mandat que je représente, je suis en- nales-ouvrières sont tendues, difficiles, mais core disposé à travailler. je ne pense pas qu'on puisse les améliorer en faisant des déclarations aussi peu responsables, M. LESAGE: Pas trop. quand on les fait avec une intention aussi mar- quée de ne pas dire toute la vérité. C'est facile M. BELLEMARE: Tous mes employés peu- d'accuser tout un groupe et de dire: Monsieur, vent vous donner l'assurance qu'il n'y a rien de c'est à cause d'une caisse électorale. négligé, pas plus sur la Côte-Nord où il y a actu- ellement un grave problème que pour les gara- M. LESAGE: Est-ce que j'ai bien compris gistes où il y a un « lock out », pas plus que ce que le ministre vient de dire, c'est-à-dire qu'il vient d'accuser M. Pepin de ne pas avoir dans la construction où il y a un problème qui dit la vérité? est absolument d'une grande importance. Nous essayons de trouver... M. BELLEMARE: Si. M. LESAGE: Les garagistes? M. LESAGE: Le ministre vient d'accuser M. Pepin... M. BELLEMARE: Nous avons eu une réunion la semaine dernière. Nous tachons de rapprocher les parties. Ce n'est pas facile de les amener M. BELLEMARE: Quand les personnes en à une table. Quand elles y sont, ce n'est pas fa- autorité ne disent pas toute la vérité, est-ce cile de les y garder. Vous savez ce que c'est de que le chef de l'Opposition veut dire que c'est faire, entre les parties, les ententes pour les M. Pepin? amener à la table de conciliation. Mais quand elles y sont rendues, elles se demandent: Que M. LESAGE: Je ne sais pas, je vous le de- fait-on ici? Qui va céder? Qui va lâcher? En mande. tout cas, une chose est certaine, c'est que nous avons déjà un travail de fait. M. Jodoin, qui est M. BELLEMARE: Si vous pensez... un de nos meilleurs conciliateurs, un de nos bons conciliateurs, s'en occupe comme M. Mi- M. LESAGE: Tout à l'heure, le ministre a reault, le sous-ministre du Travail. attaqué directement M. Pepin. Quand il parle de personnes en autorité... M. LESAGE: L'écart est-il encore très grand? M. BELLEMARE: Oui.

M. BELLEMARE: Pardon? M. LESAGE: ... c'est à lui qu'il pense?

M. LESAGE: On n'a pas commencé à com- M. BELLEMARE: Oui, quand je dis que M. bler l'écart en aucune façon. Pepin n'a pas dit toute la vérité. Je n'ai rien à retirer, surtout quand on a eu l'exemple des trois autres grèves où il a brûlé ses bateaux M. BELLEMARE: Cest-à-dire qu'on n'a et qu'il est resté sur une île. pas commencé à se parler.

M. LESAGE: Ah, c'est pire. J'espère que, M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province. dans les efforts qu'il fait pour que les parties se parlent, le ministre du Travail et de la Main- M. PAUL: M. le Président, avec le con- d'Oeuvre est moins violent qu'il l'a été tantôt. sentement de la Chambre, je voudrais revenir, si possible, à l'article des motions non annon- M. BELLEMARE: Violent? Le règlement cées afin qu'à la commission des Richesses na- dit qu'on peut être énergique sans être violent. turelles, le nom de M. Dozois soit substitué à celui de M. Gagnon. M. LESAGE: Je n'ai pas invoqué le règle- ment. M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t- elle adoptée? M. BELLEMARE: Non, parce que je n'ai Adopté. 1772

Affaires du jour. M. LAPORTE: J'ai dit que certains travaux qui ont été préparés à l'époque où j'étais minis- M. BERTRAND: Article 1, M. le Président tre, apparemment, sont devenus lettre morte depuis. Je dis que la langue française au Québec Comité des subsides peut être considérée comme un parler régional, qui, de surcroît, est anglicisé. Il est certain que M. LEBEL (président): L'honorable pre- de très nombreux auteurs et de très nombreux mier ministre propose que je quitte maintenant linguistes ont fréquemment tenté de comparer la le fauteuil et que la Chambre se forme de nou- situation qui prévaut en France quant à l'utilisa- veau en comité des subsides. tion d'un nombre croissant de mots anglais et la Cette motion sera-t-elle adoptée? situation au Québec. Adopté. Il y a des linguistes de qualité qui sont dispo- sés — et qui le font presque chaque semaine à la M. BERTRAND: La commission parlemen- radio — à accepter tous les termes, tous les vo- taire de la présidence du conseil siégera en cables anglais, à la condition qu'ils soient accep- bas pour l'examen du problème des enseignants. tés en France. Je pense que la situation est bien différente M. BELLEMARE: Je regrette de ne pas ici. Bien que l'on s'inquiète de la situation, les pouvoir y assister. Français assimilent certaines expressions, les francisent et enrichissent parfois la langue fran- Crédits du ministère des Affaires culturelles çaise de ces vocables, alors qu'ici, à cause du passé, à cause de la qualité douteuse de notre M. PLAMONDON (président du comité des enseignement au cours des cent dernières an- subsides): Alors, article 2. nées, à cause de la proximité d'éléments anglo- saxons très puissants dans tous les domaines, M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- il est bien sûr que notre langue ne s'enrichit dent, nous en étions à l'Office de la langue fran- pas au contact des vocables anglais, mais s'ap- çaise. Le député de Chambly avait la parole. pauvrit et se corrompt. Il reste que l'anglicis- me est loin d'être le péché capital; nous souf- M. LAPORTE: M. le Président, au chapitre frons dans notre syntaxe, nous souffrons dans de l'Office de la langue française, je voudrais notre morphologie, bien plus que dans notre vo- faire un certain nombre de remarques que je cabulaire qui, de toute façon, est lamentablement veux aussi brèves que possible et aussi longues pauvre. que nécessaire. La langue française, parler régional québé- J'ai déclaré jeudi, je pense, lorsque nous cois, est un facteur d'isolement du Québec à une avons abordé ce poste du budget, que l'état de époque où nous tentons, par tous les moyens, de la langue française au Québec n'a rien de par- déborder nos frontières pour établir des rela- ticulièrement réjouissant. M'inspirant de cer- tions avec les autres peuples d'expression fran- tains travaux qui ont été préparés pendant que çaise du monde. Car, cette langue, qu'on veuille j'étais ministre des Affaires culturelles et se le cacher ou non, qu'on ait la pudeur de la après, mais qui, apparemment, sont devenus situation ou pas, est un facteur d'isolement et lettre morte au ministère l'on peut dire que la ne peut servir qu'imparfaitement de moyen de langue française au Québec... communications avec le monde francophone et avec les étrangers qui ont appris le français M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quoi? universel. Je crois que l'une des choses qui nous ont M. LAPORTE: M'inspirant de certains tra- le plus desservies dans le passé, c'était cette vaux qui ont été préparés alors que j'étais théorie voulant que nous soyons, au Canada ministre... français, en voie de créer une langue nouvelle comme si, d'abord, nous étions justifiés d'a- M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je m'excuse, voir ce désir, si jamais nous l'avons eu, et M. le Président, mais c'est parce que je n'ai pas deuxièmement, si nous en avions la force. Tou- compris le député de Chambly. Le député de tes ces choses ont été dites pour nous empê- Chambly a-t-il dit que l'Office de la langue fran- cher de comprendre suffisamment tôt que no- çaise était devenu lettre morte? tre langue était tout simplement en train de se détériorer rapidement. M. LAPORTE: Non. Nous ne parlons pas ici le français univer- sel — je parle en général, il y a heureusement M. TREMBLAY (Chicoutimi): Excusez-moi. des exceptions nombreuses — nous ne parlons 1773 pas le français universel qui n'a qu'une syntaxe, inscrire dans son programme électoral des cho- qu'un vocabulaire fondamental qui peut s'enri- ses qui plaisent à l'oreille, célébrer les vertus chir de certains néologismes, mais nous par- de la langue française, ou veut-on, véritable- lons le franco-canadien. Je pense bien qu'il n'y ment, quotidiennement, poser les gestes durs, a pas lieu pour nous de souffrir de complexes, les gestes d'autorité qui seront nécessaires si nous avons mille raisons pour expliquer et jus- nous entendons, nous Canadiens de langue fran- tifier cet état de choses, mais nous devons ces- çaise, parler autre chose que le franco-québé- ser de nous vanter de cela et de trouver des cois? expressions pour nous donner bonne conscien- Nous avons tous les quatre ans des élans ce. subits, un petit peu comme notre semaine de La situation étant telle, il appartient très bon parler français dans nos collèges d'au- clairement au pouvoir public de prendre les trefois, puis nous retombons dans nos vieilles mesures nécessaires pour assurer le dévelop- habitudes collectives. Je pense que c'est le phi- pement normal de la langue française. Nous losophe Maze Censier qui disait que l'on a une avons depuis — mon Dieu! remontons aussi loin fois dans sa vie l'occasion d'être un héros mais que mes souvenirs me ramènent, admettons une qu'on a chaque jour l'occasion de ne pas être trentaine d'années — nous avons périodiquement lâche. Je voudrais qu'il en soit ainsi pour la entendu des exposés remarquables sur la néces- langue française; que nous cessions d'être des sité d'agir. Certains individus ont posé des ges- héros passagers et que nous recherchions col- tes qui partaient d'un excellent naturel, faisaient lectivement deux objectifs: Faire du français la preuve d'une immense bonne volonté, mais qui langue prioritaire au Québec, définir le terme, ne s'attaquaient qu'à l'extérieur, à la surface; prendre les mesures pour que ce soit vrai et, les campagnes de bon parler français. On se deuxièmement, assurer la normalisation pro- souvient ici, à Québec, des campagnes du juge gressive du français écrit et parlé. Rivard, on se souvient, à Montréal, de la So- Langue prioritaire: Il est temps, je crois, que ciété du bon parler français, qui existe encore, les partis politiques se définissent pour que je pense. Qu'ont produit tous ces efforts? Sans tous les citoyens du Québec, pour que tous nos doute quelques chevaliers, quelques décorés, compatriotes du Canada sachent exactement où quelques personnes qui ont tenté de corriger la nous allons. Ceci non seulement « peut avoir », situation, mais en réalité, absolument rien de mais « a » des répercussions très profondes fondamental n'a été changé. La langue françai- non seulement sur les relations entre les grou- se au Québec, loin de s'améliorer, a continué à pes ethniques, mais dans tous les domaines: do- se détériorer. maine économique, domaine des relations cul- Rappelons-nous l'époque de nos études au turelles, etc. Nous sommes prêts, sans hésita- collège, pour bien illustrer la sottise bienveil- tion, à reconnaître que le français et l'anglais lante de ces attitudes. Nous avions, une fois doivent continuer, au Québec, à jouir du statut l'an la semaine du bon parler français. Depuis de langues officielles. Cela doit continuer, à mon le lundi jusqu'au dimanche, il y avait entre les avis — c'est là que nous nous définissons — sans élèves ou la majorité d'entre eux, un effort hésitation. Mais le gouvernement du Québec de- presque surhumain pour bien parler le fran- vra trouver les moyens d'assurer au français çais. Arrivé à la fin de semaine, au dimanche, un statut qui corresponde à son rôle de langue on décernait des rubans, on décorait quelques de la majorité, c'est-à-dire un statut de langue élèves qui avaient fait un effort plus évident prioritaire. que les autres, j'imagine, et le lundi, nous re- Mais qu'est-ce que cela signifie? On nous a venions naturellement avec joie, avec satisfac- demandé fréquemment: Qu'est-ce que veut dire tion au bon vieux « jouai » qui avait cours dans l'expression langue prioritaire? On nous l'a de- toutes nos classes au collège. mandé à notre congrès de l'automne dernier; Il faut renoncer à ces moyens extérieurs. chaque fois que nous avons l'occasion de ren- Jamais, jusqu'ici — et j'ai été ministre pen- contrer des groupes de langue anglaise, ils nous dant quelques années — je dis jamais l'Etat ne interrogent d'abord sur cette question, nous de- s'est décidé à poser les gestes nécessaires. vons leur fournir une réponse aussi claire que Je pense que la première conclusion que l'on possible. Qu'on me permette une définition que puisse tirer, si l'on veut en arriver à des résul- je n'ai pas inventée mais qui correspond aux tats, c'est que sans l'intervention vigoureuse sentiments que j'entretiens sur cette question. et réfléchie de l'Etat, il serait illusoire d'aspi- Qu'est-ce que cela signifie? Comme langues of- rer à restaurer le français au Québec. Tout le ficielles, le français et l'anglais seront sur un problème est de se poser la question: Veut-on, pied d'égalité du point de vue de l'Etat. Toutes d'élection en élection, chaque parti politique, les personnes et toutes les institutions auront 1774 le droit de communiquer entre elles, légale- Taché qui disait à ses ouailles au Manitoba: ment, dans l'une ou l'autre langue. Les débats « Puisque vous devez parler l'anglais, mon parlementaires, les clauses portées devant les Dieu, parlez-le, mais parlez-le mal. » Je ne tribunaux pourront être instruits dans l'une ou pense pas que ce soit un enrichissement pour l'autre langue. Les citoyens d'expression fran- la langue française ou une protection que de çaise et d'expression anglaise disposeront d'un recourir à de tels moyens. Quand les droits système complet d'enseignement dans leur lan- des deux langues seront reconnus dans les do- gue respective. Ces systèmes recevront de maines que je viens d'énumérer, l'Etat devra l'Etat un appui proportionnellement égal. donner au français un statut de langue priori- Autrement dit, le Québec devrait s'abstenir taire, et nous l'atteindrons le jour où la langue clairement de bâtir la vie de la langue françai- française sera la première langue de pensée, se sur la disparition d'une autre langue, parce d'expression et de communication dans toutes qu'il ne m'apparaît pas nécessire de le faire, les activités collectives de la majorité franco- il m'apparaît injuste de l'imaginer et il m'ap- phone. paraît utopique de l'entreprendre. On peut bien se quereller mutuellement sur J'ai rencontré des jeunes étudiants du CEGEP, un texte qui vient d'être signé, un contrat avec quelque part dans le bas du fleuve, et ils m'ont la compagnie Churchill Falls. La réalité c'est dit qu'ils voulaient faire, eux, du français, la que, là encore, nous n'avons pas eu la volonté langue unique au Québec. Je leur ai dit: Si c'est même d'y penser probablement, nous n'avons là votre sentiment, mon Dieu, lorsque vous au- pas eu une volonté suffisamment résolue pour rez la majorité, d'accord, mais vous deviendrez faire comprendre à ces messieurs qui ont ac- à trente ans, à trente-cinq ans, les clients les cepté de très nombreuses conditions pour fai- plus recherchés de la maison Berlitz parce que re traverser notre territoire à leurs pylônes, vous constaterez que la langue anglaise, vous qu'il y a une autre condition: que le texte fran- en avez fondamentalement besoin, alors que le çais et le texte anglais soient exactement sur monde entier, pas seulement l'Amérique, opte le même pied et que les deux soient signés en pour la langue anglaise comme langue seconde; même temps. alors que les ordinateurs, même en France, Est-ce qu'on peut imaginer qu'après avoir dans le monde entier, parlent anglais; alors que, discuté pendant cinq ans, après s'être entendu dans quelques années, nous déborderons les ca- sur des clauses pécuniaires extrêmement com- dres de nos universités — et je ne parle pas du plexes où la négociation a été menée pardes vé- Québec, je parle du monde entier — que les ritables experts, alors qu'il était acquis que l'on frontières nationales n'existeront plus pour cer- avait infiniment besoin de l'électricité de Chur- taines richesses culturelles; alors que les gran- chill Falls, la dernière source majeure d'élec- des universités du monde, les grandes biblio- tricité dans cette partie du Canada, à l'excep- thèques seront reliées par des ordinatrices qui tion de la baie James où ce serait probable- parleront probablement anglais, est-ce que nous ment ruineux d'aller chercher de l'électricité, avons la force, nous citoyens français du Qué- ils auraient refusé la dernière condition à l'ef- bec, de dire non à l'anglais? fet que le texte du contrat soit signé en même N'allons pas commettre la sottise de refuser temps dans les deux langues? Je ne peux pas le bilinguisme en imaginant que le refus du bi- l'imaginer. L'Etat devra voir à ces choses. Est- linguisme enrichit notre propre langue. Je ne ce capital, fondamental, décisif? Non. Mais c'est vois aucune relation entre les deux. Le prési- un symbole. Si on n'a pas pu, alors que c'était dent international de la maison IBM, M. Mai- probablement possible, qu'est-ce que ce sera sonrouge, est un français. Il parle admirable- quand il faudra véritablement poser des gestes ment le français et l'anglais, et comme, chez beaucoup plus rigoureux que celui-là? lui, chez le peuple dont il fait partie, il n'est Première langue de pensée, d'expression et pas question de complexe d'infériorité dans ce de communication dans toutes les activités col- domaine, et pour cause, il n'a pas l'impression lectives de la majorité francophone. Lorsque de s'appauvrir, de mettre sa propre langue en nous nous serons débarrassés collectivement danger en apprenant et en possédant très bien de notre désir de vengeance, de notre goût de la langue anglaise. Je voudrais que nous nous nous soulager les nerfs sur l'autre groupe débarrassions au Québec de ce complexe d'in- ethnique, mais que nous aurons conservé ou dé- fériorité, qui se justifie, mais parce qu'il se veloppé chez chacun d'entre nous le désir de justifie, allons-nous le traîner avec nous jus- faire du français une langue prioritaire et le qu'à la fin des temps? désir d'assurer la normalisation de notre lan- J'ai apprécié quand j'étais jeune, j'ai accep- gue parlée et écrite, nous aurons parcouru un té, j'ai trouvé drôle l'expression de monseigneur chemin important. 1775

