DEPOT LEGAL: 100/1991 - DIRECTEUR DE PUBLICATION: ABDELMOUNAIM DILAMI

50 UNE DYNASTIE, UN RÈGNE DH Bâtir un Royaume

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Dossier de presse: 19/91 - L’ECONOMISTE 70, Bd Massira Khadra - - Tél. : 05.22.95.36.00 (LG) - Fax: Rédaction 05.22.39.35.44 - 05.22.36.59.26 - Commercial 05.22.36.46.32 - www.leconomiste.com - [email protected] Editorial

Y’a pas photo!

a pas photo», comme disent les sportifs. Feu Hassan II a construit plus que toute la dynastie avant lui et, pour ses dix premières années de règne, SM Mohammed VI a construit plus «Y’que tous. Jusqu’à l’Indépendance du Maroc, les Rois bâtisseurs furent plutôt l’ex- ception que la règle, bien sûr chacun connaît les ouvrages monumentaux laissés par le terrible Moulay Ismaïl. Meknès existerait-elle sans lui? On connaît aussi l’intérêt porté aux ports, un intérêt pas forcément payé de retour. Par là, en effet, s’installèrent les représentants des puissances occidentales. D’abord, juste des comptoirs, puis des consuls, puis des traités exorbitants du droit, puis l’occupation pure et dure. Une occupation inégale du point de vue des infrastructures. L’Espagne, très af- faiblie, ne s’occupa guère d’investir dans sa colonie voisine. Et même, trente ans plus tard, quand le Sahara revint dans le giron national, il était pratiquement vide d’équipements. Les Français furent plus soigneux, au moins au début. Par la suite, les travaux publics cherchèrent une rentabilité plus immédiate, plus brutale aussi, car plus soumise aux intérêts privés lesquels, majoritairement, recherchaient l’apartheid. L’Indépendance ne trouve certes pas un territoire nu, mais elle doit repenser les infrastructures, les réorienter et à l’occasion les rendre symboliques, voire en faire un terrain d’affrontements symboliques, comme le fut la célèbre Route de l’Unité. Après tout, des assauts de malices politiques autour de ce chantier ont peut-être évité des brutalités autrement plus dévastatrices. Et ceci nous amène sous les deux grands bâtisseurs que sont Feu Hassan II et l’actuel Souverain, Mohammed VI. Bien naturellement, l’analyse cherche les différences entre les deux, entre leur façon d’agir, et de faire agir, pour construire une nation. Pourtant avant de marquer les différences, il faut s’occuper des constances. La première c’est peut-être l’effort de bâtir, sur une échelle aussi haute. Bien sûr sous Hassan II on comptait les infras- tructures en centaines de millions. Avec SM Mohammed VI, le compte se fait en milliards. Derrière cela un peu d’inflation, beaucoup d’ambitions; mais des deux côtés, un désir, un ordre constant en faveur de ce qui reste, de ce qui produit. Le père et le fils se ressemblent. Ce n’est pas ce que dit l’opinion publique? C’est vrai. Elle souligne plutôt les dif- férences. Du père, elle dit qu’il est un bâtisseur de barrages, de routes, de ports..., un constructeur d’institutions politiques aussi. Le fils, l’opinion le crédite du souci des démunis, de la modernisation religieuse, du nouveau statut des femmes et des enfants, de la culture aussi… Si bien que parfois l’opinion s’aveugle et ne voit plus que ce que le règne met en avant et pas l’intégralité de ce qui est fait. Peu savent qu’on n’a jamais construit autant de routes de toutes sortes, de tous gabarits que depuis dix ans? On l’avait oublié… Alors découvrez-le ici… avec tout le reste.o Nadia SALAH

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Sommaire n Principautés ethniques et religieuses n Si tu veux la paix, prépare... tes n Moulay Slimane et Napoléon, un ra- n Dar Al Makina: plus que la «maison à l’avènement des Alaouites ...... 6 kasbahs! ...... 18 tage qui dure encore ...... 26 de la machine» ...... 32 n Ces captifs qui construisirent n Quand les silos à blé n Babour Bar, une naissance non n A la recherche des Klondike: Les Meknès ...... 8 débordaient! ...... 22 désirée ...... 27 mythes et les réalités des mines ...... 34 n Derrière les mythes, où est la n Il s’en passait de belles dans les villes n Les zaouïas: Elles furent n L’OCP, l’empreinte d’un géant .... 39 réalité? ...... 12 impériales ...... 25 puissantes ...... 30 n Avec le XXIe siècle, comment chan- gent les mines ...... 40

n Les ports, des redécouvertes épisodiques ...... 44

n Les vaisseaux du désert plutôt que ceux de l’eau ...... 45

n TangerMed révolutionne l’ouest méditerranéen ...... 48

n Dar Niaba à Tanger: Quand la souve- raineté s’effrite ...... 50

n Des «rois médecins» à la «colonisa- tion sanitaire» ...... 54

n Comment vivre quand il y a si peu d’eau? ...... 56

n 60 km du concentré d’histoire ...... 60

n Une décennie exceptionnelle pour les routes ...... 61

n Le Protectorat avait mis le Maroc sur la carte architecturale du monde ...... 64

n Le plus grand drame, le plus grand chantier ...... 66

n L’immense effort sur les villes ..... 68

n Enseignement? d’abord un champ de bataille politique ...... 70

n Explosion artistique et culturelle tous azimuts ...... 72

n Religion: La grande reconstruction 74

n Presque cent ans de production philatélique ...... 76

n Nos Remerciements ...... 81

n Le mariage de Rousseau et de Mondrian ...... 82 Novembre 2010 6

Principautés ethniques et religieuses à l’avènement des Alaouites La succession du également sur d’autres régions du pays, cupée par le chef de la tribu des Chbanate, nationale. Prenant Taza, il mène une expé- notamment sur les villes de Fès, Meknès, d’origine saharienne, établie dans le Haouz dition dans le Rif contre le Cheikh Aârras saâdien Ahmed El-Mansour Tétouan, Ksar el-Kébir, sur l’embouchure de Marrakech au XVe siècle, en tant que (dont il épousa la fille), s’empare de Fès, Dahbi plonge le Maroc dans le du Bouregreg, ainsi que sur les plaines du Ahl Souss. alors divisée en deux fractions rivales (les nord-ouest et le couloir de Taza jusqu’à Plus au sud, c’est la principauté d’Il- Lamtiyin et les Andalous) avant d’y être désordre; mais déjà les Alaouites la Moulouya, atteignant ainsi son apogée ligh qui domine grâce à la zaouïa du grand proclamé le 9 juin 1666 avant la Beiya du se lancent dans la réunifica- après s’être débarrassé de son rival et com- cheikh mystique du XVIe siècle, Sidi Ah- 18 septembre. Dans le Gharb, il chasse mandité la mort du Moujahid El-Ayyachi med Ou Moussa Zerouali Semlali. Elle Lakhdar Ghaylane de Qsar El-Kebir, où il tion, en combattant les tribus et en 1641. Ce dernier avait combattu les Por- s’étend vers Taroudant en 1613, puis Drâa bénéficiait du soutien des Anglais. zaouïas qui se partagent le terri- Moulay Rachid s’applique et s’implique dans la reconstruction nationale: prise en toire Avant l’unification alaouite: 1667 de Tétouan, alors indépendante sous Les pouvoirs locaux la direction de la famille Naqsis. EN 1603, lorsque le sultan saâdien En 1668, c’est le tour des chefs de la Ahmed El-Mansour Dahbi trouve la mort, concurrents (1660) zaouïa de Dila d’être mis en déroute dans terrassé par la peste, le Maroc voit ressur- une bataille qui se déroula au Moyen-Atlas gir les guerres de pouvoir. Les trois fils du (près de Batn Roummane), avant la prise sultan sont en campagne: l’aîné, Mohamed au mois de juin de la zaouïa qui fut détruite Cheikh, surnommé El-Mamoun, lieutenant et ses membres déportés. de son père à Fès et dans le Gharb; Abou Deux mois plus tard, c’est la chute des Faris Abd-Allah, dit El-Watiq, khalifat de Chbanate de Marrakech où siégeait depuis Marrakech et de ses provinces ; et Moulay exactement quarante jours, Abi Bakr ben Zidane, surnommé An-Nasir, désigné par Abd-el-Krim Chbani. son père à Tadla. Populaire, Moulay Zi- En 1670, la prise par Moulay Rachid de dane est aussi proclamé à Fès, à la colère la forteresse d’Illigh repousse les héritiers de Cheikh El-Mamoun. Ses troupes sont de Bou Hassoun vers le désert. Recons- vaincues près du Bouregreg. Il s’enfuit en truite en 1730, Illigh revient sur la scène Espagne où il est accueilli par Philippe III, politique avec Hachem ben Ali qui restaure roi d’Espagne, du Portugal et de l’Algarve. le pouvoir d’antan et règne, comme après Le fugitif cède Larache aux Espagnols en Nom de région Région dominée par: lui son fils, en totale indépendance vis-à-vis contrepartie de leur aide contre son frère HABT : RHAÏLAN du Makhzen, jusqu’aux expéditions du sul- Moulay Zidane. L’impopularité d’El-Ma- ER RIF : ARASS tan Moulay El-Hassan. Dans cette optique moun ayant atteint son paroxysme: il est RHARB: DILAITES de construction d’un Etat souverain, Mou- assassiné en 1613. MARRAKECH : KROUM EL HAJI - CHBANAT lay Rachid dirige la guerre sainte contre Le territoire est disloqué alors en plu- SOUS : BOUSHASSOUN SAMLALI les Anglais qui occupent Tanger, libère et TAFILALET : ALAOUITES sieurs principautés. Parmi celles-ci figure unifie le Nord et l’Est du pays menacé par la puissante zaouïa de Dila (voir en page les Turcs. On lui doit par ailleurs quelques 30). Venus des rives de la Moulouya, les tugais à et dans l’actuelle El Ja- et Sijilmassa de 1631 à 1664. réalisations notamment à Fès, sa capitale, disciples sont installés dans le Tadla à la fin dida. Il combat aussi les Espagnols à , Moulay Cherif est proclamé chef po- comme la Medersa Cherratine ou le pont du XIVe siècle. Vouée d’abord à l’ensei- où il accuse les Morisques de trahison, les- litique par les Filaliens l’année 1041 de de Oued Sebou. Mort à Marrakech, à 42 gnement religieux et aux œuvres de charité, quels avaient fondé, avec les Hornacheros, l’Hégire (1631). Les Alaouites avaient déjà ans, des suites d’un accident de cheval, il est elle ne tarda pas à exercer un véritable as- cette insolite «république de Bouregreg», mené des expéditions contre les Dilaïtes, inhumé, à sa demande, près du sanctuaire cendant politique à partir de 1637, étendant un peu sur le modèle de Gênes ou de Ve- vers l’est dans les Angade, ainsi que dans de Sidi Ali ben Hirzihem à Fès. Il laisse sa son pouvoir en sorte de principauté, avec nise. La région passe d’abord sous la tutelle les oasis sahariennes d’El-Aghouat et Aïn place au grand Moulay Ismaïl, qui sera le une forte domination au sein des tribus des Dilaïtes puis est placée, en 1660, sous Madhi. Après sa mort au combat en 1664, premier des Alaouites à régner sur un terri- du Moyen-Atlas où la zaouïa d’Aït Ishaq la tutelle des seigneurs du Gharb. son frère cadet et héritier, Moulay Rachid, toire réunifié.o en serait un vestige. Son contrôle s’étend Au même moment, Marrakech est oc- impose son autorité pour restaurer l’unité Mouna HACHIM

1603 1631 1633 1637 1640 1664 Mort de Mansour Prise de Tabouassamt; Le chef de la zaouïa Victoire de Dahbi. Affrontements Moulay Cherif Ben Ali d’Iligh chassé du Draâ Moulay Rachid entre ses trois fils et fait prisonnier puis sur Moulay morcellement de relâché sans dommage Mohammed l’Empire

1631-1640 1640-1664 Mly Chérif Ben Ali, investi Mly Mohammed Ier Ben Chérif, à Sijelmassa en 1631 investi à Sijelmassa. Décédé le 1er août 1664

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Ces captifs qui construisirent Meknès

Peu de gens le savent, mais les captifs européens ont joué un rôle étaient creusés dans des résidences pri- La population captive fut ensuite vées. Les prisonniers étaient enfermés transférée dans l’ancien mellah avant important dans l’édification de la ville nouvelle de Meknès. Leur dans ces silos et ne devaient en sortir au de céder sa place à l’armée noire. Elle nombre n’est pas connu, mais certains historiens affirmaient lever du soleil que pour aller travailler fut ensuite logés dans un quartier autour dans les chantiers. D’autres sources affir- de l’actuelle mosquée Ezzaytouna, dans qu’ils étaient plusieurs dizaines de milliers, d’origine espagnole, ment que ces populations étaient d’abord un quartier appelé Canut ou Canot, dé- française, hollandaise, britannique. logées à l’intérieur des murs du palais signant les petites cases, maisonnettes de Moulay Ismaïl, non loin de la porte ou boutiques de captifs. Ces derniers se LA Méditerranée et l’océan Atlan- tique étaient les théâtres d’affrontements entre chrétiens et musulmans dans ce que les premiers appelaient la guerre des courses et les seconds, le jihad. A la faveur des activités des corsaires, des ressortissants portugais, français, es- pagnols, britanniques étaient faits prison- niers. Ils servaient de monnaie d’échange et de marchandage. Mais ils servaient également comme main-d’œuvre gratuite, utilisée dans les travaux de construction. Le sultan Moulay Ismaïl ne voulait ni de Fès ni de Marrakech comme capitale de son royaume. Il leur préférait la ville de Meknès. Selon des sources, le roi avait une grande admiration pour le château de Versailles construit par Louis XIV et voulait s’en inspirer dans l’édification de la nouvelle ville de Meknès. Une ville qui fut la plus prospère et la plus belle de tout le Royaume.

Prouesses urbanistiques

L’édification de ce joyau urbain a été rendue possible grâce à une population bien particulière. Il s’agit de 25.000 cap- tifs chrétiens, auxquels s’ajouteront, selon Les Meknassis ne font guère attention à leur si belle Bab el Mansour. Pourtant, la célèbre porte est l’une des plus belles œuvres laissées certaines sources, 30.000 autres ressortis- par Moulay Ismaïl. Une réplique en toile a été exposée sur les Champs-Elysées à Paris. Sa conception fut celle d’un captif renégat, dit sants européens, emprisonnés pour avoir Mansour Laalj. Pierre Loti en laissa une attachante description: «Des rosaces, des étoiles, des emmêlements sans fin, des lignes brisées, des combinaisons géométriques inimaginables qui déroutent les yeux comme un jeu de casse-tête mais qui témoignent toujours, le goût enfreint la loi marocaine ou faits esclaves le plus exercé et le plus original ont été accumulés là, avec des myriades de petites morceaux de terre vernissée, tantôt en creux, tantôt en par certaines tribus lors des guerres de relief de façon à donner de loin cette illusion d’une étoffe brochée et rebrochée, chatoyante, miroitante, sans prix, qu’on aurait tendue sur course. A l’époque, il n’existait pas d’éta- ces vieilles pierres pour rompre un peu l’ennui de ces hauts remparts» (Ph. Archives de L’Economiste) blissement pénitentiaire au Maroc. C’est pourquoi, selon des historiens, ces prison- et d’El mers, respectivement des silos pu- principale. Leur quartier se composait de regroupaient d’eux-mêmes selon leur na- niers étaient enfermés dans deux types de blics et privés. Les premiers appartenaient plusieurs salles rectangulaires où ils pou- tionalité. Et chaque communauté avait silos souterrains. Il s’agit des matmoras à la communauté, tandis que les seconds vaient s’organiser comme ils voulaient. (Suite en page 10) ➨➨➨

1664 1665 1667 1670 1672 1672 Capture du Cheikh A’Ras, Entrée victo- Allégeance Reprise des guerres de succession entre les avec pour conséquence le rieuse du Sultan renouvelée des neveux, les fils et les frères en dépit de coup d’arrêt aux ambitions à Fès Arma de l’intronisation de Moulay Ismaïl; Grands espagnoles et anglaises Tombouctou travaux de Moulay Ismaïl: Meknès et construction de nombreuses places fortes

1672-1727 1664-1672 Moulay Ismaïl Ben Chérif, investi Moulay Rachid Ben Chérif, à Fès le 14 avril 1672. Mort à Meknès investi le 1er août 1664 à Angad le 21 mars 1727

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Ces captifs qui construisirent Meknès ➨➨➨ (Suite de la page 8) son chef ou majordome ou caïd particu- ments a été rendue possible grâce à une cains sont extrê- lier. main-d’œuvre gratuite, celles des captifs Origine géographique des esclaves européens mement rares, et Le sultan fit ensuite construire un européens. Ces derniers ne disposaient au Maroc en 1708 vus par l’historien mellah, quartier réservé aux populations pas d’un savoir-faire dans le domaine de d’aujourd’hui, su- de confession juive. Quatre autres palais la construction. Ils n’étaient employés que Origine Nombre % jets à caution. Les furent édifiés en plus de deux mosquées: dans les chantiers profanes. Espagnols 400 49 archives anglaises, Zouhour et Lalla Aouda. Le roi fit ensuite Portugais 200 24 portugaises et es- bâtir une nouvelle série de jardins, appe- Le «commerce des captifs» Français 200 24 pagnoles conser- lés riads et destinés à ses hauts fonction- vent les listes des Autres 20 2,5 naires. Le sultan Moulay Ismaïl évitait tou- présents offerts ou Aux côtés de ces constructions fu- jours de les charger de construire les Total 820 100 négociés dans ces rent bâties des kasbahs, séparées par de édifices religieux tels que les mosquées, échanges. Leurs grands espaces destinés à l’organisation les médersas ou encore les zaouias. Ils Origine géographique des esclaves européens traces se sont per- de parades militaires. Le sultan aimait se voyaient également confier des tâches au Maroc en 1723 dues. faire admirer ses prouesses urbanistiques telles que le creusement de puits, de silos, Origine Nombre % Signalons que à ses visiteurs chrétiens, dont le Britan- etc. Selon l’historienne Leila Maziane, plusieurs de ces nique John Vendus qui accompagnait ces captifs ne devaient être employés Espagnols 200 27 comptes rendus de el commodore Stewart, le chef d’une qu’au service du Makhzen ou au service Portugais 190 25,5 missions parlent délégation britannique, en 1720. John privé du sultan, qui pouvait les donner ou Français 170 23 de richesses mi- Vendus ne manquait pas d’exprimer son les échanger contre ses sujets en captivité Italiens 100 13,5 nières. Déjà! Elles admiration de la beauté architecturale de en Europe. C’est pourquoi tous ces captifs Hollandais 80 11 parlent en particu- Le «commerce des captifs» Meknès. L’édification de tous ces bâti- devaient être concentrés à Meknès. Total 748 100 lier de cuivre et de Source: Cahier de la Méditerranée fer. Plus étonnant Meknès, la ville par excellence de Moulay Ismaïl, fut la plus belle encore, des as- Un immense chantier ville de son temps et l’est restée longtemps malgré la disparition semblées de mar- de son concepteur, qui voulait en faire une réplique africaine de chands européens CERTAINS captifs avaient pour tâche de démolir d’anciennes construc- Versailles. Pas moins de 25.000 captifs, 30.000 disent certains, y donnent une deu- tions, tandis que d’autres s’occupaient à préparer les matériaux de construction, travaillèrent, souvent dans des conditions effroyables, parfois adou- xième mission à tels que la préparation de la terre argileuse. cies par des largesses épisodiques du souverain. leurs envoyés: étu- Comme l’explique Houssaine Mouannis, dans son ouvrage «L’histoire du dier la possibilité Maroc et sa civilisation», les captifs européens travaillaient dans des conditions Prallèlement à l’emploi dans les de négocier un emprunt auprès des Chérifs. assez dures. Et le sultan Moulay Ismaïl était connu pour son tempérament assez constructions et bien avant l’événement La richesse des Saadiens avait fortement rugueux. Il était tellement exigeant que, lorsqu’il n’était pas satisfait du rythme des Alaouites, les captifs chrétiens fu- impressionné les voyageurs. Cependant, ou de la qualité de travail, il n’hésitait pas à mettre la main à la pâte. rent l’objet d’âpres négociations. quand les missions suivantes arrivèrent, La nouvelle ville de Meknès était devenue un immense chantier. Dans son Ainsi furent-ils dès les grandes croi- elles tombèrent sur l’inter-dynastie, avec architecture, elle ne différait pas beaucoup des autres centres urbains, mais sades européennes vers l’actuel Moyen- ses troubles et ses rivalités, avant que les comportait un grand nombre de mosquées. La ville impériale était entourée Orient, le premier des motifs de contact Alaouites prennent définitivement le pou- d’une muraille de 25 km de long, des travaux plus que considérables pour entre l’Empire chérifien et l’Occident voir. l’époque. médiéval puis celui de la Renaissance. Il n’empêche que les Hollandais obtin- Le roi ordonna la construction d’un palais au sud de la ville, appelé Dar El Les traces attestées les plus anciennes rent, jusque dans les premières décennies Kbira. Une résidence beaucoup plus proche d’une ville que d’un palais royal. sont les «courriers» reçus par le roi des de la dynastie des Alaouites, une sorte de Aujourd’hui, il n’en reste malheureusement que quelques vestiges épars, mal- Français, Luis IX dit Saint Luis, bien pacte de non-agression avec les captifs gré la taille imposante de l’édifice. L’aile principale du palais était composée avant le règne des Alaouites. transformés en corsaire, dont certains de 20 pavillons, entourés d’une enceinte. Et chaque enceinte comportait des Au tout début de la dynastie, de mul- avaient acquis par la force ou par traité tours ornées de zelliges verts et avait vue sur le . Ensuite, le roi fit raser le tiples envoyés officieux ou officiels fu- une certaine indépendance, voire une in- quartier sud pour élargir ses bâtiments. L’espace ainsi dégagé est aujourd’hui rent reçus par les Chérifs alaouites pour dépendance certaine vis-à-vis du pouvoir o connu sous le nom de place El Hdem. o négocier le départ des captifs. Avec des central. bonheurs divers. Les documents maro- Hassan EL ARIF

1678 1690

14.000 hommes sont en Sept années de révoltes, souvent permanence mobilisés dans 1681-84-91 1681-1691 organisées par des membres de la l’armée de Moulay Ismaïl ; ils Libération des Mahdia, Guerres de libération famille royale ; appauvrissement du seront par la suite 150.000 Tanger et Larache menées sous le règne de peuple; les routes de Tombouctou et Moulay Ismaïl contre du Sénégal coupées jusqu’en 1706. l’Espagne, la Grande- La moitié de la flotte corsaire passe Bretagne et le Portugal sous le contrôle du Sultan

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Les voyageurs du Maroc précolonial Derrière les mythes, où est la réalité? Les récits de voyages effectués roc. Certains étaient des explorateurs qui Penryn, en Cornouailles, préfère fuir la bateau, au large de la Galice, est pris par voyageaient par plaisir de la découverte. sévérité de son maître. Il suit son oncle les corsaires de Salé. L’enfant est remis par des étrangers sont souvent A titre d’exemple, citons Thomas Pel- et s’embarque dans un navire marchand au sultan Moulay Ismaïl, qui le convertit les seules façons d’accéder à la low, un enfant anglais qui, à l’école de à destination de Gênes. A son retour, le à l’islam et lui apprend la langue et l’écri- ture arabes. Assez rapidement, le jeune vie des gens telle qu’elle était. homme gagne la confiance du sultan, qui Les plus anciens de ces voyages le marie. Aussitôt après, le soldat part pour une garnison à six jours environ de avaient des buts diplomatiques: Meknès, à la tête de 300 hommes. Vingt- tisser une alliance et rache- trois années passent. Après son évasion et son retour en Angleterre, Thomas Pellow ter des prisonniers. Puis, ces consigne le détail de ses années passées voyages devinrent des explora- au Maroc, dans un récit long et minu- tieux. Des souvenirs teintés de cruauté, de tions commerciales et enfin de joie, de peines et d’émotions. L’ouvrage l’espionnage paraît vers 1743-1745, mais n’a pas eu de succès. Il est réédité en 1890 puis traduit HISTORIQUEMENT, le voyage et enjolivé par Magali Morsy. Et là, ce fut était le plus souvent motivé par des rai- un succès. sons pratiques, et notamment le com- merce ou l’exploration. Dans le Maroc De Foucauld, le prince des précolonial, les gens avaient besoin de se voyageurs déplacer pour communiquer, pratiquer du commerce ou, beaucoup plus excep- Charles Eugène de Foucauld de Pont- tionnellement, explorer de nouvelles briand figure aussi en bonne place parmi contrées. Les voyageurs se déplaçaient les voyageurs étrangers qui ont sillonné à pied ou à dos d’animaux, puisque les le Maroc et laissé des écrits. Il a visité moyens de locomotion modernes, ra- le Maroc en 1883 et 1884 puis publié pides et confortables ne sont apparus «Reconnaissance au Maroc», un livre qu’au cours du XXe siècle. Pour ce qui contenant des informations très riches et est des itinéraires, il y avait les «routes précises sur la nature des échanges, les du sultan», qui étaient balisées par des routes commerciales et l’activité écono- relais de surveillance et des casbahs. La mique des principales localités du Maroc. sécurité était à l’époque assurée par les Ainsi qu’une description scientifique des zettats (ou passeurs), qui accompagnaient reliefs et des paysages, qui lui paraissent les voyageurs et avaient pour rôle de les d’ailleurs particulièrement attachants. Des protéger contre les voleurs et les animaux lieux qui se caractérisent par «la fraîcheur, sauvages, moyennant paiement. l’abondance des eaux et la verdure». Son Vers la fin du XVIIe siècle, des voya- travail apparaît donc en son temps comme geurs européens ont sillonné le Maroc et ouvrant une ère nouvelle dans la connais- ont ensuite laissé des écrits de voyages, Le marché aux esclaves de Jean-Léon Géronne (1866), peint d’après des relations sance géographique du Maroc et lui vaut qui nous donnent aujourd’hui de précieux de voyages de Thomas Pellow, relations revues et embellies, cent cinquante ans la médaille d’or de la Société de Géogra- renseignements. plus tard, par Magali Morsy. Il a fallu tout ce temps pour que l’empire chérifien de phie, et une grande renommée. Ils étaient souvent envoyés par leurs Moulay Ismaïl s’installe comme un mythe en Europe occidentale: esclave, captif, Ce livre a d’ailleurs servi de base aux gouvernements, qui commençaient à harem… Et c’est encore mieux quand tout est mélangé! (Source: Privée) sociologues et anthropologues coloniaux. avoir des visées impérialistes sur le Ma- (Suite en page 14)

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Défaite à la Bataille du Reconquête de la Maurita- Chélif contre le Dey nie, les Ma’quil, Ouled d’Alger, représentant des Dlim… deviennent guich Mort du Sultan Moulay Ottomans Loudaya Ismaïl, à 81 ans, il était 1711-13 monté sur le Trône à 26 Prise de Gibraltar par les Prise du sud de ans; le Trésor est vide, forte Britanniques; début de l’Algérie actuelle hausse des taxes et droits relations avec la Grande- de passage, en conséquence Bretagne Triq 1727-1729Sultan est abandonnée par les caravaniers et le commerce périclite

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Les voyageurs du Maroc précolonial Derrière les mythes, où est la réalité? (Suite de la page 12) Charles de Foucauld était un jeune lent dégoût d’une vie facile et appel de aristocrate de 24 ans, diplômé de l’école l’aventure, de se livrer à une exploration de Saint-Cyr, qui démissionne de l’ar- du Maroc. Sans être chargé de mission Intarissable Louis Chenier mée et décide, pour des motifs où se mê- officielle, il a bénéficié quand même des LE consul Louis Chenier, résidant dans l’empire entre 1767 et 1784, rédi- gea les plus volumineuses relations existantes sur l’empire chérifien. Il le fit sous forme de lettre à objectif commercial. La compilation ne compte pas moins de Jules Verne imagine Tétouan 15 volumes! Louis Chenier représentait les marchands du royaume de France, plus spécialement ceux de Marseille, conformément à un traité entre Sidi Mo- LE plus extraordinaire des écri- hamed Ben Abdallah et Louis XV. Ce traité, signé en 1767, reprenait les terme vains du voyage, Jules Verne, décrit d’un vieil accord entre Moulay Ismaïl et Louis XIV, presqu’un siècle plus tôt. Tétouan, qu’il n’a probablement ja- Ce traité servira de base à l’installation et aux divers privilèges dont jouirent les mais vue ailleurs que dans des récits de représentations étrangères au XIXe et au XXe siècle.o voyages de ses contemporains. Jules Verne a bien croisé en la Méditerranée, à bord du Saint Michel-III. On pense, encouragements d’une élite scientifique. déguisement, bénéficier de l’hospitalité que sans en être sûr, qu’il s’est effective- Il se déguise en rabbin juif, ce qui était toute communauté israélite se doit d’accor- ment arrêté à Oran, Alger, Gibraltar… très original, puisque la plupart de ses der à un rabbin de voyage. Ce n’était pas On a plus de doutes quant à des haltes prédécesseurs se déguisaient plutôt en par amitié pour les juifs, puisque dans son à Tétouan et à Tanger. musulmans ou en Turcs. S’il avait choisi livre, il émet un jugement des plus durs à Toujours est-il qu’un paragraphe la calotte de la belgha noire des juifs du leur égard, leur reprochant «leur avarice», d’un ouvrage totalement méconnu, Maroc, c’était pour des raisons de sécu- «leurs vices», «leur saleté» et leur «lai- «Mathias Sandorf», paru en 1885, rité (pour passer inaperçu) et de commo- deur». La seule société qui comptait pour donne tout un paragraphe sur Tétouan. dité, puisqu’il pouvait alors, grâce à son lui était celle des musulmans du pays. Sur Voici ce qu’il en disait, produit de (Ph. AP) (Ph. son imagination ou pas, qui peut sa- L’écrivain Jules Verne, disparu en 1908, à voir? l’époque des poussées coloniales, reste le spé- Michel Vieuchange se déguise en femme «En cette partie du Rif, les Euro- cialiste jamais égalé des voyageurs en littéra- péens n’ont rien à craindre de la po- ture… mais a-t-il réellement voyagé? Pas sûr pulation indigène, ni des nomades qui MICHEL Vieuchange s’était déguisé en femme berbère, pour visiter qu’il ait vu les villes qu’il décrit… En tout cas, Smara, une ville que jamais aucun Européen n’avait vue avant lui. Le 10 courent le pays. Contrée peu habitée il y a de sérieux doutes sur sa visite à Tétouan d’ailleurs et presque sans culture. La septembre 1930, Michel Vieuchange partit en expédition dans cette région route se développe à travers une plaine semée de maigres arbustes. D’un côté, la largement inexplorée. Il n’était pas certain de l’endroit où se trouvait Smara rivière, aux berges vaseuses, emplies du coassement des grenouilles et sifflet des et ne savait parler ni arabe ni berbère. grillons, avec quelques barques de pêche. De l’autre côté, sur la droite, un profil de Après bien des difficultés et plus de 1.400 km parcourus, il atteignit son collines pelées qui vont se joindre aux massifs montagneux du sud». but puis retourna à la civilisation le 16 novembre dans la ville de Tiznit. Vieu- Le lecteur aura noté le style moderne, qui n’était pas unanimement apprécié à change décéda quelques jours plus tard à , victime de la dysenterie, à l’époque. l’âge de 26 ans. De son aventure, restent ses carnets de route publiés par son Jules Verne poursuit sa description, avec un peu moins de bonheur stylistique. Il frère Jean en 1932, sous le titre «Smara, chez les dissidents du sud marocain s’attache à montrer le souk de tétouan. et du Rio de Oro». A cette époque, les tribus du sud se révoltaient contre l’oc- «Le principal bazar de Tétouan est un ensemble de hangars, d’appentis, de cupation par la France et l’Espagne. Licencié en lettres et fasciné par la Grèce bicoques basses et étroites, sordides en certains points, que desservent des allées antique, Michel Vieuchange était très influencé par des écrivains tels que humides. Partout, de sombres boutiques où se débitent des étoffes de soie brodée, des Saint-Exupéry, André Gide et Paul Claudel. Son raid sur Smara, dans lequel babouches, des aumônières, des burnous, des poteries, des bijoux… Il y avait foule. il a tout investi, jusqu’à se faire enlever une dent en or pour mieux pouvoir se o On profitait de la fraîcheur du matin. Mauresques, voilées jusqu’aux yeux, juives déguiser en femme berbère, venait du désir d’être «un homme d’action». à visage découvert, Arabes, Kabyles, Marocains, allant et venant dans ce bazar, y coudoyaient un certain nombre d’étrangers».o (Suite en page 16)

