o Année 2014. – N 29 S. (C.R.) ISSN 0755-544X Jeudi 27 février 2014 SÉNAT

JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

COMPTE RENDU INTÉGRAL

Séance du mercredi 26 février 2014

(79e jour de séance de la session)

7 771051 402909 2372 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE RAFFARIN PRÉSIDENCE DE M. CHARLES GUENÉ Secrétaires : 8. Nomination d'un membre d'un organisme M. Marc Daunis, Mme Michelle Demessine. extraparlementaire (p. 2411)

Procès-verbal 1. (p. 2373) 9. Lutte contre la contrefaçon. – Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de 2. Candidatures à une mission d’information (p. 2373) la commission (p. 2411) 3. Mise au point au sujet d'un vote (p. 2373) Discussion générale : Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur ; M. Michel Delebarre, rapporteur MM. Joël Guerriau, le président. de la commission des lois. 4. Débat sur la situation des outre-mer (p. 2373) Mme Éliane Assassi, M. Stéphane Mazars, Mme Hélène M. Paul Vergès, au nom du groupe CRC. Lipietz, M. Jean-Jacques Hyest, Mme Nicole Bonnefoy, M. . MM. Pierre Frogier, Joël Guerriau, Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Étienne Antoinette, Jean-Claude Requier, Clôture de la discussion générale. Mme Aline Archimbaud, M. Robert Laufoaulu, Mme Karine Claireaux, MM. Christian Cointat, Articles 1er à 5. – Adoption (p. 2420) Georges Patient, Serge Larcher. Article 6 (p. 2423) M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Amendement no 1 rectifié de M. Joël Labbé. – Mme Hélène 5. Nomination des membres d’une mission d’information Lipietz. – Retrait. (p. 2397) Adoption de l’article. 6. Débat sur l’épargne populaire (p. 2397) Articles 7, 8 et 11 à 13. – Adoption. (p. 2424) Mme Françoise Férat, au nom du groupe UDI-UC. Article 19 (p. 2438)

o PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE CARLE Amendement n 2 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz. – Retrait. M. Joël Guerriau, Mme Éliane Assassi, MM. Yannick Adoption de l’article. Vaugrenard, François Fortassin, Jean Desessard, Dominique de Legge. Article 20. – Adoption. (p. 2439)

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie la commission. numérique. M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; 7. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 2410) Mme Nicole Bricq, ministre.

Suspension et reprise de la séance (p. 2410) 10. Ordre du jour (p. 2440) SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2373

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE RAFFARIN M. le président. Acte vous est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et vice-président figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Secrétaires : M. Marc Daunis, 4 Mme Michelle Demessine.

M. le président. La séance est ouverte. DÉBAT SUR LA SITUATION DES (La séance est ouverte à quatorze heures trente.) OUTRE-MER M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la situation des outre-mer, organisé à la demande du groupe 1 CRC. La parole est à notre doyen, M. Paul Vergès, au nom du PROCÈS-VERBAL groupe CRC. M. Paul Vergès. Madame la présidente, monsieur le M. le président. Le compte rendu analytique de la précé- ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord dente séance a été distribué. adresser mes remerciements au président Bel et à la confé- Il n’y a pas d’observation ?… rence des présidents du Sénat, qui ont bien voulu accéder à la demande portée par le groupe CRC d'organiser un débat Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage. consacré aux outre-mer. Cette initiative a été dictée par un double constat : d'une 2 part, la gravité de la situation régnant dans nos territoires ; d'autre part, le sentiment que cette situation est méconnue, sinon sous-estimée, tant dans sa gravité que dans ses caracté- CANDIDATURES À UNE MISSION ristiques propres. D’INFORMATION Il nous a semblé nécessaire que la représentation nationale M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des soit mieux informée et pleinement consciente des redoutables trente-trois membres de la mission d’information sur la défis auxquels sont confrontés les outre-mer à un moment où réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisa- les interrogations sur l'avenir et la place de la dans le tions sociales accordées aux entreprises, créée sur l’initiative nouveau monde du XXIe siècle conduisent à une réévaluation du groupe communiste républicain et citoyen en application des politiques publiques. de son droit de tirage. Le débat actuel sur le pacte de responsabilité et sur le cap En application de l’article 8 de notre règlement, la liste des ainsi fixé par le Président de la République traduit les inquié- candidats présentés par les groupes a été affichée. tudes légitimes des Français : prend-on le chemin du redres- sement et de la croissance ou va-t-on au contraire persister Cette liste sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’oppo- dans une orientation stratégique erronée et s'enfoncer dans sition dans un délai d’une heure. une crise qui perdure depuis six ans ? Ces inquiétudes sont encore plus vives dans les outre-mer, 3 où les conséquences de la crise mondiale actuelle viennent aggraver une crise structurelle. Aucun territoire d'outre-mer, aucune région d'outre-mer n'échappent à ces conséquences MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE combinées, mais la situation de chacun d'entre eux est spéci- fique et ne peut être transposable à l’autre. M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau. C'est pourquoi je voudrais ici insister sur un point essen- M. Joël Guerriau. Monsieur le président, lors du scrutin no tiel : il n'est pas possible de débattre globalement des outre- 158 du mardi 25 février dernier relatif à l'autorisation de mer sans différencier leurs situations respectives. prolongation de l'intervention des forces armées en République centrafricaine, mon collègue Vincent Delahaye Nous devons rompre avec une conception découlant d'une a été noté comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’il vision schématique qui tend à globaliser les situations des souhaitait voter contre. outre-mer dans une même approche. La diversité de leurs situations sur les plans géographique, démographique, social, Je vous remercie de bien vouloir prendre en compte de économique et culturel exige une approche différenciée, au- cette demande de rectification, monsieur le président. delà des analogies qu'elles peuvent présenter. 2374 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Vous comprendrez donc que, dans le temps qui m'est D'une part, le Gouvernement, dès 1946, au nom du coût imparti, je m'attacherai à évoquer le cas particulier d'un de la vie à la Réunion, a décidé d'étendre à toute la fonction seul de ces territoires : celui de la Réunion. publique d'État le statut colonial existant alors : surrémuné- rations, congés payés en France tous les trois ans, trois ans de En premier lieu, je tiens à insister sur la gravité exception- service valant quatre annuités pour la retraite, réévaluation de nelle de la situation sociale : plus de 40 % de la population vit la pension de 35 % par rapport à la France… au-dessous du seuil national de pauvreté ; près de 30 % de la population active est au chômage. Il était prévisible, et logique, que les entreprises du secteur privé ou parapublic s'engagent dans cette voie officiellement Quelles initiatives prendrait le Gouvernement si plus de ouverte et que, au cours des années cinquante, les personnels vingt-cinq millions de Français vivaient sous le seuil de des assurances, des banques, de la sécurité sociale, d'EDF et pauvreté et si la France comptait dix millions de chômeurs ? de la radiotélévision publique obtiennent, eux aussi, par des Une telle situation ne serait pas soutenable et commanderait accords collectifs agréés, des surrémunérations de l'ordre de des mesures radicales. Or c'est la situation que nous connais- 30 %, 40 %, 50 % voire 73 % par rapport à la France sons à la Réunion et elle s'aggrave inexorablement, année continentale ! après année, notamment sous le poids de la progression démographique. Dans le même temps, et par les mêmes gouvernements, l’égalité sociale a été refusée au secteur privé pendant plus de Il ne s'agit pas de nier les progrès réalisés dans les domaines cinquante ans. des équipements publics, de la santé ou de l'éducation, ni dans l’agroalimentaire ou l'import-substitution. Cette formation officielle d’une inégalité institutionnalisée, d’une part, et la sous-estimation de la transition démogra- Mais, ce qui domine, ce sont les déséquilibres économiques phique naturelle qui, sur un siècle, va voir la population et sociaux. Sur ce plan, nous avons une économie désarti- réunionnaise passer de 150 000 habitants en 1946 à un culée, avec une hypertrophie du secteur tertiaire, qui repré- million à l’horizon 2050, d’autre part, sont à la base de la sente plus de 80 % du PIB contre à peine 15 % pour le crise structurelle qui frappe sur tous les plans la Réunion secteur industriel et moins de 5 % pour le secteur primaire. aujourd’hui. Nous constatons aussi, à la Réunion, des inégalités sociales Certes, des lois d’adaptation ont été régulièrement votées et criantes : en 2008, selon les chiffres publiés par les services de mises en œuvre. Sur le plan économique, ce sont notamment l'État, les 20 % les plus riches concentrent 47 % des les dispositifs successifs de défiscalisation ou d’allégement de ressources, tandis que les 20 % les plus pauvres se partagent charges sociales pour les entreprises : loi Pons, loi Perben, loi 7 % du total des ressources. Seulement 7 % ! Queyranne, loi Paul, loi Girardin, entre autres. Tous ces Le rapport interdécile des niveaux de vie est de 5,2 à la dispositifs répondaient à une même logique : alléger le coût Réunion, contre 3,3 en en France métropolitaine. En 2010, du travail et favoriser les investissements. sur une population de 830 000 personnes, 343 000 vivaient Force est de constater que, malgré leurs mérites, ces dispo- sous le seuil national de pauvreté, et 150 000 foyers regrou- sitifs n’ont pas permis d’effacer toutes les séquelles du modèle pant 240 000 personnes dépendaient de minima sociaux. colonial de l’économie de comptoir et du colbertisme : 65 % Entre 22 000 et 27 000 ménages sont en attente d'un de nos échanges se font avec la France, distante de plus de logement… 10 000 kilomètres, ; le taux de couverture des importations La situation sociale à la Réunion est jugée « hors norme » par les exportations est extrêmement faible : 6 %, mes chers par l'INSEE. collègues ! Compte tenu du coût de la surrémunération, 65 % du Si des progrès indéniables ont été obtenus dans le domaine personnel travaillant dans les collectivités locales, notamment de l’import-substitution, notamment dans le secteur agroali- dans les communes, ne peut être titularisé. mentaire, le système de « l’exclusive postcoloniale », caracté- risé par la dépendance vis-à-vis des monopoles d’importation, Globalement, les majorations de rémunération dans les n’a pas permis à l’économie réunionnaise de trouver les voies fonctions publiques d'État et hospitalière représentent, à la d’une insertion dans son environnement géo-économique. Réunion, un coût annuel estimé à plus de 500 millions d'euros... La croissance de notre économie n’a pas été suffisamment « endogène » pour générer des créations de richesses et Malgré la scolarité obligatoire, la Réunion compte encore, d’emplois à la hauteur des besoins. Parallèlement, sur le soixante-sept ans après la départementalisation, 110 000 illet- plan social, les différentes formules d’emplois aidés, mises trés – c'est le chiffre officiel. en œuvre par tous les gouvernements successifs, ont égale- Enfin, en décembre 2013, 133 010 personnes étaient ment été impuissantes à régler le problème du chômage inscrites à Pôle emploi en catégorie A et 152 100 dans les massif. catégories A, B et C ; le chômage de longue durée augmente, Tous les efforts déployés, tant sur le plan économique que alors que 60 % des jeunes sont privés d'emploi. sur le plan social, ont certes permis de limiter les dégâts Ces données et ces chiffres sont connus, et pourtant les sociaux, mais ils ont eu aussi comme conséquence de camou- mêmes politiques sont menées depuis le début de la dépar- fler la crise structurelle, ne faisant que retarder l’explosion tementalisation, c'est-à-dire depuis soixante-sept ans ! sociale qui se profile inéluctablement si la crise se prolonge. Aujourd’hui, le contexte de diminution de la commande La situation que nous connaissons aujourd'hui est bien le publique et de baisse du rythme de progression des transferts résultat de l'application mécanique de la politique d'intégra- publics a provoqué un fort ralentissement de l’activité écono- tion en vigueur depuis 1946, date du classement des « quatre mique. Le sentiment qu’il n’y a plus de solutions dans le vieilles colonies » en départements. cadre actuel et que nous allons « dans le mur » si rien ne Pourquoi une telle aggravation de la situation ? change est de plus en plus partagé par différents acteurs. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2375

Ce n’est pas verser dans le catastrophisme que de constater pays de notre environnement : quelles sont les dispositions les limites du modèle actuel de développement et l’état de prises par le Gouvernement pour qu’il soit tenu compte de délitement d’une société minée par le chômage de masse et notre situation ? l’absence de perspective pour la jeunesse. Il faut au contraire alerter sur les risques d’explosion sociale d’une société déjà Enfin, la Réunion va être confrontée à une échéance implosée. décisive en 2017, année de la fin des quotas sucriers. Comment préparer les planteurs à ce choc de compétitivité En 1986 déjà, depuis la tribune de l’Assemblée nationale, qui va livrer leur production à la concurrence du marché Aimé Césaire déclarait qu’une société qui ne produit plus et mondial ? ne travaille plus est un fait historique, et non un événement conjoncturel. On ne peut accepter le scénario programmé Comment trouver des solutions au surendettement de d’une société dont plus du tiers de la population – et déjà 2 000 des 10 000 TPE-PME réunionnaises, qui doivent 60 % des jeunes – est condamnée au chômage. faire face à une dette globale 1,2 milliard d’euros ? Telle est la réalité de notre situation ; il faut en prendre la Ces défis ne pourront être relevés que si nous réglons ces pleine mesure. problèmes dans le cadre d’une vision globale et cohérente de notre développement, dans l’espace et dans le temps. Ce diagnostic est certes connu, mais il doit être inlassa- blement répété tant que les décisions politiques de rupture La Réunion ne manque pas d’atouts, mais nous devons les qu’il impose ne sont pas prises. Il faut en effet être bien faire jouer maintenant, car c’est maintenant que se joue le conscient que la situation ne peut que s’aggraver. sort de la génération à venir. Le premier facteur qui va jouer est celui de la poursuite de Dans une génération, à l’horizon 2040, notre environne- la transition démographique : la Réunion voit sa population ment géo-économique sera totalement transformé. Les augmenter de près de 10 000 personnes chaque année. De grandes puissances émergentes, l’Inde, la Chine, vont 840 000 en 2013, la population réunionnaise devrait se stabi- poursuivre leur développement en s’appuyant sur leur liser à près d’un million dès 2030. Durant cette période, tous puissance démographique et leur environnement géogra- les besoins vont augmenter, dans tous les secteurs. phique. L’économie réunionnaise sera-t-elle capable de créer un Plus près de nous, l’Afrique australe et les pays de la côte nombre d’emplois permettant de faire face à l’arrivée de orientale d’Afrique comme le Mozambique, la Tanzanie, le ces classes d’âges sur le marché du travail tout en étant Kenya, connaissent également une forte progression confrontée au « stock » actuel de 151 000 demandeurs démographique et une croissance économique remarquable d’emploi ? Poser la question, c’est déjà y répondre... de 7 % à 8 % par an. Dans l’immédiat, la Réunion est confrontée à des La Réunion et ses voisins des îles de l’océan Indien se échéances qui vont avoir un impact direct sur la vie écono- trouvent sur cet axe d’échanges émergeant entre l’Asie et mique et sociale En juillet 2014, c’est l’expiration du régime l’Afrique. Madagascar sera passée de 24 millions d’habitants actuel de l’octroi de mer. Quelle va être l’économie générale aujourd’hui à 50 millions d’habitants en 2050, c'est-à-dire du dispositif ? Quels seront les arbitrages entre les intérêts dans une génération. C’est l’équivalent de la population contradictoires des collectivités locales, des consommateurs et française au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Avec de la production locale ? Maurice, les Seychelles, les Comores, la Réunion peut ainsi participer à un espace francophone de près de 60 millions Le Gouvernement a également annoncé la déclinaison du d’habitants. pacte de responsabilité outre-mer. L’orientation générale de ce pacte est l’allégement des charges pesant sur les entreprises. C’est une nouvelle frontière pour notre développement qui Or, dans le même temps, le Gouvernement réduit la voilure se dessine. Tout dépendra de l’orientation qui sera prise par sur les exonérations de charges outre-mer en les recentrant Madagascar. Va-t-elle faire le choix de conforter son appar- sur les bas salaires ; il réduit l’assiette de la défiscalisation au tenance à l’espace francophone ou faire un choix différent, profit d’un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi sous le poids d’autres influences extérieures ? difficilement accessible pour les entreprises ultramarines, du fait des difficultés de préfinancement. L’enjeu est capital pour la Réunion dans cette partie de l’océan Indien. Est-on conscient à Paris de cet enjeu straté- Quelle est la cohérence entre la philosophie du pacte de gique ? responsabilité et la remise en cause des dispositifs existants ? Nous n’y voyons pour l’instant que des contradictions. C’est dans cette perspective que nous plaidons depuis plusieurs années pour l’émergence d’une véritable université La Réunion, comme les autres collectivités, va également de l’océan Indien commune aux îles de l’ancien empire subir l’impact de la réduction des dépenses de l’État et colonial français et de l’actuelle Commission de l’océan notamment des concours aux collectivités : n’y a-t-il pas Indien. lieu de tenir compte de la situation financière fragile des collectivités d’outre-mer, confrontées à l’effet de ciseaux Le brassage des jeunesses de nos îles est une contribution au entre le besoin croissant de financement lié au rattrapage développement de nouvelles relations entre elles fondées sur des retards et la faiblesse de leur potentiel fiscal ? le principe du codéveloppement. Ce codéveloppement permettrait à la Réunion de valoriser ses atouts dans les Sur le plan de l’environnement économique, la Réunion va domaines de la santé, de la recherche en matière agricole, être confrontée à l’impact des accords de partenariat écono- des richesses maritimes et de la pêche, de l’agriculture, des mique, ou APE, libéralisant les échanges entre l’Union énergies renouvelables, de l’adaptation aux changements européenne – nous en sommes partie intégrante – et des climatiques. 2376 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Sur ce plan, la conférence de Paris sur le climat en 2015 À ce titre, l’année 2014 est particulièrement importante et représente une occasion extraordinaire pour les territoires symbolique : elle marque le début de la dernière mandature ultramarins de faire valoir leurs atouts. Quelle initiative la de l’accord de Nouméa, celle au cours de laquelle nos compa- Réunion pourrait-elle prendre dans ce domaine, en ce qui triotes devront choisir leur avenir. concerne les îles de la Commission de l’océan Indien C’est dans le respect, la responsabilité et la sérénité que ce – Madagascar, Maurice, les Comores, les Seychelles –, à la choix doit être fait. Rien ne doit venir interrompre le chemi- mesure des initiatives prises dans le même sens pour le nement exemplaire que nous avons emprunté ; rien ne doit Pacifique Sud ? troubler la difficile construction du destin commun auquel Les objectifs stratégiques d’autonomie énergétique pour nous appelle l’accord de Nouméa. nos îles et d’autonomie alimentaire, dans une stratégie de Et pourtant, à l’heure où je vous parle, nous sommes très codéveloppement régional, ouvrent pour la Réunion des loin du compte ! potentialités de développement considérables, sources de créations de richesses et d’emplois. Ils fondent les bases Nous sommes entrés dans une surenchère des positionne- d’une nouvelle économie répondant aux exigences du ments et des attitudes, laquelle, au mieux, risque d’escamoter développement durable et de la cohésion sociale. le débat démocratique, au pire, de nous faire perdre les acquis de ces dernières années. C’est en ayant à l’esprit ces perspectives que nous devons Malheureusement, monsieur le ministre, ce durcissement concevoir et élaborer les outils juridiques, financiers et fiscaux ne me surprend pas ! Vous le savez, cela fait un petit moment pour permettre à la Réunion de s’insérer dans son environ- que je tire la sonnette d’alarme. J’ai toujours eu conscience nement géo-économique. que ces échéances électorales de 2014 seraient particulière- ment sensibles. J’ai toujours su qu’elles risquaient d’être prises Les rendez-vous que nous avons concernant les aides aux en otage et instrumentalisées par les uns et par les autres. entreprises, la réforme de l’octroi de mer, la question des APE ainsi que l’acte III de la décentralisation sont inséparables, C’est la raison pour laquelle j’ai dit clairement, et à pour un règlement cohérent, de cette vision stratégique de plusieurs reprises, qu’il fallait non pas attendre passivement notre avenir. 2014, mais prendre toutes les initiatives pour instaurer un climat de paix, de confiance, de reconnaissance et de Soixante-huit ans après le vote de la loi d’intégration à la dialogue, de manière à préparer sereinement cette dernière République, à l’aube d’un XXIe siècle marqué par la globa- étape de l’accord de Nouméa. lisation des échanges et la mondialisation de l’économie, la C’est dans cet état d’esprit que j’ai proposé, dès France doit repenser sa relation avec ses territoires ultrama- février 2010, la levée des deux drapeaux. Il s’agissait d’un rins, qui lui confèrent une présence dans tous les océans et la symbole fort, d’un geste de sincérité qui a été validé par le mettent aux portes des grands marchés émergents. comité des signataires et approuvé par une large majorité du Je crois le moment venu, monsieur le ministre, mes chers Congrès. collègues, de jeter les bases d’un nouveau compromis histo- C’est aussi dans cet état d’esprit que j’ai souhaité la mise en rique, en particulier pour la Réunion : ce compromis doit place de trois comités de pilotage pour nous permettre de permettre de concilier notre appartenance à la France et à préparer, en confiance et dans un dialogue apaisé, cette l’Europe – depuis notre intégration à la métropole, il y a prochaine échéance électorale. soixante-huit ans – avec notre environnement géo-écono- mique. J’ai pris tous les risques, au mépris des conséquences électo- rales ! J’ai pris toutes mes responsabilités, comme signataire Cette nouvelle donne est fondatrice d’un nouveau pacte de de l’accord de Matignon et de celui de Nouméa ! développement inaugurant une nouvelle ère pour notre pays. Aujourd’hui, c’est la composition du corps électoral spécial, appelé à participer aux élections provinciales, qui Puis-je évoquer, dans cette vision de la nécessité d’une provoque de nouveau la crispation. décision stratégique d’avenir, la pensée du premier Président de notre Ve République, qui disait avec force que, lorsqu’il À deux mois du scrutin, les indépendantistes brandissent la s’agit d’avenir, il faut voir loin et viser haut ? (Applaudisse- menace de faire radier 6 720 électeurs de la liste provinciale. ments.) C’est une revendication irresponsable, provocatrice, qui M. le président. La parole est à M. Pierre Frogier. scandalise à juste titre celles et ceux qui sont attachés à la Nouvelle-Calédonie dans la France et, au-delà, qui inquiète M. Pierre Frogier. Monsieur le président, monsieur le aussi le plus grand nombre. ministre, mes chers collègues, j’aurais pu évoquer, cet C’est une revendication basée sur une logique d’exclusion après-midi, ce qui va bien en Nouvelle-Calédonie. C’est qui ne correspond en rien à l’esprit de l’accord de Nouméa. pourtant de la radicalisation de la vie politique qui nous menace à quelques semaines des élections municipales et C’est une revendication exorbitante, à laquelle aucune provinciales que je vais vous parler. C’est cette inquiétude réponse claire n’a, jusqu’à présent, été apportée par l’État. que je veux exprimer devant vous, à l’occasion de ce débat sur Comment en est-on arrivé là ? la situation des outre-mer, et alors que nous abordons des échéances électorales déterminantes pour notre avenir. En février 2007, une révision constitutionnelle visait à priver du droit de vote aux élections provinciales toutes les Vous le savez, la Nouvelle-Calédonie est engagée, depuis personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie après novembre vingt-cinq ans, dans un délicat processus de paix et de récon- 1998, c’est-à-dire après le référendum d’approbation de ciliation. Elle devra, dans quelques années, décider de son l’accord de Nouméa. C’est ce que l’on a appelé « le gel » destin et de ses liens avec la France. du corps électoral. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2377

Cette révision exigée, je le rappelle, par les indépendan- Bref, vous faites la démonstration qu’il n’y a pas d’issue à tistes, a été très majoritairement votée par le Parlement, rechercher sur le plan du droit. À une question de principe, contre la volonté unanime des parlementaires calédoniens. vous essayez, en vain, de trouver une issue juridique, alors Cette réforme était pourtant contraire à l’esprit de l’accord de que la solution – comme toujours en Nouvelle-Calédonie – Nouméa, comme l’avait indiqué le Conseil Constitutionnel est politique. lui-même dans sa décision relative à la loi organique de 1999. Il nous faut maintenant, rapidement, trouver une issue à Mais telle était la volonté des indépendantistes, fortement cette situation inextricable qui pourrait aboutir à la radiation soutenus par l’État. Nous sommes ainsi passés d’un corps de milliers d’électeurs de la liste électorale spéciale. C’est dans électoral glissant, qui subordonnait le droit de votre à une ce but que j’ai formulé plusieurs propositions à l’occasion de durée de résidence de dix ans à la date de chaque élection, à deux courriers adressés respectivement au Président de la un corps électoral gelé. République et au Premier ministre.

Cette réforme, monsieur le ministre, dont vous ne portez Tout d’abord, j’y indiquais que nos représentants au sein pas la responsabilité directe, a été bâclée et son texte mal des commissions de révision s’opposeraient vigoureusement à écrit. La loi étant imprécise, il est revenu à la Cour de la radiation de ces milliers d’électeurs lorsque nous estime- cassation de l’interpréter ; et c’est sur la base d’un arrêt de rions que celle-ci se fait en contradiction avec les principes 2011 que les indépendantistes réclament la radiation de plus fixés par l’accord de Nouméa. Dans cette éventualité, il y de 6 000 électeurs. aura donc partage de voix au sein des commissions et il reviendra à l’État de faire valoir, par le biais de ses représen- La Cour de cassation indique, dans cet arrêt, que pour tants, la voix prépondérante qui lui est reconnue par les participer à l’élection des assemblées de province et du textes. Congrès, il faut impérativement avoir été inscrit sur les M. . Très bien ! listes électorales avant le référendum de 1998. M. Pierre Frogier. Par ailleurs, pour clarifier l’exercice du Il ne suffit donc pas d’avoir été présent, encore faut-il avoir droit de vote en Nouvelle-Calédonie, j’ai pris l’initiative de été inscrit ! Cela veut dire que le droit de voter repose, en déposer sur le bureau du Sénat une proposition de loi consti- Nouvelle-Calédonie, sur l’accomplissement d’une formalité tutionnelle visant à rétablir le droit de vote des personnes purement administrative qui aurait dû être accomplie avant installées en Nouvelle-Calédonie avant 1998, de même que 1998, mais qui n’a été connue qu’après la révision constitu- celui de toutes les personnes nées en Nouvelle-Calédonie et tionnelle de 2007 ! Et le comble, dans cette interprétation, de leurs conjoints. c’est qu’elle revient à déchoir de leur droit de vote des électeurs qui ont pu l’exercer en 2004 et en 2009 ! J’ai également proposé, monsieur le ministre, de réunir en urgence un comité des signataires pour dégager un consensus Aujourd’hui, ce sont plusieurs milliers de personnes, sur cette question essentielle. Depuis toujours, c’est cette inscrites sur les listes électorales avant la révision constitu- instance qui est habilitée à traiter des questions qui fâchent tionnelle de 2007 qui sont susceptibles de faire l’objet de et à trouver un point d’équilibre entre les partenaires. Telle demandes de radiation pour les élections provinciales. est sa vocation.

Si je vous dis, monsieur le ministre, que nous avons nous- Aux signataires de l’accord de Nouméa, à savoir les parte- mêmes recensé près de 6 000 électeurs d’origine mélané- naires locaux et l’État – car, il ne faut pas l’oublier, monsieur sienne également susceptibles d’être radiés de la liste électo- le ministre, l’État est un des partenaires essentiels de cet rale provinciale parce qu’ils ne justifient pas des conditions accord –, d’assumer leurs responsabilités et de chercher la requises dans l’état actuel du droit, vous conviendrez que la voix du compromis qui, depuis vingt-cinq ans, nous a permis situation devient ubuesque. Et nous touchons aux frontières d’avancer ! de l’absurde quand on voit que le corps électoral du scrutin En l’état actuel, je considère que les conditions ne sont pas de sortie de l’accord de Nouméa – car c’est un autre corps réunies pour que ces élections se déroulent dans un climat électoral - est moins fermé que le corps électoral provincial ! apaisé. Si l’action du comité des signataires ne permet pas de trouver cet indispensable consensus, ou si vous décidiez Vingt-cinq ans après la signature des accords de Nouméa, finalement de ne pas le réunir, je pense qu’un report des nous nous retrouvons à subir des décisions qui sont à élections provinciales n’est pas à exclure. l’opposé de la volonté de vivre ensemble et de construire une communauté de destin avec la totalité des composantes Vous conviendrez avec moi que ce scrutin déterminant de la population calédonienne. doit se dérouler dans la plus grande sérénité, dans la plus parfaite sincérité. Nous ne pouvons pas courir le risque que la Monsieur le ministre, face à cette véritable provocation des désignation des membres des assemblées de province et du indépendantistes, la réponse du Gouvernement, que vous Congrès soit entachée du moindre soupçon d’irrégularité. représentez à ce banc, est loin d’être satisfaisante. Pour conclure, monsieur le président, monsieur le Alors que le FLNKS agite depuis des mois ses menaces de ministre, mes chers collègues, j’ai encore un regret à radiation, alors que les commissions administratives chargées formuler, et il est de taille ! de réviser les listes électorales se réunissent dans quelques jours en Nouvelle-Calédonie, votre seule réponse – encore Fallait-il nous infliger l’affront de l’envoi en Nouvelle- donnée hier par le Premier ministre à l’Assemblée natio- Calédonie, c’est-à-dire sur le territoire de la République nale – consiste à exhumer un arrêt de la Cour de cassation française, d’une mission de l’ONU relative au processus de contredisant celui sur lequel s’appuie le FLNKS. révision des listes électorales ? 2378 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

En réalité, rien ne justifie cette ingérence du Comité de Dans un premier temps, j’aimerais aborder les questions décolonisation des Nations unies qui viendrait, en France, relatives à la fiscalité, et, tout d’abord, la problématique des superviser le travail de commissions présidées par des magis- niches fiscales. Avec un déficit de 4 %, supérieur à la trats et placées sous le contrôle des juridictions de l’ordre moyenne de la zone euro, notre pays est dans une situation judiciaire. financière préoccupante. Le Gouvernement cherche à écono- M. Christian Cointat. Absolument ! miser 53 milliards d’euros dans les dépenses publiques, ce qui représente un effort considérable. Dès lors, je suis inquiet M. Éric Doligé. C’est surprenant ! Très surprenant ! pour les outre-mer et pour les niches fiscales qui les concer- M. Pierre Frogier. Cette intrusion est ressentie par les nent. Calédoniens – mettez-vous à leur place ! – comme une insupportable humiliation. Un récent rapport rédigé par Éric Doligé et Serge Larcher, M. Christian Cointat. Absolument ! au nom de la commission des affaires économiques et de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, démontre de manière M. Pierre Frogier. Je vous demande d’annuler la venue de extrêmement claire l’utilité des niches fiscales en outre-mer, cette mission, qui n’a d’autre justification que de satisfaire, qu’il s’agisse des investissements locatifs, productifs ou en encore une fois, une demande de la minorité indépendan- faveur du logement social. Ce constat vient tordre le cou à tiste. l’idée selon laquelle ces investissements ne correspondraient Monsieur le ministre, mes chers collègues, la Nouvelle- qu’à de l’optimisation fiscale et n’auraient aucune autre Calédonie est engagée depuis vingt-cinq ans dans un utilité. processus exemplaire fondé sur le dialogue et le partage des responsabilités. Le travail fouillé du Sénat permet de dégager des pistes de progrès, pour un meilleur encadrement de ces quatre niches. M. Philippe Bas. C’est vrai ! Outre les mesures déjà adoptées dans la loi de finances pour M. Pierre Frogier. La période qui s’ouvre et qui nous 2014, il faut entendre toute la prudence à laquelle nous emmènera jusqu’en 2018, est un moment très particulier invitent les auteurs du rapport, et notamment leur mise en pendant lequel se jouera l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. garde contre des réformes trop brutales. Nous devrons tous nous retrouver autour d’une table pour essayer de dessiner ensemble notre destin partagé, car il n’y a Monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer le Sénat sur pas d’alternative. l’avenir de ces niches ? Dans le cadre de la réduction de la dette, savez-vous comment Bercy traitera les départements et Il est donc indispensable que, durant cette période, l’État autres territoires d’outre-mer ? joue pleinement son rôle de signataire et d’acteur de l’accord de Nouméa. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de Le ministère du budget doit envoyer les lettres de cadrage l'UDI-UC.) budgétaire à chaque département ministériel en avril. C’est M. Éric Doligé. Les questions sont claires, monsieur le sans doute un peu tôt, mais le ministère des outre-mer a-t-il ministre ; les réponses le seront-elles aussi ? déjà une idée de ce qui lui sera demandé ? M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau. Le Premier ministre a annoncé une réforme fiscale. Là M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le encore, la remise en cause des niches fiscales des outre-mer ministre, mes chers collègues, un débat sur la situation des est possible. Y aura-t-il un volet spécifique les concernant ? outre-mer fournit l’occasion non seulement d’insister sur leur importance pour notre pays et de défendre leurs atouts – il Dans un second temps, je traiterai de la question plus faut sans cesse les rappeler –, mais aussi et surtout de souli- générale de la situation économique et des difficultés perma- gner les difficultés qui sont inhérentes à ces territoires. nentes liées à la vie chère. Ces difficultés sont liées la géographie, à l’éloignement, à Il y a trois semaines, vous avez permis, monsieur le l’histoire et à la grande diversité des outre-mer. Dans un ministre, que les choses avancent sur la question du prix souci d’égalité, nous devons veiller à la bonne application des carburants. Les arrêtés que vous avez signés réforment des lois en outre-mer et, surtout, à leur bonne adaptation. considérablement la méthode de leur fixation dans les dépar- Cette problématique a un retentissement européen. Si je tements d’outre-mer. Ils doivent permettre d’apaiser le climat me réjouis que Mayotte soit devenue depuis deux mois une dans ces cinq départements, en introduisant plus de transpa- région ultrapériphérique à part entière, nous devons veiller au rence dans la formation des prix des carburants routiers, et de respect scrupuleux du traité sur le fonctionnement de mieux contrôler les marges des pétroliers. l’Union européenne, qui prend en compte les spécificités ultramarines et nous permet d’adopter des mesures d’aides N’oublions pas que la mer est aussi une chance pour les à l’outre-mer, afin de surmonter les difficultés que je viens de énergies renouvelables, alors que la dépendance aux carbu- citer. Contraindre les régions ultramarines à adopter des rants est très grande. La technologie pour la production règlements européens ou des lois nationales qui ne seraient d’énergie par les hydroliennes est désormais mature ; nous pas appropriés à leur situation ne ferait qu’accroître leurs pourrions en installer des dizaines, à condition de les adapter difficultés. dans les zones de forts courants entre deux îles. Ces hydro- liennes ne rencontrent pas les difficultés d’installation des Aborder la situation générale de l’outre-mer en quelques éoliennes, qui se heurtent à la loi Littoral et courent minutes est impossible. La situation économique et sociale certains risques en cas de cyclone tropical ou d’entrave à la est toujours délicate ; il est nécessaire d’y prêter une attention circulation maritime. particulière. Je me contenterai donc d’évoquer quelques sujets qui me semblent primordiaux, et de vous interroger, On le voit, tout un domaine reste à conquérir pour le monsieur le ministre, sur leur prise en compte par le Gouver- développement des énergies éoliennes, hydroliennes ou nement. solaires. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2379

