LABORATOIRE D'ANTHROPOLOGIE - PREHISTOIRE - PROTOHISTOIRE

ET QUATERNAIRE ARMORICAINS

EQUIPE DE RECHERCHE N° 27 DU C.N.R.S.

Jacques BRIARD et Michel LE GOFFIC

RAPPORT SCIENTIFIQUE SUR LA FOUILLE DU TUMULUS DU RUGUELLOU

SAINT-SAUVEUR, FINISTERE

Juin - Juillet 1986

Fouille de sauvetage programmé n° 1273 (autorisation 14/3/86)

Laboratoire d'Anthropologie Université de Rennes I Campus de Beaulieu 350*2 RENNES Cédex LABORATOIRE D'ANTHROPOLOGIE - PREHISTOIRE - PROTOHISTOIRE

ET QUATERNAIRE ARMORICAINS

EQUIPE DE RECHERCHE N" 27 DU C.N.R.S.

Jacques BRIARD et Michel LE GOFFIC

RAPPORT SCIENTIFIQUE SUR LA FOUILLE DU TUMULUS DU RUGUELLOU

SAINT-SAUVEUR, FINISTERE

Juin - Juillet 1986

Fouille de sauvetage programmé n° 1273 (autorisation 14/3/86)

Laboratoire d'Anthropologie Université de Rennes I Campus de Beaulieu 350*2 RENNES Cédex SOMMAIRE

ORGANIGRAMME 3 GENERALITES 4 1. HISTORIQUE 4 2. PRESENTATION DU SITE 7 3. ORGANISATION DES TRAVAUX 7

LA STRUCTURE DU TUMULUS 9 1. TOPOGRAPHIE 9 2. LA GRANDE TRANCHEE EST 11 3. LA COUPE NORD 18 4. SONDAGE OUEST ET CONCLUSION 18

LA TOMBE CENTRALE 20 1. SITUATION GENERALE 20 2. NIVEAU SUPERIEUR 20 3. LE FOND DE TOMBE ET SON VASE 23

ANALYSES ET CONCLUSIONS 29 1. DATATION RADIOCARBON E 29 2. ANALYSES PALYNOLOGIQUES 31 3. ANALYSES SEDIMENTOLOGIQUES 32 4. ANALYSES CERAMOLOGIQUES 32

CONCLUSION GENERALE 33 ORGANIGRAMME

Direction générale du chantier : BRIARD Jacques, Directeur de Recherche au C.N.R.S.

et LE GOFF1C Michel, Archéologue départemental Finistère.

Equipe de fouille :

BESNARD Anne, Institutrice, Doué-La-Fontaine - Fouille.

BOURHIS 3ean, Ingénieur C.N.R.S., Rennes - Fouille, analyses.

BREGER Maurice, Professeur Lettres, Saint-Brieuc - Fouille.

BRIARD Jacques, Direction chantier, intendance.

BRIARD Michèle, Rennes - Fouille.

BRIARD Soizic, Etudiante Biologie, Rennes - Fouille.

BRIDAULT Anne, Etudiante Archéologie, Nanterre - Fouille.

GUEGUEN Victor, Lycéen, Saint-Sauveur - Fouille.

GUILLAUME Dominique, Etudiant Chimie, Rennes - Fouille.

HOUEIX Maurice, Professeur retraité - Fouille.

LARCHER Guy, Professeur Coëtquidan - Fouille.

LE BORGNE Dominique, Etudiante Médecine, Rennes - Fouille.

LE CARDUNER Jacqueline, Institutrice, Ploumagoar - Dessin.

LE GOFFIC Michel, Archéologue départemental - Prospection, Co-direction.

MURATORE Jean Pierre, Directeur d'Ecole, La Baconnière - Dessin.

QUERAT François, Administrateur retraité, - Fouille.

QUERRE Guirec, Ingénieur, Musée du Louvres - Fouille céramologique.

SEVAUX Anne, Etudiante Rennes - Fouille.

ZANGATO Etienne, Archéologue Centrafrique - Fouille.

Etude sédimentologique : BIGOT Bernard

Etude palynologique : MARGUERIE Dominique GENERALITES

1 HISTORIQUE La région des Monts d'Arrée est bien connue pour ses tumulus de l'Age du Bronze dont le recensement fut inauguré dès la fin du XIXème siècle par l'archéologue finistérien Paul Du Châtellier qui en fouilla une bonne centaine sur les territoires des communes de Berrien, Le , La Feuillée ou . Une série de cam­ pagnes et de fouilles d'urgence menées il y a une dizaine d'années par l'un d'entre nous (J. Briard) permit de reviser la connaissance de ces "champs de tumulus". Plus récemment, une enquête de C. Le Potier permit un recensement précis des monuments existants afin d'assurer la conservation des derniers témoins de cette riche occupation de l'Age du Bronze. L'extension des tumulus en dehors des sommets des Monts d'Arrée était assez mal connue, en particulier vers l'ouest. Le travail mené par M. Le Goffic comme archéologue départemental a permis de combler cette lacune et de nombreux tertres funéraires ont été relevés sur les communes de Saint-Sauveur, Commana et . Le tumulus du Ruguellou est de ceux-là. Il se trouvait à proximité du village du Ruguel- lou, déformation de Cruguellou qui veut dire en breton les buttes ou les tumulus. Il a existé autrefois tout un groupe de tumulus à cet endroit. Les deux subsistant ont été répertoriés par M. Le Goffic : celui de la parcelle 379 fouillé en 1986 et celui situé plus au sud entre les parcelles 740 et 743 (fig. 2). Le tumulus du Ruguellou se trouve dans un champ dénommé Park-an-Dorguenn. Or Dorguen ou Torguen est encore un toponyme désignant une éminence artificielle. La nomenclature des lieux-dits a donc bien concrétisé l'existence de monuments funéraires. Le tumulus 379 était autrefois bloqué contre un talus qui séparait les parcelles 379 et 384. L'agrandissement des parcelles a nécessité la destruction de ce talus qui retenait vers l'est les terres de la butte funéraire. Celle-ci, par suite des labours précédant la mise en pâture, avait été largement rabotée à son sommet. Il est évident que progressivement son arasement se poursuivra à longue échéance. Le monument a été fouillé en 1986 en fouille de sauvetage avant que cet arasement ne s'accentue. Le but de cette opération était bien sûr d'identifier les structures funéraires contenues dans la butte mais surtout de mener toute une série- type d'analyses qui manquaient sur ces tumulus des Monts d'Arrée, à part quelques essais d'analyses sédimentologiques (tumulus de Ligollenec à Berrien). Pour la première fois une analyse palynologique est tentée, niveau à niveau, complétée de datations radiocarbone et d'analyses sédimentologiques, en liaison avec les datations radiocarbone. L'étude sédimentologique permet la reconnaissance de l'origine des terres composant la butte. Enfin l'étude céramologique des tessons recueillis a pour but de reconnaître si possible l'origine des argiles employées dans la fabrication des poteries. PenXar Vernai," nos

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132

Fig. 1 - Plan de situation du tumulus de Ruguellou.

