HISTOIRE DES CINQ ACADEMIES

INSTITUT DE HISTOIRE DES CINQ ACADÉMIES Textes de HENRI AMOUROUX, JEAN BERNARD, JEAN-LOUIS CURTIS, JEAN DELUMEAU, CHRISTIANE DOUYÈRE-DEMEULENAERE, ROLAND DRAGO, MAURICE DRUON, JACQUES FRIEDEL, PAUL GERMAIN, JEAN LECLANT, BERTRAND POIROT-DELPECH, JACQUELINE DE ROMILLY, JEAN TULARD, BERNARD ZEHRFUSS rassemblés à l'occasion du bicentenaire de l' Octobre 1995

LIBRAIRIE ACADÉMIQUE PERRIN 1995 © Librairie Académique Perrin et Institut de France, 1995. ISBN : 2-262-01158-3

PRÉFACE

JEAN DELUMEAU de l'Académie des inscriptions et belles-lettres

L opinion et les médias marquent de nos jours un intérêt croissant pour l'Institut. La célébration du bicentenaire fournit à point nommé l'occasion de répondre à cette curiosité nouvelle. Celle-ci s'inscrit plus largement dans la préoccupation que nos contemporains manifestent désormais pour le « patrimoine », c'est-à-dire l'héritage du passé. Le regard en arrière que favorise le présent ouvrage fera certainement mieux connaître l'histoire riche et complexe d'un grand monument culturel. Mais de celui-ci il rendra en même temps plus sensible au lecteur un aspect qu'il faut souligner : son originalité dans l'espace et dans le temps, et le lien irremplaçable novation.qu'il constitue entre hier et aujourd'hui, entre la tradition et la La particularité de la création de 1795 fut de fédérer en un même corps des « compagnies » qui, jusque-là, avaient été indépendantes les unes des autres. Il n'existait alors nulle part un organisme culturel ayant pu servir de modèle à un tel rassemblement de compétences extrêmement diverses. En outre, l'Institut mis sur pied en 1795 comprit une classe de sciences morales et politiques. Or jamais auparavant on n'avait réalisé une académie de ce type. A cette exception près, l'Institut, en changeant leurs noms, renoua — mais en les groupant de façon inédite — avec les académies de l'Ancien Régime. Cependant, lorsque Louis XVIII, en 1816, leur restitua leur premier vocable, il eut conscience que, sous la Révolution et l'Empire, elles avaient acquis un supplément de compétences et de notoriété. Si donc il jugea « convenable de rendre à chacune de ces classes son nom primitif », ce fut « afin de rattacher leur gloire passée à celle qu'elles ont acquise » depuis. Avec le recul du temps nous apercevons mieux encore aujourd'hui la continuité qui soude les académies créées sous Louis XIII et Louis XIV à celles de 1995. Elles ont survécu aux changements politiques depuis la Révolution jusqu'à nos jours et aux mutations rapides de notre temps. Elles ont conservé — et entendent conserver — le meilleur du passé et pourtant elles se veulent attentives au présent et ouvertes à l'avenir. On a ironisé sur les écrivains illustres qui ne sont pas entrés à l'Académie française. Mais on oublie alors tous ceux qui y ont été admis. De nos jours la retransmission par la télévision des réceptions à cette académie attire un large public. L'image que celle-ci donne d'elle-même n'est donc nullement reçue comme celle d'une institution archaïque et dépassée. Mais on sait moins que les autres académies ont accueilli et accueillent toujours des membres de renom. L'abbé Breuil, Georges Dumézil, André Chastel ont appartenu à l'Académie des inscriptions et belles-lettres dont fit jadis partie Champollion ; Bergson, Albert Schweitzer, Bachelard, Lucien Febvre à celle des sciences morales et politiques. Marcel Carné, Bernard Buffet, René Clément, Maurice Béjart siègent à l'Académie des beaux-arts et Marcel Landowski est l'actuel chancelier de l'Institut. Quant à l'Académie des sciences, rénovée et rajeunie depuis 1975, elle regroupe tout ce que la France compte actuellement de grands savants. Ces quelques rappels démontrent à l'évidence que l'Institut n'est pas à la traîne et qu'il ne se situe pas hors de la marche du temps. Il est vrai qu'il a sa philosophie, à laquelle il tient et que peut résumer le mot « humanisme ». Il est vrai aussi qu'il estime devoir maintenir d'authentiques traditions. Mais, lucide sur lui-même et fort de son passé, il veut être, face aux difficultés d'aujourd'hui et dans une société qui s'interroge avec angoisse sur ses valeurs, à la fois une présence et une conscience. La France a besoin de la hauteur de vue et de la sérénité que l'Institut tire de ses multiples compétences et de son expérience pluriséculaire. Jean DELUMEAU

INTRODUCTION

HISTOIRE DE L'INSTITUT DE FRANCE

JEAN T U L A R D de l'Académie des sciences morales et politiques

L révolutionnaires de 1793 avaient supprimé les Acadé- mies, ceux de 1795 fondèrent l'Institut de France. La contradiction n'est qu'apparente. En 1793, on s'attaquait aux corporations et aux privilèges ; sans doute réglait-on aussi quelques comptes du côté d'écrivains ou d'inventeurs aigris. En 1795, la guillotine et l'émigra- tion ayant achevé le travail, un retour à l'ordre s'imposait. On a beaucoup médit de ces Thermidoriens qui furent à l'origine de la création de l'Institut de France. Véritables profiteurs de la Révolution, ils ont fait l'objet de sarcasmes stigmatisant leur oppor- tunisme politique. De Thermidoriens ils devinrent en effet Brumairiens, peuplèrent le Sénat de Napoléon et la chambre des Pairs des monarchies constitutionnelles. Un survivant, Thibaudeau, se retrouva même dans le Sénat du Second Empire. Belle constance dans la poursuite des honneurs et des prébendes. Du moins ces Thermidoriens eurent-ils le mérite de donner à la France une armature intellectuelle qui est parvenue jusqu'à nous. Les écoles centrales annoncent les lycées, l'École normale supé- rieure est créée par décret du 9 brumaire an III, l'École polytechnique par celui du 7 vendémiaire an III, le Conservatoire des arts et métiers le 19 vendémiaire an IV. Déjà un décret du 7 messidor an II avait donné aux Archives de France une organisa- tion qui restera en vigueur jusqu'en 1979. Le Muséum d'histoire naturelle prend sous le Directoire un nouvel essor, et n'oublions pas la création par Sarrette du Conservatoire de musique. L'Institut de France couronne cet édifice.

La création de l'Institut de France

Les académies royales furent abolies en août 1793. Dès novembre 1792, un décret qui interdisait de procéder au remplace- ment des académiciens décédés, exception faite pour l'Académie des sciences, avait laissé présager cette suppression. L'Académie française n'avait-elle pas imprudemment donné l'exemple en suspendant elle-même ses élections ? C'est elle que les révolution- naires entendaient surtout frapper pour cause d'opposition à la marche des évènements. Le 25 novembre 1792, Gilbert Romme rapporta sur une pétition de « citoyens artistes » dénonçant l'École de Rome et les académies de peinture et d'architecture. David, qui siégeait à la Convention, profita de l'occasion qui lui était offerte de justifier sa présence sur les bancs de la Montagne en déposant sur le bureau de l'assemblée son brevet d'académicien, « qu'il n'avait jamais regardé comme le brevet du génie ». Ce qui permit à Romme un bel effet oratoire : il évoqua ces académies (incluant donc l'Académie française suspecte de royalisme) qui « insultent à la Révolution française en restant debout au milieu de tous les décombres des créations royales ». Les élections furent suspendues mais les académies subsistèrent. Partie remise : le 8 août 1793, Grégoire, dans son rapport sur les académies, en demandait la suppression puisqu'elles étaient « gan- grenées d'une incurable aristocratie ». Et d'affirmer, de façon péremptoire (on ne craignait pas alors le ridicule) : « Le véritable génie est sans-culotte. » Après une nouvelle intervention de David, la Convention votait à l'unanimité que « toutes les académies et sociétés littéraires patentées par la Nation étaient supprimées ». Un autre décret, le 24 juillet 1794, stipula que « les biens des académies et des sociétés littéraires patentées ou dotées par la Nation faisaient partie des propriétés de la République ». Mais pouvait-on tirer un trait sur des institutions dont le rôle était primordial dans le domaine scientifique ? L'article 3 du décret du 8 août 1793 char- geait le comité d'instruction publique de la Convention de lui présenter incessamment « un plan d'organisation d'une société destinée à l'avancement des sciences et des arts ». L'idée fut reprise dans l'article 298 de la Constitution de l'an III, le mot « institut » se substituant à celui de « société » : « Il y a pour toute la République un Institut national chargé de recueillir les découvertes, de perfectionner les arts et les sciences. » Le 3 bru- maire an IV (25 octobre 1795), lors de l'une de ses dernières séances, la Convention adopte un rapport de Daunou. Celui-ci y affirme : « Nous avons emprunté de Talleyrand et de Condorcet le plan de l'Institut national. Idée grande et majestueuse dont l'exécu- tion doit effacer en splendeur toutes les académies des rois comme les destinées de la France républicaine effacent déjà les plus bril- lantes époques de la France monarchique. » Et de préciser : « Ce sera en quelque sorte l'abrégé du monde savant, le corps représen- tatif de la République des lettres, l'honorable but de toutes les ambitions de la science et du talent, la plus magnifique récompense des grands efforts et des grands succès... Cet Institut raccordera toutes les branches de l'instruction ; il leur imprimera la seule unité qui ne contriste pas le génie et qui n'en ralentisse pas l'essor ; il manifestera toutes les découvertes, pour que celle qui aura le plus approché de la perfection exerce le libre ascendant de l'estime et devienne universelle parce qu'elle sera sentie la meilleure. » Autre- ment dit, toutes les découvertes, tous les progrès des arts, des sciences et des lettres seraient examinés par l'Institut à la faveur de rapports et de communications, et tout un système de concours, de prix, de bourses et de missions serait mis en place. Marie-Joseph Chénier et Lakanal avaient aidé Daunou à conce- voir cet Institut national des sciences et des arts. L'Institut était à l'origine formé de trois classes : sciences physiques et mathémati- ques, sciences morales et politiques, littérature et beaux-arts. Chaque classe était divisée en sections. Pour la première classe étaient distingués géométrie, arts mécaniques, astronomie, phy- sique expérimentale, chimie, histoire naturelle et minéralogique, botanique et physique végétale, anatomie et zoologie, médecine et chirurgie, économie rurale et art vétérinaire. La deuxième englobait l'analyse des sensations et des idées, la morale, la science sociale et la législation, l'économie politique, l'histoire et la géographie. La troisième réunissait la grammaire, les langues anciennes, la poésie, les antiquités et monuments, la peinture, la sculpture, l'architec- ture, la musique et la déclamation. Chaque classe, étant spécialisée, élisait son bureau et disposait d'un lieu de réunion. Mais les trois classes constituaient un corps unique. Comme l'écrit le duc de Castries, il semblait aux conven- tionnels que la primauté de l'Académie française avait été un défi à l'égalité. « Il est temps, s'exclamait Daunou, que la gloire ressente l'influence d'une universelle égalité. » Les membres des trois classes avaient donc le même titre, les mêmes droits, les mêmes honneurs, la même indemnité. Cette idée d'égalité allait de pair avec une conception unitaire des connaissances. L'Institut comprenait cent quarante-quatre membres résidant à , autant d'associés « répandus dans les différentes parties de la République » et vingt-quatre associés étrangers. Les membres de l'Institut n'étaient pas répartis en nombre égal, en fonction des classes. On en comptait soixante pour les sciences proprement dites, trente-six pour les sciences morales et politiques, et qua- rante-huit pour la littérature et les beaux-arts. Les élections