1727 1728 1729 1730 Début d’une période de famine et de maladies qui dure jusqu’en 1760

1728-1729 Moulay Abdelmalek Ben 1729-1757 Moulay Ahmed Ben Ismaïl, investi le 21 mars Ismaïl, investi le 13 mars 1728. Moulay Addellah Ben Ismaïl, investi 1727. Déposé en 1728, puis réinvesti Mort le 2 mars 1729 le 6 avril 1729. Décédé en 1757

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Les voyageurs du Maroc précolonial Derrière les mythes, où est la réalité? (Suite de la page 14) ces derniers, il émet des appréciations hammed Ibn Abdalwahhab Al Ghassani, nuancées, tantôt critiques, tantôt élo- ministre du sultan Moulay Ismaïl, avait gieuses. Il apprend même l’arabe et un été envoyé en Espagne en 1690-1691 peu de berbère. Et à son retour à Paris, pour libérer des captifs marocains et ré- il cultive l’exotisme, meuble son appar- cupérer à Madrid d’anciens livres sur le tement dans un style maghrébin et revêt Maroc. A son retour, Al Ghassani décrit parfois le burnous. C’est Foucauld qui a la situation sociale et administrative de fait pour la première fois la distinction l’Espagne de l’époque. Et il raconte les entre «bled el makhzen» et «bled es-si- mœurs et la culture des Espagnols. ba». En pays makhzen, nous apprend le Bien plus tard, en 1845-46 puis en voyageur, la sécurité est assurée et il est 1860, Mohammed Seffar et Driss al possible de voyager individuellement et Amraoui ont été respectivement envoyés OCEAN sans escorte. En bled es-siba au contraire, ATLANTIQUE en France. A leur retour, ils ont écrit des il est nécessaire de prendre un zettat, récits de voyages et exprimé leur émer- c’est-à-dire de trouver, parmi les notables veillement. du pays, un homme qui, moyennant paie- En 1919, Mohamed El Hajoui, un ment, acceptera d’assurer à son client la érudit d’origine algérienne, avait fait un protection durant la traversée de la région. voyage en Europe et conseillé au gou- En pays makhzen, existent partout des vernement de moderniser le pays, mais caïds nommés par le pouvoir central et personne ne l’a écouté. En 1922, Moha- chargés de faire régner l’ordre, de rendre med Benabdesslam Essaïeh fait paraître la justice et de lever les impôts. Ces fonc- en arabe «Une semaine à Paris». C’est un tionnaires sont inexistants en pays es-siba. homme de loi qui avait été envoyé pour Autre explorateur qui s’est intéressé donner ses conseils sur l’orientation à au Maroc, Domingo Badia, connu aussi donner à la mosquée de Paris. Une mos- sous le nom d’Ali Bey. C’était un Espa- quée qui avait été construite en hommage gnol autodidacte et très précoce, qui, à 14 aux anciens combattants musulmans ans, était déjà fonctionnaire à Granada. Il morts pour la France. part en 1803, envoyé et financé par son Les Marocains se déplaçaient aussi gouvernement pour inciter quelques tri- en terre d’islam et ont effectué de grands bus à se soulever contre le sultan. Il se voyages en caravane vers la Mecque. Il déguise en prince abbasside, se dit né en fallait souvent une année entière pour y Syrie et descendant du prophète Maho- arriver. Beaucoup ne revenaient jamais. met. Pour justifier qu’il ne maîtrise pas la D’autres, ne pouvant poursuivre leur langue arabe, il explique qu’il a été édu- chemin pour cause de santé... sont restés qué en Europe. en Egypte, au Liban, en Palestine et au Le circuit de Charles Eugène de Foucauld de Pontbriand (1858-1916) au Maroc en Il se conduit comme un musulman Koweït. 1883-84, avec un rabbin géographe, Mardochée Aby Serour. La relation qu’il en fait pieux et annonce son intention d’aller en lui vaut diverses décorations à Paris. Le livre «Reconnaissance au Maroc» paraît en Les commerçants ont commencé à pèlerinage à La Mecque. Ali Bey reste 1888 avec un grand succès en France. Il servira de base aux expéditions militaires voyager à partir du 19e siècle, même si 26 mois au Maroc. Il parcourt le pays et (Source: Livre «Au Maroc en suivant Foucauld 1932)» les grands déplacements vers l’Europe observe le monde arabe avec des yeux étaient alors interdits, l’Occident étant européens. Après l’échec de sa mission en plusieurs langues. On y trouve d’inté- il dresse des plans des villes principales. considéré comme «Dar El kofr». Ce n’est politique, le prétendu prince abbasside ressants détails qu’aucun chrétien n’avait Dès la fin du XVIIe siècle, quelques qu’à partir des années 1930 que les pre- doit quitter précipitamment le Maroc pour pu connaître jusque-là, aussi bien des rares voyageurs marocains ont été visiter miers Marocains sont partis en Europe de échapper à la mort. Il publie ses «Voyages aspects sociaux, culturels, économiques l’Europe. Il s’agissait souvent d’émis- leur plein gré, pour étudier ou travailler.o en Afrique et en Asie». Ce livre est traduit que religieux du monde arabe. De plus, saires de l’Etat ou de commerçants. Mo- Nadia BELKHAYAT

1734 1734 1736 1737 Confiscation des biens de certaines grandes familles fassies, envoyées en exil en Tunisie, Syrie, au Sénégal… Goulimine s’est installée progressive- ment comme la plaque tournante du commerce caravanier depuis la fin du XVIe siècle

1734-1735 1736-1737 1737-1744 Moulay Ali Ben Ismaïl, investi Moulay Mohammed Ben Ismaïl, Moulay Al Moustadi Ben Ismaïl, en sept. 1734, il a été déposé en 1735 investi en 1736 investi en 1737. Décédé à Sijelmassa en 1760

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Si tu veux la paix, prépare… tes kasbahs! Au cœur de l’histoire du Royaume, les kasbahs ont permis d’asseoir les fonde- ments d’un Maroc unifié. Aujourd’hui, beaucoup de ces édifices ont disparu. Que ce soit du fait des conquêtes, des conflits internes, ou simplement sous l’effet du temps, plus de 40% des kasbahs recensées sont redevenues poussière.

QUELQUE 267 kasbahs ont été bâties par les différentes . Beau- coup sont retournées à la poussière. Ce sont les Alaouites qui en ont érigé le plus grand nombre. Moulay Ismaïl a placé les kasbahs au cœur de sa vision militaire, politique et économique. A lui seul, le sultan a fait bâtir plus Moulay Ismaïl a placé ce bâtiment au d’une soixantaine de kasbahs. Ici la kasbah Boulaouane dans la région de Meknès (Ph. Achaabane)

L’appropriation privée

A partir de la fin du XVIIe siècle, dans un contexte marqué par les conflits de la succession de Moulay Ismaïl, les kasbahs sont détournées de leur usage militaire. Elles se transforment en résidences du wali, résidences gardées et for- tifiées. La fonction du bâtiment n’est plus de protéger les routes commerciales, mais plutôt de protéger le notable contre d’éventuelles attaques. Plus encore, plusieurs kasbahs seront bâties au mépris de toutes les règles militaires. Alors que la bâtisse se trouve normalement en hauteur ou dans des emplacements stratégiques, il n’est pas rare de trouver des kasbahs construites dans de riches vallées agricoles. Dès le XVIIIe siècle, alors que plusieurs tribus contestent l’autorité du sultan, nombre de ces casernements deviennent les propriétés de notables locaux, ou des descendants des anciens walis. Petit à petit on ne parle plus de kasbah mais de dar ou de ksar, où l’idée de «palais» domine. Car les kasbahs étaient l’objet de toutes les convoitises et, bien sûr, les premières cibles visées en cas de conflit. Plus que le temps, ce sont ces attaques qui ont fait disparaître plus d’entre elles.o Avec la réunification du Royaume, les kasbahs perdent progressivement de leur usage militaire. Elles se transforment en résidences gardées du wali. La fonction du cœur de sa vision militaire, politique et (Suite en page 20) bâtiment n’est plus de protéger les routes commerciales, mais plutôt de protéger le économique. A lui seul, il en a fait bâtir notable contre d’éventuelles attaques. Ici, la kasbah Chafii (Ph. Achaabane) plus d’une soixantaine. Ce sont souvent ➨➨➨

1741 1750 1755 1757 1764 Premier accord commer- Grand tremblement de terre, dit «de Construction d’ pour cial avec la Hollande et le Lisbonne». La grande mosquée de concurrencer Agadir aux mains des Danemark, dit de «Paix et Rabat (en construction) est détruite. Iligh. Une douzaine de maisons de de sécurité» L’armée est décimée sous les ruines commerce y prospèrent, entre des casernes notamment à Meknès autres, exportations de mules vers les Amériques

1741 1757-1790 Moulay Zine El Abidine Ben Moulay Mohammed Ben Abdellah Ismaïl, investi en 1741 Ben Ismaïl, investi en 1757. Décédé en 1790

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Si tu veux la paix, prépare… tes kasbahs!

(Suite de la page 18) ➨➨➨ les siennes qui sont encore debout. Tra- ditionnellement, les kasbahs sont des édifices strictement urbains. Situées au cœur des grandes villes, elles consti- tuent le noyau de la citée avec la grande mosquée et le marché central. Appelées aussi «Dar el Makhzen», elles abritent le wali, sa famille, ses servants ainsi que des garnisons de soldats. En temps de paix, ceux-ci ont pour mission d’as- surer l’ordre et la sécurité au sein de la cité. Aujourd’hui, ce qui se rapproche le plus de la fonction d’une kasbah serait… le commissariat. Cependant, en cas de siège, ces troupes doivent défendre la ville contre les assaillants. Les portes de la ville sont fermées. Le bâtiment devient Les kasbahs sont faites de murs fortifiés en pisé. Celles-ci ont une forme carrée ou rectangulaire et sont flanquées de tours aux caserne. quatre coins de l’édifice. Cependant, selon la longueur du mur, le bâtiment peut être doté de 4, 9 ou 16 tours. Ici, la kasbah Moulay Rachid près de Fès (Ph. Achaabane)

La réforme de Moulay Ismaïl son de fonction tout confort, où le repré- ment de la ville, pouvait jouir de tous les Par la suite, le lien administratif avec le sentant du pouvoir, malgré son éloigne- avantages dont peut bénéficier un notable. sultan s’est relâché. Le wali finissait par avoir une sorte de cour et sa garnison de Moulay Ismaïl apporte un change- soldats et de cavaliers. Dans certaines ment de taille. Il sort la kasbah de la Comment construire une bonne kasbah? kasbahs, la résidence du gouverneur pou- ville. Celle-ci devient un édifice rural vait même avoir l’allure d’un véritable principalement affecté à la surveillance URBAINE ou rurale, la kasbah possède des caractéristiques distinctives qui palais. Tout ce petit monde vivait aux des routes névralgiques. Elle maintenait en font un édifice unique. frais des tribus locales qui devaient assu- aussi la domination du Makhzen dans les Tout d’abord, celle-ci est constituée de murs d’enceinte en pisé. Ceux-ci peu- rer le vivre et le couvert, souvent plus en- régions éloignées. vent atteindre une épaisseur de 1m70. Si ces murailles sont fragiles en apparence, core. En échange de quoi, ils recevaient Ainsi les kasbahs se transforment- le mélange de terre, de chaux et de paille qui les constitue leur donne une très la protection du Makhzen. elles d’un outil de défense en un instru- grande résistance, notamment du fait d’une méthode de tassage particulière. En Le plus souvent, les troupes de soldats ment politique. Elles ont servi la réunifi- atteste la muraille de la ville de Rabat. Une muraille qui a causé bien des soucis vivaient sous des tentes, dressées hors les cation de l’empire. A chaque campagne au protectorat français. En effet, une fois la ville soumise, il fut décidé d’ouvrir murs. Sous Moulay Ismaïl, on admettait militaire, une kasbah était construite des passages à travers les murs d’enceinte, près de Bab el Hed, notamment. On que les soldats puissent être rejoints par au cœur des terres de la tribu soumise. pensa qu’il suffisait de taper dessus… sans succès. Au final, il a fallu truffer le leurs épouses et leur famille. D’ailleurs, avant de mener une harka, mur de dynamites. Naturellement cette présence alimen- Moulay Ismaïl envoyait ses techniciens Autres caractéristiques des kasbahs, celles-ci ont une forme carrée ou rectan- tait une activité économique non négli- en prospections. Ils déterminaient le bon gulaire et sont flanquées de tours aux quatre coins de l’édifice. Cependant, selon geable, qu’elle soit saisonnière ou perma- emplacement de la kasbah, selon diffé- la longueur du mur, le bâtiment peut être doté de 4, 9 ou 16 tours… voire plus. nente. rents critères géographiques, techniques La kasbah ne doit avoir qu’une seule et unique porte. Pour des raisons mili- Ainsi, entre les différentes guerres, et stratégiques. Du temps de Moulay taires évidentes. conquêtes et reconversions, sans comp- Ismaïl, la kasbah ne pouvait en aucun Par ailleurs, ces édifices devaient impérativement être autonomes pour ce ter les outrages du temps et du climat, ce cas devenir la propriété du wali. Celui- qui est de l’approvisionnement en eau. De fait, ceux-ci se trouvent généralement sont plus d’une centaine de kasbahs qui ci pouvait être démis de ses fonctions, près de cours d’eau ou de fleuves. Autrement, des puits sont creusés à l’intérieur, ont disparu, pas loin de la moitié de celles et prié de quitter les lieux sous ordre du pour soutenir de longs sièges sans avoir besoin d’être approvisionnés en eau de dont on connaît l’existence.o l’extérieur.o sultan. C’était, en quelque sorte, une mai- O. A.

1767 1786 1790 1790

Premières exporta- 1767-1770 1777-1783 A Tombouctou, la 1788-89 Graves exactions contre les tions de céréales, Traité avec la France; Nouvelle disette prière est dite au Le prince Moulay Yazid pille Juifs, commanditées par Moulay disputes entre pour la première fois le plus invasion de nom du Sultan la caravane organisée par son Yazid, dès son accession au religieux pour concept de «protégé» est criquets, le sultan père vers La Mecque. De trône. Deux ans plus tard, il savoir si employé. Reprise de la ouvre ses silos à la retour au Royaume, il fait meurt dans un affrontement avec l’exportation était navigation de course, population. 1/6e de alliance avec les esclaves son frère Moulay Hicham licite bombardement de Rabat la population révoltés contre le Sultan, et de Larache. Persécu- disparaît qui pardonne toujours tions contre les zaouïas, les saints et les moussems au nom de la pureté de 1790-1792 type wahhabite Moulay Al Yazid s’est fait proclamer dans le sanctuaire de Moulay Abdessalam Ben M’Chiche

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Quand les silos à blé débordaient! Période de vaches grasses, de vaches maigres. Le makhzen avait pour but de subvenir à sa propre sub- sistance et de s’assurer par des ventes à l’étranger une source occasionnelle de revenus. Il avait parmi ses fonctions principales celle de régler le marché des grains.

LES sept années d’abondance coexistent avec les sept années de fa- mine. Les rois alaouites avaient une stra- tégie pour la gestion des ressources. Ils mettaient dans des silos ou «mers» du blé, en prévision de la période maigre. Ceci montre que la nutrition des Maro- cains était basée sur les céréales. C’était aussi pour faire face à une économie de rareté (plus un bien est rare, plus il est cher) ou encore à des aléas de la séche- resse (les essaims de criquets pèlerins ont fait leur apparition 32 fois de 1800 à 1912). La famine pouvait arriver à tout moment. Le besoin de stocker la nourri- La darse originelle du port de Casablanca au XIXe siècle, c’est là que les céréales transitaient... Mais attention! C’était à l’exportation! (Ph. Marcel Flaudrun - Collection Privée Fondation Education et Culture Groupe Banque Populaire) ture s’est fait vite sentir. Jusqu’aux années 1870 et depuis en avoir prélevé ce qui est nécessaire réseau de kasbahs mis en place par Mou- Celui bâti par Moulay Ismaïl à un siècle au moins, le makhzen avait pour l’entretien de ses maisons, de ses lay Ismaïl. Le makhzen avait d’autre part Meknès en comprenait plusieurs qui se pour but essentiel de subvenir à sa soldats et matelots, auxquels il fait sou- fait construire des greniers monumen- visitent encore. Ces greniers massifs, propre subsistance et de s’assurer par en pisé, consistaient en une série im- des ventes à l’étranger une source occa- Vente pressionnante de salles allongées, re- sionnelle de revenus. Il avait, parmi ses couvertes d’une terrasse dans laquelle fonctions principales, celle de régler le EN 1886, le makhzen a dû mettre en vente 600 t d’huile de ses réserves les grains étaient déversés par des ori- marché des grains. de Marrakech. Le registre des amin-s ez-zit en fonction de mars 1878 à fices ménagés dans les voûtes. Leur A titre privé, le makhzen avait la décembre 1885 montre qu’à leur entrée en charge, les stocks se montaient construction et leur multiplication dans possibilité d’en tirer de nouvelles res- à 977 t. Durant cette période de six années, les sorties s’élèvent seulement l’immense enceinte de dar el-makhzen sources en profitant des fluctuations du à 223 t contre 1.436 t pour les entrées. Il est vrai que la plus grande part de illustrent l’obsession de sécurité carac- marché. Dans un intérêt public, il a joué la dîme des plaines atlantiques était dirigée vers les ports, mais l’aire d’ap- téristique du pouvoir à cette époque. un rôle modérateur en renversant les provisionnement des silos des trois capitales s’élargissait aussi. Fès recevait A Fès, les réserves les plus impor- tendances des prix et en atténuant les désormais les céréales du Gharb et du Baht, Marrakech celles d’une grande tantes étaient celles du «Hri de Bu crises de subsistance. partie du Sud. Jlud», du nom des bâtiments et jardins Les sources financières étaient rares Enfin, les agadir-s avaient pour mission le contrôle et la surveillance aménagés par Moulay Hassan entre dar à l’époque précoloniale. De ce fait, le des réserves alimentaires. Les greniers collectifs du pays amazigh repré- el-makhzen de Fès Jdid et Fès Bali. De sultan a instauré l’impôt canonique qui sentaient le plus haut degré d’organisation et d’intégration connu dans la l’autre côté de Fès Jdid, vers le Mellâh, se paie en nature (denrées, laines…). société rurale.o le hri de Bab Es-Semmarin, existe tou- Ces «revenus» sont stockés dans des jours. magasins dans les chefs-lieux de pro- vent distribuer du blé et de l’orge. Cette taux à l’intérieur ou à proximité de ses Le makhzen utilisait aussi des vinces. Le sultan les fait revendre après large décentralisation s’explique par le palais (parfois abandonnés). (Suite en page 24)

1792 1815 1816 1822 Congrès de Révolte de trois 1790-1800 1792-1800 Vienne qui ouvre grandes tribus berbères, La peste tue la moitié Arrêts des persécutions et pour les les Aït Atta, Senhaja et de la population ; réhabilitation des zaouïa, Européens la Zenetes; le sultan est 65.000 morts unique- saints et moussems. Les course vers la fait prisonnier quelques ment à Fès ; les deux incursions de Napoléon en colonisation jours, mais traité avec tiers des terres Egypte inquiètent l’Empire le plus grand respect et cultivables sont à chérifien, qui refuse de raccompagné avec l’abandon; la popula- participer au blocus contre escorte d’apparat tion tombe, estime- la Grande-Bretagne t-on, à trois millions 1792-1822 1822-1859 d’habitants, comme Moulay Slimane a été proclamé souverain Moulay Abderrahman a été investi par deux siècles plus tôt à Fès dans le sanctuaire de Moulay Driss II les oulémas, les chérifs et notables de Fès

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(Suite de la page 22) Quand les silos à blé débordaient! «mers» à El-Hajra es-Srifa près de la sultan envisageait d’exporter pour son du hri de Fès (1858-1868), les besoins en l’époque, la monnaie marocaine a connu ville, à la kasbah des Chrarda au nord- compte des céréales, comme durant les orge excédaient les revenus réguliers du une crise. Les makhazines pleines ont ouest de Fès Bali et à Sidi Ali el-Mzali. étés 1850 et 1855. Pour que les «hri» makhzen dès que la récolte n’était pas permis de contrôler le marché écono- Dans le Haouz, la dîme n’était pas ras- et les «mers» ne se vident pas, les pro- bonne (1864, 1867 et 1868) ou dans des mique. Ainsi, les «mers» assumaient un semblée à Marrakech, mais répartie entre vinces atlantiques payaient en espèces et circonstances exceptionnelles. C’est le rôle économique, de réserves et surtout le silo de Guéliz, à l’ouest de la ville, les provinces intérieures par une partie cas de la guerre de Tétouan qui a éclaté social durant les périodes de crise. celui fortifié de Tahannawt et certains de la récolte. fin octobre 1859. Elle a multiplié brus- Le bilan global montre un équilibre points secondaires tels que Tamesloht ou A noter que l’essentiel des sorties quement les sorties d’orge à partir du 26 presque parfait des entrées et des sor- Chichaoua. Cette dispersion de magasins du makhzen s’explique avant tout par le coût élevé de leur construction ou de leur creusement. Il est possible aussi que l’on ait cherché à sécuriser les lieux en cas de troubles ou si les magasins principaux se trouvaient combles. Leur contenu fluc- tuait largement en fonction des récoltes. Dans les ports, le makhzen stoc- kait ses grains dans les magasins de la douane, attestés depuis que Sidi Mo- hammed ben Abd Allah avait autorisé les exportations de céréales. Les magasins étaient gérés par les percepteurs. Dans les capitales, cette charge était attribuée à des fonctionnaires spécialisés appelés amin-s el-amras, sous le contrôle du mu- htasib. Leur tâche était d’ordre adminis- tratif (réception et livraison des grains) et surtout technique (contrôle des qua- lités, tri du meilleur blé à fournir au Pa- lais, etc.). Le stockage de l’huile d’olive était assuré de la même manière par des amin-s ez-zit (l’huile). A chaque «hri» ou «mers» était as- signée une aire géographique d’appro- visionnement. Les grains étaient prin- cipalement fournis par les domaines du makhzen et par la dîme (les impôts). La Les silos d’aujourd’hui ne ressemblent en rien à ceux d’autrefois, ni par la taille, ni par la sécurité (Ph. Archives L’Economiste) généralisation du paiement en grains de la dîme dans les années 1880 a consti- de grains était destiné au makhzen (l’on novembre-25 décembre 1859 pour les ties. Ce qui révèle une cohérence de la tué un retour à la fiscalité du début du parle aussi de la cuisine du palais): maintenir à un très haut niveau. Quoique politique d’achats prévisionnels. Dans XVIIIe siècle. A la fin de ce siècle, le «Mouna» en blé du palais, nourriture en le cessez-le feu eut été signé dès le 25 le cas inverse de surabondance des ré- choix de paiement en grains ou en es- orge des animaux et semences des do- mars 1860 jusqu’au 11 mai-9 juin 1861, coltes, le makhzen se retrouvait encom- pèces était libre. Le système, en raison maines. Comme ses besoins variaient date à laquelle le sultan quitta Fès pour bré de réserves qui excédaient largement des fraudes qu’il entraînait, aurait été moins que les récoltes, la gestion des Meknès. Après la guerre de Tétouan, les ses besoins. Mais il n’entendait vendre remplacé sous Moulay Slimane par une réserves se trouvait exposée aux risques impôts sur la récolte ont été réinstaurés. qu’en cas de pénurie et ne pouvait écou- contribution unique en argent. Les pro- de déficit ou de pléthore (surabondance). Le congrès de Madrid en 1880 avait ler avant de longues années. Les réserves vinces atlantiques, elles, payaient ordi- Pour se couvrir du premier risque, on instauré l’impôt agricole le «tertib» avec étaient ainsi exposées à la dégradation.o nairement en espèces, sauf lorsque le procédait à des achats. Selon les comptes la bénédiction des pays étrangers. A Fatim-Zahra TOHRY

1822 1828 1830 1844

Déposition tempo- Défaite d’Isly; bombar- La flotte britannique 1834-1835 1844-1845 raire du Sultan, qui dement de Tanger et de devant Tanger, début des Pour la première fois une La débandade de abdique et désigne Mogador par Joinville; grandes pressions épidémie de choléra Oued Isly, son neveu, Abderrah- les tribus avoisinantes coloniales, militaires et La marine autrichienne attaque venue du Delta du signature du traité mane Ben Hicham pillent Mogador financières Larache, Tétouan et Azila. Occupation Gangue de Lalla Maghnia de l’Algérie par la France avec pour conséquence un afflux de réfugiés dans le nord du Maroc; expédition de Tlemcen, soutien à Abdelkader, la flotte de guerre ne compte plus que 3 à 5 navires, l’armée n’a que 35.000 hommes, 65.000 sont éventuellement mobilisables dans les tribus guich

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Il s’en passait de belles dans les villes impériales… Célébrations et deuils, ganes du makhzen. Dans ce périmètre dé- san 1er reçoit la Baïâ, il fait limité, les événements relatés font ressor- face à de sérieuses difficultés révoltes et allégeances, fêtes et tir un trait de caractère remarquable: les pour l’allégeance de Fès, par disettes… l’histoire des villes malheurs sont liés aux caprices de la na- ailleurs la plus importante. ture et aux mouvements sociaux, les heurs Motif: le mécontentement impériales est ponctuée par pour leur part sont associés aux joies du des tanneurs de la cité quant l’émotion. Curieusement, l’his- sultan et aux célébrations religieuses. au niveau des taxes, jugé ex- Les plus grands des malheurs furent, cessif. Mécontentement qui toire a été très sélective, pas sans nul doute, l’œuvre de désastres na- bascule vite dans l’insurrec- forcément pour retenir l’histo- turels. Sécheresse, famine, peste et autres tion de la corporation. épidémies dévastatrices, crues et inon- En 1904, c’est au tour riographie officielle, d’ailleurs. dations, criquets pèlerins voraces… ont des tanneurs de Marrakech Elle se souvient du sultan mis le makhzen à mal et ont même quel- de se soulever, également quefois dangereusement réduit l’effectif pour des raisons écono- des tolbas, mais a oublié les de la population. Des catastrophes face miques. Revendication: tout licences de l’Aïd el Miloud… auxquelles le Maroc paysan, en première ni plus ni moins qu’abroger ligne, fut à chaque fois lourdement tou- l’impôt. Dans ces deux cas ché, alors que les récits ont souvent né- (il y en eu d’autres), le refus FÈS, Marrakech et Meknès sont les gligé cette facette de l’histoire. de l’impôt était soutenu par «villes impériales»: les historiens pré- Derrière les remparts des cités, les des forces religieuses qui fèrent limiter la définition aux cités éri- malheurs marquants sont le plus souvent espéraient ainsi, dans ces gées par les dynasties successives, avec le résultat d’une accumulation de tensions régions, accroître leur pou- comme vocation initiale de jouer le rôle sociales qui donnent lieu à des soulève- voir, peut être le prendre, de capitale: accueillir le sultan et les or- ments et des mouvements sociaux, par- tout simplement. ticulièrement pen- Côté joie, l’histoire re- dant les périodes tient les fêtes officielles et d’interrègne, où les rendez-vous religieux. les querelles de Au premier rang, la fête du Historiquement, Fès est parmi les trois villes impé- pouvoir et les op- Trône. Puis les deux grandes riales du Maroc. Erigée par des dynasties successives, positions d’inté- fêtes sunnites, auxquelles elle est considérée comme le berceau du Maroc. Les rêt s’exacerbent. s’est greffée la célébration , dynastie après dynastie, ont eu à cœur d’y C’est d’ailleurs le de Aïd El Miloud et la cé- résider régulièrement. Elle a été l’enjeu de grandes seul moment où lébration d’origine chiite, luttes entre campagnes et cités (le fantasme des Fassis les corporations, la Achoura. Ce dernier évé- face aux ruraux n’est pas tout à fait éteint chez tout le monde…) et aussi le cœur de révoltes contre la moder- groupements d’in- nement fut par contre un nisation du Royaume au XIXe siècle, en particulier térêt commun, rendez-vous particulière- la révolte des artisans contre les impôts quand Moulay peuvent tenter de ment singulier, où une brise Hassan 1er a voulu normaliser et rendre plus égali- faire valoir des de liberté soufflait sur la taire la charge fiscale (Ph. Archives de L’Economiste) revendications au- gente féminine: les hommes près du makhzen. restaient à la maison, les Baiâ. L’événement, qui était financé par Où chaque profes- épouses sortaient et jouissaient des plai- les sultans, notamment Sidi Mohammed sion, la herfa, fait, sirs de la vie. Ce qui est bien illustré par Ben Abdellah, était haut en couleur: cos- si l’on peut dire, du le refrain «hada ichour, ma âlina lehkam tumes, poésies, chants et danses. L’on se La célébrissime sortie du sultan Abderrahman. L’œuvre est d’Eu- «lobbying». L’un a lalla, Aïd El Miloud tay hekmou rrejal permettait même de parodier le sultan. gène Delacroix, l’un des peintres qui ont brossé des tableaux des plus grands a lalla». Cet aspect s’est complètement Des moments de liberté et de désin- pour l’Histoire. L’artiste découvre en Afrique du Nord d’autres troubles a eu lieu à perdu. Une autre célébration surprenante hibition qui devaient certainement être couleurs, d’autres visages, des ombres et des lumières… Durant Fès. Vers la fin du porte le nom de «Soltan attalba», le cé- attendus toute l’année par les «potaches». son périple en Algérie et au Maroc, Delacroix fait des croquis sur XIXe siècle, à la lèbre sultan des étudiants. Elle fut initiée On ne sait pas si cette fête servait aussi son carnet de voyage qui seront repris sur toile, des années plus mort de Moham- par Moulay Rachid à Fès, pour rallier le d’observatoire politique, comme ses équi- tard. Ce qui explique que l’onirisme y ait souvent pris le pas sur le med IV et alors monde estudiantin à sa cause. C’était en valents en Europe. o réalisme (Ph. Mémorial Delacroix) que Moulay Has- quelque sorte l’occasion de renouveler la O. Z.

