Jusqu'au dernier jour

PIERRE-BLOCH

Jusqu'au dernier jour

MÉMOIRES

Albin Michel « H comme Histoire »

Collection dirigée par Philippe Bourdrel

© Éditions Albin Michel S.A., 1983 22, rue Huyghens, 75014 Paris

ISBN 2-226-01920-0 ISSN 0755-1754 Le souvenir est un poète, n'en fais pas un historien.

Georges Clemenceau

A ma femme

Le temps du souvenir

Je n'ai pas la prétention d'être un historien même si je me plonge souvent dans les manuels d'histoire. Ce livre, reflet de ma mémoire, narre une histoire : la mienne avec son cortège de souvenirs et de portraits. J'y évoque des grands hommes et des moins grands. Certains furent des proches et avec d'autres j'ai participé à quelques événements de ce siècle. Il se peut que certains d'entre eux soient des inconnus pour vous. Il n'y a pas que la mort pour effacer le souvenir, le temps y contribue, aussi, allégrement. Je doute que beaucoup, de ceux qui me liront, se souviennent ou aient simplement entendu évoquer les noms de Paul Mounet, même si la ville de Bergerac possède une statue des célèbres frères Mounet, Mary Garden, Poincaré, Viviani, Jean Longuet, Frossard et bien d'autres encore. J'ai connu et rencontré ces hommes. L'histoire passe, broyant tout sur sa route. Dans quelques années, si le bachot existe toujours, des cancres feront de Foch et de Joffre des maréchaux d'Empire et, de la même manière, penseront que de Gaulle était un traître et que l'ex-maréchal Pétain a prononcé l'appel du 18 juin. Les événements comme les hommes passent. Un proverbe latin me revient : « Verba volant, scripta manent. » « La parole s'envole, les écrits restent. » Le vent, par ailleurs, emporte bien des écrits mais, en revanche, nombre de portraits restent gravés dans la mémoire des hommes. Quoi de plus prenant, de plus tragique, par instants, qu'un croquis de Daumier, Forain ou Steinlen. Les portraits que je vais esquisser seront éclairés par le récit des événements que j'ai vécus activement. Le temps est venu pour moi d'écrire car, même si je dois coiffer les cent vingt ans des prophètes d'Israël, il me reste moins de jours que je n'en ai déjà reçu. Je me flatte d'avoir vécu la vie la plus pleine, la plus riche qu'un homme puisse souhaiter. Il est donc temps de livrer à l'Histoire ma petite histoire. Ainsi, j'ajouterai ma part à l'information et peut-être, qui sait, à l'Histoire. Mon récit ne prétend pas tout révéler sur le monde et ses drames. Je dirai simplement ce que je sais. Entre mon présent d'aujourd'hui et le passé de ma vie, aucune parenthèse. Juste un trait d'union. Les hommes politiques de droite ou de gauche que j'ai connus sous trois républiques ont mis, quoi qu'on en dise, le meilleur de leur pensée et de leur énergie au service de leur pays et de l'humanité. Ils ont lutté, suivant le mot de Michelet, pour les grandes choses désintéressées qui ne doivent profiter qu'à la France, pour que la France d'aujourd'hui reste fidèle à elle-même, qu'elle s'oppose à la haine qui jette les peuples les uns contre les autres et à l'argent-roi qui entend dévorer sa volonté de justice fraternelle. La France se doit de lutter pour les droits de tous. Le combat pour les droits de l'homme ne souffre pas de repos car il met en cause l'existence même de l'homme. Je tiens enfin à remercier Emile Malet de sa précieuse collaboration pour la réalisation de cet ouvrage. I

Affrontements précurseurs...