Langue normalisée. L'Office de la langue ciels du ministère de l'Education, n'ait relevé française — et je le dis au ministre qui, je l'es- une aussi grossière erreur. père, sera en mesure de me contredire — dont il faudrait, pour la prochaine décennie — pro- l'influence malheureusement semble décroî- bablement pour les prochains vingt-cinq ans — tre sur le gouvernement actuel, devrait et pour- un effort collectif majeur à tous les niveaux, et rait assumer la tâche d'implanter au Québec le je dis coûte que coûte, financièrement ou autre- français commun. Il faudrait doter cet orga- ment. On a dépensé — mon Dieu! gardons le dé- nisme de cadres qui puissent lui permettre d'é- bat au niveau où je tente de le placer — disons laborer une doctrine et de prévoir des moyens que l'on dépense parfois, pour des choses moins d'action. Cela ne sera pas facile. Je le sais nécessaires, moins fondamentales, des sommes d'expérience. Je sais que, de la même façon considérables. Il va en coûter très cher aux malheureusement qu'au collège on accueillait Québécois de revaloriser leur langue, ne serait- avec des sarcasmes l'élève qui parlait mieux ce que la remise à jour de notre législation, français que d'autres, de la même façon, l'Of- ne serait-ce que l'effort qu'il faudra faire au- fice de la langue française, dans les services près des enseignants, des élèves, des syndicats administratifs de l'Etat qui, par ses partis po- ouvriers, etc, coûte que coûte, pour revalori- litiques, se vante de vouloir donner la priorité ser notre langue, parlée et écrite, autrement à la langue française, est accueilli avec scepti- — et personnellement je le crains — nous cou- cisme, comme quelqu'un qui vient déranger ou rons le risque que se réalise la sombre prédic- compliquer la vie. C'est déjà tellement comple- tion de M. Jean-Marc Léger: « Dans un demi- xe, l'administration. C'est déjà tellement com- siècle — a-t-il — au rythme où vont les cho- plexe de faire de la législation. Il faudrait, de ses, nous ne comprendrons plus les autres par- plus, sortir de bonnes vieilles habitudes qui sont lants français du monde, et ils ne nous com- devenues une espèce de vêtement auquel on s'est prendront pas. » habitué pour accepter les diktats, les conseils ou Tels sont les principes que nous devrions les suggestions de l'Office de la langue fran- nous décider à défendre. Le gouvernement actuel çaise. Hélas! on n'accepte pas. Ce sera un com- — et je le lui reproche avec force — paraît bat très dur et qu'il faut entreprendre. Il faut s'être contenté jusqu'ici de déclarations inté- corriger et épurer la langue administrative, la ressantes, mais plus sonores qu'efficaces. langue juridique, la langue législative et la lan- J'ai lu — et je devais en citer quelques ex- gue parlementaire. Je ne me réfère pas aux par- traits — un discours fort intéressant du minis- lementaires eux-mêmes qui sont — j'en suis tre des Affaires culturelles à l'inauguration des probablement un excellent exemple — victimes services de la langue française de Montréal de tout ce système dans lequel nous avons vécu, et de l'Outaouais. Comme j'imagine qu'il se de l'éducation qui a été la nôtre, mais je parle souvient de ses propos, je n'insiste pas, sauf de la langue parlementaire, de celle qu'on utili- pour lui dire qu'entre ce qu'il prêche et ce qui se dans notre législation. Il faudrait que l'on ac- est la réalité, je ne vois, hélas! pas de commu- cepte collectivement de poser les gestes néces- ne mesure. Je ne reviendrai pas sur l'exemple saires. Il faudrait que l'Office — de la langue de 1'Hydro-Québec, mais je vais insister, pen- française là, ça va être extrêmement délicat, dant quelques minutes, sur un document — et parce que, dans une certaine mesure, ce sont des je vais poser la question au ministre: Comment gens qui se croient en parfaite santé linguisti- un pareil document a-t-il pu devenir la règle que — devienne omniprésent au Québec et qu'en d'usage dans la province de Québec? — qui au- collaboration avec les services concernés pren- rait dû aller à l'Office de la langue française. ne les dispositions pour que soit améliorée la Je parle du règlement général découlant de qualité du français chez les enseignants. la Loi sur les hôpitaux, qui a été promulgué Est-il imaginable, si l'on veut atteindre un le 31 janvier 1969, et qui a paru le 15 mars objectif, au Québec, qu'il y a cinq ou six semai- dans la Gazette officielle du Québec. Quelques nes, peut-être un mois ou deux, une institutrice minutes sur ce problème. Je tiens ces rensei- ait été interviewée à un programme de la radio gnements, qui sont d'une certaine façon publics, d'Etat ou de la télévision d'Etat pour expliquer du docteur Georges Desrosiers, qui est prési- qu'elle, dans sa classe, elle utilisait le « jouai », dent, je pense, du comité d'étude des termes ou si vous voulez, le français le moins châtié, de médecine. L'on a demandé à ce comité des parce que cela pouvait, chez ses élèves, créer conseils pour la préparation de ce règlement. des complexes de leur enseigner brusquement Le Dr Desrosiers et son équipe ont fait un tra- une langue qui correspondait si peu à leurs ha- vail extraordinairement fouillé, intéressant, dont bitudes. Je m'étonne que personne, jusqu'ici, à apparemment l'on n'a tenu aucun compte. la commission scolaire, dans les services offi- Je vous donne un exemple des vieilles habi- 1776 tudes dont on ne veut pas se débarrasser. Il a que nous devrons refaire un jour. Pourquoi aller été suggéré que le Collège des médecins et chi- demander au médecin, à l'avocat, à l'ouvrier de rurgiens de la province de Québec devienne cesser de parler de Collège des médecins, de — comme cela aurait toujours dû être le cas — cesser de parler de la corporation municipale l'Ordre des médecins et chirurgiens de la pro- en lui expliquant que ce n'est pas français quand vince de Québec. On n'en a tenu aucun compte. il nous dit: L'Etat lui-même n'a pas le courage A l'époque où nous avions la responsabilité d'entreprendre cette réforme extrêmement com- de l'administration, nous avions demandé à cette plexe. commission, à ce comité linguistique de nous Je m'excuse de toujours citer les deux mêmes faire des recommandations. Voici ce qu'il en exemples. Qu'ont-ils fait en Turquie lorsque est advenu. Loi des hôpitaux: On avait suggéré sur une période d'une génération, Ataturk a trou- que cette loi devienne Loi sur les hôpitaux ou vé un peuple moyenâgeux par le vêtement, par Loi sur les établissements hospitaliers. J'ai la langue, par l'alphabet, par l'arithmétique et parlé du collège. Bureau médical... a décidé d'en faire un peuple moderne? Il a été obligé à un moment donné — j'espère que cet M. PAUL: L'honorable député me permet- édit n'a jamais eu d'application — de menacer trait-il une question sur ce point précis? de mort certaines personnes qui ne voulaient pas respecter la loi. M. LAPORTE: Oui. On a fait un effort collectif. Aujourd'hui, ça peut nous causer, à nous, Nord-Américains, M. PAUL: Ne devait-on pas tenir compte de une certaine tristesse de ne pas retrouver, en l'acte constituant la corporation du Collège des Turquie... Mais, il a pris un peuple du Moyen médecins, de la loi qui dit que les médecins Age et il l'a fait entrer, en une génération, dans sont réunis dans une corporation qu'on appelle l'ère moderne. Vous avez, en Israël, des immi- collège et non ordre? N'est-ce pas probablement grants venus de 55 pays différents après la guer- ce qui a empêché le comité chargé de la tra- re de 1948. Une infinité de langues et de cultu- duction d'appliquer un terme qui en soi est res et de peuples. Le gouvernement d'Israël a sûrement plus français, pour respecter une loi décidé que la seule langue officielle au pays, que nous retrouvons dans nos statuts? c'était l'hébreu biblique, pas le yiddish qui est parlé à peu près partout dans le monde et qui M. LAPORTE: M. le Président, précisé- est une déformation de la langue hébraïque. ment tout ce que j'ai tenté d'exprimer jusqu'ici, J'avais rencontré un jeune couple — un in- c'est que quand nous légiférons, quand nous pré- génieur et sa femme — de 35 ou 38 ans, bos- parons les règlements de plus en plus nombreux tonnais, établi en Israël; ils me racontaient la qui sont attachés à nos lois, quand nous utilisons peine inouïe qu'ils ont eue à apprendre l'hé- des procédures devant nos tribunaux, nous som- breu. Vous avez, aujourd'hui, tout un peuple, mes obligés de tenir compte de trop de choses. venu encore une fois des quatre coins du mon- C'est précisément ce que je veux dire quand de, qui parle hébreu. On a dû créer, en Israël, j'affirme qu'un jour un gouvernement devra se une académie spéciale pour former des mots décider à ne plus tenir compte de rien du tout nouveaux; cela a demandé un effort inoui. et à rebâtir. Si nous ne sommes pas décidés, nous, Ca- Nous avions tenté — je le rappelais au mi- nadiens français, mutatis mutandis, à poser nistre il y a quelques jours — de commencer les mêmes gestes, inutile de songer à revalo- par les « corporations ». La corporation n'est riser notre langue; nous allons continuer à par- française que dans sa vieille acception: un grou- ler le français pendant plusieurs générations, pe d'hommes de même métier qui se réunissent mais ce sera une langue de plus en plus inau- pour défendre leurs intérêts économiques, cul- dible pour les autres Français du monde. turels et autres. La corporation municipale, la Vous savez qu'aux Etats-Unis le français corporation scolaire, sont des inventions pro- est en voie de disparaître. Cela n'est pas faci- prement nord-américaines chez nous. le à tuer, une langue. Je suis allé, il y a deux Lorsque nous avons voulu — disons à ma sug- ou trois ans, chez nos amis franco-américains gestion très vive — revoir cela, on a dit: C'est et, à ma grande surprise, il y a encore plus de tellement complexe que nous avons une frayeur cent paroisses en Nouvelle-Angleterre où tout normale qui nous empêche de tout rebâtir parce se fait en français, à l'église, le dimanche. que nous allons aller jusque dans les vieux plu- Pourtant, ces gens sont complètement coupés mitifs. Nous allons être obligés de revoir nos de leur source. Il est clair que, dans 100 ans tribunaux, de revoir toutes nos administrations ou dans 125 ans, le français sera disparu des municipales. Eh oui! Je dis que c'est cet effort Etats-Unis. Est-ce l'objectif que nous recher- 1777

chons au Québec? Au lieu de prendre 100 ou média d'information; maintien des standards 125 ans, ça prendra un peu plus ou un peu moins professionnels; et, M. le président, il y en a une de temps. vingtaine de pages pour un seul document. Ce M. le Président, je continue. « Bureau mé- qui fait dire, avec beaucoup de nostalgie, à ce dical » est une traduction littérale de « medical pauvre docteur Georges Desrosiers: « Cha- board ». « Comité exécutif »; cela aurait dû cun sait que le gouvernement du Québec n'a pas s'appeler le « bureau ». Les « officiers »; de politique linguistique. Il n'en a pas pour l'en- nous qui sommes le peuple le moins militaire semble du territoire et il n'en a pas non plus du monde, nous sommes peut-être le peuple pour lui-même, ce qui veut dire qu'au sein de où il y a le plus d'officiers: officier des rela- l'administration, les fonctionnaires jargonnent tions extérieures, officier de ceci, officier de depuis toujours à leur aise et que les textes de la compagnie. Ce devrait être tout bonnement toute nature qui émanent des différents services — je le dis ici — les « membres du bureau », gouvernementaux continuent à être rédigés, les « dirigeants du conseil des médecins ». pour la plupart, en petit nègre. » Evidemment, nous ne pouvions pas y échapper, Nous avons chez nous l'Office de la langue le mot « corporation » apparaît. « Le mot française depuis 1961 ou 1962, et mon dernier corporation, dit le mémoire, est un autre de exemple, c'est cette magnifique campagne de ces mots anglais qui sont omniprésents dans publicité, les pavés que nous avons lus dans les textes juridiques de la belle province com- tous les journaux, lus sur tous les panneaux- me des verrues sur le nez d'une jolie femme, réclame, entendus dans des chansons genre mais la puissante caste des juristes de tout la Bolduc, « Québec sait faire ». poil — je salue l'arrivée de mon confrère avo- Je ne ferai pas l'analyse détaillée de cette cat — y tient plus qu'à la prunelle de ses yeux, campagne, je sais que mon collègue, le député ce qui prouve que les colonisés auxquels le co- de Gouin, s'y est référé il y a quelque temps. lonisateur consent à donner quelques miettes La seule expression « Québec sait faire » est s'attachent à lui comme un parasite s'attache l'illustration même d'une réalité; En matière à son hôte. » de linguistique, Québec ne sait pas faire! La « Infirmière licenciée », Des licenciés, province de Québec a payé $400,000, comman- nous en avons également un très grand nombre; dé directement des réclames: $400,000 pour nous avons des épiceries licenciées, des avo- populariser une formule qui est une traduction cats licenciés, peut-être, mais, dans le vrai littérale d'une expression anglaise. sens du mot, ils n'aimeraient pas ça. On aurait Il y a lieu de se demander — et je pose la dû utiliser l'expression très française « infir- question au ministre, j'imagine qu'il n'a pas mière autorisée ». « Charte »; on verra, dans la réponse, mais d'autres de ses collègues le Dictionnaire des difficultés de la langue pourront me répondre — nous avons l'impres- française qu'il serait souhaitable de le rempla- sion que la campagne « Québec sait faire » a cer par « acte constitutif ». été pensée, rédigée, préparée en anglais et « Partie préliminaire ». Pour des médecins, ensuite traduite, vaille que vaille, pour con- je me demande quelle interprétation ils ont pu sommation par les indigènes de langue fran- donner à cette expression « partie préliminai- çaise du Québec. M. le Président, voilà trois re », quand on parle de préambule d'une loi. exemples et c'est pour cela que je dis que « Règles et procédures », je ne vois aucune l'Office de la langue française semble perdre relation entre les deux; il s'agit des façons de de son autorité au Québec. Et je pose la ques- faire, des méthodes établies par les différents tion suivante au ministre: Le ministre n'est-il services de l'hôpital et mises en application pas intéressé — ce qui m'étonnerait — le mi- systématiquement, dans des instructions don- nistre est-il négligent ou n'a-t-il pas l'influen- nées. ce nécessaire pour faire triompher son point M. le Président, je ne voudrais pas dévorer de vue? indûment le temps de cette Chambre. Je vous J'ai dit que les partis politiques ont signale quelques autres expressions inappro- de prendre position clairement. Nous l'avons fait, priées: classification; assemblées régulières et nous du parti libéral du Québec, avant les élec- spéciales délai de convocation; jour non juridi- tions de 1966. C'est nous qui, les premiers, que; comité exécutif; votation; le terme sera dans des conditions très délicates, très diffici- de trois ans — nous avions partiellement réus- les, avons commencé à structurer une politique si à le chasser pour employer le seul mot de français prioritaire. Le seul fait de sa nou- français, qui est mandat, et il est réapparu avec veauté nous a valu des critiques très nombreu- beaucoup de vigueur; directeur; sujet de la ses, même venant de milieux de langue françai- réunion; maintenir à date; comité de régie; se. Pendant les élections, nous avons publié 1778 et distribué aux quatre coins de la province un le savoir. L'Union Nationale s'est laissé balot- texte clair. Nous avons révélé nos batteries: ter — depuis un an particulièrement — sur ce « La langue française deviendra au Québec la problème épineux de la langue. Qu'on se rap- principale langue de travail et de communica- pelle le problème de Saint-Léonard; qu'on se tion. De plus, pour que le Québec ait véritable- rappelle le problème de Matagami; qu'on se ment un visage français, l'affichage public, sous souvienne de ce bill qui a été proposé, retiré, toutes ses formes, devra accorder une place reproposé, référé à une commission et puis prioritaire à la langue française ». finalement enterré. Je ne voudrais pas prendre l'habitude de Qu'on se rappelle les divergences d'opinion m'attribuer des mérites qui ne m'appartiennent entre les membres du conseil des ministres sur pas, mais dans le domaine de la lutte pour le cette question fondamentale, alors que les uns français prioritaire, disons que ce que nous poussaient dans une direction et que les autres avons pu réaliser, j'y al participé quotidienne- tiraient dans l'autre. Pendant que l'Union Na- ment et parfois à mes risques et périls. Depuis tionale caresse la chèvre et le choux dans ce les élections et la perte du pouvoir, nous avons domaine, pendant que le premier ministre et le été balottés de droite à gauche sur cette ques- ministre de l'Education se contredisent, l'Offi- tion et nous nous sommes finalement entendus ce de la langue française — je le regrette infi- avec les 2,000 congressistes, à l'unanimité niment — ne joue pas le rôle qui devrait être moins une personne. Une personne qui, après le sien, et le français continue au Québec de se le congrès, est venue me dire: Je m'excuse, je dégrader. Dans ce domaine comme dans les n'avais pas tout à fait saisi. Des citoyens de autres, je pense que les Québécois — et je les langue française et de langue anglaise étaient approuve — en ont soupé des mots. Ils veulent au congrès où les discussions ont duré deux de l'action. jours dans un des ateliers les plus intéressants Je demande au ministre de nous dire, lui qui auquel il m'ait été donné d'assister de toute ma a la responsabilité première du statut de la vie. langue française au Québec, quels sont ses « Il est résolu que le prochain gouvernement objectifs et quelle est la politique du gouver- libéral soit invité à adopter une politique linguis- nement dont il fait partie. tique basée sur les principes suivants: Premiè- rement, prendre les moyens nécessaires pour M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): L'hono- que le français devienne effectivement langue rable ministre des Affaires culturelles. prioritaire au Québec et les dispositions pour y assurer la normalisation progressive du fran- M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai écouté çais écrit et parlé. Deuxièmement — je voudrais avec beaucoup d'attention le discours, cette fois bien que l'on note la progression, c'est une poli- assez long, mais très intéressant du député de tique dont les paragraphes sont extrêmement Chambly. Ce discours, je n'ai pas besoin d'in- reliés les uns aux autres — garantir aux franco- sister, ne m'a rien appris de neuf. Au fait, il phones du Québec le droit, non seulement théori- était une répétition de celui qu'il avait fait l'an que mais pratique, d'envoyer leurs enfants aux dernier et l'année auparavant, assorti de quel- écoles de leur choix. Troisièmement, reconnaî- ques suggestions qui, j'ose l'affirmer, avaient tre la nécessité, pour les anglophones québécois été puisées à même les propositions que j'ai sans exception, de recevoir, dans les écoles de faites moi-même lors de cette grande réunion leur choix, des cours suffisants en quantité et de la deuxième Biennale de la langue française. en qualité pour maîtriser la langue de la majo- Je ne retiendrai de ce discours... rité. Quatrièmement, le besoin vital par l'édu- cation, par une meilleure information et l'ani- M. LAPORTE: Je tiens à préciser une chose, mation sociale d'amener un nombre croissant si le ministre me le permet. Toutes les sugges- d'immigrants à opter pour la langue et la cul- tions que j'ai faites sont tirées du livre blanc ture française. » Est-ce que je dois imaginer que c'est là que le Telle est notre politique linguistique. Nous ministre avait pris les siennes? sommes disposés à la défendre partout parce que nous jugeons que si on l'analyse dans son M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis très ensemble elle répond à peu près à toutes les heureux justement que le député de Chambly questions que nous nous posons actuellement, invoque, encore une fois, l'inexistant livre blanc, à la condition que nous allions au-delà des c'est-à-dire ce livre qui ne consiste qu'en une mots pour établir véritablement une politique. série de documents qui n'avaient jamais reçu Je demande à l'Union Nationale: Avez-vous une l'approbation du cabinet libéral avant les élec- politique linguistique? Nous avons le droit de tions de 1966; ce livre, d'ailleurs, dans lequel 1779 le premier ministre, M. Lesage, avait biffé de M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas sa main la plupart des recommandations qui un rappel au règlement. M. le Président, j'in- avaient trait aux droits et aux prérogatives de voque le règlement. la langue française, y compris les suggestions que l'on faisait et qu'il voulait réduire simple- M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): Voici... ment à quelques mesures administratives en alléguant que cela comportait des dangers poli- M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- tiques et que, d'autre part, cela coulerait trop dent, j'invoque le règlement. Le député de Cham- d'argent. Alors, puisque le député de Chambly... bly est en train de reprendre le discours qu'il a fait tout à l'heure. Il a fait un long discours, in- M. LAPORTE : M. le Président, je dois... téressant je l'ai dit, et je n'ai pas interrompu une seule fois. Je voudrais bien qu'il me donne l'oc- M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): A l'ordre! casion de lui donner la réplique et qu'il ne m'in- terrompe pas à tout propos pour me rappeler ce M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... veut porter qu'il a déjà dit. S'il a quelques faits nouveaux à le problème sur le plan politique, je veux bien apporter, qu'il les apporte! Je ne veux pas lui le suivre, pendant quelques instants sur ce ter- enlever son droit de parole, mais c'est élémen- rain. taire tout cela. Qu'il me dise s'il veut répéter ce que je viens d'entendre tout à l'heure et ce M. LAPORTE: M. le Président... que j'avais entendu l'année dernière et l'année auparavant?