Comment allait-on procéder pour le recrutement initial ? Si le principe de la cooptation s'était imposé, il fallait bien désigner les premiers membres de l'Institut. Ce fut le pouvoir exécutif, à savoir le Directoire, qui s'en chargea. Il nomma deux membres par section, soit le tiers de l'Institut. Premiers nommés par l'arrêt du 20 novembre 1795 : Chénier et Lebrun-Pindare pour la poésie, Dus- sault et Bitaubé pour les langues anciennes, etc. Sont surtout choisis des hommes en vue comme Sieyès ou Bernardin de Saint- Pierre. Daunou figure dans ces premières nominations : comment s'en étonner ? Le 15 frimaire an IV (6 décembre 1795), ces premiers membres se réunirent au Louvre dans la salle qui avait servi à l'Académie des sciences. La séance fut présidée par le ministre de l'Intérieur. Il avait été prévu que chaque classe proposerait une liste de trois noms pour chacun des sièges restés vacants, soit les deux tiers. C'est l'ensemble des membres déjà désignés qui vota. Les choix ne furent ni contestés ni vraiment contestables, la politique ayant été réduite à la portion congrue. Seuls des royalistes trop marqués furent laissés à l'écart. La première séance de l'Institut au complet eut lieu au Louvre, dans la salle des Cariatides, le 15 germinal an IV (4 avril 1796), en présence des cinq directeurs. Elle revit majestueusement dans une gravure de Berthault qui nous montre les académiciens rangés der- rière une longue table en fer à cheval face à Barras, La Révellière- Lépeaux, Reubell, Carnot et Letourneur. Derrière les académiciens, plus d'un millier de spectateurs, dont les ambassadeurs des pays alliés et les ministres. Dans son discours d'ouverture, Daunou exalte la mission de l'Institut : « Au règne de la barbarie qui a duré plus de deux ans succédera un grand siècle, comme un beau jour succède à l'orage (notons que certains des membres de l'Institut avaient beaucoup contribué à cet orage). Maintenant, en pleine possession de la liberté, la République nous appelle pour rassembler et raccorder toutes les branches de l'instruction, reculer les limites des connais- sances, provoquer les efforts des talents, récompenser leur succès, recevoir, renvoyer, répandre toutes les lumières de la pensée, tous les trésors du génie. » Un tel discours tirait toute sa force du recrutement de l'Institut. Un journaliste s'exaltait : « On n'a pas vu sans attendrissement (on a encore la larme facile au sortir de la Terreur) cette réunion des hommes les plus recommandables dans les sciences et les arts, que la tourmente révolutionnaire avait dispersés. » Et il est vrai que réunir Daubenton, Delambre, Cuvier, Monge, Berthollet, Lagrange, Laplace, Jussieu, Lacépède, Vauquelin, Parmentier ainsi que Ber- nardin de Saint-Pierre, Volney, Bougainville, David, Houdon, Méhul, Gossec... ne pouvait qu'assurer le prestige de l'Institut national. Certes, le public fut déçu. Il dut subir la lecture de mémoires de géologie ou de chimie qui l'ennuyèrent. En dépit de quelques protestations, l'Institut tint bon. Ses séances publiques devaient embrasser l'ensemble des arts mais aussi des sciences. Par ailleurs, la tentation n'était-elle pas grande, devant la carence des hommes politiques vite discrédités par le décret des deux tiers et les coups d'État à répétition du Directoire, de remettre le pouvoir à ces émi- nents savants et artistes ? Daunou sut tirer un trait sur une telle ambition. Si les membres de l'Institut pouvaient conseiller ou ins- pirer le gouvernement dans la préparation de réformes, ils ne devaient en aucune façon se substituer au législateur. Il n'y aurait pas, malgré les ambitions de certains « idéologues », de République des membres de l'Institut. Restait à se mettre au travail. La loi qui créait l'Institut prévoyait que celui-ci désignerait « tous les ans au concours vingt citoyens chargés de voyager et de faire des observations relatives à l'agriculture, tant dans les départe- ments de la République que dans les pays étrangers ». D'autres missions étaient prévues. Les membres de l'Institut donnèrent l'exemple en participant à l'expédition d'Égypte. Bonaparte, lui-même membre de l'Institut, entraîna avec lui Monge, Berthollet, Geoffroy Saint-Hilaire, Malus, etc. Le 22 août 1798 était créé au Caire un Institut d'Égypte chargé d'assurer le progrès et la propagation des Lumières en Égypte, d'étudier « les faits naturels, industriels et historiques de ce pays » et de donner son avis sur les différentes questions pour lesquelles il serait consulté par le gouvernement. En firent partie des géomètres comme Costaz, Fourier et Monge, un chimiste comme Berthollet et des naturalistes comme Dolomieu, Geoffroy, Savigny..., un médecin qui fut Desgenettes. L'Institut d'Égypte devenait une annexe de l'Institut national. De ses travaux sortit la Description de l'Égypte, qui fut à l'origine de l'essor de l'égyptologie. Par ailleurs le règlement du 4 avril 1796 précisait : « Chaque classe publiera séparément les mémoires de ses membres et de ses associés. Les classes publieront de plus les pièces qui auront rem- porté les prix, les mémoires des savants étrangers qui lui seront présentés et la description des inventions nouvelles les plus uti- les. » Les premiers travaux de l'Institut paraissent donc, suscitant l'intérêt du monde scientifique. Il y a aussi les élections. L'une d'elles a retenu plus particulièrement l'attention, celle de Bona- parte à la première classe. A l'issue du coup d'État de Fructidor sur lequel nous revien- drons, un certain nombre de places furent déclarées vacantes : celle de Carnot dans la première classe, de Pastoret dans la deuxième, de Sicard et de Fontanes dans la troisième, ainsi que celle de Bar- thélemy comme associé non résidant. Le 17 octobre 1797, la première classe déclarait ouverte la succes- sion de Carnot dans la section des arts mécaniques. Firent acte de candidature le ci-devant marquis de Montalembert, auteur de La fortification perpendiculaire, et le général Bonaparte poussé par Monge. L'expédition d'Égypte n'était pas encore décidée. L'élection se déroula selon la procédure prévue dans le règlement du 4 avril 1796. La section dans laquelle une place était vacante dres- sait une liste de cinq noms au moins qu'elle présentait à la classe à laquelle elle appartenait. Les membres de cette classe procédaient au classement. Devaient s'en dégager trois noms, présentés à l'en- semble de l'Institut. C'est alors qu'intervenait l'élection. La classe des sciences retint Bonaparte, Dillon, auteur de mémoires sur les constructions hydrauliques et futur constructeur du pont des Arts, et Montalembert. Étaient éliminés Berthoud, neveu du membre de l'Institut, et l'horloger Bréguet. Le vote décisif eut lieu le 25 décembre 1797. La présence des deux tiers des académiciens était requise : ils furent cent quatre. La procédure était curieuse : on donnait une voix au dernier, deux au deuxième, trois au premier ; celui qui avait le chiffre le plus élevé l'emportait. Ce fut Bonaparte avec trois cent cinq votes. Dillon n'en eut que cent soixante-six et Montalembert cent vingt-trois. Le 5 janvier 1798, Bonaparte fit son apparition pour la séance publique au milieu d'un grand enthousiasme. Il s'assit entre Lagrange et Laplace. Vêtu d'un frac gris, il conserva une contenance modeste et se contenta de serrer la main de Marie-Joseph Chénier qui venait d'achever la lecture de son poème, Le Vieillard d'An- cenis, geste qui provoqua des acclamations. Quelques mois plus tard, c'était l'Égypte. En 1799, la liste des membres résidants de l'Institut est impres- sionnante. Dans la première classe, la section de géométrie comprend Lagrange, Laplace, Bossut, Legendre, Delambre, Lacroix ; celle des arts mécaniques Monge, Prony, Leroy, Perrier, Berthoud et Bonaparte; celle d'astronomie Lalande, Méchain, Messier, Bory, Jeaurat, Cassini ; celle de physique expérimentale Charles, Cousin, Brisson, Coulomb, Rochon, Lefèvre-Gineau ; celle de chimie Berthollet, Guyton de Morveau, Fourcroy, Vauquelin, Deyeux, Chaptal ; celle d'histoire naturelle et minéralogie Darcet, Haüy, Desmarest, Dolomieu, Duhamel, Lelièvre, celle de botanique et physique végétale Lamarck, Desfontaines, Adison, Jussieu, L'Hé- ritier, Ventenat; celle d'anatomie et de zoologie Daubenton, Lacépède, Tenon, Cuvier, Broussonet, Richard ; celle de médecine et chirurgie Des Essarts, Sabatier, Portal, Hallé, Pelletan, Lassus ; celle d'économie rurale et art vétérinaire Thouin, Gilbert, Tessier, Cels, Parmentier, Huzard. Autant dire que tout ce qui compte dans le monde scientifique siège alors à l'Institut. Le tableau paraît moins séduisant dans la deuxième classe, en raison de l'uniformité du recrutement. Les Thermidoriens domi- nent la vie politique ; les royalistes ou considérés comme tels ont émigré ou sont tenus à l'écart. Les Idéologues imprègnent alors le mouvement des idées. Du moins ne trouve-t-on dans cette classe que des personnalités de premier plan. La section consacrée à l'analyse des sensations et des idées réunit Volney, Garat, Ginguené, Lebreton, Cabanis et Toulongeon, soit l'état-major des Idéologues. A la section de morale siègent Ber- nardin de Saint-Pierre, Mercier, connu pour son Tableau de Paris, Grégoire, champion de l'Église constitutionnelle, La Révellière- Lépeaux, Lakanal et Naigeon ; à celle de science sociale et législa- tion on trouve les anciens conventionnels Daunou, Cambacérès, Merlin de Douai (dont la connaissance du droit est réputée), Garran-Coulon, Baudin des Ardennes et Champagne, qui avait dirigé le collège Louis-le-Grand et traduit la Politique d'Aristote. La section d'économie politique regroupe aussi des hommes connus comme Sieyès, Creuzé-Latouche qui venait également de la Con- vention, Dupont de Nemours, Lacuée, Roederer très proche des Idéologues, et, de façon inattendue, Talleyrand que l'on récompen- sait ainsi de ses projets sur l'enseignement. Les membres de la section d'histoire sont plus obscurs : l'helléniste Pierre-Charles Levesque, Delisle de Sales, auteur d'une Philosophie de la nature et d'une Histoire des hommes qui avaient eu un grand retentisse- ment à la veille de la Révolution, Anquetil, historien réputé de la Ligue, Dacier, qui avait été secrétaire perpétuel de l'ancienne Aca- démie des inscriptions et belles-lettres, Bouchaud, qui avait appartenu à cette académie et Legrand, conservateur des manus- crits français à la Bibliothèque nationale. Les membres de la section de géographie sont Buache, Montelle, le diplomate Reinhard, le grand marin Fleurieu, Gossel, et le fameux Bougainville. La troisième classe vouée à la littérature et aux beaux-arts réunit à la section de grammaire Andrieux, le plaisant auteur des Étourdis qui fut aussi membre du conseil des Cinq-Cents, Villar, venu lui aussi des assemblées révolutionnaires et qui avait présenté un rapport sur la Bibliothèque nationale, de Wailly, François de Neuf- château, auquel sa pièce Pamela avait valu des ennuis sous la Terreur et qui avait été ensuite directeur et ministre de l'Intérieur, Cailhava enfin, qui avait fait jouer de nombreuses comédies. Les érudits Bitaubé, Dutheil, Langlès, Sélis, Larcher et Pougens compo- sent la section des langues anciennes. A la section de poésie siègent Marie-Joseph Chénier, le frère d'André, Lebrun dit Lebrun-Pindare, Ducis, adaptateur de Shakespeare en France, le charmant auteur de comédies Colin d'Harleville, Legouvé, célèbre pour son Mérite des femmes. Un absent de taille : Delille, qui vit alors à l'étranger. Section des antiquités et monuments : Mongez, érudit auteur d'un Dictionnaire d'antiquités, Dupuis, ancien membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres et ancien conventionnel, auteur d'un livre d'un grand retentissement, L'origine de tous les cultes, Leblond, Leroy, Ameilhon et Camus, « garde des archives généra- les ». En peinture, derrière David auquel a été pardonné son passé robespierriste, on trouve Van Spaendonck, Vien et François-André Vincent, qui avaient déjà été académiciens sous l'Ancien Régime, Regnault et Taunay, qui s'illustra comme peintre de batailles. Les sculpteurs se nomment Pajou, Houdon, célèbre pour son Voltaire, Julien, Moitte, dont la femme a tenu un journal qui nous renseigne sur la vie quotidienne d'un artiste à cette époque, Rolland, qui fut élève de Pajou, et Dejoux, lui aussi ancien académicien rallié à la République. La section d'architecture regroupe Gondouin, ancien protégé de Louis XV, qui avait dû se cacher sous la Terreur, Peyre, Raymond, Dufourny, Chalgrin, qui a déjà une œuvre importante derrière lui avant de devenir l'architecte de l'Arc de triomphe de l'Étoile, et Antoine. Les musiciens enfin ont nom Méhul et Gossec, auteurs de la plupart des hymnes révolutionnaires, Grétry, célèbre pour son Richard Cœur de lion dont le grand air avait servi de ralliement aux royalistes, et pour la déclamation on relève trois acteurs réputés du temps : Molé, Monvel et Grandmenil. C'est une innovation. Rien à reprendre à un tel recrutement. Beaucoup de membres de l'Institut ont appartenu déjà aux académies de l'Ancien Régime. Mais ils ne se retrouvent pas obligatoirement dans les mêmes classes : le cas est très sensible pour les anciens membres de l'Aca- démie des inscriptions et belles-lettres. De même que les départements visaient à briser les provinces, l'Institut prend soin d'éviter la reconstitution des vieilles solidarités académiques. Dans cette réorganisation, c'est l'Académie française qui est la plus touchée. Nombre de ses membres survivants sont tenus à l'écart et la suppression des académies, grâce à la création de l'Ins- titut, se voit maintenue. Cet Institut de France se voulait une « encyclopédie vivante », selon une formule de Daunou. Il affirmait sa croyance dans le progrès que Turgot, Condillac et Condorcet avaient déjà annoncé. La référence aux « lumières » est constante dans les travaux de l'Institut. Tous les grands thèmes y passent. Destutt de Tracy lit un mémoire sur la faculté de penser, Laromi- guière un autre sur la détermination des mots, tandis que Grégoire proclame le droit inné de tout homme au bonheur. Il n'est pas, ajoute-t-il, de morale qui ne soit républicaine, et il affirme que « la République des lettres enfantera des républiques ». Il n'est jusqu'à Talleyrand, élu alors qu'il était encore en Amérique, qui ne fasse référence à Rousseau et Condorcet dans un mémoire sur les rela- tions commerciales des États-Unis avec l'Angleterre. Salué par Garat comme « un philosophe qui a paru à la tête des armées », Bonaparte répond en « philosophe » : « Les vraies con- quêtes, les seules qui ne donnent aucun regret, sont celles que l'on fait sur l'ignorance. L'occupation la plus honorable comme la plus utile, c'est de contribuer à l'extension des idées humaines. La vraie puissance de la République française doit consister désormais à ne pas permettre qu'il existe une seule idée nouvelle qu'elle ne lui appartienne. »