Juif de naissance, Français de toujours

Roger Peyrefitte, dans son livre Les Juifs, me fait naître à Sétif, en Algérie. Mais je suis né à Paris comme mon grand-père, mon père, mes enfants et petits-enfants... C'est ma mère qui est née à Sétif, et elle en était fière. Elle était une Aboucaya, nom dont on trouve trace dans l'histoire de la conquête de l'Algérie. Mon grand-père maternel, David Aboucaya, fut naturalisé français par décret impérial en 1866. Il avait servi l'armée française en qualité d'interprète militaire de 1 classe. On lit dans le Livre des interprètes militaires de Féraud : « Il est dit d'Aboucaya qu'il participa à tous les combats avec le duc d'Aumale, fit preuve d'un grand courage et fut proposé pour la Légion d'honneur, qu'il refusa par modestie. » Le livre d'or édité à l'occasion du centenaire de la conquête de l'Algérie confirme ces faits. En réalité, je crois l'histoire plus simple. Mon grand-père, juif très religieux, a peut-être hésité à orner sa poitrine d'une croix. Ses deux frères surmontèrent ce genre de préjugé et acceptèrent cette distinc- tion comme le confirme le Livre des interprètes militaires. Depuis, la famille a eu maintes occasions de se « rattraper » et ne s'en est pas privée. Je ne compte plus les oncles et les cousins qui ont eu la croix de guerre et la Légion d'honneur en 1914-18 et 1939-45. Sur le monument aux Morts d'Alger étaient gravés les noms de trois Aboucaya, un Cohen Bacri, un Bloch. Ils étaient nés à Sétif et à Alger comme David Zermati assassiné à Sétif par le FLN. J'ai trois mois quand mon père meurt, en 1905. Il était allé en Algérie faire la connaissance de sa belle-famille et y avait contracté la fièvre typhoïde. A l'époque, hélas, on ne savait ni soigner ni guérir cette maladie. Dans mon bureau, à côté des rares photos de mon père sauvées par miracle des pillages et vols de l'armée nazie, il y a celle de mon grand- père paternel en cuirassier de l'Empire ; sur le cadre, la médaille de 70 et celle de la bataille de Belfort, verte et noire, en signe de deuil et d'espoir. Mon grand-père aimait me raconter avec un grand luxe de détails l'enterrement de Victor Noir auquel il avait assisté. Deux cent mille personnes avaient, sous une pluie glaciale, suivi le cortège. Victor Noir avait été assassiné par le prince Pierre Bonaparte. Le seul tort de Noir, aux yeux du prince Bonaparte, était d'être un ardent républi- cain. Le bulletin d'abonnement, pour l'année 1905, de mon père à L'Humanité de Jaurès, orne toujours le mur de mon bureau. Il lui en avait coûté 18 francs pour soutenir le quotidien socialiste du 110, rue de Richelieu. Mon grand-père Moïse Bloch avait servi cinq ans sous l'Empire. Communard après la défaite, il était patriote et revanchard comme tous les juifs alsaciens autour de lui. Le sentiment républicain était si naturel et si profond dans ce milieu qu'on n'imaginait pas qu'on pût ne pas l'être. J'ai 9 ans en 1914 et, autour de moi, on ne parle que du retour de l'Alsace et de la Lorraine à la France. La grande voix sereine de Jean Jaurès manquait. Lui seul, peut-être, aurait pu empêcher le tragique enchaînement des événements. Le 4 août 1914 marque l'apogée de ce climat. La foule déchaînée hurle : « A Berlin, à Berlin ! » Une journée de délire collectif. L'un de mes cousins, Bloch, bien que réformé, s'engagea. Blessé, il fut décoré de la médaille militaire et de la croix de guerre. Il devait d'ailleurs décéder de la suite de ses blessures. Il avait, comme beaucoup de juifs français, payé le prix fort pour la victoire de son pays. En 1940, ma cousine mit dans la vitrine de son magasin les décorations de son mari mort pour la France. Sa courageuse audace fut punie et l'occupant, avec la complicité du régime de Vichy, ferma la petite boutique de la rue Lepic qu'elle occupait depuis 1914. Son fils unique, Gérard, fut fusillé par les nazis près de Bergerac. L'affaire Dreyfus n'avait pas laissé de traces marquantes dans ma famille. Néanmoins, nous considérions que le droit et la République avaient fini par triompher. L'antisémitisme n'a pas marqué ma jeunesse. Au lycée Charlemagne, les lycéens d'origine juive sont nombreux, et l'union sacrée passe avant toute autre considération. Juifs et non-juifs, toutes nos espérances et nos idées vont vers la victoire de la France et des démocraties sur l'Allemagne. Quelques années plus tard, en 1920, les provocations des Camelots du roi empoisonnent l'atmosphère. Les bagarres se terminent réguliè- rement aux cris de : « Mort aux juifs ! » Les lycéens juifs ne se battent pas seuls. Autour d'eux et avec eux, leurs camarades de gauche font face, eux aussi, aux provocations et aux vociférations de ces groupes qui préfiguraient tristement les années noires de l'Occupation. Le régime de Vichy puisera, plus tard, dans ces groupes d'extrême droite pour former les cohortes antisémites de sa politique. J'avais bien des difficultés à m'arracher à la merveilleuse tutelle de ma mère tragiquement veuve. Elle ressemble, trait pour trait, à la femme qu'Albert Cohen décrit avec émotion et talent dans Le Livre de ma mère. Elle appartient à un milieu, à une époque où les femmes, juives ou non, n'ont pour vocation que l'amour de l'époux et l'éducation de leurs enfants. Ma mère excelle dans le sacrifice. Sa vie se résume à son fils unique. Je suis renvoyé du lycée Charlemagne en raison déjà, de mes opinions extrémistes pour l'époque. J'entre au lycée Henri-IV où j'apprends que le prince Napoléon va recevoir, dans son château de Bruxelles, une délégation de lycéens et d'étudiants pour célébrer le centenaire de la mort de l'empereur Napoléon I On sollicite mon adhésion aux Jeunesses plébiscitaires qui dissimulent, en fait, les Jeunesses bonapartistes. J'ai 15 ans et ne sais pas résister à mon envie de me rendre à Bruxelles. Je m'inscris donc à ces « Jeunesses » dont le programme comporte l'élection du président de la République au suffrage universel. Cette idée me séduit particulièrement, mais j'ignore, à l'époque, qu'il me faudra attendre quarante et un ans pour la voir accepter par le peuple français. Je retrouve là des gens plus âgés que moi : Pierre Taittinger, futur député de Paris et président des Jeunesses patriotes qui, en 1930, au cours d'un meeting, me fera assommer par ses nervis, Louis Jacqui- not, le futur avocat de ma femme pendant l'Occupation, Roger Giron, le rédacteur du Figaro de Brisson, Jean-Maurice, Hermann, mon futur camarade du Populaire et de la SFIO. Nous fréquentons les salles de cinéma où l'on projette le Napoléon

