Histoire Des Cinq Académies. Textes Rassemblés À L'occasion
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
HISTOIRE DES CINQ ACADEMIES INSTITUT DE FRANCE HISTOIRE DES CINQ ACADÉMIES Textes de HENRI AMOUROUX, JEAN BERNARD, JEAN-LOUIS CURTIS, JEAN DELUMEAU, CHRISTIANE DOUYÈRE-DEMEULENAERE, ROLAND DRAGO, MAURICE DRUON, JACQUES FRIEDEL, PAUL GERMAIN, JEAN LECLANT, BERTRAND POIROT-DELPECH, JACQUELINE DE ROMILLY, JEAN TULARD, BERNARD ZEHRFUSS rassemblés à l'occasion du bicentenaire de l'Institut de France Octobre 1995 LIBRAIRIE ACADÉMIQUE PERRIN 1995 © Librairie Académique Perrin et Institut de France, 1995. ISBN : 2-262-01158-3 PRÉFACE JEAN DELUMEAU de l'Académie des inscriptions et belles-lettres L opinion et les médias marquent de nos jours un intérêt croissant pour l'Institut. La célébration du bicentenaire fournit à point nommé l'occasion de répondre à cette curiosité nouvelle. Celle-ci s'inscrit plus largement dans la préoccupation que nos contemporains manifestent désormais pour le « patrimoine », c'est-à-dire l'héritage du passé. Le regard en arrière que favorise le présent ouvrage fera certainement mieux connaître l'histoire riche et complexe d'un grand monument culturel. Mais de celui-ci il rendra en même temps plus sensible au lecteur un aspect qu'il faut souligner : son originalité dans l'espace et dans le temps, et le lien irremplaçable novation.qu'il constitue entre hier et aujourd'hui, entre la tradition et la La particularité de la création de 1795 fut de fédérer en un même corps des « compagnies » qui, jusque-là, avaient été indépendantes les unes des autres. Il n'existait alors nulle part un organisme culturel ayant pu servir de modèle à un tel rassemblement de compétences extrêmement diverses. En outre, l'Institut mis sur pied en 1795 comprit une classe de sciences morales et politiques. Or jamais auparavant on n'avait réalisé une académie de ce type. A cette exception près, l'Institut, en changeant leurs noms, renoua — mais en les groupant de façon inédite — avec les académies de l'Ancien Régime. Cependant, lorsque Louis XVIII, en 1816, leur restitua leur premier vocable, il eut conscience que, sous la Révolution et l'Empire, elles avaient acquis un supplément de compétences et de notoriété. Si donc il jugea « convenable de rendre à chacune de ces classes son nom primitif », ce fut « afin de rattacher leur gloire passée à celle qu'elles ont acquise » depuis. Avec le recul du temps nous apercevons mieux encore aujourd'hui la continuité qui soude les académies créées sous Louis XIII et Louis XIV à celles de 1995. Elles ont survécu aux changements politiques depuis la Révolution jusqu'à nos jours et aux mutations rapides de notre temps. Elles ont conservé — et entendent conserver — le meilleur du passé et pourtant elles se veulent attentives au présent et ouvertes à l'avenir. On a ironisé sur les écrivains illustres qui ne sont pas entrés à l'Académie française. Mais on oublie alors tous ceux qui y ont été admis. De nos jours la retransmission par la télévision des réceptions à cette académie attire un large public. L'image que celle-ci donne d'elle-même n'est donc nullement reçue comme celle d'une institution archaïque et dépassée. Mais on sait moins que les autres académies ont accueilli et accueillent toujours des membres de renom. L'abbé Breuil, Georges Dumézil, André Chastel ont appartenu à l'Académie des inscriptions et belles-lettres dont fit jadis partie Champollion ; Bergson, Albert Schweitzer, Bachelard, Lucien Febvre à celle des sciences morales et politiques. Marcel Carné, Bernard Buffet, René Clément, Maurice Béjart siègent à l'Académie des beaux-arts et Marcel Landowski est l'actuel chancelier de l'Institut. Quant à l'Académie des sciences, rénovée et rajeunie depuis 1975, elle regroupe tout ce que la France compte actuellement de grands savants. Ces quelques rappels démontrent à l'évidence que l'Institut n'est pas à la traîne et qu'il ne se situe pas hors de la marche du temps. Il est vrai qu'il a sa philosophie, à laquelle il tient et que peut résumer le mot « humanisme ». Il est vrai aussi qu'il estime devoir maintenir d'authentiques traditions. Mais, lucide sur lui-même et fort de son passé, il veut être, face aux difficultés d'aujourd'hui et dans une société qui s'interroge avec angoisse sur ses valeurs, à la fois une présence et une conscience. La France a besoin de la hauteur de vue et de la sérénité que l'Institut tire de ses multiples compétences et de son expérience pluriséculaire. Jean DELUMEAU INTRODUCTION HISTOIRE DE L'INSTITUT DE FRANCE JEAN T U L A R D de l'Académie des sciences morales et politiques L révolutionnaires de 1793 avaient supprimé les Acadé- mies, ceux de 1795 fondèrent l'Institut de France. La contradiction n'est qu'apparente. En 1793, on s'attaquait aux corporations et aux privilèges ; sans doute réglait-on aussi quelques comptes du