Par ailleurs, la baisse des tarifs bancaires fait toujours partie Pour conclure, j’aimerais vous interroger, monsieur le des difficultés rencontrées par les Ultramarins. En Nouvelle- ministre, sur la réforme en cours du code minier. La Calédonie, une baisse significative des tarifs de plusieurs bonne gestion des ressources minières profondes concerne services bancaires d’utilité courante – les frais de tenue de l’outre-mer. Quelles sont les pistes de travail ou les proposi- compte, par exemple – est prévue au cours de l’année 2014. tions de votre ministère dans la vaste élaboration de ce nouveau code ? Du point de vue du développement économique, le Prési- dent de la République a fait part de sa volonté de créer un Dans mon intervention, vous l’aurez remarqué, les pacte de responsabilité entre l’État et les entreprises. Son questions sont nombreuses : elles reflètent tout l’intérêt que objet est naturellement de relancer l’emploi en améliorant nous portons à l’outre-mer. Je vous remercie donc, monsieur l’environnement normatif des entreprises. Il me semble le ministre, mes chers collègues, d’y avoir prêté attention. qu’un volet relatif aux outre-mer serait le bienvenu. En (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur certaines effet, ce sont des territoires particulièrement touchés par le travées du groupe socialiste et du RDSE.) chômage, dont le taux atteint plus de 20 % en moyenne. En outre, ils requièrent des mesures spécifiques et des engage- M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi. ments encore plus forts. Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le Afin de faciliter l’installation d’entreprises, il faut un ministre, monsieur le président de la délégation sénatoriale à environnement favorable ; cela passe par des infrastructures l’outre-mer, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord dire modernes et de qualité. À ce titre, le développement du toute ma satisfaction à voir ce débat sur la situation dans nos numérique est primordial ; il ne faut donc pas oublier territoires ultramarins se tenir, à l’initiative de mon collègue l’outre-mer dans le développement de la 4G. – je dirais même mon ami –, Paul Vergès. J’ai noté que des procédures d’attribution de licences En effet, sauf lorsqu’ils font face avec vigueur à leurs seraient lancées au premier semestre 2014. Vos services, grandes difficultés économiques et sociales ou qu’ils sont monsieur le ministre, devraient rencontrer les différentes au cœur de crises politiques et institutionnelles, comme en collectivités le 6 mars. Comment cela se prépare-t-il ? Quel Nouvelle-Calédonie, aux Antilles et à la Réunion en 2009, taux de couverture négociez-vous ? Ces autorisations vont nos compatriotes d’outre-mer ont trop souvent le sentiment rapporter de l’argent à l’État ; je pense que les sommes récol- d’être ignorés et délaissés par la métropole, y compris par la tées pourraient être consacrées à l’outre-mer. représentation parlementaire. Naturellement, le premier des leviers économiques pour Il n’y a pas de fatalité à ce que leurs difficultés de vie l’emploi en outre-mer est le tourisme. Dans son rapport suscitent si peu d’intérêt. L’éloignement, l’histoire parfois annuel présenté le 11 février, la Cour des comptes a pointé douloureuse, la complexité des relations avec les populations, les difficultés de ce secteur en Martinique, en Guadeloupe, à ou les particularités de chacune d’entre elles ne sauraient être la Réunion et en Polynésie, où le tourisme représente respec- des excuses : en outre-mer, nous ne connaissons que des tivement 9 %, 7 %, 2,6 % et 7,7 % du PIB. La Cour citoyens français. À ce titre, ces difficultés doivent être souligne en particulier le manque de pilotage des collectivités. traitées selon les lois et les politiques de la République, Cette crise du tourisme est particulièrement regrettable au avec, bien entendu, la nécessaire adaptation que les spécifi- regard de la situation des îles tropicales concurrentes, qui cités de ces territoires requièrent. sont très dynamiques. La Cour des comptes estime que les Ce débat nous donne ainsi l’occasion – Paul Vergès l’a fait interventions des pouvoirs publics sont inefficaces et peu pour la Réunion – de mieux connaître la situation écono- stratégiques. Il est notamment reproché aux collectivités mique, sociale et institutionnelle de chacun de ces territoires, régionales de ne pas suffisamment solliciter les comités régio- qui connaissent des contextes locaux différents, sur le plan naux du tourisme pour bâtir de plans stratégiques cohérents. financier comme sur le plan statutaire. Elle estime également que l’aménagement des sites souffre Dans ce cadre, l’intérêt réside donc essentiellement dans de « problèmes récurrents : propreté de la voirie, organisation l’évaluation de la pertinence des politiques publiques et de des transports […], manque de parking […], collecte des leur capacité à résoudre, avec plus ou moins d’efficacité, les eaux usées, aménagements des espaces littoraux […] et défaut problèmes que rencontrent les outre-mer. de signalisation », et que la coordination entre les acteurs publics est insuffisante. S’il fallait trouver un dénominateur commun à ces terri- En réponse, huit recommandations sont formulées. toires, au-delà de leur diversité, je dirais sans doute la grande fragilité de leurs économies. Structurellement déséquilibrées, M. Christian Bourquin. Il faut se méfier de la Cour des elles sont sinistrées, en dépit de la forte proportion de jeunes, comptes : elle veut faire de la politique à notre place ! par un chômage de masse. Ce phénomène nourrit la déses- M. Joël Guerriau. Comment le ministère des outre-mer pérance de cette catégorie de la population. compte-t-il répondre à cette situation ? Comment, en parti- D’une manière générale, et sans vouloir faire un constat culier, compte-t-il aider les collectivités à améliorer la coordi- nation, qui fait défaut ? trop pessimiste, je voudrais m’appuyer sur un récent audit des politiques publiques conduites par l’État en direction des Les territoires d’outre-mer sont extrêmement divers, mais, Français d’outre-mer. Ce rapport, qui a été présenté au Sénat à partir de ces situations particulières et parfois difficiles, nous au mois de janvier, est une intéressante étude sociologique. Il devons développer des filières d’excellence. Je pense, par a été réalisé par le Collectif des états généraux de l’outre-mer. exemple, à la Réunion et à sa capacité à être un laboratoire Son grand intérêt est, précisément, de montrer l’évolution de la transition énergétique. On peut développer des modes des sentiments de nos compatriotes ultramarins, qu’ils vivent nouveaux de production d’énergie ; ce sont des emplois dans sur place ou dans l’Hexagone, sur les politiques mises en la recherche et la production qui sont à la clé. œuvre dans ces territoires. 2380 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Au-delà des problèmes fondamentaux et récurrents, qui Mme Éliane Assassi. Ainsi, vous nous annoncez, monsieur ont trait à l’emploi, au logement, au pouvoir d’achat, à la le ministre, « une petite révolution pour l’outre-mer » ; elle se cherté de la vie ou à l’inadaptation des modes de consom- traduira par un projet de loi, que vous devriez prochainement mation aux réalités locales – questions qui ne pourraient nous soumettre. trouver réponse qu’au terme de réformes structurelles –, Je crains surtout que ce texte ne soit que la déclinaison l’inquiétante nouveauté révélée par cette étude est que la ultramarine du pacte de responsabilité proposé par le chef de principale préoccupation de nos compatriotes d’outre-mer l’État. Je ne souhaite aucunement vous faire un procès est désormais la crainte d’un renforcement des inégalités et d’intention, monsieur le ministre, mais, ce pacte reposant d’un processus de paupérisation de leurs sociétés. essentiellement sur le principe d’une diminution des cotisa- Aux problèmes de logement, de chômage et de grande tions sociales des entreprises et une recherche à tout prix pauvreté s’ajoutent les inégalités sociales. N’oublions pas d’économies dans les dépenses publiques, je redoute par non plus la démographie, qui a des effets très négatifs sur avance les effets négatifs qu’il pourrait avoir sur la situation le logement, la sécurité, mais aussi la santé et la croissance économique et sociale des territoires dont nous parlons. économique. Je le redoute d’autant plus que la réduction des cotisations Cette accumulation de difficultés, qui leur fait craindre un patronales est déjà très répandue outre-mer. J’ai donc mal avenir encore pire pour leurs enfants, est d’abord le fruit compris pourquoi vous vous étiez encore engagé à remettre à d’une situation économique et sociale qui ne cesse de se plat tous les dispositifs budgétaires existants ! Je pense, très dégrader. Après tout, on pourrait penser qu’il en va sur ces concrètement, au milliard d’euros d’exonérations de charges, territoires comme sur l’ensemble du territoire national. Eh au milliard d’euros de dépenses fiscales, aux 320 millions bien non ! Cette dégradation est encore amplifiée par les d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, lourds handicaps de nos sociétés d’outre-mer. aux 100 millions d’euros de TVA non perçue récupérable, ou bien encore aux 500 millions d’euros sur cinq ans du Fonds Cela étant dit, je voudrais souligner les louables efforts exceptionnel d’investissement promis par le Président de la accomplis par le Gouvernement en matière budgétaire, République. notamment, mais aussi dans la lutte contre la vie chère ou pour la régulation des prix pétroliers. De ce point de vue, j’ai Je souhaiterais donc que vous me précisiez les choses à cet apprécié votre détermination à ne pas céder sur la question de égard, monsieur le ministre. la réduction des marges des monopoles de ce secteur, Le temps ne me permettra pas de développer mon propos, monsieur le ministre. mais j’aurais souhaité évoquer ici le gros problème de l’immi- Ainsi, des efforts budgétaires ont été consentis pour l’année gration à Mayotte. 2014, malgré un contexte dit « contraint » : dans les dépar- Je sais que cette question n’est pas directement de votre tements d’outre-mer, le Fonds exceptionnel d’investissement, ressort, mais je voudrais tout de même attirer votre attention le FEI, a au moins été reconduit à l’identique, et la TVA n’a sur la gravité de la situation dans ce département, monsieur le pas augmenté. Les crédits alloués aux grandes priorités, ministre. comme le logement, ont heureusement été maintenus ; certains ont même progressé, comme ceux qui sont consacrés Les spécificités géographiques de Mayotte, notamment sa à la jeunesse et à l’emploi. proximité avec l’Union des Comores, au niveau de vie très inférieur, y rendent la pression migratoire exceptionnelle- En outre, les défiscalisations et les aides à l’investissement ment élevée et la mise en œuvre de toute politique de ont été préservées, bien que je sois critique sur la pertinence contrôle de l’immigration plus difficile. de certaines d’entre elles. Néanmoins, je considère que nos politiques en matière M. Jean-Jacques Hyest. Ô combien critique ! (Sourires.) d’éloignement d’étrangers en situation irrégulière ou de Mme Éliane Assassi. Vous me connaissez, mon cher gestion du centre de rétention administrative sont inadaptées. collègue ! (Nouveaux sourires.) Pour m’être rendue sur place et avoir visité le centre de rétention de Mayotte, je peux vous dire très sereinement Pourtant, nous le savons tous, un budget voté ne garantit du haut de cette tribune que c’est un véritable scandale ! pas le résultat des politiques menées. C’est la raison pour laquelle je compte beaucoup sur les M. Christian Cointat. C’est bien vrai ! négociations engagées avec les Comores pour aboutir à un M. Jean-Claude Lenoir. Nous le vérifions tous les jours ! accord global sur la normalisation des relations et l’intensifi- Mme Éliane Assassi. Tout à fait ! cation des échanges entre les îles de l’archipel. Tout dépend de la mise en œuvre, qui reste aléatoire, Pour conclure, je formulerai une interrogation : peut-être surtout quand, au cours de l’exercice budgétaire, le Gouver- faut-il changer le modèle économique et, partant de cela, nement proclame qu’il faut à tout prix, et dans tous les faire évoluer des statuts permettant d’aller vers une plus domaines, faire des économies. grande autonomie ? Je pense que la réponse à cette question mériterait à elle seule un grand débat. C’est pourquoi, malgré un certain nombre de mesures positives, je pense, monsieur le ministre, que votre gouver- Car, à l’évidence, ni la départementalisation ni le nouveau nement ne se donne pas vraiment les moyens de résoudre les statut des collectivités d’outre-mer, qui sont pourtant difficultés auxquelles sont confrontés nos compatriotes efficaces dans de nombreux domaines, ne réussissent à d’outre-mer. lutter contre ce phénomène qui est une insulte faite à l’avenir de ces territoires : le chômage chronique de leur M. Philippe Bas. C’est certain ! jeunesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et Mme Évelyne Didier. Avez-vous fait mieux, quand vous du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Requier applaudit égale- étiez au pouvoir, à droite ? ment.) SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2381

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoi- Agir, cela signifie une réponse adaptée sur trois points : la nette. lutte contre la transmission du virus, l’adaptation des M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, capacités de prise en charge médicales et le développement monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que j’aurais de recherches sur les maladies émergentes. pu faire un discours sur la situation sociale, le développement Toutefois, dans l’immédiat, la lutte contre la transmission économique, la création de l’entreprise publique minière du virus demeure la priorité. Elle devrait prendre plusieurs pour l’activité aurifère en Guyane, que j’ai appelée de mes formes. vœux, j’ai choisi, parmi les nombreuses situations de vulné- rabilité dans lesquelles se retrouvent les outre-mer, d’alerter le Je citerai d’abord l’information des populations, afin que Gouvernement sur le contexte sanitaire grave que connais- les personnes infectées se signalent et que leur environnement sent actuellement les départements français d’Amérique avec puisse être traité. En effet, si le vecteur de transmission de ce l’épidémie de chikungunya. virus est le moustique, le réservoir est bien l’homme. Il faut donc cibler les zones de contamination pour une efficience Aujourd'hui, plus de 350 cas reconnus sont recensés à maximale du contrôle de l’épidémie. Saint-Barthélemy, 1 380 cas en Guadeloupe, plus de 1 800 cas à Saint-Martin - un décès est à déplorer -, Or, à Kourou, où le chikungunya est présent, les agents de 3 030 cas en Martinique et 14 cas en Guyane, dont les lutte et de prévention délivrent leur message dans des premiers cas autochtones sont identifiés à Kourou. quartiers qui peuvent cumuler les difficultés socio-économi- ques. Comment faire entendre à une famille en situation Or cette épidémie du virus chikungunya nous rappelle économique difficile qu’il lui faut à la fois signaler les cas l’épisode catastrophique qu’ont vécu la Réunion et suspects et s’équiper de moustiquaires imprégnées et de Mayotte voilà huit ans. Entre les mois de février et de répulsifs adaptés ? Il est à craindre que des répulsifs peu novembre 2005, 4 500 cas étaient recensés à la Réunion ; efficaces soient privilégiés, dans le meilleur des cas. Si l’on six mois plus tard, le chikungunya infectait plus de veut une action efficace, il faut dès maintenant distribuer des 244 000 personnes, soit un tiers de la population de l’île, répulsifs au dosage adéquat et, pour cela, débloquer des fonds qui devait déplorer 203 décès liés à cette infection. spéciaux. Il apparaît alors que nous sommes à un moment critique, à L’information doit donc se doubler d’une protection des la fois en Martinique et en Guadeloupe, où tout doit être mis personnes. en œuvre pour contrôler la maladie, et en Guyane, où il faut par tous les moyens empêcher la maladie de s’installer et de se La lutte contre l’épidémie doit également se faire par répandre. l’élimination de gîte larvaire. Le gouvernement précédent avait géré cette crise tardive- Le choix de l’insecticide doit privilégier un produit efficace, ment, minimisant l’ampleur et la gravité d’une telle ce qui nécessite d’obtenir une dérogation de l’Union épidémie. Lorsqu’il est enfin intervenu en déployant massi- européenne, car les insecticides autorisés se révèlent ineffi- vement des moyens, la situation sanitaire s’était largement caces contre le moustique vecteur de la maladie. dégradée. Cette catastrophe, dont on sait se prémunir en Mais il faut aussi un plan de salubrité des départements des métropole, nous alerte et donne une responsabilité de Antilles et de Guyane. Les dépôts de déchets doivent faire premier plan à ce gouvernement, dont vous faites partie, l’objet d’un ramassage et des solutions doivent être trouvées monsieur le ministre. pour la résorption de ces réceptacles artificiels de nidification. Cette responsabilité vous oblige, monsieur le ministre. En 2010, lorsque la dengue a frappé la Martinique et causé Nous savons maintenant que la maladie est loin d’être 17 morts, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de bénigne, comme on le pensait avant 2005. Elle est virulente l’énergie, l’ADEME, s’est vu débloquer plusieurs centaines de et, parfois, mortelle. Elle est susceptible de récidive, les milliers d’euros pour éliminer plus de 2 000 véhicules hors malades ne développant pas toujours d’immunité. Elle d’usage à l’abandon sur l’île. N’attendons pas davantage pour peut enfin produire des séquelles à moyen et à long terme. mener un plan identique sur les Antilles et la Guyane. Les populations des départements français d’Amérique ne J’attends une réponse à la mesure de la situation que je comprendraient pas que l’État laisse la situation empirer. viens d’évoquer, et que vous connaissez bien, monsieur le Or, actuellement, les agences régionales de santé font ministre. principalement appel aux collectivités locales, départements Au premier temps de l’épidémie à la Réunion, en 2005, le et communes, pour lutter contre la propagation du virus, gouvernement d’alors avait débloqué moins de mais ces collectivités ne sont pas en mesure de prendre 100 000 euros. l’ensemble des dispositions que requiert une telle situation. Au mois de février 2006, en déplacement sur l’île de la Cette responsabilité, vous la devez aussi à l’ensemble du Réunion, le Premier ministre d’alors annonçait 60 millions continent sud-américain. d’euros pour venir en aide au secteur économique, En matière économique et sociale, la Guyane est consi- 22 millions d’euros pour la réponse sanitaire et la prévention, dérée comme un îlot européen de développement en 9 millions d’euros pour la recherche et 300 000 traitements Amérique du Sud. antimoustiques distribués gratuitement. Pour ce qui est des maladies vectorielles, la Guyane risque, Cela paraît-il une dépense inadéquate en ces temps de si rien n’est fait, d’être la porte d’entrée d’un virus qui restriction budgétaire ? épargnait encore le continent sud-américain. Nos voisins Je cite l’étude de l’université Pierre-et-Marie-Curie sur le sud-américains attendent une réaction de la France à la coût de l’épidémie de chikungunya à la Réunion. Entre la hauteur de l’enjeu sanitaire. C’est donc maintenant qu’il prise en charge médicale, les hospitalisations, les coûts faut agir. indirects dus aux arrêts maladie, la baisse de consommation, 2382 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 l’effet néfaste sur le tourisme, les chercheurs ont établi le prix « préalable à tout développement économique ». La Guyane de l’action tardive du gouvernement de l’époque à est confrontée à des problèmes de sécurité spécifiques, liés 44 millions d’euros en fourchette moyenne et à notamment à l’orpaillage et à la pêche illégale. 63 millions d’euros en fourchette haute. Cela étant, les autres territoires ultramarins ne sont pas non La structure économique des Antilles et de la Guyane est plus épargnés par la violence : une campagne intitulée similaire. L’arrêt des microentreprises qui en constituent le « Déposez les armes », incitant les habitants à remettre les tissu aura un effet tout aussi terrible. armes ou munitions en leur possession aux services de police et de gendarmerie se poursuit actuellement en Martinique. Ainsi, la réponse du système de santé français doit s’inscrire La Guadeloupe a déjà mis en œuvre des opérations similaires. dans une démarche qui aille au-delà de la seule lutte anti- vectorielle, qui est un élément parmi d’autres de la lutte que Notre collègue Jacques Cornano avait d’ailleurs interrogé nous devons mener contre le chikungunya. au mois d’octobre dernier le ministre de l’intérieur, au cours d’une séance de questions d’actualité, sur la situation de la Il s’agit d’organiser l’offre de soins, libérale et hospitalière, Guadeloupe, où ont été perpétrés une trentaine d’homicides d’ajuster les plateaux techniques pour la prise en charge des au cours de l’année 2013. Le Gouvernement avait alors formes sévères ou pour une plus grande réactivité du promis des renforts de policiers en Guadeloupe et en Marti- diagnostic. nique. J’aimerais vous interroger sur les évolutions de la situation depuis la fin de l’année 2013, monsieur le Enfin, au-delà du plan blanc, il faut d’ores et déjà anticiper ministre. Les renforts sont-ils arrivés ? sur un renfort en personnels de santé avant même de se tourner, en recours ultime et parfois tardif, vers l’Établisse- J’en viens à un autre sujet, qui a occupé l’actualité ces ment de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, derniers mois : le blocage des stations-service qui a précédé l’EPRUS. la publication des décrets réglementant la fixation par l’État des prix des produits pétroliers. Ces événements sont venus Monsieur le ministre, vous faites face à une situation rappeler aux métropolitains que la question de la « vie chère » sanitaire grave, qui demande des réponses à la hauteur de outre-mer restait extrêmement importante. On se souvient l’enjeu, en particulier le déblocage de fonds spéciaux. J’ai que le niveau élevé des prix a été à l’origine de plusieurs toute confiance en votre capacité à apprécier la situation et mouvements sociaux ces dernières années. apporter au Sénat des éléments sur votre action. (Applaudis- sements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, Monsieur le ministre, dès votre arrivée, vous avez fait de ainsi que sur certaines travées du RDSE.) cette question un axe prioritaire de votre action. M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. Nous avons ainsi adopté la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur diverses dispositions relatives aux outre-mer, qui devait le ministre, mes chers collègues, malgré les 6 000 kilomètres permettre de changer durablement la situation en s’attaquant qui séparent ma ville de Martel, dans le nord du Lot, de Fort- aux rentes et aux concentrations. Ce texte comporte des de-France, malgré les 9 000 kilomètres jusqu’à Saint-Denis mesures structurelles de long terme, mais aussi des disposi- de la Réunion et les quelque 15 000 kilomètres jusqu’à tions d’application plus immédiates, comme le bouclier Papeete, nous sommes peut-être moins éloignés qu’il n’y qualité-prix. Certains effets positifs se sont déjà manifestés, paraît. (Sourires.) par exemple dans les domaines de la téléphonie ou des frais Les habitants des territoires ruraux peuvent en effet bancaires. partager avec les ultramarins le sentiment d’être victimes Je pense aussi à l’essence. Les décrets et les arrêtés de d’une fracture territoriale qui ne se résorbe pas, et même, méthode réformant les modalités de fixation par l’État des parfois, s’aggrave. Les handicaps structurels et géographiques prix des carburants dans les départements d’outre-mer, ne sont, certes, pas les mêmes, mais ils sont bien réels dans les récemment publiés, devraient également permettre de deux cas. redonner plus de pouvoir d’achat aux consommateurs ultra- marins. C’est pourquoi je plaide pour l’intercompréhension entre métropolitains et ultramarins, afin de faire en sorte qu’aucun En outre, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à territoire de la République ne soit exclu du développement l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises à économique, de la croissance, de l’emploi, pas plus que de l’Assemblée nationale, les députés ont adopté un amende- l’accès aux services publics : éducation, transport, énergie... ment pour limiter à l’avenir le blocage des stations-service dans les outre-mer, qui constitue bien évidemment un Le groupe CRC nous invite aujourd’hui à débattre de la handicap majeur pour les citoyens et les entreprises de ces situation des outre-mer. Il me semble difficile d’aborder en territoires. quelques minutes tous les aspects économiques, sociaux, sanitaires, sécuritaires des territoires ultramarins, dans la Malgré ces avancées, la situation économique et sociale des diversité de leurs situations. territoires ultramarins reste préoccupante. Le chômage y est toujours deux à trois fois plus élevé qu’en métropole, avec Aussi, à la lumière de l’actualité récente des outre-mer, je toutefois des situations assez variées d’un territoire à l’autre. me contenterai de vous interroger, monsieur le ministre, sur les perspectives de renforcement du développement écono- En 2012, le taux de chômage atteignait 28,5 % à la mique de ces territoires, les autres enjeux étant, me semble-t- Réunion, 22,5 % en Guadeloupe et en Polynésie française il, interdépendants de ce développement. et 21 % en Martinique. Entre décembre 2012 et décembre 2013, la Guyane a connu une augmentation du Je commencerai par la question de la sécurité. Comme l’a chômage de plus de 10 %, tandis que le nombre de deman- déclaré le Président de la République lors de son déplacement deurs d’emploi a augmenté de façon plus limitée à la à Cayenne au mois de décembre dernier, la sécurité est le Réunion et aux Antilles. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2383