1. On me reproche d'avoir écrit sur les murs du lycée : « Vive la Révolution russe ! » d'Abel Gance et nous crions : « Vive l'Empereur ! » La salle éclate de rire et nous nous replions sous les quolibets. Bien que cela soit un jeu, nous sommes vexés et meurtris dans nos convictions bonapartistes. Ma mère a été peinée par mon voyage à Bruxelles. Au bout d'un mois, je comprends qu'elle a raison et je démissionne. Les propos que j'entends autour de moi me font comprendre que je me suis fourvoyé. Ces Jeunesses plébiscitaires regroupent beaucoup trop de réactionnai- res à mon goût. Mon bref engagement bonapartiste me poursuivra longtemps et, soixante ans après, chaque fois que le pauvre Coston parlera de moi, il précisera : « Le juif bonapartiste. » En 1934, il me manque 100 voix pour être, après Pierre Mendès France, l'un des plus jeunes députés de France. Le radical, arrivé derrière moi, refuse en effet de se désister en ma faveur avec comme unique argument : « Un républicain ne se désiste pas pour un bonapartiste. » Je reconnais, bien volontiers, que le buste de Napoléon trône toujours sur mon bureau. Mes critiques et mes réserves quant à la politique de l'Empereur ne retirent rien à mon admiration envers son génie. Je le tiens pour le continuateur des idéaux de la Révolution française.

Dans les années 1922-23, la violence envahit le quartier Latin et les Camelots du roi s'en rendent maîtres. Il n'est plus possible de tenir une réunion de gauche ou de vendre dans la rue Le Populaire, L'Ere nouvelle ou L'Œuvre qui n'est pas encore celle de Marcel Déat. La publicité de L'Œuvre annonçant : « Les imbéciles ne lisent pas L'OEuvre », un petit malin, qui ne manquait pas d'humour, ajouta à la main : « Mais ils la font. » Tous les jours des bagarres éclatent. Le député Viollette se fait agresser dans la rue et se retrouve aspergé d'encre... violette. Victor Basch, que la Milice assassinera lâchement, a du mal à se faire entendre en Sorbonne. Je passe une bonne partie de mon temps à la Taverne du Panthéon, lieu de rendez-vous des républicains, et aussi... au poste de police du coin. Mes études s'en ressentent. Je passe plus de temps à militer qu'à étudier. Mon latin, en particulier, laisse à désirer. Ma mère décide alors de me faire donner des leçons particulières. Son choix se porte sur un jeune étudiant préparant l'agrégation de lettres, Georges Altman, le futur directeur de Franc-Tireur. Celui qui devait devenir un journaliste de grand talent est, à l'époque, secrétaire national des Etudiants socialistes révolutionnaires. Très rapidement, ses leçons particulières de latin se transformèrent en leçons de marxisme. Ma mère, soucieuse et toujours à l'écoute, intervint au milieu d'une leçon : « Monsieur Altman, je ne vous ai pas pris pour faire de mon fils un révolutionnaire... » Bien des années après, nous évoquions, moi député et lui directeur de journal et homme de lettres apprécié, ces souvenirs avec beaucoup d'émotion et de sourires.

