N° 366 - Avril 2021 - 2,50 € Parution le premier dimanche du mois LE CHARDONNET “Tout ce qui est catholique est nôtre” Louis Veuillot

Les martyrs de la Commune es autorités civiles s’ap­ la faillite des milliers d'artisans et sous le nom de Commune de prêtent à fêter cette de commerçants, et elle supprime ; il se veut l’héritier de la année, au mois de mai, la solde quotidienne d'un franc Première République et du Gou- le cent cinquantième cinquante payée aux gardes natio- vernement révolutionnaire de la anniversaire de la Com­ naux. Commune de 1792. Le 28 mars, Lmune de Paris. La Mairie a recensé la majorité jacobine constitue un plus de soixante événements com- La révolution éclate le 18 mars Comité de Salut public. Le pro- mémoratifs, du 18 mars au 28 mai. à la suite de la décision du gou- gramme du 19 avril 1871 exprime Au nombre de ceux-ci, une exposi- tion itinérante – intitulée « Nous, la Commune » – présente cin- quante personnages en taille réelle, comme pour s’approprier les idées défendues par ces révolutionnaires qui prirent le pouvoir dans la ville, du 18 mars au 28 mai 1871. Le contexte est celui de la fin de la Guerre franco-prussienne de 1870- 1871, perdue le 2 septembre 1870 à Sedan, où l’empereur Napoléon III est fait prisonnier. Le 4 septembre 1870, la République est proclamée à Paris. en sera le chef du pouvoir exécutif avant d’en devenir le premier président. La guerre continue jusqu’à l’armistice, Mars 2021 : des Communards en carton à Montmartre signé le 28 janvier, après un siège qui a provoqué une terrible misère et décimé plusieurs milliers de Pa- vernement de retirer à la Garde ses intentions : « C'est la fin du risiens. Le 10 mars 1871, l’Assem- nationale ses armes et ses canons. vieux monde gouvernemental et blée nationale se transfère de Paris Le général Lecomte, envoyé à cet clérical ». Le drapeau rouge est à Versailles parce qu'elle pressent effet, est capturé par les insurgés et adopté le 28 mars et le calendrier l’éclosion d’un mouvement révo- tué le lendemain, comme le général républicain remis en vigueur (an lutionnaire. Par une loi du même Clément Thomas. Un mouvement 79 de la République). Par le décret jour, elle met fin au moratoire sur insurrectionnel improvisé assume du 2 avril la Commune déclare la les effets de commerce, acculant à alors le pouvoir dans la capitale séparation de l'Église et de l’État.

SOMMAIRE PAGE 1 - Éditorial PAGE 8 - Saint-Nicolas-du-Chardonnet PAGE 13 - Le massacre des Dominicains par M. l’abbé Pierpaolo Petrucci lors de la Commune de Paris d’Arcueil par Vincent Ossadzow par M. l’abbé Guillaume d'Orsanne PAGE 3 - La Commune de Paris par Nicolas Charlier PAGE 10 - Mgr Darboy, martyr PAGE 15 - Pour vos enfants, l'école Saint-Louis de la commune par M. l’abbé Jehan de Pluvié PAGE 5 - Notre-Dame des Otages par M. l’abbé François-Marie Chautard par M. l’abbé Denis Puga PAGE 16 - Vie de la paroisse Éditorial

Le budget des cultes est supprimé « Le 26 mai 1871 vers six heures la Providence permit qu’à l’en- et on proclame la sécularisation du soir… en présence des derniers droit même où la révolution avait (il faut lire le vol) des biens des représentants de la Commune, … commencé fût bâtie la Basilique congrégations religieuses. L’ensei- quarante-neuf otages furent massa- du Sacré-Cœur. Sa construction gnement est laïcisé : l'enseigne- crés par une foule en délire. débuta en 1875 et lors de la cé- ment confessionnel est interdit, les rémonie de pose de la première signes religieux chrétiens sont ôtés Prêtres sacrifiés à la haine antire- pierre, Hubert Rohault de Fleury, des salles de classe. L'union libre est ligieuse, gardes de Paris et prison- cheville ouvrière de la réalisation reconnue. niers civils victimes des passions du « Vœu national », fit explicite- politiques. Ils ne sont pas tous ment le lien : « C'est là où la Com- La haine antichrétienne va atteindre morts pour la même cause, mais ils mune a commencé, là où ont été son paroxysme pendant ce qu’on ont partagé les mêmes souffrances assassinés les généraux Clément a appelé la « Semaine sanglante », et subi le même sort. » Thomas et Lecomte, que s'élèvera du 21 au 28 mai 1871. Le 24 mai, l'église du Sacré-Cœur ! … Nous les révolutionnaires prennent en La révolution sera écrasée dans nous rappelions cette butte garnie otage cinq ecclésiastiques et un le sang par le gouvernement de de canons, sillonnée par des éner- magistrat. Il s’agit de l’archevêque Versailles, dirigé par Thiers, qui gumènes avinés, habitée par une de Paris, Mgr Georges Darbois, est considéré comme le fondateur population qui paraissait hostile de l’abbé Gaspard Deguerry, curé de la Troisième République. Ce à toute idée religieuse et que la de la Madeleine, de trois prêtres même régime, à l’anticléricalisme haine de l'Église semblait surtout jésuites et d’un écrivain et sénateur notoire, supprimera trente ans plus animer ». catholique. tard le Concordat entre la France Le 25 mai, c’est le tour des do- et l’Église. Le processus révolu- Ce sont les victimes de cette minicains d’Arcueil, dont l’école tionnaire avance par étapes, d’une haine que nous voulons honorer Albert le Grand servait d’ambu- marche tantôt rapide, tantôt lente à l’occasion de cet anniversaire, lance depuis le début du siège de qui semble s’opposer à la première en manifestant, comme elles, Paris. Cinq religieux et huit civils mais qui a le même but. Après deux notre opposition aux erreurs ré- qui y travaillaient sont massacrés en pas en avant, il recule d’un pas, volutionnaires et antichrétiennes haine de la religion. pour ne pas susciter de violentes que prônaient les Communards et réactions qui pourraient l’entraver, qui semblent se diffuser toujours Le 26 mai, le colonel Émile Gois, mais il ne revient jamais à son davantage dans la société actuelle, chargé de la Justice militaire, se point de départ et la révolution au risque de nouveaux événements rend avec une soixantaine de Fé- n’hésite pas à tuer ses propres fils si sanglants. Que Dieu nous donne, dérés à la prison de la Roquette elle le juge nécessaire au succès de comme à nos pères dans la foi, la où se trouvent regroupés plus de la Cause. grâce de la professer publiquement deux cents otages – dont un certain sans peur et d’y être fidèles jusqu’à nombre de prêtres et de religieux, Avant le début de la persécution la mort. victimes innocentes des sentiments ouverte contre les ordres religieux antireligieux et anticléricaux de et l’Église, à l’aube du XXème siècle, Abbé Pierpaolo Maria PETRUCCI la plupart des Communards. Le colonel, de sa propre initiative, somme le directeur de la prison de lui livrer des détenus parmi lesquels dix ecclésiastiques choisis BULLETIN D’ABONNEMENT au hasard : trois pères Jésuites, un ❐ ❐ religieux de Saint Vincent de Paul, Simple : 25 euros De soutien : 35 euros quatre pères de Picpus, le vicaire M., Mme, Mlle ...... de Notre-Dame de Lorette et un séminariste de Saint-Sulpice. Adresse......