1856 1859 1845-1851 1854-1855 Traité de commerce avec la Grande- Après la défaite d’Isly, Retour du choléra à Bretagne, le concept de protection est une crise alimentaire partir de l’Algérie. étendu. Tous les Marocains peuvent s’est déclenchée. La L’épidémie a fait des devenir «protégés». Un seul consul, population a dû manger dizaines de milliers de comme celui des Etats-Unis, aura des herbes comestibles, morts plusieurs centaines de protégés, dans racines et tubercules tous les domaines d’activités. Dans sauvages certains cas, le protecteur reprend les 1859-1873 biens des protégés endettés ou dispa- Sidi Mohammed IV a reçu les actes rus. La France, l’Espagne et la Prusse d’allégeance alors qu’il se rendait réclament le même traitement de Marrakech à Meknès

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Moulay Slimane et Napoléon Un ratage qui dure encore… LE sultan Moulay Slimane (1790- grand conquérant. Aussi, quand ce dernier 1822) est souvent présenté comme le sul- lui envoya une missive lui demandant la tan de la fermeture du Maroc. fourniture de quelque «mille chevaux de Il était, certes, sceptique comme l’élite bonne race marocaine», le sultan décida, de son temps, vis-à-vis de tout projet de après concertation avec son ministre, Mo- relations continues avec les pays occi- hammed Ben Hadj Abdeslam Slaoui, de dentaux, mais il n’était pas fermé à tout lui offrir onze beaux chevaux couverts de contact. Contemporain de l’empereur somptueux harnais. français Napoléon 1er Bonaparte (1804- Le convoi arriva à Marseille le 6 juillet 1815), et bien au courant de ses guerres et 1807 commandé par l’envoyé du sultan, de ses victoires en Egypte et en Europe, Hadj Driss Er-Rami, accompagné du Moulay Slimane voulait mettre le Maroc marchand français Jean Larbre Clément à l’abri d’une éventuelle convoitise de ce qui avait son négoce à Larache. Les onze

L’empereur des Français a employé l’essentiel de son règne à parcourir l’Europe avec ses armées. Napoléon a même occupé l’Espagne durant un laps de temps, dont les Espagnols ont gardé le pire souvenir. La nourriture de ses armées était un problème constant d’où la recherche d’approvisionnements extérieurs, comme la demande faite à Moulay Slimane d’envoyer 5.000 taureaux. Le sultan a refusé mais a offert en échange une troupe de chevaux. Qui ne faisaient pas l’affaire de l’intendance impériale chevaux de Moulay Slimane traversèrent un refus catégorique. L’affaire s’est résolue la France de Marseille à Paris via Lyon. par les chevaux offerts à Napoléon Bona- Napoléon 1er, empereur des Français, re- parte. çut le convoi sultanien le 6 septembre 1807 La méfiance de Moulay Slimane alla au palais de Saint-Cloud (un nom que l’on jusqu’à lui faire refuser l’offre de restituer retrouvera dans l’histoire marocaine!). Il est les présides à l’empire chérifien. Napo- Moulay Slimane est resté dans l’histoire comme le plus fermé des sultans, ce qui n’est pas tout à préciser qu’avant ces petites «intentions léon venait d’envahir l’Espagne. Il fait à fait exact. Il entretint des liaisons régulières avec les gouvernements européens, qui l’ont sans cordiales», la France avait essuyé un refus cette offre à Moulay Slimane dans l’espoir doute cru plus puissant qu’il n’était. On lui doit une erreur politique dont les conséquences marocain. que l’empire chérifien soutienne l’empire durent encore. Napoléon, qui occupait l’Espagne pour un temps très court, lui avait offert de Le consul français Michel-Ange d’Or- français dans la guerre engagée contre la rendre les Présides Sebta et Mellilia à l’empire chérifien. En échange, l’empereur français nano avait en effet sollicité, au nom de son Grande-Bretagne. demandait un soutien dans la guerre qu’il voulait entreprendre contre l’Angleterre. Moulay empereur, l’importation de 5.000 taureaux Le problème des présides n’est tou- Slimane a refusé (Ph. Bank Al Maghrib) marocains. Moulay Slimane avait opposé jours pas résolu…o

1860 1862 1873 Convention de 1859-1860 Traité espagnol avec 1861-1862 1862-1878 Tanger avec la La guerre de Tétouan et des conditions désas- Famine et épidémie du L’Empire parvient à France, à des condi- le complot hispano-bri- treuses; l’Empire est choléra. Entre 10.000 et payer les dettes car la tions léonines tannique pour organiser asphyxié 20.000 morts enregis- situation économique l’asphyxie financière du trés parmi la Harka du s’améliore Maroc Sultan Mohammed IV

1873-1894 Moulay Hassan Ier désigné Prince héritier a été investi à l’unanimité

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«Babour Bar», une naissance non désirée

Considéré comme un intrus contraire aux préceptes de l’Islam sortir de sa crise, selon ces puissances. rent en 1923 entre Sidi Kacem et Fès. Il Mais la réalité était de faciliter la co- fallut attendre quatre ans, jusqu’à 1927, par la société très fermée du XIXe siècle, le train et ses rails lonisation du pays et l’exploitation de ses pour que les trains puissent parcourir la se sont intégrés après l’acte d’Algésiras. Le chemin de fer a richesses notamment les mines. totalité de la ligne entre Tanger et Fès. d’abord transporté les troupes et les minerais, avant de devenir La ligne Tanger-Fès a été concédée L’activité débutera avec un trafic timide: à une compagnie franco-espagnole qui 90.000 billets vendus et 5 millions de aujourd’hui le premier transporteur du phosphate et le transport se chargeait de l’étude, des travaux et de voyageurs/km (l’unité de compte des préféré des couches moyennes qui partent en vacances… l’exploitation de la ligne. Les français cheminots). Conscients que cette partie participaient avec 60 % au capital de la du territoire marocain sera par la suite LA construction des chemins de on trouve une autre tendance utilitariste, société et le reste par la partie espagnole. sous occupation espagnole, les Français fer au Maroc n’a pas été réalisée dans mais minoritaire, qui est pour la moder- La Compagnie TF a été créée à Casa- ont opté pour un réseau d’écartement de le calme. Elle a été refusée par la so- nisation du pays sous la direction de l’Oc- blanca en juin 1916 avec un capital de 15 0,60 mètre au lieu d’une voie normale ciété. Elle a également donné lieu à une cident. Au sujet de la réforme du pays via millions de Francs. La concession était comme les voies d’aujourd’hui. Ils savent confrontation d’intérêt des grandes puis- le lancement des grands sances étrangères de l’époque. A la veille travaux d’infrastruc- du protectorat, le train comme tous les tures y compris le che- min de fer, le sultan navigue entre ces deux Voie 0,50 tendances. Mais le dernier mot OUTRE la voie normale qui a resta aux conservateurs remplacé par la suite celle de 0,60, il influencés par les Oula- faut rappeler que le Génie de l’armée mas qui ont trouvé une française a entamé de mai à juillet appellation populaire 1908 la construction d’une ligne pour le train: Babour de chemin de fer de voie 0,50 m en Bar (bateau terrien). traction animale. Cette ligne reliait Malgré toutes les pres- Casablanca et Berrechid, par la val- sions, Moulay Hassan lée d’Oued Bouskoura sur 40 km. opposa une résistance 12 heures étaient nécessaires pour constante, énergique parcourir ce tronçon par des mulets mais pas toujours vic- Les trains n’entrèrent pas facilement dans le paysage marocain de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. qui marchaient au pas. L’inaugura- torieuse. Quant à Sidi Les sultans étaient favorables à ce qu’ils considéraient comme un progrès technique, pour aider à sortir tion de cette ligne a eu lieu le 12 sep- Mohammed, il avait, le pays de son arriération économique et sociale. Mais ils se heurtèrent à l’opposition des religieux. Il a tembre 1908. Ce chemin de fer a dis- déjà en 1866, repoussé fallu attendre que le protectorat pèse de tout son poids pour poser, comme sur cette photo de la Collection paru après la construction de la voie les premiers projets de Flandrin, les premiers rails (Ph. Collection privée Fondation éducation et culture/Groupe Banque populaire ) 0,60m en 1913. o Mosselman, qui fut ad- ministrateur du Crédit agricole et de la prévue pour jusqu’au… 31 décembre très bien que par son faible écartement, société Veille Montagne. Il proposait de 2001 ! Les travaux commencèrent en ces lignes ne pourront être transformées projets arrivant de l’Occident chrétien ont créer une ligne de Mogador à Marrakech mars 1917 au départ de Sidi Kacem et en ultérieurement en lignes commerciales. été rejetés par la majorité des marocains. et une autre de Ceuta à Tanger et de Té- octobre au départ de Tanger. Mais il faut noter qu’avant la ligne TF, Il s’agit d’un sentiment de refus exprimé touan à Larache. Les demandes répétées le génie militaire français a entamé les par une société renfermée sur elle-même des Français de 1878 à 1885 en faveur La première ligne: travaux de construction des premiers après plusieurs échecs militaires (guerres d’un chemin de fer entre Fès et Oran ont tronçons du réseau ferroviaire de la voie d’Isly et de Tétouan) et une situation éco- été rejetées. Fès-Sidi Kacem 0.60 m dès la fin de 1911 dans le cadre de nomique désastreuse. Ce sentiment a été L’introduction des chemins de fer la pacification du pays. Le matériel était soutenu par le courant identitaire domi- au Maroc ne sera pas une décision ma- La première ligne ouverte a été celle amené dans les ports de Casablanca et nant à l’époque qui refuse catégorique- rocaine. Ils ont été imposés par les puis- de Sidi Kacem-Meknès le 1er juin, Fès Kénitra (Port Lyautey) et, via l’Algérie, ment toute réforme ou modernisation du sances étrangères dans le cadre d’une en octobre de la même année. Les pre- à Oujda. La construction fut amorcée au pays émanant de l’étranger. A l’opposé, vision de réforme du pays pour le faire miers trains de voyageurs du TF roulè- ➨➨➨

1880 1892

Conférence de 1892-1899 Madrid Typhoïde et famine provoquent une mortalité collective 1878-84 1882 et 1886 forte Moulay Hassan Ier Sècheresse et famine; Deux expéditions du Sultan repousse la demande épidémie de typhus, avec une m’halla de 20.000 de créer des sortes de choléra et variole. Tanger, personnes pour faire face aux concessions étrangères seule, échappe aux mala- pénétrations étrangères, avec droit de police et dies, grâce aux mesures pressantes et nombreuses. de justice (comme en sanitaires Interdiction de l’esclavage Chine)

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«Babour Bar», une départ de ces trois villes. A la veille de Caïd Omar. C’est une date qui compte la guerre de 1914-1918, plusieurs lignes dans l’histoire des chemins de fer du ont été livrées à l’exploitation. Il s’agit de Maroc: si vous voulez faire plaisir à des Casa-Rabat, Casa-Berrechid, Port Lyau- cheminots, montrez que vous connaissez tey-Salé, Port Lyautey-Méknes et Oujda- cette date! A partir de 1920, les chantiers M’Soun sur 204 km. de construction du chemin de fer à voie A noter qu’à cette époque, il n’y avait normale vont entrer en activité pour la pas encore de route en service. Le che- ligne Tanger-Fes. min de fer à voie 0,60 m s’était enrichi de 515 km de lignes et, le 31 juillet 1921, en Bataille d’écarts… présence du Maréchal Lyautey, les deux tronçons de la grande rocade Marrakech- De même pour le reste du réseau du Oujda, via Casa, se soudaient près de Dar Chemin de fer du Maroc (CFM) dans le Percées éphémères On enregistre toutefois quelques per- de Dar-Dbibar, à 4 km de là. Toujours à cées éphémères. La première, à l’époque Larache où débarque le matériel. Il s’agit de Moulay Hassan Ier est restée célèbre et des rails fabriqués par Creusot et « une jo- fait encore polémique dans l’histoire poli- lie petite machine et deux amours de wa- tique. Le gouvernement belge avait offert gons salons» livrés par les usines de De- une locomotive et une petite voiture ac- cauville. L’acheminement de ce matériel compagnées des éléments de voie de 600 a été une rude besogne. « Chargés sur des mètres. Le tout fut débarqué à Larache en chariots auxquelles on dut atteler jusqu’à décembre 1887. La présentation au Sul- soixante mules, les wagons, la locomo- tan a eu lieu à Meknès dans les jardins tive et les rails mirent quatre longs mois à Prise par Gabriel Veyre en 1905, le Sultan Moulay Abdelaziz, cette photo en tirage albu- de l’Agdal. Les rails avaient été posés en nous parvenir, à travers 150 km de pistes miné n’est revenue au public que récemment. Elle figure dans le beau livre de Venise cercle sur une longueur d’un kilomètre. en plein désert », se rappelle Veyre. Se- Cadre, édité à l’occasion de l’exposition «60 ans de photographies marocaines » en 2010. Moulay Abdelaziz n’a pas pu imposer la construction des chemins de fer. Il tenta La même année, une voie ferrée de 2 lon ce dernier, le Sultan a été très patient de convaincre les opposant par la vertu de l’exemple, mais rien n’y fit: les rivalités des km environ fut construite à Rabat. Elle de voir son train. La pose de la voie et le puissances occidentales sur cette question affaiblirent considérablement sa position prenait naissance au port sur le Boure- montage du matériel roulant commencè- greg et traversait le souk Gzel vers une rent aussitôt les caisses ouvertes. Mais le cadre d’une autre concession accordée tuer une société anonyme au capital de 50 carrière de pierres en longeant l’actuelle rêve du Sultan sera gâché. Selon Veyre, par le gouvernement marocain le 29 juin millions de francs. Il s’agit de la Compa- rue El Alou. Une autre expérience tentée on n’arrive pas à retrouver les roues de la 1920. Les concessionnaires étaient : gnie des chemins de fer du Maroc (CFM) plus tard en 1901 par Moulay Abdelziz locomotive qui n’arrivent jamais à parve- -La Compagnie générale du Ma- créee le 10 février 1922. La concession qui avait une admiration déclarée pour nir en dépit des réclamations adressées. roc (elle a été fondée en 1912 avec les prenait effet le 28 février 1921 et de- la technologie occidentale contrairement Mais le Sultan décida qu’on le remorque- banques du Consortium crée en 1904 vrait prendre fin le 31 décembre 1999. à l’esprit dominant à l’époque au sein de rait au moyen de mules ou de cheveux. Il pour le prêt de 62 millions de francs au La concession concerne au début six la société. Les gardiens des traditions re- ne voulait pas davantage attendre, selon gouvernement marocain). lignes. Il s’agit de Marrakech à Sidi Ka- prochaient à la locomotive «son haleine Veyre. Deux kilomètres de voie, à peine, -La Compagnie Marocaine (adjudi- cem avec raccordement sur le TF, Fès à pestilentielle souillant la si pure atmos- étaient en place que le Sultan s’offrit le cataire, avec la société du Creusot, des Oujda, Casablanca à Oued Zem. Par la phère du Maghreb». Derrière cela, bien plaisir de s’y faire promener. « Après travaux du port de Casablanca). suite deux autres lignes ont été ajoutées entendu, une constante lutte de pouvoir quoi, satisfait, il oublia son chemin de fer. -La Compagnie des chemins de fer de pour assurer l’exportation du phosphate entre les religieux et le palais. Les rails en sont aujourd’hui enterrés pro- Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM) de Youssoufia via Safi et le manganèse Selon ce dernier, le Sultan veut un fondément. On ne les voit plus, nul n’y -La Compagnie des chemins de fer de de Bou Arfa par Nemours (port situé en train de voie étroite pour lui permettre songe plus », conclut Veyre son chapitre Paris à Orléans (PO). Algérie à 75km d’Oujda). La ligne Oujda d’aller de son palais à Fès à ses jardins réservé au train du Sultan. o Les concessionnaires devaient consti- à Bou Arfa a fait l’objet d’une troisième

1894 1896 1904 1902-1908 Révolte de Jilali Ben Driss dit Bou Hmara. Arrêté et Renouvellement de enfermé dans une cage. La l’allégeance du chef Ma photo de cette scène Al Aynayn à Marrakech. - Quatrième emprunt internatio- servira en Europe pour nal; Paris et Madrid se partagent Le chef saharien avait, justifier la colonisation l’année précédente, forcé le Maroc 1894-1908 les Britanniques à se retirer du Cap Juby - Arrangement franco-britan- Moulay Abdelaziz a été intronisé grâce nique: l’Egypte pour Londres, le à son chambellan Ba Ahmad Maroc pour Paris

Novembre 2010 29 naissance non désirée concession accordée le 6 avril 1927 aux CFM et la société des Mines de Bou Arfa. Les deux concessionnaires vont créer une société anonyme au capital 5 millions de francs. Elle aura comme dénomination: la Compagnie des chemins de fer du Ma- roc oriental (CMO). Elle devait prendre fin le 31 décembre 1979. Pour la partie travaux, il faut retenir que les chantiers de construction du chemin de fer à voie normale vont s’ouvrir (pour ceux de la Compagnie des chemins de fer du Maroc: CFM) ou entrer en activité (pour ceux de la Compagnie franco-espagnole du TF). A partir de 1923, tronçon par tronçon, la voie normale va être ouverte à l’exploi- tation. Dès 1925, le chemin de fer à voie normale est en service de Settat à Fès, ainsi que de Sidi-el-Aïdi à Khouribga et de Petit-Jean (Sidi Kacem) à Machra-bel- Ksiri, en direction de Tanger. En 1936, le réseau à voie normale avait la consis- tance de celle après l’indépendance. La traction électrique en 3.000 V continue, Finalement, les religieux n’avaient pas totalement tort de s’opposer à son « haleine pestilentielle souillant la si pure atmosphère du a été mise progressivement en service Maghreb» (les locomotives marchaient au charbon). Les voies ferrées servirent d’abord aux transports de troupes pour «pacifier le de Marrakech à Fès et Sidi Aïdi à Oued bled». Par la suite le train devint le transport vedette des minerais, à commencer par le phosphate, qui encore aujourd’hui fournit le Zem. Malgré la construction du réseau à tiers des recettes… jusqu’à ce que l’OCP mette son nouveau pipeline en service. Pour la petite histoire, ce projet de pipeline a donné une belle bataille entre les deux Offices, celui des Phosphates et celui des Chemins de fer. Ce dernier voyait bien que le pipeline lui voie normale, de longues lignes de 0,60 m enlèverait une bonne partie de ses bénéfices… (Ph. Collection privée Fondation éducation et culture/Groupe Banque populaire ) étaient maintenues, pendant cette période, pour fonctionner comme antennes du che- min de fer à voie normale. Les lignes furent La bataille du rail fut… diplomatique fermées au fur et à mesure de l’ouverture de la voie normale et de la construction des POUR ce faire, des moyens de pression ont été utilisés. Il s’agit notamment du prêt accordé au Maroc en 1904 condi- routes. Après avoir atteint près de 1.500 tionné par le lancement des grands travaux dans le Royaume Chérifien y compris ceux des chemins de fer. Tout cela a été km dans son plus grand développement, le clairement consigné dans les accords internationaux qui vont définir l’avenir du Maroc plus d’un demi-siècle après. Il s’agit réseau à voie 0,60 disparut le 31 janvier notamment de la conférence d’Algésiras dont l’acte final a été signé le 7 avril 1906 et ratifié par le gouvernement marocain 1937. Ainsi le dernier tronçon 0,60 m de deux mois après. En effet, le chapitre VI de l’Acte stipulait que « les services publics ne pourraient être aliénés au profit Machra-bel Ksiri à Ourtzarh était-il fermé. d’intérêts particuliers et feraient l’objet de concessions ». L’Acte précise qu’il faut commencer par la construction d’une ligne A noter que les itinéraires suivis par la ferroviaire reliant Tanger à Fès. Tanger était la porte du Maroc, où résidaient les missions étrangères, alors que Fès était la voie 0,60 m étaient souvent différents de capitale et la résidence du Souverain. Rappelons que les ports de l’Atlantique n’ont été construits ou développés que plus tard. ceux qu’empruntera plus tard la voie nor- Le projet de chemin de fer sera rappelé par le traité franco-allemand du 4 novembre 1911 précisant que « la mise en adju- male. dication du chemin de fer Tanger-Fès, qui intéresse toutes les nations, ne sera primé par la mise en adjudication des travaux En 1963, l’Office nationale des che- d’aucun autre chemin de fer marocain». Il y a aussi la convention franco-espagnole du 27 novembre 1912 dont le protocole mins de fer (l’actuel ONCF) hérite des trois annexe posait les bases de la future concession de la ligne Tanger-Fes. compagnies CFM, TF et CMO. Une autre o Les batailles du rail furent donc des batailles diplomatiques très dures entre les puissances européennes.o histoire commence… N.E.A.

1905 1906 1907

Arrêt de quelques Conférence 1907-1908 heures de d’Algésiras Les batailles de la Chaouia Guillaume II de menées principalement contre Prusse à Tanger l’armée française et dans une Occupation d’Oujda par Lyautey. moindre mesure contre les bombardement de Casablanca; troupes espagnoles débarquement du corps expédition- naire français; pillage de la ville. rivalité entre Moulay Abdelaziz et Moulay Hafid; soulèvement de Mohamed El Kettani, chérif idrisside

Novembre 2010 30 Les zaouïas: Elles furent puissantes… Les zaouïas sont, tour à tour, le retour aux sources, l’authenticité, le renouveau… Sous la dynastie alaouite, leur influence s’amenuise.

DE l’espace de spiritualité et de mé- sans prétendre à une partie des récoltes. ditation vers le XVIe siècle, les zaouïas Seuls les descendants du cheikh héritent. se sont érigées en véritables complexes Certaines prélèvent des droits sur les religieux, aux multiples fonctions, poli- routes. Une sorte de féodalisme ou encore tique, sociale et spirituelle. Certaines ont de système agrarien. façonné l’histoire, la société et la culture Plus que de simples confréries, les du pays, soit par leur impact religieux zaouïas ont connu une forte propagation et économique, soit par leur spécificité grâce à la multiplication d’antennes ré- culturelle ou ethnique. gionales et du nombre de disciples, par- Dans un premier temps, le terme fois plusieurs dizaines de milliers. Qui zaouïa désignait un lieu réservé à l’inté- entament des actions politiques. C’est rieur d’une structure plus vaste où les sou- le cas de la zaouïa Derkaouia: avec ses fis pouvaient se retirer comme le laisse antennes en Algérie, elle organise des ré- entendre la racine du mot: angle ou re- voltes contre les Turcs. coin. La communauté soufie (rābita) se Il faut dire que la notion du territoire regroupe dans un ribāt, parfois fortifié. n’existe pas et la frontière est d’ordre re- Elles se sont développées en ville, sous la ligieux. forme de zaouïas, ralliant disciples indi- L’apogée des zaouïas se situe à la fin viduels et corporations professionnelles. des Almohades au moment où le Maroc Mais les grandes zaouïas viennent du vit une dislocation féodale et le dévelop- milieu rural. Leurs édifices comportaient pement des aspirations, parfois contradic- un oratoire pour la prière, des salles pour toires, de retour aux sources, d’authen- l’étude et la méditation ainsi qu’une au- ticité, de renouveau. D’autant plus que berge pour les disciples et les indigents le particularisme religieux est fortement de passage. La zaouïa dispose de dépôts imprégné du rite malikite mélangé à un de céréales et autres denrées, car, elle pos- passé kharijito-chiite révolu. Par ce par- sède des terres que ses adeptes travaillent, ticularisme, les zaouïas définissent un

Hiérarchie bien rodée AU sommet de la hiérarchie est placé le cheikh, chef spirituel et temporel de la zaouïa, de ses antennes et de la région. Il tire sa puissance de sa «baraka». Les grandes zaouïas sont apparues et développées dans le milieu rural. Leurs édifices Il est réputé avoir une connaissance parfaite de la loi divine, savoir soigner comportaient un oratoire pour la prière, des salles réservées à l’étude et à la méditation infirmités et maladies. C’est un véritable pontife, héritier ou fondateur de la ainsi qu’une auberge pour les disciples et indigents de passage. Elles intervenaient tradition (tariqa). Il est le seul à en posséder les secrets. Synthétisant les vertus, aussi dans la politique et le jihad. Aujourd’hui, leur rôle est limité à l’organisation des moussems (Ph. Archives de L’Economiste) les sciences et le don des miracles, le cheikh est le garant de la continuité. Il ne reconnaît d’autres puissances, au-dessus de la sienne, que celle de Dieu et islam aux besoins populaires. Ce seront de culte religieux, voire de prêche en fa- du Prophète. De même, il ne s’inspire d’autres pensées que de celles que lui elles qui canaliseront le combat, le jihad veur du pouvoir. suggèrerait Dieu ou son initiateur tout puissant, c’est-à-dire l’ancien chef mort, populaire, au XVIe siècle, contre l’occu- Avec la colonisation, les rôles di- assis à côté du trône souverain et dépositaire des sentiments de l’Être suprême. pation de places côtières. Elles s’oppo- vergent. Certaines résistent, d’autres se C’est, au sens mystique du mot, le cheikh tel que le conçoivent les croyants sent au sultan alaouite, Moulay Slimane, rallient aux objectifs de l’occupant. Au- soufis, adeptes ou serviteurs de la confrérie placée sous son patronage. Le deu- taxé de wahhabite, vers 1790. Mais déjà, jourd’hui, leur action verse dans le folk- xième rang est occupé par le calife ou lieutenant du cheikh. C’est son délégué elles ont beaucoup perdu de leur influence lore via les «moussems» qu’elles orga- auprès des fidèles dans les régions éloignées. Il est investi d’une partie des pou- notamment sur le plan politique, Moulay nisent pour vénérer la mémoire de leurs voirs du cheikh. Au-dessous encore, le moqaddem. C’est le vrai propagateur Rachid et son frère Moulay Ismaïl par la saints et cheikhs.o des doctrines de la tariqa. Il reçoit ses instructions du cheikh.o suite en font des lieux d’enseignement et A.G.