M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): A l'ordre! M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): Si on me L'honorable ministre des Affaires culturelles a permet... la parole. M. LAPORTE: Oui, on ne vous permet ja- M. LAPORTE: M. le Président, sur un point mais rien... de règlement... Est-ce qu'il est encore permis d'Invoquer le règlement? M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): Si l'on me permet... M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): Sûrement. M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. le M. LAPORTE: Je vous remercie de tout Président, puisque... coeur, M. le Président. Etant donné que le mi- nistre n'a le droit ni de déformer ma pensée ni M. LAPORTE: M. le Président, permettez- d'affirmer dans cette Chambre des choses qui vous! sont inexactes, je lui dirai que j'ai ici devant moi le chapitre 7 de ce livre blanc inexistant M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): A l'ordre! qu'il commente de plus en plus abondamment, Je pense que la question en litige est de savoir chapitre intitulé: La langue, et que parmi les à partir de quand un document peut devenir li- recommandations qui avaient été approuvées par vre blanc. toutes les autorités, « premièrement, le gou- vernement reconnaît comme prioritaire la lan- M. LAPORTE: Je vous autorise à répondre, gue de la majorité, la langue française; deuxiè- M. le Président. mement, tous les organismes de l'administra- tion québécoise coopéreront au travail de l'Of- M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): Je pense fice de la langue française; troisièmement, un que le député de Chambly, en parlant de point service sera créé dont la fonction sera de col- d'ordre, n'a pas su nous démontrer que ce dont laborer avec le ministère de l'Education pour il parlait était contenu dans un livre blanc. Il améliorer la qualité du français dans l'ensei- nous a parlé d'un document mais rien ne nous gnement; quatrièmement, le ministère des Affai- prouve que ce document constituait un livre res culturelles créera au sein de l'Office de la langue française un service qui aura la respon- blanc officiel. sabilité de la recherche et de l'étude linguisti- M. LAPORTE: Dois-je comprendre que mon que sur la terminologie, l'affichage, la réclame point d'ordre est rejeté, M. le Président? et les raisons sociales. » M. le Président, ce document s'est transformé en un programme UNE VOIX: Il ne sera jamais nommé prési- politique qui... dent permanent! 1780

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je disais donc tous ceux qui s'occupent de la revalorisation que le député de Chambly nous a servi un dis- de la langue à l'Office de la langue française cours que j'ai qualifié d'intéressant dans sa par- ont cette passion et cette ferveur, ils la doi- tie générale, c'est-à-dire lorsqu'il a fait une vent précisément à ces organismes, à ces mou- sorte de diagnostic de la situation du français vements et à ces hommes qui, en leur temps, au Québec. à leur époque, avec des moyens extrêmement Sur ce point, nous sommes tous d'accord. Il réduits, sinon inexistants, ont conservé, ont n'y a aucun litige, aucune discussion pos- ravivé la flamme et nous donnent, nous per- sible, il est d'une évidence la plus claire que mettent aujourd'hui de penser que la généra- la situation de la langue française au Québec tion actuelle a pris conscience de ce problème n'est pas ce qu'il y a de mieux, ce qu'il y a vital de la revalorisation de la langue de meilleur. Le problème, c'est de savoir française au Québec. quels sont les moyens à prendre pour amélio- D'autre part, le député de Chambly déclare rer cette situation. Or, le député de Chambly — évidemment, cette accusation n'est pas nou- nous a parlé des intentions de son gouverne- velle, je l'ai entendue maintes et maintes fois ment. Il ne nous a pas nécessairement parlé en cette Chambre — que le gouvernement dont de ce qu'a fait son gouvernement. je suis membre n'a pas de politique linguisti- Certes, il a mentionné la création de l'Of- que. Le gouvernement de l'Union Nationale a fice de la langue française. Personne ne s'est une politique linguistique. Cette politique lin- élevé contre la création de cet organisme, guistique, il l'a exprimée dans un document qui était nécessaire et qui allait prolonger d'u- qui a servi de document de base à sa campa- ne façon efficace, l'institutionnaliser en quel- gne en 1966 et — je ne fais pas de politique que façon, le travail qu'avaient accompli ces ici en le rappelant — nous avons parlé à ce organismes que le député de Chambly a trai- moment-là de la création d'un territoire na- tés tout à l'heure avec un peu trop de mépris, tional, d'un Etat national, d'une langue natio- à savoir les sociétés qu'on appelait Sociétés nale. Ah! vous allez me dire: D'accord, vous du bon parler français. Le député de Cham- en avez parlé, mais vous n'avez rien fait. bly nous a dit — je ne voudrais toutefois pas le Vous n'avez pas encore vraiment posé les ba- mal interpréter, lui faire dire des choses ses de cette politique linguistique que nous ré- qu'il n'a pas dites — il nous a dit qu'au fond clamons. le travail de ces gens-là, c'était le travail Or, le parti libéral, en 1960, comme en 1962 de certains pionniers, de certains illuminés, et en 1966 évidemment, mais le parti libéral de certaines gens un peu à part des autres, et avait, à cette époque, parlé, lui aussi, de la re- qu'à toutes fins utiles, cela n'avait rien don- valorisation du français et de l'élaboration, de né. Je ne suis pas de cet avis, et j'estime qu'il la conception d'une politique linguistique. Il nous faut rendre cette justice à ceux qui ont animé a donné quoi? L'Office de la langue française pendant des années ces mouvements de Socié- qui se situe, lui, dans l'ordre des moyens et non tés du bon parler français, d'organismes où pas dans l'ordre de la fin. Quelle a été la poli- on parlait de « corrigeons-nous, » etc. Il tique linguistique du gouvernement libéral? Je faut leur rendre cette justice qu'ils ont été ne place pas le problème ici sur un plan parti- des éveilleurs et qu'ils ont eu au moins ce san. Je parle tout simplement de deux forma- très grand mérite d'avoir gardé éveillée la tions politiques qui, toutes les deux, ont pré- conscience nationale en ce qui a trait au pro- conisé cette nécessité de doter le Québec d'une blème de la langue française. véritable politique linguistique. C'est grâce à eux d'ailleurs que l'on a pu Le parti libéral a créé l'Office de la langue voir naître et qu'on peut voir encore au- française. Je l'ai dit tout à l'heure, c'est une jourd'hui des hommes qui ont décidé de s'oc- chose excellente et personne n'a reproché à qui cuper activement, de façon pratique et dyna- que ce soit de cette formation politique d'avoir mique, de ce grand problème de la revalori- posé ce geste. Mais, lorsqu'il s'est agi de dé- sation du français. Je dis donc que ce qu'a finir de façon précise, pratique, dans des do- dit le député de Chambly ne me paraît pas tout cuments législatifs l'attitude du gouvernement à fait juste. Il y a une injustice à dire de tou- qui, de 1960 à 1966, a assumé les responsabilités tes ces personnes, de leur travail: En som- du pouvoir public au Québec, quels ont été les me, ça n'a été que des efforts isolés et le fait gestes concrets qui eussent pu nous faire croire de certaines personnes qui n'avaient pas sur que le gouvernement était décidé à mettre en leur milieu une influence déterminante. Je suis application les principes qu'il avait énoncés? Si de l'avis contraire, parce que si un homme l'on veut se faire mutuellement des reproches comme le député de Chambly, aujourd'hui, si dans ce domaine, je crois que chacun peut battre 1781 sa coulpe et déclarer publiquement que nous ne Cela ne signifie pas, toutefois, qu'on doive sommes, ni d'un côté, ni de l'autre de la Cham- y renoncer, au contraire. Vous allez me dire: bre, dans ce domaine, encore très avancés. Ce sont, encore là, des mesures d'atermoie- Pourquoi cela? Parce que le parti libéral, ment; c'est reculer le problème, c'est se défi- comme le nôtre, se butte à une résistance qui, ler, c'est se dérober. Nous avons cru que, pour elle, s'exprime de toutes les façons, s'exprime définir, une fois pour toutes, cette politique lin- dans la population du Québec par la voix de di- guistique, il fallait reprendre le problème et vers groupes, par certaines gens qui se donnent interroger les citoyens. En effet, le travail de mission de prophètes de catastrophes. Toutes la commission de l'Education, qui a étudié le les fois qu'on élève la voix pour réclamer la problème du bill no 85, nous a montré que la revalorisation du français, pour réclamer que population n'était pas mûre et que les organis- le gouvernement adopte des lois, qu'il définis- mes même les plus représentatifs des princi- se une véritable politique linguistique, il se paux groupes de notre population n'étaient pas trouve toujours — et le député de Chambly l'ad- prêts à accepter la définition d'une politique mettra avec moi, je suis sûr qu'il va le déplorer linguistique globale. Nous avons donc cru bon avec moi — dans un camp comme dans l'autre, de repenser tout le problème et d'en confier des gens qui ont peur de la minorité, pas parce l'examen à un organisme indépendant. Et cela qu'ils la considèrent comme énorme et impor- a été la création de la commission Gendron, qui, tante et effrayante, mais parce qu'ils ont peur elle, a mission, dans un délai qui est assez de la réaction électorale de cette minorité. bref, de faire l'examen général de la situation C'est là tout le problème. du français au Québec afin de suggérer au gou- vernement les mesures à prendre pour revalo- Le problème n'est pas à l'Office de la langue riser le français et pour lui donner le statut française. Il n'est pas dans telle ou telle for- qu'il doit avoir. mation politique. Il est dans la conscience des individus et dans cette réaction de colonisés que nous avons de penser que si nous posons des M. LAPORTE: Puis-je me permettre? Que gestes vraiment positifs, que si nous instituons fait votre Office de la langue française dans une véritable politique linguistique, nous allons ça? perdre toute une partie de la clientèle électorale. Or, en ce qui me concerne, je travaille au sein M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- d'une formation politique. Je suis membre d'un dent, je vais y venir. Ne vous inquiétez pas. Je gouvernement et j'ai eu le courage de déclarer dis tout de suite que l'attitude qu'a prise cet officiellement quels étaient, à mon avis, les après-midi le député de Chambly, qui nous a par- principes de base qui devaient inspirer une po- lé de façon très sereine, très polie, très aima- litique linguistique pour le Québec. Le gouver- ble, m'a quand même un peu inquiété. En effet, nement a posé des gestes et nous avons eu ce tout au long du discours, sous-jacent aux propo- projet de loi numéro 85. Je n'y reviendrai pas sitions et aux observations qu'il faisait, je sen- longtemps. Ce projet de loi nous a démontré, tais un reproche qui s'adressait à l'Office de une fois de plus — et le député de Chambly l'a la langue française. Je sentais ce reproche vu comme moi — qu'il n'était pas facile de faire personnellement, mais je le sentais aussi un l'unanimité et que ce qu'il disait tout à l'heure, peu au nom et à la place de ceux dont je suis en à savoir cette compréhension très facile, très mesure d'apprécier le travail à l'Office de la normale, très naturelle du phénomène du bi- langue française. Je ne prête pas d'intention linguisme, c'était quelque chose que tout le mon- au député de Chambly... de allait accepter d'emblée. Ah non! ce n'a pas été cela du tout. Nous avons assisté aux séances M. LAPORTE: M. le Président, je voudrais de la commission de l'éducation. Nous avons vu faire une précision... de quelle façon, du côté français comme du côté anglais, on allait d'un extrême à l'autre. M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... je sais très Il y avait, d'un côté, les tenants de l'unilin- bien que le député de Chambly me comprend. guisme et, de l'autre, les tenants d'un bilin- guisme qui ne peut pas être acceptable au Qué- M. LAPORTE: Tous mes reproches sont à bec, parce qu'il s'agit d'un bilinguisme obliga- l'effet que le ministre n'a pas accordé à l'offi- toire et non pas d'un bilinguisme officiel. A ce, pour lequel j'ai infiniment de respect et telle enseigne que les observateurs se sont ren- d'estime, l'appui nécessaire. C'était là tout le du compte, comme nous, qu'il n'était pas faci- sens de mes paroles. le de formuler en termes législatifs une politi- que linguistique pour le Québec. M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- 1782 dent, c'est dans ce sens-là que je l'ai entendu. vail. J'espère beaucoup de cette commission. Mais tout cela était un reproche qui faisait J'espère surtout qu'elle nous permettra, à cha- litière du travail des gens de l'office. Je vais cun de nous, et à certains organismes en parti- en parler du travail des gens de l'office pour culier et à certains groupes de citoyens en par- vous montrer que non seulement ces gens, mais ticulier, de se débarrasser de cette peur de co- le gouvernement ont travaillé afin d'améliorer la lonisés, de cette panique qui les prend toutes situation du français par le truchement de cet les fois que l'on parle de la langue. J'espère organisme qu'est l'Office de la langue française. que cette commission permettra à ces gens-là Je disais donc, avant cette parenthèse, de dire, une fois pour toutes, quel est le choix qu'avant de définir une politique linguistique glo- qu'ils ont fait, d'être Français à part entière bale, il nous faut attendre maintenant les recom- dans le Québec, ou d'être ce que Jean-Charles mandations de la commission Gendron. Ce n'est Harvey appelait autrefois des demi-civilisés, des pas une façon de reculer l'échéance, ce n'est gens qui appartiennent à la fois au groupe an- pas une façon, comme on dit vulgairement, de glophone et à la fois au groupe francophone, et noyer le poisson, mais c'est une façon de sa- qui veulent tirer avantage des deux factions dont voir, une fois pour toutes, ce que veulent les ils se réclament. gens. Je ne condamne pas — et je ne voudrais pas Le député de Chambly nous a donné tout à que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce in- l'heure un exemple. Il nous a dit: Je suis allé terprète mes paroles comme une condamnation dans la région du bas du fleuve, je pense, j'ai de l'anglais, pas du tout — l'anglais, qui est une rencontré de jeunes étudiants de CEGEP... grande langue. C'est une langue de culture, c'est C'est ce qu'il nous a dit, je crois, M. le Pré- une langue que je respecte et que je m'efforce de sident. Alors il nous a dit: J'ai rencontré des parler, toutes les fois que j'en ai l'occasion, jeunes qui m'ont déclaré: Nous, ce que nous avec une perfection plus ou moins grande, et voulons, c'est l'unilinguisme total. Le député surtout avec un fort mauvais accent. Mais, enfin, de Chambly s'est élevé contre ça. Avec rai- j'essaie de le bien parler, j'essaie de le com- son, d'ailleurs, comme je l'ai fait moi-même, prendre et j'apprécie vivement les richesses à la commission de l'éducation. Toutes les fois de la culture et de la langue anglaises. qu'on nous a fait des propositions de cette na- Mais, il reste qu'au Québec le Québécois, ture, j'ai demandé aux personnes qui compa- celui qui est vraiment de langue française et raissaient devant nous: Quel sort réservez- qui se réclame à grands cris de cette langue vous à la minorité anglophone du Québec? Le et de cette culture, de cet héritage national, député de Chambly, qui a assisté avec moi à j'espère qu'il sera capable de faire un choix ces séances, sait qu'il n'était pas facile d'avoir et de se débarrasser une fois pour toutes de des réponses claires, précises et des réponses ses frayeurs et de ses paniques. satisfaisantes. D'autre part, nous avons enten- M. le Président, quand je parle de frayeurs du des gens préconiser un bilinguisme total, et de paniques, je mets en cause les deux par- sans tenir compte des risques que cela com- tis politiques qui sont ici en cette Chambre porte pour la langue, la qualité de la langue elle- actuellement. Toutes les fois que j'ai fait des même, et pour l'identité de la langue elle-même, déclarations en cette Chambre ou en dehors de parce qu'être bilingue, cela peut signifier bien cette Chambre sur le sujet de la langue fran- des choses, et, au Québec, être bilingue, vous çaise, ces déclarations ont été accueillies par savez, c'est quelque chose de difficile, et le des cris d'épouvante par une certaine catégo- bilinguisme au Québec joue ordinairement con- rie de citoyens qui, tout de suite, brandissaient tre le français. l'épouvantail de la fuite des investisseurs et C'est pour toutes ces raisons que nous avons des capitaux. Et, que le parti libéral préconise créé cette commission Gendron, qui est une n'importe quelle mesure dans ce domaine, il mesure positive, qui indique très bien l'inten- aura à faire face à la même catégorie de ci- tion du gouvernement de définir une politique toyens, au même groupe de gens qui vont pren- linguistique globale. Ce n'est peut-être pas un dre la panique, qui vont crier à l'épouvante. geste législatif, par lequel nous déclarerions Et quand le député de Chambly me dit que que nous faisons ceci ou cela mais, en face d'une son parti politique avait décidé de faire ceci et situation extrêmement complexe, extrêmement cela et que si, par malheur, ce qui n'arrivera difficile, en face d'une situation qui, de soi, est pas, il reprenait le pouvoir, il poserait des explosive, nous avons jugé prudent de remettre gestes qui seraient comme ça, tranchés, s'est- à des experts le soin de faire l'étude du pro- il interrogé sur les réactions éventuelles de blème etse des faircollèguese cette consultatio? Car il ny populairea, dans .la formation La commission Gendron a commencé son tra- politique libérale — et ce n'est pas un reproche 1783 que je lui fais — il y a quand même un groupe et de l'attaquer sur tous les fronts possibles de gens qui appartiennent à la minorité anglo- à la fois. L'Office de la langue française a eu phone et qui n'ont pas, sur ce sujet de la lan- ses hauts et ses bas. Il a eu peut-être, durant gue, les idées ou les sentiments qu'a le député la période où mon collègue de Chambly était de Chambly, mais pas du tout. ministre, plus de bas que de hauts. C'est normal. Lorsque s'est posé le problème du bill 85, nous avons vu, nous avons senti des réactions M. LAPORTE: C'est normal que vous le di- siez. et nous avons entendu ensuite des hommes d'af- faires fort importants, appartenant à de grandes sociététs industrielles et commerciales, se faire M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. Je ne sais les hérauts d'un bilinguisme, quand on savait, toutefois pas si c'est avant ou après... par ailleurs, que ces hommes d'affaires étaient des soutiens, des supporteurs du parti libéral. M. LAPORTE: Dans votre énumération, vous me direz ce qu'il y a de neuf. Tout cela, c'est de la politique, si vous vou- lez. Mais il faut en tenir compte parce que le M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... l'arrivée du problème de la définition d'une politique globale député de Chambly, mais quand l'Office de la de la langue au Québec, c'est un problème poli- langue française a commencé à travailler, son tique, qu'on le veuille ou non, mais non pas de directeur ne s'est pas senti très heureux et très politique partisane, c'est le problème politique appuyé. Lui aussi a découvert qu'il y avait des au sens le plus pur du terme. C'est un problè- hommes politiques, à quelque formation politi- me qui suppose que les pouvoirs publics posent que qu'ils appartiennent, qui ne comprenaient un geste qui marque définitivement l'orientation pas le problème de la langue et qui n'acceptaient de l'avenir de la nation canadienne-française. pas que l'Office de la langue française devînt C'est dans ce sens-là qu'il faut le voir, c'est l'agent normalisateur du français au Québec. dans cette optique-là, dis-je, qu'il faut le voir. Cela nous a amené la démission de M. Léger Alors, M. le Président, le problème de la qui a été remplacé par le directeur actuel, M. définition d'une politique globale en matière de Beaulieu. langue n'est pas aussi simple que l'a laissé Qu'est l'office, aujourd'hui? Il y a d'abord entendre tout à l'heure le député de Chambly. la partie technique de l'Office de la langue fran- Je suis d'accord avec lui quand il déplore la çaise. Cette partie technique comprend le di- situation du français dans tous les domaines, recteur de l'office et un personnel spécialisé à tous les niveaux, dans l'administration, ici dans les divers aspects de la linguistique. C'est même au parlement, au gouvernement, dans à ce niveau que se joue le rôle véritablement nos lois et partout. Je suis d'accord avec lui normalisateur de l'office. Les tâches des fonc- à 100%. Et l'Office de la langue française, qui tionnaires qui font partie de ce que j'appelle est sous ma responsabilité, qui fait partie du l'équipe technique, c'est la préparation d'études ministère que je dirige, travaille justement sur des problèmes généraux et la documenta- dans ces différents domaines afin de fournir aux tion. Simplement, par exemple, au cours de 18 hommes politiques, aux parlementaires, à tous mois, on a préparé 150,000 fiches dans ce sec- les membres de ce qu'on appelait autrefois les teur spécialisé de l'office qui se situe au sommet collèges professionnels — et qu'on voudrait bien de l'office, là où vraiment on peut parler de appeler des ordres — des outils, des instru- l'office comme agent normalisateur. 150,000 ments, et c'est à cela que s'emploie actuelle- fiches, cela représente du travail pour un petit ment l'Office de la langue française. nombre de fonctionnaires. On vient me dire, à moi, le ministre, qui Préparation de lexiques et de vocabulaires voit travailler les gens de l'office: Vous n'avez dans tous les domaines, douze déjà publiés, rien fait, absolument rien fait. Je me dois, ici, 125 disponibles sur demande, 50 en prépara- de faire part à cette Chambre du travail de l'Of- tion. Réponses en plus, parce que l'office est en fice de la langue française. Je suis sûr que, quand liaison constante avec les citoyens, avec toutes j'aurai fait l'énumération, on va me dire: Mais sortes d'organismes, réponses aux demandes qu'est-ce que tout cela? Qu'est-ce que cela don- de renseignements, de documentation, revue de ne, des bulletins, des trucs, des machins, des textes, correction, en moyenne 40 par jour, ce ci, des ça? On me dira: Qu'est-ce que cela don- qui occupe à plein temps trois personnes. Par- ne pour revaloriser le français hic et nunc,dans ticipation à des groupes de travail spécialisés, tel secteur de la population? gouvernementaux et externes. Revue linguisti- Je sais que c'est un ensemble de moyens que, on le voit bien, revision linguistique de plus comme ceux-là qui nous permettra de recouvrir de 150 manuels pour le ministère de l'Educa- la réalité générale, de recouvrir le problème tion. 1784

