La Morale Républicaine De L'école Laïque Du Xixe Siècle Et Ses
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La République, « Fille Aînée de l’Église »? : la morale républicaine de l’école laïque du XIXe siècle et ses racines catholiques Elizabeth A. Yazgi Une thèse soumise au Département de français Wellesley College Submitted in Partial Fulfillment of the Prerequisite for Honors in the French Department avril 2013 © 2013 Elizabeth Yazgi 1 Table des Matières Remerciements…………………………………………………………………………………3 Introduction générale …………………………………………………………………………4 Chapitre 1. La Mise en place du clivage: La République contre l’Église aux XVIIIe et XIXe siècles……….10 Chapitre 2. L’École du XVIIe au XIXe siècle: la formation catholique à la scolarisation républicaine…..…..33 Chapitre 3. La Morale catholique de la IIIe République: les manuels scolaires de l’école républicaine et leurs fondements chrétiens……………………………………………………………………………......52 Conclusion générale …………………………………………………………………………...89 Bibliographie …………………………………………………………………………………..94 2 Remerciements En préambule à ce mémoire, je souhaite remercier les personnes qui m’ont aidé à finaliser ce projet. Tout d’abord, je tiens à remercier ma directrice de thèse, Madame Venita Datta, qui a sans relâche lu et corrigé mes brouillons et m’a ainsi appris la méthode de l’analyse historique. Ce travail aurait été encore plus difficile sans sa patience, sa compréhension et surtout son enthousiasme pour l’histoire française. Je tiens aussi à remercier Madame Hélène Bilis, qui m’a conseillée et m’a orientée vers les démarches à suivre pour accomplir ce projet et qui de plus m’aidait à maîtriser la langue française pendant tout mon cursus universitaire. Je voudrais également remercier Madame Catherine Masson de sa direction lors de mon premier séjour en France. Elle m’a encouragée à poursuivre mes recherches dans les bibliothèques d’Aix- en-Provence, et, sachant toujours que je pouvais faire mieux, a fait de moi une battante ! J’adresse également mes remerciements au Professeur Pierre Langeron, Maître de conférences à l'Institut d'Études Politiques d'Aix-en-Provence, pour son aide précieuse et pour son temps l’été 2012. Il m’a permis de voir les différentes nuances de la laïcité française et m’a transmis des références essentielles à la formulation de ma problématique. C’était bien un luxe de pouvoir consulter un expert dans le domaine qui répondait avec enthousiasme et clarté à toutes mes questions. J’adresse aussi une pensée particulière à ma chère amie Marie Magrit, assistante de langue française à Wellesley College pendant l’année scolaire 2012-2013. Grâce à nos longues discussions sur les différences entre nos deux pays et l'affirmation que parler avec un accent n'est pas la fin du monde, j'arrive à m'exprimer avec plus de fluidité, et moins de peur, dans cette si belle langue. Merci de ta disponibilité et de ton aide perpétuelles. Ce travail n’aurait pu aboutir sans l’encouragement et le réconfort de ma sœur, qui était toujours à l’écoute autour de mille tasses de café, et de ma mère, qui savait me rassurer avec tant de petits mots de sagesse. Enfin, je tiens à exprimer ma reconnaissance au Département de français de Wellesley College, qui a été si généreux avec moi dès le début, m’accordant la bourse Nathalie Buchet afin de rester en France et mener des recherches et se montrant toujours intéressé par mon travail. 3 Introduction générale Lors de la rentrée scolaire du mois de septembre 2012, le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon, a déclaré que « Le redressement de la France doit être un redressement matériel mais aussi intellectuel et moral. »1 A cette fin, il a envisagé « la refondation de l’école républicaine » avec l’instauration des cours de morale laïque à la rentrée scolaire de l’année 2013. Ce discours, prononcé immédiatement après l’élection de François Hollande, le 24e président de la République française, doit orienter non seulement la France d’aujourd’hui mais aussi celle de l’avenir et donc mérite notre attention. Certes, il faut se poser la question : d’où vient cette notion de « l’école républicaine » et en quoi consiste-t-elle ? Bien qu’ils portent sur l’avenir, les mots du ministre font écho à un passé récent, au cours duquel la France se trouvait également à la recherche « d’un redressement moral » : la fondation de la IIIe République en 1870.2 Après sa défaite dans la guerre franco-prussienne quatre ans plus tôt, la nation française tente de transformer sa perte en victoire morale et idéologique. Cette situation suscite des disputes parmi ceux qui veulent combler le vide politique et voir renaître une France vaincue. Faisant ainsi, ce projet renouvelle le conflit des « deux France », ancien combat qui oppose deux autorités politiques, l’État républicain et l’Église catholique. Cette opposition entre ces deux entités qui rivalisent pour obtenir la mainmise politique n’est d’aucune façon propre à la fin du XIXe siècle, car elle marque l’histoire politique et religieuse françaises depuis la Révolution de 1789. En effet, la puissance de l’Église dans la société fait que les 1 Vincent Peillon, « Vincent Peillon pour l’enseignement de la “morale laïque” », L’Express, le 2 septembre 2012, http://www.lexpress.fr/actualite/politique/vincent-peillon-pour-l-enseignement- de-la-morale-laique_1155535.html. 2 Il faut une précision: tandis que la République est proclamée le 4 septembre 1870, après la défaite de Sedan, la Constitution n’est votée qu’en 1875. 