Les tempêtes Cité dans la Constitution de l'an III, fortement installé dans le paysage intellectuel, l'Institut ne pouvait que subir le contrecoup des crises politiques. Ne fut-il pas frappé par une épuration de ses éléments modérés, soupçonnés de sympathies royalistes, après le coup d'État du 18 fructidor ? Toutes les classes étaient touchées. A peine né, l'Institut connaissait sa première épuration. Ses membres avaient eu l'habileté d'élire le général Bonaparte, pressentant son avenir. Le général en chef de l'armée d'Égypte ne manquait pas, sous le Directoire, de faire suivre son nom du titre de « membre de l'Institut ». Devenu chef de l'État, Bonaparte s'engagea dans la voie du réta- blissement de l'ordre. Irait-il jusqu'à restaurer Louis XVIII, nouveau Monk d'un nouveau Charles II ? Rétablirait-il l'Ancien Régime ? Cer- tains le pensèrent. Dans ces conditions, ne pouvait-on envisager une résurrection de l'Académie française ? Morellet et Suard, qui n'avaient pas été repris dans l'Institut, tentèrent leur chance. L'ac- cueil de Lucien Bonaparte, ministre de l'Intérieur et passionné de belles-lettres, fut chaleureux. On prétendait que Talleyrand et Lebrun, troisième consul, poussaient à cette reconstitution. L'Aca- démie française eût coexisté avec l'Institut. Une première séance de travail eut lieu sous la présidence de Lucien Bonaparte. Morellet et Suard avaient fait appel à Target, Boufflers et Ducis, lui-même déjà membre de l'Institut. On calcula que dix-sept autres membres étaient toujours en vie, résidant pour la plupart à l'étranger. On prévit d'y ajouter, outre le Premier Consul, Lebrun, Rœderer, Lucien Bonaparte, Portalis, Dacier, Volney, Bernardin de Saint- Pierre et quelques autres. Lucien Bonaparte s'était fait fort de con- vaincre son frère, alors engagé dans sa seconde campagne d'Italie. Erreur. Bonaparte, voulant ménager les susceptibilités des anciens conventionnels, repoussa l'idée. Soucieux au contraire d'accorder plus de prestige encore à l'Institut, il entreprit de donner un uni- forme à ses membres. Ceux-ci avaient déjà adressé une pétition au Premier Consul : « Nous assistons en corps aux fêtes nationales et aux funérailles de nos confrères. Dans toutes les occasions qui se présentent d'offrir au gouvernement des témoignages de reconnaissance et d'attache- ment, nous nous empressons d'aller les lui exprimer. Parfois des vieillards de l'Institut ont reçu dans ces circonstances, au lieu d'honneurs, des outrages qu'ils n'auraient pas éprouvés avec un costume. Il est convenable que le premier corps savant ait une tenue en uniforme et distinguée. » Réuni le 5 vendémiaire de l'an IX (27 septembre 1800), l'Institut fait la demande officielle d'un costume « simple et décent ». L'idée ne pouvait que plaire à Bonaparte. Consulté, le Conseil d'État suggéra un habit de drap noir très sobre. L'Institut souhaitait une tenue plus éclatante. Une commission fut prise en son sein. Elle comprenait Houdon, un sculpteur, Chalgrin, un architecte, et Vincent, un peintre. On passa d'un habit brun avec broderies ton sur ton, à un habit noir avec broderies couleur de souci. Finalement fut retenu un habit noir avec broderie d'un vert foncé prenant la forme d'un rameau d'olivier. L'arrêté du 23 floréal an IX (13 mai 1801) proposa deux modèles, le grand et le petit, qui se distinguaient par l'importance des brode- ries. Un chapeau était prévu. « L'habit vert primitif, écrit le duc de Castries, se rapprochait plus de la redingote que du frac. Divers détails ont modifié les formes au cours des années et l'habit bou- tonné, à collet militaire, sans linge apparent, a pratiquement disparu. » Restait le problème de l'Académie française. Les rumeurs concer- nant un éventuel rétablissement avaient suscité des protestations dans les journaux, mais la pression restait forte. Le Premier Consul choisit finalement, sur avis d'une commission, de ressusciter les anciennes académies, mais au sein de l'Institut. Le 23 janvier 1803, l'Institut était réorganisé en quatre classes correspondant aux académies supprimées par la Révolution. La première classe, celle des sciences physiques et mathématiques, divisée en onze sections, était formée de soixante-trois membres, vingt-sept en sciences mathématiques et trente-six en sciences phy- siques. Elle comptait deux secrétaires perpétuels. La deuxième, intitulée « langue et littérature françaises » (on avait évité les mots « Académie française »), comprenait quarante membres et un secré- taire perpétuel. La troisième classe, consacrée à l'histoire et à la littérature ancienne (comment ne pas penser à l'Académie des ins- criptions et belles-lettres), était constituée de quarante membres, dont également un secrétaire perpétuel. Enfin, une quatrième classe vouée aux beaux-arts répartissait ses vingt-huit membres, dont un secrétaire perpétuel, entre cinq sections. Les classes retrouvaient l'autonomie et l'indépendance des aca- démies de l'Ancien Régime. Mais elles continuaient à former l'Institut. Leurs membres devaient se réunir quatre fois par an en corps et à l'occasion de séances extraordinaires. Pour les pro- blèmes communs était prévue une commission administrative de cinq membres, dont deux représentants pour la première classe et un par autre classe. Cette première étape vers ce qui semblait un retour à l'Ancien Régime ne cachait-elle pas aussi la volonté de Bonaparte de sup- primer la classe des sciences morales et politiques, antre des Idéologues qu'il venait déjà de chasser du Tribunat ? Cette classe aurait été odieuse au Premier Consul parce qu'elle apparaissait comme « le foyer de l'esprit de liberté ». C'est ce qu'aurait laissé entendre Garat, cité par Jules Simon dans Une académie sous le Directoire : « Le but des premiers changements de l'Institut était d'en exclure les sciences morales et politiques pour exclure plus facilement ensuite la République de France. » La proclamation de l'Empire serait en germe dans la disparition de la deuxième classe de l'Institut, soumise déjà aux attaques des néo-monarchistes, Fon- tanes et Fiévée en tête. On aurait voulu lui faire payer son opposition au Concordat, lorsque l'un de ses membres s'était écrié : « Je jure que Dieu n'existe pas ! » Le point de vue de Garat est probablement excessif. On a vu que Bonaparte avait donné des gages aux Idéologues de l'Institut en refusant une résurrection de l'Académie française. Celle-ci aurait fait concurrence à la nouvelle institution, ce qui ne pouvait que réjouir, selon le mot de la Décade philosophique, « les partisans du régime de nos pères ». C'est pour prévenir cette concurrence que Chaptal, lui-même membre de l'Institut, avait préconisé, comme ministre de l'Intérieur, la réorganisation du 23 janvier 1803 : les quatre classes ressuscitaient les quatre académies de l'Ancien Régime (l'Académie d'architecture de 1671 fusionnant avec celle de peinture et de sculpture de 1648), mais dans le cadre cette fois de l'Institut. Faute d'avoir suscité une académie avant 1789, les sciences morales et politiques disparurent. Mais pas les membres de cette classe ; ils ne furent ni exclus ni épurés mais simplement répartis dans les deux classes correspondant à leurs travaux ou à leurs affinités. Dans le même temps étaient repris dans la deuxième classe les survivants de l'ancienne Académie française : Morellet, Boufflers, d'Aguesseau, Thiard de Bissy, Boisgelin, Target, La Harpe, Suard, Roquelaure, Delille, Saint-Lambert... Ils se retrouvèrent avec les idéologues. Ainsi la réorganisation de 1803 prenait-elle tout son sens : elle marquait une volonté de réconciliation et non un quel- conque ostracisme, comme l'a bien montré Marcel Dunan lors de la séance publique annuelle des cinq académies, le 25 octobre 1951. Par décret du 29 ventôse an XIII (20 mars 1805), Napoléon déci- dait le transfert de l'Institut du Louvre au collège des Quatre- Nations en attendant des aménagements nouveaux dans le palais. L'Institut devait en effet s'établir au Louvre, conformément à l'ar- rêté du 20 novembre 1795. N'est-ce pas du Louvre que les Académies avaient été chassées en 1793 ? N'est-ce pas au Louvre, dans la salle des Cariatides, que se tinrent ses séances publiques jusqu'en 1805 ? Mais le Louvre était destiné aux œuvres d'art. L'Ins- titut n'y revint pas. C'est à Vaudoyer que fut confié le soin d'adapter le collège, rebaptisé palais des Beaux-Arts, à sa nouvelle vocation. Il eut l'excel- lente idée de transformer la chapelle en salle des séances. D'autres initiatives furent plus discutées, notamment la substitution d'un lanternon à la lanterne de Le Vau rétablie par la suite, et l'établisse- ment de tribunes (mais comment faire autrement ?). Cette salle des séances fut inaugurée le 4 octobre 1806 par la classe des beaux-arts. On y entendit une symphonie de Joseph Haydn qui était membre associé. La bibliothèque fut aménagée dans l'aile transversale entre les deux cours. A aucun moment Napoléon ne se désintéressa de l'Institut, dont il continuait à être membre. Il confia même à un jury constitué des présidents et secrétaires perpétuels des quatre classes le soin de décerner les nouveaux prix décennaux destinés à récompenser les meilleurs ouvrages et les inventions les plus utiles durant les années 1800-1810. La décision finale appartenait à l'Em- pereur. Lors des prix décernés en 1810 Le génie du christianisme fut écarté, à la grande déception de Napoléon, qui imposa Chateau- briand à la deuxième classe de l'Institut où il fut élu le 20 février 1811. On sait qu'il ne put jamais prononcer son discours de récep- tion en raison des allusions politiques qui y étaient contenues. L'Institut regroupe à la fin de l'Empire les principaux savants et artistes de l'époque Les troisième et quatrième sections parais- sent en revanche plus hétérogènes. Un certain équilibre était encore à trouver. Il l'eût été sans les crises de 1814-1815. Comment la chute de l'Empire, suivie de la restauration de Louis XVIII puis du retour de Napoléon, n'aurait-elle pas eu de contrecoup au sein de l'Institut ? La Première Restauration n'apporta aucune modifica- tion et l'épisode des Cent-Jours fut trop court pour permettre des changements. Il n'en va pas de même sous la Seconde Restaura- tion. Dans le contexte de la « Terreur blanche », une épuration de l'Institut est demandée. Elle se place dans le cadre d'une nouvelle organisation. Louis XVIII décide de ressusciter les académies. Elles l'étaient en fait depuis 1803 mais elles en retrouvaient le nom. N'était-ce pas sous l'invocation de «la divine Providence» que s'opérait cette résurrection ? « Aussitôt que la divine Providence Nous a rappelé sur le trône de nos pères, annonçait le monarque, notre intention a été de maintenir et de protéger cette savante compagnie, mais nous avons jugé convenable de rendre à chacune de ces classes son nom primitif afin de rattacher leur gloire passée à celle qu'elles ont acquise et après leur avoir rappelé ce qu'elles ont pu faire dans les temps difficiles et ce que Nous devons en attendre dans des jours plus heureux... » En conséquence « l'Institut sera composé de quatre Académies dénommées ainsi qu'il suit et selon l'ordre de fondation, savoir : l'Académie française, l'Académie royale des inscriptions et belles- lettres, l'Académie royale des sciences (avec onze sections et dix académiciens libres) et l'Académie royale des beaux-arts (avec cinq sections et dix académiciens libres) ». L'Académie française prenait dans ce nouveau statut le premier rang, dû à son ancienneté, était-il précisé. C'est en fonction des dates de création qu'était établie une hiérarchie qui n'existait pas dans l'Institut de 1795. Du moins la cohésion de l'institution était- elle maintenue : une séance commune aux quatre Académies devait se tenir chaque année. Cette nouvelle organisation s'accompagna d'une épuration. Plu- sieurs membres de l'Institut en furent chassés comme régicides ou trop compromis lors des Cent-Jours. Ainsi furent englobés dans une première vague de proscription Garat, Maret, Cambacérès, Merlin de Douai, Maury, Sieyès, Rœderer, Arnault... L'Académie française se trouvait donc constituée de six membres qui avaient été élus sous la monarchie : Roquelaure, Suard, Ducis, Choiseul-Gouffier, Morellet et d'Aguesseau, de vingt-cinq membres élus depuis la réforme de 1803 : Volney, Andrieux, Sicard, Lacuée, Villar, Fontanes, François de Neufchâteau, Bigot, Ségur, Lacretelle aîné, Daru, Raynouard, Sicard, Destutt de Tracy, Lemercier, Per- seval de Grandmaison, Chateaubriand, Lacretelle jeune, Duval, Campenon, Michaud, Aignan, Jouy et Baour-Lormian. Le roi y ajouta par nomination Mgr de Bausset, Bonald, Ferrand, le duc de Levis, le duc de Richelieu, l'abbé de Montesquiou, Lally-Tollendal et Laîné. Deux élections interviennent en avril 1816 : Laplace au fauteuil de Régnaud de Saint-Jean d'Angély (parti pour les États-Unis et exclu de l'Académie) et Auger au fauteuil d'Étienne, accusé d'avoir favorisé le retour de Napoléon de l'île d'Elbe. Étienne devait d'ail- leurs retrouver son siège en 1829 et, comme Arnault réélu au même moment, être l'un des rares académiciens à avoir prononcé deux discours de réception. Ces épurations révélaient le peu d'indépendance de l'Institut vis- à-vis du pouvoir politique. La fronde apparente des idéologues à l'égard de l'Empire avait pu faire illusion. Elle relevait plus de la méfiance de Napoléon à l'égard des héritiers de Condillac que de l'inverse. Chateaubriand exagère à son habitude quand il affirme qu'à la mort de Marie-Joseph Chénier, en 1811 : « Mes amis eurent la fatale idée de me presser de le remplacer à l'Institut. Ils prétendaient qu'exposé comme je l'étais aux inimitiés du chef du gouvernement, aux soupçons et aux tracasseries de la police, il m'était nécessaire d'entrer dans un corps alors puissant par sa renommée et par les hommes qui le composaient, qu'à l'abri derrière ce bouclier, je pourrais travailler en paix. » L'Institut n'était nullement ce rempart qu'il décrit. En réalité, si Chateaubriand s'y présenta, c'est sur ordre de l'Empereur, qui souhaitait donner à cette candidature figure de ralliement au régime. Par ailleurs, « l'utopie d'un corps encyclopé- dique dont tous les organes eussent travaillé de concert, à un rythme incessant, comme les Messieurs de Port-Royal ou les colla- borateurs de Diderot, s'était déjà évanouie sous l'Empire », comme l'a justement dit Marc Fumaroli Il n'y aura toutefois pas rupture complète avec les « lumières ». Le 19 avril 1827, l'Académie fran- çaise élit Royer-Collard, grand orateur de l'opposition. L'Institut affiche ses idées libérales, que renforce un recrutement venu de l'Université. Il tient si bien ce rôle à la fin de la Restauration qu'en 1830 le changement de dynastie ne s'accompagne d'aucune épura- tion. Cette couleur libérale, l'Institut la conservera sous le Second Empire, apparaissant à nouveau comme un foyer d'opposition au neveu, après avoir laissé croire qu'il l'était au temps de l'oncle. Mais à cette époque l'Institut a perdu la puissance qu'il avait en 1798. Il apporte pourtant la consécration. Il est désormais indispensable pour assurer au savant ou à l'érudit cette reconnaissance à laquelle il aspire. L'Académie française crée une véritable noblesse des lettres, « miroir aux alouettes » ou « piège » auxquels succombent les grands romantiques, Lamartine, Hugo et Vigny. L'entrée est dif- ficile. Les classiques veillent à la porte. Mais ces batailles attirent l'attention du public qui se passionne pour des élections long- temps confidentielles. La victoire des romantiques, assurée par l'élection de Lamartine le 5 novembre 1829, est pour beaucoup dans l'intérêt porté désormais aux élections académiques. L'Institut devient source de considération sociale et crée un clivage entre l'écrivain reconnu et « la bohème », entre le grand savant et le petit inventeur.