2. PRESENTATION DU SITE Le village du Ruguellou se trouve à environ 2 km au sud-ouest du bourg de Saint-Sauveur. Le tumulus fouillé se trouve dans la parcelle 379 C2 du cadastre de Saint-Sauveur revisé en 1982 (coordonnées Lambert zone 1. X : 130,7 ; Y : 1101,58). Le monument est bâti sur un site relativement élevé (158 m) mais légèrement en contrebas du point culminant, sur la pente est. A cet endroit, le sous-sol est métamor­ phique (gneiss de Brest des anciennes cartes géologiques). La butte assez bien conser­ vée (fig. 3) était située dans une parcelle en prairie artificielle au moment de la fouille. Les talus hauts environnant la parcelle à l'ouest et au sud comprenaient des chênes, des aulnes et des frênes avec quelques touffes d'ajoncs. Le tumulus avait été édifié sur ce point haut probablement pour être visible de loin dans une zone préalablement déboisée. Les habitats protohistoriques devaient se trouver en contrebas, sans doute plus bas que le village actuel, mais aucun indice de surface n'a permis d'en retrouver des traces précises. Il est à noter qu'à environ un kilomètre, vers le sud, coule un petit ruisseau dans une zone humide à tourbière. Ce ruisseau s'appelle joliment le "Dour Kamm", "l'eau tordue", toponyme correspondant à son allure sinueuse. Les paysans nous ont indiqué qu'à cet endroit avait été trouvé autre­ fois une voie de dalles qui permettait de franchir cette zone marécageuse. Nous verrons que cet endroit a eu son importance dans la construction de la butte funé­ raire. Bien abrité, avec point d'eau permanent et petits sommets voisins permettant l'établissement de postes d'observations, l'endroit se prêtait bien à l'établissement d'un habitat protohistorique.

3. ORGANISATION DES TRAVAUX La fouille a eu lieu du 25 juin 1986 au 17 juillet 1986, sans compter quelques opérations préliminaires. Les propriétaires, M. et Mme Raymond Barrou nous ont laissé toutes facilités pour la conduite des travaux. La municipalité de SaintSauveur a permis notre hébergement (local municipal et terrain de camping). Les frais de séjour des fouilleurs ont été couverts par une subvention de l'A.F.A.N. L'organigramme préliminaire donne la composition de l'équipe qui a travaillé au Ruguellou. Une partie de cette équipe (M. Le Goffic, F. Quérat) a dû quitter le chantier le 8 juillet pour entreprendre la fouille de sauvetage de l'allée couverte de Pors Poulhan, Plouhinec, Finistère. Les différentes opérations menées au Ruguellou ont été les suivantes: - découverte et relevé des structures de la tombe centrale - coupe est, reconnaissance de la structure du tumulus dans la zone la mieux préservée par l'établissement d'une grande section de 20 m sur 2 m de large en direction de l'est. Les deux coupes de cette tranchée, côté nord et côté sud ont . 3 - Vues du tumulus avant la fouille. été soigneusement relevées (3.P. Muratore et J. Le Carduner). De nombreux prélèvements pour les études sédimentologiques et palynologiques y ont été effec­ tués (D. Marguerie). - sondages complémentaires est. Deux sondages ont eu pour but de suivre l'ancien talus sous lequel quelques structures sans doute historiques avaient été découvertes. - coupe nord. Une grande tranchée a été menée du centre sur 20 m de long et 2 m de large (jusqu'à 10 m) et 1 m de large (de 10 à 20 m). Elle a confirmé la structure du tumulus. - contrôle de k m/2 m dans la périphérie ouest du tumulus. - remise en état du tumulus après la fouille. Elle a été assurée par l'entreprise Antoine Herry de Commana aussitôt après les travaux. - opérations extérieures : prospections et reconnaissances avec sondages dans les terrains voisins du tumulus ou plus éloignés (zone à tourbière de Dour Kamm, à 1 km au sud). Ces opérations ont permis de préciser les zones d'origine probables des matériaux ayant servi à la construction du tumulus. - opération "sensibilisation". Une journée porte ouverte menée toute la journée du 12 juillet, a connu un grand succès (plus d'une centaine de personnes) Non seulement elle a permis d'expliquer la raison des travaux menés, mais encore de collecter de nombreux renseignements, découvertes fortuites ou connaissance de collections particulières inédites. Au cours des travaux, les traces de plusieurs fouilles anciennes menées "en entonnoir" ont été reconnues. Elles sont précisées sur le plan général (fig. k, A) de même que les zones fouillées en 1986 (fig. 4, B).

LA STRUCTURE DU TUMULUS

1. TOPOGRAPHIE Le tumulus apparaissait comme une eminence de 40 m de diamètre et d'environ 2 m de hauteur maximale (fig. 3). Il présentait au sommet un léger aplanissement. Les anciens paysans nous ont indiqué qu'autrefois la butte était nettement plus haute. Son arasement partiel est récent et a fait suite à la destruc­ tion du talus ouest. Le monument est relativement régulier. Les courbes de niveaux sont plus accentuées du côté sud - sud-est. Les terres ont été retenues par les talus surtout du côté sud-est où la déniveliée n'atteint que 1,10 m maximum. La déniveliée maximum mesurée au niveau a été de 1,80 m vers le sud (fig. 5). Malgré son arasement partiel, le tumulus du Ruguellou apparaissait comme un Fig. * - Tumulus du Ruguellou - Plan général de fouilles. A : fouilles anciennes ; B : fouilles 1986. tumulus déjà important dans la série des Monts d'Arrée, où la plupart des tertres n'atteignent qu'une vingtaine de mètres de diamètre pour souvent moins d'I m de hauteur, exception faite d'un ou deux très beaux monuments comme celui du Reuniou à Berrien. La butte restait assez régulière mais le sommet, aplani partiellement et plus irrégulier, laissait supposer que le tertre avait été partiellement exploré autrefois, dans sa partie centrale.

2. LA GRANDE TRANCHEE EST a) Structure de la partie centrale Elle peut se suivre sur le relevé détaillé mené côté sud (fig. 6). Du sommet au sous-sol, on peut distinguer : - zone de labour. Surface de la prairie artificielle et zone remaniée de 25 à 30 cm d'épaisseur - couche supérieure du tumulus, épaisse de 60 à 90 cm. Elle a été réalisée par des apports, paniers à paniers, qui ont formé des lentilles allongées de couleur bigarrées par suite des tassements. Il s'agit de lentilles de terre limoneuse jaunâtre et de lentilles grisâtres plus argileuses. Ces lentilles argileuses ne semblent pas provenir du substratum local. Il pourrait s'agir d'un apport de terre marécageuse prise dans le voisinage d'un ruisseau. On retrouve de telles formations au bord du ruisseau du Dour Kamm, en assez grande quantité pour pouvoir être exploitées par paniers. Ceci impliquerait un transport des terres de la partie supérieure de la butte à partir de ces zones en contrebas, soit un déplacement de l'ordre de 500 m à 1 kilomètre. Il est évident qu'on ne peut situer avec exactitude le lieu de prélèvement. Mais la présence d'un chemin probablement ancien avec peut-être un ancien dallage au niveau du Dour Kamm, sont des éléments favorables pour rechercher l'origine des terres en cette direction. Les analyses sédimentolo- giques menées par B. Bigot amèneront des éléments complémentaires donnés dans un rapport spécifique. Les premiers résultats indiquent d'ailleurs une forte composante loessique des sédiments. Ceci serait la preuve d'une couverture quater­ naire loessique beaucoup plus importante à l'Age du Bronze que de nos jours. Le même phénomène avait été observé dans les Côtes-du-Nord (tumulus à compo­ sante loessique de Saint-Jude à Bourbriac) en une zone où la couverture loessique initiale a presque complètement disparu par suite de l'érosion des sols. - une séparation très nette est visible, entre les deux apports inférieur et supérieur formant le tumulus, marquée par une forte couche oxydée avec précipitations de fer et surtout de manganèse. Ceci peut résulter du changement d'apport dans la construction du tumulus. Cette zone d'arrêt aurait ainsi constitué un niveau intermédiaire favorable aux précipitations métalliques (fig. 6, n° 6). Fig. 5 - Topographie du tumulus du Ruguellou. w 0 -t-

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Fig. 6 - Tumulus du Ruguellou. Coupe Est, côté sud.