C'est du travail ça, pour l'office, c'est du fait partie du travail de ce service de promotion travail pratique, c'est du travail concret. On ne du français, qui est une continuation de l'office, le voit pas toujours comme ça, on ne peut peut- c'est-à-dire ce service qui ajoute une dimension être pas toujours le palper, le toucher, mais dynamique au travail des spécialistes de l'Office c'est le travail que fait l'office dans ce secteur de la langue française. que j'appelle technique, là où se situe l'acadé- Ce service s'occupe, évidemment, de publier, mie de la langue au Québec que doit être l'office, de préparer et enfin de mettre à la disposition cet organe normalisateur du français. de la population les travaux et les publications Il y a ensuite le travail... évidemment, tout spécialisées de l'office, etc. A cela s'ajoute cela conjugé avec le travail de la commission — cela complète, si vous voulez, l'organigram- consultative où on a établi une forme semblable me de l'office — d'abord, le palier spécialisé de spécialisation. Cela, c'est simplement le pre- qui comprend les techniciens de la linguisti- mier palier de l'office, le palier technique, spé- que, l'académie de langue, comme je l'ai ap- cialisé, qui groupe vraiment les savants de l'Of- pelée en public, le service de promotion qui, fice de la langue française, les grands spécia- lui, est chargé de diffuser les travaux de l'of- listes en linguistique. Il y a ensuite un service, fice et, finalement, à un niveau plus bas, le ser- un secteur, si vous voulez, de l'office, que nous vice de régionalisation par le truchement de venons de créer, dont le titulaire va être nommé certains organismes que nous subventionnons d'ici quelques jours, le service de promotion et dont la tâche est de mettre à la disposition de la langue française. Je n'aime pas le mot du public — non pas, cette fois, à la disposition « promotion de la langue française », mais le d'un public établi par catégorie trop marquées: directeur de l'office m'a dit que je pouvais l'em- grandes industries, grandes sociétés, etc. — ployer alors en attendant d'en avoir un meilleur, c'est-à-dire du citoyen, de l'homme de la rue, je l'emploie. tout ce que l'office publie, produit et de vulga- Alors, qu'est-ce que le service de promotion riser, en quelque façon, dans le bon sens du du français, son rôle? C'est la mise en place terme, les travaux spécialisés de l'office parce et la direction d'un programme complet de diffu- qu'il faut qu'il y ait, depuis le sommet jusqu'à sion de la langue suivant les politiques gouverne- la base, une communication... mentales et en liaison étroite avec les organis- M. le Président, je me rends compte qu'il mes qui ont un intérêt conjoint, c'est-à-dire est six heures. Alors, je propose la suspension. l'Association des professeurs de français, l'As- sociation des traducteurs, les chambres de com- M. LAPORTE: Huit heures et quart. merce, etc., tous ces organismes qui s'inté- ressent de façon active, dynamique, au problè- M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): Les tra- me de la revalorisation du français. Cela, ça vaux sont suspendus jusqu'à huit heures et quart. 1785

Reprise de la séance a 20 h 17 fusion de la langue suivant les politiques gou- vernementales en liaison étroite avec des orga- M. LAVOIE (Wolfe) (président du comité des nismes qui ont un intérêt conjoint. J'ai mention- subsides): A l'ordre messieurs! né notamment l'Association des professeurs de français, l'Association des traducteurs, les M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- chambres de commerce, etc. dent, au moment de la suspension des travaux, J'en étais rendu à cette partie du travail de je répondais aux observations qu'avait faites l'office qui n'est pas vraiment structurale mais le député de Chambly, notamment à ce repro- qui est un des secteurs qui nous permettent de che qu'il avait adressé au gouvernement et au vulgariser le travail de l'office et de régionaliser ministère des Affaires culturelles, à savoir son action. que l'Office de la langue française semblait, à Je disais que, parallèlement au programme de son avis, ne rien faire, qu'il semblait qu'on eût régionalisation de la diffusion, l'Office de la lan- mis en veilleuse l'Office de langue française, gue française a collaboré à la mise sur pied qui est l'agent normalisateur et doit être, en d'organismes régionaux dont l'action, toutefois, fait — ce pourquoi on l'a créé — l'organisme sera de plus en plus intégrée au programme de destiné à élaborer la politique linguistique du l'Office de la langue française, car il ne s'agit gouvernement et à surveiller l'application, de pas simplement de créer des instruments qui la façon la plus rigoureuse, des prescriptions soient à l'usage des grandes sociétés industriel- de cette politique ou des lois en matière de lan- les ou commerciales, à l'usage du gouvernement, gue. à l'usage des divers ministères, mais il faut Pour démontrer l'efficacité de l'Office de la encore prolonger l'action de l'office et mettre langue française, j'ai insisté d'abord sur le fait les instruments que l'office crée au service de suivant, que les travaux de l'office ne sont peut- tous les citoyens. être pas aussi connus qu'ils devraient l'être. Alors, dans ce domaine de la régionalisa- Ce ne sont pas des réalisations qui se manifes- tion, cinq régions sont déjà touchées grâce au tent de la façon dont se manifestent des réali- travail qui a été accompli par l'Office de la sations dans d'autres domaines, celui, par exem- langue française. Je voudrais insister ici sur ple, de la santé, de la voirie, etc., dans des mi- le cas du bureau de Montréal. Depuis un an nistères qui s'occupent de construction et qui l'Office de la langue française a créé à Mont- ont une relation plus directe avec la population, réal un centre de documentation qui offre les et qui traduisent en des monuments plus visi- services de renseignements aux organismes. bles les besoins de cette population. Ce centre est aussi chargé d'assurer la liai- J'en étais à expliquer la constitution de l'of- son avec les grandes sociétés industrielles et fice en insistant notamment sur ce que j'appel- commerciales. Une enquête en a touché plus de le — et c'est là, si je replace ici ce problème 250 et des liaisons concrètes dans ce domaine dans l'optique générale de la politique du minis- ont été établies avec environ 80 d'entre elles, tère — j'insistais, dis-je, sur la restructura- permettant ainsi la mise en marche d'un vaste tion de l'office ou, plus précisément, sur l'or- programme de normalisation du vocabulaire ganisation du travail de l'office. technique. Je disais qu'il y avait deux paliers princi- C'est là, il me semble, une des dimensions paux, d'abord le palier des spécialistes, le pa- les plus importantes du travail de l'Office de la lier technique, qui regroupe l'ensemble des sa- langue française. En effet il ne s'agit plus seu- vants, des linguistes qui s'occupent spécifique- lement, cette fois, d'un travail spécialisé, des- ment de la normalisation en examinant tous les tiné à des spécialistes ou à des gens dont le problèmes de langage, quels qu'ils soient, qui métier est de revaloriser la langue dans quel- sont soumis à leur attention et en promulguant que secteur que ce soit, mais d'un travail qui une réglementation. touche tous les citoyens qui peuvent trouver J'indiquais par la suite que ce palier tech- les instruments que crée périodiquement l'offi- nique ou spécialisé est complété par un palier ce: glossaires, lexiques, bulletins, etc. dynamique, par une section plus dynamique de Je mentionne, d'autre part, que l'Office de l'office qui est une création du ministère des la langue française — il est important de le fai- Affaires culturelles depuis que je le dirige, ce re ici — est membre d'office du Conseil inter- palier de la promotion ou de l'expansion du national de la langue française, qu'il participe français. à ses travaux, particulièrement à l'établisse- J'ai dit qu'il s'agissait, dans ce secteur de ment des normes du français universel. Je vou- l'Office de la langue française, de mettre en drais, très brièvement, en guise de parenthèse, place, de diriger un programme complet de dif- relever ce que disait, cet après-midi, le député 1786

de Chambly au sujet de ce qu'il appelle le tive, de notre langue parlementaire, de la langue franco-canadien. S'il est vrai que nous nous ef- des lois, des statuts, etc. Il nous faut nous atta- forçons de rejoindre nos frères francophones quer à ce problème. Le député de Chambly l'a à ce palier du français international, il reste souligné fort justement aujourd'hui, mais il ad- qu'il ne peut pas déclarer que le franco-cana- mettra avec moi que la tâche n'est pas facile. dien est nécessairement un jargon. La langue L'Office de la langue française ne s'est pas française, en quelque pays qu'on la trouve, où pour autant désintéressée de ce problème et n'a qu'elle soit parlée, intègre forcément un cer- pas reculé devant vraiment l'immensité et la tain nombre de vocables, de tournures qui, pour difficulté de la tâche. Parce que la tâche est n'être pas spécifiquement parisiennes, pour immense et extrêmement difficile. Immense prendre un exemple, n'en sont pas pour autant parce que nous avons à reviser l'ensemble de des expressions fautives. Une des tâches de l'Of- nos lois. Nous avons à revoir tous les statuts fice de la langue française est d'intégrer dans qui constituent la codification des lois du gou- notre vocabulaire, dans notre langage canadien vernement du Québec. Ceux qui sont dans la les expressions typiquement québécoises qui pratique du droit, ceux qui ont travaillé dans cette sont des expressions du cru, qui sont nées ici, Chambre comme parlementaires depuis bien des qui identifient les réalités du pays et qui peu- années, ceux qui ont administré la province de vent être admises par les parlants français, si Québec pendant un certain nombre d'années sa- je peux employer cette expression, dans tous vent quelle est la difficulté que rencontre le lé- les pays du monde. C'est, d'ailleurs, ce qui don- gislateur lorsqu'il s'agit de formuler dans des ne à la langue française, dans un milieu donné, textes de loi qui rejoignent les exigences de la sa coloration et sa richesse particulières, ce norme du français universel, quelles sont les qui montre la facilité d'adaptation de la langue difficultés qu'il rencontre et quelles sont les aux conditions d'un milieu donné. résistances qu'on lui oppose. Alors, l'Office de la langue française est donc Je ne veux pas faire ici le procès des avo- membre du conseil international, il participe à cats. Les avocats savent très bien — et mon col- ses travaux et particulièrement à l'établisse- lègue de Drummond le sait — que les avocats ont ment des normes du français international ou une sorte de frayeur, une sorte de pudeur qui universel. L'Office de la langue française par- les empêche de penser qu'on puisse traduire les ticipe aussi aux travaux du sous-comité fédéral- réalités qui se trouvent exprimées dans les tex- provincial des langues officielles et met sa do- tes législatifs, de traduire ces réalités par cumentation et ses experts à la disposition de des termes français. Je ne leur en fais pas de la commission Gendron. L'office a servi d'ani- reproche. mateur à plusieurs grandes réunions pour le dé- Cela vient d'une longue cohabitation — si veloppement de la langue, comme un colloque sur l'expression peut s'employer ici — du droit la traduction, un colloque sur la publicité. L'offi- français et du droit anglais, le droit anglais in- ce a participé de plus à la révision du réper- fluençant largement le droit français et se ma- toire géographique et du code toponymique avec nifestant tous les jours de façon subtile et insi- la commission de géographie. dieuse dans l'ensemble de nos statuts. Je vou- Au cours de l'exercice qui vient de se ter- drais ici ce soir faire un appel aux avocats — miner, l'Office de la langue française — et on à ceux de cette Chambre comme à ceux qui se lui en fera reproche — a publié uniquement le trouvent en dehors de cette Chambre et qui fré- bulletin Mieux dire. Ce bulletin Mieux dire, tout quentent le prétoire ou qui s'occupent de tous le monde le connaît, tout le monde connaît son les problèmes légaux — et leur demander d'en- utilité, mais nous allons en changer la formule. trer avec nous dans le jeu et de ne pas nous L'office s'est occupé, au cours de l'année, de la opposer une fin de non-recevoir lorsque nous langue administrative. Je voudrais ici parler proposons des termes français qui doivent rem- encore une fois de ce problème de la langue placer, dans les lois et les statuts, les termes administrative dont j'ai eu souvent l'occasion anglais ou français que nous y trouvons. de parler. Je ne contredirai en rien le député de Cham- J'indiquais cet après-midi les difficultés que bly là-dessus; la langue de l'administration, nous rencontrons, les obstacles auxquels nous comme la langue législative, est une langue bâ- avons à faire face, enfin les pièges et les em- tarde. C'est une langue mâtinée d'anglais, et bûches que rencontrent sur leur chemin ceux qui nous connaissons toutes les raisons historiques veulent corriger la langue administrative. Il y qui expliquent cette situation. Or, l'office, di- a d'abord la longue habitude du français que nous sais-je, ne s'est pas désintéressé de ce pro- parlons et l'anglicisation progressive et conti- blème puisqu'il s'occupe également de la réfor- nue, il faut l'admettre, de la langue administra- me de la langue administrative. A la suite de la 1787