Avec Mendès France et quelques autres

Un groupe d'étudiants et de lycéens de gauche décident de former une ligue de défense qui va d'abord se donner comme mission de faire respecter l'ordre dans les réunions des partis de gauche. Nous sommes résolus à contrer toutes les provocations de l'extrême droite antirépu- blicaine. Paul Ostoya, déjà journaliste, en sera le président fondateur. Après des élections, j'obtiens le secrétariat général. Les premiers adhérents s'appellent : René-Georges Etienne qui mettra, par la suite, son talent d'orateur au service du barreau, Paul Campargue, député et directeur de journal à la Libération, et Luchaire qui trahira l'idéal de sa jeu- nesse et asservira sa plume aux nazis avant d'être, après la victoire, condamné à mort et exécuté, Henri Hauck que je retrouverai parmi les Français libres à Londres. Cet ami, plus âgé que moi, me fait régulièrement sortir du poste de police situé près de l'église Saint- Séverin où, régulièrement, je fais quelques séjours après les bagarres qui m'opposent aux Camelots du roi. Les affrontements ont souvent lieu à proximité du local de Clarté de Barbusse qui nous héberge. Henri Hauck est ami de Fiancette, le rapporteur du budget de la police. Le nom de ce dernier a un effet miraculeux et agit comme un « sésame ». Il nous ouvre la porte du poste de police qui nous sert de refuge lorsque nous voulons échapper à la vindicte des hordes « fascistes » qui nous poursuivent. J'écris mon premier article dans le bulletin que nous faisons paraître. Les Camelots du roi continuent de semer la terreur et saccagent les bureaux de L'Ere nouvelle, rue Taitbout, et de L'Œuvre, rue Louis-le-Grand. Au quartier Latin, l'atmosphère est de plus en plus lourde et les incidents se multiplient entre factions opposées. Le ministre de l'Instruction publique, François Albert, est à nouveau agressé. Devant la gravité de la situation, le Comité d'action universitaire devient la LAURS (Ligue d'action universitaire républicaine et socialiste). Pierre Mendès France y adhère et en devient rapidement le leader. L'affaire Scelle pousse les républicains à réagir et à s'organiser. Ce professeur, considéré comme de gauche, est la bête noire des fascistes de l'époque qui décident qu'il ne fera pas ses cours. En tête des assaillants d'extrême droite, se trouve Philippe Lamour qui quittera l'Action française pour rejoindre le mouvement des Faisceaux de Georges Valois. La bataille est sévère et on se bat dans les couloirs, les salles et dans la rue. Les Camelots du roi reçoivent une belle raclée et leur tentative d'intimidation échoue. La LAURS devient une grande organisation et certains de ses anciens dirigeants occuperont une place de choix dans l'actualité politique du pays : Charles Gombault, le futur directeur de France- Soir, Papon (eh oui !), Pompidou, Marjolin, Maurice Schumann, Roger Ikor, Gaston Maurice, etc. Malheureusement, je dois mettre un frein à mes activités militantes car je subis une grave opération qui me tient, pendant de longs mois, éloigné des affrontements du quartier Latin. Le bulletin du comité, sous la plume de Valentin Broujanne, regrette mon absence. Ma mère, qui se dépense sans compter pour son fils unique, m'expédie, sans hésiter, en convalescence à Bordeaux. De là, je pars pour le bassin d'Arcachon, où je vais me reposer et admirer ce sublime panorama qui inspira tant le grand poète italien d'Annunzio. Le lieu se prête aux grandes rencontres. Je fais connaissance d'une jeune fille magnifique. Belle, très belle. Je suis subjugué par sa culture. C'est une véritable encyclopédie vivante. Me voilà amoureux de Lucie Meyer. Hélas, je ne serai pas le seul... Lucie a ses préférés. Grâce au ciel, j'en suis. Il nous arrive fréquemment de marcher sur le sable de la plage, discutant de longues heures des spectacles donnés à la Comédie-Française ou de Gide. Après ce séjour radieux, je rentre à Paris. Départ aussitôt pour