Le Gouvernement s’attelle à la tâche pour redresser la Le chantage que vous avez subi – je veux parler de la grève situation du pays. De nombreuses mesures ont été prises des gérants de station-service instrumentalisés en sous-main pour aider les entreprises à dénicher des financements, à par quelques compagnies pétrolières soucieuses de préserver retrouver des marges et, ainsi, à monter en gamme et à leur rente de situation dans les outre-mer – n’était pas accep- devenir plus compétitives. Toutes ces dispositions ont un table. seul objectif : favoriser l’emploi. Au final, la date du 1er janvier 2014 pour la publication des décrets suivant la promulgation de la loi relative à la vie chère Faudra-t-il compléter ces dispositifs par d’autres mesures, a bien été tenue, ce qui a entraîné une baisse du prix de spécifiques, pour les outre-mer ? Le député de la Réunion l’essence à la pompe allant de 3 centimes d’euro en Marti- Patrick Lebreton vous a remis, monsieur le ministre, un nique à 8 centimes d’euro à Mayotte. rapport sur la régionalisation de l’emploi outre-mer. Il y fait, notamment, plusieurs propositions concernant l’éduca- Sur les 100 millions d’euros de bénéfices nets annuels tion et la formation professionnelle outre-mer. Comment qu’encaisse la filière pétrolière en outre-mer, ce sont au analysez-vous ces propositions et quelles suites pensez-vous total 23 millions d’euros qui seront rendus aux consomma- leur donner ? teurs ultramarins, soit 60 à 70 euros par consommateur, ce dont nous nous félicitons. Enfin, si les territoires ultramarins ne sont pas privés Deuxièmement, je voulais évoquer un second lobby, celui d’entrepreneurs et d’entreprises innovantes, vecteurs de crois- des industries chimiques, plus précisément des producteurs sance et d’emplois, la question des secteurs-clés pour de produits phytosanitaires. l’économie ultramarine se pose. Dans son récent rapport annuel, la Cour des comptes dresse un constat sévère sur le En effet, les Français sont les plus grands consommateurs tourisme outre-mer, qui pourrait se résumer ainsi : il existe de de pesticides en Europe, et les Antilles utilisent trois fois plus forts potentiels, mais ils sont insuffisamment ou inefficace- de pesticides par unité de surface que la métropole. Pourtant, ment exploités. en 2010, la loi Grenelle II a posé le principe, sauf dérogations exceptionnelles, de l’interdiction des épandages aériens. Force Monsieur le ministre, vous avez déclaré que la contribution est pourtant de constater que, sur ce point, outre-mer, du tourisme au développement des outre-mer était au cœur l’exception est la règle ! de vos réflexions dans le cadre du plan d’action pour la En Martinique, par exemple, une nouvelle dérogation à compétitivité auquel vous travaillez actuellement. La l’interdiction d’épandage aérien de pesticides a été signée par ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, Sylvia le préfet le 20 novembre 2013, alors que le tribunal adminis- Pinel, planche, quant à elle, sur une redéfinition de la tratif de Fort-de-France, deux semaines plus tard, annulait les stratégie touristique de la France. deux précédentes dérogations, suite aux recours d’associa- tions. Cette dernière dérogation a heureusement été de Les outre-mer ont certainement aussi un fort potentiel à nouveau annulée le 3 février dernier. développer en matière d’énergies renouvelables. Actuellement très dépendants des énergies fossiles, ces territoires ont On veut nous faire croire que de telles dérogations à indéniablement des atouts à faire valoir – solaire, éolien, l’interdiction d’épandage sont indispensables au développe- biomasse, notamment – pour que les énergies renouvelables ment économique de la Caraïbe. Mais comment expliquer et la transition énergétique deviennent un secteur de pointe, que les bananeraies guadeloupéennes se portent bien et porteur de croissance. vivent, depuis presque un an, sans épandage aérien de pesti- cides, grâce aux trois annulations de dérogations préfecto- rales ? Monsieur le ministre, vous avez insisté à diverses reprises sur la nécessité pour les outre-mer de développer une Pourquoi s’obstiner à nier qu’il est bel et bien possible de stratégie économique de filières. Vous préparez actuellement faire autrement, notamment en embauchant du personnel un projet de loi relatif au développement et à la modernisa- via les aides européennes pour effeuiller de manière sévère les tion de l’économie des outre-mer. Pouvez-vous nous en dire feuilles des bananiers ? Pourquoi ne pas encourager la diver- un peu plus sur les grandes lignes de ce projet ? Quels seront, sification de l’agriculture locale en l’orientant vers d’autres selon vous, les secteurs-clés pour la compétitivité ultramarine cultures, telles que celle de l’avocatier, qui ne nécessite aucun de demain ? pesticide et résiste aux cyclones ? Pourquoi ne pas vendre les bananes dans la Caraïbe, ce qui réduirait le temps de trans- Il en est de l’outre-mer comme de la ruralité et de l’hyper- port et ne nécessiterait pas de traitement contre les moisis- ruralité en France hexagonale : il est urgent de mettre un sures ? Pourquoi ne pas investir davantage dans la recherche terme au sentiment d’abandon qui touche les populations de pour trouver des solutions afin d’aller vers une agriculture ces territoires. (Mme Karine Claireaux applaudit.) sans pesticide ? Dans ce dossier comme dans d’autres, le chantage à M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud. l’emploi existe, mais les arguments employés sont fallacieux. Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur Par exemple, l’effeuillage manuel, ou d’autres pratiques, le ministre, monsieur le président de la délégation à l’outre- créerait plus d’emplois, et surtout des emplois ne mettant mer, monsieur Paul Vergès, chers collègues, puisque mon pas en danger les travailleurs. temps de parole est compté, je centrerai mon intervention sur Par ailleurs, cette succession de dérogations met en péril trois points. d’autres secteurs de l’économie caribéenne. Je pense à la pêche et à l’aquaculture, qui subissent les conséquences de Premièrement, je tenais, monsieur le ministre, à vous l’empoisonnement phytosanitaire jusqu’à mille mètres des remercier d’avoir tenu tête au lobby pétrolier dans votre côtes. Cela a entraîné, vous le savez, des interdictions de action contre la vie chère outre-mer. pêche. 2384 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Nous sommes très soucieux de l’emploi local, mais il est Dans un environnement mondialisé, loin de tout, mais insensé de faire croire que la santé des bananeraies dépend de dans une vaste Océanie où la plupart des pays ont un l’épandage aérien. De plus, il n’est vraiment pas raisonnable niveau de vie inférieur au nôtre, nous ne pouvions être d’opposer aujourd'hui emploi, développement économique compétitifs. Nos exportations seraient forcément trop et santé de la population, alors que des solutions existent chères. Mal desservi par une seule compagnie aérienne qui pour concilier ces différents paramètres. pratique des prix prohibitifs, notre développement touris- M. Philippe Bas. Tant mieux ! tique était mort-né. Mme Aline Archimbaud. Plus de 1 200 médecins, dont de Des monopoles d’importation rendent la vie terriblement nombreux Ultramarins, ont d’ailleurs signé très récemment chère à Wallis-et-Futuna, tandis que seulement 10 % de la une pétition nationale pour que tous les produits phytosani- population a un emploi rémunéré, dont les deux tiers dans le taires qui ne sont pas répertoriés en agriculture biologique et secteur public. ceux qui sont des perturbateurs endocriniens ne soient plus utilisés, ni par voie aérienne ni par épandage terrestre, afin de Et ce qui devait arriver arriva, hélas ! Nous sommes entrés respecter le droit à un environnement sain et à une eau saine. dans une phase de décroissance démographique qu’il sera Toute la population française a droit à la santé ! difficile d’enrayer. Troisièmement, le groupe écologiste, monsieur le ministre, Nous voilà donc revenus aux dures réalités, auxquelles il souhaite attirer votre attention sur le projet de loi-cadre pour faut s’adapter sans délai. la biodiversité, qui sera présenté en mars en conseil des Il y a une douzaine d’années, j’avais plaidé pour la mise en ministres. place d’une stratégie de développement, et cette notion, qui Ce texte prévoit, notamment, de soumettre l’exploitation inclut la prospective, me semble plus que jamais d’actualité. de toutes les espèces sauvages et la recherche sur ces spéci- mens à l’autorisation de l’État ou des collectivités régionales. Tout en s’adaptant régulièrement, il faut apprendre à réflé- Seuls ceux qui justifieront de capacités techniques et finan- chir sur le long terme ; concernant Wallis-et-Futuna, cette cières suffisantes recevront ces autorisations, des sanctions réflexion commence par un axiome de base, qui est l’impor- étant prévues pour les hors-la-loi. tance géostratégique accrue du Pacifique et le basculement des États-Unis vers la zone Asie-Pacifique. Le problème est que presque toutes les plantes locales, comestibles, médicinales, aromatiques et utilitaires, dans les L’annonce de la visite du Président de la République dans outre-mer, sont considérées comme sauvages. Il y a donc un la région à l’automne, ainsi que la récente visite du président risque pour que cet « or vert » ne bénéficie pas au dévelop- du Sénat en Australie et en Nouvelle-Calédonie semblent pement des territoires et pour que les populations locales ne montrer une évolution importante, et la prise de conscience profitent pas de ses retombées financières. Cette richesse en par la France de cette nouvelle donne géopolitique. Je m’en termes de biodiversité ne doit pas être accaparée par quelques réjouis, d’autant que l’année dernière, malgré la demande que grands laboratoires au détriment du reste de la population. j’avais formulée auprès du ministre des affaires étrangères, la France n’avait pas été représentée au niveau ministériel au Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous comptons sur Forum du Pacifique, alors que Mme Clinton, Secrétaire votre vigilance particulière dans ce dossier. (Applaudissements d’État à l’époque, avait fait le déplacement. sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) M. . Lamentable ! M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu. M. Robert Laufoaulu. Cette absence avait été remarquée, et M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, monsieur le déplorée : je suis heureux que nos autorités s’en soient rendu ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remer- compte ! cier notre collègue Paul Vergès d’avoir pris l’initiative de ce J’en profite pour vous suggérer, monsieur le ministre, l’idée débat. Il offre aux élus ultramarins la possibilité de s’exprimer de relancer les sommets France-Océanie tels qu’ils se prati- et de partager avec l’ensemble des sénateurs leurs attentes, quaient à l’époque du Président Chirac. ainsi que leurs espoirs. M. Philippe Bas. Très bien ! Notre collègue nous permet, aussi, de montrer que, contrairement aux préjugés, l’outre-mer n’est pas un poids, M. Bruno Sido. C’était le bon temps ! mais est un formidable atout pour notre pays, lequel est grâce M. Robert Laufoaulu. Dans ce grand ensemble océanien, à ses collectivités lointaines, présent dans tous les océans du l’isolement de Wallis-et-Futuna est relatif. Certes, nous monde. sommes à 2 000 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie, à Il n’en demeure pas moins que, du fait de notre éloigne- 3 000 kilomètres de la Polynésie française et à 20 000 kilomè- ment de l’Hexagone, de notre insularité, de nos histoires et tres de la métropole. Mais nous ne sommes qu’à 400 kilomè- de nos traditions, nous avons des spécificités que la France a tres de Samoa, à 800 kilomètres de Fidji, à 1 000 kilomètres su respecter. Nous avons aussi des faiblesses structurelles que de Tonga. la France s’efforce de combler. Pour autant, cette proximité géographique n’entraîne que À Wallis-et-Futuna, le territoire le plus éloigné de la métro- trop peu d’échanges. L’histoire du XXe siècle nous a coupés de pole, nous cumulons tous les handicaps. ces voisins anglophones, désormais éloignés de nous psycho- logiquement. Il y a vingt ans, dans l’euphorie de la prospérité occiden- tale, nous rêvions de la possibilité d’un développement fulgu- Pourtant, dans la pratique antérieure, il existait des liens rant, autour de la pêche et du tourisme. Puis la réalité forts avec ces pays, car des intérêts commerciaux, voire économique et sociale nous a rattrapés. D’autres puissances familiaux, étaient en jeu entre les Wallisiens et les Futuniens, mondiales ont émergé et, surtout, la crise a surgi. d’une part, et plusieurs pays voisins, d’autre part. Si je prends SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2385 mon propre exemple familial, un de mes oncles directs a été Nous devons chercher des ressources propres pour pendant de très longues années l’un des principaux ministres alimenter le budget du territoire. À l’occasion de sa de Tonga. dernière mission à Paris, l’assemblée territoriale a rencontré les conseillers de Bercy, afin d’ouvrir une réflexion sur la mise Ces liens peuvent de nouveau être mobilisés aujourd’hui en place d’une éventuelle fiscalité territoriale, puisque, je le dans le cadre des relations politiques et commerciales, et ce rappelle, nous avons l’autonomie fiscale. levier devrait être utilisé par la diplomatie française. Il faut aussi absolument et vous l’avez encore dit récem- Le renforcement des liens entre Wallis-et-Futuna et les ment, monsieur le ministre, relancer le registre de Mata-Utu, pays de la région doit être une action à promouvoir. Cela qui est une composante du pavillon français. Tous les se fera-t-il dans un cadre de coopération ou d’intégration ? enregistrements que nous avons perdus l’ont été non pas Cette question fait, bien sûr, débat, mais je pense qu’une au bénéfice du RIF, le registre international français, mais intégration n’est pas encore envisageable si on comprend au bénéfice d’autres pavillons. dans ce vocable la participation à des actions de grande ampleur comme, par exemple, un marché commun tel que Je remercie le député Arnaud Leroy de m’avoir auditionné, celui auquel se prépare la région anglophone à travers, dans le cadre de son rapport, et d’avoir proposé d’autoriser les notamment, le PICTA et le PACER, respectivement casinos embarqués pour les navires enregistrés à Mata-Utu, Pacific Islands Countries Trade Agreement et Pacific Agreement qui sont essentiellement des navires de croisière touristique. on Closer Economic Relations. Nous avons besoin de votre soutien, monsieur le ministre, Les îles Wallis et Futuna doivent entrer dans une politique pour obtenir du ministère de l’intérieur cette autorisation. de coopération au travers de projets communs à mettre en Aidez-nous à être compétitifs et attractifs ! Plus de navires place dans différents domaines, comme celui que le Fonds enregistrés, c’est plus de ressources pour le territoire. Une Pacifique vient de lancer, sur les transports. taxation des casinos embarqués, c’est aussi plus de ressources pour le territoire et c’est, en conséquence, moins de pression C’est par de tels projets que nous réussirons peut-être, par sur le budget de l’État. une sorte de mutualisation, à faire par exemple baisser le coût J’espère une autre source de revenus dans l’avenir, pour le du transport d’énergies fossiles, ou à mettre en place une territoire, avec la probable exploitation de nos fonds sous- desserte aérienne supplémentaire pour développer un peu de marins. Les campagnes d’exploration menées sous la direc- tourisme de circuit. tion de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de Cette logique de la coopération commande un renforce- la mer, l’IFREMER, conjointement avec le Bureau de recher- ment et une intensification des liens, par exemple la partici- ches géologiques et minières, le BRGM, Technip et Eramet, pation au Forum comme membre associé, au même titre que semblent très prometteuses. Mais nous sommes pour le la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. moment trop peu associés aux négociations menées entre l’État et ces entreprises. Il faut absolument que le territoire, Cette insertion ne peut se faire qu’avec l’implication des ses élus, sa chefferie, soient pleinement intégrés dans les élus, qui doivent être les relais avec les pays de la région, décisions qui seront prises et dans la réflexion sur le volet comme le Président Jacques Chirac l’avait dit. outre-mer du code minier. M. Joël Guerriau. Encore lui ! (Sourires.) Certes, à l’inverse de la Nouvelle-Calédonie et de la M. Bruno Sido. Toujours lui ! Polynésie française, nous ne sommes pas des décisionnaires indépendants aux termes du statut de 1961. M. Robert Laufoaulu. Certes, dans notre statut de 1961, le préfet est le chef de l’exécutif, mais cette mainmise est mal Pour autant, rien, absolument rien ne saurait se faire dans ressentie par nos populations et plus encore par nos voisins, le dos de nos populations. L’environnement doit être respecté qui y voient comme un relent colonial. et notre mode de vie préservé. Bien sûr aussi, nous devons être les premiers bénéficiaires de l’exploitation de nos fonds Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes très conscient de marins, que ce soit en termes financier ou en termes de la nécessité de l’intégration régionale ; vous connaissez bien ce création d’emplois. problème, vous aussi, dans l’environnement caraïbe. En attendant d’avoir ces développements et ces ressources Cela n’a rien à voir avec le lien affectif qui nous lie à la futures, nous devons prioriser notre action. Nous devons, mère patrie. C’est simplement le réalisme qui doit nous dans le cadre de l’accord particulier, poursuivre avec la guider, plus encore d’ailleurs dans ce contexte de crise. Nouvelle-Calédonie un fructueux et permanent dialogue. La crise, cela veut aussi dire des restrictions budgétaires. Je partage les préoccupations exprimées par Pierre Frogier Vous vous battez courageusement, monsieur le ministre, au sujet du moment difficile que traverse aujourd'hui la pour maintenir le soutien de l’État aux outre-mer. Grâce à Nouvelle Calédonie, qui demeure notre partenaire naturel ; votre volontarisme et à votre enthousiasme, auxquels je tiens nos liens sont anciens, une importante communauté walli- à rendre vraiment hommage aujourd’hui, nous ne sommes sienne et futunienne y est installée depuis trois générations. pas laissés de côté. Aujourd’hui, la dette que l’agence de santé de Wallis-et- M. Joël Guerriau. Un ministre chiraquien ! (Nouveaux Futuna a contractée à l’égard de la Nouvelle-Calédonie sourires.) empoisonne nos relations. M. Robert Laufoaulu. Mais l’outre-mer prend aussi sa part La santé étant de la compétence de l’État, cette dette doit de l’effort budgétaire national, et c’est vrai que, pour le être apurée par l’État. Il faudrait vraiment que cet apurement dernier cyclone à Wallis, nous avons eu moins de fonds intervienne sans attendre, conformément à ce que le Prési- destinés à la reconstruction que pour le précédent cyclone dent de la République a affirmé en novembre, lorsqu’il a reçu à Futuna. la délégation de Wallis-et-Futuna. 2386 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Nous devons aussi faire baisser le coût de la vie sur le Mme Karine Claireaux. Monsieur le président, monsieur le territoire. Quand 10 % seulement de la population a un ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de emploi rémunéré, comment peut-on avoir une des électricités vous dire toute ma satisfaction quant à la tenue de ce débat les plus chères du monde ? sur la situation des outre-mer au sein de la Haute Assemblée, un débat qui témoigne de l’intérêt que le Sénat et vous- Vous l’avez bien compris, monsieur le ministre, et vous même, monsieur le ministre, ainsi que votre ministère avez pris le problème à bras-le-corps. La lutte contre la vie portez à tous les outre-mer. chère est une priorité dans tous les outre-mer, et c’est avec beaucoup de courage que vous vous êtes attaqué au Cet intérêt, vous l’avez démontré lors de votre venue à problème. Les populations ultramarines vous en sont recon- Saint-Pierre-et-Miquelon, en février 2013, au cœur de naissantes. l’hiver. Ce déplacement chez nous quelque huit mois seule- ment après votre nomination vous a permis de vous Où en sommes-nous, monsieur le ministre, dans la rédac- confronter aux réalités de notre territoire. tion des ordonnances qui doivent être prises pour l’applica- tion à Wallis-et- Futuna de la loi de régulation outre-mer ? Vous avez pu mesurer les sérieuses difficultés auxquelles mon archipel doit faire face : une économie en berne, une Concernant le coût de l’électricité à Wallis-et-Futuna, des continuité territoriale inefficace, une politique de santé pistes ont été ouvertes grâce au rapport de la Commission de balbutiante. régulation de l’énergie. Un avenant a été préparé par l’entre- prise concessionnaire, qui devrait entraîner une légère baisse. Si la période que nous traversons est synonyme d’incerti- Mais on peut et on doit mieux faire. Surtout, à terme, nous tudes, il faut malgré tout garder espoir. Il nous faut rester devons être moins tributaires des énergies fossiles. mobilisés, inventifs, solidaires. La situation exige des réponses et des solutions innovantes que nous devons rechercher Lors d’un colloque que je parrainais il a quinze jours, au collectivement. Sénat, sur l’autonomie énergétique dans le Pacifique Sud, j’ai rappelé que notre voisin Tokelau était devenu l’an dernier la La pêche doit redevenir une activité porteuse pour première nation au monde dont l’électricité provient intégra- l’archipel. Il faut la penser autrement. Une diversification lement du photovoltaïque. s’impose. Il nous faut transformer et proposer des produits Vous avez ouvert de très utiles pistes de réflexion avant-hier avec de la valeur ajoutée. Pour cela, il faut identifier et sur les dispositifs fiscaux à trouver pour les collectivités quantifier toutes les espèces dont nous disposons pour déter- d’outre-mer ressortissant à l’article 74 de la Constitution. miner celles qui peuvent être exploitées localement. Il faut Je souscris pleinement à ce que Brigitte Girardin a dit à aussi des outils de travail performants et correctement dimen- l’occasion cette réunion que vous présidiez. Il faut un sionnés. système adapté à chaque collectivité. Quand les volontés et les projets structurants émergent, il La défiscalisation du logement social est pour Wallis-et- faut les encourager, les accompagner. Si nous sommes tous Futuna sans objet. En revanche, un dispositif, qui reste à bien conscients que l’on ne retrouvera jamais l’activité inventer, permettant de favoriser la transition énergétique d’autrefois, il y a malgré tout suffisamment de ressources doit être mis en place pour notre territoire. La fin de la pour faire vivre un pôle pêche sur chaque île. défiscalisation du photovoltaïque nous a pénalisés, mais ne La question du plateau continental mérite également d’être peut-on trouver un dispositif fiscal en faveur des énergies abordée ici aujourd’hui. Le Président François Hollande s’est marines renouvelables ? engagé à déposer un dossier en avril pour l’extension de la M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue ! zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le cadre du programme EXTRAPLAC, extension raisonnée M. Robert Laufoaulu. J’ai, semble-t-il, dépassé mon temps du plateau continental. de parole… (Exclamations amusées sur diverses travées.) Vous avez vous-même réaffirmé, monsieur le ministre, la M. le président. À peine… détermination du Gouvernement sur ce dossier lors de la M. Robert Laufoaulu. Je peux donc continuer ! (Rires et résolution adoptée il y a quelques jours à l’Assemblée natio- exclamations sur la plupart des travées.) nale. Mes concitoyens et tous les élus sont mobilisés sur ce M. le président. J’applique le principe de tolérance en dossier. Nous sommes très attentifs car, vous l’avez bien fonction du nombre de kilomètres parcourus pour gagner compris, cette revendication d’un plateau continental l’hémicycle, mais n’en abusez pas ! (Sourires) étendu reste l’ultime alternative si l’on veut reconstruire un avenir économique pour les Saint-Pierrais et les Miquelon- M. Éric Doligé. M. Chirac vous aurait certainement autorisé nais. Il y va aussi de la place de la France sur toute la surface à terminer votre intervention. (Nouveaux sourires.) du globe en tant que deuxième puissance mondiale de par ses M. Robert Laufoaulu. Je conclurai donc en disant qu’il faut outre-mer. nous aider à développer les filières agricoles, monsieur le Je suis aussi de celles et ceux qui pensent que l’archipel de ministre. Saint-Pierre-et-Miquelon a un rôle déterminant à jouer en En vous remerciant de votre patience, monsieur le prési- tant que porte d’entrée de l’Europe en Amérique du Nord. dent, monsieur le ministre, mes chers collègues, tel est C’est une occasion à saisir, tout comme l’est sa position l’essentiel de mon propos. Je reverrai M. le ministre pour géographique dans le cadre de l’ouverture de la route du lui chuchoter à l’oreille ce qu’il me restait à dire ! (Sourires et Nord-Ouest. applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC, ainsi Dans cette optique, le projet Grand port, qui englobe la que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.) création d’un terminal à conteneurs à Saint-Pierre et une M. le président. La parole est à Mme Karine Claireaux. nouvelle vision de la desserte maritime régionale, ouvre SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2387 bien des perspectives de développement économique. Nos un réseau d’innovation, de dynamisme voire d’audace pour ports, en tant que ports d’intérêt national, doivent aussi être montrer à notre vieille et douce France la voie du futur et de modernisés tant pour la pêche que pour la plaisance. la conquête économique, sociale et culturelle. Dans ce cadre aussi, je reste très inquiète des conséquences L’outre-mer n’est pas une séquelle du passé, quelque reste de l’accord économique entre l’Union européenne et le de l’Histoire. Absolument pas ! Il incarne au contraire la force Canada. Cet accord sera préjudiciable à mon archipel, car de notre avenir, de l’avenir de la France tout entière, dans ce il ne tient pas compte de ses intérêts économiques et il mettra monde en pleine mutation où nous avons besoin de points en péril son positionnement comme « tête de pont » de d’ancrage dans les zones en expansion ou de renouveau. l’Europe en Amérique du Nord. Nous le savons tous, les centres d’intérêt de notre planète Le tourisme pourrait être l’un des axes de développement sont en train de se déplacer, en particulier vers l’Asie, le intéressants au vu des richesses naturelles, historiques et Pacifique et les zones tropicales des grands océans. Il serait culturelles de l’archipel. Mais, tant que les problèmes de temps d’en prendre réellement conscience par des actes desserte ne seront pas réglés, et malgré toute la bonne concrets. Or nous ne donnons pas l’impression d’anticiper volonté des acteurs sur le terrain, nous ne pourrons mettre cette évolution. Il le faut, pourtant, si nous voulons continuer en place une réelle économie touristique. Le prix du billet à compter sur le plan international. d’avion pour venir sur l’archipel est prohibitif et venir en Si elle ne veut pas être dépassée, l’Europe doit, elle aussi, en bateau depuis Terre-Neuve reste très aléatoire. tant qu’union, se donner les moyens d’exister pleinement Chez nous, nous devons mobiliser les énergies à tous les dans le concert des nations. Dans ce contexte, le rôle de la niveaux pour jeter les bases d’un développement économique France est également fondamental en tant que moteur de nouveau, cohérent, réfléchi, avec des projets ancrés sur le développement. Ses départements et ses collectivités d’outre- territoire, des projets créateurs d’emplois. mer ainsi que la Nouvelle-Calédonie lui offrent des moyens d’action dont ses partenaires ne disposent pas dans la même Mais nous avons aussi encore besoin de l’écoute et de ampleur, sans compter le formidable relais que représentent l’appui du Gouvernement. les Français de l’étranger partout dans le monde. S’agissant des collectivités, l’État nous aide beaucoup. J’en Il est donc temps, monsieur le ministre, de mettre en avant veux pour preuve la toute récente annonce concernant la nos richesses ultramarines, dont l’enjeu stratégique mérite dotation du Fonds exceptionnel d’investissement, qui notre compréhension et tous nos efforts. N’oublions pas permettra de sécuriser l’approvisionnement en eau potable l’immense zone économique exclusive maritime que nous de la ville de Saint-Pierre et d’avancer sur le dossier important apporte l’outre-mer, mais aussi les minerais, les terres rares, du traitement des déchets au niveau de l’archipel. Pour la les énergies du futur, la proximité avec la prochaine moder- commune de Saint-Pierre et son modeste budget directement nité. lié à l’activité économique et à la répartition, particulièrement M. Philippe Bas. Très juste ! inégale, des richesses de l’archipel – le statut met les communes sous la tutelle financière du conseil territorial –, M. Christian Cointat. Donnons-lui sa chance et sortons cette aide est précieuse, et je vous remercie, monsieur le enfin, monsieur le ministre, de ce qui demeure, qu’on le ministre. veuille ou non, une forme d’assistanat, pour entrer dans une ère de véritable développement partagé pour un Les Saint-Pierrais et les Miquelonnais ont besoin que vous bénéfice commun. continuiez à les aider à appréhender les « spécificités » de notre archipel, non pas comme des handicaps mais bien Ce rêve qui hante mes pensées peut devenir réalité si la comme des richesses, des défis à relever, des atouts à valoriser. volonté est au rendez-vous. Comme le disait Churchill, « toute volonté trouve son chemin. » Il suffit que les autorités Je crois au soutien sans faille du gouvernement de gauche de notre pays se convainquent que tout doit être fait pour pour nous accompagner, pour nous aider à mener à bien des que l’outre-mer ne soit plus à la remorque et devienne lui projets qui redonnent espoir aux jeunes afin qu’ils deviennent aussi, là où c’est possible, le « train avant » directeur de la des hommes et des femmes libres, créatifs et capables de France. Cela suppose, d’abord, d’en avoir la conviction et, participer à l’avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon. (Applaudis- ensuite, de se donner les moyens de changer la configuration sements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du de l’attelage. groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Certes, les difficultés budgétaires ne nous aident pas et M. le président. La parole est à M. Christian Cointat. rendent les contraintes encore plus délicates. Mais l’enjeu est de taille et l’avenir n’attend pas. Il est indispensable que M. Christian Cointat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en paraphra- l’outre-mer puisse véritablement prendre son envol écono- sant Verlaine, de dire comme lui mon rêve, « un rêve étrange mique, social et stratégique vers les horizons prometteurs que et pénétrant » non pas d’une femme inconnue, comme nous souhaitons tous atteindre. l’illustre poète, mais d’un outre-mer aux mille visages, et Commençons, au moins dans une première phase, par que j’aime, et qui m’aime et qui n’est chaque fois ni tout à transformer ce rêve en une vision collective de la France de fait le même ni tout à fait un autre, et m’aime et me demain, dans laquelle l’outre-mer serait en pointe, en son comprend… (Sourires.) nom, dans toutes les zones de renouveau du monde. Cette vision, il me semble l’avoir retrouvée dans les propos de notre Oui, monsieur le ministre, je fais ce rêve d’un outre-mer collègue Paul Vergès. qui, enfin, ne serait plus à la traîne de la métropole, ne serait plus la cinquième roue du carrosse France, mais qui, au Prenons, par exemple, le cas de la Nouvelle-Calédonie. Si, contraire, profitant pleinement de ses atouts et de ses comme je le souhaite de tout cœur, elle choisit, le moment positions géographiques autour de la planète, constituerait venu, de rester française, ne serait-il pas plus efficace, compte 2388 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 tenu de sa position privilégiée dans le Pacifique et de tous les Oui, l’avenir de l’outre-mer, c’est notre avenir à tous. atouts dont elle dispose, que ce soit elle qui, avec la Polynésie, Comme disait Henri Bergson, « l’avenir n’est pas ce qui va porte les intérêts de la France dans cette région du monde et arriver mais ce que nous allons faire. » Alors, faites-le, parle en son nom ? (Applaudissements sur plusieurs travées de monsieur le ministre ! Courage ! Franchissons enfin le boule- l'UMP.) vard périphérique qui nous étrangle dans Paris, et faisons vivre pleinement tous ces beaux coins de France, si loin À propos de la Calédonie, permettez-moi d’ouvrir une soient-ils ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi parenthèse. Les Calédoniens sont en effervescence. Je reçois que sur quelques travées du groupe socialiste et du groupe écolo- des pétitions, des protestations, des appels à soutien sur deux giste.) sujets. M. le président. La parole est à M. Georges Patient. L’un, qui a été évoqué par Pierre Frogier, est relatif aux M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le listes électorales pour les élections provinciales, dont les ministre, mes chers collègues, je salue l’initiative de notre indépendantistes demandent le retrait de près de 7 000 collègue Paul Vergès et de son groupe : ce débat sur la inscrits. Or ces listes sont déjà gelées, ce qui est, vous en situation des outre-mer nous offre une excellente occasion conviendrez, assez spécial en démocratie. Il est donc souhai- d’interpeller le Gouvernement sur les maux dont souffrent table de ne pas aller au-delà du raisonnable… nos régions respectives, maux qui sont les mêmes, comme L’autre sujet concerne le traitement qui serait réservé au vous avez pu l’entendre de la bouche des orateurs qui m’ont Haut-Commissaire, pourtant un grand commis de l’État et précédé, à savoir un PIB faible, un seuil de pauvreté élevé, un un serviteur loyal de la France. Je le connais, et je peux taux de chômage parmi les plus importants de France, une garantir ses qualités. situation sanitaire déplorable, un déficit de logements, de l’habitat insalubre, une insécurité, pour ne citer que les Pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre ? Car nous principaux. sommes inquiets. Les réseaux sociaux bourdonnent ; ce n’est Face à ce constat de sous-développement, voire de non- pas bon signe. Pouvez-vous nous dire clairement, en vous développement persistant, en dépit d’une politique d’assis- appuyant sur des actes concrets, que le Gouvernement n’est tanat et de rattrapage menée depuis fort longtemps, des pas en train d’abandonner la France en Nouvelle-Calédonie ? questions s’imposent. Nous avons besoin d’en être certains. Monsieur le ministre, le moment n’est-il pas venu de Je referme la parenthèse néocalédonienne pour évoquer la déclarer en faillite ce mode de développement des outre- Guyane. Tout le monde sait que le Brésil est promis à un bel mer ? Ne faut-il pas le revoir et le corriger, en mettant avenir. Nous avons tout intérêt à privilégier le rôle de la l’accent sur une meilleure reconnaissance des situations ultra- Guyane dans nos relations avec ce grand pays. marines et une plus grande adaptation à leur diversité ? Les outre-mer ne constituent pas un ensemble homogène : Monsieur le ministre, mes chers collègues, on peut multi- chaque région d’outre-mer est différente, et des pistes spéci- plier les exemples de ce que peut nous apporter l’outre-mer. fiques doivent être envisagées pour chacune d’entre elles. Mais, avant l’action politique, il faut bien entendu, comme l’ont dit de nombreux orateurs avant moi, régler les retards C’est ainsi que, trop souvent, trop facilement, la Guyane économiques et sociaux. est purement et simplement assimilée aux autres petites économies insulaires des autres départements et régions Si l’explosion que j’appelle de mes vœux pour propulser les d’outre-mer. Par conséquent, les mesures et dispositions ultramarins vers des lendemains heureux n’est pas immédia- qui sont prises en faveur de ces derniers lui sont appliquées, tement au rendez-vous, en raison de la crise financière, vous alors que le contexte global de la Guyane ne présente que peu pouvez, monsieur le ministre, par cette vision partagée du de similitudes avec celui des îles. futur et des lignes directrices claires, ne pas briser le rêve, et nous laisser l’espérance. Le territoire de la Guyane est continental, d’une superficie terrestre de près de 90 000 kilomètres carrés ; il dispose d’une Si, déjà, le ministère des outre-mer pouvait rassembler et zone économique et exclusive de 130 140 kilomètres carrés, maîtriser la totalité de l’effort budgétaire de l’État pour tout et de ressources tout à fait essentielles qui ne sont pas exploi- le domaine dont il a la charge, cela donnerait un sens et une tées, ou qui le sont peu ou mal. force concrète à la vision que j’évoquais précédemment. Elle La Guyane a des spécificités : l’occupation humaine de son pourrait prendre réellement corps. espace territorial, qui laisse à penser qu’un équilibrage est Vous pouvez d’autant mieux y arriver, monsieur le possible ; le taux de croissance exceptionnel de sa population, ministre, qu’une politique bien comprise à l’égard de qui offre une large diversité en termes non seulement histo- l’outre-mer ne peut être ni de gauche, ni du centre, ni de riques, ethniques, culturels, linguistiques, mais aussi adminis- droite : elle doit être celle de la France en tant que telle, de la tratifs ! France tout entière. Nous avons des devoirs à l’égard de nos Voilà des éléments qui distinguent radicalement la Guyane compatriotes ultramarins, mais ils nourrissent aussi des des autres DROM, et dont il faut absolument tenir compte attentes au sein de notre grande communauté française. dans la réflexion sur son développement. Il nous revient de faire en sorte qu’ils occupent au cœur de Or on nous impose, au nom d’enjeux universels, et par la nation la place – et toute la place – qui leur revient mimétisme avec les pays développés, des modalités de gestion naturellement. Alors, à leur tour, ils pourront le moment de notre territoire qui sont celles de régions où la croissance venu nous faire bénéficier de leur proximité des centres économique s’est faite à partir d’une exploitation peu ration- névralgiques du futur, comme de leur expérience du nelle de ressources naturelles ou non renouvelables, et où il terrain au sein des différents continents, au contact des est devenu indispensable de ménager des espaces sauvegardés, réalités d’un monde en mouvement et qui n’attend pas. préservés. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2389

Ce que nous voulons, nous, c’est assurer à la Guyane un M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le développement durable, supprimer des inégalités criantes ministre, monsieur le doyen, cher Paul Vergès, mes chers devant l’accès à l’emploi et aux ressources et atteindre finale- collègues, à l’heure où une timide embellie économique ment un bien-être social satisfaisant. semble se dessiner sur le continent européen, en particulier en France, de nombreux indicateurs restent au rouge dans les Nous en avons les moyens, nous, en Guyane, et nous outre-mer, en dépit d’un effort budgétaire certain ou de pouvons y parvenir si nous est laissée la possibilité d’élaborer diverses mesures prises, notamment, pour lutter contre la une conception spécifique de notre développement. Il n’est vie chère. pas là question d’une remise en cause du statut de la Guyane par rapport à la France, mais, dans le champ économique, la À ce titre, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer Guyane doit pouvoir se distinguer, si elle ne veut pas défini- les dernières évaluations de l’évolution des prix pour 2013 ? tivement rester le « mauvais élève » de la République, celui Des avancées ont également été obtenues à Bruxelles dans qui est à la traîne. la négociation de dossiers européens à forts enjeux pour nos Notre démarche doit donc reposer sur les capacités territoires. Je pense, bien sûr, à la pêche ou à la fiscalité du guyanaises en hommes et en qualifications. Elle devra être rhum traditionnel des départements d’outre-mer, dossiers sur définie avec l’ensemble de la population, dans un esprit de lesquels notre délégation à l’outre-mer a fait adopter par la partenariat. Nous ne pouvons plus éternellement nous en Haute Assemblée des propositions de résolution qui ont remettre à d’autres pour construire la Guyane de demain. « épaulé » le Gouvernement dans ses démarches. C’est tout le sens, monsieur le ministre, que l’on doit Malgré ces efforts réels, la situation socioéconomique reste donner au « pacte pour l’avenir » entre l’État et la Guyane, plus que préoccupante et les défis sont de plus en plus annoncé par le Président de la République lors de son récent difficiles à relever dans une période qui, à maints égards, passage chez nous. apparaît comme charnière pour nos outre-mer. Je ne pourrai terminer mon propos, monsieur le ministre, Aux difficultés structurelles liées aux caractéristiques de nos sans évoquer trois questions d’actualité. économies – faible diversification de la production, forte dépendance aux approvisionnements extérieurs et impor- La première porte sur l’approvisionnement en carburants tance des surcoûts, vulnérabilité climatique, prédominance routiers de la Guyane. Le Suriname, notre voisin, aura d’ici à des TPE dans le tissu économique, ou encore forts différen- la fin d’année du carburant aux normes Euro 5, ce qui est tiels de compétitivité dans l’environnement régional – largement suffisant pour le niveau des normes exigées par s’ajoutent aujourd’hui d’autres facteurs de complexité qui l’Union européenne. Pouvons-nous alors escompter, à partir vont peser lourd. de cette date, une sortie du dispositif d’approvisionnement par la SARA, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles ? Je pense tout d’abord aux dynamiques démographiques de nos territoires : elles doivent être prises en compte dès La deuxième question est relative au bouclier qualité-prix. aujourd’hui dans les politiques publiques. Ces dynamiques, Si les prix des produits listés ont été contenus en Guyane, qui divergent selon les territoires, supposent la définition puisque le prix du panier a parfois été inférieur à celui qui immédiate de priorités : si les Antilles sont confrontées au avait été fixé au départ, en accord avec les distributeurs, la vieillissement de leur population, d’autres départements, population exprime néanmoins un ressenti négatif. comme la Réunion, Mayotte ou la Guyane, doivent déjà ou vont devoir gérer une explosion démographique, avec En effet, le prix du bouclier est global et non par article, ce que cela implique en termes de réalisation de structures pour une liste qui comprend entre 90 et 150 articles. Comme éducatives, de création de foyers d’hébergement ou de il est très rare qu’un consommateur achète tous les produits construction de logements. de la liste, il ne peut, très souvent, vérifier que les prix des produits qu’il achète sont moins élevés qu’avant la mise en Ainsi, une enquête récente menée par l’INSEE et la direc- place du bouclier. C’est l’un des points qu’il vous faudra tion de l’environnement, de l’aménagement et du logement examiner, monsieur le ministre, lors des toutes prochaines de la Guyane estime à 160 000 le nombre de logements à négociations sur le bouclier qualité-prix, qui auront lieu, me réaliser d’ici à 2040, ce qui imposerait une cadence de semble-t-il, dans le courant du mois de mars. construction de plus de 5 000 logements par an, chiffre à mettre en regard des 3 320 logements sociaux construits La troisième et dernière question – et non la moindre, et entre 2009 et 2012. elle me préoccupe, ainsi que d’autres, depuis fort longtemps – porte sur l’octroi de mer. De très fortes inquié- Je profite de cette occasion pour rappeler que la sanctua- tudes se sont exprimées quant à sa prorogation. J’espère que risation de la ligne budgétaire unique ne doit pas empêcher vous pourrez les lever. Les propos que vous avez tenus la d’envisager d’autres dispositifs afin d’anticiper des phéno- semaine dernière, lors de votre audition par la délégation à mènes d’une pareille ampleur et d’être à même d’y faire l’outre-mer de l’Assemblée nationale, semblaient indiquer face. La délégation sénatoriale à l’outre-mer avait demandé que l’octroi de mer ne serait prorogé que de quelques mois. d’évaluer la pertinence, pour le financement du logement social dans nos territoires ultramarins, de la mise en place Pouvez-nous nous donner davantage de précisions ? Quel d’un prêt bonifié de type « PTZ », qui se substituerait au serait le calendrier parlementaire ? Il est inutile de vous dispositif de défiscalisation. Où en est-on sur ce sujet, rappeler toute l’importance de cette taxe pour nos régions monsieur le ministre ? déjà très affaiblies financièrement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur Un autre facteur de complexification d’une situation déjà certaines travées de l’UMP.) particulièrement tendue tient à la difficulté des instances européennes à prendre en compte les contraintes propres M. le président. La parole est à M. Serge Larcher. aux outre-mer. 2390 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Malgré les possibilités d’adaptation et de dérogation théori- Monsieur le ministre, quels dispositifs envisagez-vous de quement offertes par l’article 349 du traité de Lisbonne, les mettre en œuvre pour permettre aux établissements hôteliers instances européennes, notamment la Commission, persis- d’apurer cette dette sociale et fiscale, préalable à la rénovation tent à s’en tenir à une interprétation restrictive. La politique et à l’amélioration de l’offre touristique ? Quid de la propo- commerciale de l’Union européenne constitue, en outre, une sition de concours financier de l’Agence française de dévelop- menace permanente pour nos productions locales : banane, pement, dans le cadre d’un plan de rénovation et de rhum, sucre, pêche… Les dispositifs de compensation, qui développement présenté par la région Martinique ? interviennent par définition a posteriori, ne suffiront pas à sauvegarder ces filières, en l’absence de dispositif régulateur Cette problématique affecte malheureusement une grande en amont permettant d’atténuer les effets dévastateurs des partie du tissu économique, constitué essentiellement de très différentiels de compétitivité avec des pays producteurs qui petites entreprises. À cet égard, monsieur le ministre, il faudra ne sont pas soumis aux mêmes normes sociales, sanitaires ou prendre garde à ce que la réforme à venir de l’octroi de mer environnementales. ne donne pas à ces dernières le coup de grâce ! Dans ce contexte difficile et mouvant, où les inquiétudes Bien évidemment, la sauvegarde de ces productions néces- sont légion, où la violence et la délinquance explosent et où la site aussi d’imaginer des positionnements de niche et d’anti- jeunesse, victime de taux de chômage battant tous les records, ciper certaines échéances qui modifieront radicalement la est si souvent en désespérance, la restauration de la confiance donne, telle la suppression des quotas sucriers en 2017. Sur passe par des signaux forts et des actions structurantes. ce point, monsieur le ministre, où en est l’expertise que vous Les potentiels ultramarins, notamment en matière nous avez annoncée lorsque nous vous avons auditionné au d’économie maritime et de biodiversité, sont tout à fait mois de novembre dernier ? remarquables, et nos territoires sont souvent pionniers dans les secteurs innovants. Cependant, on se contente encore trop Pour certains de nos territoires, les évolutions institution- souvent d’invoquer ces potentiels dans des discours incanta- nelles à venir ou en cours peuvent également ajouter aux toires ! Saisir les chances de développement liées aux poten- difficultés. Ainsi, la mise en œuvre concrète de la fusion du tiels de nos territoires suppose d’élever le niveau de formation département et de la région en Martinique et en Guyane, si de nos populations. elle facilitera la gouvernance après 2015, est susceptible de faire naître des tensions pendant la phase transitoire. Il faudra C’est là un enjeu prioritaire, et la réforme en cours de également veiller à ce que cette réforme ne soit pas l’occasion l’université doit permettre d’y répondre. Le groupe de de confondre approfondissement des libertés locales et désen- travail commun à la délégation sénatoriale à l’outre-mer et gagement de l’État. De même, certaines phases du calendrier à la commission de la culture, de l’éducation et de la commu- institutionnel calédonien pourraient se révéler délicates. Par nication créé en novembre dernier remettra prochainement ailleurs, les évolutions induites à Mayotte par l’acquisition du ses conclusions. Elles permettront de nourrir l’ordonnance double statut de département et de région ultrapériphérique, qui organisera cette réforme. par exemple la mise en place de la fiscalité, constituent Enfin, condition sine qua non pour le développement également des défis à relever. économique de nos territoires, il faut ménager davantage de stabilité et de visibilité pour les acteurs économiques Ces échéances de diverses natures et ces transitions, qui ultramarins. (Applaudissements.) représentent des tournants majeurs pour les territoires concernés, appellent un accompagnement particulièrement M. le président. La parole est à M. le ministre. attentif de la part des autorités étatiques. Or, celles-ci n’ont M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le prési- pas toujours une juste vision des réalités ultramarines. Cette dent, mesdames, messieurs les sénateurs, il me serait difficile, posture est même, parfois, délibérée. Nous avons pu le je l’avoue, d’accepter la belle mission, proprement démiur- vérifier en ce qui concerne les incidences économiques des gique, que M. Cointat a bien voulu me confier : passer du dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement dans les outre- rêve à la vision, de la vision à l’espérance… Seuls les peuples mer ; si ce qu’il est convenu d’appeler la « défiscalisation » des outre-mer sont à même de transformer le réel. n’est pas la panacée, elle a eu néanmoins le mérite de drainer des financements, alors que le système bancaire se montre Je tenterai, plus modestement, de répondre à toutes les toujours très frileux. (M. le ministre opine.) D’ailleurs, interrogations qui m’ont été adressées. monsieur le ministre, qu’en est-il de la mise en place du Je voudrais tout d’abord remercier le groupe CRC du nouveau crédit d’impôt et des modalités de préfinancement Sénat, singulièrement le sénateur Paul Vergès, d’avoir qui conditionnent son effectivité ? choisi d’inscrire à l’ordre du jour de votre assemblée ce débat sur la situation des outre-mer. Le dernier rapport annuel de la Cour des comptes, qui, Cette initiative a permis aux sénateurs d’évoquer les problé- dans ses développements relatifs à la situation du tourisme matiques de leurs territoires, comme ils ont l’habitude de le dans les outre-mer, n’oublie pas de fustiger une nouvelle fois, faire lors de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », au passage, la défiscalisation, fournit un magnifique examen dont ils ont cependant été une nouvelle fois privés, à exemple –un de plus – de cécité comptable : il passe quasi- l’automne dernier, en raison du rejet de la première partie du ment sous silence la question des différentiels de compétiti- projet de loi de finances. vité avec les pays voisins en tant que freins au développement du tourisme dans les outre-mer. Il fait également fi de En préambule, permettez au ministre que je suis de vous l’impossibilité, pour les hôtels des Antilles, de sortir de donner sa vision de la situation des outre-mer. Je crains de l’engrenage de l’accumulation des dettes fiscales et sociales, manquer de temps pour évoquer le changement de modèle qui les empêche d’emprunter et de monter des dossiers de économique, de vision, d’idéologie, pour ne pas dire de financement pour rénover l’offre. paradigme, que d’aucuns ont appelé de leurs vœux. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2391