1908 1908 1909 1910 Moulay Abdelaziz déchu, Nouvel emprunt, la remplacé par Moulay France prend les garanties Abdel Hafid, avec «condi- sur le contrôle des Le sultan réinstalle d’anciens tions»; ralliement de douanes commis corrompus et donne Raissouni, qui est nommé à son grand vizir Madani El caïd d’Arzila Glaoui la perception des impôts d’une bonne partie du 1908-1912 pays Moulay Abdel Hafid: comme condition à son investiture les Oulémas ont réclamé l’abrogation de l’acte d’Algésiras

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Dar Al Makina: plus que la L’un des plus prestigieux sites de la médina de Fès. Dar Al Makina représente une phase importante de l’histoire de la ville de Fès dans le XIXe siècle. C’est un monument historique rappelant la période des réformes militaires par les sultans Alaouites. A la fin du XIXe siècle, le sultan Hassan Ier, dans un élan de modernisa- tion et d’ouverture, fit édifier avec l’aide italienne cette fabrique d’armes et de munitions, dénommée Dar Assilah ou Al Makina. Cette bâtisse constituant le cœur du site, symbolise une splendeur architecturale unique en son genre par ses perspectives de piliers et d’arcades sur des centaines d’hectares couverts. SITUÉE dans la partie nord de Fès La réforme militaire était ainsi une pièce Jdid, cette place servait d’accès principal maîtresse du programme de Moulay El Has- au palais. Elle est constituée de deux places san, surtout, avec les mesures libérales en appelées «méchouar» où se déroulaient ja- faveur du commerce et l’effort pour contenir dis les cérémonies officielles, telles que les les abus de la protection. réceptions des vizirs et des diplomates. Elle A cette époque, les oulémas refusaient est entourée de plusieurs portes. ces réformes militaires, mais aussi celles Le site évoque une « coopération », si économiques et commerciales, en préten- l’on peut dire, entre le Maroc et l’Italie. dant que les projets sont imposés par les L’édifice naquit pendant une période cri- puissances européennes. Cette élite savante tique dans l’histoire du Maroc: a même ridiculisé les nouvelles inventions, Le sultan comptait sur cette armée pour en leurs donnant des appellations ironiques, réprimer les troubles que la politique de tels que les noms de «Selk» au téléphone et modernisation pourrait susciter, éviter les «Babour El berr» au train… risques de sécession, châtier les révoltes des Cependant, Moulay El Hassan (1873- caïds et se protéger des menaces extérieures. 1894) soutint l’idée de changement et s’en-

Des troubles et un projet DÉSÉQUILIBRE économique et social, engendré par la pression euro- péenne et fortes instabilités à l’intérieur. Telles étaient les caractéristiques de la vie du Royaume en cette fin du XIXe siècle. Suite à l’échec devant les Français dans la bataille d’Isly en 1844, puis quinze ans plus tard, nouveau coup dur, les Espagnols qui gagnent la guerre de Une des très rares photos de Moulay Hassan Ier, tirée de la collection Flandrin et repro- Tétouan en 1860, le gouvernement marocain a dû se mobiliser pour développer duite dans le beau livre de la galerie Venise Cadre, “Soixante ans de photographies un projet de réforme militaire pour tenter d’organiser une armée puissante et marocaines”. Moulay Hassan Ier fut, au XIXe siècle, le sultan de toutes les réformes. Il indépendante. Il fallait donc construire des casernes militaires à Fès, Rabat et voulut changer le système fiscal, sécuriser le système monétaire, constituer une armée dans les ports; assurer l’encadrement des généraux militaires; importer des modene, construire des usines et ateliers pour équiper cette armée... Mais il était déjà armes depuis la France, la Belgique et l’Italie… et recruter des instructeurs eu- trop tard. Moqué par ceux qui auraient dû le soutenir à l’intérieur du palais, il a dû faire ropéens, notamment des Français, pour des missions militaires d’encadrement face à des kyrielles de révoltes, tandis que, pièce à pièce, les puissances européennes de l’armée marocaine, et des Anglais avec les œuvres de Sir Henry Mac Lean taillaient dans l’Empire chérifien. Néanmoins elles dûrent attendre encore trente ans (un des rares officiers étrangers à entrer au service d’un sultan).o avant d’arriver à le mettre sous tutelle... (Source: Collection Flandrin)

1911 1912 1912

Offensive française, puis 1912-1934 espagnole à Larache, et Les guerres du mouvement du coup allemand à Agadir Jihad menées au Moyen Atlas, à Taza et au Tafilalet contre Traité franco-allemand débouchant l’occupation française immédiatement sur le protectorat français; que Moulay Hafid signe le 30 mars à Fès; émeutes urbaines à travers 1912-1927 tout le Royaume à l’annonce du traité. Le sultan abdique en août. El Glaoui se rallie Moulay Youssef a été intronisé après l’abdication de son frère My Hafid à la France. Lyautey nommé Résident

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«maison de la machine».... gagea dans les projets initiés par son père Mohammed Ben Abderahmane avant sa mort en 1873. Il s’agissait bien du moulin à vapeur de Tanger, de l’usine de cotonnades, la manufacture de sucre, la cartoucherie de Marrakech, et du navire à vapeur El Hassa- ni… il s’intéressa aussi aux ports et services maritimes. Ensuite vient la construction de l’usine de cartoucherie à Marrakech et la fabrique d’armes «Makinat Al Âdda» à Fès, avant la construction de la célèbre «Dar Al Makina». Des conversations officielles de Moga- dor, naquit le projet de la fabrique d’armes de Fès. Les vicissitudes de la fabrique que la tradition marocaine appelle la «Makina» ne sont toutefois que très mal connues par les gens. La première question qu’on se pose est celle relative à l’initiative de cette création industrielle militaire. En effet, il existe à ce sujet deux versions: la première avance que c’est le sultan qui a proposé à l’Italie de construire la fabrique, tandis que la deu- xième évoque les manœuvres diplomatiques italiennes pour «imposer» au sultan la fa- brique italienne. Alors que, selon une version italienne, l’initiative serait venue du gouvernement marocain qui désirait monter une fabrique d’armes blanches et à feu. Il s’agit bien d’une volonté impériale qui voulait s’éman- Dar Al Makina, plus qu’une armurerie, est un symbole. Celui par lequel Moulay Hassan Ier, en dépit des avanies du siècle, vou- ciper de toute tutelle quant à la production lait reconstruire l’Empire chérifien… mais il était déjà trop tard. L’immobilisme des siècles précédents avait finalement conjugué d’armes. la pression intérieure religieuse qui refusait toute réforme, et la pression extérieure où déjà la diplomatie s’était largement effacée devant les armes. Le bâtiment a disparu. La place de Bab Al Makina aujourd’hui sert d’écrin aux plus grands concerts du célébris- C’est en mars 1888 que les autorités ma- sime festival des musiques sacrées (Source: Achaâbane) rocaines ont décidé de donner à l’affaire une confirmation concrète. Le sultan s’intéressait Les efforts techniques des italiens trou- soit compromis. A cette époque la fabrique Avec l’arrivée au pouvoir du nouveau beaucoup à la construction de la fabrique et vaient ainsi leur concrétisation. Mais les évé- était à son plus bas niveau de production, sultan Abdelhafid, un sursaut d’activité fit s’y rendit personnellement pour se rendre nements intérieurs du Maroc qui suivirent notamment en termes de qualité, de telle retourner à Fès quelques techniciens italiens. compte de la bonne marche des travaux. la mort du sultan Moulay El Hassan devai- sorte que les fusils utilisés par l’armée se La fabrique continua de marcher jusqu’à ce Finalement, le 12 novembre 1891, la ent donner à cette activité un ralentissement cassaient dans les mains des soldats. «La qu’elle devienne usée et délaissée avec le fabrique d’armes fut terminée et elle put sensible. Le nouveau sultan Abdel el Aziz, question marocaine» devenait ainsi, pour temps. Plusieurs années après, elle a été trans- commencer ses activités, la production de qui était tout jeune, n’avait pas la dimension l’Italie, une monnaie d’échange pour sa po- formée en atelier de réparation des ustensiles fusils et de munitions. Le 12 mars 1893, les politique de son prédécesseur et, par le biais litique coloniale et, depuis lors, le sort de de cuisines, pour les notables du Makhzen. deux premiers fusils et quelques milliers de des influences étrangères, surtout anglaises, la Makina était celui d’être un élément de Actuellement, le site est un lieu de visite et cartouches sont présentés au sultan. Le plein le cœur de son activité n’était pas la fabrique dialogue, mais non d’ingérence de l’Italie une place qui abrite, entre autres, le plus grand essor de la fabrique sera marqué par une pro- de Fès, dont le futur devenait incertain. Ce dans les grandes diatribes diplomatiques des concerts du fameux Festival des musiques duction moyenne de 5 fusils par jour et de sultan était bien disposé à critiquer les initia- qui s’annonçaient à propos des zones d’in- sacrées de Fès.o 120.000 cartouches par mois. tives italiennes et à faire ainsi que leur essor fluence dans le pays. Intissar BENCHEKROUN

1913 1914

Suppression des ministères 1919-1926 des Affaires étrangères, des La guerre du Rif Finances et de la Guerre. Le menée contre la coali- Sultan ne peut conserver - Première tentative, par Lyautey, d’isoler les Berbères tion militaire franco- que les questions liées à la du reste du Royaume espagnole par Moham- religion, le reste du pouvoir med Ben Abdelkrim El passe à la Résidence - Moha ou Hammou écrase la troupe française à El Khattabi Herri près de Khénifra; Lyautey engage sa stratégie de «diviser pour régner» pour séparer les régions et trouver des relais au sein de la structure territoriale du Makhzen, au cas par cas

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A la recherche des Klondike:

C’est avec la colonisation que le Maroc commence à explorer habité par des génies irritables», relève de grandes réserves aurifères qui inspi- Léon Moret dans «Les ressources miné- rèrent le film de Chaplin «La ruée vers son sous-sol d’une manière rationnelle et plus systématique. Une rales et les Mines du Maroc Français». l’or»). Mais il mettra du temps avant de exploration qui sera accompagnée par la construction de la voie Le changement des rapports de force le reconnaître… (Voir l’encadré sur le allait cependant modifier totalement la phosphate) ferrée et des routes pour acheminer les minerais extraits vers donne. la France, pour l’essentiel. La plus grande partie des minerais Convoité par un Occident fort de Les premiers ses avancées technologiques et scien- extraits étaient exportés à l’état brut. tifiques, les pressions occidentales ont grands chantiers fini par avoir raison des défenses du RESTÉES pendant longtemps les historiens français de la colonisa- Maroc. La période 1906 à 1914 fut l’ob- Vers 1916, le général Lyautey décida mystérieuses, les possibilités minières tion, non sans y rajouter une touche jet d’une exploration fébrile. Mais le de faire étudier les gisements et dès no- du Maroc n’ont pu être étudiées d’une manière rationnelle que tardivement. Le sel était quasiment la seule richesse d’échange pour le pays. Le reste des mi- nerais servait pour un usage local. La rupture avec le mode d’exploita- tion traditionnelle ne s’est faite qu’avec la colonisation. Avant cela, le Maroc ne disposait pas d’une cartographie de son sous sol. Encore aujourd’hui la cartogra- phie n’est pas complète: le Maroc pays minier par sa géologie, ne l’est pas par son exploitation… même s’il est défi- nitivement le numéro un mondial des phosphates.

Missions clandestines

Vers la fin du XIXe et début du XXe siècle, les premières missions sont me- nées par des voyageurs, souvent des géologues, mais de manière quasi-clan- destine. Le Royaume est très fermé, tra- vaillé par les luttes d’influences internes et externes. Pendant ce temps la révolu- Un document exceptionnel sur le transport du minerai d’antimoine en 1938. Ce sont des mulets qui assurent le transport. L’origine de tion industrielle européenne est assoiffée cette vue est inconnue. Le cliché est estampillé, avec la mention partiellement visible «Bd de la Gare». Il est reproduit, sans mention de minerais. d’origine dans le «Mémorial Lyautey» (1954) Pour les explorateurs occidentaux, L’antimoine est connu depuis toujours pour ses utilisations cosmétiques, comme mascara. La colonisation a ouvert, comme pour les l’aventure était périlleuse. Dans l’ima- autres minerais, l’ère de l’exploitation à grande échelle, sous réserve que soit organisé le transport (Source: Mémorial Lyautey) ginaire populaire de l’époque, les mines, que l’on soupçonne d’abriter des dé- d’exotisme...«L’accès en a été difficile premier conflit mondial stoppe les re- vembre 1917, les travaux sur les couches mons y travaillant dans de sombres la- et dangereux pour l’Européen du dernier cherches et entre temps, la découverte d’El Borouj furent entamées. Près de byrinthes, font partie des endroits que siècle, gardé qu’il était par de farouches des gisements importants de phosphates 6.000 mètres de puits, galeries ou tran- les Marocains n’affectionnent pas parti- tribus berbères, jalouses de leur indépen- est faite. Le Maroc avait enfin son Klon- chées sont creusées sans moyens méca- culièrement. Ce que relèvent d’ailleurs dance et de leur sol qu’elles croyaient dike (région et rivière du Canada, ayant niques dans un pays difficile à ravitailler.

1920 1921 1922 1923 1925

Début d’une urbanisation Annoual: Abdelkrim Abdelkrim proclame Nouvelle défaite espagnole à effrénée. Casablanca qui El Khattabi écrase la République rifaine. Chefchaouen devant Abdelkrim n’était qu’un gros bourg au l’armée espagnole. Il organise ses troupes qui se tourne alors vers les Lyautey remercié suite à XIXe siècle compte 100.000 Les Espagnols sur le modèle ancien troupes de Lyautey et les défait son incapacité à mettre fin habitants en 1926, 700.000 perdent quelque du Makhzen aussi. Dans la zone française, à la révolte d’Abdelkrim en 1956 12.000 hommes et un toutes les questions régionales énorme armement. passent aux mains des officiers Mais Abdelkrim ne des affaires indigènes, marquent pousse pas son le passage à l’administration avantage en direction directe, contraire au traité du de Melilla Protectorat

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Les mythes et les réalités des mines

La campagne préliminaire s’acheva et pour le phosphate. La construction fin 1920. Le 7 août de la même année, de la voie ferrée reliant Ben Guerir-Safi l’Office chérifien des phosphates, OCP ainsi que le port date aussi de cette pé- est créé. Il a fêté, plutôt discrètement, riode. C’est plus exactement la créa- ses 90 ans en 2010. tion en 1932 du centre de Louis-Gentil Le Bureau de recherche et de par- (Youssoufia) qui a permis ces travaux. ticipations minières, le BRPM voit le jour en 1928. Il sera fusionné, 80 ans plus tard, avec l’Onarep, Office na- Vingt cinq ans tional de recherche et d’exploitation pour une réforme! pétrolière. Ainsi depuis 1921, la production de Globalement l’activité minière, phosphates a occupé une place impor- très récente par rapport à bien d’autres tante dans l’économie marocaine. Elle pays du continent africain, est restée est passée de 80.000 tonnes en 1922 à constamment en expansion, au Maroc. près de 2 millions de tonnes en 1930. Néanmoins l’exploration minière de- Ce qui a justifié la construction de la En 1953, l’exploitation du phosphate est déjà devenue dominante. Cette vue aérienne meure en deçà que ce qui serait néces- voie ferrée reliant Casablanca à Oued- montre le niveau élevé d’organisation de l’exploitation. Trente ans plus tôt, les autorités saire: la géologie de l’ensemble du pays Zem et l’implantation de Khouribga, coloniales déconseillaient d’investir sur le phosphate du Maroc. D’après elles, les mines n’est pas encore connue dans le détail. une cité minière qui ne vivait que par étaient plus intéressantes en Tunisie (Ph. Collection Belin) ➨➨➨ Du plomb, du zinc et du manganèse LES gîtes exploitables de plomb et de et exploités dès 1935). De manière générale, zinc sont restés pendant longtemps incon- le manganèse est le principal produit exporté nus. Seuls les berbères qui savaient traiter vers la zone dollar. la galène exploitaient depuis très long- L’histoire du manganèse est intimement temps de petits filons de ce minerai pour liée à celle de la construction des routes. Les les usages guerriers. Ces deux métaux sous mines étant éloignées de la côte et les dé- forme de sulfures, galène et blende sont couvertes ont posé un problème de transport. souvent associés dans les mêmes filons. La construction d’une voie ferrée à partir Contrairement à la Tunisie et l’Algérie, au d’Oujda ne fut décidée et entreprise qu’en Maroc c’est la galène qui domine. Des tra- 1928. Le conflit mondial a stoppé le déve- vaux de prospection et de recherche aux loppement de ces mines. En 1945, l’étude de environs d’Oujda, de la Moulouya, Bou l’évacuation des minerais du sud de l’Atlas Arfa, du côté de Rehamna au nord de Jbilet est reprise. En 1947, la France opte pour le et dans le Haut Atlas au Sud de Marrakech transport routier avant de construire un télé- ont mis en évidence des gîtes intéressants. phérique de 28 km, partant d’Aguelmous et Les principaux gisements sont ceux de aboutissant à Talatast dans la vallée de l’oued Boubker (Zellidja), Touisset, Aouli et Mi- Zat (Haouz). balden. Le plomb et le zinc sont exportés Le fer est assez répandu dans les vieux en quasi-totalité vers la France. Cette vue a été prise aux alentours de l’année 1947. Un grand convoi de camions char- sédiments du Maroc. Les principaux gise- gés de manganèse vient de franchir le col du Tichka. Ils ont été chargés à la mine de En ce qui concerne le manganèse, le ments étaient localisés à Aît Amar dans la Bou Arfa, découverte en 1918. Le manganèse est acheminé par convoi d’une vingtaine zone Sud et Uixan au Nord. Depuis 1907, Maroc était classé au cinquième rang des de camions, plusieurs fois par jour, vers la gare de Marrakech. Le manganèse maro- pays producteurs. Les principaux gisements cain a toujours été tributaire des routes: le fonctionnement d’une voie ferrée dans le de nombreux gisements ont été prospectés identifiés sont ceux de Bou Arfa et Tiouine nord a tourné court à cause de la Deuxième Guerre mondiale (Ph. Collection Belin) ou reconnus, mais seul un petit nombre était et Imini (signalés en 1918, étudiés en 1929 exploitable en raison du coût du transport.o

1926 1927 1927 1928 1930

Création du bureau de recherches et des partici- pations minières. A Le mouvement nationa- Adoption par le Reddition travers cette entité, l’Etat liste s’organise autour Protectorat du d’Abdelkrim va intervenir pour promou- de Allal El Fassi; «Dahir voir les ressources l’organisation reste berbère» minières du pays. 1927-1961 secrète jusqu’en 1933 Sa Majesté Mohammed V. Il a mis fin au régime du Protectorat et rendu au Maroc sa pleine souveraineté

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➨➨➨ A la recherche des Klondike...

La sous-exploration, et peut-être la sous- rence privée locale s’est faite au profit de ceux de l’Algérie et de la Tunisie. Mais Abdoun-Tadla, le bassin de Rehamna, le exploitation (qui sait?), a longtemps été la préséance publique, une mine trouvée les premiers rapports coloniaux se di- bassin de Meskala, le bassin de Mtouga, due à un environnement juridique dis- devait être exploitée en partenariat avec sent défavorables à l’exploitation. En les bassins subatlasiques, les bassins du suasif, dont les racines venaient directe- l’Etat. Ce n’est que tout récemment, au 1922, le Rapport économique sur le versant sud du Haut Atlas et les Bassins ment de la colonisation. cours des années 2000, que cette straté- Maroc, document tout ce qu’il y a d’of- du Sous. Mais c’est celui de Oulad Ab- Les puissances occupantes ont pro- gie a été corrigée, et ce après deux dé- ficiel, «déconseille vivement» d’inves- doun qui est le plus intéressant. duit des règles pour évincer la concur- cennies de débats politiques. tir trop lourdement dans ces mines qui En 1958, 27 pays ont acheté du mi- rence des autres entreprises. Il s’agis- lui paraissent très inférieures à celles nerai au Maroc. La production de phos- de Tunisie. La suite des événements est sait notamment les entreprises minières Les phosphates, c’était mal phate a suivi le rythme de la consomma- belges, des anglaises et des allemandes connue. tion mondiale de ce minerai. dont la technicité, à l’époque, était su- parti… Les phosphates se répartissent en Aujourd’hui, le Maroc est l’indétrô- périeure. Ce protectionnisme a perduré plusieurs bassins qui se différencient par nable numéro un mondial du phosphate après l’Indépendance. L’éviction de la Les gisements de phosphates ont été leur situation, leur teneur, leur étendue et des produits associés, mis en valeur concurrence étrangère et de la concur- découverts en 1917, soit 40 ans après et leur âge. Il s’agit du bassin de Oulad (Suite en page 38) Charbon, le rêve brisé

LES réseaux du charbon tels qu’ils se présentaient en 1953. Exploré à partir de 1927, le bassin carbonifère de Jerrada avait été signalé dès 1908. La Première Guerre mondiale n’a pas permis un développement rapide de l’exploitation mais la production per- mettait de parer aux besoins essentiels de l’époque: chemins de fer, centrales, ci- menterie et sucrerie. Ce n’est jamais allé plus loin. Pourtant, les colonisations française et espagnole croyaient que le Maroc serait un pays de charbon. L’idée est restée dans les premières années de l’Indépendance. C’est ce qui explique les investissements faits, avec un gros financement de la Banque mondiale elle-même, sur la mine de Jerrada, alors que les veines de char- bon n’étaient pas exploitables de manière rentable. La petite centrale électrique sen- sée se servir du charbon de Jerrada a eu un fonctionnement décevant: le charbon était de trop mauvaise qualité. La mine fut fermée dans les années 90. Pendant ce temps, les autres centrales électriques de l’ONE ont été approvision- nées par les importations.o

1930 1934 1936 1937

Coup de force contre le mouvement national, ses leaders sont arrêtés puis Premières grèves, à Plan de Réformes maro- exilés. Dans les deux Casablanca et à caines préparé par le Comité années précédentes, toutes Khouribga d’action marocaine; Moham- les publications du mouve- Dahir berbère: des med V se dégage discrète- ment étaient saisies et troubles éclatent ment de l’influence du vizir interdites spontanément dans le Moqri et du Pacha Glaoui et pays, certains très fait place dans son entourage violents aux nationalistes

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A la recherche des Klondike...

(Suite de la page 36) vement général des matières premières marchés mondiaux, pour que le Maroc teuse de valeurs. Elle a pourtant traver- par le célèbre Office chérifien des phos- initié par l’OPEP en 1971 et 1973, se ose se relancer dans une stratégie de sé, en moins de quatre ans, des phases phates, l’OCP. traduisit d’une part par l’apparition ou la prix. Avec cette fois, le bénéfice d’avoir totalement opposées: une envolée de Jusqu’à ces toutes dernières années, réapparition des concurrents, et d’autre constitué autour de l’OCP un réseau prix, suivie d’une chute (pendant la- l’OCP était plutôt suiveur dans la for- part, par la captation de la valeur ajoutée d’entreprises chimiques associées, dont quelle l’Office a retenu ses stocks, avec mation des prix, sachant que sa position par les producteurs de soufre, minerais les intérêts coïncident avec ceux du Ma- l’appui politique du gouvernement), était de nature à modifier la donne avec associé au phosphate pour la fabrication roc, au lieu de s’y opposer comme dans puis, à nouveau, d’une remontée des parfois des conséquences malheureuses. des engrais. Il fallu attendre une tren- les années 70. cours.o Ce fut le cas dans les années 1970. La taine d’années et un changement com- A l’heure où ces lignes sont écrites, hausse des prix marocains, suite au mou- plet des modes de fonctionnement des la stratégie des prix continue d’être por- Khadija MASMOUDI

Le Cobalt, premier raticide

LES gisements de cobalt de «boutonnière» Bou-Azzer (ici la mine telle qu’elle était en 1938) sont mis en exploitation en 1932, avec des moyens relativement sommaires, par la compagnie Smag, la Société minière de Bou Azzer et du Graara. En fait, ces gisements étaient connus avant: les gens s’en servaient de ra- ticide (à cause de l’arsenic que le cobalt contenait). La Smag cesse ses acti- vités dans les années 1940. En 1938 le Maroc se classait 3e producteur mondial de cobalt. Aujourd’hui cette place est prise par la Rus- sie qui vient donc derrière la Finlande et le Canada. La mine de Bou-Azzer a été réouverte au dé- but des années 60, suite aux recherches conduite par le BRPM, le Bureau des recherches et participations mi- fice national des hydrocarbures et des Bou-Azzer est exploitée par une fi- Compagnie de Tifnout Tiranimine, la nières, aujourd’hui dissout dans l’Of- mines. liale de Managem (groupe ONA), la CTT.o

1937 1942 1943

Apparition des deux 1939-1945 Combat de trois jours Conférence d’Anfa; grands champions Epidémies et famine entre les forces de la fondation du Parti Larbi Ben Barek et pendant la 2e Guerre Résidence, fidèles à de l’Istiqlal, rempla- Marcel Cerdan mondiale. De Vichy, et les forces du çant le Comité nombreux décès parmi débarquement allié d’action marocaine les populations maro- caine et européenne

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L’OCP, l’empreinte d’un géant PREMIER exportateur, premières débattre. Néanmoins, il faut savoir que le réserves mondiales… On connaît tous ces niveau financier et d’organisation de l’Of- chiffres sur l’exploitation marocaine des fice dépassait alors celui de l’Etat, comme phosphates. Néanmoins, on ne se rend celui de la société environnante. L’OCP compte de rien, tant qu’on n’a pas vu était une multinationale, quand le Maroc les mines et les installations chimiques. vivait replié sur lui, frontières fermées aux Rares sont ceux qui arrivent à imaginer hommes, aux marchandises et aux idées. le gigantisme tant qu’ils ne l’ont pas vu et Inévitable: cela crée des différences pro- comparé à une taille humaine. fondes. L’OCP est une de ces rares entreprises Totalement fermé l’Office? Certes qui porte le nom de l’Empire chérifien. Il non, puisque dans les années noires des a été créé sous la colonisation française, finances publiques, le Budget fut fréquem- qui ne croyait pas vraiment en l’avenir ment branché sur le cash-flow des phos- des phosphates marocains (cf. pages 35 phates. Ce qui ne fut pas une bonne affaire et 36). pour ces derniers. Plusieurs fois, l’Office La suite de l’histoire a montré l’am- était obligé de laisser passer les rendez- pleur de l’erreur… L’OCP devient un vous de l’histoire chimique ou technique, «Etat dans l’Etat», dans les deux pre- parce que ses moyens étaient employés mières décennies de l’Indépendance, sous ailleurs. la houlette notamment de Mohammed L’Etat est-il ingrat? Toujours est-il que Karim-Lamrani (qui fut deux fois Premier dans les années 80 et 90, les pouvoirs pu- ministre, dans des moments durs où les blics s’interrogaient sur le bien-fondé de candidats ne se bousculaient pas). Peut-on garder une seule entreprise publique pour le lui reprocher? Certes, on peut encore en toute la filière. Les directeurs généraux

Un immeuble? Non, la «Marion», une des plus grosses, sinon la plus grosse machine au monde: elle ramasse le phosphate brut. On peut se rendre compte de l’échelle en observant les diverses volées d’escaliers sur ses flancs, ou encore en repérant la cabine de pilotage, à peu près au milieu de la photo, avec un balcon peint en rouge devant. Selon nos informations, il y avait une autre Marion en service au Canada, il y a quelques années. Coût de la révision: 25 millions de DH! (Ph. OCP)

changent souvent: on ne sait pas toujours monde financier et stratégique comme une s’il s’agit d’un poste de récompense ou multinationale, (qu’il est depuis toujours, d’un poste stratégique. Il reste que le DG que cela plaise ou pas!). Ses responsabili- de l’OCP est un personnage puissant dans tés vis-à-vis de la nation sont d’avoir une le paysage administratif, même si l’Of- stratégie chimique, agricole et financière fice est de moins en moins un «Etat dans qui serve les intérêts du pays, sans mar- l’Etat». chander les intérêts de l’Office. Et enfin, Finalement, la solution est trouvée pas il doit s’appliquer à cibler son empreinte à pas. L’Office reste entier et public, mais écologique: l’augmenter pour augmenter il sera «banalisé»: son statut ne permet- la production agricole mondiale, la réduire Un des camions géants transportant le phosphate: on entrevoit la silhouette du chauffeur tra plus de confondre ses finances avec pour respecter son environnement. o dans la cabine à droite; les roues sont plus hautes qu’un homme (Ph. OCP) celles de l’Etat. Il devrait entrer dans le N. S.