Encadrés par les Gardes nationaux, Code postal ...... Ville...... ces otages montent à pied jusqu’à la Cité de Vincennes, rue Haxo. Chèque à l’ordre : LE CHARDONNET - À expédier à LE CHARDONNET, Sur place, face à une foule qui 23 rue des Bernardins, 75005 Paris hurle à la mort, les Fédérés tirent Veuillez préciser, en retournant votre bulletin, s’il s’agit d’un nouvel abonnement ou d’un renou- à volonté sur les otages. C’est à cet vellement. Dans ce dernier cas, indiquez votre numéro d’abonné. (Ne nous tenez pas rigueur de emplacement que se trouve la dalle recevoir éventuellement une relance superflue...). commémorative où l’on peut lire :

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La Commune de Paris Par Nicolas Charlier

La Commune de Paris a été la première expérience de réalisation d’une utopie socialiste en France et dans le monde. Elle a été reconnue par la suite à ce titre comme un grand ancêtre de l’U.R.S.S., ce qui est tout dire. Heureusement, elle a été relativement peu cohérente, peu unie et peu structurée. Ceci explique son échec, et son incapacité à se répandre hors de Paris. Les Communes de Marseille (4-5 avril), Toulouse (25-27 mars), etc., ont été particulièrement éphémères, et jamais exactement concomitantes. Elles n’ont duré que quelques jours, tandis que la Commune de Paris a vécu 71 jours, du 18 mars au 28 mai 1871. Il n’en reste pas moins que la France dans son ensemble a été menacée par une vraie Révolution socialiste à cette époque. Elle a été rejetée de manière consciente par la grande majorité de la population française, qui a au contraire reconnu le gouvernement légal, siégeant à Versailles, issu des élections législatives nationales du 8 février 1871. Pourquoi la Commune ? La Commune de Paris s’explique par deux facteurs fondamentaux, le drame de la Défaite de 1870-71, et le triomphe des idées socialistes dans les quartiers ouvriers de la ca- pitale. La Défaite a été particuliè- rement ressentie par les habitants de Paris, qui avaient subi un long siège terrible (du 19 septembre 1870 au 8 janvier 1871). Le socia- lisme de 1870-71 est alors plutôt autoritaire et nettement athée, contrairement à la génération pré- cédente de 1848 – plutôt déiste ou chrétienne non-orthodoxe. Le Bataille de Sedan, le 31 août 1870 terme de Commune renvoie au contre-pouvoir siégeant à Paris en 1793-1794, à l’époque de la in­ad­missibles. C’est la lecture na- La Commune de Paris a prétendu Convention. Très ardente monta- tionaliste de 1793, celle d’un élan être le gouvernement français gnarde, elle a failli sauver Robes- révolutionnaire suffisant à chasser légitime, celui d’une légitimité pierre et renverser l’assemblée lors toutes les armées étrangères du sol populaire ou historique – selon des journées des 9 et 10 Thermidor national. des conceptions de l’époque cou- (27-28 juillet 1794). rante de philosophie de l’histoire. Rappelons que la France avait été Le nom Commune signifie donc La Commune de Paris, à domi- complètement battue en 1870-71, alors, de façon évidente pour tous, nante socialiste, ancêtre à la fois en six mois, avec des armées alle- « gouvernement républicain ra- des socialistes et communistes mandes occupant pratiquement en dical », ou « république socialiste ». – séparés seulement en 1920 – a janvier toute la France au Nord de Robespierre a été dès cette époque comporté aussi des dimensions la Loire, avec les principales régions annexé rétrospectivement au socia- nationalistes et anarchistes. Elle a industrielles de l’époque ; pour- lisme, alors que, tyran sanguinaire débuté en effet par une forme d’in- suivre ou reprendre la lutte n’aurait certainement, il n’avait pas pour surrection nationaliste, menée par abouti qu’à aggraver les choses. Les autant inventé le socialisme, posté- les gardes nationales armées lors du intelligences modernes souffrent de rieur de quelques années, théorisé, Siège, et refusant de rendre leurs la tendance nette à nier les réalités sans le mot encore, par Gracchus armes, contre des dirigeants qui et partir dans des rêves. La fuite Babeuf en 1795-1796. auraient trahi la France en signant de la réalité a consisté aussi à se l’armistice puis les préliminaires refuser par principe toute nouvelle Dans le temps long, s’est imposée de paix avec l’Allemagne (26 fé- élite politique ou militaire, même couramment en France la lecture vrier 1871). Cette paix a vu la « communarde », après la faillite postérieure anarchiste, celle d’un cession de l’Alsace-Lorraine et une des précédentes sous Napoléon III rêve égalitaire d’une fédération des lourde indemnité de guerre, deux et la République de Gambetta (à communes – au sens de commu- con­ditions considérées comme partir du 4 septembre 1870). nautés locales – de France ; cette

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interprétation forcée, à partir de traires, des délations permanentes quelques éléments vrais, a parti- entre voisins, des accusations le cipé de la tentative permanente de plus souvent absurdes pouvant la réhabilitation de la Commune, néanmoins conduire à la mort. en essayant de la séparer absolu- Curieusement, ces morts ont été ment du totalitarisme communiste encore peu étudiées, contrairement postérieur. La Commune de Paris à celle des victimes de la répression a sommé en mars-avril 1871, sur versaillaise, durant la reprise de un ton autoritaire révélateur, tout Paris lors de la Semaine Sanglante le reste de la France de se fédérer à (21-28 mai 1871) ou sur les mois elle, selon le vocabulaire repris de suivants, plusieurs milliers. la Révolution française. Ce passé évident explique le terme, bien La Commune de Paris a été célé- plus que les idées de Proudhon. brée dans sa famille politique pour ses mesures sociales ou franche- Communards et versaillais ment socialistes : ce gouvernement En face de la Commune de Paris, a imposé des prix bas pour toutes le camp gouvernemental, dit « ver- les denrées – « taxation » dans la saillais », dirigé par le président du langue de 1793, a décrété l’annu- conseil Thiers, a-t-il été pour autant Timbre russe de 1971 lation des loyers – aux paiements vraiment monarchiste, comme on suspendus du fait du Siège de l’a prétendu à l’époque et par la Paris, a promu des ateliers détenus suite ? Certes, l’assemblée de 1871 efficace. Ont été multipliés à cette par les ouvriers – en confisquant les a été dominée par une majorité époques les comités communards, biens des patrons en fuite, a voulu royaliste. Cependant, elle avait été sur des bases de quartiers, ou pro- développer une éducation vraiment élue non pas sur un programme fessionnels, qui ont déployé beau- universelle pour les enfants… Ces de restauration monarchique, coup d’efforts pour se contrecarrer quelques semaines d’expérience mais de paix avec l’Allemagne, les uns les autres, ou bloquer les n’ont pas permis de poser la ques- en essayant de gérer au mieux la mesures gouvernementales prises tion dans le temps long de la soute- défaite. Les républicains avaient à l’Hôtel de Ville. Mentionnons nabilité de ces mesures. été battus, car soupçonnés, chose simplement, pour donner quand vraie pour certains mais pas tous, même un nom, la figure de De- Un autre problème majeur a été de vouloir poursuivre une guerre lescluze, journaliste socialiste celui de l’athéisme de la Commune. perdue à outrance. Ces royalistes avancé dès la fin de la Monarchie Les assassinats d’ecclésiastiques ont étaient en outre composés surtout de Juillet (vers 1846) ; sans aucun été pleinement dans sa logique, et d’orléanistes, majoritaires, de quel­ génie particulier, et encore moins ques bonapartistes, et parmi les de compétences économiques ou légitimistes d’une bonne moitié militaires, il a été dans la moyenne de légitimistes libéraux ; au plus, des Communards, et sa figure a fini Horaire des messes le programme de restauration, très a posteriori par s’imposer, car il est flou, aurait consisté en une forme mort pour son camp politique de de nouveau 14 juillet 1790, alliance façon exemplaire sur les barricades. Dimanche d’un monarque et de la Révolution Ainsi, si l’on peut retrouver les de la Déclaration des Droits de noms et même les photographies 8h00 : Messe lue l’Homme et du Citoyen de 1789. de centaines de Communards, on 9h00 : Messe chantée La guerre civile française du prin- peine à retrouver un chef, ou des grégorienne temps 1871 a donc vu s’affronter chefs, évidents, pour la Commune. 10h30 :  Grand-messe paroissiale deux interprétations de la Révolu- Il n’y en avait pas par principe 12h15 : Messe lue avec orgue tion, celle de 1789, à l’origine de la révolutionnaire, toute représenta- 16h30 : Chapelet IIIème République, et celle de 1793, tion étant supposée une forme de 17h00 : Vêpres et Salut du Très réinterprétée de manière socialiste, trahison, ou pouvant l’être. Saint Sacrement la Commune. 18h30 : Messe lue avec orgue Quelle a été l’expérience En semaine La Commune de Paris, avant l’as- réelle de la commune ? saut de l’armée des Versaillais, re- La Commune a été une expérience Messe basse à 7h45, 12h15 et construite en urgence en quelques arbitraire atroce, retrouvant les pires 18h30. La messe de 18h30 est semaines, n’a pas su mettre en heures de la Terreur de 1793-1794, chantée aux fêtes de 1ère et 2e classe. œuvre un mode de gouvernement avec des emprisonnements arbi-

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n’ont nullement relevé de quelque logique de haine sociale, ont donc Le préliminaire de la réaction de panique lors de la Se- brûlé les Tuileries, palais rasé par barbarie communiste maine Sanglante, comme avancé haine antimonarchique sous la La Commune de Paris n’a pas par les thuriféraires de l’expérience, IIIème République de Gambetta et été hélas une expérience tragique présents en masse aussi chez les Ferry dix ans plus tard, l’Hôtel de isolée, mais a eu une postérité chrétiens progressistes à la mode Ville, la Bibliothèque Impériale ; immense, en France comme à postérieure à Vatican II. des dizaines de milliers d’ouvrages l’étranger. Son échec a inspiré à inestimables ont été réduits en Lénine le marxisme-léninisme, Un élément révélateur a attesté cendres, lors d’un acte sauvage corrigeant toutes les faiblesses d’un retour à la barbarie, chez digne de l’incendie de la Biblio- majeures de la Commune, avec un tous ces esprits « avancés », qui se thèque d’Alexandrie par le calife parti très organisé, une doctrine voulaient à la pointe de la Science, Omar (642). Le Louvre et ses fixée et dogmatique, soit des fac- des connaissances, de la civilisation trésors ont échappé de très peu au teurs essentiels de sa réussite en humaine : de nombreux lieux de pire, grâce à un personnel dévoué, 1917, pour le pire. pouvoir, ou supposés tels, ont été et resté obstinément sous la Com- incendiés dans Paris. Dans une mune pour le préserver.