J’entends non pas dresser un bilan – celui-ci, par défini- promouvoir un modèle durable et compétitif pour les outre- tion, se fera après moi –, mais rappeler la philosophie de mer. Nous allons nous atteler à définir ensemble cette vision l’action engagée par le gouvernement de Jean Marc Ayrault globale, qui est ce qui nous a le plus manqué jusqu’à présent. dans les outre-mer depuis vingt et un mois. Madame Assassi, sachez que cette remise à plat ne vise Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement absolument pas à tout remettre en cause ou à discuter des partage bien évidemment les inquiétudes que vous « avantages acquis » ! exprimez régulièrement sur le niveau atteint par le Je me garde naturellement de tout triomphalisme, mais les chômage dans les outre-mer. premiers résultats de cette nouvelle politique sont en train de M. Philippe Bas. Pas seulement outre-mer ! se faire sentir. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) M. Victorin Lurel,ministre. C’est ce constat, plus qu’alar- Outre les résultats obtenus en matière de lutte contre la vie mant, qui a précisément justifié que l’État opère un véritable chère, sur lesquels je reviendrai, trois signes très encoura- retour dans les outre-mer, après dix ans de désengagement geants attestent de la justesse de notre politique outre-mer. manifeste. Tout d’abord, même s’il faut rester prudent et si nous ne Ce retour d’un État volontariste dans les outre-mer a eu disposerons que ce soir des données concernant le mois de une traduction concrète dans la loi de finances rectificative janvier, les chiffres attestent que, depuis un an, dans nos pour 2012 et dans les lois de finances initiales pour 2013 régions ultramarines – à l’exception, malheureusement de et 2014, en cohérence avec les engagements du Président la Guyane –, l’inversion de la courbe du chômage des de la République. jeunes est engagée. (M. Éric Doligé s’exclame.) Dès le mois de mai 2012, nous avons mis en œuvre une Mme Éliane Assassi. C’est une plaisanterie ? stratégie globale, s’inscrivant dans la durée et, j’ose le dire, M. Victorin Lurel,ministre. Au reste, la progression du taux sous-tendant un changement structurel. Cette démarche a général de chômage est aujourd’hui bien moindre qu’en trouvé sa traduction dans la loi relative à la régulation écono- métropole. mique outre-mer ; on ne saurait la réduire à la seule mise en place du « bouclier qualité-prix », qui est certes une mesure Parmi ces signes encourageants figure également l’amélio- importante. Je le redis, nous avons adopté une vision straté- ration de la situation de nos entreprises locales au regard des gique pour faire évoluer les structures fondamentales de nos dettes fiscales et sociales. Cela témoigne que l’état de leur économies. trésorerie s’améliore sensiblement. (Mme Éliane Assassi manifeste son scepticisme.) On est encore loin du compte, Cette loi importante, adoptée quelques mois à peine après mais la situation évolue dans le bon sens. ma prise de fonctions, s’attaque aux racines des difficultés que nous traversons en donnant les moyens de lutter contre Ainsi, à la fin de 2013, le taux d’impayés s’élevait à 16 % les rentes et les exclusivités et de renforcer la concurrence et la pour les DOM, soit une baisse de 3,8 points par rapport à transparence, au bénéfice du consommateur, du pouvoir l’an dernier et une diminution de la dette sociale de plus de d’achat et de l’emploi. J’aurai l’occasion d’y revenir, notam- 142 millions d’euros en un an seulement. Nous venons de ment en répondant à différents orateurs, mais je veux loin, mais un reflux s’amorce. rappeler que la lutte contre la vie chère permet également Les taux s’améliorent pour la majorité des catégories de de favoriser le développement de la production locale et cotisants : ainsi, on constate une baisse de 3,3 points pour le donc, in fine, l’emploi. secteur public et de 1,6 point pour le secteur privé. Le taux Cette stratégie, vous en voyez également la concrétisation des entreprises privées de plus de neuf salariés s’améliore de dans les priorités que permettent de servir les moyens d’inter- 0,8 point, et celui des plus petites entreprises de plus de vention du ministère, notamment, c’est vrai, au travers des 2 points durant cette même période. Il convient de le dispositifs de soutien à l’emploi – exonérations, crédit signaler. d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, service militaire Enfin, l’indicateur du climat des affaires établi par adapté, création de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, l’IEDOM, l’Institut d’émission des départements d’outre- la LADOM –, mais aussi via le maintien d’une défiscalisa- mer, qui poursuit sa progression au quatrième trimestre tion mieux encadrée et l’expérimentation d’un nouvel outil de 2013, confirme un regain de confiance et reflète un de financement, tout aussi avantageux et potentiellement contexte économique plus optimiste. plus efficient : le crédit d’impôt. Naturellement, notre effort doit se poursuivre et s’ampli- Monsieur le sénateur Vergès, la réussite de cette expéri- fier, mais il est bon, dans cette période de sinistrose générale, mentation est pour moi une priorité. Vous avez raison : les de le dire : les signaux sont positifs, même si beaucoup reste à conditions de son préfinancement sont essentielles. Je me suis faire. engagé dans ce travail, conjointement avec le ministre du budget, en ayant le souci d’y associer directement les repré- C’est tout l’objet du pacte de responsabilité annoncé par le sentants des milieux économiques. Une instruction est en Président de la République, qui sera décliné dans les outre- cours de préparation. mer. Je rappelle qu’il ne s’agit néanmoins là que d’outils, qu’il En effet, les économies ultramarines n’ont pas encore faut mettre au service d’une cohérence d’ensemble. retrouvé le chemin d’une croissance pérenne. La persistance d’un taux de chômage élevé en est le principal symptôme. Le plan d’action pour la croissance, le développement et l’emploi dans les économies ultramarines que je présenterai Handicapées par leur insularité et l’étroitesse de leur dans les prochains mois devra repenser l’articulation de marché domestique, les économies ultramarines sont l’ensemble des dispositifs, existants ou à inventer, concourant fragiles et mal armées pour affermir leur développement et à soutenir la création de valeur ajoutée et d’emplois, afin de affronter la concurrence, notamment régionale. 2392 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Disons-le, cette situation illustre l’échec de la politique de Toutefois, le projet que je veux construire avec vous, la précédente majorité, qui était avant tout fondée sur une mesdames, messieurs les sénateurs, ne se limite pas à la addition d’outils et de mesures et sur l’illusion d’un dévelop- déclinaison législative des mesures nationales qui seront pement endogène non financé, synonyme d’un retrait de arrêtées dans le cadre du pacte de responsabilité. Nous l’État qui ne disait pas son nom. devons actionner l’ensemble des leviers disponibles afin de stimuler la croissance et l’emploi. Aussi le respect de nos engagements exigeait-il des réponses fortes. Certaines idées simples, nous le savons, ont parfois le mérite d’être efficaces et rapides à mettre en œuvre, contrai- La consolidation du budget du ministère ces deux rement à ce que disait Paul Valéry, pour qui « le simple est dernières années, je l’ai dit, en a été la première et visible toujours faux ; ce qui ne l’est pas est inutilisable ». traduction. C’est pourquoi, afin de leur conférer la cohérence et la Trois chantiers majeurs ont permis, en 2013, d’engager de portée nécessaires, je souhaite que toutes ces propositions manière adaptée dans les outre-mer une stratégie globale dans soient rassemblées dans un ambitieux plan d’action pour la le respect des priorités fixées par le Premier ministre : la mise croissance et l’emploi outre-mer. en œuvre de la loi relative à la régulation économique outre- mer, la réforme de la défiscalisation, le déploiement de la Précisons tout de suite une chose : la contrainte et Banque publique d’investissement. Les premiers effets se font l’exigence d’économies que suppose notre trajectoire budgé- déjà sentir, mais il faut aujourd’hui aller plus loin et franchir taire nous contraindront à faire des choix, lesquels ne consis- une nouvelle étape. teront pas à tout raboter ou à faire table rase de ce qui existe. Je veux tout de même rappeler les moyens considérables C’est dans cet objectif que je réfléchis depuis plusieurs que le Gouvernement a obtenus lors de la négociation mois, vous le savez, à un projet de loi en faveur de la européenne sur les programmes opérationnels pour la croissance et de l’emploi outre-mer. période 2014-2020, en dépit du contexte budgétaire que Monsieur le sénateur Vergès, j’ai cru comprendre, au nul n’ignore. Les fonds structurels des régions d’outre-mer travers de certains de vos propos, que vous souhaitez que augmenteront de 23 % par rapport à la période 2007-2013. ce projet ne soit pas imposé depuis Paris. Je tiens donc à vous Ils financeront notamment une initiative inédite en faveur de rassurer pleinement : comme je l’ai indiqué tout à l’heure l’emploi des jeunes, à hauteur de 70 millions d’euros pour les devant l’assemblée générale d’une organisation patronale, je deux prochaines années. Le FEADER, le Fonds européen souhaite mener une concertation étroite. Je l’ai lancée en agricole pour le développement rural, augmentera, quant à recevant les sénateurs d’outre-mer, de tous les bords politi- lui, de 31 %, et la Réunion, je me permets de le souligner, ques, le 10 décembre dernier, puis les députés, à la mi- bénéficiera de 45 % de cette enveloppe. janvier, pour leur faire part des grandes orientations de ce Plutôt que de réclamer – ce n’est pas votre cas, mais je futur plan. Vous n’aviez pu être présent ce jour-là, mais je l’entends ici ou là – une avalanche de moyens supplémen- sais que vous ferez le nécessaire pour participer aux taires, pour le moins incertaine compte tenu de notre situa- prochaines réunions que je proposerai. tion, je vous propose aussi de travailler avec le Gouvernement Depuis le début de l’année, le pacte de responsabilité à rendre plus efficaces et plus efficients les moyens dont nous proposé par le Président de la République constitue le disposons aujourd’hui. cadre dans lequel le Gouvernement est appelé à inscrire Vous avez émis, monsieur le sénateur, des propositions qui son action. Il doit donc être intégré dans nos réflexions. sont – et c’est tout à votre honneur – particulièrement Vous en connaissez les grands axes : la poursuite de l’allége- audacieuses, dont nous avons déjà écarté certaines. Tout à ment des contraintes, des charges et de la fiscalité des entre- l’heure, j’ai posé la question du changement de paradigme. prises ; des contreparties en termes de création d’emplois, de Êtes-vous prêts à faire preuve d’audace ? Êtes-vous prêts à renforcement du dialogue social, de l’investissement et de la sortir du territoire douanier d’exportation ? Non ! Êtes-vous formation, de relocalisation des activités de production et prêts à sortir du territoire douanier européen ? Non ! Êtes- – pourquoi pas ? – de lutte contre les inégalités salariales. vous prêts à renoncer au statut de région ultrapériphérique ? La première chose à faire est de s’atteler à penser une décli- Non ! Êtes-vous prêts, comme Saint-Barthélemy, à demander naison utile et pertinente de ce pacte dans les outre-mer. le statut européen de pays et territoire d’outre-mer associé ? Non ! Quelle est la volonté électorale et politique des popula- Le Président de la République l’a rappelé le 23 janvier tions ? Elle est en général de rester dans le droit commun : il dernier : « La baisse des charges existe déjà en outre-mer, faut donc tenir compte de ces données démocratiques. donc si je la propose pour toutes les entreprises, cela ne fera pas d’avantage significatif pour les entreprises ultrama- Par conséquent, nous sommes opposés à certaines de vos rines. […] je suis prêt à adapter, avec les employeurs d’outre- propositions, monsieur le sénateur, comme je viens de le dire mer, le Pacte de responsabilité à ces territoires. » devant une autre assemblée. Je pense notamment à la suppression des sur-rémunérations des fonctionnaires : cette Il nous faut donc saisir cet espace et l’investir. Nous avons proposition, que vous partagez avec, notamment, des acteurs commencé à le faire. du monde des entreprises, a été écartée par le Président de la J’ai des projets, bien entendu, et ils se structurent progres- République lui-même lors de la campagne présidentielle. sivement à la lumière de mes échanges avec les acteurs politi- M. Éric Doligé. Il peut peut-être y revenir ? ques, économiques et sociaux, mais je souhaite écouter, avant M. Victorin Lurel, ministre. Un gouvernement de gauche ne de les formaliser. C’est la raison pour laquelle j’ai engagé un reviendra pas… cycle de réunions, afin de faire le point avec les parties prenantes sur les pistes qu’elles privilégient. M. Éric Doligé. Il ne faut jamais dire « jamais » ! SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2393

M. Victorin Lurel, ministre. … sur les acquis sociaux des ont été condamnés par l’OMC en 2004. Il me semble impor- agents en poste, d’autant qu’ils ne nous semblent pas être la tant, aujourd'hui au Sénat, d’aborder ce sujet qui suscite de la cause de tous les maux outre-mer. C’est, bien au contraire, la frayeur, de dire qu’il y a égalité de traitement entre tous les consommation qui est l’un des principaux moteurs de territoires et que les moyens sont dispensés en fonction de l’économie outre-mer. Monsieur le sénateur Vergès, je critères objectifs. Il nous faut penser dès maintenant l’avenir. rappelle que nous avons toujours, depuis 1946, mené une Dès l’automne dernier, un cabinet d’études indépendant a politique de la demande outre-mer : peut-être faudrait-il aussi donc été missionné pour évaluer l’efficacité du système de lancer une politique de l’offre, mais ce n’est pas à Paris que soutiens publics actuel, dans la perspective notamment de la l’on en décidera. fin des quotas sucriers. Comment se préparer à celle-ci ? Il me semble que nous aurons tout à gagner à accroître la compé- En tout état de cause, remettre en cause les sur-rémuné- titivité-prix de la filière, à augmenter le niveau de production rations serait porter un coup sévère et durable à la croissance, et à intensifier la compétitivité hors prix, qu’il s’agisse de la pis encore au développement économique. Il faut bien y qualité, de la sécurité d’approvisionnement, de la logistique réfléchir avant d’envisager un tel changement. ou de l’exploitation des sous-produits. M. Éric Doligé. Cela mérite un débat. D’ores et déjà, nous avons activé plusieurs leviers. M. Victorin Lurel, ministre. L’économiste Bernard Mendès- France avait publié, voilà très longtemps de cela, une analyse Ainsi, nous travaillons à ajuster au mieux le dispositif d’aide économétrique de la situation à la Réunion : ses conclusions à la filière dans le cadre du programme d'options spécifiques différaient de ce que j’entends aujourd'hui. Il convient de à l'éloignement et à l'insularité, le POSEI, et de l’aide natio- raison garder et de bien mesurer les risques d’une évolution nale. L’étude actuelle doit nous permettre d’identifier objec- aussi fondamentale. tivement les diverses situations, d’évaluer l’efficacité des Le Gouvernement, bien entendu, est là pour proposer des dispositifs de soutiens publics et les éventuels besoins. Ses outils, des moyens, des conventionnements, pour mettre en conclusions sont attendues pour la fin du mois d’avril 2014 et œuvre des politiques publiques spécifiques, mais pas – en elles vous seront communiquées. tout cas, c’est ma conception – pour dire aux élus et aux Nous soutenons également la production de cannes. À cet collectivités locales ce qu’ils doivent faire. égard, la défense du foncier est une préoccupation majeure. Si certaines de vos propositions, monsieur le sénateur, en Plusieurs outils y concourent directement, tels que la particulier en matière institutionnelle, font consensus parmi commission départementale de consommation des espaces les élus locaux, le Gouvernement les accueillera de façon agricoles ou l’optimisation de l’utilisation des terres agricoles, positive, mais il est, je le répète, hors de propos de notamment à travers la mesure sur l’indivision inscrite dans le demander à Paris de décider pour vous. projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de mon collègue Stéphane Le Foll. Si je prends la peine de vous répondre en détail, c’est parce que je ne voudrais pas laisser prospérer de fausses pistes et de Il convient en outre d’analyser le développement de la mauvaises polémiques, reposant par exemple sur l’idée, filière sucres spéciaux et d’accompagner la reconnaissance parfois encore soutenue, en particulier dans la presse réunion- de la qualité, notamment grâce aux indications géographi- naise, qu’un mauvais traitement serait réservé à la Réunion. ques protégées. Je tiens aujourd'hui, à cette tribune, à faire litière de telles Nous nous préoccupons d’encourager les nouveaux débou- affirmations. Ces polémiques, souvent dirigées contre ma chés, au travers de la chimie verte, de l’innovation, de la personne, sont blessantes lorsqu’elles relèvent d’une suspicion recherche. La canne, on le sait, est une plante miraculeuse ! assez systématique et jamais étayée sur mon impartialité. Non, le Gouvernement ne traite pas moins bien Il importe d’assurer la recette rhum des usines, avec le la Réunion, par exemple dans la répartition des contrats maintien du régime fiscal pour le rhum : sur ce point, une aidés. Ainsi, la Réunion a obtenu une enveloppe permettant décision favorable du Conseil européen est intervenue voilà de financer 5 000 emplois d’avenir, contre 1 500 pour la quelques jours. Guadeloupe ou la Martinique. Il est simplement dommage Enfin, nous envisageons la possibilité que les sucres bruts que la Réunion n’ait utilisé que 3 000 de ces emplois. non destinés au raffinage puissent être considérés comme un Non, le Gouvernement n’oublie pas les investissements à la produit sensible dans les accords commerciaux en cours ou à Réunion. À cet égard, je ne citerai qu’un seul exemple : le venir, dès lors que le partenaire est en capacité d’exporter du financement du Pôle sanitaire de l’ouest décidé par ce sucre sur le marché européen gouvernement, qui vient concrétiser une décennie de Au cours du premier semestre de 2014, toute une série de combat acharné mené par votre collègue députée-maire rencontres et de groupes de travail permettra de mutualiser la Huguette Bello au bénéfice de la santé des Réunionnais. réflexion de toutes les parties sur la définition d’une stratégie C’est également ce gouvernement qui concrétise enfin les d’ensemble pour la filière et d’arrêter un plan d’action et engagements pris par l’État dans le cadre du protocole de d’adaptation à la fin des quotas. L’amélioration de la compé- Matignon. Je connais bien sûr votre opinion, monsieur le titivité, le développement du secteur des sucres spéciaux et la sénateur, sur le projet retenu par la région Réunion, mais mise en place des démarches de qualité et de reconnaissance l’État se doit d’être impartial, à la Réunion comme ailleurs, et géographique constituent des orientations qu’il conviendra il ne pouvait priver les Réunionnais des retombées économi- bien entendu d’étudier. ques de cet investissement de 1,6 milliard d’euros. Cette perspective de réforme du mécanisme de soutien au Non, je n’ai jamais décrété la mort de la canne à sucre, secteur sucrier, je le disais, n’est donc en rien une nouveauté : secteur essentiel et stratégique pour la Réunion. J’ai déclaré elle est connue depuis près de dix ans, si bien que le POSEI qu’il fallait anticiper la disparition des quotas sucriers, qui mis en place en 2006 a intégré cette perspective de la fin de 2394 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 l’organisation commune du marché du sucre et qu’une partie Exporter ne s’improvise pas, et il faut maîtriser toute une essentielle de l’aide au secteur est constituée d’une « aide mécanique commerciale pour le faire de manière durable. Un forfaitaire à la réforme de l’OCM sucre ». apprentissage est nécessaire, or quoi de mieux que d’apprendre avec ses voisins ? Il est bien de se lancer à la Le secteur bénéficie depuis de nombreuses années d’un conquête du marché caribéen, mais je pense que nous serions soutien public important aux niveaux tant européen que plus forts pour le faire si nous réussissions d’abord à créer un national. Ces aides ont augmenté de manière inversement véritable marché unique antillais ou – pourquoi pas ? – proportionnelle à la baisse du prix de référence du sucre sur le antillo-guyanais. Les échanges économiques dans l’océan marché européen. Elles ont ainsi favorisé la stabilité écono- Indien avec l’Afrique du Sud, Madagascar ou le Mozambique mique de la filière canne-sucre – j’allais ajouter « rhum » – et sont l’avenir de la Réunion, mais sommes-nous déjà capables permis aux sociétés sucrières de mettre en œuvre des inves- d’augmenter d’abord les échanges entre la Réunion et tissements importants. Mayotte ? Cet apprentissage achevé, ce savoir-faire commer- cial acquis, il faudra aussi penser à la grande exportation, J’ai lu dans la presse et entendu souvent affirmer, ces jours pour ceux qui le pourront. derniers, que ces aides profiteraient plus aux Antilles qu’à la Réunion. Je tiens à répondre sur ce point. On peut entrer Je voudrais également insister sur la question des services. dans le détail des chiffres, mais il faut surtout se concentrer Les outre-mer sont des morceaux de France, et donc sur l’essentiel des aides, s’assurer que leurs modalités corres- d’Europe, dans l’océan Indien, l’océan Pacifique ou l’océan pondent bien aux surcoûts rencontrés par la filière et que le Atlantique. Ils sont pour la plupart d’entre eux des morceaux dispositif de soutien est efficace. d’économies développées – ce terme de « morceaux » a Pour le détail de ces aides, je rappelle que le prix de la soulevé bien des polémiques lorsque nous étions plus canne n’est pas fixé par l’État, mais qu’il est construit à partir jeunes – entourés de voisins qui, souvent, le sont moins. du prix industriel de base auquel s’ajoutent la valorisation Ils offrent donc des services dans certains secteurs demandant énergie, diverses primes liées aux zones difficiles, une aide de hauts niveaux de compétences et des infrastructures publi- nationale à la production de la canne, une fraction de ques efficaces. Cet atout doit être valorisé. l’indemnité compensatoire aux handicaps naturels, une aide au transport… Toutes les aides sont détaillées dans la J’illustrerai mon propos par quelques exemples. J’ai convention canne de chaque département, signée par les organisé au mois de mai dernier, avec ma collègue Fleur planteurs. Pellerin, une journée du numérique en outre-mer, dans le but de donner une information précise aux collectivités et aux Le prix industriel de base d’achat de la canne fixé dans les opérateurs sur la politique du Gouvernement et de mobiliser conventions prévoit un prix d’achat de 34,76 euros par tonne les énergies sur les projets nouveaux, tel le plan « très haut pour une richesse en sucre de 8 % en Martinique, de débit », dans lequel l’État investit beaucoup d’argent. 23,81 euros par tonne pour une richesse de 9 % en Guade- loupe et de 39,49 euros par tonne pour une richesse J’ai reçu la semaine dernière le directeur de la mission « très de 13,8 % à la Réunion. On sait que les variétés de canne haut débit », qui m’a fait un tableau complet de l’avancement sont différentes d’un territoire à l’autre. des projets. Les choses progressent et, si elles maintiennent le rythme, les collectivités d’outre-mer peuvent devenir des Ainsi, en Martinique, le total des aides aboutit à un territoires d’excellence numérique, ce qui les aidera à mieux montant de 84,84 euros par tonne. À la Réunion, la surmonter les handicaps de l’insularité et de l’éloignement. même assiette d’aides s’élève à 85 euros par tonne, sans Le rétrécissement du monde que provoque le développement compter la prime bagasse, qui vient s’ajouter. Il est donc des échanges numériques en ligne est une aubaine pour nos délicat de comparer la situation d’un territoire à celle d’un territoires. autre. Surtout, je crois que nous avons besoin d’être unis sur le sujet, plutôt que de jouer la division. Le précédent de la Le ministère des outre-mer accueillera, le 6 mars prochain, fiscalité sur le rhum est là pour nous rappeler que c’est la réunion du comité consultatif « France très haut débit », seulement en étant unis que nous pouvons gagner des qui examinera les projets de quatre départements d’outre- combats. mer. J’espère que des avis favorables seront donnés et que les fonds d’État seront débloqués pour mettre en œuvre ces Monsieur le sénateur, vos développements sur la nécessaire projets. J’espère aussi que le projet guyanais sera présenté ouverture de nos régions outre-mer sur leur environnement prochainement et que ce département rejoindra le groupe sont naturellement frappés au coin du bon sens. de tête rapidement. Comme certains d’entre vous le savent, une exposition intitulée « Les outre-mer : territoires d’excellence » se tient Enfin, le Gouvernement a annoncé, par la voie d’un actuellement dans les salons du ministère des outre-mer. communiqué commun avec l’Autorité de régulation des Onze entreprises y présentent des produits innovants qui communications électroniques et des postes, l’ARCEP, le démontrent un savoir-faire, souvent ignoré, dans des lancement de la sélection des candidats pour les licences domaines très variés, tels que les cosmétiques, les biotechno- mobiles 4G en outre-mer. logies, l’aquaculture, les chantiers navals, la cartographie, l’utilisation des fibres végétales, l’agroalimentaire. Depuis la journée du numérique en outre-mer que j’avais organisée avec Fleur Pellerin, nous avons, en huit mois, bien Pour trouver des débouchés à ces entreprises, il faut élargir travaillé. Des dossiers majeurs sont entrés dans une phase leurs marchés. Les nôtres sont souvent trop étroits. La opérationnelle pour préparer l’avenir de nos territoires. priorité est donc de réussir l’insertion régionale, mais il faut procéder avec méthode et selon le principe de la récipro- La transition énergétique en outre-mer est un autre sujet cité. crucial, qui a été évoqué par tous. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2395

À la différence de l’Hexagone, qui bénéficie de la produc- Ces mesures prennent la forme de treize propositions tion nucléaire nationale, les outre-mer sont très dépendants d’articles, en cours de négociation interministérielle, dont des énergies fossiles. Ils doivent donc passer du pétrole aux les plus significatives sont la mise en place d’une stratégie énergies renouvelables. de rénovation énergétique du bâti existant et de retrait des Or, en ce domaine, nous sommes riches. Énergie solaire, équipements électriques les moins performants, l’améliora- éolien, géothermie, énergie thermique des mers, biomasse : tion du dispositif des certificats d’économie d’énergie, le une large palette de technologies est utilisable en outre-mer, développement de la filière photovoltaïque en auto- consom- même si certaines ne sont pas encore matures et doivent mation – ce n’est pas nous qui avons cassé le modèle écono- passer par une phase d’expérimentation. Avec la biodiversité, mique du photovoltaïque –, la création d’une redevance cette transition énergétique sera un de nos atouts à long communale en matière de géothermie, l’obligation d’autorité terme, y compris pour relancer le tourisme. organisatrice unique de transports et le développement des bornes de recharge des véhicules électriques – dont la mise en Une fois le savoir-faire acquis, une fois que nos entreprises place a commencé à la Réunion –, l’évolution des paramètres auront une vitrine technologique à valoriser, elles pourront d’analyse des projets de la Commission de régulation de exporter ces compétences dans des pays comparables, notam- l’énergie. ment insulaires. Il faut donc en faire un de nos axes de développement et de compétitivité. Je vous sais particulièrement mobilisé sur ces sujets, monsieur Vergès, et suis convaincu que vous serez au Le Président de la République et le Premier ministre ont rendez-vous du grand débat qui se tiendra lors de l’examen fait de la transition énergétique un enjeu essentiel pour les parlementaire de ce texte, tout comme les autres sénateurs outre-mer. Celle-ci est en conséquence au cœur de l’action qui sont également intervenus sur ce sujet, ainsi que sur le du ministère pour cette année 2014. futur projet de loi sur la biodiversité. M. Jean Desessard. Très bien ! M. le président. Monsieur le ministre, nous vous remer- M. Victorin Lurel, ministre. La transition énergétique est en cions vivement de la précision de vos réponses, mais je dois effet porteuse, dans ces territoires, de la fin de la dépendance vous demander d’être aussi concis que possible, car l’heure du aux importations d’hydrocarbures, d’économies au titre de la débat avec Mme Pellerin sur l’épargne populaire est venue. contribution au service public de l'électricité, la CSPE, et M. Victorin Lurel, ministre. J’avais prévu de répondre préci- donc de la solidarité nationale, par la substitution progressive sément à chacun, mais j’abrégerai donc mon propos. des énergies renouvelables de plus en plus compétitives aux productions électriques thermiques classiques soumises aux Monsieur Frogier, en tant que signataire historique de cours des hydrocarbures, d’opportunités inédites de création l’accord de Nouméa, vous m’interrogez sur la préparation de valeur ajoutée locale et d’emplois non délocalisables, de des élections provinciales qui auront lieu le 11 mai prochain. performance écologique, facteur d’image positive et donc Vous le savez, l’État a un rôle essentiel dans la mise en d’attractivité économique, par exemple sur le plan touris- œuvre de l’accord de Nouméa de 1998. Au même titre que tique, et enfin de respect des engagements internationaux les indépendantistes ou les non-indépendantistes, il en est de la France en matière de décarbonation de son mix énergé- signataire, il en est garant. tique. M. Jean Desessard. Mais c’est très bien, ce que vous dites J’ai toujours dit – et le Premier ministre l’a dit aussi lors du là ! (Sourires.) congrès, en juillet dernier – que l’État était un partenaire à part entière, neutre mais pas inactif, un partenaire engagé M. Victorin Lurel, ministre. Une première mondiale a lieu à pour la réussite du processus de l’accord de Nouméa, mais un Mayotte – on ne le sait pas toujours –, sur l’initiative d’une partenaire attentif aux aspirations de l’ensemble des commu- entreprise locale qui attend la publication prochaine d’un nautés qui composent la Nouvelle-Calédonie d’aujourd’hui, décret sur le stockage de l’énergie. Nous avons très significa- et respectueux des opinions de tous. tivement avancé sur cette question majeure. L’année 2014 est cruciale pour le destin de la Nouvelle- Le débat national sur la transition énergétique a permis une Calédonie. C’est en effet le congrès issu des élections provin- expression complète des enjeux, contraintes et atouts des ciales du 11 mai prochain qui aura la faculté de demander à outre-mer en la matière, que ce soit au travers des débats l’État, à la majorité des trois cinquièmes, d’organiser la régionaux menés dans les territoires et de leur synthèse, consultation prévue par l’accord de Nouméa. Je rappelle ce réalisée en juillet dernier, ou grâce à la contribution du que le Premier ministre avait déclaré le 26 juillet à Nouméa réseau « Pure Avenir », qu’il convient de saluer et qui devant le congrès : sauf à ce qu’une solution réunisse résulte d’une coopération entre la Guadeloupe, la Marti- l’ensemble des forces calédoniennes, la question de l’accès nique, la Réunion et la Corse. de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté sera Le projet de loi en préparation permet une bonne prise en posée, et la consultation prévue se tiendra au plus tard compte des enjeux, contraintes et atouts pour les outre-mer, en 2018, dans les termes prévus par l’accord de Nouméa. car il prévoit, au titre de ses mesures nationales, une évolu- Vous appelez mon attention et celle du Gouvernement sur tion des outils et de la gouvernance de la transition énergé- le processus de révision des listes électorales spéciales, qui tique, un soutien prioritaire à la maîtrise de la demande en débutera lundi prochain. À l’aune des enjeux des prochaines énergie et de l’efficacité énergétique, la lutte contre la préca- élections provinciales, ce processus est, nous sommes rité énergétique, la promotion du développement des d’accord sur ce point, particulièrement important. Comme énergies renouvelables. vous le soulignez, les dispositions qui fixent les conditions Toutefois, des mesures supplémentaires, issues des travaux d’inscription sur la liste électorale spéciale et celles qui préci- spécifiques aux zones non interconnectées, sont proposées et sent les modalités de révision de celle-ci figurent non seule- doivent constituer un véritable titre consacré à l’outre-mer au ment aux articles 188 et 189 de la loi organique du sein de la loi. 19 mars 1999, mais aussi dans le code électoral. 2396 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Comme la révision de la liste électorale générale de droit L’État a-t-il une position à imposer ? Les commissions commun, la révision annuelle de la liste électorale spéciale est mènent leurs travaux en toute indépendance, sous le faite non par les services de l’État en Nouvelle-Calédonie, contrôle du juge. Le juge judiciaire est compétent ; c’est mais par une commission spécialisée mise en place dans donc la Cour de cassation qui, en dernier ressort, tranchera chaque bureau de vote. Au-delà des garanties prévues par les conflits qui surgiront à propos des inscriptions pour les le droit commun électoral, des garanties supplémentaires prochaines élections au congrès de la Nouvelle-Calédonie. relatives à la composition de la commission spécialisée sont Les arrêts des cours suprêmes sont par construction consti- prévues par la loi organique du 19 mars 1999. tutionnels. En outre, en cette matière, l’accord de Nouméa s’applique en Nouvelle-Calédonie comme une Constitution. La première garantie tient à la présence, dans chaque bureau de vote, de deux électeurs de la commune désignés Comme je vous l’ai déjà indiqué, je me garderai bien de sur avis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. En donner un avis personnel. Cela n’aurait aucun sens et mécon- pratique, ils représentent chacune des deux grandes naîtrait les principes mêmes de l’accord de Nouméa. Le tendances politiques calédoniennes, non-indépendantiste et législateur peut limiter le droit de voter dans les limites indépendantiste. À ce titre, ils peuvent intervenir librement, constitutionnelles, c’est-à-dire, en Nouvelle-Calédonie, pour relever les difficultés susceptibles de se poser. celles qui sont fixées par l’accord de Nouméa, mais ce sont les juges qui auront le dernier mot, car le droit de voter est La seconde garantie tient à ce que la présidence de chaque une liberté fondamentale. commission est assurée par un magistrat de l’ordre judiciaire, désigné par le Premier président de la Cour de cassation. La Sur la question du corps électoral restreint, vous pouvez voix de chacun des membres de la commission compte, avoir l’assurance que le haut-commissaire de la République puisque les décisions sont prises à la majorité. La voix en Nouvelle-Calédonie œuvrera pour que l’application des prépondérante du président est celle d’un magistrat indépen- règles de révision des listes électorales soit strictement dant du pouvoir politique, conformément aux termes de conforme à l’intention des signataires de l’accord de l’article 189 de la loi organique du 19 mars 1999. Nouméa ; le Premier ministre l’a encore rappelé hier. Le Gouvernement est particulièrement attaché à ce que la Vous vous interrogez sur la mission du comité spécial de la révision et la mise à jour de la liste électorale spéciale soient décolonisation en Nouvelle-Calédonie. M. Roch Wamytan faites en toute transparence, afin que le processus soit insoup- s’est rendu à New York au mois de janvier. Il y a rencontré le çonnable, que les élections se tiennent dans les meilleures président du comité spécial de la décolonisation, ainsi que le conditions possibles et que la légitimité de leur résultat soit représentant de la France auprès de l’ONU. Il a sollicité la reconnue par tous. venue d’une mission du comité spécial de la décolonisation pendant la période de révision des listes électorales. Le prési- L’État veillera à mettre à la disposition des membres des dent de cette instance s’y est déclaré favorable. commissions spéciales tous les éléments qu’ils solliciteront afin de leur permettre de mener à bien leur mission. Un Le Gouvernement ne voit aucune objection à la venue effort significatif sera fait tant par les magistrats qui préside- d’une mission de travail du comité spécial de la décolonisa- ront les commissions que par les délégués du haut-commis- tion début mars, afin de poursuivre le dialogue avec cette saire, afin d’informer le plus en amont possible les personnes instance et les explications sur les conditions de révision des concernées sur les démarches qu’elles doivent accomplir et listes électorales spéciales pour le scrutin des élections provin- sur les pièces qu’elles doivent produire afin d’être inscrites ou ciales de mai prochain. J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire maintenues sur la liste électorale spéciale. personnellement, mais je le redis devant la représentation nationale : il s’agit bien d’une mission de travail, et certaine- J’en viens aux demandes de radiation que vous avez ment pas d’une mission d’observation électorale ou d’une évoquées, monsieur Frogier. Pardonnez-moi d’être long, mission de supervision ou de contrôle. Tel est bien d’ailleurs monsieur le président, mais il faut être précis, car le sujet le sens que donne à cette mission le président du comité est délicat. spécial de la décolonisation. Il n’est pas illégal de demander la radiation d’électeurs de Vous le savez, la France a une tradition de collaboration listes électorales. C’est une pratique courante, et pas seule- avec le comité spécial de la décolonisation au sujet de la ment en Nouvelle-Calédonie. Comme le Gouvernement l’a Nouvelle-Calédonie ; cette visite s’inscrit dans ce cadre. Je toujours indiqué, il n’est pas possible de préjuger du bien- veux l’affirmer avec la plus grande solennité à l’intention de fondé de ces demandes ; je sortirais de mon rôle si, à ce stade, tous mes compatriotes calédoniens : non, il n’y a pas de je portais la moindre appréciation à leur sujet. soupçon qui pèse sur vous qui travaillez à la révision des listes, pas plus ici qu’à New York ; non, vous n’êtes l’objet Les commissions qui se réuniront à partir de la semaine d’aucune vindicte. prochaine disposent de tous les moyens pour mener à bien leurs travaux, d’autant que – c’est une spécificité calédo- L’État français et le gouvernement de la Nouvelle- nienne – sont membres de ces commissions deux électeurs Calédonie travaillent avec l’ONU depuis de nombreuses de la commune, représentant les deux grandes familles politi- années. Il n’y a là rien d’exceptionnel, et tous, au sein du ques. Il n’y a pas d’automaticité dans la radiation – ni dans comité des vingt-quatre, se félicitent du travail mené par la l’inscription, d’ailleurs –, et chaque membre de la commis- France et par tous les Calédoniens depuis vingt-cinq ans. sion, mais aussi chaque électeur concerné, est à même de présenter ses observations et, si nécessaire, les justificatifs S’agissant de la proposition de loi constitutionnelle que requis. vous souhaitez présenter, vous savez que l’arithmétique politique ne lui permettrait pas de prospérer. Pour organiser Les décisions de la commission seront susceptibles d’un une réunion exceptionnelle du comité des signataires, il recours gracieux et d’un recours contentieux, avec possibilité faudrait avoir l’accord de toutes les parties ; une telle de pourvoi en cassation. réunion ne pourra donc pas se tenir. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2397