1 : zone cultivée ; 2 : apport supérieur du tumulus. Limon panaché gris

et jaune ; 6 : couche de précipitations Fe et Mn ; 2a : apport inférieur

du tumulus à prédominance de limon jaune ; 3 : vieux sol ; 4 : sous-sol arénisé. - couche inférieure du tumulus. Zone panachée à lentilles grises et jaunes. L'apport jaune, parfois arénisé, est prédominant. Il s'agit en majorité d'un grattage du sous-sol local. Cette couche épaisse de 60 cm au centre vient mourir à 8-9 m du point 0 (fig. 6, n° 2a). - vieux sol brun- Riche en charbons de bois et en petits tessons. - sous-sol arénisé (gneiss décomposé). Les fouilles anciennes ont affecté la coupe du tumulus en deux endroits : une petite cuvette entre 1,20 m et 2,20 m à partir du point 0, et un entonnoir de 1,35 m de large et 1 m de profondeur situé entre k m et 5,36 m. Ils sont remplis de limon mixte mélangé de terre arable (fig. 6).

b) Structure générale et terminale Le tumulus a été étalé progressivement au cours des ans, soit par glis­ sement naturel sur la pente, soit par suite des labours et surtout de la destruction du talus qui le retenait à l'est. Pour essayer de déterminer son diamètre initial, la tranchée a été menée jusqu'aux 20 m (fig. 7). Comme on l'a vu précédemment, la couche de précipitations de manganèse séparant les deux apports tumulaires vient mourir vers les 9 m. Ceci donne une dimension minimum du tumulus initial. La structure panachée supérieure originale et encore reconnaissable au moins du côté sud jusqu'à 11 m du point 0. Plus loin, le limon devient insensiblement plus mélangé et colluvionné sans qu'il n'y ait de limite de séparation visible. Il semble raisonnable d'estimer la limite extrême du tumulus entre 12 et 13 m. D'ailleurs un petit tas de pierres à 13,20 m pourrait être un indice de fin de tumulus, les pierres ayant souvent tendance à rouler à la périphérie des monuments.

Ces éléments permettent donc à partir du point topographique 0 d'estimer le diamètre initial du monument entre 23 et 25 m. Aucune couronne en pierres, aucun fossé ne vient marquer cette limite extérieure. Un double fossé a bien été reconnu entre 14 m et 18 m. En réalité, après contrôle des cadastres anciens, il est apparu qu'il s'agissait bien de l'ancien talus bordé de fossés qui séparait les parcelles 979 et 984. Mais il présentait quelques traces de structures qui nous ont incités à faire des sondages complémen­ taires côté est du tumulus. Au bord extérieur du talus, à 18 m, un petit calage de poteau ou plutôt de piquet a été reconnu mais aucun autre calage n'a été retrouvé lors des sondages est complémentaires. Il s'agit donc d'un élément peu utilisable. Quelques menues pierres apparaissent dans la coupe ou près de terriers, trop peu nombreuses pour être baptisées "structures". Un mélange de tessons a été rencontré à cet endroit, les uns protohistoriques, les autres d'époque his­ torique. Une petite monnaie en bronze, illisible, probablement du Moyen Age a été récoltée dans un terrier. Ceci ne peut que dater une fréquentation médiévale de ce tumulus (fig. 9). Fig. 7 - Tumulus du Ruguellou - Grande coupe Est. 1 : zone cultivée ; 2 : niveau supérieur panaché argileux ; 6 : couche de manganèse ; 2a : niveau inférieur jaune panaché ; 3 : vieux sol brun ; k : sous-sol arénisé ; 7 : limon colluvionné mixte ; 8 : zone de brûlis récent. Fig. 8 - Tumulus du Ruguellou. Photo des coupes Est montrant leur panachage Fig. 9 - Tumulus du Ruguellou - Tranchée Est - Zone du talus moderne avec fossés, calage de poteau et monnaie médiévale. 3. LA COUPE NORD La coupe nord n'a fait que confirmer la structure générale du tumulus du Ruguellou. On retrouvait ainsi de bas en haut : - la zone labourée avec son couvert végétal actuel en prairie (fig. 10, n° 1) d'épais­ seur moyenne de 35 cm. - l'apport supérieur du tumulus, limon panaché alternativement gris et jaunâtre, épais de 50 à 60 cm au centre où il avait été raboté en surface, plus épais à partir des 7 m (75 à 80 cm) (fig. 10, 2). - cette couche de précipitations d'oxydes de fer et de manganèse sépare les deux différents apports tumulaires et vient disparaître au niveau des 9 m (fig. 10, 6) - le niveau panaché inférieur à dominante de limon jaune arénacé, épais de 50 cm au centre, vient mourir au niveau des 8 m (fig. 10, 2a). - vieux sol brun épais d'une vingtaine de cm, riche en tessons et en charbons de bois (fig. 10, 3). - sous-sol arénisé (décomposition du gneiss de Brest) (fig. 10, 4). - petite lentille de sous-sol déplacée, épaisse au maximum de 30 cm, retrouvée de 3,40 m à 6 m. Il s'agit d'un rejet de creusement de la tombe centrale probable­ ment. Il est curieux de voir que les roches provenant de la fosse funéraire aient été rejetées à près de 4 m du bord de la tombe centrale. Aucune autre lentille de creusement n'a été retrouvée dans les autres tranchées (fig. 10, 9). Dans la tranchée nord, les traces d'une fouille en entonnoir ont été retrouvées entre 1,50 m et 3 m. La fosse mesurait 1,10 m au sommet pour 1 m de profondeur. Il s'agit d'une des saignées menées autrefois pour atteindre le centre de la butte. Elle a été retrouvée sur le flan ouest de cette tranchée nord. L'extrémité de la tranchée nord n'a été explorée que sur une largeur de 1 m mais aucune trace de fossé ou de cercle de pierres ne semble avoir déli­ mité la butte de ce côté.

4. SONDAGE OUEST ET CONCLUSION Deux sondages ont été menés vers l'ouest : - de 8 à 10 m : il a permis de circonscrire la principale fouille centrale ancienne (fig. 4). Par ailleurs, on retrouvait les couches principales du tumulus, limon mixte argileux au sommet et limon jaune arénacé en profondeur qui était très peu épais à partir des 10 m. - de 12 à 15 m : il s'agit de limon colluvionné avec cependant en profondeur deux niveaux d'humus successifs montrant qu'il y avait eu un premier nivellement limité du tumulus (peut-être lié aux fouilles anciennes) et un nivellement moderne plus important. En profondeur, ce sondage a amené la découverte d'une curiosité géologique : un bombement du gneiss avec une veine extrêmement ferrugineuse, rouge vif et très dure. Fig. 10 - Tumulus du Ruguellou - Coupe Nord. 1 : zone cultivée ; 2 : limon panaché supérieur ; 6 : couche de manganèse 2a : limon panaché jaune inférieur ; 3 : vieux sol brun ; 4 : sous-sol arénisé ; 9 : lentille de creusement de la tombe. En conclusion, la structure générale du tumulus est relativement simple. Un niveau inférieur comprend un apport de limon local du sous-sol arénisé jaune. Cet apport démarre à 9 ou 10 m de la tombe pour venir jusqu'à son niveau supé­ rieur. La couche supérieure du tumulus est enrichie d'un apport de marais plus argileux qui devait recouvrir la tombe d'un dôme ayant environ 23 à 25 m de diamètre. La hauteur totale du tertre devait au moins atteindre 3 à 4 m, compte- tenu du volume important de limon colluvionné qui, visiblement, a été étalé en dehors des limites originales du tumulus. Aucune structure bordière, cercle de pierres ou fossé, ne semble avoir circonscrit le monument.