Les cinq académies C'est à Guizot, alors responsable de l'Instruction publique, que l'on doit, sous Louis-Philippe, l'ordonnance du 26 octobre 1832, 1. « La Coupole ». Les lieux de mémoires. La Nation, II, tome 3 (sous la direction de Pierre Nora), Paris, Gallimard, 1986. qui « rétablit dans le sein de l'Institut royal de France l'ancienne classe des sciences morales et politiques ». La nouvelle académie est formée de trente membres répartis en cinq sections : philosophie ; morale ; législation, droit public et jurisprudence ; économie politique et statistique ; histoire générale et philosophique. Entrèrent d'emblée dans cette académie ceux qui en faisaient partie au moment de la suppression. Belle occasion de ressusciter quelques grandes figures de la Révolution comme Sieyès, Talley- rand, Rœderer, Daunou, Merlin de Douai ou ce Pastoret dont Rivarol disait qu'il avait « une cervelle de renard dans une tête de veau ». Ces douze membres désignés par l'ordonnance du 26 octobre 1832 complétèrent l'effectif en élisant quatre nouveaux membres, dont Victor Cousin. Deux fournées de sept membres par élection étaient prévues à des intervalles rapprochés. Dans celle du 8 décembre 1832, on relève le nom de Guizot, que l'Académie remerciait ainsi de l'avoir ressuscitée. Il y avait aussi Maret, duc de Bassano, dont Talleyrand disait qu'il n'existait qu'une personne plus bête que M. Maret, c'est le duc de Bassano. On ne sait comment se passa leur cohabitation au sein de la même académie. L'Institut de France offre donc vers 1834 une nouvelle composition que livre au public l'Almanach royal. Sous la monarchie de Juillet s'opère la fusion entre anciens Idéo- logues et ultras : que Destutt de Tracy et Bonald siègent à la même académie est significatif de cette ouverture de l'Institut à tous les courants, ou du moins à leur coexistence. La bataille ne tourne plus alors autour des « lumières » mais du romantisme, et c'est désor- mais l'Académie française qui est le terrain de cette nouvelle bataille. Les tentatives de Victor Hugo en 1836, en 1839 et en 1840 furent vaines et défrayèrent la chronique de la « République des Lettres ». Le poète dut attendre le 7 janvier 1841 pour entrer sous la Coupole. Dès lors, comme nous l'avons vu, les regards se portèrent surtout sur les élections à l'Académie française, enjeu de conflits politiques et idéologiques qui trouvaient un dénouement provi- soire sous la Coupole. Il y eut pourtant de belles batailles aux Beaux-Arts. Il convient de noter que les membres d'une académie pouvaient être élus aux quatre autres. C'est ainsi que Tocqueville, membre de l'Académie des sciences morales et politiques depuis 1838, entrait à l'Académie française en 1841. Guizot fut membre de l'Académie française, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres et de l'Aca- démie des sciences morales et politiques. Chaque académie avait donc son autonomie et des missions pré- cises. Ainsi l'Académie française, que les almanachs royaux, sortes de bottins administratifs de l'époque, disent « régie par ses anciens statuts », donc antérieurs à la création de l'Institut, était chargée de la composition du dictionnaire de la langue française et faisait, « sous le rapport de la langue, l'examen des ouvrages importants de littérature, d'histoire et de sciences ». Les membres de l'Aca- démie des inscriptions et belles-lettres s'attachaient aux « langues savantes », aux « antiquités et monuments » et à la traduction des auteurs grecs, latins et orientaux non encore traduits. Il ne parut pas utile au rédacteur des almanachs de définir les objets des trois autres académies : leur champ d'études apparaissait à la lecture des titres des sections qui les composaient. Chaque académie avait son jour de séance : le jeudi pour l'Académie française, le vendredi pour les Inscriptions et Belles-Lettres, le samedi pour les Beaux-Arts et pour les Sciences morales et politiques, le lundi pour les Sciences. Les académies tenaient des séances publiques annuelles : le 9 août pour l'Académie française, en juillet pour les Inscriptions et Belles- Lettres, le premier lundi de novembre pour les Sciences, le premier samedi d'octobre pour les Beaux-Arts, en avril pour les Sciences morales et politiques. Pour maintenir l'unité de l'Institut, une séance publique commune était prévue. Sous la monarchie de Juillet elle avait lieu le 1 mai, jour de la fête du roi. C'est le roi qui confirmait les élections, jouant le rôle de protecteur. On retrouvait les mêmes principes d'autonomie des académies et de gestion commune dans le domaine financier. Chaque aca- démie avait la libre disposition des fonds qui lui étaient spécialement affectés. Un fonds général figurait au budget du ministère de l'Instruction publique pour le paiement des traite- ments et des indemnités des membres de l'Institut. Les propriétés communes aux cinq académies et les fonds qui y étaient affectés (pour la bibliothèque notamment) étaient régis et administrés sous l'autorité du ministre de l'Instruction publique par une commission de dix membres, deux par académie. Les propriétés et fonds parti- culiers de chaque académie étaient quant à eux régis en son nom par des bureaux ou commissions. L'Institut ne fut pas emporté par la vague quarante-huitarde. Sous le Second Empire les élections à l'Académie française voient le triomphe des romantiques avec, en 1852, l'entrée d'Alfred de Musset après Lamartine, Hugo et Vigny. C'est alors l'Académie des sciences morales et politiques qui connaît les réorganisations les plus marquantes. Afin de lui assurer un nombre de membres équi- valant à celui des autres académies, un décret impérial du 14 avril 1855 crée en son sein une sixième section intitulée Politique, admi- nistration et finances, composée de dix membres. Le 14 avril 1855 sont donc retenus Cormenin, le marquis d'Audiffret, Laferrière, Armand Lefebvre, Mesnard, Pelet, Barthe, Pierre Clément, Grétry et Bineau, qui refuse. Rien de bien séditieux dans ces choix. Pourtant un nouveau décret impérial, le 9 mai 1866, supprime cette section, et ses membres sont répartis dans les cinq autres tandis que la qua- trième section prend le nom d'Économie politique et finances statistiques. La sixième section sera rétablie en 1964. Les vicissi- tudes de l'Académie des sciences morales et politiques s'expliquent par son intérêt pour les problèmes du monde contemporain. Cette académie ne pouvait qu'appeler une nouvelle fois, sous un nouveau Napoléonide, une vigilance accrue du pouvoir. Les hosti- lités entre l'Académie française et le Second Empire ne furent pas moins vives, la première ne pardonnant pas au second l'exil de Thiers et de Victor Hugo. Les élections de Berryer, de Lacordaire, du prince Albert de Broglie, de l'obscur comte de Carné, celles de Jules Favre et de Barbier, comme les défaites de Théophile Gautier, candidat du pouvoir, montrent le vent de fronde qui secoua alors l'Académie française, au moins jusqu'en 1868. Une fronde qui gagna aussi d'autres académies L' Institut à la fin du XIX siècle