4 mœurs, le dogme et les principes catholiques font partie intégrante de la culture française et par- dessus tout du système scolaire depuis trois siècles. Lors de la naissance de la IIIe République, les dirigeants de ce régime considèrent cette emprise ecclésiastique comme un obstacle à la souveraineté étatique et poursuivent une politique d’anticléricalisme, c’est-à-dire d’hostilité à toute influence ecclésiastique, afin de s’établir. En concevant l’élimination de l’Église de la sphère publique, les républicains envisagent alors la laïcité, la séparation des Églises et de l’État. Tandis que celle-ci n’est établie qu’en 1905, la gauche prend des mesures pour diminuer l’influence du catholicisme dans la société. Notamment, l’école, en tant qu’institution qui doit former de nouvelles générations, est impliquée dans cette question. Même si elle était autrefois le domaine incontesté de l’Église où les enfants apprenaient leur catéchisme, la gauche espère faire d’elle « le sanctuaire de la laïcité » où les jeunes citoyens étudient « la morale républicaine » dont Peillon fait l’éloge dans son discours de 2012.3 Dans ce but, Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique sous la présidence du républicain Jules Grévy, fait voter une série de lois éponymes qui établissent la gratuité, l’obligation et la laïcité scolaire en 1881 et 1882. Cette « laïcisation » de l’institution scolaire implique le remplacement d’une pédagogie catholique par des programmes scolaires dépouillés de toute référence religieuse. Afin de s’apercevoir comment et dans quelle mesure les républicains estiment que la morale républicaine se différencie de la tradition catholique, il est essentiel de comprendre sa nature précise. La définition qu’en donne le fondateur de l’école laïque, Jules Ferry, dans sa « Lettre aux instituteurs » du 17 novembre 1883 est illustrative à cet égard. Dans son adresse, il parle directement aux nouveaux instituteurs laïques qui doivent désormais instruire les Français : 3 René Rémond, L’invention de la laïcité: De 1789 à demain (Paris: Bayard, 2005), 48. 5 J’ai dit que votre rôle, en matière d’éducation morale, est très limité. Vous n’avez à enseigner, à proprement parler, rien de nouveau, rien qui ne vous soit familier comme à tous les honnêtes gens...Il est impossible que vous voyiez chaque jour tous ces enfants qui se pressent autour de vous, écoutant vos leçons, observant votre conduite, s’inspirant de vos exemples, à l’âge où l’esprit s’éveille, où le cœur s’ouvre, où la mémoire s’enrichit, sans que l’idée vous vienne aussitôt de profiter de cette docilité, de cette confiance, pour leur transmettre, avec les connaissances scolaires proprement dites, les principes mêmes de la morale, j’entends simplement cette bonne et antique morale que nous avons reçue de nos pères et mères et que nous nous honorons tous de suivre dans les relations de la vie…Vous êtes l’auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du père de famille : parlez donc à son enfant comme vous voudriez que l’on parlât au vôtre ; avec force et autorité, toutes les fois qu’il s’agit d’une vérité incontestée, d’un précepte de la morale commune.4 La morale de l’école laïque est donc définie comme « rien de nouveau », quelque chose de familier, une « bonne antique morale » partagée par tous et que Ferry distingue d’une « morale catholique ». Cette suggestion de Ferry soulève des questions prépondérantes. Dans le contexte de l’anticléricalisme de la IIIe République, quel est le rapport entre l’enseignement religieux et la morale surtout essentielle au développement de la France républicaine ? Quel est l’effet de ce combat historique sur le processus de la laïcisation scolaire ainsi que sur la mémoire de cette étape fondamentale dans l’histoire de la République française ? Plus précisément, une opposition entre les deux morales existe-t-elle en réalité ? Sinon, d’où vient cette idée reçue d’un enseignement catholique du passé et une nouvelle « morale laïque » ? De nombreuses études ont essayé de saisir la signification de cette « morale », dans le contexte plus large de la politique religieuse de la France aussi bien que dans celui de sa politique scolaire. Sans aucun doute, il existe un corps inépuisable d’études menées sur l’histoire religieuse et sur la laïcité française, par Gérard Cholvy, Yves-Marie Hilaire, René Rémond, Philippe Boutry et Jean Baubérot, dont les œuvres sont célèbres.