Comme l’a fait le Premier ministre hier à l’Assemblée 6 nationale, j’en appelle au sens des responsabilités de chacun. Nous devons tous peser nos mots et y réfléchir à plusieurs fois avant d’engager une action. Le processus DÉBAT SUR L’ÉPARGNE POPULAIRE électoral doit se dérouler dans les meilleures conditions, afin que l’on ne puisse douter du sens du vote. Aucun M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur soupçon ne doit être possible. l’épargne populaire, organisé à la demande du groupe UDI-UC. Pour conclure, j’ai entendu les interpellations des orateurs La parole est à Mme Françoise Férat, au nom du sur la vie chère. Notre priorité, c’est d'abord le développe- groupe UDI-UC. ment économique, l’emploi et la défense du pouvoir d'achat. Nous luttons contre tous les lobbies. Il faut du courage Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame la politique pour s’attaquer à ce lourd dossier. Le Gouverne- ministre, mes chers collègues, l’épargne populaire peut recou- ment n’a pas cédé ; nous avons prélevé 27 millions d'euros : vrir deux notions : d’une part, elle désigne l’épargne régle- 23 millions aux Caraïbes et 4 millions à Mayotte. À mentée dont les conditions de fonctionnement sont fixées la Réunion, les conséquences de la mise en œuvre de l’article par les pouvoirs publics ; d’autre part, elle peut désigner 1er de la loi relative à la régulation outre-mer se feront sentir l’épargne répandue largement auprès de la population. d’ici au mois de mai. Bien évidemment, notre propos se concentrera essentielle- ment sur l’épargne réglementée. Il ne s’agit pas d’être dithyrambique, mais nous avons L’épargne réglementée constitue encore et toujours un changé de paradigme. Aidez-nous, notamment lors du élément incontournable dans la structure de l’épargne natio- prochain débat sur le plan d’action pour la croissance, le nale. En France, nous épargnons en moyenne de 15 % développement et l’emploi dans les économies ultramarines, à 16 % de nos revenus, ce qui représente plus de à faire prospérer cette ambition, qui rejoint celle qu’a 4 262 milliards d’euros. Cet effort général de préparation évoquée M. Cointat. (Applaudissements sur les travées du de l’avenir est l’un des plus importants en Europe et dans groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Christian le monde. Il y a certes les titres financiers, l’assurance vie et les Cointat applaudit également.) dépôts bancaires, mais il y a aussi l’épargne populaire. L’épargne réglementée représente près de 10 % de cette masse considérable, soit 415 milliards d’euros : c’est plus M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la que la dépense annuelle de l’État ; c’est l’équivalent de près situation des outre-mer. de cinq années de déficit public. Ne soyons pas effrayés par ces montants vertigineux. Ce sujet concerne l’ensemble de nos concitoyens. En effet, 5 l’épargne réglementée est la question populaire par excel- lence : il existe plus de 95 millions de livrets d’épargne régle- mentée en France, et le phénomène concerne aussi bien les NOMINATION DES MEMBRES D’UNE personnes physiques que les personnes morales. On ouvre un MISSION D’INFORMATION livret A pour les nouveaux-nés ou pour garder une épargne disponible à toute heure. On ouvre un livret d’épargne populaire, un LEP, lorsque l’on est en situation de fragilité M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté une liste de candidats pour la mission financière. On ouvre un livret de développement durable, d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des un LDD, ou un plan d’épargne logement, un PEL, pour exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises. préparer son avenir. Tous nos concitoyens sont concernés. Au-delà de son indéniable fonction intégratrice et sociale, La présidence n’a reçu aucune opposition. l’épargne populaire permet, grâce au travail de la Caisse des dépôts et consignations, de corriger les imperfections du marché. L’épargne populaire est l’un des outils incontourna- En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame : bles du financement à long terme et de la réalisation de projets dans les secteurs a priori délaissés par l’initiative M. Gilbert Barbier, Mme Patricia Bordas, MM. Martial privée ; je pense bien évidemment au logement social. Bourquin, Jean-Pierre Caffet, Mme Caroline Cayeux, Or, depuis la loi de modernisation de l’économie du MM. Jacques Chiron, Serge Dassault, , 4 août 2008 et le décret du 18 septembre 2012, le paysage Marc Daunis, Mme Michelle Demessine, MM. Jean Deses- et les pratiques de l’épargne populaire ont été profondément sard, Philippe Dominati, Daniel Dubois, Mmes Anne bouleversés. Nous sommes passés d’une épargne concentrée Emery-Dumas, Frédérique Espagnac, M. , dans les mains de certains établissements – la Caisse Mme Colette Giudicelli, MM. Francis Grignon, Charles d’épargne, La Poste ou le Crédit mutuel – à une épargne Guené, Jean-François Husson, Mme , diffuse, répandue universellement dans l’ensemble des M. Dominique de Legge, Mme Marie-Noëlle Lienemann, banques et dont les plafonds de versement ont récemment MM. Gérard Longuet, Roland du Luart, Didier Marie, Jean- doublé. Jacques Mirassou, Aymeri de Montesquiou, Jackie Pierre, Jean-Pierre Plancade, Hervé Poher, Charles Revet, Ces réformes avaient pour objet de répondre non seule- Dominique Watrin membres de la mission d’information ment à une demande croissante d’investissement dans le sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de logement social, mais aussi à de nouvelles missions conférées cotisations sociales accordées aux entreprises. à la gestion de l’épargne populaire. Ainsi, le financement de 2398 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 l’économie ou du développement durable se sont imposées ans, ce produit d’épargne a donc gagné 14 millions de bénéfi- comme de nouvelles exigences collectives auxquelles les ciaires supplémentaires, soit un peu plus de 2 millions par an, pouvoirs publics ont dû s’adapter. pour un encours total lui-même en progression : il atteignait 266 milliards d’euros à la fin de 2013. C’est 126 milliards Le Parlement n’a pas vraiment eu l’occasion de dresser un d’euros de plus qu’en 2007, soit une croissance de près bilan de ces différentes réformes depuis 2008. Tel est donc de 90 % en six ans. Ce montant est d’ailleurs en augmenta- l’objet de ce débat demandé par le groupe UDI-UC : il s’agit tion régulière, avec une collecte nette de 28,3 milliards de faire le point sur la profonde mutation que l’épargne d’euros pour les livrets A et les LDD au 31 décembre de populaire a connue ces dernières années. l’année dernière. Près de six ans après l’entrée en vigueur du premier volet de cet important chantier législatif, il est temps de dresser un Plus spécifiquement, ces quelque 415 milliards d’euros premier bilan et de tracer les contours de cette nouvelle d’épargne populaire se décomposent de la manière suivante : épargne populaire qui se dessine sous nos yeux. Ce débat 64 millions de livrets A, pour un encours de 266 milliards doit également nous permettre de relayer auprès du Gouver- d’euros, ce qui en fait le produit phare de l’épargne nement quelques inquiétudes qui sont remontées du terrain. populaire ; 10 millions de LEP, pour 48 milliards d’euros d’encours, soit des montants stables depuis 2002, ce dont il Tout d’abord, un premier constat chiffré : en 2008, le pays faut se féliciter ; 25 millions de LDD, pour un encours de comptait 50 millions de livrets ; en 2013, il y en a plus de 101 milliards d’euros. 64 millions. La présentation de ces quelques chiffres montre à quel Cette croissance majeure a des causes spécifiques. Je point le paysage de l’épargne populaire a changé ces dernières souhaite, madame la ministre, mes chers collègues, revenir années. Elle a gagné en superficie, notamment grâce au succinctement sur les grandes étapes qui ont conduit à cette travail des nouveaux distributeurs, et en profondeur, par le profonde évolution. doublement des plafonds. er Revenons quelques années en arrière : au 1 janvier 2008, Néanmoins, l’épargne populaire semble aujourd’hui avoir à le paysage de l’épargne populaire restait structuré par une relever deux défis majeurs pour conserver la confiance de nos idée simple. Les livrets réglementés permettent aux plus concitoyens : le défi de la stabilité et celui de la visibilité. modestes d’épargner et à tout le monde de garder une réserve de précaution ou de trésorerie parfaitement liquide. En matière de visibilité, il s’agit de préciser aujourd’hui Cette épargne permettait de financer soit le logement social, quelles sont les finalités de l’épargne populaire. Le livret A et soit le logement pour ceux qui étaient les principaux bénéfi- le LDD ont cette particularité de répondre non seulement à ciaires de ces produits. l’intérêt de l’épargnant, mais aussi à celui de la banque gestionnaire et de la collectivité. Ce paysage était néanmoins fragmenté, comme le montre l’exemple du livret A : on comptait alors un peu plus de En effet, la mission initiale de la Caisse des dépôts et 24 millions de livrets A ouverts auprès des caisses consignations était de financer la dette de l’État par d’épargne et 21,1 millions auprès de la Banque postale, l’épargne nationale au sortir des guerres napoléoniennes. ainsi que 5,6 millions de livrets bleus ouverts auprès du Une fois la situation assainie, la Caisse des dépôts et consi- Crédit mutuel. Cela représentait un encours total de gnations est devenue le fer de lance des pouvoirs publics dans l’ordre de 140 milliards d’euros, soit environ 4 % de la préparation de l’avenir. Je profite de ce débat pour saluer le l’épargne totale des Français. sérieux et le professionnalisme de cette institution, reconnus Pourtant, les analyses de Michel Camdessus, dans son de tous. rapport de 2007, laissaient présager une rupture dans le On assimile avec raison l’épargne populaire au logement financement du logement social à l’horizon 2012. Plusieurs social, mais l’équation comporte aujourd’hui de nouvelles années de collecte modeste avaient alors suffi à laisser variables. présager le pire. Il fallait agir ; c’est ce que le législateur a fait. Il existe maintenant, tout d’abord, une variable sociale : Ainsi, la loi de modernisation de l’économie a considéra- l’épargne populaire reste inégalement abondée dans blement étendu le réseau de distribution des produits régle- l’ensemble du territoire, ce qui montre qu’il y a peut-être mentés, puisque, depuis l’entrée en vigueur de ce texte, encore des progrès à faire dans la mise en valeur du droit au l’ensemble des établissements bancaires sont compétents en compte et de l’accessibilité bancaire. D’une manière générale, la matière. Cette extension du réseau, même si elle répondait près de 80 % des dépôts sont concentrés sur 20 % des livrets. aussi à un problème de concurrence entre banques pointé par Sur les 64 millions de livrets A, l’encours de 29,2 millions est les institutions européennes, est parvenue à atteindre son inférieur à 150 euros et celui de 5,9 millions, qui sont inactifs objectif : la croissance du nombre d’ouvertures de livrets a depuis plus de dix ans, est inférieur à 30 euros. L’ensemble de permis de lever des fonds considérables et de pérenniser le ces livrets peu alimentés représente néanmoins un encours de financement du logement social. 833 millions d’euros, sur un total de 266 milliards d’euros. Une nouvelle avancée majeure est intervenue en 2012 : Sur le plan géographique, on retrouve un phénomène prenant acte des objectifs du Gouvernement en matière de similaire : le nord de la France, notamment les régions construction de logements sociaux – de l’ordre de 500 000 Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Haute-Normandie, ainsi par an –, le décret du 18 septembre 2012 a ouvert la voie au que la Corse, sont les régions les moins engagées dans doublement du plafond de versement des livrets réglementés. l’épargne populaire. Inversement, la collecte est d’autant Cette réforme semble avoir « dopé » la collecte en 2012 et plus dynamique que le niveau de vie est élevé ; c’est le cas en 2013. Aujourd’hui, le seul livret A profite, d’après les en Île-de-France ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cela données émanant de la Caisse des dépôts et consignations, signifie simplement que l’épargne populaire reflète les inéga- à près de 64 millions de personnes. En un peu moins de six lités qui traversent notre société. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2399

Guizot encourageait tout un chacun à s’enrichir par le Bien qu’impressionnante, cette somme doit être mise en travail et par l’épargne, conseil qui reste, mes chers collègues, regard des encours que j’ai déjà cités. Ce phénomène reste d’une brûlante actualité. Si cet effort reste vital pour la néanmoins symptomatique des craintes de nos épargnants. nation, il ne tient qu’à nous de faire en sorte que, à l’avenir, il demeure un gage de progrès social pour tous. La première de ces craintes tient à la rentabilité du place- L’épargne populaire doit donc participer à la croissance et ment. En effet, comment assurer une rémunération compé- à la prospérité. titive de ces titres d’épargne dès lors que le volume des encaisses augmente ? Le rapport Duquesne du Le financement de l’économie est ainsi devenu une priorité 19 septembre 2012 a ainsi préconisé de revoir le mode de nationale. C’était déjà l’esprit du rapport thématique de la calcul de la rémunération des livrets A et de poursuivre la Cour des comptes de juillet 2012 ; c’est également l’esprit qui politique de relèvement du plafond de 25 % en 2015 et a présidé à la création de la Banque publique d’investisse- en 2016. ment ; c’est l’esprit qui inspire désormais la gestion d’une partie de l’épargne populaire. Dans le même temps, l’assurance vie a retrouvé un attrait certain, notamment à la suite des annonces faites lors de la En 2013, 20,7 milliards d’euros de prêts nouveaux sur publication du rapport de Karine Berger, puis après l’entrée fonds d’épargne ont été accordés, contre moins de 5 milliards en vigueur de la dernière loi de finances rectificative. L’assu- d’euros par an au début des années 2000, et des efforts rance vie devient de plus en plus attractive et pourrait capter importants sont réalisés en ce moment même. Ces prêts une partie des sommes a priori destinées à l’épargne sont au service de la satisfaction de besoins d’intérêt populaire. Je ne doute pas que cette tendance se trouvera général de long terme et accompagnent les politiques publi- renforcée lorsque le Parlement aura adopté la proposition de ques et le développement économique. Ils pallient également loi relative aux contrats d’assurance vie en déshérence de la carence du marché dans le financement à long terme du Christian Eckhert, texte dont le pendant au Sénat était la secteur public local. Nous savons tous, en tant qu’élus locaux, proposition de loi qui avait été déposée par notre collègue combien nous en avons besoin en cette époque de baisse des Hervé Maurey et que j’avais cosignée. dotations aux collectivités. En outre, la création de nouvelles catégories d’assurance vie Depuis juillet dernier, le Gouvernement et la Caisse des en faveur du développement économique ne pourra que dépôts et consignations ont décidé de franchir une étape jouer contre les livrets, réglementés certes, mais dont les supplémentaire en mettant à disposition des réseaux taux d’intérêt tendent à baisser à mesure que l’inflation bancaires une enveloppe de 30 milliards d’euros centralisés stagne. par les fonds d’épargne de la Caisse, à raison de 10 milliards La deuxième de ces craintes tient aux signaux contradic- d’euros sur le LEP et de 20 milliards d’euros sur le livret A et toires envoyés par le Gouvernement aux épargnants. Ainsi, le LDD. Ces ressources permettront aux banques de prêter après avoir martelé pendant des mois qu’il fallait soutenir la davantage pour le financement de l’économie, principale- consommation, il a fait voter la loi sur le déblocage de ment au bénéfice des petites et moyennes entreprises. l’épargne salariale pour répondre à cette exigence. La construction d’une politique durable du développement L’effort d’épargne des Français est impressionnant, mais il s’inscrit en filigrane dans les objectifs du logement social et n’est pas illimité. On ne peut pas les encourager le matin à du financement de l’économie. Le LDD, bien que moins verser de l’argent sur leur livret A pour soutenir le logement dynamique que les autres produits de l’épargne populaire, social, leur rappeler que leur LDD participe à la sauvegarde selon l’Observatoire de l’épargne réglementée, autorise le de l’environnement à midi et leur enjoindre de consommer le financement de projets d’avenirs et la construction de soir. Cette multiplication des signaux et des espoirs fondés en logements selon les normes environnementales les plus l’épargne populaire nuit à la dynamique de celle-ci, pourtant abouties. relancée en 2008. Je m’interroge néanmoins. Le fonds d’épargne centralise Il faut revenir à la pratique traditionnelle des Français en 65 % des sommes versées sur livrets A et LDD et 50 % des matière d’épargne, s’agissant particulièrement du livret A. sommes alimentant le LEP : il y a donc une masse de Hormis les mineurs, dont l’épargne sera convertie en 170 milliards d’euros, collectés par les banques au titre de permis de conduire à leur majorité, les placements servent l’épargne populaire, qui ne transite pas par le mécanisme de de « poire pour la soif » ou de caisse en cas de « coups durs ». transformation de la Caisse des dépôts et consignations, alors La facilité de virement et d’utilisation permet de mettre de que ces sommes doivent normalement servir les mêmes côté pour financer les séjours de vacances, pour remplacer un objectifs que celles qui sont centralisées par la Caisse. De appareil électroménager qui tombe en panne ou pour avoir quelles garanties disposons-nous sachant que la seule obliga- des liquidités s’il faut réparer la voiture ou changer la tion des banques est celle d’une transmission d’information à chaudière. N’oublions pas que la consommation dépend l’Observatoire de l’épargne réglementée ? Comment ces des besoins ! sommes sont-elles gérées ? Madame la ministre, pouvez- vous nous éclairer sur ce point et dresser un premier bilan Enfin, une crainte s’élève progressivement depuis plusieurs de l’utilisation de cette nouvelle enveloppe de 30 milliards semaines quant aux appétits que l’État pourrait manifester en d’euros ? période de disette budgétaire. Même si un équilibre a été trouvé entre la mutation rapide En effet, comme je l’ai déjà dit, la mission historique de la des contours de l’épargne et l’évolution de ses usages collec- Caisse des dépôts et consignations était de participer au tifs, on a pourtant pu observer avec regret un phénomène de financement de l’État. Cette mission ne risque-t-elle pas de décollecte entre septembre et novembre 2013, avec une revenir sur le devant de la scène à l’occasion de la grave crise déperdition de près de 1 milliard d’euros. budgétaire que nous traversons ? 2400 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

L’hypothèse de taxation des comptes d’épargne, déjà Je vous remercie par avance, madame la ministre, des évoquée rapidement par le FMI, puis presque mise en réponses que vous voudrez bien apporter aux quelques œuvre lors de la crise chypriote du printemps 2013, semble questions que j’ai soulevées. (Applaudissements sur les travées avoir laissé des traces dans les choix effectués par les de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du épargnants. La proposition d’assujettissement de nombreux groupe socialiste et du groupe écologiste.) produits d’épargne à des hausses complexes de prélèvements (M. Jean-Claude Carle remplace M. Jean-Pierre Raffarin au sociaux lors de la discussion du dernier PLFSS semble avoir fauteuil de la présidence.) achevé de convaincre de nombreux épargnants que les livrets réglementés ne resteraient plus longtemps la forteresse inexpugnable de l’épargne quotidienne. De grandes incerti- PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE CARLE tudes sont apparues et ont causé manifestement le phéno- vice-président mène de l’automne dernier. M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau. La fiscalisation, ou du moins la création de prélèvements M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la sociaux ou de ponctions sur ces produits, viderait les livrets ministre, mes chers collègues, comme vient de le préciser réglementés de leur substance et nous priverait de l’un des Françoise Férat, les finalités de l’épargne populaire ont consi- atouts économiques majeurs de notre pays. L’épargne natio- dérablement évolué dans le temps. nale, notamment l’épargne populaire, est un levier majeur de notre force économique. Nous disposons de produits sains, Les premières opérations d’épargne populaire remontent robustes et accessibles à tous. au XIXe siècle, lorsque, en pleine révolution industrielle, il fallait permettre aux populations qui venaient exercer des C’est en partie grâce à l’existence de cette manne financière métiers nouveaux et commençaient à gagner un peu que l’État conserve la confiance de ses créanciers, en dépit de d’argent d’accéder à la banque. C’est ainsi que les caisses la dégradation de notre note souveraine. Toutes les agences d’épargne ont été créées en 1818 et se sont développées de notation s’accordent à reconnaître qu’un pays qui prépare ensuite, au service de l’intérêt public que représentait son avenir, c’est un pays qui épargne et qui rassure ses l’accès des classes populaires à l’épargne. À l’époque, ce créanciers. Une épargne populaire saine, c’est un gage de mouvement accompagnait celui de la scolarisation et la crédibilité pour l’État, c’est un gage de sécurité pour ceux formation à l’épargne se faisait dans les écoles, les premières qui financent notre endettement. caisses d’épargne ayant été créées autour d’instituteurs qui sensibilisaient les enfants à l’épargne, afin que ceux-ci appren- Fiscaliser de plus en plus l’épargne réglementée pourrait nent ensuite à leurs parents comment gérer leur argent. avoir pour effet néfaste de faire sortir cet actif du circuit économique et d’alimenter les matelas ou les bas de laine. M. Charles Revet. C’était simple et efficace ! Les plus joueurs tenteront de convertir cette épargne en M. Joël Guerriau. Du financement de la dette publique pièces de monnaie et de jouer à l’oncle Picsou. Plus sérieu- jusqu’au financement de l’économie, un objectif est resté sement, on en conviendra, cela ne serait vraiment pas profi- constant depuis plus d’un siècle : le financement du table à l’économie ! logement social. Il serait particulièrement dommageable de consommer, par Cette priorité donnée au logement social est l’esprit même des prélèvements, l’effort de l’ensemble de la population en de l’épargne populaire. C’est un cercle vertueux : l’épargne faveur de l’avenir. Ce serait affaiblir de surcroît la Caisse des accessible aux plus modestes permet de financer à long terme dépôts et consignations et compromettre l’accomplissement la construction des logements sociaux. L’épargne populaire des différentes missions des fonds d’épargne. Je crois ferme- s’est ainsi imposée comme le vecteur historique de la solida- ment qu’il s’agit d’une limite, d’une ligne rouge à ne pas rité entre des générations successives de locataires. Cette franchir, sauf à plonger dans des eaux troubles et inconnues. boucle vertueuse ne peut fonctionner que si sont réunies deux conditions sur lesquelles je centrerai mon propos : le M. Charles Revet. Très bien ! progrès dans l’accessibilité bancaire et le droit au compte, ainsi que l’efficience du financement du logement social. Mme Françoise Férat. Pour conclure ce rapide bilan, mes chers collègues, je dirai que les réformes de l’épargne L’épargne populaire n’est véritablement populaire que populaire engagées ces dernières années ont, semble-t-il, été lorsqu’elle peut devenir la chose de chacun. Aussi l’accessibi- une véritable réussite, si l’on fait exception du « trou d’air » lité bancaire et le respect du droit au compte sont-ils des observé il y a quelques mois. principes essentiels pour que l’épargne populaire continue de jouer son rôle social. Le Parlement doit tout de même jouer un rôle dans cette affaire. La Caisse des dépôts et consignations est un acteur D’importants progrès ont été réalisés depuis 2008. La loi de incontournable de la gestion de l’épargne populaire. Cette modernisation de l’économie, dite LME, en permettant la institution étant placée sous la protection du Parlement, ne diffusion de l’épargne réglementée à toutes les banques a pourrions-nous pas convenir ensemble, pour l’avenir, d’orga- contribué à mettre l’épargne populaire à la portée de tous. niser autour de son président, à l’image de la remise solen- Je tiens notamment à souligner le rôle pivot joué depuis six nelle en séance publique du rapport annuel de la Cour des ans par la Banque postale en la matière, puisque celle-ci doit comptes, une séance, annuelle également, dédiée à l’épargne respecter des obligations qui ne s’imposent pas aux autres populaire et aux activités de la Caisse des dépôts et consi- banques. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, la gnations ? Cette démarche solennelle donnerait plus de corps Banque postale doit ouvrir un livret A à toute personne à ce dispositif fondamental pour notre économie et notre qui en fait la demande, effectuer gratuitement et sans solidarité. Les parlementaires non membres de la commission limite les opérations de dépôt et de retrait à partir de des finances pourraient ainsi appréhender ces enjeux plus 1,5 euro – au lieu de 10 euros pour les autres établissements aisément. bancaires –, accepter les domiciliations de virements et de SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2401 prélèvements de certaines opérations, notamment au profit Au-delà du caractère abstrait de ces chiffres, l’effort des minima sociaux, octroyer gratuitement et sans limite des d’épargne trouve une traduction concrète au service de la chèques de banque ou encore effectuer gratuitement des collectivité. Le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et virements sur le compte à vue du titulaire du livret A. consignations a ainsi financé, en 2012, d’après les données les Les derniers chiffres mis à disposition par l’Observatoire de plus fermement établies, la construction ou l’acquisition de l’épargne réglementée font état du succès remporté par cette plus de 105 000 logements, au lieu de 120 761 en 2011, et a politique volontariste. À la fin de l’année 2012, la Banque contribué au financement de la réhabilitation de plus de postale disposait de plus de 19 millions de livrets A sur les 210 000 logements. 64 millions qui existent en France. Or près de 54 % de ces Parmi ces 105 000 logements, plus de 22 000 relèvent de livrets présentent un encours inférieur à 150 euros. Le l’habitat spécifique. Nous parlons ici de centres d’héberge- livret A étant ouvert à tous, il reflète l’état de la société ment, de résidences ou de foyers d’accueil. Cet effort histo- française, avec ses inégalités, au travers de la collecte de rique de la Caisse répond ainsi à des besoins non couverts par l’épargne populaire. le marché du logement. Il existe néanmoins des produits destinés à faciliter l’acces- Il est certain que ces résultats, s’ils sont probants, ne sont sibilité bancaire et réservés à ceux de nos concitoyens qui pas au niveau des objectifs fixés par le Gouvernement lors de connaissent les situations financières les plus fragiles : je pense la présentation, en 2013, du « plan d’investissement pour le notamment au livret d’épargne populaire. logement », qui prévoyait la construction de Le nombre de LEP ouverts est resté stable depuis 2002, 150 000 logements sociaux par an. Or, depuis le début des alors que la crise a durement frappé nos concitoyens. Les années 2000, il est apparu comme une constante que ces critères d’éligibilité au LEP sont effectivement restrictifs, dès plans ont toujours contribué à tirer la construction et l’évolu- lors qu’il faut nécessairement être exonéré de l’impôt sur le tion du parc locatif social vers le haut. revenu pour pouvoir en bénéficier. Or le LEP est rémunéré Ce parc, qui compte actuellement 4 400 000 logements, plus généreusement que le livret A, le taux servi étant croît en moyenne de 1,5 % par an, selon les données fournies supérieur de 0,5 point. par la Caisse. En 2011, la croissance nette du parc a été de L’effet redistributif du LEP devrait être amplifié à la suite l’ordre de 73 000 logements, avec plus de 100 000 logements de la revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu. Un produits et 27 000 logements sortis du parc. Parmi ces important débat sur ce sujet a eu lieu à l’Assemblée nationale, derniers, 19 000 ont été démolis, mais 8 000 ont été pendant l’examen du projet de loi de finances rectificative vendus aux particuliers. pour 2013 : l’éventualité d’ouvrir l’accès au LEP à plus de La politique du logement social appuyée par l’épargne 7 millions de foyers supplémentaires en retenant comme populaire, c’est certes la construction, mais c’est aussi l’entre- critère le revenu fiscal de référence, et non plus l’impôt tien, la rénovation, la modernisation ainsi que l’accompagne- effectivement payé, avait alors été évoquée. ment des locataires vers l’accession à la propriété – n’oublions L’accessibilité bancaire est donc l’une des vocations de pas non plus l’adaptation des logements pour les personnes l’épargne populaire. Elle l’enrichit tant en alimentant ses handicapées. encours qu’en lui donnant une vocation sociale, et donc De nombreux efforts restent à fournir. La décollecte finalement populaire. observée à l’automne dernier, couplée à la crise du mal- En ce qui concerne le financement du logement social, le logement, tend à remettre en cause la boucle vertueuse de rapport Camdessus de 2007 était relativement pessimiste l’épargne populaire. Il est donc de la responsabilité des quant à sa pérennité. C’était avant la relance de la dynamique pouvoirs publics, et notamment du Parlement, de veiller à de la collecte par la loi de modernisation de l’économie ce que l’épargnant puisse toujours contribuer, par son effort, de 2008. à cette grande entreprise de progrès social qui profite aux banques, à l’État, à la collectivité, mais aussi, et surtout, aux Les objectifs de financement ont-ils été remplis six années épargnants eux-mêmes. (Applaudissements sur les travées de après l’amorce de ces réformes ? À en croire le dernier rapport l’UDI-UC.) de l’Observatoire de l’épargne réglementée, les capacités des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations sont M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi. devenues excédentaires par rapport aux objectifs fixés. Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remer- Le régime de centralisation des encaisses mis en place par cier le groupe UDI-UC d’avoir demandé l’inscription de ce la LME de 2008 et définitivement entré en vigueur en 2011 débat à notre ordre du jour. permet désormais aux fonds d’épargne de disposer de près de 65 % de l’ensemble de la masse de l’épargne réglementée, Permettez-moi de débuter mon propos par une citation : soit plus de 255 milliards d’euros à la fin de l’année 2012. Ce « Le taux de centralisation des dépôts collectés au titre du levier a permis à la Caisse des dépôts et consignations de livret A et du livret de développement durable est fixé de démontrer, une fois de plus, que la politique de soutien au manière à ce que les ressources centralisées sur ces livrets dans logement social constitue le cœur de ses activités. le fonds prévu à l’article L. 221-7 soient au moins égales au montant des prêts consentis au bénéfice du logement social et Le montant des prêts signés en 2012 au profit du logement de la politique de la ville par la Caisse des dépôts et consi- social et de la politique de la ville s’est élevé à 14,9 milliards gnations au titre de ce même fonds, affecté d’un coefficient d’euros. Ces crédits ont été consentis sous forme de prêts multiplicateur égal à 1,25. […] directs, à hauteur de 12,4 milliards d’euros, ou indirects, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, via le refinancement « Les ressources collectées par les établissements distribuant d’établissements bancaires consentant des prêts locatifs le livret A ou le livret de développement durable non centra- sociaux, des prêts locatifs intermédiaires et des prêts lisées en application des alinéas précédents sont employées sociaux location-accession. par ces établissements au financement des petites et 2402 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur pour les finances publiques et le bonheur des 40 000 contri- développement, ainsi qu’au financement des travaux buables concernés, est double de celui de l’exonération des d’économie d’énergie dans les bâtiments anciens. […] Les intérêts du LDD pour 24,6 millions de livrets ! Pour les uns, établissements distribuant le livret A ou le livret de dévelop- c’est 9,15 euros d’exonération par livret, et pour les autres, pement durable rendent public annuellement un rapport c’est 11 000 euros de réduction d’impôt ! présentant l’emploi des ressources collectées au titre de ces deux livrets et non centralisées. » Le problème du devenir de l’épargne populaire est donc éminemment politique. Le Gouvernement, alors même que Dans ces extraits du code monétaire et financier se les politiques d’austérité à l’œuvre en Europe conduisent retrouve, à notre avis, le fond de notre débat de ce jour. désormais à la déflation – à force de comprimer les Je compléterai cette introduction en rappelant que, dans salaires, on finit par faire baisser les coûts de production –, son programme présidentiel, le candidat François Hollande ne peut se permettre de réduire encore le taux de rémunéra- avait, entre autres mesures, annoncé le doublement du tion du livret A. plafond du livret de développement durable, garanti une Il va falloir aussi s’expliquer sur l’usage de la collecte. Nos rémunération du livret A supérieure à l’inflation et petites et moyennes entreprises ont des difficultés d’accès au annoncé, pour favoriser la construction de logements crédit, que quelques rêveurs pensent résoudre en permettant sociaux, le doublement de son plafond. aux plus « performantes » d’entre elles d’accéder aux marchés Au point où nous en sommes, rappelons donc que le taux financiers, alors même que la cotation en bourse est d’un de rémunération du livret A est aujourd’hui de 1,25 % et que coût encore plus élevé ! son plafond n’a pas été doublé, mais n’a été porté qu’à Des centaines de milliers de nos compatriotes sont mal 22 950 euros, au lieu de 15 300 euros au printemps logés, privés de logement ou résident dans des gourbis insalu- de 2012. À la vérité, le Gouvernement semble bel et bien bres, portant atteinte à la dignité humaine et à la décence la avoir changé son fusil d’épaule en matière d’épargne plus élémentaire ! populaire, puisque la baisse de la rémunération des livrets défiscalisés, issue de la formule de calcul « Raffarin », a Nous devons, dans le même temps, mener des politiques provoqué une relative décollecte ces derniers temps. audacieuses et déterminées de transition énergétique et écolo- gique, développer, en particulier, une offre de transports Mais le magot du livret A, comme celui du LDD ou des alternatifs à l’automobile. autres formules de livrets défiscalisés, continue d’intéresser au plus haut point les banquiers qui, en 2008, sur l’initiative Or, aujourd’hui, le Gouvernement laisse les plus récents d’établissements comme le Crédit agricole et sous la houlette collecteurs du livret A – les banques privées, pour aller vite – de Christine Lagarde, ont combattu le « monopole » de disposer à leur guise de la collecte réalisée en abaissant le distribution des caisses d’épargne et de La Poste, afin de niveau de la centralisation de l’encours, une centralisation pouvoir proposer, eux aussi, un équivalent du livret A. que les deux réseaux historiques de La Poste et des caisses d’épargne continuent d’assumer pour l’essentiel, fidèles en Le livret A est devenu le produit d’appel des services cela à leurs missions de service public et d’intérêt général. financiers de BNP Paribas, de HSBC, de la Société générale et de l’ensemble de ces établissements « philanthro- Le 30 juillet 2013, M. le ministre des finances, qui s’était piques » dont la pingrerie, lorsqu’il s’agit de financer les déjà illustré en apportant la garantie de l’État à PSA Banque petites et moyennes entreprises, n’a d’égale que la propension pour 10 milliards d’euros et, plus récemment, en facilitant naturelle à développer des produits dérivés spéculatifs ! Il faut l’entrée de l’État dans le capital du groupe automobile, a dire que les sommes attirent la convoitise : à la fin de signé un décret laissant à la disposition des banques privées janvier 2014, l’encours global atteint 267,8 milliards 20 milliards d’euros issus de la collecte du livret A et d’euros pour le livret A et 101,6 milliards d’euros pour le du LDD, et rien de moins que 10 milliards d’euros prove- livret de développement durable. nant de la collecte du livret d’épargne populaire. À quoi bon Nous connaissons une partie des critiques formulées à créer une Banque publique d’investissement si, parallèlement, l’encontre de cette épargne qui ne serait pas « vraiment » on rend aux aventuriers de la finance rien de moins que populaire, au sens où une minorité de détenteurs de livrets 30 milliards d’euros ! seraient « au plafond » et cumuleraient l’essentiel de Qu’il semble bien loin le temps où les parlementaires l’encours. Il faut dire que, avec 63,3 millions de livrets A socialistes des deux assemblées cosignaient et défendaient et 24,6 millions de LDD, les Français dépourvus de ce des amendements pour assurer la centralisation des encours placement financier sont assez peu nombreux… du livret A et l’utilisation de sa collecte en faveur du logement Mais comment ne pas souligner que cette ressource finan- social ! Pour donner une chance à l’épargne populaire, la cière qui échappe à toute imposition ou contribution sociale solution serait peut-être, mes chers collègues, de revenir sur – c’est une affaire d’un coût unitaire limité : 8,20 euros par ce décret passé évidemment inaperçu dans la tiédeur de l’été an en moyenne pour le livret A et 9,15 euros pour le LDD, dernier… Encore une fois, les besoins sont immenses et nous ce qui ne les apparente guère à des niches fiscales exces- devons mobiliser les outils nécessaires pour y répondre. Or sives –, relève d’un autre usage que certains autres dispositifs ces outils, nous les avons, nos compatriotes demeurant incitatifs que nous connaissons ? attachés et fidèles à cette forme d’épargne presque bicente- naire : alors pourquoi s’en priver ? Entre la finance sans Le détenteur d’un livret A dont l’encours atteint le plafond limites et la satisfaction des besoins collectifs, je le dis haut touchera en 2014 moins de 290 euros d’intérêts… Rien à et fort, il va bien falloir choisir ! (Applaudissements sur les voir, bien évidemment, avec les dispositifs incitant à l’inves- travées du groupe écologiste.) tissement immobilier – voyez ce que nous a coûté le Scellier au regard de la crise du logement dans notre pays ! – et rien à M. Jean Desessard. Il faut lever l’ambiguïté ! voir avec, par exemple, le dispositif ISF-PME, dont le coût, M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2403