Peu de changements spectaculaires interviendront dans l'organi- sation de l'Institut entre la chute du Second Empire et 1914. Parmi les modifications introduites après le Second Empire figure celle de la date de la séance publique annuelle des cinq académies, fixée désormais au 25 octobre, jour anniversaire de la création de l'Ins- titut, décision prise le 5 juillet 1871. Sous le Second Empire, la séance publique annuelle avait été fixée au 15 août, jour de la Saint- Napoléon. Thiers abolit une partie des décisions prises par le décret du 14 avril 1855. On en revint, pour le régime administratif, aux dis- positions antérieures. Mais il n'y eut pas d'épuration. L'Institut avait su se tenir à l'écart de compromissions trop fâcheuses aux yeux des républicains. Seul Prévost-Paradol, de l'Académie fran- çaise, s'estimant solidaire d'un régime qui l'avait nommé ministre plénipotentiaire à Washington, choisit le suicide. La Commune elle- même épargna le palais de l'Institut lors des incendies de 1871. Malgré le prestige de l'institution, le temps des critiques, jus- qu'alors limitées à quelques pamphlets, commence. La censure se fait en effet moins rigoureuse. Pierre Larousse, qui aurait eu sa place à l'Institut, se venge peut-être dans l'article qu'il consacre à l'institution du quai Conti dans son Grand Dictionnaire universel du XIX siècle, en 1873 : « En somme l'Institut est la plus grande création scientifique que jamais un gouvernement ait imaginée ; certes, il n'est pas souvent arrivé à la hauteur du but qui l'avait fait créer ; mais nous ne devons pas oublier les services réels qu'il a rendus et ceux surtout qu'il est appelé à rendre lorsque, après s'être affranchi, comme il l'a fait, de la tyrannie du pouvoir, il se sera affranchi également de la tyrannie de ses traditions, de ses coteries et de ses préjugés, et quand ses choix, souvent ridicules aujourd'hui, ne seront plus dictés que par l'intérêt bien compris des sciences, des lettres et des arts. » La satire s'empare de l'Institut. Mais elle égratigne plus qu'elle ne déchire. En 1888, Alphonse Daudet écrit L'immortel : l'ascension d'Astier-Réhu, médiocre com- pilateur qui nourrit la documentation de ses travaux historiques de documents apocryphes que lui fournit un étrange petit vieillard, travaux qui lui permettront d'entrer sous la Coupole, fut inspirée par un cas réel d'escroquerie dont fut victime un membre de l'Ins- titut. D'une ironie dépourvue de méchanceté, le roman de Daudet a surtout contribué à populariser l'expression d'immortel. Le 16 novembre 1912 est créée au Théâtre des Variétés la pièce de Robert de Flers et Armand de Caillavet, L'habit vert, fort réjouissante satire des élections académiques et des discours de réception. C'est l'Aca- démie française qui est surtout critiquée, pour son recrutement et sa lenteur ou prétendue telle à achever son dictionnaire. Des pam- phlets, parfois dépourvus de talent, s'en prennent aux peintres de l'Académie des beaux-arts qualifiés de « pompiers » ou d'académi- ques. N'exagérons pas l'importance de ces moqueries ; elles soulignent la place prise par l'Institut et en consacrent l'existence.