1944 1944 1944

Présentation du Remise du Manifeste de Les réformes annoncées ne 1946-1954 Manifeste de l’indépendance au Souverain, calment pas la population. Des Années de grande prospérité écono- l'indépendance le 11 janvier, répression par émeutes ont lieu même dans le mique, malgré les troubles politiques. le directeur de l’Intérieur fief du Glaoui. L’année 7.500 anciens caïds, Pachas… se parta- Boniface, développement suivante, une nouvelle tentative gent le quart des terres arables du d’émeutes, violemment de réformer le Protectorat Royaume, résultat de la politique de réprimées (Labonne) échoue. Mohammed Lyautey de diviser l’ancienne structure V devient une «icône» de la administrative. Milliardaire, le Glaoui souveraineté marocaine défraie la chronique mondaine par son luxe lors de ses voyages à Paris

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Avec le XXIe siècle, Le cas est symbolique. Jadis, le site minier de Guemassa comptait que les ingénieurs du site appellent le sur pied un projet de traitement des ef- Gold House. D’abord, un premier trai- fluents, et en produisant quelques 20.000 un gisement de Hajjar (concentré de zinc, de cuivre et de plomb). tement pour libérer l’or des résidus et tonnes de sulfate du sodium utilisé au- Aujourd’hui, le site abrite un grand complexe industriel qui une seconde étape de concentration avant jourd’hui par une marque américaine la coulée. Deux étapes qui permettent à de lessive. La vente du sulfate permet à met aussi en avant l’innovation et des métiers pour des marchés l’usine mise sur pied en 2008 de produire Managem de commercialiser pour la pre- niches qui se sont développés tout au long des 18 dernières années. annuellement plus de 200 kg d’or. mière fois, la totalité de sa production sur En 2009, c’est dans un souci d’écono- le marché marocain. Mais une évolution qui ne fait que commencer…Aujourd’hui le mie d’eau que les chercheurs et les ma- Techniquement, les rejets liquides sont Maroc parle de «mines vertes». nagers du site envisagent l’implantation stockés dans des grands bassins d’évapo- d’une autre unité pour le traitement des ration. Avec le concours de Reminex, la C’EST en 1992 que démarre l’ex- trioxyde d’arsenic et même de l’or. affluents liquides chargés en sel. L’idée de recherche parvient à mettre au point un ploitation du gisement polymétallique à Un seul principe pour tous: traiter les base était de recycler les eaux usées des 6 procédé qui récupère le sulfate de sodium Guemassa par la CMG (compagnie mi- déchets. Ainsi, l’usine d’or par exemple autres unités de valorisation des minerais et économise sur l’eau (150.000 m3 par nière de Guemassa), filiale de Managem traite les résidus du cobalt qui contien- du site. C’est-à-dire le traitement et la ré- an). créée en 1988. nent 5gr/tonne d’or. Deux sortes de trai- cupération de quelques 600 m3 par jour. En 18 ans, l’hydrométallurgie a per- 18 ans après, le site produit du co- tement se font dans une enceinte fermée L’unité est allée plus loin en mettant mis d’aller vers des métiers inimaginables balt pur, l’oxyde du zinc, a développé de nouveaux métiers et, surtout, a diversifié ses compétences dans l’hydrométallurgie (procédé de traitement des métaux par voie liquide). Le groupe a fait de l’in- tégration en aval et commence à concur- rencer même ses propres clients via une nouvelle chaîne de valeur qu’il a créée. «C’est une nouvelle logique de métiers créés en parallèle à la mine et un chal- lenge de taille», informe Ismaïl Akalay, DG de la branche cobalt et spécialités de Managem. Intégrer de nouveaux métiers est aussi un moyen pour faire face à la fin d’un gi- sement. «C’est ce que nous avons fait à Guemassa. Avec nos installations, nous arrivons à extraire et à purifier des métaux par voie hydrique. Le résultat est l’obten- tion des métaux raffinés et des produits à haute valeur ajoutée», explique Akalay. Bref, des process qui ne nécessitent pas forcément de disposer d’un gisement mais peuvent servir à traiter des déchets miniers et métalliques. C’est la mine d’aujourd’hui. Le site est aujourd’hui spécialisé dans le traitement de matières complexes et dans la production de cathodes de cobalt et de spécialités chimiques à forte valeur La septième usine de Guemassa. C’est à partir d’un process développé au sein du centre de recherche Réminex que le site minier de ajoutée comme l’oxyde de zinc, le sul- Guemassa peut récupérer les eaux utilisées sur le site et produire du sulfate de sodium. Un process qui a obtenu le prix de l’innovation fate de cuivre, l’hydroxyde de nickel, le développement durable de l’université de ONA en 2009 (Ph. Mokhtari)

1947 1948 1951 1952 1953 L’Istiqlal En décembre grèves remporte une générales, réprimées écrasante majorité dans le sang ; nouvelles aux élections rafles de Boniface dans - Le Sultan refuse de signer le dahir de la Exil de Mohammed professionnelles Multiplications des les rangs nationalistes réforme municipale; campagne de calomnie V et de la Famille affrontements entre contre lui et sa famille royale à Madagas- le Sultan et les - Visite historique du Roi Mohammed V à car. Amorce de «la autorités du Protec- Tanger. C’est le début de l’idée de la révolution du Roi et torat résistance contre l’occupation étrangère, du peuple» suite au massacre de la population civile à Casablanca par des tirailleurs sénégalais

Novembre 2010 41 comment changent les mines…. à la naissance du site. Pour son dévelop- pement, il travaille en étroite collabora- tion avec Reminex, centre de recherche du groupe, racheté en 1986 par le pôle minier de l’ONA. Avec plus de 120 cher- cheurs, géologues, ingénieurs et techni- ciens, ce centre est au cœur de tous les projets d’exploration, de valorisation et d’ingénierie de Managem. Pour les cathodes de cobalt, par exemple, l’hydrométallurgie a permis au Maroc de faire une percée de taille au niveau mondial. Le site de Guemassa a réussi à faire partie du «club très res- treint» des premiers producteurs mon- Les labos stratégiques TOUT comme CERPHOS pour l’OCP, Reminex est aujourd’hui une mine stratégique. Ici, on anticipe les futurs développements, utilisations et nouvelles valorisations. «Nous avons 10 ans d’avance en terme de recherche et de procédé». Ce centre racheté par l’ONA comme une coquille vide avec deux employés est devenu au fil des ans un gisement de richesse avec 100 chercheurs à sa solde. C’est grâce à ses recherches que 14 réalisations d’uni- tés ont vu le jour. Dans ses tiroirs, plusieurs autres process qui attendent. Symbole du changement et du souci de plus en plus marqué de la préservation des sites et de l’environnement, dès 1992, le site de Il est le fer de lance de l’activité mi- Guemassa a été entouré d’une ceinture verte. C’est-à-dire bien avant que l’on commence à parler de «développement durable». nière et un chargé de développement Dix ans plus tard, en 2002, Guemassa met en place des programmes de préservation de l’eau et de développement humain. des nouveaux procédés du groupe Aujourd’hui les mines marocaines ont mis le curseur un peu plus loin: cotisation à un fonds ad hoc pour le développement Managem. 1% du CA du pôle mi- durable… les «mines vertes» (Ph. Mokhtari) nier y sont injectés annuellement. De fait, le centre dispose des dernières quant on sait que dans chaque batterie de des équipements en fin de vie, élec- tation à partir de l’Europe qui produit an- innovations en matière de technolo- portable, il y a nécessairement 6 grammes triques et électroniques. CTT, basée à nuellement 18 millions de tonnes de dé- gie analytique notamment. En plus de d’oxyde de cobalt. La demande sur le Guemassa, qui est partenaire du Green chets électroniques. Pour Ismaël Akalay, la la recherche et du développement, il produit est aujourd’hui très importante. chip, projet de revalorisation et de recy- DEEE est incontestablement la mine de opère dans les domaines de l’analyse, Dans son souci d’anticipation, le centre clage de matériel informatique initié par demain qui va créer de nouveaux métiers de la caractérisation minéralogique et de recherche Reminex a réussi à mettre l’association Al jisr, voit plus loin. et sera un business vert. de l’environnement.o en place un process pour batterie garantie Ses managers souhaitent monter une Les DEEE sont un gisement infini et sans effet néfaste sur la santé. Un brevet unité dédiée à cette activité à condition Managem est aujourd’hui un leader mon- diaux. La transformation de l’oxyde de est en cours. de garantir l’approvisionnement. Soit dial de traitement des déchets. «Le mi- cobalt, démarré en 2009 dans le site a dé- Mais le défi de demain pour Guemas- quelque 100.000 tonnes de déchets à neur et le chimiste voient déjà la mine de sormais son poids sur le marché interna- sa est le recyclage des DEEE (déchets des traiter annuellement. Les collectes ma- l’avenir créatrice de riches et soucieuse de tional. Sa production actuelle est de 120 équipements électriques et électroniques). rocaines ne suffiront pas évidemment. l’environnement».o tonnes, mais «peut aller plus loin» surtout C’est une catégorie de déchets constitués Le management mise sur une impor- Badra BERRISSOULE

1953 1955 1955 1956

Massacres d’Oued Zem. 1956-1960 La fiction du «bon bled» Mouvement de vole en éclat. Le Glaoui, l’Armée de libéra- Ben Arafa et Kettani tion marocaine sur - La Résidence active les «grands caïds» font allégeance au Mohammed V le sud-ouest et le Souverain avant même accepte le repentir dont le Glaoui contre Mohammed V. Sahara occidental Signature avec la son retour du Glaoui, mais pas Violentes émeutes dans le royaume suite à France des accords celui de Kettani qui la proclamation de Ben Arafa et à la déposi- reconnaissant l'indé- avait instrumenta- tion de Mohammed V. Une vingtaine de pendance du Maroc tentatives d’attentats dont deux réussies lisé l’Islam contre Ben Arafa en trois mois

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Les ports, des redécouvertes épisodiques Le Maroc, à l’époque de Moulay Errachid et Moulay et s’enrichir de ressources douanières et fis- est nécessaire pour les échanges avec le cales. Le sultan voulait aussi avoir une issue vieux continent. Ismaïl, n’a jamais donné une grande importance aux ou- maritime près de sa capitale Marrakech. Le Essaouira était donc la plus importante vertures portuaires. Les ports étaient plutôt une issue pour port d’Essaouira pouvait accoster entre 20 et ville portuaire du Maroc, mais ceci jusqu’à 30 navires de grand tonnage en toute sécurité la fin du XIXe siècle. Epoque où elle sera l’importation des armes nécessaires pour libérer les villes et en tout temps. En effet, le Golfe d’Essaoui- concurrencée par les ports de Tanger et Anfa occupées. C’est seulement à l’époque du Roi Mohamed Ben ra disposait d’une caractéristique naturelle. (Casablanca). Le roi Mohamed Ben Abdel- Des roches protégeaient le port des grandes lah a donc mis à niveau les ports de Fdala, Abdellah que l’on pourra parler de projets portuaires. vagues de l’Atlantique. Ce qui facilitait l’ac- Anfa et Tanger. Il les a ouvert aux échanges cès aux navires durant toute l’année et toutes avec l’Europe mais toujours sous le contrôle FAVORABLE aux échanges commer- déjà libérés par son grand père Moulay Is- ciaux et conscient que le poids économique maïl, à savoir ceux de Tanger et Larache libé- s’est retourné vers l’Atlantique, depuis la dé- rés respectivement en 1684 et 1689. En fait, couverte du nouveau monde, le sultan Mo- les Européens ont essayé de récupérer cer- hamed Ben Abdellah (1757-1790) a porté tains d’entres eux. En 1765, la flotte française le Maroc d’un commerce saharien à une a même bombardé le port de Larache et a ouverture vers l’Atlantique. En effet, dès ses menacé de bombarder ceux de Rabat et Salé. débuts, il a commencé à renforcer les places maritimes par des Skalas, notamment celles Mise à niveau... déjà! de Casablanca, Larache, Salé, Rabat, Moga- dor et Martil. Deux ans après le début de son Essayant ainsi d’éviter que certaines règne, le sultan a entamé une tournée pour places ne tombent sous l’occupation, le inspecter les villes portuaires (Tetouan, Mar- sultan a bâti des Skalas et Casbahs près de til, Tanger, Larache et Rabat). chaque port. Lors de son règne certains En fait, la stratégie du sultan Mohamed ports étaient toujours occupés, tels ceux de Ben Abdellah se déclinait sous trois volets. Il Sebta, Melilia et Mazagan (occupée par les

Essaouira était la plus importante ville portuaire du Maroc. A la fin du XIXe siècle, elle sera concurrencée par les ports de Tanger et Casablanca (Anfa). Le sultan Mohamed Ben Abdellah avait mis à niveau les ports de Fdala, Anfa et Tanger (Ph. Achaabane - Les visages ont été modifiés) les saisons. Les travaux de construction de la du Makhzen. Ayant l’intention d’exporter du ville et de ses galeries commerciales avaient blé en contre-partie des armes à feu, le sultan commencé en 1760 sous la direction d’un in- a ouvert le port de Fdala et celui d’Anfa. De- génieur français, Théodore Cornut. Essaouira puis 1781, les commerçants italiens de Gènes se dotait ainsi d’une architecture semblable avaient ainsi l’autorisation d’exporter du blé à celle des villes européennes pour que les d’Essaouira, Larache, Rabat et Anfa. Un an commerçants ne se sentent pas dépaysés. après, la ville de Tanger a également suscité Cette ville comptera ainsi parmi les exploits l’intérêt du sultan Mohamed Ben Abdellah. Il de Mohamed Ben Abdellah. a donc décidé d’en faire la capitale diploma- Le port d’Essaouira pouvait accoster entre 20 et 30 navires de grand tonnage à l’époque A cet effet, le sutlan a imposé aux consuls tique du Royaume. Elle garda ce statut durant en toute sécurité et en tout temps. Des roches le protégeaient des grandes vagues de l’At- européens de s’installer à Essaouira en y at- le XIXe siècle. lantique. Ce qui facilitait l’accès aux navires durant toute l’année et toutes les saisons tirant un grand nombre de commerçants. Néanmoins, à l’époque de Mohamed (Ph. Archives de L’Economiste) Ceci en supprimant les frais d’accostage et Ben Abdellah, le Royaume a connu des ten- a commencé par libérer les places portuaires, portugais de 1502 jusqu’à 1769). diminuant les droits douaniers en faveur des tatives de constructions de chantiers navals suivant ainsi les traces de ses prédécesseurs. Suivant sa stratégie de mise à niveau des grandes agences commerciales. Il a, en outre, mais en vain. Il était en manque de savoir- Ceci, avant de mettre à niveau les ports et villes portuaires, le sultan a rebâti la ville ordonné aux artisans marocains juifs de jouer faire en termes de techniques de navigation, penser à construire une flotte maritime. Le d’Essaouira (ex: Amgdoul). Objectif: renfor- le rôle d’intermédiaire avec les commerçants cartographies, infrastructures, etc.o sultan a donc essayé de sécuriser les ports cer les échanges commerciaux avec l’Europe européens. Il y a ainsi rassemblé tout ce qui Mohamed AZMANI

1956 1956 1958 1960 1961 1962 Le Maroc est admis Tremblement de la Adoption par référen- comme membre de ville d’Agadir: entre dum de la première l'ONU 12.000 et 15.000 Constitution du morts Maroc Signature avec l'Espagne des accords permettant au Maroc Récupération de la de récupérer sa partie province de Tarfaya et nord abrogation du statut de 1961-1999 «ville internationale» Sa Majesté Hassan II, bâtisseur des barrages pour Tanger et initiateur de la Marche Verte

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Les vaisseaux du désert plutôt que ceux de l’eau

Sauf pendant le court épisode des corsaires, pour les Marocains le vont lui permettre de moderniser l’ac- Une tâche impossible à cause des coûts, tivité maritime et à récupérer certains du manque de temps et surtout le manque littoral est une frontière. La mer fait peur. Le Royaume préférait présides. En 1759, il construira des forts de savoir-faire. Néanmoins, il réorganise son grand Sahara, véritable porte pour l’Afrique subsaharienne pour protéger des citées comme Martil, l’activité corsaire, avec l’instauration du Rabat ou encore Salé. Ces forts seront registre, la catégorisation des corsaires: via le commerce des caravanes et ses vaisseaux du désert. équipés de canons et les marins bénéfi- Raiss, tabji (canonnier), etc. Il fit venir EN fait, à l’époque des Almora- vides, au XIIe siècle, le Maroc s’est in- téressé à la mer. D’où la mise en place d’une flotte militaire et la construction de ports comme ceux de Salé et de Sebta, servant pour le commerce entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe. Mais l’empire chérifien n’y a pas vu d’opportunité. L’étendue de l’arrière-pays et son ouverture sur le Sahara suffisent à son économie: le commerce caravanier. Les vaisseaux étaient ceux du désert. Autres contraintes «anti-maritimes»: des côtes incommodes et peu de bois de qua- lité navale. Quand les Européens construisent le port Saint-Louis du Sénégal, l’inter- médiation marocaine perd son intérêt. Al Mansour Addahbi, le dernier grand saâdien, a essayé de s’adjoindre les compétences de prisonniers portugais. Mais la peste l’emporte et sa dynastie s’écroule. Les Alaouites encouragent les cor- saires, qui attaquent les navires enne- mis. Ces derniers bombardent des villes côtières, imposent un blocus à la flotte marocaine.

Moulay Ismaïl n’y croit pas…

Bab Al Bahr et la tour de Saint-Sébastien au Mazagan, dans leur état actuel. En 1769, le sultan signe un traité avec les Portugais, Moulay Ismaïl change la politique décrétant ainsi la fin de la guerre et le retour de la ville, mais on peut toujours observer que les canons sont restés tournés vers… des corsaires. Le 29 janvier 1682, il re- la terre. La taille de la darse ainsi que celle de la voûte sous laquelle on tirait les bateaux donnent une idée de la taille des nefs (Ph. cule devant la force et signe le traité de Archives de L’Economiste) St-Germain-en-Laye: levée du blocus, mer ouverte à la navigation, instauration Cent ans plus tard, Moulay Moham- cieront d’une formation dispensée par d’Aït Atta et de Tafilalet plusieurs cen- d’un passeport pour les navires, ainsi que med Ben Abdallah trouve le moyen de des formateurs d’origine turque et britan- taines d’hommes pour s’entraîner à Tan- l’engagement du Maroc à protéger les na- tirer profit du commerce maritime, à nique. Moulay Mohammed Ben Abdallah ger. Un «stage» de deux mois destiné à vires français. l’import et à l’export. Des revenus qui pensa même ressusciter l’arsenal de Salé. ➨➨➨

1963 1965 1967 1969 1971

Proclamation de Libération de la ville l’Etat d’exception de Sidi Ifni de l'occu- pation espagnole En juin, participation du contingent maro- cain à la guerre de Guerre des sables soldée par des six jours. Hassan II négociations sous l’égide de fixe l’objectif de l’OUA. Conséquence: discrédit l’irrigation d’un de Ben Barka et perte du Sahara Tentative de coup d’Etat million d’hectares à de Skhirat oriental et du plateau de Tindouf l’horizon 2000

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Les vaisseaux du désert plutôt que ceux de l’eau ➨➨➨

Le plan de Mogador-Essaouira dessiné par Cornut. Ce port sera longtemps le seul point d’accès maritime du Maroc. A la demande de Moulay Mohammed Ben Abdallah, l’ingénieur français, Théodore Cornut, conçoit «la bien-dessinée», Es-Saouira, qui deviendra Essouira puis Essaouira à l’Indépendance. Néanmoins, elle inspire toujours les artistes. Aujourd’hui, elle veut devenir une des grandes destinations du tourisme vert et des festivals intelligents, sa anse n’étant pas du tout faite pour les navires commer- çants actuels. Aujourd’hui, le plan militaro-portuaire est encore visible. Cependant, c’est un Génois et un Britannique qui édifiaient par Moulay Mohammed III la sqala et la jetée

(Source: Service de l’urbanisme de Rabat; 1954)

Belle représentation surmonter la peur de la mer. Mais le ver est déjà dans le des Oudayas (qui ser- fruit: en 1751 déjà, ce sultan accorde aux Européens le droit vaient de palais aux de fonder des comptoirs au niveau des ports marocains tels sultans alaouites de que Safi, Rabat, Agadir. Deux ans après le premier consul, passage dans la ville), un Danois, s’installe. la Tour Hassan et des deux Sala, sur cha- Les Danois ouvrent le bal cune des rives du Bou Reggreg. A l’extérieur Le traité avec le Danemark pose un principe novateur, des murs, le Chellah mérénide, à l’empla- les eaux territoriales, mais s’en sert pour rendre le Makh- cement de la Sala zen responsable financièrement des avanies survenant aux romaine. La date et navires étrangers. Terribles négociateurs, les Danois obtien- la source de ce dessin nent en plus la concession des services de la Douane (bien sont perdues. avant Algésiras!) et le droit d’installer, dans chaque ville, L’actuelle Rabat, à un comptoir de leur «multinationale», la Compagnie royale droite sur ce dessin, d’Afrique. s’appelait Sala la En 1760, la Grande-Bretagne réclame et obtient le vieille. L’actuelle même traitement avec le droit d’approvisionner Gibraltar, Salé, de l’autre côté victime du blocus espagnol. Mauvais calcul: ce traité vaut du fleuve, s’appelait au Maroc des mesures de rétorsions espagnoles. Jusque dans «Sala Nova», Sala la les dernières années du XVIIIe siècle, les traités maritimes neuve se multiplient, sans que finalement l’empire chérifien n’en tire avantage.o Hassan EL ARIF

1972 1973 1975 1979 1984 1985

Les FAR Récupération de la Lancement d’un enregistrent de - Lancement de la province de Oued programme de Attaque de l’avion lourdes pertes Marche Verte: 350.000 Ed-Dahab construction de petits royal durant les volontaires ont et moyens barrages batailles du répondu à l'appel royal Golan - Lancement de la construction de l’autoroute Casa-Ra- bat. Le projet s’étalera jusqu’à 1987 Visite du pape Jean-Paul II au Maroc

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TangerMed révolutionne Le complexe portuaire a per- mis de redéfinir les notions de stratégie logistique et de trans- port au Maroc. Le pays entre de plain-pied dans le vingt-et- unième siècle en matière de transport. Ses connexions fer- roviaires et routières en font un hub multimodal de dimen- sion internationale

TANGERMED et le complexe portuaire dont il porte le nom marque- ront pour de longues années à venir le pas en matière de transport et de lo- gistique au Maroc. Tout d’abord, Tan- gerMed et ses ports de transbordement Le port passagers et roulier est l’autre versant ingénieux du port TangerMed avec plus de 8 millions de passagers et près de et roulier ont permis de redéfinir les 700.000 véhicules par an (Ph. Bziouat) liaisons entre le Maroc et son environ- deuxième en avril 2008, totalisant une nement. TangerMed a réussi en l’espace capacité globale de trois millions et demi de quelques années à multiplier par six la de conteneurs. L’investissement global a capacité d’accueil et de transbordement été de 15 milliards de dirhams. La deu- du pays. Il permet par la même occasion xième partie TangerMed II, dont les tra- de relier le Maroc aux grandes routes du vaux ont démarré en mai dernier, coûtera transport maritime international via des pour sa part quelque 18 milliards de di-

Un port enraciné dans son environnement POUR tirer la quintessence d’un projet de la trempe de TangerMed, il est né- cessaire de doper ses connexions logistiques avec son environnement. C’est le cas des liaisons ferroviaires et autoroutières qui font de cette région un exemple en la matière. C’est surtout une autoroute de 54 km reliant l’autoroute du Nord (Rabat -Tanger) au Port TangerMed, et d’une liaison ferroviaire de 45 km connectant le port au réseau ferroviaire national. Ce qui permet de boucler la boucle et de faire de ce complexe portuaire un véritable maillon multimodal. o

liaisons directes entre Tanger et les prin- rhams, dont 9 milliards pour le premier cipaux ports mondiaux. quai livrable en 2014. Le premier terminal à conteneurs, Grâce à TangerMed, le Maroc peut TangerMed est branché dès sa conception sur les autres modes de transport, ici l’au- d’une capacité de 1,5 million d’unités, accueillir les plus grands porte-conte- toroute et le transport des conteneurs (Ph. Bziouat) a été mis en service en juillet 2007 et le neurs de type “SuperPanamax” dont la

1986 1987 1989 1990 1991

Hassan II décide de Dépôt officiel de la Création de la société - En février, envoi d’un fixer le rythme de candidature du Maroc nationale des Auto- contingent marocain en construction des à la CEE routes du Maroc Arabie saoudite sans prendre barrages à un grand (ADM) part aux opérations contre ouvrage par an. l’armée irakienne - Loi 4-89: définition des autoroutes, institution, péage et concessions

Hassan II annonce la création du Conseil consultatif des droits de l'Homme

Novembre 2010 49 l’ouest méditerranéen capacité peut atteindre et même dépasser exportations et importations marocaines jet a été frappé de plein fouet par la crise Maroc a dans ce cas préféré faire cavalier les 13.000 conteneurs. Il est même ca- une voie de transit royale vers les princi- internationale qui a réduit les investisse- seul et décidé d’octroyer la gestion du pable d’accueillir ceux de la prochaine paux marchés et à des coûts imbattables. ments des grands groupes pressentis. Le premier quai à Marsa Maroc. Pour ce faire, un montage spécial a été mis en place avec la création d’une société dédiée, TM2. L’Etat et TMSA apporteront chacun 2 milliards de DH à son capital, avec un apport complémen- taire de 0,7 milliard de DH. Le reste sera recherché auprès de bailleurs de fonds internationaux. La concession s’étalera sur 30 ans, prorogeables de 20 ans sup- plémentaires. La mise en service du terminal est prévue au 2e trimestre de 2014. Il sera exploité en mode multi-utilisateurs, c’est à dire qu’il sera ouvert à toutes les lignes de n’importe quel opérateur maritime. Marsa Maroc devrait investir un total de 320 millions d’euros, soit environ 3,8 milliards de DH, dont les deux tiers au cours des cinq premières années. o Ali ABJIOU ➨➨➨

TangerMed dispose avec son premier terminal d’une capacité totale de plus de 3 millions de conteneurs par an. Aujourd’hui, et suite à la multiplication des grèves en France, l’influence du port marocain se fait sentir jusqu’à Marseille (Ph. Bziouat) génération, grâce à des quais au tirant 8 millions de passagers, soit trois fois d’eau atteignant les 18 mètres. Ce qui plus que l’actuel port, et 700.000 véhi- peut sembler une anecdote de statisticien cules par an, c’est le volume qu’il devrait est en fait un facteur économique de pre- traiter. L’investissement est pharaonique, mier ordre. avec 2,2 milliards de DH. La grosse part Être desservi directement par ces ira aux travaux de construction de la di- géants de la mer suppose une réelle éco- gue, réalisée par un groupement piloté nomie en matière de coûts logistiques par Bouygues-Bymaro et Saipem pour tout en permettant au port tangérois de un montant de près de 1,66 milliard de se hisser au rang de hub régional. DH. Sur la même lancée, le port roulier Avec TangerMed II le Maroc espère modernise l’un des maillons faibles du transformer l’essai. Ce sera un port à transport de marchandises en lançant dès conteneurs une fois et demie plus grand le premier semestre 2010 une plateforme que TangerMed I avec une capacité de TangerMed II dont les travaux ont démarré en mai dernier prévoit une drastique ultra-moderne. Outre les aspects de flui- 5,2 millions de conteneurs en vitesse de augmentation de la capacité de transbordement à l’horizon 2014 avec plus de 8 mil- dité du trafic, le port roulier donne aux croisière. Mais le lancement de ce pro- lions de conteneurs par an (Ph. Bziouat)

1993 1995 1996

Inauguration de la Opération «Assainissement» menée par grande mosquée les services de l’Intérieur. L’Economiste 1992-1993 Hassan II Promulgation de la loi laisse son éditorial en blanc - Référendum sur la révision sur l’eau 10-95. Elle - Libéralisation du marché des céréales. de la Constitution de 1972 permettra d’établir de Le volume des importations a ainsi - Organisation tour à tour des nouvelles règles doublé comparé à la période entre 1980 élections communales et d’utilisation de l’eau et 1995 législatives. La compagnie plus appropriées aux minière de Guemassa démarre conditions écono- l’exploitation du gisement miques et sociales du polymétallique pays

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Dar Niaba à Tanger Quand la souveraineté s’effrite ➨➨➨ Les puissances colonialistes sont à la porte. L’assignation des un détachement du ministère des affaires et Sidi Mohamed Ben Abderrahman étrangères. Le Mendoub représente le change la politique étrangère du Maroc. consuls à Tanger et la création de Dar Niaba sont une tentative Sultan dans la ville et constitue l’inter- L’épreuve force avec l’Occident se pré- pour desserrer la pression... jusqu’à ce que le lieu devienne le locuteur principal des consuls des puis- cise. La France s’installe en Algérie et sances européennes. Il fait également of- menace le Maroc. Mohammed IV décide point de départ des agressions à l’encontre du pays. fice d’agent de renseignement: les lettres de concentrer tous les consuls à Tanger. que les représentants européens adres- Une manière de ralentir la pénétration en DAR Niaba, rue des Syaghine à sont aussi des agents de renseignement saient au ministre des affaires étrangères ne lui laissant qu’un seul passage. Ce qui Tanger. Un lieu de mémoire entre le Ma- et d’influence. du Maroc étaient remises sous cachet à n’allège guère la pression. Au contraire, roc et l’Occident. D’où est venue l’idée Le Makhzen veut contrôler la situa- ce naïb qui les fermait lui-même à la cire Tanger entre alors dans une tourmente de le créer? Le Maroc fut toujours réticent à l’ouverture sur l’Occident. Mais Sidi Mohamed Ben Abdallah, sen- tant les changements, veut asseoir des relations avec l’Occident. Il accepte des représentations consu- laires. En 1753, un Danois devient donc le premier représentant étran- ger au Maroc. Dans la même veine, Mohammed III est le premier chef d’Etat à reconnaître l’indépendance américaine. En 1832, une ambas- sade française dirigée par le Comte de Mornay arriva à Tanger pour ral- lier Meknès. Le Prince de Joinville, lui, vient pour la première fois en 1835. Il y revient, en 1844, à la tête d’une flotte pour bombarder la ville et dé- manteler les fortifications, prélude à la guerre d’Isly près d’Oujda. Ce conflit franco-marocain prendra fin avec la signature d’un traité, dans la baie de Tanger.