Notre-Dame des Otages Par l'abbé Denis Puga

« L’heure n’est pas à la libération mais à l’exécution des prêtres ! » Ainsi écrivait le dimanche 21 mai 1871, depuis sa prison de Mazas à Paris, un simple prêtre, l’abbé Henri Planchat. Cinq jours plus tard, durant ce qu’on appelle « la Semaine sanglante », il est massacré sans jugement - avec plusieurs autres prêtres et otages - par les insurgés de la Commune.

Ni Dieu ni Maître qui font l’objet d’arrestations arbi- grand-père, durant la révolution La Commune de Paris a trop sou- traires. Il a l’habitude de répéter : française, avait caché quatorze vent été présentée comme un soulè- « Notre révolution est faite contre prêtres, les sauvant ainsi de la vement du peuple miséreux contre Dieu, la religion, les prêtres ». guillotine. Le propre père du futur un ordre bourgeois totalement C’est clair. En quelques jours abbé fut destitué, en 1844, de son indifférent à son sort. Et si, dit-on, d’ailleurs, Rigault fera arrêter plus poste prestigieux de Président du prêtres et religieux en furent les de 200 religieux. Il est responsable Tribunal d’Oran pour avoir apposé victimes, c’est uniquement parce de l’arrestation des otages, parmi un grand crucifix dans la salle des que, pour ces masses populaires, ils lesquels Mgr Darboy, archevêque séances où il jugeait. À la même étaient les représentants et les col- de Paris. De quoi s’agissait-il ? Les époque Henri Planchat, jeune laborateurs de cet ordre bourgeois insurgés voulaient se constituer étudiant en droit à Paris, adhérait nanti. Rien de plus faux historique- une réserve d’otages comme mon- à la Société Saint-Vincent-de-Paul ment. La Commune de Paris, dès naie d’échange en cas d’arrestation et visitait les taudis de la paroisse ses premiers instants, revendique de responsables communards, ou Saint-Lambert pour secourir les un athéisme, un antichristianisme encore comme victimes futures en pauvres du quartier Vaugirard. et un anticléricalisme militants. cas de représailles. Auguste Blanqui, maître à penser L’appel de Dieu au sacerdoce se de la Commune, même s’il ne put L’abbé Henri Planchat est l’un de fait bientôt sentir et, après son y participer car en prison, fondera ces otages. Son arrestation se fait le ordination, l’abbé Henri Planchat un journal au titre évocateur : Ni 6 avril 1871, un Jeudi Saint. demande que son apostolat soit Dieu ni Maître ! focalisé sur l’assistance spirituelle et Un prêtre embourgeoisé ? matérielle des jeunes des quartiers est le préfet de police Certes le jeune Henri est né au défavorisés. En effet, la révolution nommé par la Commune. Cet sein d’une famille assez aisée. industrielle les a fait monter à Paris homme est animé par une passion Mais cette dernière n’a pas la ré- et ils s’entassent dans les nouveaux anticléricale, et il poursuit notam- putation de mettre ses convictions arrondissements populaires de la ment prêtres et religieux de Paris, chrétiennes dans la poche. Le capitale.

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Montage photographique reconstituant le massacre de la rue Haxo

Lorsque le 6 avril 1871 la Com- Les troupes régulières ont réussi Fédérés reculent et se retranchent mune le place en état d’arrestation, à pénétrer dans l’ouest de la capi- dans les arrondissements de l’Est le Père Henri Planchat – entré tale. C’était un dimanche. En ce parisien. quelques années auparavant dans la jour débutait ce que l’Histoire re- Le vendredi 26 mai, en milieu Congrégation des Frères de Saint- tiendra sous le nom de « Semaine d’après-midi, on rassemble les Vincent-de-Paul – est responsable Sanglante ». Durant sept jours, otages pour les transférer à Belle- du patronage Sainte-Anne à c’est une bataille de rues infernale ville dans le XXème arrondissement, Charonne dans le XXème arron- où les Versaillais font reculer, là où l’État-Major fédéré a établi dissement. Là il se dévoue, corps de barricades en barricades, les son dernier quartier général. et âme, pour cette jeunesse qui Fédérés. Ceux-ci, en se repliant, L’avant-veille, Mgr Darboy et travaille sept jours sur sept dans les mettent le feu aux principaux quatre autres prêtres ont déjà été ateliers. Il les prépare à la première bâtiments administratifs de Paris. fusillés sans jugement, l’échange communion. Le dimanche soir, il Une épaisse fumée noire s’élève du du prélat contre Auguste Blanqui célèbre pour eux la messe après le cœur de la capitale. n’ayant pas abouti. Les otages travail. Les jeunes ouvriers jeûnent ainsi ne se trompent pas sur le sort toute la journée pour recevoir la Devant la progression des Ver- qu’on leur réserve. communion à cette messe tardive. saillais, les insurgés évacuent les On ne plaisante pas, à l’époque, otages à l’est vers la prison de la Une triste colonne de prisonniers avec le jeûne eucharistique. Roquette. Notre abbé se retrouve est formée. Il y a là dix prêtres, ainsi prisonnier dans le quartier un séminariste, trente-six gen- Pendant le terrible hiver 1870- même où il a si longtemps exercé darmes, et quatre civils. Ils sont 1871, durant le siège de Paris les œuvres de miséricorde envers conduits à pied entre deux rangs qui précéda l’insurrection de la les plus démunis. Parmi ses com- de Fédérés en armes traversant les Commune, toutes les nuits le Père pagnons d’infortune, il retrouve, à rues de Charonne, Ménilmontant Planchat quittait son patronage la Roquette, l’archevêque de Paris et Belleville. Un officier et une de Charonne pour se porter au en personne, plusieurs prêtres cantinière, à cheval, ouvrent la secours des combattants blessés ou dont un grand nombre de Jésuites. marche du cortège. Des drapeaux mourants. Parmi eux le fameux Père Pierre rouges claquent au vent. Tout le Olivaint mais aussi des gendarmes long du trajet la foule n’a de cesse La Semaine Sanglante capturés au moment de l’insurrec- de conspuer et frapper les otages. Mais revenons aux événements du tion du 18 mars. Après deux heures d’un véritable 21 mai 1871 alors que, de sa prison, chemin de croix effectué sous Henri Planchat écrivait à son frère Et l’attente commence jour après une pluie torrentielle, la villa de cette terrible prédiction : « l’heure jour. Les combats se rapprochent Vincennes, rue Haxo, est atteinte. est à l’exécution des prêtres ». de plus en plus de la prison car les Les chefs des Fédérés sont débordés