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, madame la d’euros pour les secondes, sans remettre en cause, bien ministre, mes chers collègues, malgré la crise, l’épargne des entendu, la priorité donnée au financement de la construc- ménages représente des sommes particulièrement impor- tion du logement social. tantes, puisqu’elle constitue aujourd’hui un tiers de leur patrimoine total. En dix ans, son montant aura progressé Le relèvement des plafonds de l’épargne réglementée avait de 55 %. fait naître la crainte, chez la plupart des acteurs bancaires, d’une diminution de l’épargne fiscalisée et liquide. Pourtant, Rappelons que l’épargne réglementée et son adjudication la perte de ressources liquides au bilan, estimée entre permettent aux établissements de crédit de se refinancer 20 milliards et 35 milliards d’euros, a été largement auprès du fonds d’épargne afin de prêter directement aux compensée par la mise à disposition des réseaux bancaires organismes de logement social. C’est la raison pour laquelle de 30 milliards d’euros de ressources centralisées au fonds elle occupe une place centrale dans les placements financiers d’épargne, destinées à augmenter l’encours de prêts aux entre- des ménages. Sa rémunération influe donc fortement sur le prises. coût des ressources permettant de financer les entreprises, le Concernant le taux du livret A, la révision semestrielle du logement social et la politique de la ville. 1er février dernier a donné lieu à des divergences d’apprécia- Pour autant, sur les trente dernières années, la part de tion entre le Gouvernement et la Banque de France. En effet, l’épargne réglementée est passée de 30 % à 15 % de l’application stricte de la règle aurait dû logiquement l’épargne financière totale. Soulignons que, sur la même entraîner une baisse du taux à 0,75 %. De son côté, la période, la part de l’assurance vie a, quant à elle, fortement Banque de France proposait de le fixer à 1 %, estimant augmenté, passant de 5 % à 40 %. Elle représentait que la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des épargnants 15 milliards d’euros en 1980, contre 1 500 milliards justifiait une dérogation à l’application stricte de la règle. d’euros aujourd’hui. Cependant, le Gouvernement a souhaité maintenir le taux Actuellement, 64 millions de livrets A sont ouverts auprès à 1,25 %, et je suis convaincu qu’il a eu raison. En effet, la des établissements bancaires, pour un encours atteignant baisse de 1,75 % à 1,25 % en août dernier avait entraîné une 250 milliards d’euros. Rappelons que la hausse de celui-ci diminution de la collecte de 3,4 milliards d’euros entre août a été supérieure à 15 % en 2012. et décembre. Une diminution supplémentaire du taux aurait eu un effet trop négatif sur le volume des dépôts. Notons, Je me permettrai d’évoquer ici deux points : l’importance toutefois, que la collecte reste largement positive sur de stabiliser et de sécuriser l’épargne réglementée et le devenir l’année 2013 – à hauteur de 12,1 milliards d’euros –, grâce des contrats d’assurance vie en déshérence, qui recèle un à l’augmentation du plafond intervenue le 1er janvier. enjeu budgétaire non négligeable. La réforme du livret d’épargne populaire est entrée en Depuis le 1er mai 2011, les établissements de crédit centra- vigueur au 1er janvier 2014. Ce livret permet d’aider les lisent au sein du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et personnes disposant de revenus modestes à placer leurs consignations un montant égal, en moyenne, à 65 % de économies dans des conditions assurant le maintien de leur l’encours total. Ce montant est également ajusté en pouvoir d’achat. La loi de finances rectificative pour 2013 a fonction de l’encours des prêts au logement social et à la élargi son bénéfice à toute personne dont le revenu fiscal de politique de la ville. référence pour 2013 est inférieur à 19 140 euros pour une part de quotient familial. Selon les estimations, 3,3 millions Souvenez-vous aussi que le Président de la République de Français supplémentaires peuvent désormais souscrire un s’était engagé à doubler le plafond du livret A sur le tel produit cette année. quinquennat et à doubler immédiatement celui du livret Je voudrais à présent dire quelques mots d’une initiative de de développement durable. Cet engagement visait, d’une notre collègue député Christian Eckert, rapporteur général de part, à dégager de nouvelles ressources pour le financement la commission des finances de l’Assemblée nationale. Il est du logement social – avec un objectif de construction de l’auteur d’une proposition de loi, adoptée voilà quelques 150 000 logements par an – et, d’autre part, à corriger les jours, portant sur les avoirs bancaires et les contrats d’assu- effets de la stagnation du plafond depuis novembre 1991. rance vie en déshérence. Comme convenu, le Gouvernement a donc procédé au La Cour des comptes a effectivement constaté une insuffi- relèvement de 25 % du plafond du livret A, passé ainsi de sance des dispositions législatives qui encadrent les obliga- 15 300 à 19 125 euros, et au doublement de celui du LDD, tions des banques et des assurances envers leurs clients, passé de 6 000 à 12 000 euros le 1er octobre 2012. Un notamment lorsque ceux-ci n’ont pas les moyens de se nouveau relèvement de 25 % du plafond du livret A est manifester spontanément, par méconnaissance des avoirs et intervenu le 1er janvier 2013, ce plafond s’établissant désor- prestations qui leur reviennent pourtant de droit. La Cour mais à 22 950 euros. des comptes a également relevé une insuffisance des contrôles Sur ce point particulier, je soutiens le travail réalisé par nos et, a fortiori, des sanctions par l’Autorité de contrôle pruden- collègues Karine Berger et Dominique Lefebvre, qui ont tiel et de résolution en cas de manquement. remis au Premier ministre, en avril dernier, un rapport sur Le montant des encours concernés par ces dispositions la dynamisation de l’épargne des ménages pour financer n’est pas mince : il a été évalué à près de 4 milliards l’investissement et la compétitivité. d’euros, dont plus de 1,2 milliard d’euros pour les comptes bancaires, et près de 2,8 milliards d’euros pour les contrats Dans ce rapport, ils plaident pour une affectation d’une d’assurance vie et de capitalisation. part du produit de cette hausse au financement des entre- prises et des grandes infrastructures, en particulier, par Ces sommes demeurent toutefois dans les livres des établis- l’ouverture d’un droit de refinancement de 10 milliards sements de crédit et des compagnies d’assurances, sans que d’euros pour les premières et de 10 milliards à 20 milliards leurs propriétaires légitimes soient informés de leur existence. 2404 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Par ailleurs, la Cour des comptes souligne également la Ce choix politique en faveur du pouvoir d’achat des faiblesse des montants reversés à l’État au terme du délai de la ménages favorise la confiance de ces derniers dans des déchéance trentenaire, limités à 50 millions d’euros en produits d’épargne déjà largement plébiscités du fait de moyenne en 2011 et en 2012. L’enjeu budgétaire pourrait leur défiscalisation, de leur liquidité parfaite et de leur pourtant se révéler sensiblement plus significatif si les rémunération qui garantit un niveau de sécurité maximal. règles encadrant la déchéance de propriété en faveur de l’État étaient appliquées de manière beaucoup plus rigou- Nous soutenons ces mesures qui permettent aux ménages, reuse. notamment aux plus modestes d’entre eux, de constituer une épargne de précaution, plus que nécessaire en ces temps Le texte, qui sera débattu au Sénat mi-avril, prend acte du incertains, mais il convient de ne pas oublier que l’un des constat dressé par la Cour des comptes et des recommanda- principaux déterminants de l’épargne reste le revenu. Les tions de celle-ci. Il a donc pour objet de renforcer la protec- conditions économiques dégradées, la croissance morne et tion du droit de propriété des épargnants, mais aussi la le chômage endémique sont les véritables obstacles à la protection des intérêts financiers de l’État, à qui les fonds constitution d’une solide épargne populaire. doivent être retournés s’ils n’ont fait l’objet d’aucune récla- mation pendant trente ans. D’ailleurs, il convient de rappeler que si plus de 90 % de la population française détient un livret A, l’encours moyen de Mes chers collègues, l’épargne populaire, nous le savons, ces livrets, comme celui des livrets de développement est une question majeure pour notre économie, tant par le durable, se situe autour de 3 700 euros, bien loin de leurs montant des sommes en jeu que par l’importance qu’elle plafonds fixés respectivement à 22 950 euros et à revêt pour nos concitoyens, à un moment où le pouvoir 12 000 euros. Surtout, 64 % des livrets A ont un encours d’achat des ménages tend à se contracter et où la crainte inférieur à 1 500 euros, et plus de 10 % un encours inférieur de l’avenir incite à la constitution d’une légitime épargne à 10 euros. L’encours moyen des livrets d’épargne populaire de précaution. Le Gouvernement et la représentation natio- est, quant à lui, un peu plus élevé, puisqu’il s’établit à nale en sont conscients. Je me félicite qu’il en soit ainsi. quelque 5 300 euros. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.) Ce que nous souhaitons, c’est donc avant tout l’améliora- tion des conditions économiques, et en premier lieu le retour M. le président. La parole est à M. François Fortassin. des emplois et de la croissance, pour permettre à ceux qui le désirent de constituer une épargne de précaution significa- M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la tive. ministre, mes chers collègues, en 1818, lorsque le philan- thrope Benjamin Delessert créa la Caisse d’épargne et, avec Madame la ministre, le Gouvernement a fait de la lutte elle, le livret d’épargne, qui deviendra un siècle et demi plus contre le chômage la première de ses priorités et nous lui tard le livret A, il ciblait explicitement ce que l’on appelait à apportons tout notre soutien. Des signes encourageants de l’époque les « classes populaires ». reprise sont aujourd’hui perceptibles. Nous espérons que la diminution drastique du taux de chômage est véritablement Pourtant, ce livret n’a pas tout de suite rencontré un franc enclenchée. succès auprès de cette catégorie de la population, qui faisait montre d’une certaine méfiance. En 1822, la situation était Les réformes récentes ont aussi répondu à un second résumée en ces termes par le fondateur de la Caisse d’épargne objectif en matière d’épargne, celui de justice fiscale, et de prévoyance de Paris, François XII de la Rochefoucauld : auquel les membres du RDSE sont extrêmement attachés. « La classe que vous avez plus particulièrement l’intention d’aider se persuade difficilement que des hommes d’une Enfin, il ne faut pas oublier que, comme le rappelaient les fortune indépendante veuillent s’occuper de ses intérêts, en députés Karine Berger et Dominique Lefebvre dans leur rejetant jusqu’à l’idée du moindre avantage personnel. » rapport d’avril 2013 sur l’épargne financière des ménages, « l’épargne réglementée bénéficie d’un traitement fiscal et Près de deux siècles plus tard, la situation a bien changé et social très favorable conforme à sa nature d’épargne populaire l’épargne populaire est bel et bien devenue une réalité, du qui permet le financement de priorités d’intérêt général ». moins si l’on se réfère au nombre de livrets A détenus par des personnes physiques, qui s’établissait à plus de 63 millions à En effet, les montants collectés au titre des livrets A et la fin de 2012, soit un taux de détention équivalant à 96 % des LDD centralisés au fonds d’épargne géré par la Caisse de la population française. des dépôts et consignations permettent de financer la politique en faveur du logement social ainsi que celle de la Outre le livret A, les deux autres principaux livrets régle- ville, mais peuvent aussi, ponctuellement, contribuer au mentés et entièrement exemptés de prélèvements sociaux et financement d’autres politiques publiques, en matière fiscaux, c’est-à-dire le livret de développement durable et le d’infrastructures, de santé, etc. livret d’épargne populaire, rencontrent eux aussi un franc succès, même si leur nombre est moins élevé. Dans les prochaines années, le fonds d’épargne devrait continuer à accompagner ces politiques prioritaires, notam- Le Gouvernement a fait le choix, malgré la faiblesse de ment pour atteindre l’objectif de construction de l’inflation, d’une politique volontariste, qui s’est traduite par 150 000 logements sociaux par an. Néanmoins, des le maintien d’un taux de rémunération relativement élevé problèmes autres que celui de l’épargne se posent. pour ces trois livrets. En effet, alors que la Banque de France préconisait une nouvelle baisse de la rémunération Le véritable enjeu, pour l’épargne en France, n’est nulle- du livret A et du LDD, pour la ramener à 1 %, le ministre de ment celui du niveau d’épargne des ménages, d’ailleurs relati- l’économie et des finances a choisi de maintenir le taux vement élevé puisqu’il se situe autour de 15 % ; c’est surtout à 1,25%. celui de son allocation. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2405

Si une partie de l’épargne populaire contribue au finance- Mme Muguette Dini. Nous ne sommes pas d’accord ! ment des PME, notamment au travers des obligations qui incombent aux établissements financiers collecteurs du M. Jean Desessard. Mme Férat a cependant signalé que livret A et du LDD, l’épargne – et pas seulement l’épargne telle n’était pas sa position. populaire – reste insuffisamment orientée vers le finance- Mme Muguette Dini. Absolument ! ment de l’économie. Historiquement, la forte aversion au risque des ménages M. Jean Desessard. M. de Courson propose de soumettre français, qui a été renforcée par la crise économique, les les intérêts des livrets A et des livrets de développement conduit, de manière tout à fait légitime, à se tourner vers durable à l’impôt sur le revenu au-delà d’un certain seuil les produits d’épargne les plus liquides et les moins risqués : qu’il conviendra de fixer ultérieurement. Son argument livret A, LDD… Cela se traduit aussi par le placement principal est que la défiscalisation des intérêts de ces livrets de 85 % des encours d’assurance vie sur des contrats en coûte cher dans un contexte de restriction budgétaire : euros ou sur les compartiments euros des contrats multisup- 665 millions d’euros en 2013, selon ses estimations. Il ports, dont le capital est garanti à tout moment. affirme également qu’une fiscalisation de ces produits ne toucherait pas les plus modestes, qui sont exonérés de De surcroît, la réglementation et la fiscalité de l’épargne l’impôt sur le revenu. Il déclare enfin que l’exonération incitaient peu, jusqu’à présent, à une prise de risque plus fiscale « favorise ceux qui bourrent ces livrets comme une importante, qui permettrait d’orienter davantage l’épargne façon de mieux rémunérer leur épargne liquide », remettant vers le financement de l’économie, notamment vers le ainsi en cause le caractère « populaire » de cette épargne, ces développement des PME. produits étant principalement utilisés par des personnes L’amélioration du financement de l’économie était aussi aisées. un des principaux objectifs de la réforme de l’épargne régle- J’ai bien compris que telle n’était pas la position du mentée mise en œuvre en plusieurs étapes par le Gouverne- groupe UDI-UC du Sénat. (Mme Muguette Dini acquiesce.) ment. Celle-ci s’est caractérisée, tout d’abord, par le doublement des plafonds du livret A et du LDD, puis par M. Joël Guerriau. Absolument ! la baisse des taux des prêts du fonds d’épargne, et enfin par la mise à disposition des réseaux bancaires de 30 milliards M. Jean Desessard. Mme Férat a en effet défendu les livrets d’euros provenant des ressources centralisées au fonds de l’épargne réglementée, qui, comme leur nom l’indique, d’épargne, afin de leur permettre d’accroître les prêts sont réglementés, c’est-à-dire que la définition de leurs aux PME. intérêts, leur collecte et l’utilisation de celle-ci sont de la responsabilité du secteur public. Ainsi, les banques reversent Les différentes réformes engagées doivent porter leurs fruits 65 % des sommes placées par leurs clients sur les livrets A et dans les années à venir. Il nous semble qu’il faut désormais les LDD et 70 % de celles qui sont placées sur les livrets maintenir une certaine stabilité, d’ailleurs promise par le d’épargne populaire à un fonds d’épargne géré par la Caisse Président de la République. Cette stabilité est indispensable des dépôts et consignations. Les 35 % restants sont gérés par pour garantir la confiance des épargnants et des investisseurs, les banques, qui ont pour obligation de les employer pour le confiance qui est elle-même la clé, comme nous le soulignons financement des PME et des opérations de rénovation souvent, de la croissance, et donc de l’emploi, lequel demeure énergétique des bâtiments anciens. Le respect de cette obliga- notre priorité ! tion est à vérifier… Il faut dire aussi que l’épargne populaire a permis, dans les années passées, de maintenir un parc automobile relative- Le fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations a ment important. Quant à l’épargne détenue par les personnes pour priorité de financer le développement de l’offre de âgées, elle sert souvent à acheter la mobylette ou le scooter du logements sociaux et la politique de la ville. En 2012, cette petit-fils ou de la petite-fille… manne financière a permis à la Caisse d’accorder 14,9 milliards d’euros de prêts. Durant cette même année, Madame la ministre, nous sommes très attachés à l’épargne plus de 100 000 logements sociaux ont pu être acquis ou populaire car, si nombreux sont ceux qui en bénéficient, ce construits grâce au fonds d’épargne. En janvier 2013, le sont, à l’évidence, surtout les plus modestes qui tireront Gouvernement a décidé de doubler le plafond du livret A. avantage des réformes entreprises. (Applaudissements sur les Cet effort permettra de renforcer le soutien financier au travées du RDSE et du groupe socialiste.) logement social sur le long terme. M. le président. La parole est à M. Jean Desessard. M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la Les livrets de l’épargne réglementée sont ainsi socialement ministre, mes chers collègues, le groupe UDI-UC nous utiles à notre pays. Il est évidemment possible de débattre de propose aujourd’hui un débat sur l’épargne populaire. Il la légitimité d’une fiscalisation, car la fixation des plafonds à convient, tout d’abord, de définir ce que signifie cette expres- des niveaux élevés profite principalement aux plus aisés. sion. S’agit-il uniquement du livret d’épargne populaire, Néanmoins, d’autres produits financiers mériteraient davan- produit financier réglementé à l’usage des personnes ayant tage notre attention : je veux parler des assurances vie. un revenu fiscal de référence inférieur à 19 140 euros pour Si les assurances vie peuvent être considérées comme des une part de quotient familial, de l’ensemble des livrets assurances pour les proches du souscripteur en cas de décès, d’épargne réglementés, qui comprend, outre le livret elles sont avant tout des produits d’épargne très intéressants d’épargne populaire, le livret A et le livret de développement pour les assurés. Le montant total de l’encours des assurances durable, ou encore de toute épargne qui serait « populaire » ? vie témoigne de l’attractivité de ces produits : 1 400 milliards J’ai noté que le député UDI Charles de Courson avait d’euros à la fin de 2012. On dépasse de loin les 385 milliards proposé, début février, une refonte de la fiscalisation des d’euros d’encours cumulés des livrets A, des LDD et des LEP livrets d’épargne réglementée. à la même date. 2406 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Ces placements sont beaucoup plus rentables pour les M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame la épargnants que les livrets, même si l’écart tend à se ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier réduire. En effet, si les assurances vie proposent un taux de nos collègues du groupe centriste de cette initiative. Le sujet rémunération d’environ 3 % en moyenne selon les place- peut être abordé d’un point de vue technique, et j’en ments, les taux des livrets se situent entre 1,25 % et 1,75 %. développerai quelques aspects, mais, à mon sens, il est avant tout politique et ne peut se réduire à la seule problé- Un des écueils majeurs de l’assurance vie est que, à la matique du livret A. Notre collègue Joël Guerriau a d’ailleurs différence de ceux des livrets réglementés, ses encours ne souligné sa dimension sociale, mutualiste, voire coopérative. sont pas fléchés par les pouvoirs publics. Elle n’a donc aucune utilité sociale puisque ses encours ne sont pas Historiquement, l’épargne populaire, à laquelle les Français orientés vers des investissements choisis pour l’intérêt qu’ils sont attachés, s’est largement développée durant les Trente présentent pour l’ensemble de la société. Glorieuses. Certes, depuis plusieurs années, les assurances vie propo- Dans les années soixante et soixante-dix, sous l’effet des sent à leurs souscripteurs d’investir dans des fonds « ISR » augmentations de salaire et d’un faible taux de chômage, de – investissement socialement responsable –, dont les gérants nombreux Français ont pu emprunter pour acheter leur tiennent compte de critères sociaux, environnementaux ou résidence principale. Le taux d’épargne financière et les de gouvernance démocratique. Si l’émergence de ces prati- remboursements des emprunts immobiliers ont ainsi forte- ques est un point positif, il convient de rester lucide sur leur ment progressé pour atteindre un pic vers le milieu des ampleur et leur impact réels. Le choix est laissé aux souscrip- années soixante-dix, autour de 20 % du revenu annuel teurs des assurances vie d’utiliser leurs fonds comme ils brut de nos concitoyens. l’entendent, et les placements ISR ne se distinguent pas Avec la déflation, la stagnation de la masse salariale et par une rentabilité financière supérieure. Ainsi, seulement l’augmentation du taux de chômage au cours des années 54,6 milliards d’euros ont été placés dans ces fonds quatre-vingt, ce taux a progressivement décliné pour en 2012 par les assureurs, selon une étude du cabinet atteindre, en 1987, le seuil assez bas de 11 %. Novethic publiée en avril 2013. De plus, il n’existe pas de cadre réglementaire définissant ces « bonnes pratiques ». Aujourd’hui, ce taux est un peu plus important et atteint environ 15 %, ce qui témoigne d’une épargne relativement Si l’utilité sociale de l’assurance vie est plus que limitée, son forte. Celle-ci représente actuellement 10 000 milliards régime fiscal est très avantageux, puisque les prélèvements d’euros, ce qui équivaut à cinq années de PIB et à plus de sont uniquement effectués lors d’un mouvement de fonds : huit fois le revenu disponible des Français. rachat total ou partiel, sortie en rente ou capital décès. Les gains sont imposés, mais uniquement au prorata des sommes Notre pays n’est pas le seul à enregistrer un taux élevé retirées ; si l’on rachète 10 % du total du contrat, l’imposition d’épargne : l’Allemagne et la Belgique affichent même un ne portera que sur 10 % des intérêts produits depuis l’ouver- taux supérieur. ture de ce dernier. L’épargne des Français prend à 60 % la forme d’investis- Pour toutes ces raisons, plutôt que de taxer les détenteurs sements immobiliers et à près de 40 % celle d’épargne finan- de livrets, dont l’épargne profite à la société, il serait préfé- cière, soit près de 4 000 milliards d’euros d’actifs financiers, rable de flécher les encours de l’assurance vie. c'est-à-dire environ deux fois la dette publique de la France. L’année 2011 a constitué une année record pour l’épargne Mme Muguette Dini. Non ! en France depuis 1982, avec un taux d’épargne des ménages M. Jean Desessard. Au vu des sommes en jeu, l’effet de français de 16,8 %. Cependant, depuis 2012, nous assistons à levier serait beaucoup plus important. Plutôt que de recourir une baisse : les flux de placements financiers des ménages ont à une fiscalisation qui abonderait le budget général de l’État, connu les niveaux les plus faibles de ces dix dernières années nous considérons qu’il serait plus judicieux d’opter pour un avec 78 milliards d’euros sur les principaux supports, contre fléchage vers les secteurs de notre économie et de notre une moyenne de 110 milliards d’euros pour les années précé- société qui ont besoin de financements et que nous souhai- dentes. L’assurance vie a notamment connu une décollecte tons développer. historique. Pour la première fois, la collecte nette de ce À titre d’exemple, à la fin de 2012, lors de la création de la produit a été inférieure à celle du livret A. Banque publique d’investissement, les écologistes faisaient la Dans un climat anxiogène, les épargnants ont privilégié les proposition suivante : flécher 3 % des encours de l’assurance placements à court terme, comme les livrets bancaires, voire vie vers la BPI, afin de doubler son capital, et donc sa puisé dans leur « bas de laine ». C’est le constat de l’étude capacité de financement. Il ne s’agit là que d’un exemple. annuelle sur les placements financiers réalisée par l’Autorité On peut également penser au financement de la transition de contrôle prudentiel et de résolution et la direction générale énergétique et écologique, qui a besoin d’un sérieux coup de des statistiques de la Banque de France. pouce de la part des pouvoirs publics. Selon une étude réalisée en 2014 par le Cercle des En conclusion, nous remercions le groupe UDI-UC de épargnants, l’effort d’épargne a diminué depuis 2010 de nous avoir proposé ce débat. Nous considérons qu’il faut 8 %, dont une baisse de 6 % des versements réguliers. inclure dans notre réflexion le fléchage des encours de l’assu- Cette tendance s’explique non seulement par la stagnation rance vie, pour un plus grand contrôle de l’utilisation des des revenus professionnels, mais aussi par la hausse record des placements des Français, afin que ceux-ci soient mis au prélèvements obligatoires sur les ménages, décidée récem- service de toute la société. (Applaudissements sur certaines ment. travées du groupe socialiste. – Mme Muguette Dini applaudit Madame la ministre, c’est ici que le dossier prend une également.) dimension politique. Le matraquage fiscal engagé en 2012 M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge. a abouti à un recul du pouvoir d’achat de 0,9 % en 2012 et SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2407 de 0,1 % au troisième trimestre de 2013. Cette diminution de la richesse, de la croissance, donc du pouvoir d’achat. du pouvoir d’achat a un impact direct et mécanique sur la Nous sommes actuellement enfermés dans un cercle capacité à épargner, quand elle ne contraint pas les ménages à vicieux maléfique qu’il convient de briser. consommer une partie de leur épargne. Si l’on veut développer l’épargne populaire, il faut laisser aux classes Au troisième trimestre de 2013, le taux de marge brute des moyennes la faculté d’épargner et ne pas leur retirer fiscale- entreprises était de 27,7 %, niveau le plus bas depuis 1985 et ment les quelques économies qu’elles peuvent réaliser. Or le plus faible de la zone euro. Les entreprises ne peuvent donc c’est très exactement le contraire qui a été décidé depuis pas investir et bâtir la croissance de demain. Elles manquent 2012. Non content de s’attaquer aux riches, qui sont allés de fonds propres et éprouvent de plus en plus de difficultés placer leurs capitaux en dehors de l’Hexagone, le Gouverne- pour accéder aux crédits bancaires. Toute diminution de ment a matraqué fiscalement les classes moyennes. l’épargne restreint par conséquent la capacité de financement des entreprises. Il conviendrait d’orienter davantage l’épargne En 2012 et 2013, ce sont 16 milliards d’euros d’impôts et vers le financement de celles-ci. Certes, nous mettons au de prélèvements sociaux supplémentaires qui ont frappé les crédit du Gouvernement de tenter d’orienter une partie de économies des ménages. En 2014, contrairement aux affir- l’assurance vie dans ce sens, avec les contrats euro-croissance ; mations, aucune « pause fiscale » n’est prévue, et ce seront c’est là un premier pas que nous tenons à souligner. bien 12 milliards d'euros de plus qui seront prélevés : Les actions et les obligations continuent de faire peur aux 6,5 milliards d’euros d’augmentation de TVA, 2,5 milliards épargnants. Or le problème de long terme de l’économie d'euros dans le cadre de la réforme des retraites et 3 milliards française vient du manque de fonds propres de nos entre- à 4 milliards d'euros disséminés dans la loi de finances et la prises, c’est-à-dire du manque de candidats à l’acquisition loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Ces d’actions pour les financer. Sur les presque 4 000 milliards prélèvements obligatoires touchent principalement les d’euros d’épargne financière, seul le quart constitue de classes moyennes et non les riches ! l’épargne en actions et obligations. Il convient donc d’encou- La fiscalisation des heures supplémentaires, la hausse du rager la prise de risque chez les épargnants, par exemple au forfait social, de la TVA, des cotisations retraite, des cotisa- moyen d’une fiscalité attractive, plutôt que de favoriser des tions de mutuelle, la baisse du quotient familial et la réforme comportements de rente. de la participation sont quelques-unes des mesures qui ont eu Là encore, on le voit, il s’agit bien d’un problème politique. un impact direct sur les classes moyennes et populaires, Ce ne sont pas les déclarations autour de l’argent sale que mesures dictées par des considérations plus idéologiques constitueraient les revenus du capital et de l’ennemi déclaré qu’économiques, comme en attestent les chiffres que je que serait la finance qui peuvent donner confiance aux viens de citer. En conséquence, devenir propriétaire est épargnants et les inviter à investir et à prendre des risques. aujourd'hui un rêve presque inaccessible pour la grande Certes, afin d’orienter l’épargne financière des ménages vers majorité des Français. Or être propriétaire participe de le financement des PME et des ETI, le Gouvernement vient cette épargne populaire et permet d’acquérir un capital de mettre en place le PEA-PME. C’est un point positif, pouvant être mobilisé en cas de revers de fortune. Le madame la ministre, qui va dans le bon sens. Nous regrettons revenu net moyen par foyer du candidat à la propriété cependant que le plafond d’investissement de ce dispositif s’établit en 2013 à 4 500 euros. Autant dire qu’il exclut de soit rogné de 50 % par rapport à la version courante du PEA fait nombre de nos concitoyens. Selon les derniers chiffres et que certains supports ne soient pas éligibles au PEA-PME. publiés par l’INSEE en 2010, moins de 20 % des foyers En outre, il faut reconnaître qu’il concernera surtout les hexagonaux perçoivent plus de 4 400 euros par mois, tous investisseurs avertis. revenus confondus. Préserver les capacités d’épargne des Français passe par le L’assujettissement au barème de l’impôt sur le revenu d’un maintien et surtout l’amélioration de leur pouvoir d’achat. grand nombre de produits financiers a également conduit Cela nécessite une diminution de la pression fiscale, tout certains ménages à réduire leur effort d’épargne. La volonté comme un allégement des charges permettrait aux entreprises du Gouvernement d’harmoniser au taux unique de 15,5 % le de retrouver de la compétitivité. Pour ce faire, le préalable, taux des prélèvements sociaux sur les gains réalisés sur c’est la diminution de la dépense publique afin de se certains contrats d’assurance vie, certains PEA, PEL ou redonner des marges de manœuvre en termes de recettes. plans d’épargne salariale a suscité la colère des épargnants Tout se tient ! Je veux croire que le pacte de responsabilité et provoqué leur désaffection. Nous nous y sommes fort annoncé permettra enfin de s’engager dans cette voie. heureusement opposés, et vos projets se sont limités à l’assu- M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. rance vie. Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du Globalement, le taux d’épargne fluctue en fonction de la redressement productif, chargée des petites et moyennes entre- santé de l’économie. Il augmente quand l’activité se dégrade, prises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame les Français voulant se protéger d’un coup dur, mais cette Férat, vous avez souhaité avoir un débat sur l’épargne théorie de la constitution d’une épargne de précaution en cas populaire, sujet tout à fait essentiel à propos duquel vos de crise trouve sa limite quand celle-ci touche directement le différentes interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, pouvoir d’achat. Dans ce cas, les Français n’ont d’autre choix ont soulevé un grand nombre de points qui en confirment la que de puiser dans leur épargne pour leur consommation richesse. courante. C’est justement là que le bât blesse ! La crise et les Je souhaite dire quelques mots d’introduction avant de mauvais choix du Gouvernement entraînent une perte de répondre à vos interventions et de contribuer ainsi au débat. pouvoir d’achat, donc une diminution de l’effort d’épargne, alors même que l’épargne est déjà insuffisamment Je résumerai mon propos liminaire de la manière suivante : orientée vers le financement à moyen ou long terme des la France a la chance d’être un pays où l’épargne des ménages entreprises, qui sont les plus à même de créer des emplois, est l’une des plus abondantes de la zone euro. Celle-ci est une 2408 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 ressource précieuse pour financer notre économie, et le développement durable doublé. C’est aussi la raison pour Gouvernement a déployé de nombreux efforts pour mettre laquelle la condition d’accès au livret d’épargne populaire a l’épargne des Français au service du financement de notre été simplifiée et améliorée, avec le passage d’un plafond économie et de nos entreprises, en particulier des PME, d’impôt à un plafond en revenu fiscal de référence. auxquelles je suis particulièrement attentive. Le Gouverne- Troisième point : l’action du Gouvernement vise à ment mène cette action en ayant par ailleurs le souci de la renforcer la protection de l’épargne et à l’accompagner bonne protection des épargnants, car l’épargne se nourrit de dans ses mutations. la confiance. Parce que les Français épargnent pour préparer leur avenir Premier point : l’épargne des Français est abondante. ou celui de leurs enfants, ils recherchent une certaine sécurité En 2013, nos concitoyens ont épargné près de 65 milliards financière, pour assurer leur retraite ou faire face à des pertes d’euros, soit 15,6 % de leur revenu. Leur patrimoine global de revenus imprévues. Il est donc essentiel de leur assurer un s’élève en tout à près de 12 000 milliards d’euros. Si l’essentiel cadre protecteur. Le Gouvernement y est d’autant plus de ce patrimoine est un patrimoine immobilier, plus d’un attentif que l’épargne ne peut se transformer en un finance- tiers correspond à un patrimoine financier, qui représente ment durable de notre économie que si elle possède une près de 4 200 milliards d’euros, soit 2,1 fois la richesse natio- certaine stabilité, qui ne peut s’acquérir qu’au prix de la nale. Pour les ménages, à l’échelon individuel, épargne confiance. Ainsi, nous suivons le développement de immobilière et épargne financière servent à assurer un nouveaux modes d'épargne et de financement en nous effor- complément de retraite, à détenir une épargne de précaution çant systématiquement de tirer tous les enseignements de la ou à transmettre un capital à leurs héritiers. crise. Cette épargne est détenue auprès des établissements Cela se traduit par exemple, du côté des ménages, par la bancaires sous forme de livrets et de dépôts, des organismes volonté de faciliter l'investissement direct des particuliers d’assurance sous forme d’assurance vie, de fonds de place- dans des projets innovants. Ainsi, il sera très prochainement ment à travers les OPCVM ou encore en détention directe mis en place un cadre propice aux nouveaux modes de avec l’acquisition de titres de créance et de valeurs mobilières. financement, en particulier les financements participatifs Cette épargne est donc mise directement ou indirectement comme le crowdfunding. Celui-ci consiste à permettre, au service du financement de l’économie. C’est même la grâce aux possibilités qu’offre désormais internet, le finance- première source de financement de notre économie. ment d'entreprises, notamment de très jeunes entreprises en phase de création ou de développement, par un grand Deuxième point : tout le Gouvernement est mobilisé pour nombre de petits épargnants apportant à une plate-forme trouver les moyens permettant de mettre davantage cette une multitude de petits financements. Une réforme de ce épargne au service du financement de la croissance. cadre devrait aboutir dans l'année afin de permettre son développement. Je suis particulièrement vigilante à ce que Le financement de la croissance, c’est en particulier le ce nouveau cadre offre une protection suffisante à l’épar- financement des entreprises pour leur permettre de se développer, d’investir et d’innover. Cela s’inscrit dans le gnant. pacte de responsabilité proposé par le Président de la Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'épargne République le 14 janvier dernier, afin d’accélérer le cercle populaire est un sujet éminemment concret. Notre capacité à vertueux de l’innovation, de l’investissement, de la compéti- transformer cette épargne, faite d’une multitude de petits tivité et de l’emploi. montants, en des financements utiles à notre économie est essentielle et constitue l'une des priorités de l'action du Aujourd’hui, près de 26 % du patrimoine financier des Gouvernement. Français est investi in fine en actions. Pour mobiliser encore mieux l’épargne des ménages français qui ont les ressources Je souhaite maintenant répondre aux différents orateurs. suffisantes pour participer davantage à ces défis, des réformes Madame Férat, vous avez souhaité focaliser votre interven- majeures ont déjà été entreprises. Je ne citerai qu’un exemple, tion sur l'épargne réglementée, en particulier sur le livret A. rappelé par nombre d’entre vous, celui du lancement du PEA-PME, qui intervient parallèlement à la redynamisation Vous avez mentionné la réforme de 2008, qui a conduit à de l’accès des ETI aux financements de marché. Ce nouveau la généralisation de la distribution du livret A, ce qui a produit devrait permettre de drainer davantage d’épargne entraîné un regain de la diffusion de ce produit et de la vers le segment des PME cotées et inciter de ce fait un collecte de fonds, dont une large part est centralisée dans nombre plus important d’entreprises en développement à le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations. rechercher auprès des marchés les ressources nécessaires à Comme vous le signalez, cette réforme a contribué à écarter leur croissance. Le relèvement du plafond du PEA participe le risque d'un manque de fonds pour le financement du d’un objectif plus large de redynamisation de l’épargne en logement social. Je vous remercie d'avoir rappelé que le actions. Gouvernement, en relevant les plafonds du livret A et du livret de développement durable, y avait lui aussi fortement L’épargne la plus populaire, notamment le livret A, contribué. contribue également à cet objectif à travers l’intervention du fonds d’épargne, qui centralise une partie des dépôts Vous souhaitez que le livret A et le livret de développement des livrets A et des livrets de développement durable, non durable retrouvent toute leur visibilité. Sur ce point, je ne seulement pour le financement du logement et des investis- partage pas nécessairement votre analyse. Il est indéniable, sements des collectivités locales, mais aussi pour le refinan- selon moi, que le livret A et le livret de développement cement de la Banque publique d’investissement, BPI France. durable sont aujourd'hui des produits très largement Le Gouvernement et la majorité ont ainsi souhaité donner un connus et diffusés. Les inégalités entre les montants des nouvel élan à l’épargne populaire. C’est dans cet esprit que le encours, que vous pointez à juste titre,… plafond du livret A a été relevé de 50 % et celui du livret de Mme Françoise Férat. Ah ! SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2409