création par le gouvernement du comité pour et de spécialiste, accompli par les fonctionnai- l'étude de la langue administrative, les mem- res de l'Office de la langue française. bres de ce groupe, à raison de deux séances M. le Président, je crois que cela vous per- par mois, ont établi les grandes lignes d'un pro- met de constater que le reproche que nous fai- gramme de travail pour atteindre l'objectif. Tous sait cet après-midi — reproche que j'appelle les ministères ont été visités pour un premier discret, parce que je n'ai pas eu l'impression inventaire des besoins et possibilités. que le député de Chambly en était très convain- Des vocabulaires ont été préparés, notam- cu — que ce reproche, dis-je qui nous a fait sa- ment pour les appellations d'emploi, les rela- voir que l'Office de la langue française n'a rien tions de travail et le syndicalisme. Tous les fait depuis que je suis ministre, n'est pas fondé. formulaires de la Fonction publique ont été re- Au contraire, nous avons structuré l'office, nous vus. Vous allez peut-être me dire: Oui, mais l'avons restructuré, non pas dans le sens — com- on utilise encore des formulaires qui ne sont me je l'ai dit, lors d'une intervention antérieu- pas en français. Il faut comprendre qu'il y avait re — de créer, créer et créer de nouvelles une quantité énorme de formulaires qui étaient structures, mais nous avons organisé le tra- déjà imprimés et cela constituerait une dépen- vail de l'Office, afin que ce travail soit un tra- se considérable de les détruire pour les rem- vail dynamique et que la diffusion en puisse placer par de nouveaux formulaires. Mais les être assurée parce que l'un des grands repro- ministères que nous avons visités, dont nous ches que l'on a faits à l'Office de la langue fran- avons revu les formulaires, ont accepté que les çaise et qu'on lui fait encore, c'est de travail- nouveaux formulaires soient conformes aux ler en vase clos. Bien, il a fallu que l'Office exigences du français, telles qu'elles ont été de la langue française franchisse certaines éta- exprimées par l'Office de la langue française. pes, en s'attaquant d'abord à des problèmes de J'estime que c'est là un très grand progrès structure, compile un inventaire des problèmes, qui n'est peut-être pas visible au moment où qui sont immenses, que l'on retrouve à tous les je parle, dont on n'a peut-être pas vu encore paliers de l'administration et dans tous les do- toutes les conséquences, dont on n'est pas en maines de l'activité du Québec, il fallait faire mesure de sentir exactement l'influence pro- ça. Et après, il fallait s'attaquer à la tâche de fonde sur la situation de la langue française au créer des instruments. Bien, on l'a fait, et on Québec. Mais c'est là un travail de longue ha- va en créer de plus en plus. Et je vais vous in- leine. Le député de Chambly conviendra avec diquer dans quelques instants, M. le Président, moi que n'importe quel gouvernement va trou- quels sont les instruments que nous allons met- ver les mêmes difficultés lorsqu'il s'attaquera tre à la disposition du gouvernement et à la dis- à ce problème immense de la revision des lois, position de la population pour la revalorisation des statuts et à ce problème de la revision de la langue française. complète de la langue administrative. Je puis Alors, l'Office de la langue française a donc vous dire que cette revision est commencée et accompli, au cours de l'année dernière et de que nous avons obtenu la collaboration des di- l'année qui l'a précédée un travail immense de vers ministères afin d'améliorer progressive- recherches, en dépit du fait que nous avons quand ment — mais malheureusement trop lentement même un budget limité et en dépit du fait — je — la langue administrative du gouvernement. l'ai dit cet après-midi et je le répète — que les Un programme de distribution de documents citoyens n'ont peut-être pas encore compris linguistiques a donc été mis sur pied avec la exactement quel est le rôle de l'Office de la lan- plupart des ministères. Un nombre grandissant gue française, et que le gouvernement, celui de textes importants sont revisés par l'office qui nous a précédé, comme celui qui est actuel- pour les ministères, à leur demande. Tous les lement au pouvoir, n'a pas encore assis de fa- jours — le directeur de l'Office de la langue çon suffisamment solide l'Office de la langue française et ses collaborateurs sont là pour en française, pour en faire vraiment l'agent norma- témoigner — les ministères s'adressent au lisateur, l'académie de langue, cette académie ministère des Affaires culturelles pour la cor- à laquelle on doit nécessairement se référer en rection du langage administratif. toute matière de langue. Alors, c'est dans ce Je comprends, je le disais tantôt, que les sens que l'Office a travaillé. résultats ne sont peut-être pas encore très ap- L'Office a dû se faire connaître et il a dû parents, mais on découvrira soudainement que surtout — et ça le député de Chambly le sait — l'atmosphère a changé, que les lois — ont chan- se faire accepter par les autres ministères, par- gé, que les expressions du langage administra- ce que l'on ne concevait pas que des spécialis- tif seront tout à coup changées en raison de ce tes dussent donner des ordres à des ministères travail discret, qui est un travail de technicien ou à des fonctionnaires qui avaient toujours 1788 travaillé sans tenir compte du fait qu'il existait Cela nous indique quelle a été l'importance un organisme normalisateur. Bien, c'est dans du travail de l'Office de la langue française. ce sens que nous avons infléchi la politique du L'office, loin d'avoir été mis en veilleuse, a ministère des Affaires culturelles, en ce qui été structuré. On a organisé son travail. On lui concerne l'Office de la langue française. Et je a redonné son importance et on s'efforce de le voudrais vous indiquer, M. le Président, à titre munir des outils dont il a besoin pour manifes- d'exemple, le programme de publications de ter davantage le travail qu'il a accompli dans l'office pour l'exercice qui vient de commencer. l'ombre, qu'il continue d'accomplir dans l'om- D'abord, vous avez le vocabulaire de la nor- bre, mais que l'Office de la langue française me, revision du vocabulaire de l'alimentation. va diffuser et, ensuite, vulgariser au niveau La publication se fera en septembre 1969. Tou- de la population. Le programme de publica- tes ces publications, qui demandent énormément tions que je vous indique, joint au travail qu'ac- de temps, énormément de travail, de revision, complit l'office dans le domaine de la réforme ces publications seront faites aux dates que j'in- de la langue administrative, indique suffisam- dique. Il y aura peut-être un petit décalage, un ment que l'office est non seulement un orga- petit retard d'une semaine ou deux, mais le nisme vivant, mais qu'il est devenu un des programme de publication est établi, parce que grands outils de la réforme de la langue au les documents sont prêts et ils sont le résultat Québec. de plus de deux ans de travail. J'espère que ces quelques explications que Vous avez ensuite la langue de l'administra- j'aurais voulu brèves, mais qu'il m'était im- tion. Langue du syndicalisme, la publication se possible de résumer permettront aux membres fera en novembre 1969. Vous avez la langue de de cette Chambre et aux citoyens de compren- la radio, de la télévision et des laboratoires de dre quelle est la vocation de l'office, quelle langues. Publication prévue pour décembre est l'importance de son travail et quelle est 1969. Le vocabulaire de l'alimentation, 1re par- la dimension de sa tâche. tie, 2e partie, 3e partie, publication prévue pour Le député de Chambly m'a posé quelques janvier 1970, parce qu'il y a eu d'abord une questions en faisant des reproches au minis- version préliminaire, un document qui n'était tère des Affaires culturelles. Il m'a parlé de pas final. Il faut maintenant le mettre au point. la campagne de publicité: « Québec sait faire ». Il s'agit d'un domaine immense que celui de Je désire déclarer que l'Office de la langue l'alimentation. française a communiqué avec le ministère res- Alors, la publication en est prévue pour jan- ponsable de cette campagne de publicité et avec vier 1970. Il y a ensuite le vocabulaire des l'Office d'information et de publicité. Ils nous élections, celui des statistiques et celui de ont fait des observations et nous ont donné l'éducation. La publication est prévue pour fé- leur agrément lorsque nous avons protesté con- vrier 1970. tre cette formulation qu'on a qualifiée, en cer- tains milieux, d'horrible, d'épouvantable, etc. M. LAPORTE: Ce ne sera pas un peu tard? Il faudra, quand même, faire un examen plus approfondi et dégager un certain nombre de M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, voca- fautes qui ne sont peut-être pas aussi graves bulaire de la foresterie, vocabulaire des con- qu'on voudrait le croire. Enfin, il y a le titre: ventions collectives; publication prévue pour « Québec sait faire ». On a communiqué — les mai 1970. Langue de la finance et langue juri- communications sont faites de façon non offi- dique; publication prévue pour juin 1970. Vous cielle — avec l'agence. Je n'ai pas à faire le avez ensuite le vocabulaire du vêtement. La procès de qui que ce soit, mais nous nous som- publication en est prévue pour la fin de 1970, mes rendu compte d'une chose: parce que là, il nous a fallu accomplir un tra- Nous avons constaté qu'il y a une différence vail très considérable. Comme le souligne le de conception entre le linguiste et le publicitai- directeur de l'office, on en est à faire le dé- re, et que le publicitaire va vous prouver par pouillement de catalogues anglais et français a + b que telle expression, même si elle ne nous afin d'établir exactement le vocabulaire du vê- apparaît pas, à nous, très correcte, est beau- tement. Ce n'est pas une mince tâche, quand coup plus dynamique, plus percutante, qu'elle on songe à tout ce qui existe dans ce domaine. a plus d'impact sur le plan publicitaire. Cela Le vocabulaire des assurances vient tout juste ne veut pas dire que j'approuve les publicitai- de paraître. J'en avais un exemplaire, je pense. res de dire cela. Parce que j'estime que la lan- De toute façon, les députés de l'Assemblée na- gue française, dans le domaine de la publicité tionale en auront des exemplaires demain ou — et j'ai eu l'occasion de le dire à un colloque après-demain. sur la publicité — la langue française, dis-je, 1789 est capable de traduire toutes les réalités de la des définitions, etc. On s'est donc attelé à la vie technique, scientifique, technologique, artis- tâche de rédiger cette réglementation qui aurait tique, etc., toutes les réalités de la vie. Il y a dû être rédigée ou présentée en même temps que peut-être, du côté des publicitaires — c'est en- la Loi des hôpitaux, ou tout au moins dans un core là un groupe qui s'éveille et qui est éveil- délai plus ou moins bref après la présentation lé; nous avons rencontré, il y a quelque s semai- de la loi. D'ailleurs, le problème se pose cha- nes des publicitaires de langue française — une que fois qu'on présente une loi. Il n'est pas tou- résistance qui vient de la psychologie des publi- jours possible de présenter immédiatement la citaires qui se disent: La publicité, cela ne se réglementation. conçoit pas comme un texte académique. C'est là le problème: une différence, une divergence M. LAPORTE: Cela a toujours été impossi- profonde sur la conception. ble. Je voudrais vous en donner un exemple et demander au député de Chambly d'occuper ses M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais il a fallu loisirs, s'il en a, à lire brièvement, à jeter un quand même trois ans avant que l'on ne s'avi- coup d'oeil rapide sur certaines grandes revues sât de constater qu'il n'y avait pas de régle- françaises. Je ne parle pas de Paris-Match, mentation. Et cette loi des hôpitaux, ce n'est parce que les reportages et les pages d'annon- pas le gouvernement de l'Union Nationale qui ces, de publicité y sont dans un français à tout l'a adoptée. Le gouvernement de l'Union Natio- le moins discutable. Mais vous avez de grandes nale s'est occupé de préparer la réglementa- revues, de grands magazines comme Jour de tion, et c'est une réglementation très impor- France. Vous avez là un magazine qui est très tante qui est maintenant consignée dans un do- bien écrit, rédigé en une langue française très cument, dans un petit ouvrage assez considéra- correcte, très belle, très académique même. ble. Il a fallu faire vite. Ce n'est pas une excuse. A côté, ce que le député de Gouin appelle — par- Il y a eu communication avec l'office, avec ce qu'il aime les formules et quand il en a trou- le comité d'étude technique des termes de méde- vé une, il la répète toujours — des pavés publi- cine. Excusez-moi, il y a eu plusieurs comités citaires qui sont dans un français qui est à peu et je n'arrive pas toujours à trouver le bon si- près celui qu'utilisent nos publicitaires lors- gle. Nous étions d'accord ainsi qu'au ministère qu'ils lancent de grandes campagnes de publi- de la Santé. J'en ai causé avec le ministre cité. Tout cela parce qu'il y a, en France com- comme au ministère des Affaires culturelles, me chez nous, cela ne nous excuse pas, ce n'est comme avec le comité technique des termes de pas une excuse, une différence de conception médecine pour constater que les termes, que entre le publicitaire et le linguiste. la langue de cette réglementation ne correspon- Ce problème n'est pas un problème insolu- dait pas aux appellations exactes, ne correspon- ble et cela n'absout personne de laisser passer dait pas aux normes du français, du vocabulaire. dans le langage, de laisser passer dans les pu- Aux représentations que j'ai faites à mon collè- blications officielles des textes qui ne répon- gue au ministère de la Santé, l'on m'a déclaré dent pas aux exigences de la norme du français ceci. Et j'ai appuyé à ce moment-là les propos international ou de la norme du français telle de mon collègue du ministère de la Santé. Je que nous la concevons ici en tenant compte de lui ai dit: D'accord, puisque c'est urgent, puis- toutes les richesses et de tout l'apport du voca- qu'il y a un problème de correspondance de bulaire québécois ou franco-canadien. termes, puisque les avocats — ce sont eux, en- Le député de Chambly nous a parlé aussi de core une fois qui se sont opposés au change- cette réglementation afférente à la Loi des hô- ment de termes, parce que là, il s'agissait pitaux. La Loi des hôpitaux a été adoptée il y a d'un bouleversement général — puisque nous déjà plusieurs années. Or, on ne s'était pas oc- ne sommes pas d'accord pour l'instant et qu'il cupé de rédiger, de préparer la réglementation. est nécessaire de publier le plus tôt possible On a vu quels problèmes cela pouvait causer ce document comportant la réglementation de la lorsqu'il a fallu discuter, avec les responsables loi des hôpitaux, nous allons, mais pas de gaieté des hôpitaux, de problèmes administratifs, lors- de coeur, le laisser aller comme tel, mais avec qu'il a fallu parler de convention collective. Je cette garantie, que m'ont donnée le ministre de n'ai pas besoin de rappeler les événements de la Santé et le ministre d'Etat à la Santé, que la grève des hôpitaux. On s'est rendu compte, le texte de cette réglementation serait le plus à ce moment-là, qu'il n'existait pas de régle- tôt possible soumis à l'Office de la langue fran- mentation qui eût pu fournir tant au gouverne- çaise afin qu'on le corrige et qu'on exprime les ment qu'aux négociateurs et qu'aux gens des réalités du monde hospitalier ou médical en des hôpitaux des éléments de solution, des normes, termes vraiment français. 1790