LA TOMBE CENTRALE

1. SITUATION GENERALE La tombe centrale a été reconnue à 1 m du point topographique 0. La coupe transversale nord-sud avec projection de la coupe de la tranchée permet de se rendre compte de la structure générale de la tombe (fig. 11). Une fosse rectangulaire a été creusée dans le sous-sol arénisé à une profondeur maximum de 1,20 m sous le vieux soi. Cette fosse est creusée en entonnoir au sommet pour permettre de construire un entourage de tombe en grosses pierres. Les dimensions de la fosse au fond de la tombe sont de l'ordre de 2 m sur 1 m. Mais il est difficile d'avoir une idée précise de la structure originale car elle a été construite avec une armature de bois qui s'est effondrée. De plus, la fouille an­ cienne dont la trace est visible en coupe (fig. 11, n° 5), a atteint le coeur de la tombe en un grand puits allant se rétrécissant vers le fond. Les traces de bois provenant de la couverture de la tombe sont encore visibles, latéralement (fig. 11, 7). Elles sont au niveau du vieux sol brun (n° 3 des coupes) sous le niveau inférieur de limon jaune arénisé (n° 2a des coupes). Ce lit de bois se trouve à l'heure ac­ tuelle à 1,10 m de la surface du tumulus. Les différentes estimations liées à la structure du tumulus laissent supposer qu'au départ le haut de la tombe était recouvert au centre par une hauteur de 2 à 3 m de masse tumulaire. La tombe est un exemple classique de ces caveaux à structures de bois parés de pierres qui, une fois effondrés, donnent les structures dites "en baignoire". Son orientation générale est nord-ouest - sud-est, orientation classique pour ce type de tombe.

2. NIVEAU SUPERIEUR Dés le début de la fouille de la tombe, deux gros blocs d'entourage quartziteux ont été découverts au nord de la structure (fig. 11, 12). Leur sommet Fig. 11 - Tumulus du Ruguellou - Coupe transversale de la tombe avec projec­ tion de la coupe nord - 1 : zone cultivée ; 2 : niveau supérieur pana­ ché ; 6 : couche oxydée à manganèse ; 2a : couche inférieure jaune ; 3 : vieux sol brun ; 4 : sous-sol arénisé ; 5 : remplissage mixte de la tombe ; 7 : lit de bois brun supérieur ; 8 : bois noirâtre de la fosse et du fond. Fig. 12 - Tumulus du Ruguellou - Dégagement des parties supérieures de la tombe. se trouvait à 1 m de la surface du tumulus. Ils sont de taille exceptionnelle dans cet entourage qui comprend surtout de petits éléments de gneiss et de quartz. Ils sont plus abondants du côté nord, apparemment intact aves ses gros éléments que du côté sud où les fouilles anciennes ont certainement amené la disparition d'une partie des pierres d'entourage qui sont relativement clairsemées (fig. 13). Sous ces pierres apparaissaient des éléments de bois pourri brun jaune dont des plaques ont été dégagées, montrant une probable couverture en bois horizontale au-dessus de la tombe. Le bois est trop aplati contre le sous-sol pour déterminer s'il s'agissait de rondins ou de planches, mais on sait que les deux systèmes ont été employés dans les tombes armoricaines. A ce niveau supérieur, les dimensions internes de la tombe sont d'environ 2,50 m de long pour 1,40 m de large. Les dimensions du petit cairn qui la recouvrait devaient être de l'ordre de 4 m sur 3 m. A partir des éléments supérieurs appuyés partiellement sur le vieux sol, les pierres suivaient la structure d'effondrement interne de la tombe. Le remplis­ sage interne était assez composite, mélangeant les terres effondrées du tumulus et les terres de remblaiement du cône de fouilles ancien. Des éléments divers s'y trouvaient, tessons protohistoriques mais aussi tessons d'époque historique, difficiles à dater. Les coupes montraient que le lit de pierres supérieur était construit dans une fosse en entonnoir qui présentait, sur ses bords, des traces de bois pourri noir mélangé de dépôts d'oxydes de manganèse (fig. 11, n° 8). C'est un mélange de précipitations naturelles et de pourrissement d'éléments de bois ayant servi à amener les plus gros blocs de l'entourage.

3. LE FOND DE TOMBE ET SON VASE La coupe longitudinale est-ouest de la tombe rend compte de la dimension du caveau funéraire (fig. 14). Le lot de bois a pu être retrouvé au fond, légèrement bombé au centre et remontant sur les bords de la fosse, ce qui permet d'avoir une bonne approximation de l'espace funéraire, cercueil en bois ou parement de rondins. On peut l'estimer à 2 m de long et 1 m de large. Le lit de bois supé­ rieur peut se suivre en partie sur les côtés à une hauteur de 1,10 m en moyenne. Ce sont les dimensions d'un caveau classique de la civilisation armoricaine des Tumulus, tels qu'ils sont bien connus en structures de murets de pierres. Le plan au fond de la tombe (fig. 15) montre les ultimes pierres effondrées des parois ayant glissé jusqu'au fond, les limites probables du parement en bois, et la position du vase funéraire. Il est évident qu'après les bouleversements ayant affecté la tombe, la poterie funéraire était en piteux état. Cependant un groupe de tessons a été trouvé, apparemment en place dans le bois pourri (fig. 17). Ils permettent une estimation de la forme et de la dimension de cette céramique. C'est un vase biconique classique de la "deuxième série des Tumulus". Il possédait Fig. 13 - Tumulus du Ruguellou - Plan de la tombe centrale au niveau supérieur. L'assise de pierres est bien conservée à l'ouest et au nord, incomplète au sud par suite des fouilles anciennes.

J Fig. 14 - Tumulus du Ruguellou. Coupe longitudinale de la tombe. 1 : zone cultivée ; 2 : niveau supérieur tumulus ; 6 : couche à manganèse ; 7 : bois pourri de la couverture ; 2a : niveau inférieur tumulus ; 3 : vieux sol brun ; 5 : remplissage mixte de la tombe ; 8 : bois pourri des parois et du fond. N i

Fig. 15 - Tumulus du Ruguellou - Plan du fond de la tombe avec position des vestiges de vase funéraire. En pointillé, limites du parement en bois. » Fig. 17 - Tumulus du Ruguellou Vue des fragments de poterie en place dans la tombe. au moins deux anses (un bon fragment et un autre morceau ne se raccordant pas au premier ont été retrouvés). Les anses prenaient immédiatement sous le rebord éversé du vase. L'anse conservée est assez épaisse (11 à 15 mm), large de 27 mm avec des rebords relevés donnant un profil en gorge à l'extérieur de l'anse. La panse est assez fine (5 mm d'épaisseur). L'ensemble devait donner un petit cruchon classique d'environ 130 mm de haut, 120 à 150 mm à la carène et 100 mm environ de diamètre à l'ouverture. Dans l'état actuel de la céramique, ces chiffres ne peuvent être considérés que comme des approximations de départ qui pourront être précisés par la suite. Mais la première conclusion est qu'il s'agit d'une tombe classique "en baignoire" de la Civilisation des Tumulus avec une poterie biconique caractéristique du type de celles qui ont été en usage assez longtemps, d'environ 1600 à 1200 avant 3.C. suivant les différentes datations obtenues précédemment sur ce type de monument à poterie. Nous verrons que la datation radiocarbone obtenue au Ruguellou confirme cette estimation.

Dans la tombe ont également été retrouvés quelques tessons modernes, introduits par les chercheurs de trésors. Aucune trace de métal ou de matériel lithique n'a été retrouvée. Il est probable qu'un poignard même écrasé par l'effon­ drement aurait laissé quelques traces de carbonates ou de chlorures de cuivre... En dehors de la tombe, le matériel archéologique était assez pauvre '• quelques tessons de l'Age du Bronze, un "rabot grossier en quartzite, quelques silex dont un petit grattoir sur entame de cortex et des éclats de quartz. Parmi les poteries intéressantes, on note des fragments de vases avec cordons typiques du Bronze et un petit élément d'un plat à pain, circulaire, de petites dimensions (10 - 15 cm de diamètre ?).