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. … sont avant tout le mais également, mécaniquement, l’augmentation des reflet d’inégalités dans la répartition même de l'épargne. montants centralisés au fonds d'épargne de la Caisse des Vous m'avez interrogée sur les fonds du livret A et du livret dépôts et consignations. Aujourd'hui, ce dernier dispose de développement durable qui ne sont pas centralisés, très largement des fonds dont il a besoin pour remplir ses notamment l'enveloppe de 30 milliards d'euros dégagée missions, notamment le financement du logement social. Le pour les banques. Je rappelle que ces fonds doivent, en Gouvernement n'a donc failli ni à ses engagements ni à sa vertu de la loi, être employés par les banques pour le mission. crédit aux petites et moyennes entreprises. Et c'est bien ce Vous avez parlé du taux de rémunération du livret A. Sur qui se passe ! Les encours de crédits aux PME des banques ce point, le Gouvernement a pris des décisions très claires : il françaises dépassent largement les exigences de la loi. Pour a veillé, comme le Président de la République s'y était engagé, mémoire, cet encours est aujourd'hui de 360 milliards à ce que le taux de rémunération de ce livret soit toujours d'euros, soit largement plus que les 170 milliards d’euros significativement supérieur au taux de l'inflation, s'écartant que vous évoquiez. ainsi de la stricte application de la formule, qui aurait conduit S'agissant de l'enveloppe de 30 milliards d’euros décidée à des taux de rémunération inférieurs. par le Président de la République, elle participe d'une démarche plus large destinée à s'assurer que les banques Je rappelle enfin que cette rémunération pèse aussi sur le jouent pleinement leur rôle dans le financement de nos taux auquel la Caisse des dépôts et consignations peut prêter entreprises. Cette enveloppe était ainsi destinée à fournir aux bailleurs sociaux. C'est une contrainte que nous prenons aux banques une ressource additionnelle pour leurs activités en compte dans la définition du logement social. de crédit, en particulier à destination des PME qui en ont le Monsieur Vaugrenard, je vous remercie d'avoir abordé plus besoin. deux sujets essentiels pour lesquels l'action du Gouvernement Des premiers éléments dont dispose le Gouvernement, il et de la majorité a permis de renforcer les acquis de l'épargne ressort que les banques qui ont le plus bénéficié de cette populaire et les droits des épargnants. mesure sont celles dont la production de crédit à la fin de l'année 2013 a été la plus dynamique. L'évaluation de cette En ce qui concerne l'épargne réglementée, je vous remercie mesure se poursuit plus en détail, mais il faut d'ores et déjà la d'avoir rappelé que le Gouvernement a tenu l'engagement qui était celui du Président de la République lors de sa considérer comme un succès. campagne : d'une part, relever les plafonds du livret A et Monsieur Guerriau, vous avez souhaité évoquer le droit au du livret de développement durable ; d'autre part, s’assurer, compte. C'est une question absolument fondamentale, qui dans les décisions concernant la fixation du taux du livret A, faisait partie des objectifs identifiés par le Gouvernement que celui-ci permettait de préserver le pouvoir d'achat de dans le plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion cette épargne en prenant en compte l’évolution de l'inflation. sociale annoncé en décembre 2012. À ce titre, le Gouverne- ment a déployé de grands efforts pour favoriser le droit au Vous avez également mentionné la réforme du livret compte en prenant une série de mesures destinées à en d'épargne populaire, qui va donner une nouvelle dynamique faciliter l’exercice. La loi de séparation et de régulation des à ce produit. Sur ce point, je souhaite souligner que le activités bancaires a renforcé les exigences pesant à ce titre sur Gouvernement a pris ces décisions en ayant également à les banques. Elle a également prévu d'élargir aux associations l’esprit, au-delà de la protection de l'épargne populaire, son qui aident les exclus la possibilité de saisir la Banque de rôle essentiel dans le financement de notre économie. France pour le compte d'un tiers et de l'aider à faire valoir En premier lieu, comme vous l'avez dit, le Gouvernement a son droit au compte. assuré l’affectation directe d'une partie de ces fonds vers les Je souhaite rappeler ici que, si la Banque postale joue un bilans des banques afin de leur permettre de jouer leur rôle de rôle central dans l'accessibilité bancaire, notamment au fournisseur de crédit, rôle qu'elles devront tout particulière- travers du livret A, le Gouvernement attend de l'ensemble ment tenir en 2014 avec la confirmation de la reprise et le des banques qu'elles y prennent leur part. En effet, le livret A redémarrage de la croissance. est un outil imparfait pour permettre l'accessibilité bancaire, et nous devons viser l'accès à un véritable compte bancaire En second lieu, le Gouvernement a développé de nouveaux pour tous. emplois pour les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations – fonds qui centralisent ceux du livret A et du Vous avez mentionné le livret d'épargne populaire. J'aurai livret de développement durable –, en cohérence avec le l'occasion d'y revenir, mais je rappelle d'emblée que la rapport des députés Karine Berger et Dominique Lefebvre. réforme votée à la toute fin de l’année dernière va à la fois Ces fonds permettent ainsi le refinancement de BPI France et relancer ce produit en élargissant le champ des épargnants ils ont aussi été affectés au financement des investissements qui pourront en bénéficier et en faciliter le recours. des collectivités locales dans le cadre d'un plan d'action plus Madame Assassi, vous avez rappelé les règles de centralisa- large visant à leur faire retrouver l’accès au crédit bancaire tion des fonds collectés sur le livret A et le livret de dévelop- après le retrait de Dexia, qui, vous le savez, jouait un rôle pement durable, ainsi que les obligations qui pèsent sur les majeur sur ce marché. Ce plan, qui a également vu la création banques pour l'emploi des fonds non centralisés. Vous avez d'une banque publique des collectivités locales avec l'appui également évoqué le relèvement des plafonds. de la Banque postale, est aujourd'hui un succès salué par tous. Je ne partage évidemment pas votre analyse. Le Gouver- nement a bien tenu ses engagements, qui étaient ceux du Je vous remercie également d'avoir présenté les enjeux de la Président de la République. Le relèvement des plafonds du proposition de loi que Christian Eckert et le groupe socialiste livret A et du livret de développement durable a été réalisé. Il ont présentée à l'Assemblée nationale et qui a été adoptée. a permis non seulement une très large hausse de la collecte, Vous anticipez ainsi sur un débat qui aura lieu ici même, en 2410 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 avril, et vous avez bien raison de le faire, tant ce sujet se de notre société qui en ont le plus besoin : le financement en trouve en résonance avec l'impératif de protection de capital des PME, le financement de la construction de l'épargne populaire. logements, l’économie sociale et solidaire. Je ne reviens pas en détail sur ce point, que vous avez fort Monsieur de Legge, je vous remercie de l’état des lieux très bien présenté. Je souhaite simplement rappeler que le complet de l’épargne en France que vous avez dressé. En Gouvernement a soutenu la démarche des parlementaires, revanche, comme vous l’imaginez, je ne puis vous suivre des députés comme des sénateurs, qui travaillent depuis lorsque vous parlez de matraquage fiscal et, surtout, je longtemps sur ce sujet et qui ont souhaité apporter une n’entrerai pas dans la polémique sur la question de savoir solution aboutie et complète à la question des comptes qui, du précédent gouvernement ou de l’actuel, est respon- bancaires et des contrats d'assurance vie en déshérence. sable de la hausse des prélèvements qui ont frappé le plus durement les ménages en 2012 et en 2013. À plusieurs Jusqu'à présent, cette question récurrente n'avait pu être reprises, mes collègues Pierre Moscovici et Bernard traitée que de manière partielle par le législateur et les Cazeneuve ont démontré, chiffres à l’appui, que le gouver- pouvoirs publics. Offrant une solution complète, la propo- nement précédent en était le principal responsable. sition de loi dont vous aurez très prochainement à débattre tranche avec cette situation en faisant notamment appel à la Vous avez évoqué la question de l’accès à la propriété. Le Caisse des dépôts et consignations, lui faisant jouer un rôle Gouvernement a mené une action vigoureuse pour relancer essentiel dans la centralisation de ces avoirs délaissés afin de la construction et relâcher ainsi la pression dans les zones permettre aux clients concernés, à leurs bénéficiaires ou à tendues. Je citerai l’exemple de la mobilisation du foncier leurs ayants droit de réclamer plus facilement ce qui leur est public en faveur du logement social. dû. S'agissant du financement des entreprises, comme j’ai pu le rappeler à l’instant, le Gouvernement cherche notamment à La proposition de loi prévoit également un renforcement orienter l’épargne vers les fonds propres des entreprises, ce des obligations pesant sur les établissements financiers, qui est extrêmement important. J’ai mentionné le PEA-PME banques et entreprises d'assurance, afin que l’on puisse et le PEA, et je vous remercie d’avoir cité la réforme de enfin envisager de trouver la solution à ce problème. l'assurance vie, qui poursuit également cet objectif. Pour Comme vous, monsieur le sénateur, je vois ici la manifes- conclure, je précise que le PEA-PME pourra se cumuler tation de la volonté du Gouvernement et de la majorité de avec le PEA et que, dès lors, les deux plafonds pourront proposer des solutions extrêmement concrètes aux Français s'additionner. pour la protection de leur épargne et pour le renforcement de Mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie à nouveau cette valeur cardinale en économie qu’est la confiance. chacun d’entre vous. Vos interventions soulignent l'intérêt porté par la représentation nationale à ce sujet éminemment Monsieur Fortassin, je vous remercie d’avoir souligné que important qu’est l’épargne populaire, et donc au financement le Gouvernement a mené, en matière d’épargne populaire, de notre économie, en particulier celui des petites et une politique volontariste. C'est bien notre sentiment égale- moyennes entreprises. Je l’ai indiqué, le Gouvernement est ment, qu’il s'agisse du livret A, du livret de développement tout entier mobilisé pour que nous puissions utiliser l’actif durable ou du livret d’épargne populaire. Je vous remercie important que représente l’épargne populaire pour assurer la également de votre soutien à la politique économique du croissance de nos entreprises et de notre économie. (Applau- Gouvernement. En matière d’épargne, la politique qu’il dissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écolo- mène s'inscrit plus largement dans la politique de finance- giste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Le ment de l’économie. Je vous remercie, enfin, d’avoir rappelé Scouarnec applaudit également.) que le Gouvernement a mené une grande réforme de l’épargne réglementée ; vous en avez rappelé les objectifs, et M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur je vous confirme que le Gouvernement veut désormais stabi- l’épargne populaire. liser le cadre normatif de cette épargne. Monsieur Desessard, vous avez souligné à raison que la 7 notion d’épargne populaire est multiforme, qu’elle peut couvrir des champs extrêmement divers. Pour ma part, dans mon introduction, j'ai souhaité en retenir une défini- CANDIDATURE À UN ORGANISME tion assez large. EXTRAPARLEMENTAIRE Vous avez soulevé la question d’une éventuelle fiscalisation M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que des livrets, que certains ont évoquée. Je rappelle que, à M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir plusieurs reprises, le Gouvernement a indiqué qu’il n’enten- procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein dait pas revenir sur ce point. du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine. La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle Vous avez également soulevé la question de l'assurance vie, propose la candidature de Mme Catherine Deroche. qui est de loin le produit d’épargne préféré des Français. Sur ce sujet, le Gouvernement a proposé une réforme que le Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformé- Parlement a adoptée il y a quelques mois dans le cadre de ment à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à la loi de finances rectificative pour 2013. Cette réforme a l’expiration du délai d’une heure. notamment permis la création de nouveaux produits, les Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les contrats « euro-croissance » et « vie-génération », dont reprendrons à vingt et une heures trente. l’objectif est précisément de réorienter les encours de l'assu- rance vie vers les finalités et les vecteurs de notre économie et La séance est suspendue. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2411

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et Leur travail a abouti à un renforcement des dommages et une heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.) intérêts attribués aux entreprises victimes de contrefaçon. Il sera dorénavant tenu compte du préjudice moral dans la PRÉSIDENCE DE M. CHARLES GUENÉ méthode forfaitaire de réparation du préjudice et l’indemni- vice-président sation versée sera obligatoirement supérieure aux droits normalement payés par le contrefacteur. Il a en outre abouti à un encadrement plus précis du fichier prévu par M. le président. La séance est reprise. l’article 13 qui sera mis en œuvre par les douanes à partir des données transmises par les opérateurs de fret express. 8 Des questions ont été légitimement soulevées sur la néces- sité de mieux encadrer ce dispositif, notamment par la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui NOMINATION D'UN MEMBRE D'UN s’est autosaisie de ce texte le 23 janvier dernier. Le Sénat avait ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE déjà précisé que cette transmission des données ne devait pas M. le président. Je rappelle que la commission des affaires porter atteinte au secret des correspondances. L’Assemblée sociales a proposé une candidature pour un organisme extra- nationale s’est fait l’écho de ses préoccupations en défendant parlementaire. la transmission de toute donnée nominative, en précisant la notion d’opérateur de fret express ainsi que le champ des flux La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai concernés, et en limitant à deux ans la conservation de ces d’une heure prévu par l’article 9 du règlement. données. Cette durée est à la fois raisonnable et nécessaire En conséquence, cette candidature est ratifiée, et je pour procéder à une analyse de risque efficace en disposant proclame Mme Catherine Deroche comme membre du d’un nombre de données suffisant et en tenant compte de la conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine. saisonnalité de certains flux. Il s’agit bien de n’arrêter les flux qu’à bon escient. Ce dispositif en offre les moyens aux douanes. 9 Je souhaite aussi que les douanes et les opérateurs puissent déterminer ensemble les conditions de leur coopération, rendue nécessaire par le développement du commerce en LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON ligne, le texte complétant d’ores et déjà les moyens offerts aux douanes en aval sans pour autant entraver le commerce Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposi- légitime. tion de loi dans le texte de la commission En France, 117 500 sites de e-commerce sont actifs et M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en réalisent un chiffre d’affaires annuel de 45 milliards d’euros deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par dans le domaine des biens et des services. Certes, l’e- l’Assemblée nationale après engagement de la procédure commerce n’est pas aussi prospère en France que dans accélérée, tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon o o d’autres contrées, mais je connais les Français : lorsqu’ils s’y (proposition n 335, texte de la commission n 383, rapport mettront, ils rattraperont très vite leur retard ! no 382). En Europe, près de 550 000 sites marchands s’adressent à Dans la discussion générale, la parole est à Mme la plus de 250 millions d’acheteurs en ligne, pour un chiffre ministre. d’affaires de 312 milliards d’euros. Vous mesurez l’impor- Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. tance de ce type de commerce ! Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Conséquence directe de ce développement, les saisies de il y a un peu plus de trois mois, la présente proposition de contrefaçons sur les vecteurs du fret express postal ont forte- loi a été adoptée à l’unanimité par le Sénat, qui en est à ment augmenté, passant de 35 000 en 2005 à 1,4 million en l’origine. Résultant d’un important travail commencé en 2012, soit 30 % des saisies. 2011 à l’occasion de l’évaluation de la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, elle vise à renforcer la Au moment où se tient le salon de l’agriculture, il faut lutte contre ce fléau mondial, protéiforme et exponentiel rappeler que la France est le premier exportateur mondial de qu’est la contrefaçon, qui représente tout de même pour semences. Le texte adopté par l’Assemblée nationale affirme notre pays, bon an mal an, 6 milliards d’euros de manque clairement, comme l’avait rappelé le Sénat auparavant, que à gagner par an. les semences de ferme ne constituent pas une contrefaçon. Je salue la méthode. On dit souvent que trop de loi tue la M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien ! loi, mais le travail et l’évaluation auxquels cette proposition Mme Nicole Bricq, ministre. Un équilibre a été trouvé dans de loi a donné lieu constituent une valeur ajoutée à laquelle le le texte pour offrir aux certificats d’obtention végétale la Gouvernement se rallie. protection nécessaire à toute invention intellectuelle, tout Le 4 février dernier, l’Assemblée nationale s’est elle aussi en préservant les pratiques agricoles de semences de ferme. prononcée à l’unanimité pour l’adoption de cette proposition La protection de ces obtentions végétales garantit la durabi- de loi. S’inscrivant dans vos pas, les députés ont confirmé les lité de l’activité de 72 entreprises semencières, parmi objectifs fixés par le texte : dissuader la contrefaçon par lesquelles se trouvent de nombreuses PME, de l’augmentation des dédommagements civils et renforcer les 9 000 emplois et de quelque 17 800 agriculteurs multiplica- moyens d’action de la douane en assurant à tous les types de teurs de semence. Il faut savoir que, chaque année, droits de propriété intellectuelle le niveau de protection le 600 nouvelles variétés sont créées et que le budget dépensé plus élevé. dans la recherche est de 240 millions d’euros par an. 2412 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation bataille économique mondiale. Si nous parvenons ce soir à la et la forêt, que vous avez examiné la semaine dernière en fin de ce processus législatif, la France sera à la pointe de ce commission des affaires économiques, vous donnera l’occa- combat. (Applaudissements.) sion de discuter de ce sujet. De même, comme le ministre de M. le président. La parole est à M. le rapporteur. l’agriculture Stéphane Le Foll l’a annoncé devant vous à l’occasion du récent débat, le décret élargissant la liste des M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois semences de ferme à treize autres semences, dont les sojas, les constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règle- trèfles, les lupins, les pois, a été transmis au Conseil d’État le ment et d'administration générale. Monsieur le président, 13 février dernier. Celles-ci viennent s’ajouter aux vingt et madame la ministre, mes chers collègues, autant le dire une prévues par la réglementation européenne. Les engage- d’emblée, notre commission des lois est satisfaite du texte ments pris ont donc été tenus. adopté par l’Assemblée nationale en séance publique et propose donc au Sénat d’adopter conforme en deuxième Enfin, le Gouvernement a souhaité confirmer la position lecture la proposition de loi tendant à renforcer la lutte du Sénat en matière d’alignement des délais de prescription contre la contrefaçon. en matière d’action civile, notamment s’agissant de l’action en paiement des sommes recouvrées par les sociétés de Entre la réunion de la commission des lois et la séance perception et de répartition des droits d’auteur. Je salue ici publique à l’Assemblée nationale, j’ai pu avoir des échanges l’esprit de compromis du rapporteur de l’Assemblée natio- approfondis tant avec le Gouvernement qu’avec mon nale, qui s’est rallié à cette position. homologue rapporteur Jean-Michel Clément, que je tiens ici à remercier pour son écoute, son ouverture à la discussion M. Jean-Jacques Hyest. Très bien ! et au compromis. Ces échanges ont permis d’aboutir, à l’issue Mme Nicole Bricq, ministre. Notre lutte contre ce fléau doit des travaux de l’Assemblée nationale en séance publique, le être portée sur tous les fronts, en France, en Europe et avec 4 février dernier, à une rédaction tout à fait proche des tous nos partenaires. préoccupations du Sénat et ne remettant en cause aucune de nos positions. Je ne peux que m’en féliciter. L’adoption de la proposition de loi permettra à la France de se mettre en cohérence avec le nouveau règlement Je rappelle que le texte dont nous discutons tire son origine européen du 12 juin 2013, entré en application le 1er d’une proposition de loi déposée par notre collègue Richard janvier de cette année, qui encadre l’action de la douane Yung le 30 septembre 2013, elle-même reprenant pour contre la contrefaçon. Hier, le Parlement européen s’est l’essentiel le texte de la proposition de loi tendant à renforcer également prononcé en session plénière sur le « paquet la lutte contre la contrefaçon déposée par notre ancien marques ». La rédaction votée permet la reprise des contrôles collègue Laurent Béteille, tel que notre commission l’avait de marchandise en transit, mis à mal par la jurisprudence adopté le 12 juillet 2011, sans que ce texte puisse être inscrit à européenne Nokia-Philips de 2011, qui avait entraîné une l’ordre du jour du Sénat. chute des saisies opérées par la douane. C’est la position portée par la France qui a été adoptée. Il reste à convaincre Avant de présenter les modifications apportées par l’Assem- le Conseil, qui doit maintenant statuer sur ce paquet législatif blée nationale, permettez-moi de faire le point sur la question pour que puisse s’engager au plus vite le « trilogue » avec la des « semences de ferme ». Comme lors des débats en séance Commission et le Parlement. au Sénat, cette question a quelque peu détourné les débats de l’Assemblée nationale de l’objet même du texte, dont je Nous menons également cette lutte contre la contrefaçon rappelle qu’il consiste à renforcer les moyens de la lutte au niveau international par un renforcement des moyens contre le phénomène de la contrefaçon, en harmonisant et dévolus à la coopération internationale et grâce à notre en améliorant les procédures existantes, dans le respect du réseau d’attachés douaniers déployés dans soixante-dix cadre fixé par le droit communautaire. pays. Ainsi, à l’occasion de la récente visite présidentielle en Turquie, j’ai signé un accord de coopération avec le Je veux redire ici qu’en aucun cas ce texte ne modifie le ministère du commerce et des douanes turc qui permettra fond du droit applicable aux obtentions végétales et à la de renforcer les échanges entre nos services. dérogation prévue pour les semences de ferme. Je rappelle également que le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, Notre arsenal pour lutter contre la contrefaçon est déjà bon l’alimentation et la forêt, adopté par l’Assemblée nationale et nous cherchons, avec le Parlement, à le rendre meilleur au le 14 janvier dernier, doit être examiné en avril par le Sénat ; travers de cette proposition de loi. Le classement de la c’est le texte idéal pour ceux qui souhaitent avoir un débat sur chambre de commerce des États-Unis, paru le 28 janvier les semences de ferme. dernier, situe d’ailleurs cette année notre pays à la troisième position en matière de protection de la propriété intellec- Toutefois, afin de répondre aux inquiétudes qui se sont tuelle, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni. Ce classe- développées sur cette question, trois amendements ont été ment est significatif, car il est souvent dur avec les Français. adoptés au cours de la navette : le premier au Sénat, sur Protéger l’innovation des entreprises participe aussi de l’initiative de notre collègue Nicole Bonnefoy, et les deux l’attractivité de notre territoire. autres à l’Assemblée nationale. Ces amendements ont une vertu didactique pour deux d’entre eux : rappeler la déroga- La proposition de loi dotera la France d’un arsenal plus tion prévue par le code de la propriété intellectuelle pour les efficace encore dans sa lutte contre le trafic de marchandises semences de ferme lorsque l’on énumère les utilisations inter- contrefaites. C’est grâce à l’important travail qui a été mené dites d’un certificat d’obtention végétale sans le consente- sur l’initiative du Sénat que ce texte a pu avancer aussi vite ment de son titulaire et préciser que les semences de ferme sans que jamais l’intérêt général soit perdu de vue par les uns utilisées dans le cadre prévu par le code de la propriété et les autres. Ce dialogue constructif entre le Gouvernement intellectuelle ne sont pas des contrefaçons. Le troisième et le Parlement est un bon exemple de ce que nous pouvons amendement a une portée plus normative, mais son impact faire ensemble pour rendre la France plus compétitive dans la pratique demeure très limité et ne remet pas en cause la SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2413 logique d’harmonisation du texte : il s’agit d’exclure les tant à la saisie descriptive de demeurer valable dans la semences de ferme de la procédure de retenue douanière et perspective d’une éventuelle action ultérieure devant la de destruction simplifiée. justice. Pour conclure sur cette question des semences de ferme, je Suivant la logique d’harmonisation du texte, l’Assemblée déplore qu’elle nous ait éloignés du véritable enjeu de ce nationale a cependant aligné la procédure prévue en matière texte, c’est-à-dire l’activité économique et les emplois que de propriété littéraire et artistique, douteuse d’un point de nous perdons à cause du développement de ce fléau multi- vue constitutionnel, sur celle prévue en matière de propriété forme de la contrefaçon. Ne l’oublions pas ! industrielle. Il s’agit d’une question de conciliation entre les droits de la défense, dans le cadre d’une procédure quelque J’en reviens à présent à l’objet réel de la proposition de loi, peu exorbitante, et l’efficacité de l’action des personnes à savoir le renforcement des moyens de la lutte contre la victimes de contrefaçon. Nous pouvons nous rallier sans contrefaçon. nous renier à la solution de l’Assemblée nationale, qui a au Sur vingt et un articles en navette, huit ont été adoptés moins le mérite de s’en tenir au droit en vigueur, lequel n’est conformes par l’Assemblée nationale. Il s’agit des articles 9, pas contesté... 10, 14, 15, 16, 16 bis, 17 et 18. L’article 13, vous vous en souvenez peut-être, instaure une Je souhaite dire quelques mots de l’article 16, car il a fait obligation de transmission aux douanes des données relatives l’objet d’importantes discussions avec l’Assemblée nationale. aux colis transportés par les prestataires de services postaux et Cet article vise à aligner sur le délai de droit commun de cinq les entreprises de fret express, à des fins de contrôle par la ans les délais de prescription en matière civile figurant dans le mise en place de traitements automatisés de ces données. code de la propriété intellectuelle, conformément à la L’Assemblée nationale a poursuivi la démarche d’encadre- réforme souhaitée par notre commission des lois, sur l’initia- ment de ce dispositif – très contesté par les entreprises tive de notre collègue Jean-Jacques Hyest, dans le cadre de la concernées – engagée par le Sénat sur ma proposition, au loi du 17 juin 2008. nom du principe de proportionnalité et de l’exigence de Dans un premier temps, sur proposition de son rappor- protection des données personnelles. La collecte des teur, la commission des lois de l’Assemblée nationale avait données relatives aux personnes concernées par les colis a approuvé le relèvement de trois à cinq ans du délai de notamment été supprimée, ce qui constitue une garantie prescription de l’action civile en matière de contrefaçon. substantielle pour la protection de la vie privée. En outre, Elle avait toutefois souhaité maintenir à dix ans le délai de le dispositif est expressément soumis aux dispositions de la loi prescription de l’action en paiement des sommes recouvrées du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux par les sociétés de perception et de répartition des droits libertés. Le délai de conservation des données est fixé à deux d’auteur lorsque ces sommes n’ont pu être versées à un ans par la loi. ayant droit, considérant qu’il s’agissait d’une action en S’agissant de l’exclusion des envois domestiques du dispo- paiement et que la réduction à cinq ans serait moins sitif, c’est-à-dire ce qui est envoyé en France à destination de favorable aux ayants droit. la France, votée par le Sénat pour assurer une meilleure Une telle modification remettait évidemment en cause la proportionnalité du dispositif, l’Assemblée nationale a position défendue par notre commission, attachée à l’aligne- estimé qu’elle posait une difficulté au regard des principes ment sur le délai de droit commun de cinq ans, selon une de non-discrimination et de libre circulation des marchan- logique d’harmonisation des délais de prescription. Cepen- dises dans l’Union européenne. Seuls seraient exclus du dant, après discussion, sur l’initiative du Gouvernement et dispositif les envois en provenance ou à destination des avec l’accord du rapporteur de l’Assemblée nationale, États extérieurs à l’Union européenne, car ils sont déjà l’article 16 a été rétabli en séance publique dans la rédaction couverts par une obligation européenne similaire de trans- adoptée par le Sénat, de sorte que l’article a été voté mission de données. Même si les paramètres sont un peu conforme. différents de ceux que nous avions proposés en première lecture, l’encadrement de ce dispositif sort renforcé de la D’autres articles ont fait l’objet de modifications notables, navette et des débats parlementaires, ce dont il faut se mais sans dénaturer ou remettre en cause la portée du texte féliciter. que nous avons voté en première lecture. Je les évoque rapidement. Enfin, concernant l’article 20 relatif à l’application du texte dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie À l’article 2, destiné à améliorer les dédommagements civils – vous savez combien la commission des lois est attentive à pour les victimes de contrefaçon, l’Assemblée nationale a l’application de la loi outre-mer –, les échanges avec le quelque peu modifié les modalités de l’indemnisation forfai- rapporteur de l’Assemblée nationale ont permis de parvenir taire et apporté des précisions, sans remettre en cause la à une rédaction conforme aux textes organiques statutaires rédaction du Sénat visant à écarter tout risque de des collectivités concernées et à la répartition des compé- dommages et intérêts punitifs, contraires à notre tradition tences entre l’État et ces collectivités. juridique. Dans ces conditions, notre commission a considéré que les À l’article 5, concernant les conséquences de l’absence positions adoptées par le Sénat en première lecture n’avaient d’action civile ou pénale de la part du saisissant à la suite pas été remises en cause par l’Assemblée nationale, laquelle a d’une saisie-contrefaçon, l’Assemblée nationale a préféré s’en partagé notre vision des finalités comme des modalités tenir à l’état actuel du droit en matière de propriété indus- d’application du texte. Elle a donc adopté la proposition trielle, c’est-à-dire l’annulation de l’ensemble des opérations de loi sans modification et invite aujourd’hui le Sénat à de saisie-contrefaçon – saisie réelle comme saisie descrip- faire de même, car, comme vous l’avez dit, madame la tive –, plutôt que de suivre la voie intermédiaire adoptée ministre, il est urgent que ces mesures entrent en par le Sénat d’une mainlevée de la seule saisie réelle, permet- vigueur. (Applaudissements.) 2414 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi. clos. L’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la l’alimentation et la forêt sera l’occasion de revenir sur cette ministre, mes chers collègues, la contrefaçon a pris une question. dimension nouvelle ces dernières années. Le trafic mondial Je voudrais déplorer encore une fois le mandat donné à la de produits contrefaisants représenterait 10 % du commerce Commission européenne dans le cadre des négociations de mondial, soit environ 250 milliards d’euros par an. À l’accord de libre-échange transatlantique, qui portera sur des l’échelon national, la contrefaçon pourrait entraîner chaque questions liées aux droits de propriété intellectuelle. Nous année jusqu’à 38 000 destructions d’emplois et 6 milliards pensons qu’il devrait exclure toutes les dispositions y d’euros de manque à gagner pour l’économie. Surtout, elle afférentes, car nous ne souhaitons pas importer un système représente une menace pour la santé et la sécurité des dans lequel les firmes de l’industrie chimique polluent les consommateurs en raison de ses conséquences sanitaires et cultures et attaquent ensuite les agriculteurs pour contre- sociales, qui peuvent être désastreuses. façon. La lutte contre la contrefaçon est donc un enjeu majeur qui La Cour suprême des États-Unis a donné raison, en mai doit viser avant tout à protéger les consommateurs contre les dernier, au géant de l’agrochimie Monsanto dans un litige produits dangereux et à préserver l’emploi. C’est pourquoi qui l’opposait à un producteur de soja de l’Indiana, accusé nous estimons que le texte qui nous est soumis va globale- d’avoir enfreint ses brevets par l’utilisation de graines trans- ment dans le bon sens, étoffant l’arsenal juridique à disposi- géniques. La Haute Cour a pris cette décision à l’unanimité, tion des douaniers. considérant que la protection intellectuelle « ne permet pas à un agriculteur de reproduire des graines brevetées en les Nous soutenons les principales dispositions que sont le plantant et en les récoltant sans détenir une permission du renforcement des dédommagements civils accordés aux propriétaire du brevet ». Voilà ce à quoi nous nous exposons ! victimes de contrefaçon, l’harmonisation des procédures existantes en matière de contrefaçon, notamment via la clari- C’est pourquoi – je le dis avec force – notre inquiétude est fication de la procédure du droit à l’information, la procé- grande pour notre agriculture, face à la tendance actuelle dure de saisie-contrefaçon entre les différents droits de d’accepter de breveter, non des inventions, mais des décou- propriété intellectuelle, l’alignement des délais de prescrip- vertes, et de les transformer en outil mercantile, alors même tion de l’action civile en matière de contrefaçon sur le délai qu’elles devraient être au service de la recherche agricole, afin de droit commun de cinq ans et, globalement, l’accroisse- de favoriser la construction, avec les agriculteurs, d’un ment des moyens d’action juridique des douanes. modèle agricole alternatif vertueux sur les plans social et environnemental. Cela étant dit, madame la ministre, se pose tout de même la question de l’efficacité des nouvelles mesures juridiques Le second point a trait à l’article 13 de la proposition de conférées à l’administration des douanes, eu égard à la situa- loi, qui présente des risques d’atteinte à la vie privée et aux tion dans laquelle elle se trouve, tant en termes d’effectifs que libertés publiques, dans la mesure où il prévoit la transmis- de moyens. sion aux douanes des données détenues par les opérateurs du fret express et de La Poste. Ces données seront enregistrées Les services des douanes ressortent particulièrement sur un fichier informatisé, mis à disposition de la direction meurtris de la RGPP, la révision générale des politiques générale des douanes. Le champ d’application de cet article publiques, qui a entraîné la suppression de plus de 8 % est très large, même si l’Assemblée nationale a défini les des postes : le nombre des agents, qui s’élevait à 22 000 au opérateurs de fret express soumis à cette obligation en début des années quatre-vingt, est aujourd’hui d’à peine plus référence aux règles européennes et précisé la durée de conser- de 16 000. Alors que les services des douanes sont au bord de vation des données ainsi que les modalités de destruction. la rupture, leur budget est encore en baisse pour 2014. Vous connaissez notre position sur la création de fichiers, Notre débat est aussi l’occasion de rappeler que le service quels qu’ils soient, et nous en appelons à la plus grande des douanes est un levier de régulation économique, de vigilance. sauvegarde du tissu industriel et de lutte contre le dumping Pour finir, mes chers collègues, je voudrais rappeler l’essen- social et écologique dont la France ne peut se passer. S’il est tiel, en tout cas selon nous : la lutte contre la contrefaçon ne important de renforcer l’arsenal juridique, il nous semble saurait se cantonner au simple champ judiciaire ; elle doit tout aussi indispensable d’augmenter les moyens humains aussi avoir pour objectif de freiner les délocalisations de et budgétaires alloués à son application. productions et nous permettre de repenser nos modèles Ces remarques générales étant faites, je voudrais mainte- d’échanges économiques, notamment avec les pays en voie nant aborder deux points particuliers. de développement. Le premier concerne les semences de ferme. Comme l’a dit Sous réserve de ces quelques remarques, nous voterons le mon collègue Gérard Le Cam en première lecture, nous texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du avons soutenu pleinement l’action de la Confédération groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines paysanne visant à introduire une exception agricole, afin travées du RDSE.) que les paysans ne voient pas leurs récoltes saisies ou détruites M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien ! à la moindre demande des multinationales. Nous faisons du M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars. droit des paysans à utiliser leurs propres semences végétales et animales l’une des conditions de l’existence d’une agriculture M. Stéphane Mazars. Monsieur le président, madame la paysanne répondant à la satisfaction des besoins humains. ministre, mes chers collègues, la contrefaçon est un enjeu majeur pour la France et son savoir-faire reconnu dans de Je sais que l’Assemblée nationale a adopté un amendement multiples domaines. Le 30 janvier dernier, a été lancée une visant à affirmer dans la loi que l’utilisation des semences de mission interministérielle de réflexion et de concertation ferme n’est pas une contrefaçon. Reste que le débat n’est pas destinée à mettre en lumière les enjeux et les moyens de SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2415 mise en œuvre d’une marque « France ». Cette mission, santes la possibilité pour un douanier de réaliser, après autori- présidée par M. Philippe Lentschener, fait suite au rapport sation du procureur, la collecte d’informations sous une Gallois ; elle a été annoncée dans le cadre du pacte national fausse identité et en infiltration. De même, les perquisitions pour la compétitivité, la croissance et l’emploi. douanières se trouvent facilitées par l’autorisation de l’accès aux locaux à usage d’habitation avec le seul accord de la Alors que l’image de marque de la France constitue une personne concernée. Les agents des douanes disposent désor- véritable manne pour notre pays, elle se voit aujourd’hui mais de procédures plus souples pour la mise en œuvre des écornée par l’inadéquation de son exploitation, ainsi que contrôles douaniers chez les opérateurs de fret. par une protection lacunaire contre certains aspects domma- geables de la mondialisation. Pour reprendre l’expression de La procédure de saisie-contrefaçon, ô combien essentielle M. Lentschener, il s’agit aujourd’hui de poursuivre et de dans la démonstration de la preuve pour ce type de litiges, a consolider un « récit national économique dont on sera fier ». été modernisée. Nous saluons ici la précision apportée par l’Assemblée nationale concernant l’intervention d’un expert C’est de cet enjeu que traite la présente proposition de loi, lors d’une telle saisie. Celle-ci ne constitue désormais qu’une fruit d’une collaboration étroite et féconde entre nos deux faculté, afin d’éviter tout risque de vice de procédure que assemblées. Elle constitue une avancée en matière de lutte l’absence de désignation d’un expert par le demandeur contre la contrefaçon et de préservation du made in France. pourrait entraîner. Par « préservation », je n’entends pas un combat peu ou prou réactionnaire ou d’arrière-garde, mais bien la valorisation de Progrès supplémentaire apporté par ce texte : l’indemnisa- l’atout économique que représente notre savoir-faire. tion des victimes de la contrefaçon se voit améliorée. L’état actuel du droit est très peu dissuasif : le contrefacteur est La perte directe de chiffre d’affaires pour les entreprises condamné au paiement d’une somme équivalente à celle françaises victimes de la contrefaçon est estimée à 6 milliards versée par l’exploitant régulier d’un droit de propriété intel- d’euros par an et à 4 % à 7 % pour l’ensemble du secteur du lectuelle. Sans créer de dommages et intérêts punitifs, luxe français. Aux pertes d’emplois induites s’ajoutent les inconnus dans notre droit positif, la loi précisera désormais pertes en matière d’innovation. que le contrefacteur s’expose au paiement d’une somme plus Le made in France doit être un argument de vente supplé- élevée, ainsi qu’à la réparation d’un préjudice moral. mentaire et un gage de qualité. À ce titre, nous saluons Mes chers collègues, la contrefaçon porte atteinte à notre l’adoption du projet de loi relatif à la consommation et capital matériel et immatériel, à la part palpable de notre l’introduction consécutive, dans le code de la propriété intel- économie comme à sa part impalpable, qui est notre image lectuelle, d’une procédure nationale d’homologation des de marque. La dentelle de Calais, les santons de Provence, les cahiers des charges des indications géographiques pour les mouchoirs de Cholet : comme il serait dommage de laisser à produits manufacturés. Les consommateurs bénéficieront d’autres la fierté de notre capital culturel, qui est aussi notre désormais d’une meilleure information et ne pourront plus capital économique et un réel avantage comparatif dans la être les victimes d’un jeu de dupes mené par certaines mondialisation. Préservons la créativité française, elle est marques. Il s’agit même davantage, par cette loi, de mettre notre plus grande source de richesses et une solution pour en place un outil de protection et de valorisation du « made une sortie durable de la crise ! (Applaudissements sur les travées in territoires de France » plutôt que du simple « made in du RDSE, du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe France ». CRC.) Par ailleurs, la procédure d’alerte au bénéfice des collecti- M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz. vités locales en cas d’utilisation de leur nom au sein d’une marque déposée permettra à nos collectivités et à leurs élus de Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, madame la se prémunir contre le risque d’exploitation de leur image de ministre, mes chers collègues, concernant cette proposition marque, ainsi que contre un risque avéré de dilution et de de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon qui ternissement de cette image. Je pense en particulier à la nous revient en deuxième lecture de l’Assemblée nationale, commune de Laguiole, dans le département de l’Aveyron. j’ai cru comprendre que Mme la ministre et M. le rapporteur Désormais, ces pratiques commerciales « déceptives » tendant espéraient un vote conforme du Sénat. Je vais immédiate- à instrumentaliser le consommateur, à lui faire croire à ment les rassurer : les écologistes auront l’immense plaisir de l’origine locale des produits commercialisés seront rendues contribuer à la fin de la navette parlementaire en votant le difficiles. texte. M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien ! Avec ce texte sur la contrefaçon, nous continuons dans notre choix de valoriser le tissu productif français. La propo- M. Richard Yung. Bravo ! sition de loi s’inscrit en effet dans la lignée des quatre axes Mme Hélène Lipietz. Pour une fois, j’ai évité de noyer la dégagés par la loi de 2007 : le renforcement de la spécialisa- commission des lois sous mes nombreux amendements. tion des juridictions ; le renforcement des procédures simpli- M. Michel Delebarre, rapporteur. Ah ! (Sourires.) fiées et accélérées devant le juge civil ; la consécration d’un droit à l’information pour contraindre les personnes en Mme Hélène Lipietz. Je sais que M. le rapporteur et un possession de marchandises contrefaisantes à fournir des certain nombre de nos collègues en sont soulagés, ainsi que, il informations sur leur provenance ; l’amélioration de la faut bien l’avouer, mes collaborateurs. Toutefois, je vous réparation du préjudice pour les victimes. proposerai deux amendements d’appel,… Avec ce texte de loi, la France se dote enfin d’un arsenal M. Michel Delebarre, rapporteur. Aïe ! (Nouveaux sourires.) juridique digne de ce nom. Les agents des douanes voient Mme Hélène Lipietz. … afin de susciter la réflexion de leurs moyens augmenter, afin de lutter contre tous les types notre sage assemblée. (Exclamations amusées sur les travées de contrefaçon et dans toutes les circonstances. Nous avons du groupe socialiste.) Nous sommes ici pour discuter, mes notamment étendu à l’ensemble des marchandises contrefai- chers collègues. (Sourires.) 2416 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Le texte vise à renforcer les moyens des douanes en leur cain Joseph Stiglitz, que le président Sarkozy, dans sa grande apportant des facilités et en leur procurant de nouveaux sagesse, avait mandaté pour réfléchir à la rénovation des outils juridiques, afin de lutter plus efficacement contre la indicateurs de la croissance. Pour cet économiste, « le rempla- contrefaçon. Je suis évidemment attachée, comme nous tous, cement du modèle actuel par un système de récompense à la sécurité des consommateurs, souvent mise en danger par soutenu par l’État constituerait une solution à la fois au les produits contrefaits, dont le respect des normes de sécurité niveau élevé des prix et à la mauvaise orientation des recher- est souvent douteux. ches ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Nous, écologistes, sommes également attachés à la préser- vation de l’industrie française, dont la qualité des produits est M. Michel Delebarre, rapporteur. C’est bien ! reconnue dans le monde entier, ce qui a tendance à attiser les appétits des contrefacteurs. C’est pourquoi les écologistes ont M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest. voté cette proposition de loi en première lecture, après avoir M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, madame la obtenu du Gouvernement la promesse que ces nouvelles ministre, mes chers collègues, l’adoption conforme du texte procédures ne seraient pas utilisées contre les agriculteurs. repose sur un large consensus, qui s’explique avant tout par Le texte, je le rappelle, ne s’attache pas directement à l’urgence qu’il y a à agir. Je ne me lancerai donc pas dans de définir la contrefaçon, ce qui est sans doute un tort, même vastes perspectives sur la rénovation des indicateurs de crois- si je conçois qu’il aurait probablement été fort difficile pour sance ou le caractère protecteur ou destructeur des brevets. Il une proposition de loi d’aller plus loin. Toutefois, il a ravivé y a des choses que je ne comprends pas, ma grille de raison- les débats, déjà anciens, sur l’appropriation du vivant par des nement n’étant probablement pas la même que celle de entreprises privées. Le débat n’est pas clos ; il se poursuivra certains de mes collègues. lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, Vous l’avez rappelé, madame la ministre, la contrefaçon est l’alimentation et la forêt, les discussions à l’Assemblée natio- destructrice sur le plan économique. Les chiffres annoncés nale ayant déjà permis des avancées dans ce domaine. sont même effrayants. Il faudra donc que nous approfondissions un jour les Mme Éliane Assassi. C’est vrai ! questions de propriété intellectuelle. Ce n’est pas, à mon avis, le rôle de la seule commission des lois. Il me semble M. Jean-Jacques Hyest. Elle détruit des emplois en France en effet que la commission de la culture s’occupe déjà, et ce et dans le reste de l’Europe et génère des profits illicites depuis longtemps, des questions relatives aux droits d’auteur considérables. et aux droits attachés aux œuvres culturelles. Son but est de En France, les statistiques des douanes montrent que les protéger la création, tout en faisant en sorte que l’accès à la articles saisis en 2012 atteignaient une valeur de 287 millions culture soit le plus large possible et concerne tous les publics. d’euros et que 65 % d’entre eux provenaient d’Asie. On peut Je pense que la commission des affaires économiques du estimer le nombre d’emplois détruits de ce fait à 38 000… Sénat devrait aussi s’intéresser à l’évaluation économique des droits de la propriété intellectuelle. Si la plupart des écono- Mme Éliane Assassi. Exactement ! mistes s’accordent sur le fait qu’une protection de l’innova- M. Jean-Jacques Hyest. … et le manque à gagner fiscal à tion est nécessaire pour préserver les investissements privés 6 milliards d’euros. dans la recherche et le développement, il ne faut pas occulter les enjeux actuels relatifs aux nouvelles technologies. Les Mme Éliane Assassi. Eh oui ! droits de propriété intellectuelle et les brevets deviennent M. Jean-Jacques Hyest. La contrefaçon menace non seule- des enjeux spéculatifs pour les grandes entreprises. Elles ment la création, l’investissement, la propriété intellectuelle, cherchent à acquérir des portefeuilles de brevets extrêmement mais aussi, de plus en plus, la sécurité et la santé des consom- fournis, afin d’entraver leurs concurrents par des procès mateurs. En effet, 50 % des médicaments vendus sur des sites interminables, aux enjeux financiers colossaux. J’en veux internet douteux seraient des contrefaçons. Heureusement, pour preuve la guerre ouverte à laquelle se livrent les deux par rapport à d’autres pays, la France est relativement géants des smartphones depuis trois ans – l’américain Apple et protégée, compte tenu, il faut bien le dire, de son système le coréen Samsung –, dont les enjeux financiers s’élèvent à de sécurité sociale. plusieurs milliards de dollars. On en arrive donc à une situation paradoxale, où la protection devient une entrave La contrefaçon ne se limite plus aux produits à forte valeur à l’innovation. ajoutée ou de diffusion à grande échelle ; elle porte aussi sur les produits du quotidien. Lors d’une mission d’évaluation, Enfin, je voudrais revenir sur un problème plus grave nous avions constaté qu’elle touchait aussi les freins, et même encore, celui des médicaments. Les sociétés pharmaceutiques les freins d’avion, ou les capots de voiture, ce qui peut s’avérer maximisent leurs profits et, dans le monde entier, empêchent extrêmement dangereux. En bref – je parle sous le contrôle de l’accès des plus démunis à un grand nombre de médicaments, Richard Yung –, elle concerne beaucoup de produits. Par alors que la recherche médicale est financée en grande partie conséquent, il importe de conforter les moyens juridiques par les États, notamment par l’éducation des futurs nationaux et européens pour lutter contre un fléau en pleine chercheurs. En France, la sécurité sociale elle-même peut expansion : tel est l’objet du texte, qui nous satisfait pleine- contribuer au mouvement, en autorisant la mise sur le ment. marché de nouvelles molécules au service médical rendu parfois insuffisant ou insuffisamment précisé. Un véritable consensus entre le Sénat et l’Assemblée natio- nale s’est dégagé lors de la navette, qui s’explique par la Encore une fois dans cet hémicycle, les écologistes appel- volonté des parlementaires de continuer le travail engagé lent à une réflexion sur notre modèle de développement sur ces questions, notamment par la Haute Assemblée,… culturel ou industriel. Nous sommes rejoints dans notre étude par le prix Nobel d’économie de l’année 2001, l’améri- M. Michel Delebarre, rapporteur. Absolument ! SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2417