Mais, par ailleurs, en causant avec des mé- M. COITEUX: Il va perdre ses causes. decins, j'ai constaté, encore une fois là, que des médecins qui sont dans la pratique, qui sont M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il se peut qu'il dans les hôpitaux, etc., reconnaissent d'emblée perde les premières, mais quand les juges, ses la nécessité de rectifier la langue, de la corri- collègues, se seront habitués, il va les gagner ger. On m'a dit; Oui, mais vous savez, ça fait plus sûrement parce qu'il aura un vocabulaire tellement d'années qu'on emploie tel ou tel mot plus étendu. Il pourra jouer sur les mots, c'est qu'il va nous être difficile d'accepter ceux que le cas de le dire. vous nous proposez. C'est là une difficulté. Elle Alors, maintenant, au sérieux. Je voudrais n'est pas insurmontable mais elle tient a une terminer ce qu'un prédicateur célèbre appelle- mentalité, à des habitudes et à une psychologie. rait des brèves remarques en disant que cet C'est cela qu'il faut changer; la psychologie, les après-midi, écoutant le député de Chambly, je habitudes et la mentalité. partageais le sentiment qu'il éprouve, l'impa- Vous avez, par exemple, ce vocabulaire dont tience qui est la sienne de voir la langue se je parlais tout à l'heure, le vocabulaire des revaloriser au Québec. Je partageais son impa- assurances sur la vie. Prenez chacun des ter- tience de voir le gouvernement prendre, dans mes qui se trouvent dans ce vocabulaire. Je ce domaine, des initiatives bien précises, bien vous assure qu'il y a une forte présomption que catégoriques. Je partageais son impatience lors- ces termes ne seront pas agréés immédiate- qu'il disait: Nous devrions nous atteler à cette ment parce qu'il y a des sociétés d'assurance tâche afin que d'ici deux ans ou d'ici une généra- qui sont canadiennes-françaises, mais elles trai- tion on ait complètement transformé le visage tent avec des sociétés d'assurance qui sont de du Québec dans ce domaine de la langue. Je suis langue anglaise. Vous avez des sociétés d'assu- d'accord avec lui, mais j'ai indiqué cet après- rance qui sont de langue anglaise et qui ont des midi les difficultés du problème, difficultés qui succursales de langue française. Il va falloir tiennent à notre situation non seulement à l'in- établir la coordination, il va falloir établir les térieur du Canada, mais en Amérique du Nord; correspondances de vocabulaire et faire accep- difficultés qui tiennent aux habitudes, à la psy- ter par les Anglais, par exemple, que tel ter- chologie, à la mentalité, comme je l'indiquais me français, qui correspondait autrefois à tel tout à l'heure; difficultés qui tiennent aussi à terme anglais, n'est plus le même. C'en est un ceci — et j'insiste parce que c'est très impor- autre, et on lui a substitué un terme qui est tant — que le problème de la langue est un pro- vraiment un terme français. blème, au Québec, qui se situe au niveau politi- Je ne sais pas si on se souvient de cette dif- que. Et tant que les formations politiques, quel- ficulté que le gouvernement qui nous aprécédés les qu'elles soient, n'auront pas fait l'unanimité avait rencontrée lorsqu'il s'est agi de définir sur un programme d'élaboration d'une politi- les gens que l'on appelle des ajusteurs d'assu- que linguistique globale, on continuera, dans le rance. Il y a eu une querelle homérique au sujet Québec, à se renvoyer la balle et à s'accuser des ajusteurs d'assurance parce que l'Office de mutuellement de n'avoir jamais rien fait et de la langue française, si je ne m'abuse, avait sug- ne vouloir jamais rien faire. géré que l'on utilisât le mot expert ou évalua- Le député de Chambly serait-il disposé à teur de sinistre. Alors là, les avocats, évidem- m'appuyer si je proposais à mon gouvernement, ment, se sont dit: Un expert, ce n'est pas la d'ici quelques semaines, une loi, si je deman- même chose; si nous utilisons un expert, ça dais au gouvernement d'adopter une loi qui pres- coûte plus cher que si nous utilisons simple- crirait l'affichage obligatoire en français, le ment un ajusteur. Un évaluateur de sinistre, choix de raisons sociales françaises par toutes qu'est-ce que ça veut dire? Un sinistre, enfin, les sociétés qui travaillent dans le Québec, qui c'est une catastrophe immense, ça ne recouvre vivent au Québec et qui gagnent, qui font leur pas toutes les réalités, les accidents, etc. Ce argent au Québec? Le député de Chambly serait- fut une bataille homérique que le gouvernement il disposé à m'appuyer, si je proposais cela? qui nous a précédés n'a pas gagnée, parce qu'il Et à ne pas tirer de cette proposition un argu- avait, lui aussi, ses conseillers juridiques, il ment politique? avait ses avocats qui résistaient. Je prie donc mon collègue, le député de Drum- M. LAPORTE: Quand le ministre aura con- mond de se faire l'avocat de cette belle cause vaincu tous les membres du cabinet dont il fait du français. Dans ses savantes plaidoiries qu'il partie, si je deviens le seul argument, ou le der- fera courtes, plus courtes que ses interven- nier, je l'appuierai avec plaisir. tions en Chambre, j'espère qu'il utilisera, s'il a à plaider en matière d'assurance, les termes M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors le dépu- du vocabulaire que nous venons de publier. té de Chambly vient justement de me fournir 1791 l'argument que j'attendais et je le lui retourne. c'est un problème d'affirmation d'une personna- Je sais que le député de Chambly pense comme lité et d'une identité nationales et, à toutes fins moi là-dessus, mais il sait très bien que s'il utiles — et je parle ici particulièrement en ré- était à ma place et moi à la sienne, ce soir, et férant au monde des affaires — c'est un problè- s'il me faisait la proposition que je viens de lui me de courage. Cela, c'est un argument qui est faire, je lui dirais, et avec raison: Je suis d'ac- important. C'est un problème de courage. Il cord avec vous à la condition que vous convain- faut qu'on fasse un choix, et il faut que les hom- quiez tous vos collègues du cabinet, tous vos mes d'affaires, qu'ils soient anglophones ou collègues de votre parti. francophones, acceptent cette idée qui est pour- C'est là qu'est le problème, c'est un problè- tant simple et élémentaire qu'au Québec, comme me essentiellemendans d'autret politiques pays et nou, comms noues dividans- les autres par- sons... ties du Canada, on peut faire de l'argent en par- lant français, parce que l'argent n'a ni langue, M. LAPORTE: Je suis d'accord. ni couleur, ni religion, ni nationalité. On le constate en voyant le travail que font M. TREMBLAY (Chicoutimi):... sur ce point, les grandes sociétés industrielles américaines parce que nous essayons de part et d'autre, de dans des pays européens et dans des pays orien- tirer, comme on dit vulgairement, la couverture taux. Elles s'installent là et elles adoptent la de notre côté... langue du pays. Dans un pays comme la Suisse, par exemple, on va jusqu'à utiliser quatre lan- M. LAPORTE: Je ne suis pas d'accord sur gues de travail afin de rejoindre toutes les par- ça. ties de la population. C'est donc, pour les hom- mes d'affaires et pour nous tous, un problème M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... et de tirer de courage. un avantage politique et électoral en proposant des mesures comme celle-là. Notre population M. LE PRESIDENT (Bousquet): Adopté? est-elle prête à accepter cela? Je reviens à mon propos de cet après-midi, c'est là tout le M. TETLEY: Oh, non! Ce n'est pas adopté, problème. Et les travaux de la commission sur M. le Président. l'Education, lorsque nous avons étudié le bill 85, nous l'ont démontré. M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): Le dé- Alors, je crois avoir démontré de façon as- puté de N.D.G. sez claire que le ministère des Affaires cul- turelles, loin de se désintéresser du problème M. TETLEY: Merci beaucoup. de la langue, a travaillé à sensibiliser la popu- lation à ce problème. J'ai fait des déclarations M. PINARD: Notre-Dame-de-Grâce. très précises à ce sujet. Je serai le premier à proposer à mon gouvernement que l'on adopte M. TETLEY: Notre-Dame-de-Grâce, vous des mesures qui soient impératives et qui nous noterez que c'est plutôt un nom français. C'est permettent d'abord, dans des domaines comme un comté qui comprend 25% de Canadiens l'affichage, les raisons sociales et d'autres do- français. Je voudrais aussi souligner que No- maines, le domaine de la législation par exem- tre-Dame-de-Grâce compte parmi ses citoyens ple, de présenter des mesures qui indiquent et ses électeurs plus de Canadiens français bien à la population que nous avons l'intention qu'il n'y en a dans le comté de Bagot. Donc, de faire quelque chose. Tout cela, M. le Prési- j'ai l'honneur d'être député d'un grand comté dent, en tenant compte d'une situation que j'évo- de langue française. Pour moi, c'est un grand quais cet après-midi et que le député de Cham- honneur. bly évoquait également, le problème de l'exis- Je voudrais faire quelques commentaires au tence d'une minorité anglophone au Québec, et sujet des remarques de l'honorable ministre dont il nous faut bien admettre qu'elle peut et des Affaires culturelles, surtout au sujet de doit parler sa langue comme nous avons le droit celles qu'il a faites cet après-midi. Cet après- de parler, d'écrire et d'étudier la nôtre. midi, le ministre a déclaré que c'était difficile Alors, la tâche, vous savez, que nous avons de promulguer une politique de la langue fran- à accomplir, le problème qui nous confronte est çaise pour plusieurs raisons, et il l'a répété un problème qui est bien au-dessus de toutes les ce soir. Il a surtout mentionné le fait qu'il querelles partisanes. C'est un problème d'option y a, au Québec, une minorité de langue anglai- pour le Québécois de langue française, et c'est se qui fait des pressions. En conséquence, les un problème de foi en son avenir de représen- deux partis politiques, le parti libéral et l'Union tant d'une langue et d'une culture originales, Nationale, éprouvent des difficultés à promul- 1792 guer leur politique et à mettre leur oeuvre en tique. J'ajoute quelque chose, c'est un fait que action. vous pouvez trouver dans les rapports des élec- Au moins, le ministre n'a pas blâmé le fé- tions, c'est que je crois que c'est un pourcentage déral, cette fois-ci. Presque tous les minis- plus élevé que jamais dans l'histoire de Notre- tres le font pour expliquer les déficits ou Dame-de-Grâce qui a voté pour cette politique. l'écart entre les revenus et les dépenses, etc. Donc, je ne crois pas qu'il faille blâmer les Pour une fois, le ministre n'a pas blâmé le fé- pressions de la minorité anglaise. Il faut, à mon déral; mais, il a blâmé, quelque peu, les mi- avis — je prends les paroles du ministre lui- norités anglaises. Je voudrais vous faire part même — prendre des initiatives bien précises, de mon expérience comme Québécois de lan- et je dois appuyer l'honorable député de Cham- gue anglaise, de naissance et de choix, moi bly qui, dans ses remarques, dans ses commen- qui ai l'honneur d'être député ici. Le parti taires, a stipulé clairement qu'à son avis, il ne libéral a adopté une politique. Notez bien que voyait pas d'initiative bien précise. notre parti est composé de Canadiens de lan- J'ai noté aussi, M. le Président, que le minis- gue anglaise et de Canadiens de langue fran- tre des Affaires culturelles a mentionné la com- çaise. Cependant nous avons adopté une poli- mission Gendron. Il a suggéré, stipulé que cette tique de la langue, que l'honorable député de commission-là est en grande partie un effet de Chambly a lue, cet après-midi. Il a lu les la politique, parce qu'après la commission de quatre résolutions que nous avons adoptées en l'éducation qui a siégé au sujet du bill 85, c'é- octobre. Lorsque je dis que nous avons adopté tait clair que la population était mêlée. Pour moi, ces résolutions, je parle de tous les libéraux la population de Québec n'est pas mêlée. Elle — 2,000 ensemble, de tous les comtés de la est prête à prendre une décision suivant notre province — de langue anglaise et de langue propre expérience et notre congrès en octobre française. Il n'y avait pas de dispute. Si le mi- du parti libéral, et j'ai pris note des mots du nistre veut une politique acceptable, je crois ministre. Il a stipulé que la commission Gen- qu'il doit regarder attentivement cette politi- dron va rendre son rapport, et Je cite: « dans que-là. un délai assez bref ». J'ai lu récemment que la Je note aussi que le ministre a blâmé quel- commission Gendron va rendre son rapport peut- que peu les avocats, mais je ne crois pas, en être dans les trois ans. Pour moi, le problème réalité, que je doive répondre à ces argu- est un problème aigu qu'il faut attaquer aujour- ments-là. d'hui même.

M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): Ils ont M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- le dos large. dent, si le député de Notre-Dame-de-Grâce me permet... M. TETLEY: Peut-être, le ministre lui- même est avocat, donc... je veux noter aussi M. TETLEY: Oui. que j'ai eu une expérience assez intéressante. En décembre, comme vous le savez, des élec- M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... même si le tions ont eu lieu dans Notre-Dame-de-Grâce. comité ou la commission Gendron devait enfin C'est un comté, comme je viens de le dire, à se trouver dans l'obligation de demander une 25% de langue française, un grand comté. Il prolongation de son mandat, cela ne l'empêche- compte plus dé citoyens que toute la province de ra pas de présenter au gouvernement des rap- l'Ile-du-Prince-Edouard. C'est un grand comté ports préliminaires. avec rien qu'un député. Dans ce comté, il y a 215 Ils serviront ensuite au gouvernement à éla- bureaux de scrutin, quelques-uns sont de langue borer la politique en matière linguistique, com- française, quelques-uns sont de langue anglaise, me l'a fait d'ailleurs la commission Lauren- quelques-uns sont mixtes. Mais les électeurs deau-Dunton qui n'a pas publié, à ce jour, tous dans tous ces bureaux ont tous voté — c'est un les documents qu'elle doit publier. Elle n'a pas plaisir aussi pour moi — pour la politique libé- fait connaître non plus toutes les recommanda- rale. Et n'oubliez pas que, durant les élections tions qu'elle se propose de faire au gouverne- de Notre-Dame-de-Grâce, en décembre, on n'a ment central. discuté que de la langue et de l'éducation, ces deux problèmes, pas d'autres. M. TETLEY: J'avais l'intention de faire Je crois que c'est la première fois que le quelques remarques durant la séance du co- candidat libéral a gagné dans tous ces bureaux mité de l'éducation au sujet du bill 85, mais je là, pas à cause du candidat, qui n'était pas très n'en ai pas eu l'occasion. Je note que le député bien connu, mais, je crois, à cause de la poli- de Sainte-Anne a fait des déclarations et est 1793

parti, suivant son habitude. J'attends encore parti libéral telle qu'énoncée, et telle que l'ho- les réunions du comité Gendron parce que c'est norable député de Chambly l'a lue cet après- une promesse du leader de la Chambre, pro- midi. messe qu'il a faite lors du débat sur le renvoi du bill 85. Pour ma part, je trouve qu'on attend M. LEDUC (Taillon): Je voudrais faire juste trop pour définir une politique précise. quelques remarques ou suggestions au ministre Je voudrais faire quelques commentaires au au sujet du bureau de promotion ou d'expansion sujet de l'unilinguisme au Québec, et je note que du français dont il a été question tantôt. le ministre fait une distinction entre une lan- On a parlé des publicitaires et le ministre a gue obligatoire et une langue officielle. A mon mentionné le fait qu'il y avait une différence de avis — et je crois que j'ai raison — je crois conception entre le linguiste et le publicitaire. qu'on ne peut pas connaître sa langue sans con- Etant publicitaire moi-même inutile de vous dire naître une autre langue. Je crois que c'est Saint- que cela ne m'a pas fait trop plaisir, mais je Augustin ou Sainte-Beuve qui a dit: « A moins dois l'admettre. qu'on ne connaisse une autre religion quelque Je me permets de suggérer au ministre de peu, on ne peut pas connaître sa propre reli- demander à ces promoteurs, si on peut employer gion. » C'est la même chose pour une langue. le mot, qui seront au sein du bureau de promo- Je crois que, parmi ceux qui demandent le bi- tion du français, d'exercer des pressions très linguisme au Québec, il y a autant de Canadiens sérieuses auprès des publicitaires de langue français que de Canadiens anglais. Je suis cer- française. Non seulement auprès des publicitai- tain que M. le ministre ne pourrait pas distin- res de langue française, mais aussi auprès des guer les anglicismes dans la langue française, agences de publicité que nous trouvons au Qué- s'il n'était pas capable de parler anglais. Il bec. Une grande majorité des publicitaires de faut, si vous voulez bien parler français, parler langue française travaillent, pour la plupart, couramment une autre langue. dans des agenses de publicité canadienne-fran- M. le ministre a aussi fait allusion aux gens çaise. Quelques-uns sont au service d'agences de langue anglaise qui ont témoigné devant le de publicité canadiennes-anglaises ou américai- comité de l'Education. Je voudrais noter qu'un nes, mais plusieurs de ces agences de publicité des Anglais qui a causé tant d'ennuis c'était un canadiennes-anglaises ou américaines ont leur nommé Paul J. Kingwell. J'étais absent cette siège social ou leur bureau à Toronto et font ap- journée-là, mais j'ai vu qu'il avait causé des pel à des services de traduction torontois qui, difficultés même au ministre de l'Education et eux, adaptent en français une publicité qui est même à notre équipe. J'avais honte moi-même publiée au Québec. Ce qui explique très souvent de son témoignage. Je voudrais noter que ce M. une publicité où l'on retrouve du mauvais fran- Paul J. Kingwell a changé son nom récemment. çais, où l'on retrouve des erreurs graves. D'après le Rapport du président général des Je pense que, non seulement il y a peut- élections 1966, page 235, ce M. Paul J. Kingwell être une différence de conception entre le lin- a pour vrai nom: Paul-E. Thibodeau. Cela prou- guiste et le publicitaire, mais il y a peut-être ve que, parfois, les pires défenseurs de la lan- aussi une certaine paresse intellectuelle chez gue anglaise — et il y en a dont j'ai honte aussi — le publicitaire canadien-français qui, habitué à sont souvent des personnes, je vais dire tout employer des termes, depuis plusieurs années, simplement, mêlées. Ce M. Kingwell est un pour décrire certains produits, ne se donnera pas Canadien français de naissance; son père est la peine de chercher, avec la documentation que parti lorsque le fils était très jeune et, à cause le ministère lui fait parvenir, le terme exact. de cela, il a quelque haine contre la population Je crois que la majorité des agences de pu- canadienne-française malgré le fait que son blicité reçoit la revue Mieux dire, du moins, épouse soit une femme charmante, distinguée, ceux à qui j'en ai causé la reçoivent. Il est pos- artiste canadienne-française de grande valeur. sible que quelques-unes de ces agences ne re- Ceci est tout simplement pour montrer que sur çoivent pas ce bulletin. Je crois que les lexi- les deux côtés il y a des objections contre la ques dont il a été question devraient être en- langue française. voyés à ces agences. Je crois que les publica- Je suis prêt à accepter entièrement les déci- tions dont le ministre a fait mention, et qui de- sions de la majorité de notre province. Je crois vront paraître d'ici janvier 1970, ou au cours que la majorité des citoyens de langue anglaise de l'année 1970, devraient être mises à la dis- est prête aussi. position des agences, de façon à les influencer, En terminant, je voudrais réitérer que l'ho- à leur vendre l'idée du français pour que l'on norable ministre des Affaires culturelles de- puisse retrouver dans l'information qui rejoint vrait tenir compte de la politique adoptée par le la masse des gens, un français qui soit valable, 1794 un français qui soit celui qu'on doit employer, qui me paraît nécessaire. Cependant, je crois et indirectement, peut-être, influencer la masse qu'elle devra se trouver dans les universités des gens qui lisent ces annonces, qui les enten- plutôt que dans les collèges, même d'un niveau dent à la radio, qui les voient et les entendent à supérieur, parce que cela fait partie, en som- la télévision. me, de la discipline générale de l'administra- J'admets bien volontiers au départ que cela tion. On s'occupe, évidemment, dans les écoles ne sera pas facile. Un publicitaire est — je le d'administration ou dans les facultés, d'étu- mentionnais tantôt — peut-être un peu paresseux dier toutes les techniques de la vente et de la à cause de son habitude d'adapter en français cer- mise en marché, etc, mais je crois qu'il serait taines campagnes publicitaires anglaises ou de important aussi qu'on donne des cours — il en produire très rapidement une campagne de pu- existe d'ailleurs, pas de façon complète, dans blicité en français, ce qui le force indirectement dans certaines universités — bien structurés à se servir des mêmes termes qu'il a employés sur le problème général de la publicité, avec l'année précédente ou la saison précédente. toutes les implications que cela comporte dans Mais, je suis convaincu, spécialement après le domaine de la conception de la publicité et de le colloque auquel a assisté le ministre, que la langue publicitaire. la bonne volonté existe, au moins dans le do- maine de la publicité. Il y a un travail à faire, M. LE PRESIDENT: Alors, poste no 1, trai- et je crois que l'Office de la langue française tements. trouvera chez les pulicitaires la collaboration qu'il est en droit d'avoir pour revaloriser le M. PINARD: M. le Président, seulement français publicitaire au Québec quelques minutes...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Pré- M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah, un avo- sident, à ce propos, je voudrais rassurer le cat! député de Taillon et, d'abord, lui dire que les instruments que fabrique l'Office de la langue M. PINARD: ... pour enchaîner sur les re- française: glossaires, lexiques, etc, sont im- marques très pertinentes faites par le ministre médiatement envoyés aux agences de publicité. des Affaires culturelles tout à l'heure, relati- D'autre part, à l'issue du dernier colloque vement à la langue française et aussi à l'affi- sur la publicité, on a formulé le voeu — qui chage français. va se traduire en réalité — de créer une com- Le ministre se souviendra sans doute qu'il mission consultative dont M. Maurice Wattier existe actuellement, dans les statuts de la pro- sera le principal artisan, avec le concours du vince, une loi, intitulée Loi de la publicité le Club de publicité. Cette commission consulta- long des routes (chapitre 49 des Statuts de Qué- tive établira la liaison entre l'Office de la lan- bec, 1314 Elisabeth II, 1965, volume 1). Cette gue française et les agences de publicité, les loi est venue peut-être tardivement, mais elle publicitaires, enfin, tous les gens qui sont de est venue quand même, grâce au courage du ce métier. gouvernement de l'époque qui a su résister aux pressions des publicitaires, des agences de pu- M. LEDUC (Taillon): M. le président, puis- blicité, des associations de commerce en détail, je poser une question au ministre? Probable- etc. ment que ce n'est pas de son domaine; le mi- Le gouvernement a fait écho précisément nistre me le dira. N'a-t-il pas été question, au désir qu'avait une très forte partie de la po- à l'occasion du colloque, de songer à créer pulation de voir des panneaux d'affichage pré- une école de la publicité? sentés dans une formule de bon goût. S'il n'était pas possible d'avoir ce panneau de M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il a été ques- publicité exclusivement en français, eh bien, le tion de créer cette école d'enseignement de la public réclamait avec raison, je crois que l'an- publicité. C'est un voeu qui a été émis. A nonce ou l'avis soit fait dans les deux langues, l'ouverture de ce colloque, j'ai déclaré que mais dans une langue correcte et en français et j'étais en faveur, évidemment, de la création en anglais. d'une école semblable. J'espère qu'il sera pos- Ce qui a préoccupé le ministère à l'époque sible, en consultation avec les organismes qui — et c'était plus de son ressort — c'était de pro- s'occupent de publicité, les publicitaires, etc, téger les routes que nous avons bâties à coup d'établir, avec le ministère de l'Education et de millions, la route transcanadienne, par ex- d'autres ministères intéressés, les mécanismes emple, les autoroutes de dégagement à la sortie qui permettront de mettre sur pied cette école des grandes villes et des villes moyennes du 1795