la Tunisie où je termine tant bien que mal mes études grâce à l'aide de mon oncle Victor Daninos, brillant avocat qui lit le grec et le latin à longueur de journée. Je me cultive et, de loin, j'assiste au triomphe du Cartel des gauches, en 1924. En 1936, jeune parlementaire, je retrouverai Lucie dans les couloirs de la Chambre. Julien Cain, son oncle, est directeur du cabinet du président de l'Assemblée. Il sera plus tard administrateur de la Bibliothèque nationale. Lucie me présente son mari, un jeune avocat qui semble s'intéresser beaucoup à la politique. Il me demande quelle est la meilleure solution pour devenir député. Ce jeune avocat s'appelle Edgar Faure. L'heure de la caserne approche. Me voilà bon pour le service. Je suis affecté, en qualité d'artilleur, au 62 régiment d'artillerie colo- niale de Bizerte, quartier Lambert. Mes dix-huit mois de service militaire s'annoncent mal car je suis immédiatement pris en grippe par mon adjudant, un dénommé Saucle. Je crois que je n'oublierai jamais son nom. Cet ancien garçon de ferme, resté dans l'armée après la guerre, est allergique aux intellectuels. A la rigueur, il supporterait un étudiant, mais que celui-ci soit, de plus, juif, dépasse pour cet être borné les limites du tolérable. Pour la première fois de ma vie, je suis confronté à l'antisémitisme le plus bête, le plus hargneux, le plus viscéral. Rapidement, je suis en butte à toutes les tracasseries. L'imagination des imbéciles ne connaît pas de limites. En réaction, je deviens un mauvais soldat qui subit, tous les samedis soirs, la garde, et les écuries le dimanche. Je n'accède pas à l'école des brigadiers et ne puis aller aux EOR. Beaucoup plus tard, en 1939, j'apprendrai par mon ami le colonel Manessier, qui commande le fort de Vincennes où je suis incorporé, qu'une des notes de mon livret militaire me suit et me poursuit depuis 1927 : « Révolutionnaire dangereux, mauvais esprit, antimilitariste, à surveiller de près... » De nombreux jeunes gens victimes de l'acharne- ment d'un petit gradé ont certainement fini aux bat d'Af, ces tristement fameux bataillons disciplinaires d'Afrique. Mon sinistre adjudant ne sait qu'inventer pour me mettre dans une situation difficile. Un matin, convoqué au bureau du capitaine, en présence de mon adjudant, j'entends ce dernier proclamer avec une voix digne d'une nouvelle affaire Dreyfus : « Canonnier ! Tous les soirs, vous retrouvez votre maîtresse à la terrasse du café de France. C'est une honte pour le régiment!... — Mais mon adjudant, c'est ma mère ! », et me voilà parti d'un immense éclat de rire. Au fond de moi-même, cette confusion me flatte. Ma chère mère, qui tient à demeurer près de son fils unique, finit, en raison de sa jeu- nesse d'allure, par être prise pour ma maîtresse. Ma situation au régiment s'aggrave de jour en jour. Saucle, péremptoire et l'œil brillant de méchanceté, proclame : « Je vous ferai passer au tourniquet. » Le bougre, dans sa haine antisémite, l'aurait certainement fait si, in extremis, je n'avais été sauvé par le commandant Perrine de Troyes. Je profite d'un jour de visite médicale pour raconter à ce médecin- major mes malheurs et les menaces qui pèsent sur moi. Le médecin, catholique pratiquant, m'écoute avec bienveillance et compatit à mon sort. Il me déclare gravement malade et me garde deux mois à l'hôpital de Bizerte. Il pousse ensuite la générosité encore plus loin et m'accorde une permission de convalescence libérale. Je m'empresse de rejoindre Paris où m'attendent, soulagés, ma famille et mes amis. La même aventure arrivera, plus de trente ans après, à mon fils Jean-Pierre qui, refusant le moindre « piston », partira pour l'Algé- rie. Affecté sur un piton des montagnes de l'Aurès, il subira, à son tour, la haine antisémite d'un officier d'origine polonaise qui s'achar- nera sur lui. Décidément ! ces juifs se font toujours remarquer, ils ne peuvent pas faire comme tout le monde.