Un rouage Le port de Tanger tel qu’il était aux alentours de l’an 1900. L’origine de ce cliché est perdue ; il est reproduit dans un livre de prix d’excellence de la diplomatie scolaire attribué en 1909, « Le Maroc en image ». L’auteur indique qu’il faut effectivement passer par Tanger pour entrer dans Maghreb al Aksa. On ne sait pas s’il a effectué lui-même le voyage ou bien s’il narre les relations de voyages de ses contemporains. Notons qu’il s’intéresse Durant une soixantaine d’années, spécialement à ce qu’on appellerait aujourd’hui les questions économiques, ce qui était plutôt rare dans les documents de l’époque. Il note par depuis le milieu du XVIIIe siècle exemple les difficultés rencontrées par la réforme fiscale de Moulay Hassan Ier (Source: Livre Maroc en image) donc, les accords internationaux au- torisent la présence de consuls euro- tion en établissant, en 1851, à Tanger, et les faisait parvenir après en avoir pris internationale qui la dépasse totalement. péens, éparpillés dans les villes côtières. Dar Niaba qui devient alors un rouage connaissance. La ville devient le lieu d’où partent les Mais la pression augmente : les consuls de la diplomatie. C’est si l’on peut dire La guerre entre Charles III d’Espagne (Suite en page 52) ➨➨➨

1997 1998 1999

- Election au suffrage indirect des 270 membres de la Chambre des conseillers - Inauguration du grand barrage Al Wahda. Grâce à ce projet, le rêve d’irrigation d’un million d’hectares est devenu une réalité. - Réalisation d’un atelier d’acide phosphorique 14 Juillet 1999 purifié de 120.000 t/an à Jorf Lasfar Le Roi Hassan II à Paris lors du défilé militaire, - Lancement du projet de la rocade méditerra- une de ses dernières sorties publiques néenne. Elle reliera les villes de Tanger Investiture du premier gouvernement de l’Alternance et Saïdia conduit par le secrétaire général de l’USFP

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Dar Niaba à Tanger Quand la souveraineté s’effrite ➨➨➨ (Suite de la page 50) agressions politiques et symboliques la ville au centre des rivalités internatio- contre le Royaume. nales. Plusieurs accords sont signés, notam- C’était trop tard… ment les accords maroco-britanniques en 1856 d’ouverture économique : Londres Les rivalités européennes pour le promet de défendre la souveraineté de contrôle de Tanger démarrent en cette fin l’Empire chérifien en échange de la li- du XIXe siècle. La France, l’Espagne, le berté de commerce pour ses entreprises. Royaume-Uni, l’Allemagne multiplient Mais le pays est asphyxié, notamment les missions diplomatiques et commer- avec les frais de guerre versés à l’Es- ciales pour placer leurs pions, mettant pagne suite à la défaite du Maroc lors de

La «dynastie des Hay»

Edmondo De Amicis écrit en 1876 la relation de voyage d’une mission diplomatique ita- Le «commerce des captifs» lienne au Maroc, avec de nombreuses illustrations imprimées à partir de gravures sur bois, d’où leur forme singulière. Ici il s’agit de la réception donnée à Fès, par le grand vizir, Tayeb ben Yamani Bouachrine en l’honneur de cette mission diplomatique. De Amicis raconte que la mission attendit à Tanger qu’il lui fut donné une escorte militaire, préposée à la protection comme à la surveillance des diplomates italiens. (Source: De Amicis, Le Maroc, traduction française publiée en 1882 ; notons pour les ama- teurs de livres exceptionnels que de rares exemplaires en italien ou en français arrivent depuis deux ou trois ans dans les salles de vente aux enchères; la concurrence pour les acquérir est féroce)

soustrait à la loi marocaine. Il y aura de Les naïbs multiples abus, vainement dénoncés. En 1880, le Congrès international de 1848-1851: Bou Selham Ben Ali, Madrid est organisé à la demande de Dar pacha de Tanger et de Larache Niaba. Il tente de redéfinir les relations 1851-1862: El Haj Mohamed El entre les grandes puissances et le Maroc, Khatib notamment l’abolition des protections. (Origine et date perdue) 1862-1886: Mohamed Bargache Mais c’est l’inverse qui arrive: le système SIR John Drummond-Hay, posant avec sa famille. Des relations très étroites 1886-1908: Mohamed El Larbi Tores est généralisé. entre la Grande-Bretagne et le Maroc se sont développées à l’époque du Consul gé- 1908-1923: Mohamed El Gabasse Dar Niaba n’a pas rempli son rôle. Elle néral britannique Edward Drummond-Hay et son fils, Sir John Drummond-Hay, qui 1923: Mohamed Ben Abdelkrim Tazi est au contraire un lieu de mémoire de la tous les deux parlaient couramment l’arabe. En 1829, débute la saga de la «dynastie défaillance de la souveraineté marocaine, Hay » à Tanger. E.U. Drummond Hay arrive en août de cette année-là en tant que la guerre de Tétouan (1860). jusqu’à la perte de l’indépendance en 1912. Consul de Grande-Bretagne. Son fils John, lui succéda jusqu’en juillet 1886. Les Parallèlement viennent les protec- En 1956, après l’Indépendance, Dar Hay jouèrent un rôle éminent dans la politique marocaine de la Grande-Bretagne. tions diplomatiques: les Marocains qui Niaba est reconvertie en perception, puis Dans les années 1840, ils furent intermédiaires pour le Maroc avec d’autres pays travaillent avec les étrangers peuvent devient Dar el Adoul.o européens, tels que l’Espagne, la France, le Danemark et la Suède o obtenir une carte diplomatique qui les Jihane KABBAJ

2000

9 Novembre 1999 Driss Basri limogé Août 2000 25 Juillet 1999 30 Juillet 1999 Funérailles de Feu Hassan II, Octobre 1999 Talsint: Annonce de la découverte de gisements de pétrole dans l’Oriental, décédé le 23 juillet Accession au Trône et Après 8 ans d’exil en France, premier discours de SM le Abraham Serfaty est de retour mais on s’est vite aperçu de la supercherie Roi Mohammed VI à la faveur d’une décision royale

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Des «rois médecins» à la La médecine était l’une des science moderne. C’est dans cet esprit que le Cherif Abdeslam El Alami a été préoccupations des sultans envoyé à la jeune Faculté de médecine alaouites. Moulay Errachid était du Caire (très avancée dans beaucoup de domaines à cette époque) dirigée par le un roi médecin. Le souci de Français le Dr Clot devenu Clot Bey. A son retour, il devient le médecin particu- l’hygiène sanitaire était présent lier du roi Moulay El Hassane. Son œuvre à cette époque. Al Qaraouine a maîtresse peut être traduite par «l’apho- risme de Daoud Al Antaki en langue de cessé d’enseigner la médecine et Fès». Dans son autre ouvrage «Les se- le dernier diplôme a été délivré crets des œuvres traduites», il donne un aperçu sur la médecine et la thérapeutique en 1893. occidentale du début du XIXe siècle au- quel il s’initia au Caire. LES sultans alaouites étaient très désireux d’apprendre et d’approfondir leurs connaissances. La médecine était Place aux recettes magiques d’ailleurs l’une de leurs préoccupations. En effet, le progrès scientifique va La médecine au Maroc va bientôt continuer à se développer durant la pé- sombrer dans le déclin le plus total. Elle riode alaouite. A cette époque, Moulay perd tout son côté scientifique et laisse Errachid était un roi médecin. Il assistait place à la thérapeutique populaire, reli- à des cours à l’université Al Qaraouine et gieuse et «magico-sorcellaire». Le livre encourageait la recherche en accordant de chevet des étudiants était celui de aux étudiants des bourses d’études. De Sayouti «Le livre de la miséricorde» où se son côté, Moulay Ismaël a réorganisé mêlaient recettes magiques, incantations l’université Al Qaraouine en titularisant et prescriptions magistrales. On retrouve les professeurs et en légalisant les di- quelques ophtalmologistes dont Moha- plômes dont celui de la médecine. Très med Ben Lahcen Alouadissi qui traitait tôt, cette science a occupé une place im- les taies (taches) de la cornée par les portante parmi les disciplines étudiées à pointes de feu. Il procédait à l’extraction Fès. du cristallin par le «mérouad», espèce de L’enseignement relevait du qadi qui poinçon en cuivre. était en quelque sorte le recteur de l’uni- A l’époque du Sultan Moulay Ismaël, l’université Al Qaraouine a connu une réorga- Al Qaraouine cessa d’enseigner la mé- versité. C’est lui qui conférait, après nisation. Les professeurs sont devenus titularisés et les diplômes légalisés. Le dernier decine et le dernier diplôme a été délivré consultation des autres professeurs, le diplôme de médecine a été délivré en 1893 (Source: Achaabane) par cette université en 1893. C’est seule- droit de se servir du koursi ou chaire des cine enseignées par les savants d’Al Qa- travail, il indique l’utilisation et la noci- ment dans deux foyers que se maintien- futurs enseignants. Le qadi assistait de raouine: le kamil d’Er-Razy, le Canon vité de divers aliments en fonction de leur dra l’enseignement de l’art de guérir no- temps en temps au cours des professeurs d’Avicenne, la Zebda et Tibb de Djor- maîtrise. Ce génie marocain a même réa- tamment à Taghzoute et dans la médersa pour contrôler la qualité de leurs connais- diani. Lorsqu’un professeur décédait, le lisé une étude sur la salsepareille (plante) Ben Youssef à Marrakech. Avec la fin du sances. Comment se passait le cours de deuil durait sept jours. qu’il recommande comme traitement ra- XIXe siècle, l’intérêt pour la médecine médecine? une fois le professeur installé, Des noms célèbres comme Abdelka- dical de la syphilis. s’est détérioré et c’est le protectorat fran- un «taleb» ou étudiant appelé «quari» ou der Ben El Arabi ou Ibn Chekroune Al Mais dès 1823, le Maroc connaît une çais qui a initié de nouveaux projets. lecteur lit une phrase d’une œuvre médi- Maknassi ont marqué l’histoire par leurs période de troubles. Les souverains ma- Le souci de l’hygiène sanitaire était cale, le maître l’explique puis prononce travaux. Al Maknassi a séjourné fréquem- rocains, voyant le niveau scientifique du présent à l’époque précoloniale. Moulay le mot «zide» qui veut dire «continue», ment au Caire. Son œuvre maîtresse reste pays se détériorer, ont fait appel à l’étran- Ismaël s’y est intéressé de près. Un ré- à l’étudiant de lire une deuxième phrase un poème de 672 vers. Il y présente le vo- ger. L’histoire relate que Moulay El Has- seau d’égouts a été édifié dans sa capitale et ainsi de suite jusqu’à la fin du cours. cabulaire technique de la diététique et de sane a envoyé en Europe et en Orient Meknès. Il était entretenu par «les Ka- Parmi les principales œuvres de méde- la matière médicale de l’époque. Dans ce une pléiade de jeunes pour s’initier à la doussiers» ou corporation des éboueurs

2001 2002 2003 Juillet 2002 Janvier 2001 Octobre 2001 Novembre 2002 L’îlot Leïla ou «Persil». Nouvelle stratégie Création de l’Institut royal Gouvernement Le Maroc et l’Espagne ont touristique nationale de la culture amazigh Jettou. frôlé la confrontation et Plan Azur en 2002 Après des semaines militaire Mars 2002 et des semaines de SM le Roi épouse Lalla Salma. La signature de l’acte bataille entre partis, Octobre 2001 de mariage a eu lieu le 21 mars. le Roi nomme Driss Les cérémonies se sont déroulées au mois de juillet. Jettou (sans apparte- Première visite royale C’est la première fois qu’un Souverain dévoile nance et pas élu) dans les provinces son épouse et que celle-ci a un titre officiel du Sud

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«colonisation sanitaire» qui avaient à leur tête un chef appelé ajouté autour du sanctuaire une trentaine sion de l’assistance aux malades. Est-ce hospitalier important. Il faut compter égale- «chien d’eau». de chambres pour servir d’asile aux alié- la fin des Bimaristanes ? ment les hôpitaux militaires et les cliniques Dans certaines sources, le mot prend nés, aux handicapés mentaux, aux dépri- privées qui se sont également développés. sens d’un hôpital de fonctions générales, més et donna en 1831 l’ordre que l’eau Protectorat, Reste qu’aucune faculté de médecine n’a dans d’autres c’est un asile réservé aux soit amenée au site maraboutique. Quel été créée au Maroc sous le Protectorat alors aliénés mentaux, aux malheureux, aux était le degré du progrès de la science ou une vision sanitaire qu’une faculté a été créée à Alger et une prisonniers et indésirables. Le sens du de la médecine dans les «Bimaristanes» école à Dakar. C’est ce qu’on a dénommé mot Bimaristane reste indéfini. C’est marocains? Est-ce qu’il y avait des inter- Au XXe siècle, les premiers mis- «une lacune de l’occupation française». La un mot d’origine persane composé de ventions hospitalières médicales, un suivi sionnaires français ont dressé un tableau période du protectorat a été cependant mar- deux parties: bimar (malade, impotent, et des analyses ? De l’avis des historiens, sombre de la situation sanitaire et hygié- quée par la formation de jeunes Marocains aliéné, estropié et malheureux) et stane «c’était plutôt un endroit d’asile que mé- nique au Maroc. Ils ont mis l’accent sur (lieu et maison). Les bimaristanes ne se dical». Les citoyens avaient peur de la l’anarchie et l’insécurité (1). trouvaient que dans les grandes villes contamination et de ce fait les patients A l’avènement du protectorat, la France avait une vision «Fronts sanitaires» sur la situation sanitaire au Maroc. C’était nor- LA lutte contre les grandes mal qu’elle présente son maladies endémo-épidémiques projet de santé basé sur la prend les proportions d’une bataille médecine moderne. Un livrée sur des «fronts sanitaires» combat dur, puisque les avec des équipes, des «brigades» et Marocains s’attachaient à des «groupes mobiles». La guerre leur médecine tradition- était lancée aux mouches (favorable nelle basée sur les herbes à l’éclosion du choléra, de la dysen- et les dons ou la baraka. terie et de la typhoïde) et aux rats Les asiles qui abritaient (commis voyageurs de la pestilence les malades atteints de la par l’intermédiaire de la puce). A peste ont été transformés la liste s’ajoutent les moustiques en sanctuaires (Bouya (vecteurs de paludisme) et les poux Omar, Sidi Ben Achir (agent de transmission du typhus à Salé, Sidi Fateh à Ra- exanthématique qu’on ne sait pré- bat…). venir que vers les années 30 par la La réhabilitation par vaccination pratiquée entre 1938 le Protectorat de quelques et 1942. Près de 4 millions de vac- Bimaristanes du Maroc cins). Une remarque: Les Français notamment ceux de Fès, avaient obligé certains Marocains Rabat, Salé et Meknès résistants à la médecine moderne à La prévention contre les poux n’a été effective que vers les années 30 par la vaccination qui a été s’est faite par les biens se faire soigner, surtout au souk. o pratiquée entre 1938 et 1942. Les Français avaient obligé certains marocains résistants à la médecine moderne à se faire soigner, surtout au souk (Ph. Bziouat) Habous, renouvelés et organisés. Ce qui a pu éviter aux services de à des tâches médicales. D’autres jeunes ont du Maroc. Selon les chroniqueurs de la étaient mis à l’écart. été envoyés en France pour des études mé- dynastie Alaouite, c’est le sultan Moulay Pendant la deuxième moitié du XIXe santé et d’hygiène de grandes dépenses. De 1946 à 1952, un grand nombre dicales. Ce sont eux d’ailleurs qui ont pris Abdellah Ibn Moulay Ismaël (1728-1757) siècle, les essais d’interventions étran- o d’hôpitaux modernes ont été lancés et la responsabilité de la santé au Maroc. qui a ordonné à son gouverneur à Salé de gères, d’encerclement financier, diplo- Fatim-Zahra TOHRY construire, en 1733, une immense salle matique et militaire se sont multipliés sur construits à cette époque notamment à sur la tombe de Sidi Ben Achir (Sidi El un pays affaibli par la succession d’une Rabat, Meknès, Oujda et d’autres furent Haj Ben Achir, un saint d’origine anda- série de disettes et d’épidémies. Ce qui modernisés. Cet effort de modernisa- (1) Citons par exemple les rapports établis louse, mort en 1365 et enterré à Salé). créa une situation difficile sur le plan éco- tion fut poursuivi après le Protectorat en 1922 sur les Bimaristanes de Sidi Fredj à Moulay Abderrahman (1822-1859) a nomique et politique et entraîna la régres- donnant ainsi au Maroc un équipement Fès et de Sidi Ben Achir à Salé.

2003 2004 Lancement du programme de voies express. Il concerne Février-Mars 2003 un linéaire de 630 km Procès des pour un coût total «Rockers sataniques» Octobre 2003

de plus de 6,6 milliards Février 2003 16 Mai 2003 La Moudawana de DH Coup d’envoi de TangerMed. Attentats terroristes voit le jour avec le Après quatre ans de travaux colossaux, le port à Casablanca discours royal au est opérationnel le 27 juillet 2007 Parlement. Entrée en application le 9 Mai 2003 Mai 2003 février 2004 Naissance du Prince héritier

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Comment vivre quand

Les Marocains ont toujours eu des stratégies sophistiquées pour dépendance, le Maroc s’est doté d’une Dès 1998, juste avant sa disparition, capter l’eau, en ville comme à la campagne. Mais ce n’est que sous politique forte et dynamique dans le sec- l’objectif d’irriguer un million d’hectares teur de l’eau. est pratiquement atteint. Cette politique le Protectorat français que le premier barrage moderne apparaît. «Un barrage par an» avait dit Feu des barrages assure la sécurité hydrique, Feu Hassan II en fera la marque de son règne et l’effort se pour- Hassan II, pour l’industrie, pour l’agri- permet d’améliore et de diversifier la culture et pour les hommes dont le production agricole. Et aujourd’hui de suit, accentué, sous SM Mohammed VI. nombre double sous son règne. servir, ou distraire dans les piscines, 10

P ARTOUT o ù c’est possible, quand il n’y a pas déjà un bar- rage, c’est qu’il y a un plan pour un futur bar- rage. S’il y a de l’eau à peu près partout et en quantité suffisante, c’est que le Maroc y a pris peine, la nature ayant été avare. Et en plus dis- traite, en ne faisant pas tomber pluie et neige aux bons endroits. On recense actuel- lement plus de120 ou- vrages, dont un géant en terre compactée, Wahda (connu aussi sous le nom de M’Jara) fut, sept ans durant, le plus grand chantier du monde. Au- jourd’hui, c’est la 3e re- tenue d’eau au monde. Qui se doute de tout ce travail? Au Maroc, pas grand monde, il faut le dire, même si le savoir-faire et la dé- termination des poli- tiques marocaines de l’eau sont reconnues à l’étranger. En plus des 120 bar- Construction du barrage de Sidi Maâchou. Les ouvrages hydrauliques modernes sont apparus sous la colonisation, alors que les moyens traditionnels rages déjà en fonction, avaient épuisé leur capacité à mobiliser l’eau. L’indépendance a vu l’explosion des capacités de mobilisation de l’eau. Aujourd’hui, si la construction des 59 ouvrages moyens et grands ouvrages n’est plus mise en avant que sous le règne de Feu Hassan II, l’effort d’équipement se poursuit, doublé d’un souci d’améliorer la gestion petits seront mis en eau de l’eau (Ph. Marcel Flandrin ; collection privée, Fondation Banque Populaire pour l’Education et la Culture/ Groupe Banque populaire) d’ici 2015. Car, dès l’In-

2004

- Téléphonie fixe: La 2e licence Février 2004 15 Mai 2004 activée - Installation officielle Avril 2004 Le Maroc rate - Création d’une caisse pour le du Conseil supérieur de - ALE avec la Turquie l’organisation du financement routier. Objectif: la communication et de - Coup d’envoi de Mondial 2010 au Accélérer le rythme de réalisa- l’audiovisuel Diwan Al Madhalim- profit de l’Afrique du tion des routes rurales - Signature de l’Accord Née à Marrakech, Sud - Signature d’un contrat- d’Agadir. Son applica- l’OMC fête ses 10 ans 8 Avril 2004 programme entre l’Etat tion ne sera effective Entrée en vigueur du et ADM pour la période que le 27 février 2007 12 Février 2004 Février 2004 Code du travail, le plus 2004-2008 Libéralisation du vieux projet de loi du Séisme d’El Hoceïma transport aérien Maroc

Novembre 2010 57 il y a si peu d’eau? millions de touristes. Même les habi- chants au gaspillage de l’eau. La poli- nouveau aujourd’hui par certains éco- et 2000 montre le peu de poids de ces cri- tudes marocaines ont changé au point tique des barrages fut critiquée en son logistes. Néanmoins les sècheresses ré- tiques face aux gains économique et social qu’il faudrait parfois refreiner les pen- temps à cause de son coût; elle l’est à pétitives et longues des années 80, 90 de ces ouvrages. Et sans ces politiques de mobilisation de l’eau, selon le terme tech- nique en usage, il aurait fallu « exporter » une bonne vingtaine de millions de Maro- La menace est toujours là! cains. Le règne de SM Mohammed VI met 400.000 ha environ. D’où le lancement Y aurait-il une bombe à retarde- cipitations des années 2009 et 2010 mais moins l’accent sur les grandes infrastruc- de quelques projets de dessalement ment dans les barrages ? d’économie d’eau reste d’actualité. Le tures et plus sur les petites réalisations de des eaux de mer. Mais en attendant, la Sans oublier l’envasement des bar- constat vaut aussi pour les eaux souter- proximité. Pourtant les grandes infrastruc- priorité est accordée à la résorption du rages, des études toutes récentes ont mis raines. tures restent une donnée présente tout au décalage qui persiste encore entre les en évidence la baisse tendancielle des Leur surexploitation, aggravée par long de ces onze ans. Et en particulier les superficies dominées par les barrages apports globaux en eau. Baisse, estimée les effets de la sécheresse a entraîné une barrages. et celles aménagées. S’y ajoute aussi la entre 30 et 40% selon les régions. L’ana- forte baisse des niveaux qui ont atteint Néanmoins si la mobilisation de l’eau reconversion de plus de 550.000 ha en lyse des apports observés au niveau de dans certains cas des cotes alarmantes. est une réussite du Royaume, le devenir des irrigation localisée. l’ensemble des barrages existants a mon- C’est le cas des nappes de Saïss qui eaux usées et la pollution ont été négligés. Le décalage entre les ouvrages hy- tré aussi un recul de plus de 20%. accusaient un rabattement annuel de 3 La qualité des eaux des rivières, barrages et drauliques et les équipements d’irriga- Ceci, sans oublier le niveau d’enva- métres et celles du Souss qui ont reculé nappes phréatiques s’est dégradée à grande tion entrave la valorisation de près de sement des barrages. Sur une décennie de 2 m/an. vitesse, depuis 1980, limitant ainsi le po- 1 milliard de m3 d’eau. Cela se traduit des bassins comme celui du Bouregreg Situation, partiellement redres- tentiel réel en eau mobilisée. par un manque à gagner d’environ 2,3 a accusé une diminution de son volume sée après les pluies des deux dernières Ce n’est que ces dernières années que le milliards de DH en termes de produc- estimée à 46%, Sebou a régressé de 45% années, situation révélatrice de la me- souci du traitement s’est vraiment imposé, et Oum Errabii de 38%. Ces déficits ont nace qui pèse l’agriculture irriguée par tion agricole et d’une perte 13,8 mil- été certes résorbés avec les bonnes pré- les eaux souterraines. Celle-ci occupe lions de journées de travail.o ➨➨➨

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Comment vivre quand il y a si peu d’eau? ➨➨➨ fortement soutenu par le Souverain d’ailleurs. En fait, la paralysie connue sur ces questions vient d’un vide ju- ridique qui n’a été comblé qu’en 1995 avec la loi sur l’eau. Au- jourd’hui encore elle n’est pas appliquée dans son intégralité. Cependant elle pose des principes de base: l’unicité de la ressource, sa gestion intégrée et décentralisée par bassin versant ainsi que l’asso- ciation des usagers et la maîtrise du gaspillage. L’approche a donc été inver- sée. Le fils directeur n’est plus Barrage Al Wahda Barrage Bin El Ouidane la mobilisation, mais la gestion. A commencer par celle de la de- mande. Les résultats ont été tangibles pour l’eau potable, plus mitigés pour l’agriculture qui absorbe pourtant les neuf dixième de l’eau. Aussi un programme ambi- tieux d’investissement a-t-il été re- tenu sur les dix prochaines années. Il porte sur près de 50 milliards de DH, soit 50% de l’enveloppe dé- diée au Plan Maroc Vert. Scindé Barrage El Kansra Barrage Idriss Ier Barrage Sidi Mohamed Ben Abdellah en quatre sous programmes, le projet vise l’économie d’eau, la résorption du décalage entre les barrages et l’équipement des su- perficies en infrastructures d’irri- gation ainsi que l’extension de la petite et moyenne hydraulique. Valeur aujourd’hui, la super- ficie totale équipée pour l’irriga- tion (Etat et privé) est de l’ordre de 1,5 million d’hectares. Mais celle-ci reste dominée par l’irriga- tion dite de surface qui s’accapare plus de 80% de la ressource, mais avec beaucoup d’inefficacité. Les Barrage Taskourt Barrage Mohammed V Barrage Bab Louta méthodes agricoles économes de l’eau sont trop rares.o Source: Secrétariat d’Etat Chargé de l’Eau et de l’Environnement A.G.

2005

Novembre 2004 21 Décembre 2004 16 milliards de DH pour Lancement des travaux de la le plan de départs volon- première ville nouvelle «Taman- Juin 2004 Février 2005 taires (DVD) relifté sourt» située aux portes de Jettou forme son deuxième 1er Septembre 2004 - Fin du monopole gouvernement avec l’arrivée Marrakech, avec un objectif Démarrage du recense- audiovisuel publié au de technocrates repeints d’atteindre 15 villes nouvelles à aux couleurs politiques ment général de la Bulletin officiel l’horizon 2020. Tamansourt population. Résultats: - Télécoms: Le fixe Mai 2004 coûtera 38,4 milliards de DH nous sommes s’ouvre à la concurrence Suppression de la 29.891.708 habitants Cour Spéciale de Justice

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La Route de l’Unité 60 km du concentré d’histoire La Route de l’Unité met aux prises Hassan II alors Prince héritier Mehdi Ben Barka. Et à moindre frais, avec verture médicale et l’assistance sanitaire, les le «soutien du peuple» comme le voulait le cours de formation et les conférences d’ani- et un de ses proches, Mehdi Ben Barka, président de l’Assemblée vocabulaire de l’époque. Il veut impliquer mation et de débats sur les questions d’in- nationale consultative, l’ancêtre de l’actuel Parlement. massivement des jeunes volontaires, sur le térêt national… Hassan II, alors chef des modèle maoïste. Il espère 30.000 jeunes, il armées, propose d’impliquer des militaires. LA route, longue à peine de 60 km, semblée nationale consultative n’est-elle pas n’en attire que 12.000 (par comparaison, la Pas question, répond Ben Barka. Le Prince relie Taounate, au nord de Fès (ex-zone de demander au Roi Mohammed V d’offi- Marche verte mobilisera plus de 300.000 héritier revient à la charge: il demande à ce française) à travers le Rif jusqu’à Kettama cialiser l’institution du Prince héritier, donc civils). L’objectif était de démontrer que que les jeunes reçoivent aussi une forma- (ex-zone espagnole). La construction est de nommer Moulay Hassan comme Prince «l’on peut réaliser de grandes choses à tion militaire et propose que le chantier soit liée à trois grandes figures marocaines, en héritier. Pour le Pr. Bouaziz, «c’était une moindre frais, sans être l’otage des grandes inauguré par le Souverain, Mohammed V. plus des antagonistes sur le terrain. Le feu façon pour cette mouvance de dire qu’elle puissances». Lequel décide que Moulay Hassan qui don- Mohammed V arbitre ces duels. n’était pas contre la monarchie, mais en Le chantier devient une école de la nera le premier coup de pioche. On est en 1957, l’administration fran- même temps que c’est l’Assemblée consul- politique et de l’administration publique Ben Barka, insensiblement, se laisse en- çaise venait de partir, après 45 ans de pré- sence. Le nationalisme marocain est alimen- té par deux mouvances, qui perdureront jusqu’en 1998, jusqu’au gouvernement d’Alternance: d’un côté «le nationalisme royal» et de l’autre «le nationalisme dé- mocratique» selon l’expression employée par ses propres tenants. Une expression plus neutre dirait «le nationalisme des par- tis», lesquels, d’ailleurs, se désignent eux- mêmes «mouvement national». Le premier défi du Maroc indépendant est la construction d’un Etat-nation. Ce qui alimente la compétition entre les deux mouvances. Chacune a sa propre idée. Par exemple, les partis voulaient une «assem- blée constituante» estimant que les élus du peuple doivent rédiger la constitution. L’autre courant voulait et a obtenu une «as- semblée nationale consultative», dont la présidence, de 1956 à 1959, est confiée à… Mehdi Ben Barka, chantre de l’autre vision! Après une courte période de cohabita- tion, le gouvernement du Maroc indépen- dant d’Abdallah Ibrahim, ce sont les tenants de la vision nationale autour du Trône qui Un certificat de participation au chantier de la Route de l’Unité: Mehdi Ben Barka espérait mobiliser 30.000 jeunes sur le modèle des l’emportent. Mais assez curieusement, ces chantiers populaires chinois de l’époque; il n’en vint que 12.000. La force symbolique de ce chantier a été telle qu’elle a polarisé les épisodes d’histoire contemporaine sont rivalités politiques de l’époque, surtout, comme le souligne l’historien Bouaziz, que ce chantier a été ouvert alors que les deux grandes généralement contés par les tenants de la visions sur l’avenir du Maroc s’affrontaient et coopéraient, tour à tour. tendance des partis, ce qui rend difficile tative qui intronise le Prince héritier». A avec des activités éducatives, artistiques et fermer entre le Palais et ses propres ultras. l’observation apaisée, aujourd’hui encore. cette époque, les politiciens ne cherchaient citoyennes, de règles de conduite et de pro- L’Unem (l’Union nationale des étudiants Voilà le contexte des grandes rivalités pas la simplicité… La question est encore cédés de gestion des ressources humaines, du Maroc) boycotte le chantier où pourtant politiques dans lequel s’inscrit la Route de en débat dans les cercles de la gauche ma- de conception, d’analyse et d’animation sont photographiées toutes les personnalités l’Unité. Il n’est pas facile de s’y retrouver: rocaine. des projets et leur évaluation. Tout un staff du Maroc. o une des premières décisions prises par l’As- La Route de l’Unité est une idée de d’encadrement assure la logistique, la cou- Bachir THIAM

Mars 2005 - Bilan du plan Avril 2005 7 Juillet 2005 quinquennal 2000-2004. Scandale de - Premiers tours de roue De gros loupés l’orphelinat de la Logan, le véhicule d’Aïn Chock: Grande - Présentation de l’étude low-cost de Renault 28 Juillet 2005 colère royale contre les sur la politique industrielle monté au Maroc Signature de l’accord de pêche menée par McKinsey conditions de vie des 18 Mai 2005 - L’opération «DVD» Maroc-UE portant sur pensionnaires Discours royal: L’initiative 4 ans, il entre en vigueur le 1er mai 2006 nationale pour le développement arrive à son terme humain, une nouvelle approche du social et de lutte contre la pauvreté. Le coup d’envoi a lieu le 7 septembre 2005

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Une décennie exceptionnelle pour les routes Des investissements volontaristes et une politique de proximité. Conscient du rôle qu’il peut jouer en tant que pôle d’échange et de transit entre les différents pays du Maghreb, mais aussi entre le sud de l’Europe et le nord de l’Afrique, comme pour le développe- ment intérieur, le Maroc a insufflé, à la fin des années 80, un puis- sant élan à ses axes de circulation. Pour ces dix dernières années, le Royaume est passé à une croissance exponentielle.