L' Institut depuis 1914 La Première Guerre mondiale est passée avec son cortège de drames. Les Académies ont continué à siéger après avoir écarté de leurs rangs les correspondants appartenant à des nations ennemies — entre le 23 octobre 1914 et le 6 mars 1915, dix-neuf associés étrangers sont exclus — et en refusant parfois de pourvoir les sièges vacants. Ainsi a-t-il été le dernier élu en 1914 à l'Académie française. Les Inscriptions et Belles-Lettres ont pris le parti d'une élection groupée en 1917. Et dans un élan patriotique, avant même la fin des hostilités, elles ont fait parfois honneur aux futurs vainqueurs. Joffre, Foch, Clemenceau, puis après 1918 Pétain, Weygand et Franchet d'Esperey ont rejoint Lyautey, élu en 1912, sous le patronage de Richelieu. Ces élections massives et sans contestation ont donné naissance à l'expression désormais en vogue d'« élection de maréchal ». Une Académie bleu horizon avec Barrès et Poincaré, présents déjà avant la guerre, que rejoindront Jacques Bainville et Charles Maurras, dont l'élection n'a pas été sans mal. Il a dû s'incliner une première fois devant l'ancien gouverneur de l'Algérie Jonnart, et ses partisans se sont bruyamment manifestés lors de la réception de ce dernier sous la Coupole. Poincaré avait pris séance le 9 décembre 1909, succédant au Lorrain Émile Gebhart, helléniste. amoureux de l'Italie médiévale et renaissante. Son discours de réception était déjà empreint de ce patriotisme qui le caractérisait : « Ne maudissons pas trop nos querelles intestines, si elles ne sont que le signe de notre vitalité nationale et si elles laissent intacte, dans les âmes françaises, la religion de la patrie.» Dans cette alchimie étrange où se rencontrent différents ordres de l'esprit et de la société, se côtoyaient en 1930 le diplomate Jules Cambon, le grand philosophe Bergson, le bibliophile et homme politique béar- nais Louis Barthou, l'immense Paul Valéry, l'historien de l'art Émile Mâle et l'irremplaçable maître de la Revue des Deux Mondes René Doumic, qui exerçait les fonctions officielles de secrétaire perpé- tuel... et de « grand électeur ». Si les batailles autour des fauteuils continuent à passionner l'opi- nion, les querelles de personnes l'emportent en général dans les choix sur les idéologies. Ainsi Paul Valéry s'est-il abstenu de pro- noncer, à l'encontre de tous les usages, autrement que par allusion, le pseudonyme de son prédécesseur : il s'agissait d'Anatole France auquel il reprochait de n'avoir pas fait figurer Mallarmé dans son anthologie du Parnasse. Les Académies des inscriptions et belles-lettres et des sciences continuent à rassembler l'élite de la recherche : Camille Jullian, Salomon Reinach, Charles Diehl, Gustave Glotz, Ferdinand Lot, Paul Mazon, Brunot... représentent la connaissance du passé, tant dans la linguistique que dans l'histoire ou l'archéologie ; Paul Pain- levé, Henri Deslandres, Gustave Ferrié, Édouard Branly, Jean Perrin, Émile Roux, Gaston Calmette, Charles Richet, Maurice de Broglie, Jean-Martin Charcot... incarnent des avancées décisives de la science du XX siècle. L'Académie des beaux-arts, fidèle à la notion de « métier », ne reste pas insensible pour autant aux nouvelles conceptions artisti- ques. A titre d'exemple, elle reçoit favorablement en 1918, la candidature de Claude Debussy qui devait malheureusement décéder avant cette élection assurée. Le Secrétaire perpétuel d'alors, Charles-Marie Widor, qui soutenait sa candidature contre un Camille Saint-Saëns farouchement hostile, ouvrait ainsi l'Aca- démie aux vents nouveaux des grands courants à venir qui transformeront l'esthétique : Carolus-Duran et Bonnat préparent l'arrivée de Vuillard et Maurice Denis ; Landowski, celle de Schöf- fer ; Victor Laloux, celle d'Henry Bernard ; Gustave Charpentier, celle d'Olivier Messiaen. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l'Institut est présidé par Maurice Reclus. Aucune élection n'a eu lieu entre 1940 et 1944 à l'Académie française et à l'Académie des sciences morales et politiques, à la différence des Inscriptions et Belles-Lettres, des Sciences et des Beaux-Arts. Plus soumises aux vicissitudes politi- ques, les premières ont préféré l'abstention. Les secondes ne risquaient pas les dérives qu'entraînent les pressions du pouvoir. En 1944-1945, l'Académie française exclut de ses rangs, en exécu- tion des dispositions de l'article 21 de l'ordonnance du 26 décembre 1944, Abel Hermant, Abel Bonnard, Philippe Pétain (membre également des Sciences morales et politiques) et Charles Maurras. Frédéric François-Marsal, en exécution de l'article 8 du règlement, est écarté des Sciences morales et politiques. À noter aussi l'éviction de Georges Claude de l'Académie des sciences, par décision du 4 septembre 1944. Ainsi l'Institut de France et ses Académies ont-ils été au cœur de la tourmente et reflètent-ils la France de la Deuxième Guerre mondiale, avec ses ombres et ses lumières — certains académiciens et membres de l'administration s'étant aussi engagés dans la Résis- tance. Mais il ne s'est agi là que de choix personnels. Les Académies ont poursuivi volontairement leurs activités pour demeurer fidèles à des missions anciennes que l'on voulait pérennes, comme le rap- pelèrent, sous l'Occupation, les présidents successifs de l'Institut, lors des séances annuelles communes. Depuis l'immédiat après-guerre, l'Institut de France a eu à faire face à une accélération des changements de la société, défi perma- nent à relever pour continuer à jouer un rôle dans un monde en perpétuelle mutation. Un siècle et demi après sa création, tout en conservant son autorité morale, l'Institut avait perdu le poids qu'il avait à ses origines : souvent, une élection consacrait une carrière plus qu'elle ne constituait un point de départ pour de nouvelles recherches. Aujourd'hui, sur le plan symbolique, l'Institut et ses cinq Acadé- mies conservent incontestablement le rôle éminent qu'ils n'ont cessé de jouer au cours des deux siècles passés. Les savants les plus prestigieux et les plus grands esprits — dans quelque domaine qu'ils évoluent — y voient toujours le sommet d'un cursus honorum classique. A travers son réseau académique international, formé par les membres associés et les correspondants étrangers, le prestige de l'Institut demeure intact hors des frontières hexago- nales. L'Institut a conservé aussi, sinon renforcé, son rôle d'expertise auprès des pouvoirs publics sur les questions d'intérêt général, qu'il soit directement saisi ou qu'il prenne l'initiative de formuler des avis : récemment, les questions d'éthique, d'enseignement (aussi bien des lettres et des sciences que des arts) ou de langue (ainsi la réforme orthographique et la défense de la francophonie), ont été l'occasion pour les Académies de montrer leur souci d'une activité concrète et contemporaine, et d'un rôle social inscrit dans leur histoire. Mais l'Institut a dû affronter, dès la seconde moitié du XIX siècle, des difficultés nouvelles : la concurrence d'autres lieux intellec- tuels, d'autres forums de discussions, d'autres foyers de recherche. La moyenne d'âge de ses membres s'est élevée. L'Institut enfin a perdu une part importante de ses ressources propres avec la chute du franc-or consécutive à la Première Guerre mondiale. Les Académies ont su s'adapter : dans leurs structures tout d'abord, en élargissant leurs rangs et en créant de nouvelles sec- tions, comme aux Sciences et aux Beaux-Arts ; en se donnant des règles concernant l'âge de leurs membres. L'Institut déploie des moyens nouveaux au service des travaux et des publications des Académies ; il lance une politique de mécénat avec les entreprises ; améliore la gestion et le rayonnement de ses grandes Fondations : par des rénovations matérielles, de meilleures « relations publi- ques », des concerts, des colloques, des expositions. Avec la remise à neuf du Palais qui vient de s'échelonner sur plus de quatre décen- nies, et de s'achever par celle de tous ses extérieurs et de la coupole même, l'Institut a fait — symboliquement — « peau neuve », en tous les sens de cette image. Il a adapté ses bâtiments à des besoins accrus de locaux de travail et d'accueil. Et pourtant, malgré les pos- sibilités nouvellement offertes par cette ère de grands travaux, successivement menés sous l'impulsion des chanceliers André François-Poncet, Jacques Rueff, et surtout Édouard Bonnefous, les problèmes d'espace demeurent. Les deux grandes bibliothèques qu'abrite le palais — la Mazarine et la Bibliothèque de l'Institut — offrent à leurs lecteurs près de deux millions de volumes, et leurs fonds ne cessent de s'enrichir. L'Académie des sciences déborde d'activités ; elle a multiplié depuis sa réforme de 1976 les orga- nismes qui lui permettent d'accroître ses capacités d'action dans les domaines de la science et de la technologie, rajeuni peu à peu son recrutement, augmenté le nombre de ses membres. Elle a ouvert ainsi à toutes les Compagnies les voies d'une sage réno- vation. Il reste aujourd'hui à poursuivre cette modernisation, et à en fixer clairement les objectifs. La vie de l'Institut ne saurait plus se résumer à quelques séances solennelles sous la Coupole, à une assemblée annuelle, aux indispensables tâches de sa Commission administrative centrale — secondée par des services administratifs d'une compétence et d'une efficacité certaines. Il n'est pas simple- ment un « club » de pairs qui ont plaisir à débattre, et qui travaillent ensemble à des entreprises spécialisées. Il entend demeurer fidèle à ses objectifs historiques, en s'affirmant davantage comme un véri- table « parlement du monde savant », ouvert à tous les horizons de la recherche française et étrangère, mais aussi aux problèmes de son temps. Dans un monde bouleversé par l'invasion de la tech- nique, emporté par le tourbillon de l'actualité, incertain de tous ses repères, l'Institut doit constituer plus que jamais une assemblée de sages : capable de prendre les distances nécessaires à une réflexion collective, lucide, indépendante, de mener avec patience une poli- tique de présence dans les moyens de communication de notre temps, de se mettre ainsi en mesure d'exercer une influence déci- sive sur les orientations futures de la société, sur ses valeurs, sur sa culture. Tel est le défi que l'Institut de France se propose de relever, en abordant ce troisième siècle de son existence.