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devant la brusque arrivée de cette et déchargeaient leurs armes sans La victoire foule de milliers d’habitants des répit. Cependant, juchées sur les Deux jours plus tard, la Commune quartiers, ivres de vengeance et murs d’enceinte, des femmes ap- de Paris est définitivement écrasée qui réclament l’exécution immé- plaudissaient les assassins et outra- par l’armée régulière de Versailles. diate des prisonniers. geaient les victimes. « On les tirait Des hommes charitables viennent comme des lapins », dira plus tard récupérer les corps des otages jetés Finalement, après quelques pour­ un des exécuteurs. la veille, par les Fédérés, dans une parlers qui ne mènent à rien, les fosse d’aisance. Un cadavre portait otages sont poussés par la foule Un autre témoin, âgé de 17 ans, la trace de 69 balles, et un autre – dans une arrière-cour, à proximité rapporte les détails de la mise à celui d’un Père jésuite – avait été d’un long et haut mur de pierre. mort du Père Planchat : « Il avait percé de 72 coups de baïonnette. C’est alors que, sans ordre ni ins- déjà reçu sept ou huit balles. truction aucune, va se déclencher, À genoux, dans l’attitude de la non pas une exécution, mais un prière, il s’affaissait à chaque balle, véritable massacre conduit aveu- puis se relevait. Un officier de glément. Garibaldiens s’était avancé tout auprès des victimes. M. Planchat, Le Massacre des Otages instinctivement, s’accrocha à lui Les dépositions des témoins rap- pour se maintenir. Le misérable se portent les détails de la sinistre mit à le frapper à coups de sabre. scène. « Soudain, dit l’un deux, M. Planchat se cramponnait soli- une jeune fille de dix-neuf ans dement à l’officier, quand celui-ci, – une cantinière portant au képi soudainement, poussant un cri, le chiffre du 174ème bataillon de porta sa main à la tête et s’affaissa. fédérés – s’avança, un revolver à la L’officier venait d’être frappé main, et apostropha les membres lui-même par une balle destinée de la Commune : “Ils n’en fini- à ceux qu’il voulait assassiner. » ront pas, ces fainéants-là ! Tas de Ainsi, à la même heure mouraient lâches, vous n’allez donc pas com- et la victime et son bourreau. mencer !” s’écria-t-elle. » Un prêtre achevé par une Trois gendarmes furent alors femme poussés, à coups de crosse, jusqu’au « Puis une dernière balle vint mur. Comme le Père Planchat, frapper M. Planchat en plein front, s’oubliant lui-même, suppliait les et sa cervelle rejaillit jusqu’au mur bourreaux d’épargner pères de fa- sur lequel j’étais grimpé. Je le vois mille, gendarmes et otages civils, encore, je le vois levant les yeux au L'abbé Henri Planchat et s’offrait pour eux en holocauste ciel, joignant les mains et tombant avec les prêtres – ses frères – la sur le côté. » Ce dernier coup fut jeune vivandière, exaspérée par porté par la cantinière du 174ème cette résignation héroïque, se pré- bataillon de fédérés. Le corps d’Henri Planchat fut cipita sur lui et le plaqua au mur : récupéré par les Pères de sa « Je m’en vais t’en f… des pères de Lorsque tous les otages furent congrégation. Il repose depuis lors famille ! » sur quoi, à bout portant, tombés, un feu de peloton fut à Paris, dans le chœur du petit elle déchargea sur lui son arme. Ce exécuté sur leurs corps entassés. sanctuaire de Notre-Dame de la fut le signal du massacre. Puis les meurtriers, piétinant leurs Salette, 27 rue de Dantzig dans le Une fusillade désordonnée éclata victimes, les lardèrent de coups de XVème arrondissement. aussitôt, sans commandement, baïonnette. Le nombre des otages au hasard. Les trois gendarmes exécutés dans cette sanglante Au 81 rue Haxo dans le XXème, sur s’affaissèrent. Introduits tour à mêlée s’élevait à 51 dont 11 ecclé- l'emplacement même de ce qui tour dans l’arène sanglante, leurs siastiques. fut le dernier quartier général des camarades tombèrent sur leurs ca- Ainsi mourut le Père Henri Plan- troupes de la Commune de Paris davres, puis les prêtres et les quatre chat, victime avec ses confrères et qui vit cet horrible massacre civils. dans le sacerdoce de la haine an- d'innocents, s'élève aujourd'hui ticléricale des hommes de la Com- une vaste église placée sous le vo- Cette monstrueuse tuerie dura mune. C’était le 26 mai 1871, cable de Notre-Dame des Otages. près d’une demi-heure. Les Fé- vers 19 heures, villa de Vincennes Le sang des martyrs triomphe de dérés et leurs sbires chargeaient à Belleville. Il était âgé de 47 ans. tout.

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Saint-Nicolas-du-Chardonnet lors de la Commune de Paris Par Vincent Ossadzow

En juillet 1870, Napoléon III entreprend une guerre imprudente contre la Prusse, qui le conduit à la défaite de Sedan le 4 septembre. L'Empire renversé, un gouvernement de défense nationale poursuit la guerre. Paris est assiégée au cours de l'hiver 1870-1871. Un armistice est signé le 28 janvier 1871 avec le chancelier Bismarck puis, le 8 février suivant, une Assemblée nationale est élue, à forte majorité monarchiste. À Paris, le siège de la capitale par les Prussiens marque fortement la population, où une tendance ouvrière vit dans la nostalgie de la Grande révolution, celle de 1789, et de ses répercussions en 1830 et 1848.

yant résisté à quatre de la déchristianisation du XXème Une fois encore cependant, Saint-Ni- mois d'un siège très arrondissement, celui où le taux colas-du-Chardonnet est épargnée : dur, les Parisiens d'enterrements religieux n'atteint elle fait partie des 14 églises non dé- refusent la paix avec que 40 % en 18751. vastées par les communards, quand l'ennemi et, partant, 57 autres subissent profanations neA reconnaissent pas le gouverne- Une insurrection et sacrilèges. Sociologiquement, ment issu de l'Assemblée nationale, foncièrement anticléricale qui le quartier Saint-Victor n'est pas à prônant au contraire un système épargne Saint-Nicolas majorité ouvrière et anticléricale, de démocratie directe. Face à la Comme à chaque événement révo- comme le nord et l'est de Paris. Si montée des troubles, l'Assemblée lutionnaire, le catholicisme souffre tous les habitants ne pratiquent pas, et le gouvernement d'Adolphe persécution. Les mots d'ordre des ils sont proches du clergé paroissial Thiers quittent Paris et s'installent communards sont extrêmement qu'ils respectent. En reconnaissance à Versailles début mars. Dans le violents, appelant ouvertement à de la protection divine lors de la même temps, refusant que le gou- la destruction du clergé, selon la guerre de 1870, la paroisse installe vernement désarme la Garde natio- même mécanique que celle de la Ré- une plaque dans le transept côté nale, les Parisiens se soulèvent et, le volution de 1789. Le 2 avril 1871, Évangile, dans la chapelle consacrée 28 mars 1871, proclament la Com- un décret de la Commune sépare au culte de Notre-Dame de la Pré- mune de Paris, issue d'une élection l’Église et l’État. Paris compte alors servation : la dévotion à cette Vierge directe des citoyens. S'ensuivent 66 paroisses et environ 600 prêtres. protectrice donne lieu à la fondation deux mois d'insurrection, avec un Le 4 avril, l'archevêque Mgr Georges d'une commémoration annuelle du second siège de la capitale, cette fois Darboy est appréhendé. salut de l'église et de tout le quartier par les armées du gouvernement Saint-Victor, préservés miraculeuse- de Versailles, qui se termine par la Le lendemain, un nouveau décret ment du bombardement de l'armée Semaine sanglante du 21 au 28 mai. qualifie les ecclésiastiques arrêtés prussienne en 1871. d'otages, dans le conflit opposant les L’explosion anticléricale de la Com- communards au gouvernement de L'abbé Guéneau à Charonne mune révèle la perte de la pratique Versailles. Lors de la Semaine san- L'attitude révolutionnaire de la catholique dans Paris, mais qui ne glante, le même scénario que celui classe ouvrière de Paris lors de la touche pas directement Saint-Ni- des massacres de Septembre 1792 se Commune est ambivalente. Si elle colas-du-Chardonnet. Limité dans reproduit. Le 23 mai, Mgr Darboy se traduit par des violences meur- les arrondissements du centre, le est le premier otage de la Commune trières à l'encontre des prêtres et détachement religieux est fortement exécuté à la prison de la Roquette, des saccages d'églises, elle manifeste marqué dans ceux du nord-est, à avec trois autres prêtres ; le 25, ce dans le même temps de l'indulgence population majoritairement ou- sont des pères dominicains avenue au clergé paroissial des quartiers vrière. Sous le Second Empire, on d'Italie ; le 26, une dizaine de populaires. Partageant la même vie, estime que le taux de pascalisants prêtres et de religieux rue Haxo ; le dans les quartiers populaires de 27, plusieurs prêtres échappés de la Paris n'est que de 5 %. En 1865, Roquette sont fusillés. Au total, en- seuls 180 hommes et 1 400 femmes viron 120 prêtres sont appréhendés 1 Chanoine Fernand Boulard, « La « déchris- communient à Pâques à Ménilmon- comme otages, dont 24 sont exé- tianisation » de Paris. L'évolution historique tant, pour une population de 33 cutés. Outre le clergé, les deux tiers du non-conformisme. », Archives de sociolo- 000 habitants, soulignant le poids des églises parisiennes sont dévastées. gie des religions, n° 31, 1971.