LE rythme de réalisation du pro- routes sont en effet sous le risque de perte gramme autoroutier va connaître plu- du patrimoine. sieurs accélérations depuis l’intronisation Il n’empêche que l’équipement, lui, de SM Mohammed VI, en particulier se fait à grande vitesse. Dans les années avec l’implication du Fonds Hassan II 90, on arrivait péniblement à 40 km d’au- Le premier programme national des routes rurales, achevé en 2005, a permis de porter le de développement économique et social toroute nouvelle par an. Aujourd’hui, les taux des populations desservies par une route à environ 54% contre 36% en 1995. En 2015, dans le financement des autoroutes. Il in- constructions sont multipliées par quatre. il faudra arriver à 80%. La route change complètement la vie rurale: accès aux services tervient aux côtés du Fonds routier, créé La barre des mille kilomètres est franchie, publics et possibilité d’entrer dans le monde marchand. Ces deux points ne garantissent pas le développement, mais ils en sont la condition. Cependant, l’entretien laisse souvent à dési- à grand-peine, dans les années 80, pour dont plus de la moitié a été mise en ser- rer et les années de pluies font un mal considérable aux chaussées (Ph. Jarfi) éviter que les routes n’aient à subir les vice sous le règne de l’actuel souverain. avanies budgétaires. Néanmoins, il fau- Les autoroutes partent maintenant à la vent les nouvelles infrastructures, comme 320 km, sera ouverte en 2011. drait aujourd’hui revisiter l’entretien. Les conquête des villes moyennes ou desser- le port de TangerMed. Fès à Oujda, soit ➨➨➨ Les autoroutes en… excès de vitesse ON peut dire qu’il y a quatre pé- ziz Meziane-Belfqih et Mohamed Kab- 1989 de la société nationale des Auto- ranéen, lequel se double d’une reconcep- riodes bien distinctes, qui ont fait sortir le baj (à l’époque, respectivement, secrétaire routes du Maroc, ADM. L’Etat ne par- tion des villes de la côte. Un premier Maroc du désert autoroutier. général et ministre de l’Equipement) font vient pas à convaincre le privé, marocain contrat-programme, avec un financement chiffrer le coût des accidents. Le choc est ou étranger, à se lancer dans les conces- plus imaginatif et un programme d’ur- n 1re phase 1969-1979 tel que le Souverain, Feu Hassan II, or- sions d’autoroute. gence pour «brancher» les villes et les C’est le moment où le Maroc passe donne de reprendre le chantier, coûte que La mode est un peu passée et puis le pôles stratégiques. de la voie rapide à l’autoroute. En 1975 a coûte. Maroc sentait encore le soufre: il n’est En 2008, nouveau contrat-pro- été lancée la construction de l’autoroute Un montage institutionnel avec une sorti du programme d’ajustement qu’en gramme: le Maroc devra compter 1.800 Casablanca-Rabat, laquelle tombera fré- entreprise publique concessionnaire, un 1993. ADM doit s’occuper de tout toute km d’autoroutes et pose à nouveau 15 quemment en panne de financement. Il péage et un fonds routier autonome met- seule, y compris de la perception des milliards de DH sur la table, pour des- faudra douze ans pour faire à peine une tent les autoroutes et en partie les routes à péages qui ont été inventés à ce moment. servir toutes les villes de plus de 400.000 soixantaine de km, de Casa à l’oued Cher- l’abri des difficultés budgétaires. Un im- En 1999, le réseau d’autoroutes était infé- habitants. rat. Ce chantier eut pourtant le premier portant débat public fait considérablement rieur à 400 km. Sur le menu, le contournement de prêt de la Banque mondiale au Maroc. avancer les idées politiques en matière de Rabat sur 41 km, Berrechid-Beni Mel- rationalisation des choix budgétaires, de n 4e phase: depuis 1999 lal sur 172 km (prévue en 2013), El Ja- n 2e phase 1979-1989 financement et gestion d’infrastructures. Le Fonds Hassan II pour le dévelop- dida-Safi sur 140 km (prévue en 2011) C’est la sécheresse budgétaire, dou- pement économique et social entre dans et Casablanca-Berrechid par Tit Mellil blée de deux vraies sécheresses. L’auto- n 3e phase 1989-1999 la danse, en apportant des fonds propres à sur 30,5 km (prévue en 2011) en plus de route Casablanca-oued Cherrat engendre C’est la première accélération du pro- ADM qui ouvre alors Tétouan-Fnideq, un l’élargissement en 2x3 voies de l’auto- de plus en plus d’accidents. Feu Abdela- gramme autoroutier avec la création en axe déterminant pour le tourisme méditer- route Casablanca-Rabat (62 km).o

2006

Janvier 2006 Janvier 2006 Achèvement du Publication du Deux ans après la premier programme rapport du Cinquante- présentation du national des routes Novembre 2005 naire, commandité projet, le Souve- Cérémonies du cinquantenaire rurales (1995-2005). par le Souverain. Les rain donne le coup Il porte le taux des 1er Janvier 2006 résultats des travaux d’envoi aux populations desservies Entrée en vigueur de sont extrêmement travaux 30 Juillet 2005 par une route à l’ALE Maroc-USA fouillés mais le d’aménagement de Discours du Trône. Le Souverain environ 54% contre rapport tombera dans la vallée de Bou- annonce que désormais les mères marocaines 36% en 1995 pourront transmettre leur nationalité à leurs enfants les oubliettes regreg

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Une décennie exceptionnelle pour les routes ➨➨➨ Ce sont des investissements volon- axe, utilisé l’été par le «tout-Rabat» et le taristes portant sur le renforcement et la «tout-Casa», qui montre mieux comment modernisation des réseaux, notamment la route change tout ce qu’elle touche. les voies express et la rocade méditerra- Dans ce portrait rapide, il ne faut pas néenne. Lancé en 1997, le projet de la oublier les voies express, moins connues rocade méditerranéenne constitue, en ef- du grand public, qui oublie vite la route fet, un axe structurant à fort impact sur toute simple qu’il y avait avant, qui ou- le développement économique et social blie même les embouteillages qu’il y af- du nord du Royaume. En effet, le littoral frontait. Des voies express existaient de- méditerranéen est mal mis en valeur sur le puis longtemps, mais le modèle n’a fait plan touristique, malgré un potentiel que l’objet d’un gros effort de structuration personne ne conteste. et d’investissements qu’à partir de 2003. Cette rocade, reliant Tanger à Saïdia, Un programme de 630 km est lancé, pour change la vie: 7h au lieu de 11h et une sé- un montant très élevé, 6,6 milliards. 500 curité incomparable. C’est un gros effort km sont déjà en service et 200 km sont en financier, car le terrain est rebelle, voire lancement ou commencés. Avant 2004, traître: 5 milliards de DH. C’est aussi cet le Maroc ouvrait une quinzaine de km Avant 2007, la maintenance et l’entretien des routes portaient sur 1.400 km par an. Aujourd’hui, on est passé à 2.000 km, ce qui coûte 1,3 milliard de DH. Néanmoins, les villes ont beaucoup de mal à dégager les budgets nécessaires pour l’entretien des chaussées, dont la dégradation atteint le stade du «faïençage», terme technique qui désigne la destruction avancée du bitume, lorsqu’il se fend et se divise en pièces. A partir de ce moment, la main- Les routes de campagne, un gigantisme tenance deviendra de la réhabilitation et coûtera considérablement plus cher (Ph. Archives bien caché L’Economiste) ON mesure mal, car ces routes sont caisse pour le financement routier (CFR) a petites et répandues partout… Le pro- été créée pour accélérer le rythme de réali- gramme des routes rurales transforme la sation des routes rurales, notamment dans vie des douars et bourgs. Peu connu, ce les provinces souffrant d’une insuffisance programme est pourtant gigantesque. en infrastructures routières. Au début des années 90, le ministère Un deuxième programme (PNRR II) de l’Equipement et du Transport a réalisé a ensuite vu le jour. Il visait, à son lan- une étude montrant qu’il fallait 38.000 km cement, l’augmentation du taux d’acces- de routes rurales. Dix ans plus tard, ce pro- sibilité de la population rurale au réseau gramme sera au cœur de l’effort demandé routier de 54% en 2005 à 80% en 2015. Il par SM le Roi, en faveur des zones et des s’agit d’ouvrir 15.560 km de routes rurales personnes déshéritées. pour 10 milliards de DH et un rythme Un premier programme national des moyen de 1.500 km/an au lieu de 1.000 routes rurales, dit «PNRR 1» s’est achevé km/an dans le PNRR I. Grâce aux accé- en 2005. Il a permis de porter le taux des lérations qu’a connues ce programme, un populations desservies par une route à en- linéaire de 3.800 km de routes rurales est L’année 2010 est marquée par l’inauguration de l’autoroute reliant Marrakech à Agadir viron 54% contre 36% en 1995 et 8.425 déjà achevé et près de 6.900 km sont au- sur une distance de 230 km. C’est peut-être la voie qui a le plus et le plus vite transformé km ont été réalisés entre 1999 et 2005. jourd’hui lancés. A fin juillet 2008, le taux l’économie de sa région. Le rythme de réalisation des routes ru- de desserte arrivait déjà à 65%. Ouverte juste avant l’été, une autre autoroute a transformé les données commerciales et rales, qui était au départ de 550 km par Le rythme de réalisation des routes ru- touristiques en branchant directement en 2h30 de route, Essaouira et Marrakech (Ph. Jarfi) an, est passé à 1.000 km par an entre 1999 rales est estimé aujourd’hui à 2.000 km/ de voies express par an. Aujourd’hui, il dont on connaît l’effet sur les désengorge- et 2002 pour atteindre 1.500 km annuel- an. Une cadence qui permettra d’achever «roule» à 90 km chaque année. Une crois- ments régionaux.o lement entre 2003 et 2007. En 2004, une le PNRR II dès 2012.o sance exponentielle de ce genre de routes, Bouchra SABIB

Avril 2006 Mai 2006 Mise en service de Une licence télé l’autoroute reliant (Medi1 Sat) et 10 Settat à Marrakech licences de radios Février 2006 sur 145 km. Cette privées accordées Abdelaziz Meziane Belfkih est chargé section a nécessité 30 Juin 2006 par le Souverain de la mise en place du 3,3 milliards de DH Moulay Hafid Elalamy Conseil supérieur de l’enseignement est le nouveau patron des patrons 14 Mai 2006 28 Février 2006 Naissance de la Princesse Les FAR fêtent 50 ans. Le Souverain Lalla Khadija préside le premier défilé de son règne Novembre 2010 64

Le Protectorat avait mis le Maroc sur Des premières expérimentations de villes nouvelles d’avant- garde aux cités musulmanes protégées et restaurées, en pas- sant par l’un des plus grands rassemblements Art Déco et Art Nouveau du monde… A la veille du Protectorat, les vieilles cités comme Rabat, Tétouan, Fès ou Mar- rakech attirent peu les colonisateurs. Ils préfèrent les villes nouvelles et côtières, qui offrent des ressources intéressantes, ignorent les préjugés et où les populations sont mêlées. Ainsi, Casablanca, qui n’était en 1832 qu’un douar de nouala. Il en est de même pour Mazagan, simple annexe d’Azemmour, élevée au rang de ville. Port Lyautey (la Kénitra actuelle) a été fondé par la colonisation. Ces nouvelles cités sont construites à l’européenne, par Lyautey, passionné par la fondation des villes. Malgré son style autocratique, sa politique urbanistique est le résultat de concertations entre adminis- trateurs, architectes, urbanistes et artistes. Trois idées pilotent cette expérience: séparer complètement villes indigènes et villes européennes, protéger et restaurer les médinas et expérimenter des villes nou- velles d’avant-garde. La dissociation complète entre villes nouvelles et médinas était préconisée avant le Protectorat, avec des arguments touchant à la préservation de l’ordre éta- bli, à l’hygiène et à l’esthétique. Beaucoup ont reproché à Lyautey cette ségrégation, découlant autant d’une demande de l’élite Dessiné par Cadet, un bâtiment typique de la volonté du Protectorat sous Lyautey de réhabiliter le patrimoine marocain. Feu Hassan II poussera plus citadine marocaine que de la volonté du loin ce souci en y incluant l’artisanat, lequel, sans cette volonté royale, aurait disparu, comme il a disparu dans les pays du pourtour méditerranéen pouvoir colonial. Un travail de restauration (Source: Gislane Maffre - Architecture marocaine du XXe siècle, édité avec le concours de la Fondation BMCI) et de préservation des médinas est réalisé. Ainsi, le «service des Beaux-Arts et des détruit, ni restauré, ni modifié sans l’avis tique» étaient aménagées autour des sites tion de zones de protection tout autour. monuments historiques» a été créé en no- préalable du conservateur des Beaux-Arts, et monuments classés historiques. Mal- Dans chaque ville, Lyautey installe vembre 1912. A la même époque, une lé- qui peut décider sa remise en état, en pas- gré la guerre de 14-18, des monuments des agents des Beaux-Arts qui correspon- gislation d’avant-garde stipulait qu’après sant outre la volonté de son propriétaire. comme la Koutoubiya, Chellah et la Tour dent directement avec lui pour sauver tel classement, un immeuble ne pouvait être De plus, «des zones de protection artis- Hassan ont été préservés, avec l’édifica- monument menacé d’être profané ou sa-

2007

Octobre 2006 Décembre 2006 Mars 2007 - Une grève des transports Lancement du 2e Après des mois de Avril 2007 paralyse le pays pendant programme national tension, la réforme Février 2007 Le Maroc présente le plusieurs jours. A l’origine, le des routes rurales. portuaire entre en Un remake du plan plan d’autonomie pour projet du Code de la route Il concernera la vigueur Emergence pour le les provinces du Sud contesté par création de 15.560 commerce intérieur aux Nations unies km de route à «Rawaj» les professionnels. l’horizon 2015 avec - Lancement des travaux de un investissement de réalisation de la nouvelle ville de 10 milliards de DH «Tamesna» située aux alentours de Rabat

Novembre 2010 65 la carte architecturale du monde boté par des constructions intempestives. l’on veut aussi impressionner le colonisé. triomphales sont édifiées pour exprimer la pérennité à laquelle aspire l’occupant. ❏ Conservateur intégral du cadre bâti de la D’immenses esplanades et des avenues sans détour la puissance qui s’installe et Nadia BELKHAYAT cité musulmane, l’urbanisme de Lyautey est moderniste lorsqu’il s’agit des villes nouvelles. Le Protectorat s’approprie les terrains makhzen et Habous mais fixe des Le quartier Habous et ses trafics plans d’aménagement très précis. Lyau- tey s’entoure de jeunes architectes urba- UNE «nouvelle médina» est construite au nistes bridés en métropole par des pesan- début des années 1920 à Casablanca près du teurs bureaucratiques. Pour eux, les villes Palais royal sur une trentaine d’hectares avec nouvelles du Maroc sont comme une cire des crédits pris sur les Habous, d’où son nom. Il molle qu’ils pétrissent et modèlent à leur regroupe alors les migrants, attirés par la pros- gré. périté casablancaise. Le quartier des Habous Non seulement on interdit de bâtir est un modèle d’urbanisme conservatoire, un sans autorisation administrative préa- «ensemble archi-simple, suprêmement cubiste», lable, mais des arrêtés municipaux stipu- doté de tout l’équipement signalétique de la ville lent la hauteur maximum des immeubles, musulmane, explique en son temps Albert La- la dimension des cours intérieures, la prade, l’un des promoteurs, «il faut y conserver taille des étages, le volume des pièces, une impression d’intimité familiale». Le quartier l’équipement sanitaire indispensable… vient d’être nettoyé, remis à niveau et réhabilité Le caractère architectural des façades est après de longues années d’abandon, qui avait déterminé dans des arrêtés municipaux attiré des courants intégristes et chassé les arti- afin de conférer une unité à ces villes sans et libraires. Cependant le statut des maisons nouvelles. Les bâtiments allient la sim- reste un casse-tête. Elles ne peuvent, en principe, plicité des lignes chères aux cubistes au qu’être louées aux Habous, mais le fonctionne- petit zeste de fantaisie qui anime la mai- ment archaïque de cette administration a ouvert son mauresque. En forgeant un style, la porte au «trafic des clefs».❏ (Source: Gislane Maffre - Architecture marocaine du XXe siècle, édité avec le concours de la Fondation BMCI)

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Agadir: Le plus grand drame, L’impôt de solidarité sur le sucre, institué en juillet 1960, a permis le lancement des travaux qui ont vu la collaboration des archi- tectes marocains et étrangers autour d’un projet d’urbanisme moderniste.

“…SI le destin a décidé la des- de SM Mohammed V et la direction de truction d’Agadir, sa reconstruction dé- SM Hassan II, alors prince héritier, la re- pend de notre détermination et de notre construction de la cité fut lancée de suite. volonté…”. Cette déclaration de Feu Mo- La mobilisation de l’ensemble des Maro- hammed V au lendemain du tremblement cains et l’impôt de solidarité sur le sucre, de terre de la ville, aujourd’hui inscrite institué dès le mois de juillet 1960, qui

Agadir a fait sa mise à niveau ces quatre dernières années et offre par endroit un nou- veau visage. Institutionnels, élus et professionnels conviennent cependant que le déve- loppement urbain du deuxième pôle économique du royaume a besoin d’une vision globale (Ph. Bziouat)

Le siège de la Commune urbaine réalisé par Emile Duhon lors de la première étape de la reconstruction de la cité est un véritable hommage au mouvement moderne qui a inspiré les architectes qui ont conçu Agadir après le séisme (Ph. Bziouat) sur le mur du Souvenir sur l’avenue Mou- rapporta près de 350 millions de DH, ont lay Abdallah, traduit bien la mobilisation permis le lancement des travaux. Sous la de tout le pays après la terrible tragédie Direction de Feu SM Hassan II et l’en- de février 1960. Et ce, malgré l’énormité cadrement du Haut commissariat à la des dégâts. Près de 90% de la cité a été reconstruction d’Agadir (HCR), le plan Les concepteurs de la cité administrative réalisée par Elie Azagury ont fait la part détruite. d’aménagement de la nouvelle ville fut belle, comme pour les autres bâtiments du centre ville, au béton brut de décoffrage. Un demi-siècle après la ville est la conçu six mois après le tremblement de L’ensemble abrite plusieurs administrations tels que le Trésor et la Conservation fon- preuve aujourd’hui qu’avec de la volonté terre. Le service d’urbanisme chargé de cière. Le complexe qui s’étend au cœur du quartier ville nouvelle est une curiosité et l’implication de tous, il est possible de cette opération était dirigé par un archi- architecturale. Dommage que les établissements qui s’y abritent n’investissent pas relever le défi face au destin. Afin d’évi- tecte marocain, Mourad Ben Embarek. assez dans son entretien (Ph. Bziouat) ter les atermoiements, sous l’impulsion Celui-ci collaborait avec des urbanistes

2008

25 juin 2007 23 décembre 2007 15 mars 2008 Lancement des Lancement des Coup d’envoi de travaux de la 2e travaux de réalisa- l’opération pilote du station touristique 21 Septembre 2007 tion du tramway de Ramed, l’AMO des du Plan Azur Abbas El Fassi nommé Premier ministre. Rabat-Salé. Coût du Le choix des urnes a été respecté puisque son parti pauvres, dans la «Mazagan» (El est sorti vainqueur des élections législatives projet: 3,2 milliards région de Béni Jadida) de DH Septembre 2007 Mellal. Le Renault-Nissan: Investissement géant pour un complexe automobile à TangerMed pour 1 milliard d’euros. Mars 2008 programme sera En février 2009, Nissan suspend sa participation mais Renault continue Rapport accablant du Conseil supérieur officiellement lancé de l’enseignement le 4 novembre

Novembre 2010 67 le plus grand chantier et architectes étrangers. Pour faire table rase du passé, ils optèrent pour la construction de la ville plus au sud en adoptant un urbanisme mo- derniste. Créer un nouveau coeur de la cité, assurer la renaissance du secteur commercial et conci- lier le développement des activités touristiques et industrielles…Trois grandes étapes se distinguent dans cette opération de reconstruction. La première, dont le principal acteur fut le HCR, s’étend de 1960 à 1972. Pendant ces années, les principaux quartiers bâtis sont le centre-ville, la Cité Suisse, la zone touristique, le nouveau Talborjt et les abattoirs. Les autres quartiers, tels que Yahchach, les Amicales et Ennahda ont vu le jour entre 1972 et 1982. Cette phase fut notamment marquée par l’intervention de la municipa- lité et la Délégation du ministère de l’habitat. L’Erac-Sud, (devenu Al Omrane aujourd’hui) reprit le flam- beau dès 1982. C’est à cette époque que les centres périphériques d’Agadir ont connu leur essor. Agadir offre aujourd’hui l’image L’Immeuble A, au cœur de la ville nouvelle, surprend par sa forme horizontale. Sa renommée dépasse nos frontières. Connu même à New d’une cité moderne et rayonnante. York, il est considéré comme une véritable anthologie du mouvement architecturale moderne réalisé par Louis Riou et Henri Tastemain. Toutefois, il convient de se deman- Dommage que peu de ses habitants sont conscients de sa richesse patrimoniale (Ph. Bziouat)

der si elle constitue un modèle ‘’…Si le destin a de ville équilibrée. Les diverses décidé la destruction politiques urbaines menées par d’Agadir, sa recons- différents acteurs durant ces pré- truction dépend de cédentes années ont causé par- notre détermination fois des incohérences au sein de et de notre volonté…’’ Cette déclaration de la cité. En outre, la conjonction feu Mohamed V au de paramètres tels que la démo- lendemain du trem- graphie et le développement éco- blement de terre de la nomique ainsi que l’inefficacité ville est inscrite sur des différents projets d’habitat à le mur du Souvenir, s’adapter à la demande, a provo- implanté sur l’avenue qué la prolifération de quartiers à Moulay Abdallah au urbanisation sauvage. o cœur de la ville nou- velle (Ph. Bziouat) Malika ALAMI

26 mars 2008 Avril 2008 6 mai 2008 Mise en service de Le secteur agricole a Inauguration du barrage Hassan II Mai 2008 l’autoroute de désormais sa straté- Un projet royal pour le football. desserte du port gie. Baptisée «Plan situé sur Oued Le Souverain donne le coup d’envoi à Moulouya, à 20 km l’Académie Mohammed VI pour le football TangerMed d’une Maroc Vert», elle est 26 Avril 2008 longueur de 52 km. présentée au Souve- de Midelt, et dont le Le plus meurtrier sinistre industriel. La réalisation de cet rain à l’occasion des L’incendie de l’usine Rosamor au quartier coût global est de axe a nécessité premières assises Lissasfaa Casablanca a fait 55 morts. 700 millions de DH Les sanctions vont très vite tomber 4 milliards de DH nationales de l’Agriculture

Novembre 2010 68 L’immense effort sur les villes Plus que la croissance démographique, c’est l’urbanisation, qui n Tamesna exige un changement de stratégie, très largement portée par SM Elle représente avec Tamansourt les projets les plus avancés. Tamesna le Roi Mohammed VI. L’espoir de voir les municipalités prendre compte déjà près de 12.500 habitants, soit 5% de la population qu’elle espère accueillir. l’initiative s’est révélé vain, en dépit de l’accroissement de leurs - Superficie: 860 ha dont: Zone d’habitation: 420 ha - Zone d’activité: 30 ha pouvoirs face à l’Etat central. - Zone d’équipement 85 ha - Boisement et espaces verts: 116 ha - Logements: 52.000 dont 10.000 destinés aux couches sociales à revenus modestes - Habitants: 250.000 - Investissements: 15 milliards de DH.o LA politique des villes nouvelles pensées de sorte à créer des pôles urbains: apparaissait déjà dans les documents du logements, ateliers, bureaux, commerces, Schéma directeur d’aménagement urbain écoles, équipements publics… Elles doi- en 1970. En 1914, le Maroc disposait déjà vent avoir une âme. Le premier chantier a d’une règlementation en matière d’urbani- été lancé en 2004. Il s’agit de Tamansourt, à sation (voir en pages 64 et 65). L’aménage- 7 km de Marrakech. Trois autres ont suivi: ment de nouvelles villes se veut une mesure Tamesna à côté de Rabat, Ch’rafat près de préventive contre l’explosion des grandes Tanger et Lakhyayta dans les environs de agglomérations. Casablanca. D’ici 2020, il y aura une quin- L’idée est donc d’orienter cette crois- zaine de villes nouvelles, ou plus exacte- sance vers des zones choisies et d’y créer ment de noyaux de villes nouvelles, car il un bassin de vie. Les nouvelles cités sont faut 30-40 ans pour qu’une ville prenne vie.

n Tamansourt Les travaux de la ville nouvelle de Tamansourt ont été lancés en 2004. Au- jourd’hui, le taux d’occupation de la ville est estimé à 10%. La hausse des prix des riads en médina a sans doute aidé au bon démarrage. - Superficie 1.941 ha dont: Espaces verts: 300 ha - Equipements de proxi- mité: 220 ha - Zone d’activités économiques: 325 ha dont 80 ha dédié à l’off- shoring - Zone résidentielle et touristique: 165 ha - Logements: 90.000 - Habitants: 450.000 - Investissements 38,4 milliards de DH. o (Source: Direction de Direction (Source: l’Urbanisme)

Les coûts de réalisation sont colossaux. pas toujours accompagné par l’effort des Les quatre premières demandent 110 mil- municipalités. Ces deux volets du change- liards de DH… Ce qui est moins cher que ment urbain sont intimement liés. Le Sou- la gestion de villes trop grandes, inconfor- verain s’y implique lui-même, imposant un tables, voire ingouvernables. Reste à réussir calendrier et vérifiant sa tenue, visite après une ville nouvelle, une délicate alchimie visite. dont personne ne maîtrise tous les ingré- Là encore, les édiles municipaux se dients. Il ne suffit pas de dire, comme on le tiennent souvent loin de ces chantiers où, fait si souvent au Maroc: «il faut des me- pensent-ils, ils ont peu de voix à gagner. Il sures adéquates!» est vrai que le système électoral ne pousse Par ailleurs, la lutte contre les bidon- pas les élus à faire preuve d’audace et villes et l’embellissement des villes exis- d’initiative.o

(Ph. Archives de (Ph. Archives L’Economiste) tantes est aussi un très gros effort, qui n’est F. Fa

2 Juillet 2008 Juillet 2008 Un nouveau contrat-pro- 8 Juillet 2008 - Trois ans après son lancement en 2005, le gramme est passé avec Le plan Energie plan Emergence est revu et corrigé. L’acte II ADM pour la période est présenté au de ce pacte national, sous forme de contrat- 2008-2015. De nouvelles Souverain. Il programme 2009-2015, sera signé le 13 liaisons autoroutières privilégie février 2009 sous la présidence du Souverain totalisant 384 km l’efficacité - Le ministère de l’Enseignement dévoile un devront coûter 15 énergétique et plan d’urgence, Najah, avec une série de les énergies 13 Juillet 2008 7 Juin 2008 milliards de DH L’acte de naissance mesures pour remédier (encore) aux maux Sidi Ifni se réveille dans le désordre. renouvelables de l’Union pour la Un sit-in de diplômés chômeurs se transforme Méditerranée du secteur. Il porte sur la période 2009-2012 en émeutes violentes est signé à Paris

Novembre 2010 70

Enseignement? D’abord un

Débats et polémiques... dans l’enseignement, une animation poli- vu le jour avec les tique tient en fait l’école loin de son rôle. Un signe de l’état dans Almoravides ou les Almohades. lequel se trouvait, et se trouve toujours, l’éducation. D ’ a u t r e s y voient une simple LE manque d’indications précises puisqu’on ne sait pas exactement com- adaptation méri- et la rareté des sources historiques lais- ment se sont constituées les écoles, ces nide d’une institu- sent les spécialistes décontenancés: lieux où justement le savoir devrait être tion déjà apparue comment sont apparues les medersa. concentré et stocké. dans les pays de Voilà une situation paradoxale, Certains pensent que la medersa a l’Orient musulman

Une école coranique en plein air. Jusqu’à la veille du Protectorat, l’enseignement n’avait pas été conçu de manière organisée. Il se dispersait dans des lieux multiples et, déjà, ser- vait de plateforme à de féroces rivalités politiques et religieuses (Ph. Marcel Flandrin; collection privée, Fondation Banque Populaire pour l’Education et la Culture/Groupe Banque populaire) où elle a prouvé son efficacité à servir la science, la religion et le pouvoir.

Le cœur des ambiguïtés

Le mot medersa est lui-même porteur d’ambiguïtés: il fut au- tant lieu de cours et de prières que pensionnat d’élèves, voire «hôtel-restaurant» si l’on peut s’exprimer ainsi. Où donc se passait l’ensei- gnement? Dans la mosquée, les domiciles, les salons princiers, les medersa, les zaouïas sans oublier les écoles coraniques qui ont essaimé partout dans les villes et campagnes. A Fès, Mou- lay Rachid assistait aux cours Depuis l’Indépendance, l’ensemble du territoire s’est couvert d’écoles, comme ici en haute montagne. Cependant, la déperdition scolaire entre la des savants de la Quaraouyine, première année du primaire, l’entrée dans le secondaire et plus encore au niveau d’accès à l’enseignement supérieur, est la plus élevée de tous les Sidi Mohammed Ben Abdallah pays du Maghreb. Et en plus, à moins que ces phénomènes soient corrélés (?), l’analphabétisme des adultes est si élevé, que le Maroc recule, méca- niquement, chaque année dans les indices mondiaux de développement humain (Archives de L’Economiste) et Moulay Slimane s’entouraient de lettrés et d’érudits.

2009 - La transformation Février 2009 de l’oxyde de cobalt Un plan anti-crise pour trois démarre dans le site secteurs touchés (textile, cuir et de Guemassa équipements automobiles) est Mars 2009 signé. Les mesures devront La RAM demande le divorce avec Air Sénégal. Une issue sera trouvée coûter 1,3 milliard de DH pour avec la signature de l’accord une durée d’une année de Dakar le 29 mai 2009 - Lancement des travaux de 13 Octobre 2008 L’UE accorde au Maroc réalisation de la 1re ligne de le Statut avancé réclamé tramway de Casablanca. Coût depuis plusieurs années du projet: 6,4 milliards de DH

Novembre 2010 71 champ de bataille politique…

L’enseignement préoccupait des sul- avec une population adulte totalement moins clos des affrontements poli- L’enseignement public, lui, noyé tans alaouites. Mais son contenu, basé analphabète ou peu s’en faut. Et les pe- tiques, par élèves et professeurs inter- sous le nombre, doit faire face à de mul- sur la centralité de l’identité arabo-mu- tits Marocains n’ont guère entendu parlé posés. tiples contraintes, dont l’impossibilité sulmane, est resté figé. Il ne put évoluer d’écoles, seule une infime minorité sait Le modèle reste aussi figé qu’oné- de prendre des décisions difficiles, les vers le savoir. Au mieux, la connaissance ce que c’est. reux. Rien n’y fait, ni les colloques, ni moyens faibles et mal répartis ou encore pratique était privilégiée. La confronta- Et il faut bien dire ce qui est, l’ensei- les chartes et pas davantage les plans l’absence d’évaluation et de management tion avec le colonialisme renforça cette gnement ne fut pas la priorité. d’urgence. Les classes aisées en ont tiré moderne.o tendance. Au contraire, il fut et demeure la leçon: leurs enfants vont dans les fi- Peut-on dire, en toute conscience, jusqu’à aujourd’hui le champ plus ou lières étrangères ou privées. A.G. et I.B. que cela a changé? L’idée de l’école publique moderne remonte à la fin de la période précolo- niale. Le premier projet de constitution, en 1908, prévoyait des écoles primaires, mixtes et obligatoires. Ce même projet excluait les filles de l’enseignement se- condaire. Pour le supérieur, il suffira de «réno- ver la Quaraouyine»: plus de sciences, moins de dogmes. Rien ne se fit, pas même la Constitution d’ailleurs.