Le Club du Faubourg

Mon cauchemar terminé, je retrouve avec joie Paris et ses enchantements. La vie et la ville me paraissent encore plus belles que dans mes souvenirs. Je respire à pleins poumons la liberté retrouvée. Avec la capitale, je replonge dans la politique. Je crois que jusqu'à ma mort, le virus de la politique ne me quittera pas. Je fréquente avec Jacques Ancelle, le président des Jeunesses laïques, le Club du Faubourg qui est une excellente école d'orateurs. Je côtoie, enthousiasmé, les grands de la politique. Léo Poldès a l'art d'amener à lui les ténors de la Troisième République : Caillaux, Herriot, Chautemps, Daladier et bien d'autres monstres sacrés de la Chambre des députés. L'avocat Henry Torrès, au sommet de sa gloire, y fait également briller son talent oratoire hors du commun. Nous le considérons tous avec admiration, car il vient d'obtenir l'acquittement de la jeune et jolie anarchiste Germaine Berton qui a abattu Marius Plateau, le bras droit de Léon Daudet, dans les bureaux de l'Action française. Les orateurs, toutes tendances confondues, se retrouvent à la tribune du « Faubourg ». Avec la fougue de mes 22 ans, je porte, sans hésiter, la contradiction à l'abbé Violet. Inutile de préciser que ce vieux bretteur me réduit, sans mal, en poussière. Mon adversaire habituel dans ces séances est un puits de science politique. Cet orateur de grand talent s'appelle Kaminker. Sa fille, Simone Signoret, deviendra célèbre et ne partagera pas les idées politiques de son père. Celui-ci, homme de droite, m'assène des coups terribles. Un soir, ma mère vole à mon secours au risque de me ridiculiser. Elle assiste fidèlement à tous mes débats et refuse de me quitter un seul instant. Je me fais beaucoup d'amis de droite et de gauche dans ce Club du Faubourg et retrouve, avec plaisir, à chaque réunion, un jeune agitateur communiste d'Extrême-Orient. Rapidement, ce petit homme fiévreux, farouche et charmeur, devient mon ami. Il se nomme Nguyen Ai Quoc et vivote à Paris dans un atelier minable du XVII arrondissement, non loin du Club du Faubourg. Mon ami vietnamien ne m'oubliera pas car, bien plus tard, en 1952, la première délégation du Viêt-minh arrive à Paris et le chef de la délégation demande à me voir. Il me remet un présent de la part de son président : une photo dédicacée de Nguyen Ai Quoc devenu le célèbre Hô Chi Minh. Il se souvient de son camarade du Faubourg. Au cours de ce voyage, il confie à Marius Moutet, ministre de la France d'outre-mer : « Ne me laissez pas repartir sans rien. » Hélas, personne ne l'entend et on connaît les événements tragiques qui découleront de l'échec de cette négociation. Léo Poldès, en imprésario de génie, annonce que le 73e banquet littéraire sera présidé par le célèbre homme d'Etat Joseph Caillaux. Il y a affluence et le club, plein à craquer, célèbre Caillaux. L'ex- « traître » de la Première Guerre mondiale fait recette. Je me faufile parmi les grands de ce monde et la foule. Celle-ci est bizarrement composée. Son aspect pittoresque et hétéroclite constitue le principal attrait des dîners de ce club qui souffre d'un certain parisianisme. Les uns viennent pour se faire voir, les autres, dont je suis, pour apprendre à s'exprimer en public. Acteurs et spectateurs s'amusent de bon cœur et considèrent tout cela comme un bon spectacle. Les bourgeois dominent dans cette assemblée. Pour 30 francs, ils ont la possibilité de fraterniser, quelques heures, avec des célébrités de la politique, du barreau et du théâtre. A ce prix-là, le plaisir de passer une bonne soirée est peu cher payé et la qualité de la représentation surpasse largement ce que présentent d'ordinaire les théâtres parisiens. Dans une atmosphère cordiale, on admire, à la table d'honneur, Caillaux et son épouse à la chevelure d'or pâli. Ce seigneur d'un certain radicalisme en impose par sa forte personnalité. Rarement, un homme politique aura été, à ce point, admiré et décrié à la fois. Ses qualités et ses défauts concentrent sur lui louanges et critiques. Il ressemble, ce soir-là, avec sa discrète moustache, à un play-boy désabusé. Une certaine majesté émane de ce corps mince et nerveux portant une tête raide d'empereur romain. Il supporte même une calvitie intégrale avec une rare élégance. En grand seigneur, il se met, pendant toute la soirée, à la portée de tous. Toutes ses attitudes et tous ses propos respirent le bon vieux radicalisme qui manque tant aujourd'hui. A sa table, on remarque Maryse Choisy qui vient de publier Un mois chez les filles, un ouvrage au vitriol. Le scandale qui déclenche cette publication est inima- ginable aujourd'hui. Les remous soulevés par l'émission « Droit de réponse » de Michel Polac ne sont rien à côté de la marée d'indignation qui accueille ce « scandale des scandales ». Un peu plus loin, à l'écart, on remarque Odette Pannetier. Quinze ans plus tard, elle jouera un rôle important dans la campagne de presse contre le ministre de l'Intérieur, Roger Salengro. Le repas s'achève et Poldès, de sa voix tonitruante, lit les lettres que des hommes politiques ont envoyées pour s'excuser de n'être pas présents ce soir aux côtés du grand persécuté, aujourd'hui triom- phant. L'imposant et ventripotent , le pacifiste qui deviendra « collabo », ajoute : « Aujourd'hui, la vérité triomphe. » Caillaux, orateur de talent, tient la salle en haleine et ménage ses effets. Il commence par une belle apostrophe : « J'appartiens à la classe des élus de la diffamation. » Immédiatement, quelqu'un dans la salle crie : « Traître ! Vive Poincaré ! » Poldès, aidé de sa femme, sort gentiment le perturbateur. Je ne suis pas sûr que ce dernier n'est pas de mèche avec Poldès qui s'y entend pour donner un peu d'animation à ses soirées. Un espace de liberté et de dialogue, comme le Club du Faubourg, nous manquera dans l'avenir. Le débat politique et la démocratie y auraient gagné en tolérance et en clarté, s'il avait été possible de recréer un tel lieu de confrontations d'idées.