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immergés au milieu d'un peuple en comber ; il est mort pour ses idées. à des peines d'emprisonnement, proie aux difficultés de logement Dieu daignera lui tenir compte de échappant ainsi à la mort. et de travail, ces prêtres montrent sa bonne foi. Ne croyez-vous pas toute la charité que l’Église apporte qu'une courte prière ferait du bien Plusieurs mois plus tard, l'abbé dans ces situations : « Plus les popu- à son âme ? Voulez-vous permettre Guéneau reçoit leur visite à son lations sont exposées à la souffrance, que le corps entre quelques instants presbytère : les huit sauvés, en plus elles sont à même d'éprouver dans l'église ? ». Les communards reconnaissance, se sont cotisés l'action bienfaisante de la religion refusent le plus souvent, mais ac- pour lui offrir un superbe calice et mieux elles apprécient ceux qui cèdent quelques fois à la supplique en vermeil, signe peut-être de leur la représentent. »2 Cette relative du prêtre. conversion intérieure. Ultérieure- proximité de la population ouvrière ment, l'abbé Guéneau sera curé de se vérifie avec l'abbé Guéneau dans Du 27 mai au 1er juin, l'abbé Gué- Saint-Nicolas-du-Chardonnet, de le quartier de Charonne. neau consent à se mettre en costume 1887 à 1907. civil, mais poursuit son apostolat Ancien professeur au petit séminaire public. Lors de la reprise de Paris Le petit séminaire également de Saint-Nicolas, l'abbé Henri Fer- par les Versaillais, il se trouve, le épargné dinand Guéneau est alors vicaire à 21 mai, entre les lignes adverses. Les Lors de la distribution des prix du Saint-Germain-de-Charonne, quar- communards sont écrasés et souvent 30 juillet 1870, souhaitant s'asso- tier populaire et ouvrier du nord-est fusillés. Les strictes consignes de cier à l'effort de la patrie, les élèves de Paris. Résistant à l'intimidation représailles, données par le gouver- déclinent les beaux livres qu'ils ont des insurgés, le prêtre conserve le nement provisoire, prescrivent de l'habitude de recevoir au profit de port de la soutane, même pour fusiller tout communard trouvé les dons aux blessés et à la contribu- sortir dans la rue, jusqu'au 27 mai. armes à la main. Une barricade de tion de guerre ; en échange, on leur Au milieu des périls, il maintient Charonne se rend, et le capitaine distribue des couronnes. Comme à chaque conflit, les bâtiments du petit séminaire sont susceptibles d'être réquisitionnés. Pendant les vacances d'été, le petit séminaire reçoit successivement des réfu- giés, des gardes nationaux, puis la cour sert de terrain d'instruction militaire à une cinquantaine de bourgeois du Quartier latin qui in- tègrent la Garde nationale. Lors de la rentrée d'octobre 1870, beaucoup d'élèves manquent à l'appel. Ceux présents, en nombre restreint, sont alors regroupés à Notre-Dame-des- Champs avec leurs camarades, ce qui entraîne de nombreuses allées et venues. Les bombardements des Barricade rue de Charonne batteries prussiennes de janvier 1871 épargnent le petit séminaire comme l'église. À cette date, il n'y a son ministère sacerdotal, craignant des Versaillais commence sa tâche plus qu'une quinzaine d'élèves et un de laisser les âmes en souffrance ingrate. À la troisième expédition, seul professeur, l'abbé Léon Daix, s'il se dissimule. Les communards l'abbé Guéneau intervient et plaide autour de l'abbé Hautain, supérieur décédés sont, alors, presque tous pour les huit hommes restant. de la maison depuis 1866. enterrés dans les cimetières de D'abord, il obtient de pouvoir ab- Charonne ; pour accéder à ces soudre ceux qui le demandent ; tous lieux, il faut passer devant le perron les huit font amende honorable et se de l'église. Chaque jour, l'abbé mettent à genoux. Ensuite, il supplie Guéneau se tient là. Lorsque passe l'officier de transférer les prisonniers 2 Abbé Meignan, vicaire général, notes sur un cercueil recouvert du drapeau à la cour martiale siégeant rue de les visites pastorales du nord-est du diocèse de Paris, 1864-1865. Cité par Jacques-Olivier rouge, il s'approche calmement et Bagnolet, afin qu'ils aient au moins Boudon, « L'état religieux du diocèse de Pa- s'adresse aux porteurs et au cortège : un jugement régulier. Le capitaine ris au milieu du XIXèmè siècle. Réflexions du « Mes amis, voilà encore un de vos accepte et, au terme du jugement, vicaire général Meignan », Histoire, économie pauvres camarades qui vient de suc- les prisonniers sont tous condamnés et société, n° 4, 1998.

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La Commune de Paris épargne anticléricaux. Prisonnier volontaire élèves du petit séminaire, tous ab- Saint-Nicolas, l'église comme le au milieux des « rouges », il vit sents, mais à une poignée de jeunes petit séminaire. Au début d'avril coupé du monde pendant plusieurs gens du quartier Saint-Victor non 1871, celui-ci reçoit temporaire- semaines, ne restant informé que découragés par les événements, qui ment une brigade de gardiens de par la lecture du Cri du Peuple, de viennent tous les jours au milieu des la paix en casernement, de bonne L'Estafette et du Père Duchêne au communards. Dès les premiers jours tenue. Apprenant l'arrestation de réfectoire. Le vrai danger qui guette de juin, le calme revenu, l'abbé Daix Mgr Darboy le 4 avril 1871, l'abbé l'abbé Daix est celui des verres de reprend sa classe de quatrième, mais Hautain quitte Paris. Ne restent vin ou d'eau-de-vie que les soûlards à Notre-Dame-des-Champs. Peu à plus au petit séminaire que l'abbé débraillés lui proposent réguliè- peu, paroisse et petit séminaire re- Daix et cinq personnes de service. rement, et pour lesquels il s'avère prennent leurs ministères respectifs Par précaution, le prêtre se laisse malvenu de ne pas trinquer entre dans le calme revenu. pousser la barbe mais conserve la citoyens. La libération intervient fin soutane, comme l'abbé Guéneau à mai, quand les Versaillais repoussent la paroisse de Charonne. Dernier en quelques jours sur la rive droite Carnet paroissial ecclésiastique dans les murs, il se les communards. Libéré le 26 mai donne pour mission de garder la 1871, le petit séminaire est tout de Ont été régénérés de l’eau du baptême maison au milieu des périls. Mi- suite réoccupé par 500 soldats régu- Bianca NOWAK 12 mars mai, la Commune assigne les lieux liers qui restent trois jours, jusqu'à Louis du FRESNE de BEAUCOURT comme casernement d'un bataillon la réduction complète de la Com- 19 mars de communards. Prudent, l'abbé mune. Le seul dommage subi est un Jean-Bosco REPELLIN 21 mars Daix ôte des murs tous les crucifix obus des communards qui détériore Ont été honorés de la sépulture ecclésiastique et statues de la Sainte-Vierge, afin un grenier. Marie-José TALTAVULL, 81 ans 2 mars de ne pas provoquer inutilement les Jeannine CATHRINA, 90 ans 4 mars profanations. Le prêtre accueille les Pendant toute cette période trou- Alexandre OSSADZOW, 83 ans 11 mars communards en soutane, et sa dé- blée, l'abbé Daix parvient à main- Louis MILLET, 100 ans 15 mars termination surprend ces occupants tenir des leçons, données non aux

Mgr Darboy, martyr de la commune Par l'abbé François-Marie Chautard

Natif de la Haute-Marne, de parents issus de la petite bourgeoisie, Georges Darboy vient au monde le 16 janvier 1813. Il est l’aîné d’une fratrie de quatre enfants ; ses parents, chrétiens convaincus, tiennent une épicerie-mercerie.

emarqué par le curé de moment. Son professeur de premières armes dans le ministère l’école communale, il philosophie est d’ailleurs un disciple pastoral d’une grosse paroisse. Il entre au petit séminaire de Lamennais. Tout le contraire de est également aumônier d’un asile en 1827 puis au son professeur de théologie, attaché d’aliénés. Deux ans plus tard, il est grand séminaire de aux doctrines romaines, comme nommé professeur de philosophie RLangres. L’Église de France est son évêque, Mgr Parisis, grande au séminaire. Il en est fort heureux, à peine remise (l’a-t-elle jamais figure de l’ultramontanisme. car « Le ministère pastoral aussi a été ?) de la Révolution et les tant de désagréments quelque part études ecclésiastiques peinent à L’abbé Darboy peut donc faire un qu’on l’exerce, que j’ai cru bien retrouver un niveau convenable : choix mais, malheureusement, il faire en acceptant une place au les bibliothèques ont été vendues, s’oriente d’emblée vers les idées grand séminaire » écrit-il à un de brûlées, dispersées, les séminaires de LAvenir1. Jeune prêtre, il ses amis. On se demande ce que fermés pendant de longues s’enthousiasmera pour le libéral ce prêtre, si vite lassé des âmes, années, les congrégations chassées, Lacordaire, ce que verra d’un a pu transmettre comme zèle les prêtres persécutés. Le mal mauvais œil son évêque qui lui apostolique à ses séminaristes. intellectuel est considérable. Et ce interdira d’aller écouter le célèbre n’est pas le premier qu’on s’avisera prédicateur. de réparer. Le jeune abbé ne fait Ordonné prêtre le 17 décembre donc pas son séminaire au meilleur 1836, le jeune prêtre fait ses 1 La revue de Lamennais.