Géométrie variable

Sous la colonisation, c’est l’enseigne- ment à «géométrie variable»: prise en charge totale des Européens, avantages substantiels aux enfants juifs et pour le reste, ce sera en fonction des besoins co- loniaux. Résultat, à l’Indépendance, la po- pulation européenne était scolarisée à 100%, la communauté juive à 80% et les Marocains musulmans arrivent péni- blement à 11%. Plus subtil, chacune des catégo- ries sociales eut une forme de scolarité particulière. Pour les enfants aisés, les «Ecoles de fils de notables» payantes, avec un cursus spécifique, différent de l’école publique européenne. Une petite fenêtre s’ouvre en 1944 (la date n’est pas un hasard), les lycées français, qui accueillaient exclusivement des élèves européens, laissent entrer 12% d’élèves musulmans. Pour les couches pauvres, l’apprentissage professionnel, dont les anciens élèves disent qu’il était meilleur en son temps que l’enseignement public d’aujourd’hui. Difficile de faire la part des choses en matière de souvenirs et de niveau! Et il y eut aussi les écoles franco- berbères, les écoles franco-juives… «Respecter la diversité de la popula- tion», dit le Protectorat. «Diviser pour mieux régner», rétorquent les Nationa- listes, qui lancèrent aussi leurs écoles, une dizaine, avec 1.500 élèves dès 1935, juste au moment de la publication du «Plan des réformes marocaines», l’an- cêtre du manifeste de l’Indépendance. Ce n’est pas un hasard non plus. Contrairement à l’Algérie et à la Tu- nisie, le Maroc aborde l’Indépendance Novembre 2010 72

Explosion artistique et culturelle tous azimuts

Les arts plastiques, l’édition de livres, la musique, le design connais- sent une effervescence sans précédent. Une vague créative déferle sur le pays. Cependant, des zones d’ombres persistent. La pro- tection intellectuelle est inefficace, la perception du patrimoine est vieillotte et l’on accuse beaucoup de retard au niveau des lois. L’ÉCRIVAIN et ancien ministre de à la création d’une multitude de jeunes la Culture français André Malraux avait groupes de musique, très dynamiques et prédit que le Maroc deviendrait un pays créatifs, qui enregistrent album sur album phare en matière culturelle. Cela a mis et sillonnent le Maroc et même l’étranger, du temps mais aujourd’hui, sa prédiction de tournées en festivals… Grâce aux en- commence à se réaliser. Nous assistons treprises sponsors et à une volonté poli- aujourd’hui à une réelle effervescence tique d’encourager ces artistes, beaucoup culturelle et artistique, dans plusieurs do- commencent à toucher des cachets assez maines. importants, ce qui crée de l’émulation En effet, abriter un évènement comme dans le secteur. Marrakech Art Fair n’est pas anodin. Si cette explosion artistique s’est pro- L’armée joue un rôle important dans la préservation des compétences musicales du C’est quelque chose de colossal, qui duite, c’est en grande partie grâce à une pays (Ph. OSR) montre que le Maroc est en train de deve- amélioration ces dernières années en ma- Les artistes plasticiens marocains rakech possèdent leurs théâtres et leurs sont aujourd’hui des centaines à se lancer salles de cinéma. dans la sculpture, la gravure, la photo- En revanche, il n’y pas de grands mu- graphie, les arts vidéo, les installations… sées. Heureusement que la villa des Arts Les thèmes auparavant tabous comme le de Rabat a ouvert un musée virtuel… trop corps humain ou les nus. Le nombre de peu connu. galeries est monté en flèche, et plusieurs Les banques, les compagnies d’as- maisons se sont lancées dans les ventes surances, les fondations et les personnes aux enchères. Un véritable marché de l’art disposant de collections de peinture, ont est né. Les artistes ont désormais une cote cessé de se cacher… et le secteur se professionnalise, devenant L’Orchestre Philharmonique du Ma- plus sain et transparent. Ceci étant, les roc multiplie les concerts et les opéras, magouilles et les zones d’ombres persis- en partenariat avec de grands artistes et tent, dans un marché non réglementé, où compositeurs internationaux. Pareil pour un véritable réseau de faux s’est créé sur l’OSR (Orchestre Symphonique Royal), un circuit parallèle. qui montre que l’armée joue un rôle im- Cette nouvelle vague créative a donné portant dans la préservation des compé- un air de fraîcheur et de renouveau à la tences musicales du pays. L’existence du Street Art prouve qu’il y a aujourd’hui, un nouvel espace de liberté pour haute couture traditionnelle. Grâce à des En marge du Marrakech Art Fair, des les jeunes (Ph Mokhtari) designers avant-gardistes et passionnés, artistes ont réalisé des tags et des pein- une nouvelle génération de créations, tures de rues, «le street art» sur les murs. nir une plateforme internationale dans le tière de libertés individuelles et de droits dont les célèbres caftans, est née. Cela s’est produit de manière autonome, domaine de l’art. de l’homme. Le droit de ne pas être et de Dans l’édition de romans, essais et sauvage, barbare… par des jeunes contes- Les festivals se multiplient un peu par- ne pas faire comme les autres est quelque beaux livres, le Maroc a également fait tataires et provocateurs. tout dans le pays et certains attirent des chose de très important. Et c’est une un véritable bond en avant. Malgré cela, le Maroc n’arrive tou- dizaines de milliers de personnes. Nous condition sine qua non à la production Pour ce qui est des infrastructures jours pas à préserver son patrimoine…o assistons aussi depuis quelques années artistique et à la créativité. culturelles, Casablanca, Rabat et Mar- Nadia BELKHAYAT

Avril 2009 Le plan Azur est prolongé jusqu’à 2016 30 Avril 2009 Avril 2009 Une nouvelle Deuxième gros mouvement de grève des routiers. stratégie de dévelop- Blocage de plusieurs secteurs. L’Etat laisse faire pour finalement sortir le bâton pement des exporta- 21 Mars 2009 Avril 2009 tions est dévoilée. Décès de Abdellatif Filali, l’homme des transitions Céréales: Récolte record de marocaines, ancien ministre des Affaires étrangères, 102 millions de quintaux. Un plan décliné sur ministre de l’Information et Premier ministre. Une moisson qui devrait faire date dans les 10 prochaines Il s’est éteint à 81 ans à Paris les annales de l’agriculture nationale années

Novembre 2010 74 Religion: La grande reconstruction Refonte du Conseil des oulémas, mourchidates, code du wakf, l’amélioration de la gestion… Le chantier religieux est devenu stratégique. Parallèlement, la mosquée devient, redevient, un relais social MÊME si le ministère de tutelle ne des croyants, donne l’exemple. Au cours l’admet pas, la réforme du champ reli- de ses multiples déplacements à travers gieux a démarré après les attentats du 16 le pays, il accomplit la prière du vendredi mai de 2003, à cause de ces attentats. De- dans la mosquée du lieu. Ces lieux de puis ce drame, le Maroc a lancé des chan- prières ne doivent pas rester fermés à la tiers qui vont dans une même direction: la vie sociale, comme l’alphabétisation. refonte du champ religieux, en cherchant Le Conseil supérieur des Oulémas, à le moderniser. avec une nouvelle charte qui ne donne Certes, l’Etat a mis les moyens. Les qu’à lui le droit d’émette des fatwa, a été crédits de fonctionnement sont passés à réorganisé: proximité, modernisation, ac- 1,148 milliard de DH en 2010 (à peine 85 tion sociale et développement humain. millions en 2003, soit une progression de Mais il reste frileux. Un peu moins ce- 1.240 %!). L’investissement a bondi de 6 pendant que le ministère des Habous et petits millions (autant dire rien !) en 2003 Affaires islamiques, muet quand des af- à 740 millions en 2010 (+12.168 % !). La faires agitent l’opinion publique création de postes a suivi, passant ainsi de La formation des jeunes prédica- 451 en 2003 à 2.640 en 2010. teurs et des mourchidates est revisitée. La reprise en main des lieux de culte, 98 textes (Dahirs, lois, décrets et cir- avec la fermeture des sites dits « clandes- culaires) ont été produits, entre 1999 tins », est en cours. Il fallait, il faut tou- et 2010. Signalons particulièrement le jours, un minimum de veille pour que les nouveau Code pour la gestion des biens mosquées ne soient pas déviées de leur Habous, qui regroupe l’ensemble des vocation. Parallèlement, la stratégie idéo- textes juridiques qui datent de 1913, qui logique proscrit l’exploitation politique de devient une référence de réglementation la religion. Le Souverain, Commandeur et de gestion de patrimoine religieux. Il Le minaret tombé... L’EFFONDREMENT de la mosquée historique Bab Berdieyinne à Meknès, pendant la prière du vendredi, faisant 41 morts et 75 blessés, a été un terrible révélateur: même quand ce sont des monuments historiques, les Le Souverain, Commandeur des croyants, donne l’exemple. Au cours de ses multiples mosquées sont négligées. Ce qui a relancé la politique de réhabilitation et de déplacements, il accomplit la prière du vendredi dans la mosquée du lieu (Ph. MAP) construction. 2,7 milliards pour la mise à niveau des mosquées anciennes, évaluation et inspection sur ordre du Souverain. Rien que les études, forts comprend 80.000 ha de terres agricoles prochain. Le président sera nommé par complexes, coûtent 200 millions de DH. et 48.000 maisons et magasins à travers le Souverain. Le Maroc compte 47.967 mosquées, 72% situées dans le monde rural, ce le pays. Il est à préciser que le wakf a été La création de la fondation Moham- qui fait une moyenne d’une mosquée pour 700 croyants. C’est insuffisant: il fondé pour financer et alimenter l’œuvre med VI pour la promotion des œuvres faudra construire 200 mosquées chaque année, pour résorber le déficit et faire religieuse dans les mosquées que cela sociales en est une autre pièce maîtresse. face à la croissance démographique. La construction des mosquées obéit à une soit le culte, la science ou la vulgarisation Elle devra améliorer les conditions maté- nouvelle réglementation. C’est désormais le gouverneur qui donne l’autorisa- de la connaissance. rielles et morales des prédicateurs qui bé- tion de construire et non le président du conseil municipal comme par le passé. Le contrôle de la gestion du patri- néficient d’une prise en charge médicale. Mais, reste qu’une grande partie des mosquées sont délabrées. Certaines moine des habous sera confié au Conseil Près de 160.000 imams et leurs familles, manquent du minimum d’hygiène, sans électricité ni eau potable ! Le drame supérieur du contrôle des finances des ha- sont couverts par cette assurance.o de Bab Berdieyinne a servi de déclic.o bous générales, opérationnel dès janvier Mohamed CHAOUI

19 Juin 2009 30 juin 2009 Mai 2009 La première station Lancement des Le HCP donne balnéaire du Plan travaux de la station une définition de touristique Azur touristique intégrée la classe moyenne «Méditerrania Saïdia» «Oued Chbika» au qui va soulever de est opérationnelle. sud de Tan-Tan du nombreux tollés et Sa réalisation Plan «Azur exten- critiques Mai 2009 a coûté 12 milliards sion». Le projet devra Juin 2009 Après s’être présenté pour le fauteuil de DH Phase II de TangerMed avec une mise de près coûter plus de 6 de présidence de la CGEM, c’est sans surprise que de 10 milliards de DH pour la construction. milliards de DH le tandem Mohamed Horani-Mohamed Tamer est élu Le projet d’extension est lancé le 17 juin

Novembre 2010 76 Presque cent ans de Le premier timbre-poste au Maroc a été lancé en 1912. Depuis, des milliers de modèles ont été fabriqués, de différents formats. Poste Maroc a ainsi accompagné à sa manière la construction et le développement du pays. Pour les illustrations, Poste Maroc s’est beaucoup inspirée des grands projets d’infrastructure et de tout ce qui constitue le patrimoine culturel, artisanal ou architectural marocain. Les évènements nationaux importants (le fête du trône, de la Marche verte…) ont toujours donné lieu à l’émission de nouveaux timbres-poste. Poste Maroc, qui fait fi- gure d’entreprise à la pointe de l’innovation depuis quelques années, a même remporté en 2008 la médaille de bronze lors d’un concours de philatélie organisé par l’Union postale universelle… La ligne ferroviaire de l’unité est un grand projet en Cette émission spéciale traduit l’évolution de la poste au Elle participe systématiquement à tous les salons et foires de philaté- termes d’infrastructure marocaine reliant le nord et Maroc et notamment les moyens utilisés pour achemi- lie au niveau international…. le sud du Royaume. Le lancement du timbre spécial ner le courrier à travers le Royaume avec à leur tête le illustrant la Marche verte est d’une grande signification fourgon postal politique et économique

Les moyens de transport terrestre, ferroviaire et aérien La 2e conférence routière africaine a eu lieu à Rabat du ont fait l’objet d’une émission spéciale en 1966. Cette 17 au 22 avril 1972. L’importance accordée à cet événe- action par le biais du timbre traduit le développement ment aux niveaux national et continental est illustré par enregistré au niveau des moyens de transport au Maroc l’émission spéciale à cette occasion

Emission spéciale à l’occasion de l’inauguration L’émission de deux timbres-poste sur le barrage Aït Aadel est une occasion pour illustrer la concrétisation dominante de l’Aéroport Al Massira Agadir. Cette plateforme de la politique hassanienne dans le domaine agricole s’ajoute à celles déjà exécutées ou celles en cours L’inauguration de l’Aéroport Mohammed V le 12 juillet de réalisation 1980 est une étape clé du développement économique et touristique du Maroc. Il constitue une nouvelle phase dans le développement de l’aérogare nationale.

Barrage Al Massira est une autre phase descrip- La modernisation de l’agriculture et la construction des tive du lancement de construction permanente barrages est l’un des grands axes de la politique éco- L’option pour la construction des barrages collinaires des barrages au Maroc et leur rôle dans l’éman- nomique menée par Feu Hassan II. L’illustration sur par Feu Hassan II a deux buts essentiels : le premier cipation de l’agriculture nationale timbre spécial de «Barrage Bin El Ouidane» à l’occasion L’émission d’un timbre-poste spécial à cette occasion est classique, le développement agricole, le second c’est du Xe Anniversaire de son intrônisation, fût une bonne une station importante pour dresser le bilan de ce chan- faire face aux conséquences des inondations occasion pour commémorer cette fête tier aux niveaux national et continental inattendues

Juillet 2009 29 septembre 2009 6 octobre 2009 31 octobre 2009 - Présentation du projet Nador West Un vaste plan de dévelop- Signature de 17 conven- Ouverture de la 2e Med, un complexe portuaire, indus- pement du secteur de la tions entre le gouverne- station touristique triel et commercial. Une première pêche est lancé à ment et les universités «Mazagan Beach tranche sera consacrée aux hydrocar- l’horizon 2020. «Halieu- pour la promotion des Resort» à . bures tis» aura comme objectif études universitaires. Quatre autres sont - L’Institut royal des études straté- la modernisation du Elles sont dotées d’une prévues: Lixus giques sort de son silence et rend secteur halieutique enveloppe de près de (Larache), Mogador public un document sur les «enjeux 12,6 milliards de DH (Essaouira), Taghazout et orientations de politiques (Agadir) et Plage publiques face à la crise» blanche (Guelmim)

Novembre 2010 77 production philatélique

La mosquée Assounna fut construite par le Sultan Sidi Mohammed ben Abdellah en 1785 (1199 de l’Hégire). A l’époque elle fut la plus grande mosquée de Rabat où les souverains présidaient les prières de vendredi et celles des fêtes religieuses. Après la restauration de cette mosquée, son inauguration fut exécuté par Feu Hassan II le 11 juillet 1969 La construction de la mosquée Hassan II à Casablanca conformément aux normes de l’art architectural maro- cain avec toutes ses particularités. Ce fut un des grands édifices bâtis sous les directives personnelles de Feu Hassan II En décembre 2001, Barid Al Maghrib a procédé à l’émission commune Maroc-France composée de deux timbres: l’un représentant la fontaine Najjarine de Fès, le second la fontaine Wallas à Paris. Cette émission a comme point commun l’eau source de vie. Elle coïncide avec la commémoration de l’année internationale de l’eau

Symbole de reconnaissance à l’engagement continu du Feu Hassan II, en faveur du développement et de la Lors de leur réunion en décembre 1998 à Chariqa Emission spéciale à l’occasion du 26e Congrès mondial de modernisation du secteur agricole, la médaille agricole aux Emirats arabes unis, les ministres arabes de l’Union internationale des transports routiers (IRU). A la de la FAO est une concrétisation à l’international des la Culture ont choisi Rabat capitale de la culture veille du 3e millénaire, les défis auxquels se mesure l’IRU efforts menés au niveau national arabe pour l’année 2003 sont plus que jamais la sauvegarde de la qualité de vie, la protection de l’environnement et le développement durable

Le 20 août de chaque année, le peuple marocain se remémore la position héroïque du symbole de la Résistance du Feu Mohammed V, et de son digne successeur, Feu Hassan II. Commémorer le millénaire de la grande mosquée Le Maroc commémore annuellement de Salé, à travers une émission spéciale, c’est rendre l’anniversaire de la Révolution du Roi hommage aux apports spirituels et religieux TangerMed est l’une des infrastructures portuaires majeures aux niveaux national et méditerranéen. Son et du Peuple depuis août 1970 de cette ville au passé glorieux impact économique est d’une grande importance

2010 2 novembre 2009 3 Janvier 2010 1er février 2010 19-20 février 2010 20-23 avril 2010 Le Souverain lance Un nouveau contrat-pro- Effondrement du - Signature à Zenata à Marrakech le gramme est signé entre minaret de la mosquée (Casablanca) du contrat- chantier de la l’Etat et l’ONCF pour «Bab Berdieyinne» à programme logistique. régionalisation la période 2010-2015. Meknès. Suite à cette - Lancement des travaux avancée. Une Une convention est catastrophe, qui s’est d’aménagement de la Un projet intégré de commission consul- conclue avec le Fonds soldée par 41 morts et plateforme industrielle production électrique à tative de la régiona- Hassan II pour le 75 blessés, une enve- integrée de Kénitra «Atlan- partir de l’énergie solaire lisation, composée développement écono- loppe de 2,7 milliards tic Free Zone» est lancé par le Souve- de 21 membres, est mique et social afin de de DH est allouée à la rain à Ouarzazate ainsi installée financer le TGV entre rénovation des Tanger et Casablanca mosquées anciennes du Royaume Novembre 2010 78 Presque cent ans de production philatélique

En vertu d’une résolution de la 4e conférence L’année 2008 marque douze siècles de la fonda- En coordination avec l’Agence pour l’Aménagement de la Vallée du Bouregreg, Poste Maroc émet islamique des ministres de la Culture (Alger, tion de la ville de Fès par Moulay Idriss II qui une série de deux timbres-poste illustrant ce nouveau mode de transport qu’est le tramway, signe fort décembre 2004), Fès a été choisie comme capi- en fit la capitale du Royaume. En célébrant cet d’un Maroc résolument en mouvement tale de la culture islamique au titre de 2007, événement singulier à forte charge historique et en représentation de la région arabe. A cette symbolique, c’est l’histoire et le devenir du Maroc occasion, Barid Al Maghrib a émis un timbre- qui sont célébrés poste spécial

L’art et la culture, deux concepts chargés de sens et d’histoire. A travers les quatre toiles, La Marche verte, marche de la paix, est En consécration à ses activités de recherche l’artiste Rachid Sebti nous gratifie d’une communication visuelle qui touche directement la conscience de tout un peuple, qui se et au dynamisme de son corps pédagogique, l’esprit et le cœur mobilisa en vue de récupérer une partie constitué de 1.132 enseignants-chercheurs, de son territoire. A cette occasion, l’UCA s’est distinguée par l’obtention de et à l’instar des années précédentes, plusieurs prix scientifiques aux niveaux Barid Al Maghrib émet un timbre-poste régional, national et international

Cinquante ans après sa création et sous la conduite éclairée du Roi Mohammed VI, l’Uni- Barid Al Maghrib a émis un timbre-poste spécial pour Barid Al Maghreb émet un timbre-poste spécial portant sur versité Mohammed V- Agdal reste ancrée dans commémorer le cinquantenaire de la création le 50e anniversaire de la Royal Air Maroc. L’histoire de RAM est une l’histoire académique, sociale et politique du du ministère des Affaires étrangères succession d’exploits, de grandes réalisations, et d’initiatives audacieuses pays, participant ainsi fortement au processus de l’édification d’un Maroc moderne

5 mai 2010 15-16 Juin 2010 21 Juin 2010 28 juin 2010 29 juin 2010 Un vaste chantier de - Signature d’une convention L’autoroute Marrakech- Le Souverain inaugure le Inauguration du port rénovation urbaine est relative au projet de réalisation de Agadir est mise en parc éolien de Tanger TangerMed Passa- lancé à Oujda. «Oujda la voie express Taza-Al Hoceïma service. D’une longueur gers, aménagé et Urba Pôle» est doté de d’un coût de 2,5 milliards de DH de 225 km, cet axe a équipé pour un 2,5 milliards de DH - Une nouvelle ligne ferroviaire nécessité un investisse- investissement de 2,2 est inaugurée pour un investisse- ment de plus de 8 milliards de DH ment de 3,2 milliards de DH. Elle milliards de DH assurera la connexion au port TangerMed au réseau ferré natio- nale

Novembre 2010 80 Presque cent ans de production philatélique

Le 10e Anniversaire du Roi Mohammed VI a été marqué par l’émission de trois timbres nouveaux par leur conception: un timbre lenticulaire illustrant les trois rois sur le même timbre, et les deux autres timbres avec dorure et gaufrage

En célébrant l’Année internationale de L’EMI est une école militante et citoyenne Barid Al Maghrib, en collaboration avec le la biodiversité Poste Maroc continuer qui a toujours su accompagner le déve- Théâtre National Mohammed V, émet un en permanence à mener une politique loppement socio-économique du pays et timbre-poste spécial en commémoration de la environnementale s’est engagée volontairement en faveur Journée nationale du théâtre de l’initiative de 10.000 ingénieurs, en augmentant ses effectifs afin de permettre au pays d’avoir des ressources techniques nécessaires de haut niveau pour sa relance économique. Pour commémorer le 50e anniversaire de l’EMI, Poste Maroc émet un timbre spécial en hommage aux Suite aux directives royales et depuis 2008, le réalisations de cette école pionnière 10 octobre de chaque année est retenu comme Journée nationale de la femme. Cette date commé- more le discours historique du Roi Mohammed VI, annonçant le nouveau code de la famille

Le 22 avril de chaque année est célébrée à travers le monde entier en tant qu’événement environnemental A l’occasion du Nouvel An 2010, Poste Maroc a lancé des timbres parfumés et écologique. Ces 2 timbres-poste écologiques et exceptionnels marquent l’engagement de Poste Maroc à la rose et la fleur d’oranger dans ce secteur

28 Août 2010 1er octobre 2010 12 octobre 2010 6 novembre 2010 8 novembre 2010 Une convention est Entrée en vigueur du Les travaux de mise en Le Souverain annonce la Une journée marquée par signée pour la mise à nouveau Code de la place de la plateforme du restructuration du Corcas et des actes de vandalisme à niveau urbaine de route Tramway de Casablanca la création d’une nouvelle Laâyoune. Des affronte- l’ancienne médina de sont lancés à Sidi Moumen Agence pour les Provinces ments ont opposé les forces Casablanca. Le coût de du Sud de l’ordre aux habitants la première tranche de ce d’un campement installé à projet s’élève à 300 10 km de la ville. Bilan: 5 millions de DH morts parmi les forces de sécurité, 70 blessés et de nombreux équipements publics saccagés

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Nos Remerciements

n Merci pour tant de trésors! n Des historiens de référence

COMME pour le précédent «tiré à part» de L’Economiste, • Le Pr. Mostapha Bouaziz, le chef consacré à l’histoire de la dynastie alaouite (publié en 2010), rien d’équipe, en quelque sorte, est un spécialiste n’aurait été possible sans la mobilisation des personnes et des insti- de l’épistémologie historique et de la période tutions passionnées d’histoire et de documents historiques. analysée ici. Il est docteur en histoire et en outre Deux institutions ont ouvert leur patrimoine et donné sans compter diplômé en sciences sociales. Il a produit de de leur temps pour rechercher et préparer des documents exception- nombreuses recherches et enseigne à l’univer- nels. Il s’agit de Poste Maroc et de la Fondation Banque Populaire sité d’Aïn Chock de Casablanca. C’est aussi lui pour l’éducation et la culture. qui enseigne l’histoire aux futurs journalistes de Le premier a créé, au fil du temps, un extraordinaire patrimoine l’école créée par L’Economiste. philatéliste, malheureusement trop peu connu, mais dont nous don- nons à voir ici un tout petit volet, celui qui est lié à la construction de la nation. • Le Pr. Lotfi Bouchentouf a initié ou La Fondation Banque Populaire, avec patience et détermination, participé à la création de plusieurs associations et sauve, sans en faire étalage, les collections photographiques du Ma- groupes d’études sur des sujets comme l’histoire roc, dont l’énorme collection Flandrin, dont certains clichés sont religieuse, l’histoire de la femme marocaine, reproduits ici. Sauver une collection de photos, par nature fragiles et l’histoire des relations maroco-africaines… éphémères, est un travail colossal. Et en plus il faut retrouver les dates Il était chef du département d’histoire à la fa- et les sujets, car les artistes ou leurs héritiers ont rarement pris soins culté d’Aïn Chock jusqu’au mois de mai dernier. d’enregistrer les données. Un merci aussi à la Compagnie des oeuvres et objets d’art qui a • C’est l’archéologue du groupe. permis de reproduire des peintures de Rousseau qu’elle a mises en pros- vente (voir en page 82 les secrets de la couverture). Un merci aussi à Le Pr. Ahmed Achaabane pecte les sites archéologiques du nord-ouest du la galerie Venise Cadre qui a rassemblé de si rares photos. Un autre pays et de la Chaouia et tout particulièrement merci à l’OCP, qui, à l’occasion de son 90e anniversaire, a fait faire Tamsna. une campagne de superbes photographies dans ses mines et bien Il a publié de nombreux articles, mais son voulu nous les prêter; à la BMCI qui a soutenu des travaux de re- étude la plus attirante, l’histoire du tabac à tra- cherches sur l’architecture du XXe siècle et nous a permis d’y choisir vers les pipes en terre, est encore sous presse. des références; au ministère de l’Equipement qui a prêté ses clichés aériens sur les barrages… Merci aussi aux collectionneurs qui veulent rester anonymes mais • Tayeb Biad est docteur en histoire qui nous ont permis, comme l’année dernière, de piocher largement contemporaine, une branche de l’histoire parti- dans leur patrimoine pour le faire partager à nos lecteurs. culièrement délicate. Nul doute que chacun d’entre ces lecteurs aura parfaitement En effet, parce qu’elle traite de faits proches, conscience des trésors qui lui sont offerts de voir ici, grâce à la pas- l’histoire contemporaine est soumise à toutes sion des collectionneurs, qu’ils soient des particuliers ou des institu- sortes de pression. tions publiques et privées.o A l’historien de mettre l’Histoire à l’abri des détournements politiques. Le Pr. Biad est ensei- gnant universitaire.o

n … Et ceux qui ont rendu la publication possible

Il faut aussi remercier les journalistes qui ont travaillé directement sur Il faut aussi remarquer le travail des metteurs en page, qui ont eu à cette publication, ainsi que leurs collègues, lesquels, pendant les longues manipuler avec le plus grand soin des documents rares et à créer des de- semaines de préparation, ont pallié leur absence pour effectuer le travail signs spécifiques pour leur mise en valeur: Omar Jabre, Abdelaziz Ouahid, quotidien. Saïd Fakhreddine, Salima Michmich, Mohcine Sorrane et Mohamed Il s’agit de Aziz Ghouibi, Jihane Kabbaj, Mouna Hachim, Nadia Belk- El Ouadi Idrissi. hayat, Mohamed Benabid, Bouchra Sabib, Khadija Masmoudi, Meriem Sans omettre les correcteurs, Bahija Rhouli, Mohamed El Bekri et Oudghiri, Mohamed Chaoui, Malika Alami, Ali Abjiou, Hassan El Arif, Saïd Fathallah qui ont eu la tâche difficile d’unifier les graphies franco- Mohamed Azmani, Badra Berrissoule, Intissar Benchekroun, Frank Fa- phones et faire la chasse aux imprécisions de dates. Et n’oublions pas gnon, Fatim-Zahra Tohry, Othman Zakaria et Othman Aride sous la direc- les sélections photographiques contemporaines effectuées largement par tion de Nadia Salah. Saïda Sellami.o

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Henri Rousseau (1875-1933) LA couverture est un mariage entre deux peintres, deux styles. Il s’agit de Piet Mondrian et de Henri Rousseau. Il ne faut pas confondre Henri Rousseau, l’orientaliste (1875-1933), avec Henri Rousseau, dit le Douanier Rousseau (1844-1910): leurs œuvres sont aussi dissemblables qu’il est possible de l’être. Le peintre orientaliste est le plus fécond des peintres académiques sur le Maroc et l’Afrique du Nord. En décembre dernier, une de ses toiles, «le sultan et son escorte», a dépassé toutes les enchères jamais réalisées au Maroc. Elle a été adjugée à plus de 5 millions de DH (taxe et commissions comprises) lors d’une vente de la CMOOA; salle qui a déjà mis plusieurs œuvres de ce peintre sur le marché. C’est donc ce tableau qui a été déstructuré puis recomposé sur un espace à la Mondrian, par l’infographiste Abdelaziz Ouahid. La toile orientaliste représente le Sultan Moulay Youssef, que Rousseau a vu lors d’un séjour au Maroc, où son frère était Officier des Affaires indigènes. Piet Mondrian (1872-1944) est le pionnier de l’abstraction. Il travaille avec des couleurs primaires, en découpant son espace en carrés et rectangles, bien séparés par des fonds blancs ou noirs. Ci-contre deux oeuvres significatives du peintre.o

«Le sultan et son escorte» peint par Henri Rousseau en 1926, adjugé à 4,4 millions de DH (plus les commissions et taxes) lors qu’une vente organisée par la Compagnie marocaine des œuvres et objets d’art. Il se dit que l’acquéreur fait partie de la famille royale (Source: CMOOA) Piet Mondrian (1872-1944)

Mondrian est un peintre hollandais du XXème siècle qui a lancé l’art abstrait avec Kandinsky entre autres. Son point de vue est célèbre: «Si nous ne pouvons nous (Source: CMOOA) libérer nous-mêmes, nous pouvons libérer notre vision»

(Source: CMOOA)

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