ANALYSES ET CONCLUSIONS

1. DATATIONS RADIOCARBONE Deux datations radiocarbone ont été effectuées sur le tumulus du Ruguel­ lou : a) datation sur les vestiges de bois pourri provenant de la tombe. Le résultat obtenu est le suivant : 3150 ± 60 ans (GIF 7264). La calibration suivant les tables de Tucson donne la fourchette suivante : 1330 à 1665 avant 3.C. Ce résultat correspond tout à fait aux prévisions, soit à une construction d'un tumulus de la phase terminale de la Civilisation des Tumulus armoricains. b) charbons de bois du paléosol au niveau de la tombe. 360 ± 70 ans (GIF 7265). La calibration, toujours suivant les tables de Tucson, donne 1550 à 1870 ans avant 3.C. On note ici une différence de quelques 200 ans avec la datation obtenue LARORATOIRF. du RADIOCARRONE LARORATOIRF du RADIOCARRONE CENTRE DES FAIBLES RADIOACTIVITES CENTRE DES FAIBLES RADIOACTIVITES Laboratoire mixte CNRS-CEA Laboratoire mixte CNRS CEA Domaine du C.N.R.S. Domaine du C.N.R.S. 91190 GIF-sur-YVETTE 91190 GlF-sur-YVETTE Tél. 907.78.28 Tél. 907.78.20

Résultat de la mesure d'âge par le carbone I h Résultat de la mesure d'âge par le carbone 14 de l'échantillon n° GIF-7264 de l'échanti lion n° GIF-7265 Echantillon prélevé p&& : Echantillon prélevëx^par : Soumis par : j, BRIARD et Soumis par : J. BRIARD Le : 24.7.86 sous la référence : Le : 24 7 86 sous la référence : tombe tombe

Nature de l'échantillon : bois Nature de l'échantillon : charbon de bois

Lieu de prélèvement : Saint Sauveur,Finistêre Lieu de prélèvement : Saint Sauveur, (Finistère (?)')

Résultat de la mesure d'âge : oic^ . Résultat de la mesure d'âge : 3360 + 70 ans 3150+60 ans

Observations Observations :

•gJ Le Directeur du Centre p/Le Directeur du Centre des Faibles Radioactivités des Faibles Radioactivités Gif, le 4.2.87 G.DELIBRIAS Gif» le 4.2.87 G.DELIBRI fol**** o sur le cercueil de la tombe. Ceci peut s'expliquer suivant différents éléments. Le premier peut être dû à la nature des bois dans les deux cas : éléments légers (rondins) utilisés pour la tombe et son cercueil. Eléments plus anciens (coeur de chêne ou autre arbre pour les charbons de bois. Dans cette première hypothèse, l'âge du bois employé serait mise en cause. La deuxième hypothèse serait que les bois du vieux soi correspondraient à un brûlis de sol qui pourrait être antérieur à la construction même du caveau funéraire. On a noté des décalages importants encore pour des tumulus du Finistère (sol de brûlis néolithique de Juno Bella à Berrien sous un tumulus du Bronze ancien). En conclusion, la tombe du Ruguellou semble bien datée de la phase terminale du Bronze ancien ou du début du Bronze moyen, entre une fourchette allant de 1300 à 1600 avant 3.C. Elle a été établie sur un territoire peut-être défriché antérieurement et sans doute utilisé déjà comme zone d'élevage, ce que confirment les analyses palynologiques.

2 ANALYSES PALYNOLOGIQUES Le rapport d'analyses palynologiques du tumulus du Ruguellou a été établi par D. Marguerie et fait l'objet d'un document séparé, donné en suite du rapport archéologique. Nous n'en évoquerons ici que les résultats essentiels. Un des buts de l'opération de fouille du Ruguellou était de retrouver l'environne­ ment des populations de l'Age du Bronze, constructrices de tumulus. Les premiers résultats concernent trois prélèvements : - Paléosol (échantillon 6), sommet du vieux sol brun (n° 3 des coupes) ; il contient 30 % des pollens d'arbres, essentiellement des noisetiers et des aulnes. Les herba­ cées dominent avec 54 %. Graminées et plantains dominent. - Paléosol (échantillon 2), en profondeur, au niveau 0,50 m de la coupe est (n° 3 des coupes). Même profil que précédemment mais avec une apparition notable de quelques céréales (1 %). Ceci confirme un terrain déforesté à proximité de zones cultivées pour les céréales. - Zone supérieure du tumulus, lentille grise argileuse (échantillon Pal. 5, n° 2 des coupes). Coupe est à 0,60 m de profondeur et 0,60 m du point 0. Cette lentille est un limon argileux qui pourrait provenir des bas-fonds voisins du ruisseau de Dour Kamm. Les pollens d'arbres y sont nettement moins abondants (15 %) attes­ tant d'une plus grande déforestation. Les herbacées y sont plus variées avec une dominance de plantains, graminées et composées. Mais surtout, les pollens de céréales cultivées sont notables (2,5 %) témoignant de la présence proche de champs cultivés (blé ou orge). De ces premiers résultats découlent donc déjà des enseignements importants : la présence notable d'habitats en contrebas du tumulus édifié sur une hauteur, habitats proches de zones où se pratiquait la culture des céréales, au niveau du ruisseau le Dour Kamm.

3. ANALYSES SEDIMENTOLOGIQUES Les premières analyses en cours de B. Bigot ont précisé la nature géolo­ gique du terrain, l'interprétation de certaines des coupes et déterminé la nature loessique des sédiments, témoins d'une couverture de limon nettement plus abon­ dante à l'Age du Bronze que de nos jours. Le tumulus apparaît ainsi comme un témoin supplémentaire de l'érosion des sols depuis les temps protohistoriques. Les autres analyses micro-sédimentologiques en cours amèneront d'autres précisions sur la nature des sols et leur évolution.

4. ANALYSES CERAMOLOGIQUES L'étude céramologique des poteries du Ruguellou a été effectuée par G. Querré et P.R. Giot. Une partie des poteries est à dégraissant quartzo-micacé local. Mais la poterie de la tombe allait révéler un particularisme fort intéressant : l'utilisation d'argiles à "spicules". Il s'agit d'une série de poteries caractérisées par des spicules siliceux, éléments du squelette des Silicisponges (Monactellidés, Demosponges, Hexactinellidés, etc.). Un certain nombre de sites d'habitats côtiers (Le Lenn à Damgan, Morbihan ; Le Goudoul à Plobannaiec, Finistère ; Le Lividic à Plonéour-Trez, Finistère ; Pors-Guen à , Finistère, etc..) ont fourni des tessons de poterie de l'Age du Bronze caractérisés par ces spicules. Mais c'est la première fois que l'on en signalait dans une poterie funéraire des Tumulus. Depuis, les investigations en musée ont permis d'en reconnaître d'autres exemples (Kerdonnard en Plouneventer et Kerno en dans le Finistère). Ces poteries finistériennes ont été fabriquées avec des argiles riches en spicules. Il se peut que les gisements d'origine soient ceux relativement voisins de la Vallée de l'Elorn, aux environs de , distants d'environ une vingtaine de kilo­ mètres ?. Ces argiles sont bien connues des géologues et se prêtent bien à la fabrication de la céramique.

L'analyse céramologique fine aura donc amené un élément important dans la reconstitution des circuits nécessaires pour la réalisation des poteries de l'Age du Bronze. Elle montre que l'apport d'argile de qualité exportée venait concurrencer les fabrications locales à dégraissant constitué de gneiss décomposé. CONCLUSION GENERALE

La fouille du tumulus du Ruguellou à Saint-Sauveur, Finistère, aura permis la reconnaissance d'une tombe classique dite "en baignoire", à structures de bois. Ces tombes se multiplient dans une phase évoluée de la civilisation des tumulus avec souvent une pénétration vers l'intérieur de la Bretagne (tombe de Kervellerin à Cleguer, Morbihan et de Kerfandol à Pioërdut au nord du Morbi­ han). Le vase recueilli est typique de la civilisation armoricaine des Tumulus où les vases à 1, 2 et surtout k anses sont nombreux.