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L’abbé Darboy est un homme dernier … de n’avoir pas été d’étude, de bureau, de nommé à Paris. Durant cette tempérament austère et d’une période, le jeune évêque – il piété sévère ; c’est un homme a 45 ans – se révèle un prélat intègre et un bourreau de travail énergique, zélé pour son dio- qui se révélera un administrateur cèse, aussi chaud partisan de la avisé et efficace. politique italienne de la France que discret défenseur du pou- Prêtre à Paris voir temporel du Saint-Siège. En 1845, l’abbé Darboy quitte son poste de séminaire pour En 1863, le cardinal de Paris, Paris. Ses rapports avec son Mgr Morlot, meurt. La place évêque devenaient d’ailleurs est libre et Rouland entend distendus, celui-ci trouvant bien la donner à Darboy. Après le jeune abbé libéral et trop une nouvelle opposition de indépendant de caractère. Et Chigi, Mgr Darboy monte puis, il souhaite voir ses talents toutefois sur le siège de Paris. reconnus à la capitale. Dont il travaille à réformer Il devient rapidement aumônier l’administration des paroisses au lycée Henri IV. « Ainsi me avec un sens pratique évident. voilà casé dans Paris » écrit-il, soulagé, après sa nomination. Il œuvre à la restauration des Mgr Georges Darboy études au sein des séminaires et Il se met à publier quelques ou- n’oublie pas ses paroisses qu’il vrages de patristique, ou d’exé- visite attentivement comme il gèse biblique, jamais de théologie, L’abbé Darboy s’entendra bien avec l’avait fait à Nancy. Il écrit de nom- matière qu’il semble peu goûter. Ses cet évêque. En effet, Mgr Sibour le breux mandements et tient à lutter positions doctrinales le confirment nomme en 1852 vicaire général ho- vigoureusement contre l’impiété, assez. Polémiste remarquable, il noraire. Il accompagne son évêque l’irréligion et l’ignorance religieuse. entre au Correspondant et fréquente à Rome, y fait d’utiles rencontres Si la population parisienne croît le milieu libéral de Paris, côtoie mais n’apprécie pas du tout la saleté nettement, le clergé connaît une Montalembert, Falloux, Ozanam, de la Ville Éternelle et le caractère forte augmentation : 1000 en l’abbé Maret et l’abbé Bautain pour négligé des Romains, surtout 1863-1369 en 1870 avec un clergé lequel il a une profonde estime, pendant les offices. Le grave abbé régulier cinq fois plus nombreux lequel sera condamné par Rome. n’est pas sensible aux parfums de que le clergé séculier, ce qui n’ira Rome. Décidément, il ne sera pas pas sans conflit entre l’archevêque. En 1848, lors de la chute de romain. Il est tout de même flatté Louis-Philippe, il est républicain : d’être nommé pronotaire aposto- Un libéral « je crois à la République » confie- lique. « C’est le dernier pas qui me Lorsque paraît en 1864 le Syllabus t-il en juillet 1848, avant de devenir rapproche de l’épiscopat, et deux de Pie IX, l’archevêque conseille en deux ans plus tard un indéfectible cardinaux m’ont fait la gracieuseté sous-main au ministre des cultes soutien de l’empereur… de me dire que j’y serai appelé. » d’en faire interdire la publication En juin 1848, Mgr Affre, arche- en France, conseil paradoxal pour vêque de Paris est tué d’une balle Devenu vicaire général, il se dévoue un libéral, normalement attaché à perdue (?) sur une barricade en avec énergie et compétence à l’ad- la séparation des pouvoirs ! cherchant à s’interposer entre les ministration du diocèse de Paris, forces publiques et les manifestants ville en pleine expansion et trans- La même année, Mgr Darboy de la Révolution. Le décès de son formation. Comme il faisait partie devient premier aumônier de évêque, qui avait sa confiance, des prêtres qui collaborent avec le l’empereur après s’être notamment prive l’abbé Darboy d’un protec- pouvoir impérial, Rouland, mi- fait remarquer par un carême où le teur, d’un appui, d’un marchepied. nistre des cultes, le propose comme prédicateur n’avait pas hésité à re- Et il le sait. « … j’allais, au mois coadjuteur de Paris en 1858. Mais prendre la cour de certains défauts. d’octobre, changer de position s’il le nonce Chigi s’y oppose, trouvant En juin 1864, il participe aux eût vécu encore ». le candidat arriviste. Surtout, il le obsèques du maréchal Magnan, sait gallican et libéral. grand maître du Grand Orient. Mgr Sibour monte alors sur le siège L’année suivante, dans un discours de Paris. C’est un admirateur de la Mgr Darboy est finalement nommé au Sénat, l’archevêque défend les République, un ami de la liberté. évêque de Nancy. Ce qui vexe ce articles organiques du concordat

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qu’avait imposé Napoléon contre ses ouailles : « Je suis archevêque qu’en 1871 vous serez fusillé par la le pape ! Pie IX décide d’intervenir de Paris avant d’être grand au- canaille »2. et lui écrit une lettre vigoureuse de mônier, et si je quitte mon diocèse, reproches. il ne faut pas que ce soit au jour L’exécution eut lieu le 24 mai. du danger ». Il apprend la prise Ils étaient six, dont l'abbé De- Pourtant, en 1868, l’État français de Rome par les armées de Vic- guerry, curé de la Madeleine, fait pression pour que le Saint- tor-Emmanuel II et écrit au pape et l'abbé Surat, vicaire général. Siège donne le chapeau de cardinal tout son soutien et sa « peine » Conduit sur le lieu de son martyre, à Darboy. Naturellement, le Saint- devant cet « attentat sacrilège ». Mgr Darboy s’agenouilla dans une Siège refuse et s’arrange pour que ultime prière tandis que l’on pei- la lettre de Pie IX de 1864 soit Le 31 mars 1871, on avertit l’ar- nait à regrouper un peloton. diffusée. chevêque que les Communards prévoient de l’arrêter. On lui Avant la décharge, Mgr Darboy eut Arrive le premier concile du Va- propose de s’enfuir. Il refuse. Le ces derniers mots : « Et pourtant, tican. L’infaillibilité du pape est à 5 avril, il est arrêté comme otage j’ai aimé la liberté ». Parole tragique l’ordre du jour, ce qui inquiète Mgr et conduit avec d’autres prêtres à la qui révèle que les événements po- Darboy qui s’efforce de prendre la préfecture de Paris, puis à la prison litiques ne lui ont pas dessillé les tête de la minorité opposée… la- de Mazas et enfin le 22 mai, à la yeux. Si la Révolution n’épargne quelle rechigne à marcher sous sa prison de la Roquette. Une autre pas ses fils, elle épargne encore férule. Lorsqu’il comprend que la occasion s’offre de s’échapper. Mgr moins ses sympathisants. partie est perdue, il quitte Rome Darboy de répondre : « C’est inu- pour Paris avant le vote final du tile, Maximin m’a dit que je serais Apprenant sa mort, Pie IX donnera Concile. fusillé ». Trois ans plus tôt en effet, la conclusion de sa vie : l’archevêque avait rencontré le « Il a lavé ses fautes dans son sang La fin jeune voyant de La Salette. et il s’est revêtu de la robe des mar- La guerre de 1870 commence – « Votre prétendue Belle Dame, tyrs »3. le jour de son départ pour Paris. avait dit l’archevêque, il est stupide Apprenant la défaite et l’exil de son discours ; l’empereur, il a toute latitude – Monseigneur, répondit Maximin de l’accompagner comme grand avec force, il est aussi vrai que 2 Léon Bloy, Celle qui pleure. aumônier ; mais, conscient de ses la Sainte Vierge m’est apparue 3 Cité par Y. Chiron, Pie IX, pape moderne, devoirs, il a le mérite de rester avec et qu’elle m’a parlé, qu’il est vrai Clovis, 1995, p. 466.