Québec. Nous avons investi là des sommes fan- car il aurait déjà entre ses mains un instrument tastiques. J'ai cru qu'il était raisonnable de pour commencer le travail qu'il veut accomplir protéger, par une loi organique, ces investisse- de façon plus générale sur le territoire québé- ments de façon que ce que le ministère a pu créer cois. de beau au point de vue routier, au point de vue Je lui demanderais également de se faire génie, ne soit pas gâté par ailleurs par des pos- l'avocat — je sais qu'il en a parfois contre les tes de commerce qui ont voulu ou qui voulaient avocats — mais je sais qu'il ne peut pas renier afficher dans une langue bâtarde et encore pla- les études de droit qu'il a faites et qui lui per- cer des affiches sur l'emprise même du ter- mettent de s'exprimer aujourd'hui dans un fran- rain appartenant à la province. çais bien correct.. Mais il a fallu — et je reprends les termes employés tantôt par le ministre — beaucoup de M. TREMBLAY (Chicoutimi): Croyez-vous courage, car nous nous sommes vite aperçu que ce sont mes études de droit qui m'ont appris qu'il y avait une résonance électorale dans ça? tout ce domaine de la publicité le long des rou- tes. Nous avons fait déplacer, enlever, je crois, M. PINARD: Je pense que ses études de dans une année, tout près de 9,000 affiches ou droit ont pu contribuer à donner au ministre panneaux publicitaires. Je vous assure que la ce souci du langage correct, de la bonne formule. résonance était encore beaucoup plus forte au Enfin, je le prie d'étudier attentivement ce texte bureau du ministre et des hauts fonctionnaires de loi. Il verra que ce qu'il a dit tantôt au sujet qui avaient la responsabilité de faire appliquer du courage qu'il faut avoir, par exemple, en son- la loi. Il a fallu reprendre le texte des règle- geant à une loi possible de l'affichage en fran- ments qui avaient été préparés à l'époque, de çais dans le Québec, il verra à la lumière de façon qu'ils collent davantage à la réalité et l'expérience que nous avons vécue à l'époque collent aussi davantage au texte de loi, de fa- avec l'adoption de cette Loi de publicité le long çon à créer le moins d'injustices possible, mais des routes et surtout à cause de ses modalités aussi de façon à faire respecter la loi de façon d'application, qu'il est parfois difficile de donner plus efficace et ça, ça n'a pas été facile. C'est suite à des désirs bien légitimes de nos sociétés pourquoi j'ai dit tantôt qu'il est vrai que les nationales, par exemple la Société Saint-Jean- gouvernements doivent avoir parfois beaucoup de Baptiste, au Québec. courage. Le gouvernement doit, par les lois qu'il Je ne voudrais pas le décourager, mais je adopte, bousculer de vieilles habitudes, des tra- voudrais qu'il continue le bon travail qui a été ditions bien ancrées. Ce courage, le gouverne- accompli. Je voudrais qu'il sensibilise davantage ment l'a eu. Je ne parle pas exclusivement du ses collègues du conseil des ministres pour que, nôtre, je parle aussi des gouvernements qui encore une fois, des lois qui sont dans les statuts nous ont précédés, je parle aussi — je ne fais et qui ne reçoivent plus d'application ou qui ne pas d'exception — du gouvernement qui dirige reçoivent pas une application aussi douloureuse actuellement les affaires de la province. que dans les premières années de leur adoption Mais, à un moment donné, il arrive que le reprennent de la vigueur et qu'elles contribuent gouvernement, à cause de toutes sortes de tra- à faire accomplir par le gouvernement le travail casseries qui lui sont faites, est presque empê- qui a été proposé par les ministres de l'époque ché de faire appliquer les lois qu'il édicte, qu'il qui ont eu à travailler sur ce problème. fait adopter par la Chambre. Si les fonctionnai- Ce serait un début, et je pense que le ministre res ne sont pas soutenus de façon énergique et a raison lorsqu'il dit que tous ces panneaux vigoureuse par les autorités ministérielles, il d'affichage, ces annonces commerciales, ils sont arrive très souvent qu'ils se découragent dans faits la plupart du temps dans un très mauvais le travail qu'ils ont à accomplir chaque jour. goût. Je crois qu'il y a là un travail immense à C'est précisément ce qui est arrivé dans le cas accomplir. Je voudrais tout de suite lui dire que, de la loi dont je parle, Loi de la publicité le long pour ma part, je lui donne raison. Je voudrais des routes. Je ne vols plus d'action gouverne- l'encourager ce soir dans la mesure de mes mo- mentale. Je ne vois plus d'action au niveau du destes moyens à continuer ce travail qui, à mon ministère de la Voirie dans ce domaine. avis, représente un effort immense sur le plan Et je dis au ministre que s'il, voulait en venir de la refrancisation de nos postes de commerce dans un avenir rapproché à proposer au conseil sur tout le territoire québécois. des ministres, et un peu plus tarda la Chambre, Alors, avec un instrument comme la Loi de l'adoption d'une loi sur l'affichage en français, la publicité le long des routes, ce sera déjà un je lui demanderais, par le fait même, de bien étu- début. Ce n'est pas tout. Il faudra probablement dier la Loi de la publicité le long des routes, présenter devant la Chambre d'autres projets 1796 de loi pour toucher tous les aspects de ce vaste pour cela que j'ai insisté tout à l'heure, pen- problème qu'a évoqué tantôt le ministre avec dant le discours que j'ai fait, sur le travail beaucoup d'à-propos. Je voudrais lui dire tout que fait l'Office de la langue française dans ce de suite qu'il trouvera dans la personne du dé- domaine de la coordination de l'action linguisti- puté de Drummond un défenseur de ce qu'il a que avec les autres ministères. prêché tantôt. Je crois que je ne suis pas le seul du côté de l'Opposition à partager ce souci M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): Alors, et cette responsabilité. Mais, encore une fois, poste... ce n'est pas un travail facile. Le ministre devra certainement, pour arriver à réaliser les objec- M. LAPORTE: M. le Président, à dix heu- tifs visés, bâtir de nouvelles structures, par res, nous aurons consacré aujourd'hui trois exemple au niveau des services d'enquête, heures à discuter du problème de la langue qui pourront faire l'inventaire de tous ces pan- française. Je ne pense pas que qui que ce soit neaux publicitaires de mauvais goût qui exis- puisse s'imaginer que c'est un abus pendant tent dans la province. Il y a déjà eu un travail une session qui dure maintenant plusieurs qui a été amorcé au ministère de la Voirie. mois. Le discours du ministre qui, par plu- Il serait peut-être bon que le ministre ail- sieurs côtés, était fort intéressant, m'a sug- le jeter un coup d'oeil de ce côté, de façon à géré certaines remarques quant à certains ne pas dédoubler le travail fait jusqu'ici. Je sujets qu'il a abordés et sur lesquels je ne crois qu'il y a là matière à réflexion et sur- suis pas d'accord. tout matière à permettre au gouvernement Je ne suis pas d'accord lorsque le minis- de se ressaisir et de se montrer plus vigou- tre, dans une de ses rares — je le souligne reux qu'il ne l'a été pour refranciser ce qui avec plaisir — allusions politiques a dit que est refrancisable — si on me permet le mot sous la conduite de l'ancien ministre des Af- ce soir — dans le Québec. faires culturelles, votre humble serviteur, Cela blessera certaines personnes. Cela M. le Président, l'Office de la langue françai- choquera peut-être certains de nos concitoyens se a connu des hauts et des bas, et probable- qui n'attachent peut-être pas la même impor- ment plus de bas que de hauts. tance que le ministre et certains députés en Je me suis permis, alors que j'étais ministre cette Chambre à la refrancisation de toute cet- des Affaires culturelles — était-ce de la pré- te publicité que l'on trouve le long de nos rou- monition, était-ce de la prudence ou était-ce le tes, sur nos postes de commerce, etc. Je crois désir de me renseigner sur ce qui se passait — qu'il y a là beaucoup de travail à accomplir. Je d'accumuler certains documents. Or, je consta- veux encourager le ministre dans les efforts te que tout ce dont le ministre nous a parlé ce qu'il nous a expliqués et qui devront être un soir, à l'exception de ces bureaux qu'il a ouverts de ses principaux objectifs sur le plan de la re- à Montréal et à un ou deux autres endroits, francisation. existait déjà lorsque le ministre actuel a assumé les fonctions de ministre des Affaires culturel- M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- les. dent, je remercie le député de Drummond de Publications. Je cite un document: 16 numé- ses observations. J'ai écouté avec beaucoup ros du bulletin Mieux dire avaient déjà été pu- d'intérêt et de sympathie la prière de ce saint bliés. Le chiffre du tirage avait été porté gra- Bernard très sympathique. Comme saint Ber- duellement jusqu'à 200,000 exemplaires. Ces nard n'est pas rayé du calendrier, j'ai écouté bulletins ont été envoyés aux députés, à feu les sa supplication. Je voudrais lui souligner que conseillers législatifs, aux normaliens, aux le gouvernement actuel s'est occupé de l'affi- enseignants, etc. Quinze numéros du Guide de chage des produits alimentaires. Justement, le terminologie ont été publiés; le chiffre du tirage vocabulaire de l'alimentation est destiné au a été porté à 30,000. On nous parle, aujour- ministère de l'Agriculture afin de lui permet- d'hui, de terminologie et de certains lexiques tre d'appliquer cette mesure. C'est un exem- qui seront publiés cette année et jusqu'à la fin ple qui montre qu'au ministère de l'Agricultu- de l'an prochain. Nous applaudissons, mais ça re on a quand même posé un geste très coura- n'est nullement un service nouveau: c'était au geux. nombre des hauts qu'il y avait à l'époque, à Je voudrais souligner ici qu'un des problè- l'Office de la langue française. mes qui nous confrontent, lorsqu'on parle de Je cite toujours: Sur la demande de groupe- la revalorisation de la langue administrative, ments professionnels, d'organisations syndica- c'est justement ce problème de la coordination les et d'enseignants, douze bibliographies géné- des efforts des différents ministères. C'est rales ont été préparées et diffusées. Un dossier 1797 de documentation: « Comment rédiger un rap- views à la presse, à la radio et à la télévision. port » a été préparé et diffusé par les soins de Il a pris part à des congrès, des colloques et l'office. On a préparé une collection de mono- des journées d'étude. Des organismes québécois graphies linguistiques et l'on avait, à ce moment- ont eu recours aux bons offices de l'Office de là — ce qui a été réalisé par la suite — un projet la langue française, sociétés Saint-Jean-Baptis- de fiches de l'Office de la langue française. Par- te, cercles linguistiques de Montréal, cercle de mi les services qu'offrait déjà l'Office de la linguistique de Québec, Association des publici- langue française, il y avait le service de la ter- taires, Comité linguistique, des organismes non minologie dont la tâche était de dépouiller des québécois, quelques-uns, des sociétés commer- ouvrages techniques, scientifiques et d'établir ciales. On a organisé des journées d'étude. On des lexiques et des glossaires anglais-français. a accordé des subventions à des experts ou à des Deuxièmement, on avait déjà répondu à 4,000 gens qui voulaient se spécialiser dans des tra- demandes de renseignements. Sur la demande vaux en linguistique. de la Fédération des syndicats de l'industrie Rien de neuf, mais un travail qui a continué papetière, un lexique anglais-français des ter- à se développer à l'intérieur de structures qui mes de l'étude du travail et de la convention avaient déjà été mises en place par le prédé- collective de travail a été établi. Un glossaire cesseur du ministre actuel et le prédécesseur anglais-français des termes de l'automobile a de votre humble serviteur. Disons que je n'au- été préparé et publié dans le bulletin Mieux rais certainement pas insisté sur ce point, si le dire. On avait, à cette époque, commencé à ministre ne m'y avait en somme forcé. Mais, travailler sur le vocabulaire des élections. On ce qui me trouble bien davantage, c'est l'absen- a préparé un lexique de la radio et de la télé- ce totale de politique linguistique du gouverne- vision en collaboration avec l'ACELF. On a ment actuel. Nous avons eu, cet après-midi, la préparé un lexique anglais-français du syndi- réponse hélas! très précise à la question que calisme. Un lexique anglais-français de la pu- nous nous posions depuis plusieurs mois: Quelle blicité était en préparation. Prévoyait-on la est la politique linguistique de l'Union Nationale? venue ici des Expos de Montréal? On songeait, Nous étions en droit de nous le demander, parce à cette époque, à préparer un lexique anglais- que ce parti politique, lors de la dernière élec- français du baseball. Lexique unilingue fran- tion provinciale, avait placé au tout début de son çais, 3,000 fiches, automobile, convention col- programme les phrases suivantes: « Toute na- lective, publicité, construction, signalisation tion a droit à l'autodétermination, ce qui im- routière. plique qu'elle possède ou qu'elle se donne les Au service de la documentation, on avait un instruments nécessaires à son épanouissement, fichier des termes de la voirie, un fichier des soit une langue nationale qui ait la primauté sur termes divers et un fichier des canadianismes les autres. » On lisait, dans les solutions sug- 17,000 fiches, 300 dossiers-chemises de docu- gérées aux citoyens québécois: « Donner au mentation sur l'administration et la fonction pu- français le statut d'une langue nationale. » blique, rapports, publicité, tourisme, syndica- C'était imprécis à souhait, mais l'on ima- lisme, des articles, des documents, des brochu- ginait que devant une prise de position très res, des catalogues, des dépliants utiles au générale mais catégorique, le gouvernement service de rédaction et au service de termino- actuel profiterait des trois premières années logie ont été classés. Les fiches — on nous par- de son administration pour se donner une poli- lait tantôt du fichier français de Berne, il en tique linguistique. Qu'est-ce que nous a dit cet existait déjà un au ministère des Affaires cul- après-midi le ministre? Cest infiniment plus turelles — comprenaient les fiches du fichier complexe qu'on ne le prévoyait, et nous avons français de Berne, du comité d'étude des ter- décidé de demander à la commission Gendron de mes techniques français et du comité de linguis- nous faire des recommandations. tique de Radio-Canada, un fichier analytique des publications périodiques, 30 bibliographies demandées par des services administratifs et M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le rè- des particuliers, le service de rédaction-cor- glement. Je n'ai pas dit que c'était infiniment rection, demandes de renseignements: 300, par plus complexe qu'on ne le prévoyait. J'ai dit téléphone; environ 9,000 par année; 10 par jour. que c'était infiniment plus complexe que n'im- Refonte des pièces administratives, codes cir- porte qui ne pouvait le prévoir. Nous avions une culaires, 3,000 pages; lettres, brochures, 600 notion et une compréhension exacte du problè- pages, rapports, 1,000 pages, refontes et cor- me à ce moment-là. rections de textes, 300 conférences par le di- recteur de l'office. Il a accordé trente inter- M. LAPORTE: Vous aviez...? 1798