L'intérêt de la fouille du Ruguellou consistait en la possibilité de nom­ breuses analyses techniques des terres. Seuls les premiers résultats en sontconnus, mais ils ont déjà apporté des renseignements intéressants : composante loessique générale, témoin de la disparition d'un plateau loessique quaternaire qui n'est plus connu de nos jours que dans les régions côtières (la "ceinture dorée" du Léon, propre à la culture des primeurs). La reconnaissance d'une double structure tumu- laire, une inférieure à prélèvement local et une supérieure avec probable apport de marais, est intéressante. La structure en paniers a permis une palynologie fine. Les amas de terre grise provenant des marais, probablement du voisinage du ruisseau le Dour Kamm, situé en contrebas de la butte, à quelques 600 à 800 m ont montré que les habitats et les champs cultivés devaient se trouver dans ce secteur avec un paysage très déboisé et des cultures de céréales. Le plateau où était édifié le tumulus était également déforesté mais moins largement et devait être utilisé pour l'élevage (les rudérales y sont nombreuses de même que les fougères). D'autres analyses palynologiques et les microsédimentologies en cours permettront de préciser cet environnement forestier.

Cette opération, menée à la suite des autres analyses de vieux sols, tant sur la côte que dans les zones de l'intérieur armoricain, permet ainsi de restituer progressivement le paysage de l'Age du Bronze en Bretagne. LABORATOIRE D'ANTHROPOLOGIE - PRÉHISTOIRE - PROTOHISTOIRE ET QUATERNAIRE ARMORICAINS

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LE TUMULUS DU RUGUELLOU

(SAINT-SAUVEUR, FINISTERE)

RAPPORT D'ETUDES PALYNOLOGIQUES

Février 1987

Dominique MARGUERIE lio LE TUMULUS DE RUGUELLOU

RAPPORT D'ETUDES PALYNQLOGIQUES

1. CQNTB

Le tumulus du Ruguellou est situé sur la commune de Saint-Sau­ veur, en Finistère intérieur, immédiatement au Nord des Monts d'Arrée. Il a été installé a environ 165 mètres d'altitude sur le socle granitique. Au Sud du site coule le ruisseau du Dour Karnm, sinuant au mi­ lieu d'une zone basse tourbeuse (135 m) (fig.l).

2. LA FOUILLE ARCHEOLOGIQUE

Au cours du mois de Juillet 1984, Jacques Briard, Directeur de Recherches au C.N.R.S., a dirigé la fouille du turnulus du Ruguellou. Avec le dégagement de la tombe centrale, deux tranchées orthogo­ nales ont été réalisées à travers le tertre jusqu'à atteindre le sous-sol granitique. Celles-ci ont permis la mise au jour d'un paléosol brun -fos­ silisé par le tertre. De plus, le turnulus s'est révélé être composé de deux principaux ensembles sédiments ires : - l'un de base, à matériau autochtone en provenance du raclage des sols strictement environnants - l'autre sommital, panaché, à lentilles d'argile gri­ sâtres empruntées vraisemblablement à un sol hydro- morphe de bas-fond

Extrait de la. carte I.G.M. " 051 ó Est " au 1/25000

Fig.l 3.1 L'élude palynologique appliquée a l'Archéologie

La Palynologie étudie les restes végétaux que sont les pollens et les spores -fossiles contenus dans les sols. Elle a comme -fin la con­ naissance de l'environnement végétal, les rapports de l'homme avec cet environnement et la constitution d'une chronologie relative -fondée sur une succession d'événements climatiques enregistrés par la flore (formation steppique froide ou association arboréerme tempérée).

Il existe une bonne relation entre le peuplement végétal et la production poil inique toujours considérable. Ainsi, les analyses poil ini­ ques livrent le type d'association végétale dans laquelle évoluait l'hom­ me. Elles peuvent aussi mettre en évidence des défrichements liés à l'a­ griculture et l'élevage. Ceux-ci se traduisent stratigraphiquement par une baisse brutale du pourcentage des pollens d'arbres au profit des espèces herbacées. La mise en culture apparaît grâce à la présence de quelques pollens de Céréales (Orge, Blé...) accompagnés de plantes liées à l'occu­ pation humaine (Ortie, Plantain, Armoise...) ainsi que des plantes pous­ sant dans les cultures céréalières tel le Bleuet.

3.2 Protocole d'analyses

Avant d'aborder ce nouveau paragraphe, il convient de préciser que la membrane externe des pollens est de plus parfaitement résistante aux attaques chimiques des acides ou bases.

Les sédiments bruts, récoltés, sur le site archéologique, sont traités aux acides chlorydriques et f1uorhydriques afin d'éliminer l'es­ sentiel des éléments minéraux. La matière organique contenue dans les sols après avoir été dispersée chimiquement, est détruite par traitement aux bases (potasse ou soude). Les pollens et spores sont ensuite concentrés sur une liqueur- de densité égale à 2 (la densité des pollens fossiles est inférieure ou égale à 2). Le contenu poil inique des échantillons est enfin coloré à la fushine basique puis monté sur lame afin d'être observé au microscope optique voire électronique. L'extraction chimique puis la. lec­ ture sont des opérations longues et délicates. 3.3 Localisation des prélèvements

Les prélèvements concernant les analyses palynol09iques ont été e-f-fectu.es dans les tranchées Est et Nord du tertre par rapport à la tombe.

3.3.1 tranchée Est (-fi 9. 2) Sur la coupe Sud de cette tranchée, sept prélèvements ont été realisé-

- Pal 1, 1 bis et 1 ter : au sein de l'horizon bru­ ni -f i é du paléosol. Prélèvement mélangeant trois provenances latérales de sédiment.

- Pal 2 : au sein de l'horizon bruni-fié du paléosol, sous une plaquette que contenait le sol.

- Pal 3 : au sein d'un horizon non humique du paléo­ sol, à 10 cm sous le Pal 2.

- Pal 4 : à la base du paléosol, au sein d'un hori­ zon (C), à 20 cm sous le Pal 3.

- Pal 5 : dans une lentille d'argile grisâtre en­ trant dans la composition du tertre supérieur.

3.3.2 tranchée Nord (••fi9. 3)

Sur la coupe Est de cette tranchée, deux prélèvements ont été i-éal i ses :

- Pal 6 : au sommet du paléosol, à z = -120 cm /' 0 chant i er

- Pal ? : au sommet du paléosol, recouvert en cet endroit des rejets du creusement de la tombe dans le granité (z = -123 cm / 0 chantier).

Sur ce total de sept échantillons, six ont été préparés et seuls trois d'entre eux ont livré d'assez nombreux pollens et spores pour qu'il soit possible d'en étudier le spectre. Il s'agit des prélève­ ments suivants : Pal2, Pal 5 et Paie. Ruguellou Saint-Sauveur (29) - Tranchée Est, coupe Sud

* Localisation des prélèvement* e-f-fectués en vue d'analyses poil iniques

F i g. 2 s

Ru.gu.enou Saint-Sauveur (29) - Tranchée Nord, coupe Est

* Localisation des prélèvements e-f-fectués en vue d'analyses poil inique;

F i g. 3 3.4 Exposé des résultats d'analyses

Les trois échantillons étudiés renferment en net surreprésen­ tation des spores de -fougères Polypodes (environ 837, du cortège global)

Mous ayons donc été amené à étudier le contenu poil inique de l'horizon bruni fié supérieur du paléosol conservé sous le tertre et ce­ lui d'une lentille grisâtre entrant dans la composition de l'ensemble supérieur du turnulus.