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12 Le Chardonnet n° 366 - avril 2021 Dossier : 150 ans de la Commune de Paris

Le massacre des Dominicains d’Arcueil Par l'abbé Guillaume d'Orsanne

Les barbares ne sont pas à nos portes, ils sont plus près encore ; ils sont dans nos cités mêmes, et l’heure des justices de la Providence pourrait se lever sur nous !1 Ils sont venus, les barbares de la dernière heure ; d’autant plus acharnés à la perte de nos chers religieux qu’ils n’avaient à leur reprocher que des bienfaits.2

L’école des Dominicains duisent : une capsulerie d’Arcueil fait explosion à quelques Arcueil, c’est une petite cité en kilomètres d’Arcueil, banlieue de Paris, à une demi-lieue quelques escarmouches des murs. Les Dominicains s’y ont lieu à proximité installent en 1863 et réussissent à et le château de M. y ouvrir une petite école, au prix de Laplace, voisin de de multiples tracasseries adminis- l’école et occupé par les tratives, le gouvernement impérial fédérés, est incendié. Le n’étant guère disposé à favoriser les bruit est alors lancé que religieux. Après ces débuts pénibles, les dominicains y sont Le père Captier le collège Albert-le-Grand ne cesse pour quelque chose, de prospérer, sous la direction at- et le mensonge trouve tentive et virile du Père Captier, un quelque complaisance dans les es- la prison Saint-Lazare, et en atten- des premiers compagnons du Père prits des « sans Dieu ». dant leur libération, elles passeront Lacordaire. quatre jours extrêmement pénibles. Le 19 mai en fin d’après-midi, Lorsque la guerre de 1870 éclate, l’école d’Arcueil est investie bru- Quant aux religieux et aux la scolarité des trois cents élèves talement par les fédérés, et ces hommes, ils sont envoyés au fort est naturellement perturbée, et les messieurs somment le Père Captier de Bicêtre, situé à trois kilomètres locaux de l’école se transforment et tous les membres de la commu- de l’école. En les voyant passer dans alors en hôpital improvisé, où les nauté de comparaître, sans plainte les rues d’Arcueil, la population les pauvres blessés du siège de Paris précise ni motif légal. Le pauvre regarde en silence et avec beaucoup sont soignés par les religieux, du enfant qui sonnait la cloche faillit d’émotion. Une pauvre femme té- moins ceux qui ne sont pas partis alors se faire fusiller : n’était-ce moignera plus tard : aider aux ambulances. On conçoit point là un signal suspect ? – Quand ils sont passés devant que, dans ces conditions, la popu- notre porte, et que j’ai vu marcher lation d’Arcueil estime profondé- Avant de quitter les lieux, le Père au milieu des fusils le Père Captier ment ces dominicains si dévoués. bénit les sept ou huit élèves restés et tous ces messieurs qui nous fai- en leur disant : saient tant de bien, j’ai pensé que Mais la guerre civile de 1871 suc- – Mes enfants, vous voyez ce qui c’était Jésus-Christ avec ses dis- cède au terrible siège. Au lieu de se passe ; sans doute on vous in- ciples, s’en allant à Jérusalem pour quitter une maison très exposée terrogera : soyez francs et sincères y être crucifié. aux violences, les bons religieux comme si vous parliez à vos pa- décident d’y poursuivre leurs fonc- rents. Rappelez-vous ce qu’ils vous Enfermés à Bicêtre tions d’ambulanciers, et de par- ont recommandé en vous confiant À sept heures du soir, les prisonniers courir les champs de bataille du sud à nous et, quoi qu’il arrive, souve- arrivent au fort de Bicêtre. Ils sont de Paris pour recueillir les blessés et nez-vous que vous avez à devenir alors enfermés dans une chambre ensevelir les morts. Là aussi, ce bel des hommes capables de vivre et de étroite, interrogés, fouillés, dé- exemple de dévouement est admiré mourir en Français et en chrétiens. pouillés de tout, y compris de et respecté par tous, y compris les Adieu : que la bénédiction du Père, leurs bréviaires, puis conduits dans Communards eux-mêmes qui en du Fils et du Saint-Esprit descende profitent largement. sur vous et y demeure toujours, toujours ! Le début des hostilités 1 Père Captier, Discours de 1867. Le 17 mai 1871, trois événements Les religieuses et les femmes sont 2 Oraison funèbre par le Père Adolphe Per- apparemment sans lien se pro- conduits sur la Conciergerie puis raud, 3 juillet 1871.

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rues voisines et attendent les re- ligieux pour les exécuter. Le Père Captier se retourne vers ses com- pagnons : – Allons, mes amis, c’est pour le Bon Dieu ! Aussitôt le massacre commence dans la rue. Le Père Cotrault tombe le premier. Le Père Captier est atteint d’une balle qui lui brise la jambe, et mourra après une longue agonie. Le Père Bourard, après avoir été atteint, s’affaisse sous une seconde décharge. Les Pères Reconstitution photographique des massacres Delhorme et Chatagneret tombent foudroyés. Monsieur Gauquelin tombe avec eux. Monsieur Voland une casemate infecte. Que leur tuelles, s’encouragent l’un l’autre et cinq domestiques ont le temps reproche-t-on au juste ? Nul ne le et exhortent leurs compagnons. de traverser l’avenue d’Italie, mais sait, ou du moins n’est capable de le Chaque soir on dit le chapelet en ils sont abattus avant d’avoir trouvé dire avec précision. Cette première commun. De temps en temps le refuge. Les autres prisonniers par- nuit est difficile. Père Captier, accablé de fatigue et viennent à s’échapper. brisé par les privations, fait quelque Le dimanche 21 dans l’après- pieuse lecture ou adresse à tous des Cependant le massacre ne suffit pas. midi, le citoyen Lucy Pyat, qui paroles de consolation. On se précipite sur les cadavres, on représente la Commune de Paris, les insulte, on brise leurs membres déclare aux prisonniers qu’ils ne Le massacre et défonce les crânes, et cela durera sont ni condamnés, ni accusés, ni Le jeudi 25 mai 1871, agitation plus de quinze heures ! Ce n’est que prévenus, ni même prisonniers, extraordinaire aux alentours de la le lendemain que, enfin, un prêtre mais simplement retenus en qualité prison. Soudain, la porte s’ouvre : du quartier fait recueillir les saintes de témoins. Parole prophétique ! – Vous êtes libres. Seulement nous dépouilles, qui seront finalement Comme Caïphe devant le San- ne pouvons vous laisser entre les transportées à Arcueil. hédrin, il annonce ainsi que ces mains des Versaillais : il faut nous religieux rendront le témoignage suivre à la mairie des Gobelins ; Qu’elle est actuelle, cette péroraison suprême du sang versé pour le nom ensuite vous irez dans Paris où bon à l’adresse des martyrs d’Arcueil : du Seigneur. vous semblera. Oui, au nom de l’Église et au nom Les trois jours suivants sont diffi- de la patrie, au nom de votre foi ciles : des fédérés solidement im- Le trajet est long et affreux, des et au nom de la nôtre, au nom de bibés d’alcool profitent de leur su- menaces de mort étant proférées à votre sang et au nom du sang de périorité pour injurier ignoblement tout instant : les femmes surtout se Jésus-Christ, nous vous en conju- les prisonniers, et pillent même montrent furieuses et avides de voir rons : priez Dieu pour qu’il dé- leur nourriture, de sorte que pen- mourir ces hommes couverts d’un sarme les complots des méchants ! dant deux jours les pauvres détenus vêtement sacré. Priez-le pour qu’il évente ces mines ne peuvent même pas obtenir un Arrivés à la prison disciplinaire du redoutables préparées dans les bas- verre d’eau. Et parmi ces forcenés, neuvième secteur, au 38 avenue fonds de la société par l’ignorance, il y en a plus d’un qui ont bénéficié d’Italie, et après quelques palabres l’athéisme et la corruption ! autrefois des soins charitables des inutiles, les prisonniers sont en- bons Pères ! fermés sans ménagement : dès lors, Priez-le pour que Paris, et la France, ils n’ont plus aucune illusion sur et le monde entier, en cherchant Comment se comportent alors nos leur sort. Tous se mettent à genoux, par-dessus tout le royaume de Dieu prisonniers ? Pendant ces journées se confessent l’un à l’autre. Il est et sa justice, échappent à de nou- d’agonie cruelle, une douce gaieté quatre heures et demie : le citoyen velles explosions !3 règne dans le sinistre cachot ! Ex- Cerisier, un homme vil, donne ses cepté quelques pères de famille qui ordres : sont plus accablés, tous continuent – Sortez un à un dans la rue. leur vie ordinaire. Les religieux C’est un piège : des pelotons armés multiplient leurs prières habi- sont placés à toutes les issues des 3 Oraison funèbre. Op. Cit.