NOTES ANNEXES SUR LA COMPOSITION DES COMPAGNIES (1) En 1810, la composition de l'Institut impérial des sciences, lettres et arts est la suivante La première classe est divisée en onze sections. En géométrie siègent Lagrange, Laplace, Bossut, Legendre, Lacroix et Biot ; en mécanique Monge, Prony, Périer, Carnot, Sané et Napoléon, parfois cité en tête ; en astronomie Messier, Cassini, Bouvard, Lefrançais-Lalande, Burchardt et Arago ; en géographie Bou- gainville, Buache et Beautemps-Beaupré ; en physique générale Charles, Rochon, Lefèvre-Gineau, Lévêque, Gay-Lussac et Malus. La section de chimie réunit Berthollet, Vauquelin, Guyton de Morveau, Deyeux, Chaptal et Thenard, celle de minéralogie Haüy, Desmarest, Duhamel, Lelièvre, Sage et Ramond, celle de botanique Lamarck, Desfontaines, Jussieu, Labillardière, Palisot-Beauvois et Mirbel, celle d'économie rurale et d'art vétérinaire Thouin, Tessier, Parmentier, Huzard, Silvestre et Bosc. En anatomie et zoologie figurent Lacépède, Tenon, Richard, Olivier, Pinel et Geoffroy-Saint-Hilaire. La onzième section, celle de médecine et chirurgie, comprend Des Essarts, Sabatier, Portal, Hallé, Pelletan et Percy. Les deux Secré- taires perpétuels sont Delambre et Cuvier. On comptait cent correspondants nationaux ou étrangers. Le prestige de cette classe est énorme. Elle correspond avec toute l'Europe scienti- fique, l'Angleterre exceptée en raison de la guerre. La deuxième classe (langue et littérature françaises) est formée par Volney, Garat, Cambacérès, Bernardin de Saint- Pierre, Merlin, Bigot de Préameneu, Sieyès, Lacuée, Rœderer, Andrieux, Villar, François de Neufchâteau, Cailhava, Sicard, Ducis, Legouvé, Delille, Suard, Morellet, Boufflers, Bessuejouls de Roquelaure, d'Aguesseau, Lucien Bonaparte, Ségur, Régnaud de Saint-Jean d'Angély, Maret, Lacretelle, Parny, Daru, Maury, Laujon, Raynouard, Picard, Destutt de Tracy, Lemercier, Esmenard. Le Secrétaire perpétuel est Suard. Anciens révolu- tionnaires et ralliés à l'Empire coexistent sans problèmes. Comme la deuxième, la troisième classe (histoire et littéra- ture anciennes) n'a pas de sections. Y siègent Dacier, Lebrun, Levesque, Dupont, Daunou, Mentelle, Reinhard, Talleyrand, Gosselin, Ginguené, Desales, Garran de Coulon, Champagne, Lakanal, Toulongeon, Lebreton, Grégoire, Laporte du Teil, Laglès, Pougens, Mongez, Ameilhon, Mercier, Silvestre de Sacy, Pastoret, Choiseul-Gouffier, Joseph Bonaparte, Quatremère de Quincy, Visconti, Boissy d'Anglas, Millin, Gérando, Brial, Petit- Radel, Barbier du Bocage, Lanjuinais, Gaussin, Gail et Clavier. Secrétaire perpétuel : Dacier. Cette classe avait également huit associés étrangers et trente-six correspondants nationaux et étrangers. Retour aux sections avec la quatrième classe, vouée aux beaux-arts. La première section (peinture) comprend David, qui a retrouvé sa prééminence, Van Spaendonck, Vincent, Régnault, Taunay, Denon, Visconti et Ménageot, la deuxième (sculpture) Houdon, Rolland, Dejoux, Lemot, Cartellier, Lecomte, la troi- sième (architecture) Gondouin, Peyre, Duloumy, Heurtier, Percier, Fontaine, la quatrième (gravure) Bervic, Jeuffroy, Duvi- vier, la cinquième (musique) Méhul, Gossec, Grétry, Monvel, Grandmenil, le Secrétaire perpétuel est Lebreton. On compte huit associés étrangers et trente-six correspondants. (2) En tête, selon l'ordre hiérarchique, l'Académie française où l'offensive romantique vient à peine de se déployer. Y siègent : Cessac, Raynouard, Destutt de Tracy, Lemercier, Perseval de Grand-maison, Chateaubriand, Lacretelle, Duval, Campenon, Michaud, Jouy, Baour-Lormian, Bonald, Laîné, Roger, Pastoret, Villemain, Freyssinous, Quelen, Soumet, Droz, Delavigne, Brifaut, Guiraud, Feletz, Royer-Collard, Lebrun, Barante, Arnault, Étienne, Lamartine, Ségur, Pougerville, Cousin, Viennet, Jay, Dupin Aîné, Tissot, Thiers, Nodier. Le secrétaire perpétuel est Arnault. A l'Académie des inscriptions et belles-lettres, une ordon- nance du 16 mai 1830 a fixé le nombre des académiciens à cinquante, y compris les membres libres. Appartiennent à cette académie Pastoret, Silvestre de Sacy, Daunou, Reinhard, Talley- rand, Quatremère de Quincy, Gérando, Petit-Radel, Caussin de Perceval, Amaury-Duval, Émeric David, Raynouard, Naudet, le comte de Choiseul-Daillecourt, Mongez, Le Prévost d'Iray, Jomard, Dureau de la Malle, Hase, Pouqueville, Pardessus, Van Praet, Thierry, Lajard, Jauben, Mionnet, Burnouf, Beugnot, Reinaud, Guérard, Saint Julien. Guizot, Le Clerc. S'y ajoutent dix membres libres (Blacas, Barbé-Marbois, Dugas-Montbel, Eusèbe-Salverte, Artaud de Montor, Fortia d'Urban, le duc de Luynes, l'abbé de la Rue, Seguier de Saint-Brisson et Mon- merqué), sept associés étrangers (Guillaume de Humboldt à Berlin, Wilkins à Hertford, Ouvaroff à Saint-Pétersbourg, Heeren à Goettingen. Creuzer à Heidelberg, Colebrooke à Londres, Boettiger à Dresde et quarante correspondants. Le Secrétaire perpétuel est Silvestre de Sacy. L'académie des sciences conserve sa division en sections. A la première section, vouée à la géométrie, on trouve : Lacroix, Biot, Poinsot, Ampère, Puissant et Libri ; à la deuxième, celle de la mécanique : Prony, Molard, Cauchy, Dupin, Navier ; à la troisième consacrée à l'astronomie : Cassini, Lefrançais, Lalande, Bouvard, Mathieu, Damoiseau, Savary ; à la quatrième, qui est celle de la géographie et de la navigation : Beautemps- Beaupré, Freycinet, Roussin. Gay-Lussac, Poisson, Girard, Dulong, Savart, Becquerel appartiennent à la cinquième section, celle de physique générale ; Deyeux, Thenard, d'Arcet, Chevreul, Dumas, Robiquet à la sixième, celle de chimie ; Lelièvre, Brongniart, Brochant, Cordier, Beudant, Berthier à la septième, la minéralogie ; Jussieu, Mirbel, Saint-Hilaire, Adrien de Jussieu, Adolphe Brongniart et Richard à la huitième, la bota- nique. La neuvième section (économie rurale et art vétérinaire) comprend Tessier, Huzard, Silvestre, Morel-Vindé, Dutrochet, Turpin ; la dixième (anatomie et zoologie) Charles Geoffroy Saint-Hilaire, Duméril, Savigny, Blainville, Cuvier et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Enfin la onzième section (médecine et chirurgie), qui ne se confond pas avec l'académie de médecine, en dehors de l'Institut, réunit Magendie, Dupuytren, Serres, Larrey, Double et Roux. L'académie comprend dix académi- ciens libres : Héron de Villefosse, Gillet de Laumont, le duc de Raguse, Benjamin Delessert, le baron Maurice, Héricart de Thury, Rogniat, Costaz, Desgenettes et Séguier. Les associés étrangers s'appellent Alexandre de Humboldt à Berlin, Gauss à Goettingen, Berzelius à Stockholm, Candolle à Genève, Olbers à Brême, Dalton à Londres, Blumenbach à Goettingen, Brown à Londres. De surcroît l'académie compte cent correspondants dont Orfila en médecine, Moreau de Jonnes en géographie, Mathieu Dombasle en économie rurale, etc. Il y a deux secré- taires perpétuels, Arago (mathématiques) et Flourens (sciences physiques). Comme celle des sciences, l'Académie des beaux-arts est une académie à sections. Dans la première section, celle de pein- ture, on trouve Gérard, Gros, Carle Vernet, Garnier, Hersent, Bidauld, Thévenin, Ingres, Horace Vernet, Heim, Granet, Blondel, Delaroche Drolling ; dans la deuxième, vouée à la sculpture, Bosio, Ramey, Cortot, David, Pradier, Ramey fils, Roman, Nanteuil ; dans la troisième qui réunit les architectes, Percier, Fontaine, Huyot, Vaudoyer, Debret, Lebas, Achille Leclerc, Guenepin. Les graveurs sont à la quatrième section avec Desnoyers, Galle, Tardieu, Richomme et les compositeurs à la cinquième : Cherubini, Lesueur, Berton, Boïeldieu, Auber et Paer. Le nombre des académiciens libres est déterminé par un règlement particulier. Beaucoup de nobles : le duc de Blacas, le comte de Pradel, le comte de Turpin de Cissé, le comte de Forbin, le vicomte de Senonnes, le comte de Chabrol de Volvic, le comte Pastoret, le comte Siméon, le comte de Vaublanc. Ce qui donne à ce recrutement une couleur mondaine. Les asso- ciés étrangers sont moins discutables : Rossini à Rome, Zingarelli à Naples, Schinkel à Berlin, Toschi à Parme... Parmi les quarante correspondants on relève les noms de Spontini et Meyerbeer. Le Secrétaire perpétuel est Quatremère de Quincy. Troisième académie à sections, la benjamine, celle des sciences morales et politiques. Cinq sections. A la première (philosophie) siègent Destutt de Tracy, Gérando, Cousin, Laro- miguière, Edwards et Broussais ; à la deuxième (morale) Lacuée, Rœderer, Droz, Dunoyer, Jouffroy, Lakanal ; à la troi- sième (législation, droit public et jurisprudence) Daunou, Merlin, Dupin Aîné, Maret, Bérenger, Siméon ; à la quatrième (économie politique et statistique) Sieyès, Talleyrand, Alexandre de Laborde, Charles Dupin, Villermé, Comte ; à la cin- quième (histoire générale et philosophique) Pastoret, Reinhard, Naudet, Bignon, Guizot et Mignet. Sont académiciens libres Feuillet, Broglie, Carnot, Benoiston de Châteauneuf, Blondeau. On compte comme associés étran- gers Lord Brougham à Londres, Livingstone à New York, Sismondi à Genève, Malthus à Londres... Il y a seize correspon- dants dont Savigny à Berlin, Schelling à Munich, Esquirol à Paris. Le Secrétaire perpétuel est Comte. (3) Comment se présente en 1867 l'Institut impérial de France ? Siègent à l'Académie française Villemain, Lebrun, Lamartine, Philippe de Ségur, Pongerville, Viennet, Thiers, Guizot, Mignet, Flourens, Hugo, Patin, Saint-Marc Girardin, Sainte-Beuve, Mérimée, Vitet, Rémusat, Empis, duc de Noailles, Nisard, Montalembert, Berryer, Mgr Dupanloup, Silvestre de Sacy, Legouvé, duc de Broglie, Ponsard, Falloux, Augier, Laprade, Sandeau, prince de Broglie, Octave Feuillet, Carné, Dufaure, Camille Doucet, Prévost-Paradol, Cuvillier-Fleury, Gratry, Jules Favre. Le projet de Sainte-Beuve de découper l'aca- démie en huit sections (langue et grammaire, théâtre et création dramatique, poésie lyrique, épique et didactique, his- toire, éloquence politique, philosophie, roman et nouvelle, critique littéraire) de cinq membres, sur le modèle des acadé- mies à sections, n'a pas été retenu. C'est Villemain qui est Secrétaire perpétuel. L'Académie des inscriptions et belles-lettres comprend Naudet, Stanislas Julien, Guizot, Guigniaut, Paulin Paris, Garcin de Tassy, Littré, Villemain, Natalis de Wailly, Saulcy, Laborde, Mohl, Laboulaye, la Saussaye, Ravaisson, Caussin de Perceval, Vincent, Wallon, Brunet de Presle, Rossignol, Rougé, Egger, François de Chasse- Waitz, 429 Wildenstein (Daniel), bœuf, comte de), Wajda (Andrzej), 316 316, 330 22, 25, 28, 33, 44, Walckenaer (Charles- Wildenstein 128, 146, 342, 343, Athanase), 129 (Georges), 330 349, 350 Waldeck-Rousseau Wilkins, 45 Voltaire (François-Ma- (Pierre), 393 Wilson (Thomas Woo- rie Arouet, dit), 88, Waline (Marcel), 401, drow), 441 94, 112, 119, 128, 415 Wolowski (Louis), 49. 212, 341, 347, 348, Wallon (Henri), 47, 365 355 164 Wood (Robert), 115 Von Weizsâcker (Carl- Walras (Léon), 408 Wunderlich (Paul), Friedrich), 441 Waltner, 334 317 Vuillard (Édouard- Washington (George), Wyeth (Andrew), 316 Jean), 41, 176, 281, 343 334 Watelet (Claude-Hen- Vuitry (Adolphe), 49, ri), 283, 285 365 Watt (James), 221 X Watteau (Antoine), 288, 289 Xenakis (Iannis), 316 Watteville, 102 Xénophon, 103, 358 W Weiller (Paul-Louis), 335 Waddington (William Welles (Orson), 335 Z Henry), 48, 137, Wendel, 213 367, 432 Weygand (Maxime), Zak (Isidor), 317 Wailly (Charles de), 39 Zehrfuss (Bernard), 25, 289, 296, 298, Widor (Charles-Ma- 316, 327 299, 306, 334 rie), 41, 321, 335 Zeri (Federico), 316 Wailly (Natalis de), 163 Wièt (Gaston), 153 Zingarelli, 47