Le sommet du paléosol renferme environ 30 "A d'arbres, dont des Noisetiers et Aulnes. Les Herbacées dominent le spectre avec 54 '/.. Parmi elles les Graminées et les Plantains sont nombreux, accompagnés de quel­ ques An thém idées, Cichoriées et Ornbel 1 i -f ères. Dans Pal2, quelques grains de Céréales ont été rencontrés. La tombe a donc été construite sur un sol dé-foresté et mis en culture.

ARBRES PINUS SYLVESTRIS - - 0.4 ALNU5 2.9 5.0 1.3 BETULA - 0.4 CORYLUS 31.2 24.1 12.4 ARBUSTES HEDERA 1.0 - HERBACEES GRAMME 25.4 25.1 12.0 C0MP.C1CII0RIEE 2.0 1.3 COMP.ANTHEMIDEE 10.7 4.0 5.0 COHP.CAROUACEE 1.0 1.3 CRUCIFERES 1.0 1.0 OMBELLIFERES 1.0 PLANTAGQ 15.i 21.1 34.7 PLUMBAGINACEE -- 0.4 UALER1ANACEE - - 0.4 CEREALES 1.0 -• 2.5 FOUGERES EBU1SETUM -- 1.3 MOtlOLETES 2.9 9.0 17.7 P0LYP0D1UM 0.5 0.5 0.3 TRILETES ¿.8 7.0 7.4

Fig.4 Tableau des pourcentages

1 : Pal 2; 2 : Pal 6; 3 : Pal 5 Ruguellou- (Saint-Sauveur)

0. Marguerie Les lentilles grisâtres renferment moins de pollens d'arbres que le paléosol (15 '/.">. Les Herbacées y sont plus Mariées, avec une dominance également de Plantains, Graminées et Composées. On y rencontre aussi, fait intéressant, des grains de Céréales en quantité non négligeable >;2.5 'A).

Ce sédiment 1imono-argi1 eux grisâtre a donc été récolté par les hommes de l'Age du Bronze en un lieu où l'agriculture était alors prati­ quée.

4. CONCLUSIONS

L'installation du tumulus du Ruguellou s'est donc faite au mi­ lieu d'un paysage déboisé non loin de parcelles cultivées et probablement pâturées.

Cet exemple vient à nouveau renforcer l'hypothèse d'une intense occupation du sol breton dès le Bronze ancien. En Morbihan, les mêmes con­ statations de défrichement avaient pu être faites sous les tumulus de cet­ te période à Kerfandol en Ploerdut.

Une nouvelle fois, il convient de nuancer la thèse un peu trop radical iste de M.-T. Morzadec-Kerfourn selon laquelle les tombes individu­ elles de l'âge du Bronze, à l'opposé des sépultures collectives néolithi­ ques, étaient installées au milieu des bois, à l'écart des zones d'activi­ tés.

Au cours de la fouille des charbons de bois en provenance du paléosol et des éléments de bois du cercueil avaient été récoltés pour- datations CH. Ils ont été analysés au Laboratoire des Faibles Radio-acti­ vités de Gif sur Yvette et ont livré :

- charbons de bois du paléosol ; GIF 7265 : - 1550 à - 1870 ans CAL BC

- bois du cercueil ; GIF 726A : - 1330 à - 1665 ans CAL BC

Ces dates calibrées placent le monument dans la période du Bron­ ze ancien. Les charbons de bois contenus dans le paléosol ne semblent pas être en liaison direct avec un brîlis "an té-instal1ation" du tertre funé­ raire. En effet, environ 200 ans les séparent de la datation du cercueil. Il s'agirait plutôt là d'artefacts d'une technique fréquemment pratiquée, semble-t-il, d'incendies pour défricher ou mettre en culture. Enfin, à l'occasion de prospections exécutées pendant la période de fouilles, nous avons repéré, au Sud du site, à environ un kilomètre, une dépression tourbeuse où coule un ruisseau dit du Dour Kam. Nos moyens d'investigations de l'époque nous ont permis d'estimer l'épaisseur de la tourbière à au moins un mètre. Il conviendra très prochainement de revenir la sonder avec une carotte de palynologie puis de l'analyser. Le profil de cette tourbière sera des plus passionnants à comparer avec celui de St Michel de Braspart étudié par W. Van Zeist à une douzaine de kilomètres au Sud-Est. Le logiciel informatique récemment mis au point par Ph. Walter et nous-mêmes permettra, de plus, de recaler dans cette tourbière les analy­ ses du monument. LABORATOIRE D'ANTHROPOLOGIE - PRÉHISTOIRE - PROTOHISTOIRE ET QUATERNAIRE ARMORICAINS

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LE TUMULUS DU RUGUELLOU

(SAINT-SAUVEUR, FINISTERE)

RAPPORT SEDIMENTOLOGIQUE

Mars 1987

Bernard BIGOT ETUDE SEDIMENTOLOGIQUE DU TUMULUS DU RUGUELLOU (Saint-Sauveur, Finistère)

I. CONTEXTE GEOGRAPHIQUE ET GEOLOGIQUE Le site du Ruguellou en Saint-Sauveur (Finistère) est situé au sud d'une butte culminant à 188 m d'altitude. Le tumulus lui-même est à 167 m, sur un replat du promontoire et domine encore un vallon (le Dour Kamm) d'environ 25 mètres (fig. 1).

Fig. 1 - Topographie des environs du Ruguellou Cours d'eau • Courbes de niveau (equidistance de 5 m) le tumulus du Ruguellou # localisation du prélèvement de fond de vallon. Le substrat est un granité gneissique (Gneiss de Brest). Des restes de loess argileux sont encore conservés par endroits dans le vallon, aux abords des sédiments fluviátiles. Ces loess décarbonatés sont alors hydromorphes, contiennent des concré­ tions mangano-ferriques millimétriques et prennent une coloration grise. Ils sont mélangés à des apports graveleux de versant. En dehors de ces rares lambeaux de fond de vallée, aucun reste loessique n'est plus conservé dans la région. D'ailleurs, la carte géologique n'en signale pas à moins de 20 kms au nord. Cependant, le tumulus du Ruguellou a fossilisé le paléosol protohistorique développé sur des loess. Plusieurs fois déjà, dans toute la zone septen­ trionale de la Bretagne, des loess en reliques, préservés sous des tumulus ont été signalés dans des endroits où la couverture périglaciaire a aujourd'hui disparu (Giot, 1963 ; Briard et Monnier, 1976). Ceci montre l'ampleur des phénomènes d'érosion depuis l'Age du Bronze, phénomènes qui ne cessent d'exister. On sait en effet que la répartition des habitats construits en torchis loessique et datant seulement de quelques siècles ne concorde plus parfaitement avec la cartographie actuelle des loess. D'ailleurs certains petits gisements cartographiés au XIXe siècle (notamment vers Bourbriac) n'existent déjà plus. Les loess, dépôts éoliens périglaciaires d'il y a 20 000 ans et qui recou­ vraient continûment au moins la moitié nord de la péninsule armoricaine, ne s'érodent pas à la même vitesse dans toutes les régions. Sur des reliefs plus uniformes comme en Normandie, ils sont mieux conservés (Lautridou, 1985).