14 Le Chardonnet n° 366 - avril 2021 Histoire

Pour vos enfants, l’école Saint-Louis Par l'abbé Jehan de Pluvié

e long d’une rue À proximité, la place de la Bas- vue. Comme dans les jeux, un banale du IVème ar- tille laisse émerger bien en vue au moniteur un peu lâche mais d’ex- rondissement, un peu bout d’une colonne corinthienne périence aime les parties qui se plus égayée qu’ail- une espèce d’Icare reluisant d’or, terminent à égalité. On évite alors leurs toutefois par un drôle de sportif nu aux ailes larmes et cris de joie intempestifs, les cris et les bouscu- déployés, la mine sérieuse et la ou même des rixes, au moins ver- lades des potaches, le quartier bé- posture risible, conscient de sa bales au début, entre perdants et Lnéficiant d’une bonne concentra- mission, regardant le lointain et vainqueurs non pas soupçonnés tion d’écoles, au bas d’un mais accusés péremptoi- immeuble sans originalité, rement de triche et en à fleur de trottoir, derrière tout cas d’arrogance. une lourde porte grinçante à deux battants et aux bar- Oui, c’est bien un monde reaux d’acier noir comme à deux cités dans lequel on en voit beaucoup à ils grandissent, deux cités Paris, depuis maintenant en bataille : une cité li- près de 40 ans, s’anime, bertaire, plongée dans les totalement inaperçue des plaisirs de la terre, brûlée passants novices, une mys- par le feu des passions térieuse vie chrysalidaire délirantes, rongée de dans une atmosphère d’in- haine pour l’Église, et la souciance et de joyeuse Cité de Dieu, les citoyens effervescence : la future du Christ-Roi, tournés chrétienté en formation. résolument vers le Ciel, employant les armes sur- Les concernés ne le savent naturelles et naturelles à pas, ne se posent pas de leur disposition pour le questions, ne prévoient faire triompher dans leur pas encore l’avenir. Le bon Les débuts… avec un futur supérieur de District ! cœur et sur la terre. Et Dieu a prévu pour eux et c’est ici, dans cette école ils ne soupçonnent pas – on essaye – qu’ils ap- la grandeur de la charge qui les s’élançant dans le vide avec ro- prennent à se servir de ces moyens attend, celle de porter la lumière mantisme, un flambeau à la main victorieux. de la foi dans un monde aux té- histoire de tout incendier. nèbres toujours plus épaisses. Mais Merci donc de votre aide précieuse le combat de demain se profile Lors d’une promenade, un des CE, par vos prières et vos dons. Comme tout de même un peu dans leur content de s’y connaître, le désigne disait saint Jean Bosco : « Donnez petit quotidien qui dégage ainsi un avec enthousiasme à ses cama- aux orphelins sur la terre et le bon mélange subtil d’Église tranquille rades : « Regardez là-bas ! C’est le Dieu vous fera riche un jour dans et d’Église militante. Leur fraî- Génie de la Liberté. » Un des co- le Paradis. » cheur de premiers communiants, pains un peu plus rustre, mais lui l’évidence de leur bon droit et de aussi bien heureux de ressortir un la victoire parce qu’ils ne posent savoir qu’il tient sans doute d’une pas d’objections à la Puissance in- réflexion de ses parents, décoche École Saint-Louis finie de Dieu comme les grandes sur un ton de reproche : « Mais personnes tourmentées, fait res- non ! C’est Lucifer. » S’ensuivit 10 rue du Petit Musc sortir un aimable contraste avec la une petite dispute qui n’a pas duré 75004 Paris menace qui pèse sur l’Église autant bien longtemps parce qu’il y avait par les sociétés déchristianisées, d’autres choses à voir. Mais aucune Tél. : 01 42 71 78 32 que par les chrétiens libéralisés. Il intervention n’était nécessaire faudrait maintenir tout le temps car les deux belligérants avaient [email protected] cette confiance enfantine. raison sous un certain point de

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Activités de la paroisse Samedi 10 avril ◆ 18h30 : messe lue avec orgue Le Chardonnet

Tous les mardis à 19h15 cours de Mercredi 14 avril Journal de l’église Saint-Nicolas du Chardonnet doctrine approfondie sauf le 6 ◆ 18h30 : messe chantée des étudiants 23 rue des Bernardins - 75005 Paris (abbé Billecocq) Téléphone : 01 44 27 07 90 - Fax : 09 56 05 57 64 Tous les samedis à 11h00 cours de Dimanche 18 avril Courriel : [email protected] catéchisme pour adultes ◆ Présence du séminaire de Flavigny www.saintnicolasduchardonnet.fr (abbé Petrucci) et quêtes et prédications au profit Cours de catéchisme pour enfants du séminaire Directeur de la publication : uniquement le samedi 10 avril à Abbé Pierpaolo Petrucci 14h30 Mercredi 21 avril ◆ 18h30 : messe chantée des étudiants Maquette et mise en page : La semaine de Pâques, les gardes ne [email protected] Mercredi 28 avril seront assurées qu’entre 17h30 et 19h30 Imprimerie ◆ 18h30 : messe chantée des étudiants Lundi 5 avril Corlet Imprimeur S.A. - ZI, rue Maximilien Vox 14110 Condé-sur-Noireau ◆ 18h30 : messe lue avec orgue Vendredi 30 avril ◆ 17h45 : premières vêpres de saint Joseph ISSN 2256-8492 - CPPAP N° 0326 G 87731 Mardi 6 avril artisan Tirage : 1300 exemplaires ◆ 18h30 : messe lue avec orgue er Samedi 1 mai Mercredi 7 avril ◆ 17h45 : deuxièmes vêpres de saint ◆ 18h30 : messe lue avec orgue Joseph artisan ◆ 18h30 : messe chantée de saint Joseph Jeudi 8 avril artisan ◆ 18h30 : messe lue avec orgue Dimanche 2 mai Vendredi 9 avril ◆ Prédication et quête au profit de ◆ 18h30 : messe lue avec orgue l’institut Saint-Pie X

Mots croisés

A B C D E F G H I J K L HORIZONTALEMENT 1. Trois mots célèbres de César – 2. Les hiéroglyphes en 1 sont– 3. Gaz publicitaire – et fac quod vis – Numéro atomique onze – 4. Le césium – Satellite de Jupiter – 2 Vieille marque d’essence – 5. Saintes dans le tabernacle 6. Préfixe novateur – Toujours éternels sur les tombes 3 7. Château de la Belle au Bois dormant – Me trompai 8. Divinité mythologique – Plus elle est longue, plus elle est belle pour la robe de la mariée – 9. Désolé – Vin italien 4 10. Nient la nécessité de la grâce – Possessif – 11. Cri de douleur – Plus La Rochelle, écrivain contemporain 5 12. Une des onze mille vierges martyres de Cologne – Coutumes – Conjonction 13. Entre deux lisières – Aida à 6 construire le temple de Salomon – Salutation angélique. VERTICALEMENT 7 A. Saint dacquois en trois mots – B. Chrétienne de très bonne heure en Mésopotamie – Tisse sa toile dans nos jardins 8 C. Préfixe progressiste – Nouvelle Apulie – D. Éphèse en était une ville – Monument d’Athènes (nom grec) où se 9 réunissaient les disciples de Zénon – À la tête des Uhlans E. Par exemple – Oui au sud de la Loire – Saint-Empire Romain Germanique – Kilomètre chinois – F. Colère 10 latine – La nôtre est chrétienne – Son plumage nous tient bien chaud – G. Pape lettré qui chargea saint Jérôme de 11 traduire les Écritures Saintes – Fin d’infinitif – H. Prénom berbère – Fleur de balcon – I. 995 – Il y en a de bien belles 12 dans nombre de nos châteaux – J. Capitale de l’optique – Fait feu à l’envers – K. Ancien empereur de Russie – Ville 13 de l’Égypte antique – Abréviation postale – L. Une des cinq parties du monde – D’espérance par exemple. Solutions du problème de mars Horizontalement : 1. NAZIANZE–ZN – 2. ALERION–NEYT – 3. ZOSIME–DANS – 4. ARTS–HEROS – 5. RS–KRIM–NE – 6. EPUISEE – 7. THAUMATURGE – 8. HAIULORIRF – 9. TATIANA – 10. GREGORIENS – 11. SDN. Verticalement : A. NAZARETH – B. ALORS–HAAG – C. ZEST–EAI–RE – D. IRIS–PULTE – E. AIM– KUM–AGA – F. NOE–RIALTO – G. ZN–HISTOIRE – H. DEMEURAI – I. NAR–ERINES – J. ZENON–GRAND – K. NYSSE–EF–SN.

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