J'adhère à la LICA

Le retentissement du procès Schwartzbard entraîne la transforma- tion par Bernard Lecache de la « Ligue contre les pogroms » en LICA (Ligue internationale contre l'antisémitisme). J'y adhère sans hésiter et rejoins ainsi ses membres prestigieux : Séverine, la comtesse de Noailles, le cardinal Verdier, archevêque de Paris, Léon Blum, etc. Je ne peux pas prévoir que, quarante ans après, presque jour pour jour, je deviendrai le président de la LICA avant de devenir celui de la LICRA. Quel homme merveilleux, ce Bernard Lecache ! Petit, les cheveux frisés, il porte son intelligence sur le visage. On a immédiatement envie de devenir l'ami de cet homme droit au regard franc et direct. Sa belle-mère Séverine exerce une grande influence sur lui. Plus âgé que moi, nos rapports s'en ressentent un peu car, à l'époque, la distance est grande et l'intimité plus difficile qu'aujourd'hui entre un jeune homme de 23 ans et un homme de 35. Il a fait une guerre brillante dans un bataillon de chasseurs à pied. Blessé, comme beaucoup, il adhère, au sortir de l'enfer, au parti communiste avec Frossard, Charles Lussy, Henry Torrès, Amédée Dunois. Il comprend rapidement et quitte le parti. Journaliste, il part en reportage pour Le Quotidien qui se proclame « journal fondé par soixante mille Français pour perfectionner les institutions républicai- nes ». Malheureusement, cette expérience d'un journal authentique- ment populaire se termine mal. De retour d', Lecache révèle à l'opinion publique les atrocités inouïes des pogroms et les crimes des armées blanches qui, en quelques mois, ont massacré plus de 300000 juifs. Bernard Lecache ne veut pas que ses révélations tombent dans l'oubli et il écrit un livre 1 véritable sépulture pour 300000 victimes, et inscrit, sur la page de garde, la célèbre phrase d'Anatole France : « Nous ne connaissons ni juifs ni chrétiens, nous ne connaissons que des bourreaux et des victimes. » Il décide alors, pour poursuivre son action, de fonder sa ligue de défense et l'installe dans son propre appartement 4, rue Lentonnet, dans le X arrondissement. La Ligue contre les pogroms se manifeste immédiatement en fournissant de nombreux témoins à l'horloger Schwartzbard. L'affaire secoue la presse et l'opinion publique car l'accusé, un juif émigré, engagé dans l'armée française et décoré de la croix de guerre et de la médaille militaire, a abattu, au coin d'une rue populaire de Paris, l'atman Petlioura, organisateur et principal responsable des pogroms de Russie blanche en 1919-20. Arrêté, Schwartzbard est déféré devant la cour d'assises de Paris. Les débats rudes, violents et souvent tumultueux sont d'une rare intensité dramatique. Henry Torrès sait, dans sa magnifique plaidoi- rie, souligner que l'accusé a voulu, par son geste, attirer l'attention du monde civilisé sur l'atroce tragédie des pogroms de Russie. Les

1 Au pays des pogroms. applaudissements de la salle saluent l'acquittement de Schwartzbard et la performance de Torrès qui, lui aussi, sur sa robe d'avocat, porte la médaille militaire et refusera toute sa vie la Légion d'honneur, considérant la médaille militaire au-dessus de toute autre décoration. écrira à propos de ce procès : « Je salue Henry Torrès qui, dans sa magistrale plaidoirie, a élevé à la cause du Droit, un monument que le temps ne laissera jamais périr. » En même temps que la LICA, Le Droit de vivre est créé. Ce titre est proposé par Charles-Auguste Bontemps, l'un des orateurs les plus écoutés du Club du Faubourg Moi, modestement, en bon militant, je le vends dans la rue avec Le Populaire. Les jeunes juifs adhèrent avec enthousiasme à la LICA. Elle répond à leur soif de justice et d'engagement. Mais les adhérents viennent de tous les pays et de tous les horizons. Edouard Herriot y côtoie Paul Lange vin, Albert Einstein, Maxime Gorki alors réfugié en France et Victor Basch, l'abbé Violet. La LICA organise ses premiers meetings en février 1928 et la première grande réunion se tient dans la célèbre salle Bonvalet du boulevard du Temple où, sous l'Empire, tant de républicains manifes- tèrent leur farouche opposition au régime de Napoléon III. Bernard Lecache prend la parole et son verbe enflamme l'auditoire. Il définit les grandes lignes de la LICA qui reposent sur les principes de 1789 selon lesquels les hommes naissent libres et égaux en droit. A Paris, en peu de temps, six mille personnes adhèrent à la nouvelle organisation. La LICA devient une organisation puissante et respec- tée. Tous les partis de gauche, y compris les communistes (les temps ont bien changé) font appel à notre service d'ordre pour assurer la sécurité de leurs réunions. Rapidement, les Camelots du roi et les apprentis fascistes évitent de se frotter à nos adhérents et comprennent que la force n'est plus de leur côté. La LICA, comme aujourd'hui encore, stipule qu'elle se place au- dessus de tous les partis politiques et de toutes les organisations philosophiques et confessionnelles. Son objectif est de lutter, avec tous les moyens en son pouvoir, contre les pogroms et l'antisémitisme qui déshonorent la communauté humaine.