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous avions M. LAPORTE: C'est cela. une compréhension très claire du problème à ce moment-là. Nous avons formulé, à l'avan- M. TETLEY: Votre bill est retiré. tage de la population, des propositions que nous nous employons maintenant à mettre en appli- M. TREMBLAY (Chicoutimi): Parce que cation. Ce n'est pas du tout ce que prétend le vous-même, vos députés n'étaient pas d'accord. député de Chambly. J'ai indiqué moi-même dans un discours, lors de la seconde Biennale de la M. LAPORTE: Disons que mettre beaucoup langue française, quelles étaient les normes, de soin à faire quelque chose, interprété par quels étaient les principes de base de cette po- l'Union Nationale, veut dire n'importe quoi ex- litique linguistique. cepté faire la chose. On ne nous a rien donné en matière de poli- M. LAPORTE: Le ministre vient de répéter tique linguistique. Pourtant, qu'avons-nous pro- avec d'autres mots ce qu'il avait dit cet après- posé, nous, aux citoyens de la province de Qué- midi. Le gouvernement n'a pas de politique lin- bec lors de l'élection de 1966? guistique. C'est infiniment plus complexe que quiconque ne pouvait le prévoir. Ce sont pour- M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'aviez-vous tant ces gens qui, sous la signature d'un chef, fait avant, en matière de politique générale? hélas! défunt, écrivaient: « Ce programme d'ac- tion que l'Union Nationale propose au peuple M. LAPORTE: Merci, M. le Président. du Québec vise à permettre à tous les Québécois d'atteindre le plus haut niveau possible de bien- être et à préparer l'avenir de nos jeunes. C'est M. TREMBLAY (Chicoutimi): Aviez-vous ceci qui devient important. Nous avons mis défini une politique globale en matière linguis- beaucoup de soin à l'élaborer et nous en met- tique? trons autant à l'accomplir. Nous nous engageons à servir le Québec, et les principes énoncés M. LAPORTE: Si vous voulez me laisser ré- dans ce programme nous serviront de guide. pondre, J'y arrivais justement. Qu'avons-nous Nous voulons que ce document soit la charte fait dans le domaine d'une politique linguisti- de notre avenir ». que? Partant d'une prémisse que le ministre a répétée à plusieurs reprises... M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si l'on me M. TREMBLAY (Chicoutimi): Répétez-vous permet, mettre du soin à faire quelque chose, le disque que j'ai entendu? cela veut dire peser. M. LAPORTE: Tant que vous ne me le lais- M. LAPORTE: Oui. serez pas répéter, vous ne pourrez pas juger. M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela veut dire M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela fait déjà examiner la situation. trois fois que vous me le servez, et j'ai ici des fonctionnaires qui, à deux reprises, ont perdu M. LAPORTE: Oui, oui. la journée de congé à laquelle ils ont droit pour entendre répéter cet interminable disque que j'ai M. TREMBLAY (Chicoutimi): Examiner tou- entendu, il y a un an, il y a deux ans et que j'ai tes les données du problèmes. Peser le problè- entendu l'an passé et que j'entends encore cette me et le replacer dans sa perspective exacte. année. M. LAPORTE: C'est cela. M. LAPORTE: Quand je défendais les crédits M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les paroles du ministère... de l'honorable Johnson que vient de citer le dé- puté de Chambly... M. TREMBLAY (Chicoutimi): Que le député de Chambly me déclare catégoriquement: Vous M. LAPORTE: C'est cela. n'avez rien fait, nous avons tout fait. On va examiner le budget, article par article, afin de M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... étaient les permettre aux fonctionnaires d'aller travailler, paroles d'un homme qui concevait l'ampleur alors que vous les empêchez de travailler et de la tache dans ce domaine de la politique lin- que vous leur avez fait perdre deux journées guistique. de congé... 1799

M. LAPORTE: Cela me semble bien objec- M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, en- tif... voyez-moi donc la bobine et je vais laleur faire écouter. M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... pour écouter les protestations d'amitié que vous leur faites. M. LAPORTE: En partant de ce raisonne- ment, vous n'auriez qu'à amener ici tous vos M. LAPORTE: ... sauf que, lorsque je défen- fonctionnaires, les 100 ou 200, et dire aux dé- dais les mêmes crédits, je laissais les fonction- putés de l'Opposition: Messieurs, ne posez pas naires travailler et je n'avais que le sous-mi- de questions, vous faites perdre le temps à tout nistre avec moi. Laissez-les au ministère, et le ministère. ne gardez que votre sous-ministre. Pourquoi ces 15 ou 18 personnes autour de vous? Vous M. LE PRESIDENT: Il faudrait ajouter des avez peur de quoi et de qui? sièges!

M. LAFONTAINE: C'est parce que le minis- M. LAPORTE: M. le Président, vous devez tre veut bien renseigner... être le plus silencieux des hommes. Alors, je dis au ministre, j'ai bien l'inten- M. LAPORTE: Vous êtes si peu renseigné tion de terminer l'exposé que je voulais faire. que vous ne connaissez pas les problèmes... J'avais l'intention de proposer que les crédits de l'Office de la langue française soient vo- M. LAFONTAINE: ... le chef de l'Opposition tés dès ce soir. Si le ministre veut retrouver qui est absent. ce calme qui lui sied si bien...

M. LAPORTE: C'est actuellement le mi- M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'ai pas nistre qui fait perdre le temps de tous ces fonc- perdu mon calme. tionnaires. Il n'en avait pas besoin. M. LAPORTE: ... disions que vous étiez M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le sur le point de... règlement, M. le Président. Les fonctionnaires sont mes collaborateurs au ministère. M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas un bon Simenon, et vous me le répétez. M. LAPORTE: Laissez-les là. M. LAPORTE: C'est-à-dire que quand on M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le sous-mi- occupe le poste que vous occupez, c'est rare nistre est le premier collaborateur du minis- qu'on trouve que ce sont de bons Simenon. Je tre et chacun des fonctionnaires dirige une di- m'en souviens encore, vous savez. rection générale ou un service. Si je crois en Alors, vous avez demandé ce que nous avons avoir besoin, j'ai le droit de les amener ici fait? Nous avons d'abord créé les services, pour me fournir les documents dont J'ai besoin. des structures qui n'existaient pas. Et pendant trois, quatre, cinq ans, ces gens ont oeuvré M. LAPORTE: Bien. justement dans ce domaine extrêmement com- plexe dont vous avez parlé. C'est nous qui M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et même si ce avons défriché. Deuxièmement, au conseil des n'était pas utile de le faire, vous viendriez de ministres de la province de Québec, pendant le démontrer, que c'est utile de le faire, parce les derniers mois de 1965 et les premiers qu'ils auraient l'exemple de ce que vous étiez mois de 1966, c'est celui qui vous parle qui a exactement, de ce que vous êtes en Chambre et convaincu tous ceux qui ne l'étaient pas de de ce que vous étiez lorsque vous étiez minis- la nécessité de doter la province de Québec tre des Affaires culturelles. d'une politique de priorité de la langue fran- çaise. Je demande au ministre s'il est capa- M. LAPORTE: Je n'ai pas d'objection à ce ble d'en dire autant de son propre cabinet. qu'ils soient tous là. Deuxièmement, au niveau d'un programme électoral, nous avons réussi à convaincre le M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un dis- parti, qui comptait un très grand nombre de que que vous tournez. gens de langue anglaise, et qui était en mesu- re d'espérer — et les faits l'ont confirmé — M. LAPORTE: ... et je n'ai pas d'objection pouvoir compter sur la majorité du vote an- à ce qu'ils fassent des comparaisons. glais dans la province de Québec, d'inscrire 1800

à son programme... C'est bien gentil de par- ficiellement, le directeur et le personnel de ler de courage, de parler de choses en géné- l'Office de la langue française. Bien au contrai- ral. Nous avons, nous, dans la province de Qué- re, je dis que ces gens ne reçoivent pas du mi- bec, parti politique qui comptait et compte nistre l'appui dont ils auraient besoin, au moins encore, chacun le sait, sur une forte propor- un appui qui pourrait produire les résultats tion du vote de langue anglaise, c'est nous qui qu'on serait en mesure d'attendre. Je n'aurais avons inscrit, blanc sur noir: La langue fran- qu'à citer un journal qui a été publié à la fin çaise deviendra au Québec la principale lan- de 1967 où l'on dit que ces gens-là semblent gue de travail et de communications. oeuvrer à peu près ignorés du grand public, Deuxièmement le ministre me demandait comptant pour peu au sein même du gouverne- tout à l'heure: Seriez-vous disposé à m'ap- ment. L'office de la langue française du minis- puyer si je proposais un projet de loi sur l'af- tère des Affaires culturelles en est réduit, selon fichage? Je n'ai même pas besoin de vous ap- l'expression d'un linguiste, à donner des grands puyer, vous n'avez qu'à relire notre program- coups d'épée dans l'eau. me: « L'affichage public sous toutes ses for- M. le Président, c'est toute la thèse que j'ai mes devra accorder une place prioritaire à la voulu développer aujourd'hui: Donnez à l'Office langue française ». On nous demande ce que de la langue française l'appui efficace, suffi- nous avons fait; c'est ce que nous avons fait. sant pour qu'il cesse de donner des grands Troisièmement, alors que nous avions perdu coups d'épée dans l'eau, pour qu'il cesse, com- l'élection, et que nombre de gens prétendaient me le dit cet article, de perdre régulièrement que c'était des choses comme cela qui avaient des membres de son personnel qui sont déçus contribué à nous faire perdre précisément à non pas du travail qu'ils font à l'office, mais du cause du climat dont nous a parlé le ministre, peu de travail qu'on leur confie ou du peu d'effi- pas facile à vendre dans la province de Qué- cacité pratique du travail qu'ils accomplissent. bec... Avons-nous abandonné cette politique? M. le Président, courage... Nous sommes retournés devant le congrès du parti libéral et nous avons fait accepter la po- litique que j'ai énoncée cet après-midi. M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un mot en passant, M. le Président. Il n'y a qu'une per- C'est ce que nous avons fait. Je demande au sonne qui ait quitté l'office en deux ans. Quand ministre ce qu'il a fait, lui et son gouvernement, même! Il ne faut pas affirmer des choses com- sauf de belles déclarations. Vous avez parlé tan- me cela. C'est incroyable! Et se fier à un jour- tôt du ministère de l'Agriculture et de la Colo- nal! nisation. Ce ministère a obtenu une publicité formidable lorsqu'il a décidé de faire adopter M. LAPORTE: Ah, monsieur, je suis de ceux un arrêté ministériel décrétant que l'affichage qui se fient aux journaux! sur les boîtes de conserves devrait accorder un statut prioritaire ou au moins égal à la langue M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bien, oui! Vous française. Absolument rien n'a été fait depuis en avez écrit. ce temps-là. J'ai pensé, cette année — mais, pour ne pas faire perdre le temps de la Chambre, je ne l'ai M. LAPORTE: J'ai des raisons, vous savez. pas fait — aller moi-même chez des marchands Je cite: Les lenteurs administratives, le man- en alimentation pour apporter ici des douzaines que de coordination, le personnel qualifié fait et des douzaines d'étiquettes, de labels qui vio- parfois défaut. Enfin, une fois engagés par l'of- lent effrontément l'édit du ministère de l'Agri- fice, certains d'entre eux n'ont rien de plus culture et de la Colonisation. Il avait obtenu pressé que d'en partir. Pourtant, nous confie la publicité, c'est tout ce qu'il recherchait. Alors l'un deux, au départ nous sommes tous enthou- M. le Président... siastes, nous croyons à la cause de français, à l'urgence des réformes... et le reste. M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le problème, c'était un problème de vocabulaire et nous l'avons M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah, oui! Ah, préparé, le vocabulaire. oui!

M. LAPORTE: M. le Président, je termine, M. LAPORTE: M. le Président, une minute parce que je ne veux pas aller plus loin, ce encore. Je dis qu'il est possible de vendre cette soir, sur les crédits de l'Office de la langue politique de la langue à nos compatriotes de française. Jamais, il ne m'est venu, même in- langue anglaise. Nous l'avons fait, nous, mais directement, à l'idée de blâmer, même super- je suis convaincu que nos compatriotes de lan- 1801 gue anglaise craignent certaines personnes, disposés à proposer une politique de la langue, certains partis politiques. C'est une dimension qui répondra par exemple à tous les besoins de dont le ministre devra tenir compte. la population en tenant compte des situations que Je me souviens que devant la commission j'évoquais cet après-midi. sur la langue, en bas, où l'on a lu de nombreux mémoires, le ministre est intervenu à plusieurs M. LAPORTE: Parlant d'inexactitudes, M. reprises. Je m'en souviens et je l'en félicite. le Président, je voudrais en relever une de tail- Mais il y a de nombreuses personnes de langue le également. Je ne voudrais pas laisser se anglaise dans la province de Québec qui ont terminer cette journée sans le faire, quand on besoin, sinon d'être rassurées sur les politi- a discuté cet après-midi du règlement qui s'est ques... Il est clair que cela va déranger des ajouté à la loi sur les hôpitaux, le ministre a habitudes, que nous ayons la priorité de la lan- dit que les libéraux ne se sont pas souciés gue française. Ces gens-là ne veulent pas telle- d'adopter des règlements et qu'il a fallu, en ment être rassurés sur les politiques que sur arrivant au pouvoir, faire très vite. Or, c'est les hommes qui vont les appliquer. Tant et aussi tout à fait inexact. Dès la fin de 1962, le Col- longtemps que dans le parti dont est membre lège des médecins préparait lui-même des rè- mon honorable ami d'en face, on ne se sera pas glements. Le 29 septembre 1964, la première entendu sur une politique linguistique claire et version de ces règlements était soumise au précise qui sera acceptée par tous les membres gouvernement. Le deuxième texte fut présenté de sa formation politique, il est clair que les au ministre de la Santé, le 27 juillet 1965. C'est citoyens auront peur, et je les comprends. à ce moment que le gouvernement libéral a dit M. le Président, une politique de la langue, à l'Ordre des médecins et chirurgiens de la il n'y en a pas dans l'Union Nationale. Et mê- province de Québec: Nous n'accepterons pas un me s'il y en avait une, on se demanderait par texte qui a été rédigé exclusivement par vous, qui et de quelle façon elle serait appliquée. Je vous allez maintenant vous entendre avec les le regrette, et j'espère qu'en dépit de ces cho- deux associations d'hôpitaux de la province de ses-là, l'Office de la langue française dont nous Québec. votons les crédits à l'instant même pourra, Ce fut un travail ardu, complexe. C'est le en 1969-1970, jouer tout le rôle qui est le sien 15 août 1967 que le ministre de la Santé, M. et dont nous rêvons pour lui au cours de l'année Jean-Paul Cloutier, invitait les gens dont j'ai qui commence. parlé cet après-midi à faire partie d'un comité de terminologie au sein de son ministère. Alors, M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- M. le Président, nous avions, longtemps à dent, si le député de Chambly me permet une l'avance, prévu la rédaction de règlements, remarque d'une minute, je ne ferai pas un dis- mais comme en ces choses, c'est très diffi- cours, mais je vais relever une inexactitude cile et il s'agissait au surplus de droits nou- vraiment énorme et grossière de son affirma- veaux, ç'a été beaucoup plus long que nous tion. l'espérions. Alors, M. le Président,... Partant d'un article écrit à la suite d'une rencontre avec une personne de l'Office de la M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): Il est dix langue française, on déclare que les gens qui heures et l'article 2... sont à l'Office y viennent et s'en vont, alors que, dans deux ans, on n'a perdu qu'une personne M. LAPORTE: Adopté, adopté. qui est allée travailler à l'extérieur, dans un pays d'Afrique, je crois C'est la seule person- Cela a été beaucoup plus long que nous l'es- ne que nous ayons perdue et on dit: Ces gens- périons. là n'ont rien à faire. On manque de personnel, parce qu'on ne suffit pas à toutes les demandes M. LE PRESIDENT (M. Bousquet): Il est dix et tous les fonctionnaires qui travaillent à l'Of- heures. fice de la langue française sont surchargés de travail. Le recrutement est difficile, parce qu'il M. LAPORTE: Adopté. s'agit de spécialistes. M. le Président, je voulais relever cela, parce que vraiment je trouvais ça M. TREMBLAY (Chicoutimi): Adopté. L'Of- énorme, et J'indique en passant que le parti li- fice de la langue française. béral, qui a été quand même six ans au pouvoir, n'a pas, en six ans, proposé une politique glo- M. LAPORTE: Poste no 2. bale de la langue. Nous n'en sommes qu'à deux ans et demi d'administration, et nous sommes M. LE PRESIDENT: Le poste 2 est adopté. 1802

M. LAPORTE: En entier. M. PAUL: Qu'il me soit permis de rappeler que la commission permanente des Richesses M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, demain, naturelles siégera demain à la salle 81. Afin on passe à la Direction des relations culturelles. d'éviter que les programmes des députés ne soient changés, demain après-midi, nous passe- rons à l'étude des crédits du ministère des M. LAPORTE: C'est ça. Affaires culturelles, que la commission en bas ait terminé ou non son travail. Demain soir, M. BOUSQUET (président): J'ai l'honneur à huit heures, nous pourrions revenir à l'étude de faire rapport que le comité a adopté des ré- du bill 11 sur la proposition d'ajournement de solutions et qu'il demande la permission de sié- l'honorable député de Drummond, la Loi concer- ger à nouveau. nant l'Office de radio-télédiffusion du Québec. Alors, demain après-midi, les crédits d'une M. LEBEL (président): Quand siégera-t-il? façon assurée, ici en haut et, demain soir, le A la prochaine séance. L'honorable ministre des bill 11. Je propose l'ajournement de la Chambre Affaires culturelles propose que la résolution à demain après-midi, trois heures. soit maintenant lue et agrée. Cette motion sera- t-elle adoptée? Adopté. M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain après-midi, trois heures. M. LAPORTE: Sans doute. (Fin de la séance: 22 h 13)