II. STRATIGRAPHIE DU RUGUELLOU Le tumulus du Ruguellou comprend deux ensembles stratigraphiques formant le tertre, séparés par un horizon de concrétionnement mangano-ferrique. Ces deux remblais présentent des structures en "paniers" révélant leur mode de construction. Les différents paniers du remblai supérieur apparaissent d'une façon spectaculaire en coupe en donnant un effet marbré. Deux types de lentilles s'y distinguent, tous deux loessiques, mais l'un de couleur jaune brun (B jaune), l'autre gris et hydromorphe (B gris). Dans l'ensemble stratigraphique inférieur (échantillon C), les paniers sont moins tranchés, le sédiment étant partout le même (fig. 2). Le niveau concrétionné qui existe à la limite des deux ensembles souligne par la précipitation d'oxydes, leur différence de propriétés physiques (porosité, acidité, compaction...). Un tel concrétionnement est postérieur à l'édification et ne signifie pas, en l'absence de niveau humifié, qu'il y a eu arrêt dans la construction du tumulus.

A la base des coupes, s'observe sous le tertre, le paléosol limoneux de l'Age du Bronze. C'est dans les horizons supérieurs de ce sol brun lessivé qu'ont été w V

nj!ji]i{nî|! , B "gris- : itJlHniiinTilTiTTTÎl \-X';-vXB/yàunë ';'>' ' -Fouille •• s —ancienne -----s -; ** »".\ • • '• '

Fig. 2 : Localisation des prélèvements dans la stratigraphie du Ruguellou. prélevés deux échantillons, l'un au sommet plus humifié (Dl), le second au-dessous est plus jaune (D2).

III. RESULTATS ANALYTIQUES ET INTERPRETATIONS

L'analyse granulométrique des échantillons du Ruguellou confirme leur origine loessique (fig. 3). A première vue, on pourrait penser qu'ils sont tous semblables. Cependant, l'expérience nous a montré que l'on pouvait accorder une grande confiance aux variations mineures des caractères granulométriques des loess.

III. 1. Signification des caractères granulométriques L'allure des courbes fait apparaître trois domaines dimensionnels des parti­ cules sédimentaires dont les variations peuvent se comparer (voir tableau). Vallo n B gri s B jaun e D l (paléosol ) D 2 (paléosol ) U A (terr e végét a

Graviers 2,0 2,4 1,9 3,0 7,0 3,2 *,o

Sables 21,0 25,4 16,4 21,7 22,7 17,4 23,5

Limons 57,4 54,3 61,9 59,6 54,1 62,6 55,0

Argile 19,6 17,9 19,9 15,7 16,2 16,9 17,5

X4 3,25 3,25 3,04 3,07 3,06 3,09 3,09

N4 0,65 0,60 0,62 0,47 0,46 0,50 0,58

N6 0,42 0,47 0,71 1,41 w 1,32 0,60

Ag/Af 1,01 1,33 1,77 3,20 3,01 2,54 1,40 RUGUELLÜU Vallon RUGUELLÜU B gris

RUGUELLÜU-D2 (paléosol) RUGUELLÜU C

Fig. 3 - Analyses granulométriques des sédiments du Ruguellou. - la fraction la plus grossière (supérieure à 100 pm) dont l'importance se retrouve dans le taux de graviers. Ces particules incorporées au loess lors du dépôt sont issues des versants. Le taux de graviers croit avec l'altitude du dépôt et la pente du relief. De plus, les phénomènes de remaniement entraînent l'augmentation du taux de graviers (sédiments colluviés ou sommet de sol). - la fraction loessique (entre 10 et 60 um). Elle est d'autant mieux classée (N4) et plus grossière (X4) que le sédiment est bas en altitude (Bigot, 1986) (1). - la fraction fine (inférieure à 10 um) enregistre le lessivage des sédiments dû à la pédogenèse post-glaciaire (migration des particules fines). L'éluviation des sédiments varie selon la topographie. L'argile fine migre dans des situations de versant, de plateau ou de replat élevé ; elle abonde dans les sédiments de fond de vallée. D'une manière générale, le rapport Argile grossière sur Argile fine décroît donc avec l'altitude. L'indice N6 diminue avec l'enrichissement en argile très fine (1).

III.2. Analyse factorielle des correspondances des paramètres granulomé- triques Les résultats des calculs faits sur les courbes granulométriques (données dans le tableau) montrent des différences significatives entre les échantillons. Cer­ tains paramètres varient corrélativement (redondance d'informations) et pour visua­ liser les phénomènes, il nous a paru plus simple d'effectuer une analyse factorielle des correspondances plutôt que de commenter un tableau austère. Nous avons choisi cinq paramètres : le taux de graviers (Gr), X4, N4, N6 et le rapport argile grossière/ argile fine (Ag/Af). La projection (fig. 4) montre que d'une part N4 et X4 et d'autre part N6 et Ag/Af, livrent effectivement la même information (positions voisines). La signifi­ cation de ces paramètres ayant été donnée précédemment, nous avons pu concrétiser sur le plan factoriel, l'effet de décroissance d'altitude (et donc dans notre cas, la proximité au vallon). D'autre part, le taux de graviers témoigne ici du remaniement des sédiments. On ne sera pas surpris de voir sur la figure k que A dérive des B gris et B jaune et que Dl dérive de D2 par translation parallèlement à l'axe "rema­ niement des sédiments". La position des échantillons sur la projection factorielle trahit leur origine. L'ensemble stratigraphique inférieur (C) provient d'une zone proche du tumulus (D2). Pour l'ensemble supérieur, les paniers de type B jaune ont déjà été récupérés dans une zone plus basse que le site. Les paniers de type B gris proviennent du vallon.

(1) N4 et X4 sont respectivement les indices d'évolution et de grossièreté moyenne au sens de Rivière (1977) entre le point d'inflexion dans les fractions fines et le grain le plus gros représentatif (dimension des mailles du tamis retenant déjà 1 % du sédiment). N6 est l'indice d'évolution de la fraction entre 0 et le point d'inflexion des fractions fines. Fig. 4 - Analyse factorielle des correspondances sur les sédiments du Rugueïlou.

(N4 et X4 sont fonction du classement des loess ; Ag/Af et N6 traduisent

les éluviations des sédiments)- IV. CONCLUSION

Pour aller jusqu'au bout du raisonnement, on peut tenter de resituer les échantillons à leur altitude d'origine. On sait que "D2" est à 167 m et "vallon" à 145 m de hauteur. Sur la figure 4, on peut supposer, en première approximation que notre axe "décroissance d'altitude" varie linéairement selon l'altitude. On trouve alors que B gris est prélevé à 150 m de hauteur, B jaune à 156 m et C à 171 m. Compte-tenu de la topographie des environs du Ruguellou, B gris a pu être prélevé à 450 m du site vers le sud, B jaune à 420 m toujours au sud et C à 150 m au nord. Ces résultats montrent les stratégies d'approvisionnement en remblais. A cause de l'épuisement en matériaux locaux et pour finir le tertre, les constructeurs sont allés chercher les sédiments plus loin, jusqu'à 450 m de distance dans le vallon voisin. Il devait falloir bon nombre d'hommes et bien du courage pour remonter ces masses de loess de la vallée... Au Ruguellou, les hommes sont responsables de l'érosion que nous évoquions au début de ce travail.

BIBLIOGRAPHIE

BIGOT B., 1986 - Essai de modélisation de l'apport loessique en Bretagne (), C.R. Acad. Se, 303, II, 919-921. BRIARD 3. et MONNIER 3.L., 1976 - Tumulus armoricains de l'Age du Bronze et cou­ verture loessique Weichsélienne. Bull. Soc. Géol. Min. Bretagne, VIII, 75-88. GIOT P.R., 1963 - Problèmes de Géologie Quaternaire en Bretagne. Quartâr, 14, 1-14. LAUTRIDOU 3.P., 1985 - Le cycle périglaciaire Pléistocène en Europe du Nord-Ouest et plus particulièrement en Normandie. Centre de Géomorphologie, C.N.R.S., Caen, 907 p. RIVIERE A., 1977 - Méthodes granulométriques. Techniques et interprétations. Masson, Paris, 170 p.