1. De nombreuses personnalités collaboreront régulièrement à l'hebdomadaire : Victor Basch, Pierre Brossolette, Maurice Bourdet, Langevin, André Malraux, André Maurois, Catulle Mendès, Einstein, l'abbé Violet, Lucie Delarue-Madrus, Caillaux. Le Droit de vivre ayant mentionné que Je suis partout était un journal nazi, Brasillach nous poursuit en diffamation et réclame, excusez du peu, 500000 francs de dommages et intérêts. Elle ne cessera jamais de mener ce combat avec courage et efficacité. Plus tard, elle élargira son combat et prendra la défense de toutes les minorités persécutées en devenant la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, ou LICRA. La Ligue sera une des premières organisations à rappeler le génocide arménien. Fidèle à lui-même, Bernard Lecache n'acceptera pas la défaite de 1940 et « l'ordre nouveau » de Vichy. Dans Marianne, replié à Lyon, il écrira un article remarquable où il saluera les soldats nord-africains qui s'étaient battus pour la France avec un courage extraordinaire et conclura : « La France de la liberté continue. » Le gouvernement de Pétain réagira immédiatement et Marianne devra cesser sa parution. Déporté dans un camp de concentration du Sud algérien, Bernard Lecache subira les pires sévices. L'ancien combattant de 1914-18 ne fléchira pas et attendra l'heure de la Libération. Seule la mort pouvait vaincre cet être d'exception. En 1937, avec Gaston Monnerville, je suis élu au comité central de la LICA. A la Libération, un essai de collaboration fut tenté avec les résistants communistes. On changea de nom et aussi le titre du journal. Une expérience éphémère. L'inféodation à Moscou du temps de la guerre froide est si forte sur les communistes qu'il leur est quasiment impossible — sinon interdit — d'adhérer et de militer dans des associations dont l'imprimatur ne vient pas du Kremlin. Aussi nos ex-camarades communistes vont-ils fonder le MRAP, un mouvement antiraciste étrangement silencieux sur les crimes antisémites perpétrés dans une Russie stalinienne et post-stalinienne. Mais il est des combats conditionnés par une sensibilité hémiplégique. Bien des années plus tard la LICA deviendra LICRA, un R ajouté à notre signe — alors que le MRAP a supprimé l'antisémitisme du sien —, c'est la première lettre de ce fléau : le racisme, contre lequel depuis plus d'un demi-siècle nous menons un combat sans répit. Quelle que soit l'identité politique des racistes, l'imbécillité et le crime ne sont malheureusement pas l'apanage d'un camp ou d'un parti. Et surtout sans oublier la large panoplie raciste contemporaine qui peut se dissimuler sous les masques les plus divers : l'antiaméricanisme, l'antisionisme, voire l'anti-Israël, l'antimodernité. En somme, la pléiade de l'antihumanisme. Avec ténacité, sans répit, toujours vigilants, nos militants venus de tous les horizons politiques, appartenant à toutes les confessions, originaires de races, d'ethnies différentes luttent avec toute leur énergie pour le droit de vivre de tous, droit de plus en plus menacé par les discriminations. Le racisme n'a pas d'autre loi que la loi du plus fort sur le plus faible, du nombre sur les minorités. Par définition le raciste est lâche. Il ne s'affirme qu'à visage couvert, il profite d'une situation favorable pour opprimer celui qui est différent, en état d'infériorité. Quand il diffame sa lettre est anonyme, quand il insulte il se cache, quand il agresse l'obscurité le sert. Dans l'ombre et avec la complicité de gouvernements faibles ou idéologiquement près de leurs thèses, les anciens nazis, les collaborateurs de l'Occupation redressent la tête, veulent justifier leurs crimes en falsifiant l'histoire. Loin de se faire oublier, ils prétendent à la réhabilitation.

Journaliste au Populaire de Léon Blum

L'élection du Parisien Léon Blum à Narbonne, le pays de la vigne, dès le premier tour, le 14 avril 1929, date anniversaire de ma naissance, m'apparaît immédiatement comme un signe des dieux laïques. Je décide d'adhérer au parti socialiste et me présente rue Feydeau au siège de la fédération de la Seine, rue à l'époque quelque peu sordide et assez « mal fréquentée ». Je donne mon adhésion aux Jeunesses socialistes et au parti — 9 section — en présence de Jean Zyromski et de Marceau Pivert. Ma section est considérée, avec un certain mépris, comme celle des intellectuels. C'est, en tout cas, l'une des plus « dures ». La section se réunit en face de L'Auto dans une salle de café de la rue Bergère. J'y retrouve Jacques Grumbach, frère de Jean-Pierre Melville et père de Rémy Grumbach, mort en traversant l'Espagne pour rejoindre la France libre, Pierre Brossolette, le héros légendaire de la Résistance, Pierre Dreyfus, patron pendant des années de la régie Renault avant d'être ministre de l'Industrie, Kosciusko-Morizet, ambassadeur de France, Léon Boutbien, Daniel Mayer le futur président de la Ligue des droits de l'homme et secrétaire général du parti socialiste clandestin pendant l'Occupation, et enfin, Louis- Maurice Nordmann que les nazis fusilleront. Aujourd'hui, en retrouvant les survivants de notre section, je constate, avec une certaine fierté, que tous sont restés fidèles à leur

1. Nommé en février 1983 à la présidence du Conseil constitutionnel par François Mitterrand, président de la République. Affichette du parti socialiste annonçant une réunion publique, en 1930.