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Not an amazing story Serge Allard

Number 27, Spring 1986

URI: https://id.erudit.org/iderudit/22022ac

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Publisher(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (print) 1923-5097 (digital)

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Cite this review Allard, S. (1986). Review of [Not an amazing story / The Color Purple]. 24 images, (27), 41–42.

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ul besoin de démontrer que Mais quelle muse a bien pu contrain­ doute en mal d'anti-publicité, nous est un dre celui qui dompte la technique, invite à craquer sous le poids des N admirable conteur. Du créa­ comme l'adolescent souffreteux le quarante années de stoïcisme tran­ teur d'un univers cinématographique clavier, à délaisser sa sempiternelle quille d'une femme ayant eu la éminemment ludique et exception­ pléthore de péripéties au profit d'un malencontreuse initiative de naître nellement onirique, on ignorait «méga-drama» auquel il est, de toute noire, en plein cœur de la Géorgie du cependant qu'il en bavait de ne pas évidence, biologiquement et cultu- début du siècle. avoir écrit Racines et qu'il nourris­ rellement étranger? Pour sa pre­ sait secrètement le désir d'être iden­ mière mise en scène au cinéma Construit à partir d'un roman (prix tifié à Bergman. depuis deux ans, le réalisateur, sans Pulitzer) d', le scénario

Akosua Busia et Desreta Jackson

41 n'est autre chose que l'étalage des ces in the Heart, Silverado, Witness) risque de ne connaître qu'un succès fondements et particuliarismes des paye largement de son imposante symbolique. servilités forcées et successives de personne dans le rôle ingrat de l'in­ Celie (Whoopie Goldberg). fâme mari. Mais c'est à Margaret Et moi qui me délecte au moindre tri­ Avery (Scott Joplin, Which way is Up, ple salto arrière du séduisant Dr. Elle sera séparée de ses enfants dès Magnum Force) et, au charisme rava­ Jones. Avez-vous dit E.T. II? leur naissance puis obligée de se geur qu'elle exhale, que revient l'hon­ soumettre au premier candidat neur de captiver les occupants des matrimonial venu (). Et strapontins. Elle interprète magis­ comme deux malheurs n'arrivent tralement une paillarde chanteuse jamais seuls, elle assistera passive affranchie par le blues, par qui les THE COLOR PURPLE (?) et désespérée au départ involon­ bonnes nouvelles arrivent. Tous les USA, 1985 taire de sa sœur Nettie (Akosua autres sont, bien sûr, excellents; Ré.: Steven Spielberg Busia), son ultime réconfort. Vérita­ Bennet Guillory nous gratifie au sur­ Se: Menno Meyjes, d'après le roman ble esclave domestique, elle subira, plus, de sa stupéfiante beauté. d'Alice Walker sans broncher, sévices corporels et Ph.: Allen Daviau humiliations jusqu'à n'avoir d'autres On ne s'attendait à rien de moins Mu.: Quincy Jones horizons que ceux que sa condition qu'à une facture irréprochable. Notre In.: Danny Glover (Albert), Whoopi autorise. Pour Gelie, point de salut! bonheur visuel est brillamment con­ Goldberg (Celie), Margaret Avery (Shug cocté: une caméra fluide à souhait, Avery), Oprah Winfrey (Sofia), Willard À moins que la sémillante Shug Pugh (Harpo), Akosua Busia (Nettie), Avery (Margaret Avery), chanteuse une lumière tantôt envahissante puis fugace et un montage fignolé Desreta Jackson (jeune Celie), Adolph entretenant, sous son nez, un com­ Caesar (grand-père), Rae Dawn Chong merce adultérin avec son mari, ne lui (particulièrement propice à la réus­ (Squeak), Dana Ivey (Madame Millie), offre bonheur et chanson(s). site des scènes de suspense) confir­ Léonard Jackson (père), Bennet Guillory ment une théorie privilégiée par l'au­ (Grady). teur à l'effet que l'essentiel est visi­ S'il faut en croire les critiques dithy­ ble pour les yeux. Les décors, natu­ 160 minutes, Couleur. rambiques de Spielberg à l'endroit rels et reconstitués, d'une austérité du roman d'Alice Walker, l'indiscuta­ recherchée ont certes contribué à ble potentiel dramatique dont il évoquer subtilement le misérabi­ s'agit est d'avantage exploité par le lisme des protagonistes. roman que dans cette transposition filmique édulcorée. Ce n'est pas que Accompagnement fort goûté, la le film ne parvienne à transmettre musique est l'œuvre de ce jazzman l'émotion; les sentiments des per­ accompli, ce compositeur émérite sonnages sont parfois admirable­ de plus de trente musiques de films, ment bien rendus et le racisme, dans ce suppôt du «top ten» (Thriller de sa forme la plus primitive, est parti­ Michael Jackson, We are the World) culièrement bien évoqué. qu'est Quincy Jones. La trame sonore permet de savourer une L'infidélité du spectateur provient, anthologie (à l'échelle) savamment sans doute, de l'agacement qui s'ins­ documentée des quarantes années talle à mesure que s'accumulent ces dites de la «renaissance de la musi­ scènes d'un humour clinquant et gro­ que noire». Certaines mélodies (Miss tesque, que le réalisateur arrive à Celie's Blues, I ain't gonna sing no intégrer au récit. Celui dont François mo) devraient lui mériter des com­ Truffaut disait qu'il ne simplifie mentaires unanimement élogieux. jamais, qu'il complique toujours, parvient à forcer la cohabitation pro­ En définitive, The Color Purple, digieusement atonale entre une tris­ parait être le pari insensé d'un remar­ tesse infinie et un comique de situa­ quable cinéaste qui en avait large­ tion qui, loin de susciter l'effet ment les moyens. Bien que notre escompté, atténue sensiblement la Office des Communications socia­ portée de l'ensemble. les lui ait attribué la cote «remarqua­ ble» comme à seulement six autres Exception faite de quelques impar­ films sur 488 en 1985, on retient que donnables bavures, les acteurs sont l'entreprise ne vise vraisemblable­ grandement efficaces. Whoopie ment qu'un public avide de divertis­ Goldberg, dont c'est la première sement émotionnel. Les adeptes du apparition à l'écran, est étonnante. lyrisme dramatico-pictural peuvent D'abord par son obstination per­ attendre. verse à sur-exprimer, au moyen d'une gestuelle simiesque de mauvais Aux États-Unis, la dernière presta­ goût, l'oppression dont elle est l'in­ tion de l'enfant chéri a déçu. Rien nocent objet; ensuite par la grande n'est moins certain que son succès assurance et l'édifiante prestance européen. Affublé d'un titre et d'une dont elle fait preuve dans la promotion graphique à la puissance deuxième partie. Danny Glover (Pla­ d'évocation «zéro», The Color Purple

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