côté d'écrivains ou d'inventeurs aigris. En 1795, la guillotine et l'émigra- tion ayant achevé le travail, un retour à l'ordre s'imposait. On a beaucoup médit de ces Thermidoriens qui furent à l'origine de la création de l'Institut de France. Véritables profiteurs de la Révolution, ils ont fait l'objet de sarcasmes stigmatisant leur oppor- tunisme politique. De Thermidoriens ils devinrent en effet Brumairiens, peuplèrent le Sénat de Napoléon et la chambre des Pairs des monarchies constitutionnelles. Un survivant, Thibaudeau, se retrouva même dans le Sénat du Second Empire. Belle constance dans la poursuite des honneurs et des prébendes. Du moins ces Thermidoriens eurent-ils le mérite de donner à la France une armature intellectuelle qui est parvenue jusqu'à nous. Les écoles centrales annoncent les lycées, l'École normale supé- rieure est créée par décret du 9 brumaire an III, l'École polytechnique par celui du 7 vendémiaire an III, le Conservatoire des arts et métiers le 19 vendémiaire an IV. Déjà un décret du 7 messidor an II avait donné aux Archives de France une organisa- tion qui restera en vigueur jusqu'en 1979. Le Muséum d'histoire naturelle prend sous le Directoire un nouvel essor, et n'oublions pas la création par Sarrette du Conservatoire de musique. L'Institut de France couronne cet édifice. La création de l'Institut de France Les académies royales furent abolies en août 1793. Dès novembre 1792, un décret qui interdisait de procéder au remplace- ment des académiciens décédés, exception faite pour l'Académie des sciences, avait laissé présager cette suppression. L'Académie française n'avait-elle pas imprudemment donné l'exemple en suspendant elle-même ses élections ? C'est elle que les révolution- naires entendaient surtout frapper pour cause d'opposition à la marche des évènements. Le 25 novembre 1792, Gilbert Romme rapporta sur une pétition de « citoyens artistes » dénonçant l'École de Rome et les académies de peinture et d'architecture. David, qui siégeait à la Convention, profita de l'occasion qui lui était offerte de justifier sa présence sur les bancs de la Montagne en déposant sur le bureau de l'assemblée son brevet d'académicien, « qu'il n'avait jamais regardé comme le brevet du génie ». Ce qui permit à Romme un bel effet oratoire : il évoqua ces académies (incluant donc l'Académie française suspecte de royalisme) qui « insultent à la Révolution française en restant debout au milieu de tous les décombres des créations royales ». Les élections furent suspendues mais les académies subsistèrent. Partie remise : le 8 août 1793, Grégoire, dans son rapport sur les académies, en demandait la suppression puisqu'elles étaient « gan- grenées d'une incurable aristocratie ». Et d'affirmer, de façon péremptoire (on ne craignait pas alors le ridicule) : « Le véritable génie est sans-culotte. » Après une nouvelle intervention de David, la Convention votait à l'unanimité que « toutes les académies et sociétés littéraires patentées par la Nation étaient supprimées ». Un autre décret, le 24 juillet 1794, stipula que « les biens des académies et des sociétés littéraires patentées ou dotées par la Nation faisaient partie des propriétés de la République ». Mais pouvait-on tirer un trait sur des institutions dont le rôle était primordial dans le domaine scientifique ? L'article 3 du décret du 8 août 1793 char- geait le comité d'instruction publique de la Convention de lui présenter incessamment « un plan d'organisation d'une société destinée à l'avancement des sciences et des arts ». L'idée fut reprise dans l'article 298 de la Constitution de l'an III, le mot « institut » se substituant à celui de « société » : « Il y a pour toute la République un Institut national chargé de recueillir les découvertes, de perfectionner les arts et les sciences. » Le 3 bru- maire an IV (25 octobre 1795), lors de l'une de ses dernières séances, la Convention adopte un rapport de Daunou. Celui-ci y affirme : « Nous avons emprunté de Talleyrand et de Condorcet le plan de l'Institut national. Idée grande et majestueuse dont l'exécu- tion doit effacer en splendeur toutes les académies des rois comme les destinées de la France républicaine effacent déjà les plus bril- lantes époques de la France monarchique. » Et de préciser : « Ce sera en quelque sorte l'abrégé du monde savant, le corps représen- tatif de la République des lettres, l'honorable but de toutes les ambitions de la science et du talent, la plus magnifique récompense des grands efforts et des grands succès... Cet Institut raccordera toutes les branches de l'instruction ; il leur imprimera la seule unité qui ne contriste pas le génie et qui n'en ralentisse pas l'essor ; il manifestera toutes les découvertes, pour que celle qui aura le plus approché de la perfection exerce le libre ascendant de l'estime et devienne universelle parce qu'elle sera sentie la meilleure.