Photocomposition : Nord Compo, 59650 Villeneuve-d'Ascq Achevé d'imprimer en octobre 1995 sur presse CAMERON dans les ateliers de Bussière Camedan Imprimeries à Saint-Amand (Cher). N° d'édition : 1180 N° d'impression : 4/820 1995 MARQUE LE BICENTENAIRE DE LA CRÉATION DE L'INSTITUT DE FRANCE. CET ANNIVERSAIRE FOURNIT À POINT NOMMÉ L'OCCASION DE MIEUX CONNAÎTRE L'HISTOIRE RICHE ET COMPLEXE DE CETTE GRANDE INSTITUTION FORMÉE DE CINQ ACADÉMIES.

ON CONNAÎT EN EFFET L'ACADÉMIE FRANÇAISE, MAIS ON IGNORE ENCORE TROP SOUVENT QUE L'INSTITUT DE FRANCE RASSEMBLE AUSSI QUATRE AUTRES COMPAGNIES: INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES, SCIENCES, BEAUX-ARTS, SCIENCES MORALES ET POLITIQUES. IL CONSTITUE AINSI UNE STRUCTURE ORIGINALE QUI RÉUNIT EN UN CORPS UNIQUE TOUTES LES ACTIVITÉS DE L'ESPRIT. DE CUVIER ET CHATEAUBRIAND À LOUIS DE BROGLIE ET OLIVIER MESSIAEN, EN PASSANT PAR CHAMPOLLION, BERLIOZ, DELACROIX, PASTEUR, VALÉRY, MAURIAC, HARTUNG, JULIEN GREEN, SENGHOR, PETER USTINOV ET IONESCO, SES MEMBRES FORMENT UN PALMARÈS AUSSI VARIÉ QUE PRESTIGIEUX.

ICI, DES PLUMES ÉMINENTES REPRÉSENTANT CHACUNE DES CINQ ACADÉMIES SE SONT ATTACHÉES À RETRACER LEUR HISTOIRE AINSI QUE LE RÔLE QU'ELLES ONT JOUÉ - ET QU'ELLES DOIVENT CONTINUER À JOUER - POUR CONCOURIR AU «PERFECTIONNEMENT DES ARTS ET DES SCIENCES», EN VERTU DE LEUR PRINCIPE FONDATEUR.