M. Jean-Jacques Hyest. … et par le contenu d’un texte C’est le cas à l’article 2, qui vise à améliorer les dédomma- conforme aux préoccupations que nous avons régulièrement gements civils en cas de contrefaçon. exprimées. Voilà qui est susceptible de répondre à ceux qui se demandent parfois à quoi sert le Sénat ! C’est également le cas à l’article 5, qui a trait aux consé- quences de l’absence d’action civile ou pénale de la part du La proposition de loi s’inscrit dans la continuité des initia- saisissant à la suite d’une saisie-contrefaçon. L’Assemblée tives prises sous la précédente législature. Rappelons qu’une nationale a souhaité s’en tenir à l’état actuel du droit. loi importante, celle du 29 octobre 2007, prévoyait déjà la Nous pouvons lui en donner acte ; ce n’est tout de même spécialisation des juridictions en matière de propriété intel- pas fondamental. lectuelle, le renforcement – certes insuffisant – du dédom- C’est encore le cas à l’article 13, qui tend à instaurer une magement civil des victimes et l’instauration d’un droit à obligation de transmission aux douanes des données relatives l’information pour identifier tous les acteurs des réseaux de la aux colis transportés par les prestataires de services postaux et contrefaçon. les entreprises de fret express, à des fins de contrôle par la mise en place de traitements automatisés de ces données. Il Dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques, était, je le crois, utile que l’Assemblée nationale poursuive la inscrite dans la Constitution depuis sa révision de 2008, démarche d’encadrement du dispositif engagé par le Sénat. nous avions examiné l’excellent rapport d’information Au sein de la commission des lois, nous avons toujours Béteille-Yung, qui a abouti à une proposition de loi comme objectif la protection du secret des correspondances déposée par Laurent Béteille et dont Richard Yung était le et des données personnelles. rapporteur. Cette proposition de loi, à l’origine du texte que nous examinons aujourd’hui, prévoyait la spécialisation des Pour certains, l’unique enjeu du texte était de rediscuter magistrats en matière de propriété intellectuelle, la lutte des semences de ferme. Avouez que c’est tout de même contre la faute lucrative – elle permettait la restitution au extraordinaire ! À cet égard, monsieur le rapporteur, vous titulaire du droit auquel il était porté atteinte –, la facilita- avez employé un mot qui m’a beaucoup plu : « didactique ». tion de l’établissement de la preuve de la contrefaçon, ainsi C’est ainsi qu’on peut qualifier l’amendement que nos collè- que le renforcement des moyens d’action des douanes. La gues députés ont adopté ! commission des lois du Sénat l’avait d’ailleurs adoptée en Avant d’adopter la loi du 8 décembre 2011, qui a adapté le 2011. Nous nous étions alors arrêtés là. Heureusement, code français de la propriété intellectuelle en matière d’obten- Richard Yung a repris cette proposition de loi, en en tion végétale, nous avions eu un très long débat sur les modifiant quelques aspects secondaires. semences. Je pensais alors que tout le monde avait M. le rapporteur l’a indiqué, beaucoup d’articles ont été compris. Apparemment, non ! Du coup, je suppose que adoptés conformes ; je n’y reviens donc pas. Néanmoins, je nous en rediscuterons encore lors de l’examen du projet de ne peux m’empêcher de citer l’article 16, qui traite des délais loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. de prescription en matière civile. Il était important de réelle- Mme Éliane Assassi. Oui ! ment harmoniser les délais de prescription de l’action civile, M. Jean-Jacques Hyest. On a beau adopter des lois qui tels que prévus par la loi du 17 juin 2008. Tout ce qui clarifient la situation, ce qui devrait rassurer tout le monde, pourrait nous en détourner ou contribuer à remettre cela eh bien non, il y en a qui ne sont jamais rassurés ! Résultat, on en cause ne me paraîtrait pas souhaitable, surtout qu’il fait des lois « didactiques », « explicatives » ! s’agit là de simplifier le droit. Vous connaissez, mes chers collègues, le maquis des prescriptions en matière civile, M. Richard Yung. Et pourquoi pas ? contre lequel nous voulons lutter. Toujours est-il que M. Jean-Jacques Hyest. À l’instar de Mme la ministre, l’Assemblée nationale a bien voulu rejoindre la position du j’aimerais rappeler quelques éléments. Sénat sur le sujet. La filière semencière française est, ne l’oublions pas, un Un autre point, tout aussi important à mes yeux, a été véritable pôle d’excellence. Comme cela a été indiqué, il y a évoqué à l’occasion de la discussion du texte : je veux parler 17 800 exploitations et les dépenses dans la recherche de la spécialisation des tribunaux en matière de propriété s’élèvent à 240 millions d’euros par an. Notre pays se intellectuelle. Il n’est évidemment pas question que tous les classe au premier rang mondial pour les exportations ; il est tribunaux puissent traiter du sujet. Dans un certain nombre en outre le premier producteur européen et le troisième de cas, la spécialisation est nécessaire. D’ailleurs, le texte mondial ! Pensez-vous réellement qu’abandonner tout cela initial tendait à la renforcer. Nous avons toutefois souhaité n’aurait aucune conséquence économique ? Au demeurant, ne pas bouleverser la répartition actuelle du contentieux de la il faut renouveler les variétés : il s’en crée 600 nouvelles propriété intellectuelle. Nous avons préféré clarifier la chaque année ! compétence exclusive du tribunal de grande instance de La loi autorise déjà la pratique des semences ou des plants Paris en la matière. L’Assemblée nationale nous a suivis, et de ferme de variétés nouvelles protégées pour vingt et une il faut nous en réjouir. L’enjeu réside bien davantage dans le espèces. Il faut respecter un équilibre entre la recherche, la renforcement de la formation et de la spécialisation des propriété intellectuelle, les besoins d’un certain nombre de magistrats en matière de propriété intellectuelle. Il est impor- grands groupes et d’entreprises et la réalité du quotidien des tant que les tribunaux de grande instance compétents en la agriculteurs. C’est, à mon sens, ce qu’avait permis la loi du matière disposent des ressources humaines nécessaires à leur 8 décembre 2011. efficacité. Nous savons qu’une telle spécialisation ne s’impro- vise pas ; elle exige formation et expérience. Dans ces conditions, nous avions considéré qu’il n’y avait pas lieu de traiter une telle question dans le cadre de l’examen Par ailleurs, l’Assemblée nationale a apporté quelques de la présente proposition de loi. Nos collègues pourront modifications – certaines sont mineures, d’autres notables – donc s’en donner à cœur joie sur le sujet, ainsi que sur que nous pouvons accepter. beaucoup d’autres, lors de l’examen du texte sur l’agriculture. 2418 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

En vingt-six ans de mandat parlementaire, j’ai vu passer un Enfin, hors de tout cadre légal, la fabrication et le certain nombre de lois agricoles. Cela ne fera pas de mal d’en commerce de produits contrefaits participent à l’exploitation examiner une nouvelle, qui sera d’ailleurs peut-être didac- d’êtres humains et au travail illicite et servent dans bien des tique… (Sourires.) cas à financer les activités d’organisations mafieuses et terro- ristes. À l’échelle mondiale, le trafic de produits contrefaits Mme la ministre a indiqué que le décret en Conseil d’État représenterait ainsi 30 % environ des revenus de la crimina- serait bientôt publié. Une liste de treize nouvelles semences lité organisée. devrait y figurer. Voilà qui devrait rassurer tout le monde ! Bien que la France possède un arsenal juridique important À nos yeux, eu égard à l’enjeu économique et à l’ampleur de lutte contre la contrefaçon, il convient d’aiguiser encore les du phénomène, qui évolue en même temps que les moyens moyens accordés à ce dispositif global. La dernière loi relative techniques et technologiques mis à sa disposition, il faut agir à la lutte contre la contrefaçon est pourtant assez récente, avec rapidité pour lutter contre une contrefaçon que nous puisqu’elle date de 2007. Mais, sept ans plus tard, le phéno- pourrions qualifier aujourd’hui « de masse ». Par conséquent, mène a déjà beaucoup évolué. Davantage international, il le groupe UMP votera la proposition de loi, heureux aboutis- s’est amplifié et diversifié dans ses formes, sous l’effet notam- sement d’une démarche d’évaluation et de proposition du ment de la mondialisation et du développement exponentiel Sénat. (Applaudissements.) d’internet. Sans rendre indispensable un bouleversement total de la M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy. législation actuelle, de telles évolutions démontrent la néces- Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la sité d’améliorer et d’harmoniser les mécanismes existants en ministre, mes chers collègues, le 20 novembre dernier, lors de la matière C’est ce que fait avec justesse ce texte, en renfor- l’examen en première lecture de la proposition de loi de notre çant les divers moyens légaux accordés à la justice, aux collègue Richard Yung, les divers groupes ont convergé dans huissiers, aux douanes, aux inspecteurs des fraudes, aux leur vote pour reconnaître la qualité et l’importance de ce policiers et aux gendarmes. texte, qui renforce les moyens dédiés à la lutte contre la Permettez-moi de rappeler brièvement les différents contrefaçon. apports de ce texte. Deux mois plus tard, à l’Assemblée nationale, les députés Tout d’abord, il renforce la spécialisation des tribunaux en des groupes SRC, écologiste, RRDP, GDR, UMP et UDI se matière de propriété intellectuelle, en précisant notamment la sont à leur tour accordés sur cette proposition de loi. compétence du tribunal de grande instance de Paris en matière de brevets d’invention, particulièrement ceux qui Je tiens à souligner la qualité du travail de nos deux assem- sont le résultat de travaux accomplis par des salariés. Il y blées sur ce texte. Je pense non seulement à l’auteur de la avait là un véritable problème : certains chercheurs salariés proposition de loi et aux rapporteurs, mais également aux sont les auteurs d’inventions qui ne sont pas rémunérées par représentants des diverses sensibilités. l’employeur. Sur ce point, le vide juridique est désormais comblé. Naturellement, des problèmes ont été soulevés et des doutes ont été exprimés. J’ai néanmoins l’impression que Ensuite, il vise à améliorer les dédommagements civils en des solutions équilibrées ont pu être trouvées, grâce à matière de contrefaçon, en intégrant la notion de « consé- l’apport constructif de l’ensemble des participants. Cela quences économiques négatives » de la partie lésée, ainsi que nous permet d’espérer aujourd’hui un vote conforme. C’est le préjudice moral causé et les bénéfices réalisés par le contre- essentiel, car le fléau de la contrefaçon a explosé ces dernières facteur. années. D’après l’OCDE, le commerce de produits contre- Par ailleurs, il tend à actualiser et à harmoniser des procé- faits a doublé depuis 2000 et représente aujourd’hui environ dures existantes dans les différents droits de la propriété 10 % du commerce mondial. En France, 200 000 articles de intellectuelle en matière de contrefaçon, ainsi évidemment contrefaçon étaient interceptés par les services douaniers en que le droit à l’information. Il est notamment instauré une 1994 ; ce chiffre est passé à 8,6 millions en 2011. La contre- procédure permettant au juge d’ordonner toutes mesures façon touche ainsi avec une acuité particulièrement féroce d’instruction permettant de collecter des preuves, même en notre pays et nos concitoyens. l’absence de saisie-contrefaçon. Dans ce domaine, les preuves sont en effet souvent essentielles. Ce sont en premier lieu nos entreprises qui sont concer- nées, par la baisse de leur chiffre d’affaires. Par répercussion, De surcroît, la proposition de loi simplifie l’engagement de ce sont chaque année des dizaines de milliers d’emplois qui l’action pénale pour la partie lésée par une contrefaçon et vise sont perdus, près de 40 000 en France selon les estimations. à alourdir les peines encourues lorsque les marchandises Et les recettes fiscales de l’État sont sévèrement amputées ! contrefaites sont porteuses de dangers pour la santé ou la Chaque année, la contrefaçon représente un manque à sécurité de l’homme ou de l’animal. gagner de plus de 6 milliards d’euros pour les deniers publics. Enfin, elle aligne les divers délais de prescription de l’action La sécurité et la santé des consommateurs sont, quant à civile en matière de contrefaçon sur le délai de droit commun elles, sévèrement mises en danger. Je n’évoquerai même pas de cinq ans. Alors que les techniques de contrefaçon se les risques causés par la circulation de jouets défectueux, spécialisent et se complexifient, c’est d’un droit clarifié et d’appareils domestiques ne répondant à aucune norme ou simplifié dont les victimes et les autorités publiques ont de produits alimentaires non autorisés. Les ventes de médica- besoin pour mieux se défendre. ments contrefaits ont doublé entre 2005 et 2010 dans le Pris dans son ensemble, le texte a surtout le mérite de monde. La France n’est bien sûr pas en reste, puisque les manifester clairement la volonté des pouvoirs publics de ne saisies de médicaments frauduleux ont plus que triplé dans le tolérer aucune forme de contrefaçon et aucun des dommages pays dans le seul intervalle des années 2011 à 2012. qui y sont liés, et ce dans l’objectif de prémunir la société SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2419 contre ceux qui commettent véritablement une atteinte à Deuxième observation, nous disposons maintenant en l’intérêt public, en s’emparant indûment des idées, du France d’un dispositif à peu près convenable et solide de travail, de l’investissement d’un autre, sans son autorisation lutte contre la contrefaçon : la loi du 29 octobre 2007 et le et sans se gêner de lui voler les fruits qui lui reviennent présent texte. Il nous restera à traiter, car notre métier de légitimement. Ce message est d’autant plus fort qu’il a législateur nous impose de penser à l’avenir, d’un sujet diffi- suscité notre adhésion commune et qu’il continuera – je cile, celui de la cyber-contrefaçon, c'est-à-dire de l’utilisation l’espère, et je vous y invite, mes chers collègues – à être et de la vente de produits de contrefaçon par internet. C’est soutenu par chacun d’entre nous. (Applaudissements.) une pratique face à laquelle nous sommes démunis en l’état actuel des textes. Nous examinons donc ces questions pour M. le président. La parole est à M. Richard Yung. trouver des solutions. M. Richard Yung. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne puis que me réjouir de Se pose aussi le problème de la spécialisation des tribunaux. l'accord trouvé entre les deux rapporteurs et les deux C’est le cas aujourd'hui pour quatre ou cinq d’entre eux, et je commissions du Sénat et de l’Assemblée nationale. Cela suis hésitant. nous permet d’espérer l’adoption d’une loi ce soir – enfin ! – et sa mise en œuvre rapide, peu de décrets M. Jean-Jacques Hyest. Il y a un équilibre ! d’application étant nécessaires, sauf en matière douanière. J’aimerais formuler plusieurs observations. M. Richard Yung. En revanche, nous devrons aller vers la spécialisation des juges. Je sais qu’il s’agit d’une question La première concerne les semences de ferme, au sujet extrêmement délicate pour le Conseil supérieur de la magis- desquelles j’ai pu mesurer un fossé d’incompréhension. La trature,… proposition de loi n’avait pas vocation à traiter de ces semences de ferme, qui relèvent d’une pratique vieille M. Jean-Jacques Hyest. Oui ! comme le monde. Ce privilège immémorial de l’agriculteur lui permet, aux termes de la loi française, de garder à la fin de M. Richard Yung. … comme pour le ministère de la justice, sa récolte une part « raisonnable » des grains – il appartient à mais nous n’y échapperons pas. la jurisprudence de définir cette notion – pour réense- mencer. Je vous signale d’ailleurs que, pas plus tard que la semaine dernière, le tribunal de Düsseldorf, qui est le deuxième Il y a plusieurs cas de figure. tribunal de propriété intellectuelle en Allemagne, a créé Le premier est celui où les graines proviennent d’un lot une seconde cour, avec une quinzaine de juges spécialisés. acheté dans le cadre d’accords interprofessionnels. Une Les possesseurs d’un titre de propriété intellectuelle couvrant redevance a été payée, en général beaucoup plus faible que l’Europe, ce qui est le cas de la plupart des titres, ne viennent les royalties normales : nous sommes là dans le droit pas chez nous : ils vont à Düsseldorf ou à Munich ! commun. Cela concerne vingt et une variétés végétales. Troisième observation, vous l’avez évoqué, madame la Le deuxième cas concerne toutes les autres variétés. Les ministre, nous devons avoir une approche beaucoup plus craintes me semblent liées à l’idée, selon moi infondée, que européenne et internationale de ces questions. les agriculteurs pourraient faire l’objet de poursuites pour utilisation de produits contrefaits du fait de l’absence La contrefaçon, tout comme le nuage de Tchernobyl, ne d’accord interprofessionnel. Je pense que l’amendement s’arrête pas aux frontières ! Il faut pouvoir travailler conjoin- adopté à l’Assemblée nationale comble le vide juridique. tement avec les autres pays. Pour l’instant, sur ce point, nous Nous avons donc sans doute fait le tour de la question. sommes plutôt dans les limbes. Un important travail de M. Jean-Jacques Hyest. Hélas, non ! rapprochement nous attend : il nous faudra créer des liens au niveau européen, mais aussi avec quelques grands pays M. Richard Yung. D’autres cas ont été évoqués. Mme Assassi partenaires. En tout cas, merci à tous ! (Applaudissements.) a mentionné une décision de la Cour suprême des États- Unis. En l’occurrence, la situation est beaucoup plus compli- M. Michel Delebarre, rapporteur. Et à la prochaine fois ! quée, puisqu’il est question d’un brevet introduit dans la (Sourires.) plante. Je ne développe pas le sujet, qui fera l’objet d’un autre débat. M. le président. La discussion générale est close. À mon avis, personne au sein du monde agricole ne prône la faculté d’utiliser des semences de contrefaçon, produites Nous passons à la discussion du texte de la commission. indûment et potentiellement de mauvaise qualité. Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du Si c’est une rose, ce n’est pas grave, sauf pour celui qui aura règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets fait l’effort d’obtenir la variété nouvelle ; mais si c’est une ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à céréale ou tout autre végétal cultivé pour l’alimentation, il ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pourra s’agir d’un plant dangereux en termes de santé pas encore adopté un texte identique. publique. Et personne ne défendra une telle position. Demain, au Salon de l’agriculture, je me rendrai sur le En conséquence, sont irrecevables les amendements ou stand du GNIS, le Groupement national interprofessionnel articles additionnels qui remettraient en cause les articles des semences et plants, pour un débat. Je tâcherai de adoptés conformes, de même que toute modification ou développer ces points, car il me paraît important de adjonction sans relation directe avec une disposition restant convaincre. en discussion. 2420 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Chapitre Ier 12 « 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; SPÉCIALISATION DES JURIDICTIONS CIVILES EN 13 « 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la Article 1er contrefaçon. (Non modifié) 14 « Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de 1 Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié : dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette 2 1° Au premier alinéa de l’article L. 615-17, après le somme est supérieure au montant des redevances ou mot : « compris », sont insérés les mots : « dans les cas droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait prévus à l’article L. 611-7 ou » ; demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de 3 2° Les articles L. 615-18 et L. 615-19 sont abrogés ; l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie 4 2° bis Au premier alinéa de l’article L. 623-31, après le lésée. » mot : « instance », sont insérés les mots : « , déterminés 15 par voie réglementaire, » ; III. – L’article L. 615-7 du même code est ainsi rédigé : 5 3° (Supprimé) 16 er « Art. L. 615-7. – Pour fixer les dommages et intérêts, M. le président. Je mets aux voix l'article 1 . la juridiction prend en considération distinctement : (L'article 1er est adopté.) 17 « 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis Chapitre II par la partie lésée ; DISPOSITIONS RELATIVES À 18 « 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; L’AMÉLIORATION DES 19 « 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y DÉDOMMAGEMENTS CIVILS compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la Article 2 contrefaçon. (Non modifié) 20 « Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette 1 I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi somme est supérieure au montant des redevances ou modifié : droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait 2 1° L’article L. 331-1-3 est ainsi rédigé : demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a 3 « Art. L. 331-1-3. – Pour fixer les dommages et porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de intérêts, la juridiction prend en considération distincte- l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie ment : lésée. » 4 « 1° Les conséquences économiques négatives de 21 IV. – L’article L. 623-28 du même code est ainsi l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la rédigé : perte subis par la partie lésée ; 22 « Art. L. 623-28. – Pour fixer les dommages et 5 « 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; intérêts, la juridiction prend en considération distincte- ment : 6 « 3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements 23 « 1° Les conséquences économiques négatives de la intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis retirées de l’atteinte aux droits. par la partie lésée ; 7 « Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et 24 « 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; sur demande de la partie lésée, allouer à titre de 25 « 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou compris les économies d’investissements intellectuels, droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté contrefaçon. atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemni- 26 « Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sation du préjudice moral causé à la partie lésée. » ; sur demande de la partie lésée, allouer à titre de 8 2° (Supprimé) dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou 9 II. – L’article L. 521-7 du même code est ainsi droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait rédigé : demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a 10 « Art. L. 521-7. – Pour fixer les dommages et intérêts, porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de la juridiction prend en considération distinctement : l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie 11 « 1° Les conséquences économiques négatives de la lésée. » contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis 27 V. – L’article L. 716-14 du même code est ainsi par la partie lésée ; rédigé : SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2421

28 « Art. L. 716-14. – Pour fixer les dommages et 7 2° Les trois derniers alinéas sont supprimés. – intérêts, la juridiction prend en considération distincte- (Adopté.) ment : 29 « 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis Chapitre IV par la partie lésée ; DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DE LA PREUVE 30 « 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 31 « 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y Article 4 compris les économies d’investissements intellectuels, (Non modifié) matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 1 Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié : 32 « Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et 2 1° L’article L. 332-1 est ainsi rédigé : sur demande de la partie lésée, allouer à titre de 3 « Art. L. 332-1. – Tout auteur d’une œuvre protégée dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette er somme est supérieure au montant des redevances ou par le livre I de la présente partie, ses ayants droit ou ses droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait ayants cause peuvent agir en contrefaçon. À cet effet, ces demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a personnes sont en droit de faire procéder par tous porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de huissiers, le cas échéant assistés par des experts désignés l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie par le demandeur, sur ordonnance rendue sur requête par lésée. » la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit 33 VI. – L’article L. 722-6 du même code est ainsi à la saisie réelle des œuvres prétendument contrefaisantes rédigé : ainsi que de tout document s’y rapportant. L’ordonnance 34 « Art. L. 722-6. – Pour fixer les dommages et intérêts, peut autoriser la saisie réelle de tout document se rappor- la juridiction prend en considération distinctement : tant aux œuvres prétendument contrefaisantes en l’absence de ces dernières. 35 « 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis 4 « La juridiction peut ordonner la description détaillée par la partie lésée ; ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les œuvres. 36 « 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 5 « À cet effet, la juridiction peut ordonner : 37 « 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, 6 « 1° La saisie des exemplaires constituant une repro- matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la duction illicite d’une œuvre de l’esprit protégée par le contrefaçon. livre Ier de la présente partie ou de tout exemplaire, produit, appareil, dispositif, composant ou moyen 38 « Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et portant atteinte aux mesures techniques et aux informa- sur demande de la partie lésée, allouer à titre de tions mentionnées, respectivement, aux articles L. 331-5 dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette et L. 331-11 ; somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préju- dice moral causé à la partie lésée. » – (Adopté.) 7 « 2° La saisie, quels que soient le jour et l’heure, des exemplaires constituant une reproduction illicite de l’œuvre, déjà fabriqués ou en cours de fabrication, ou Chapitre III des exemplaires, produits, appareils, dispositifs, compo- CLARIFICATION DE LA PROCÉDURE DU sants ou moyens, fabriqués ou en cours de fabrication, DROIT À L’INFORMATION portant atteinte aux mesures techniques et aux informa- tions mentionnées, respectivement, aux articles L. 331-5 et L. 331-11, des recettes réalisées, ainsi que des Article 3 exemplaires illicitement utilisés ; (Non modifié) 8 « 3° La saisie des recettes provenant de toute repro- 1 I à V. – (Non modifiés) duction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit, effectuée en violation 2 VI. – L’article L. 722-5 du code de la propriété des droits de l’auteur ou provenant d’une atteinte aux intellectuelle est ainsi modifié : mesures techniques et aux informations mentionnées, 3 1° Le premier alinéa est ainsi modifié : respectivement, aux articles L. 331-5 et L. 331-11 ; 4 a) Après le mot : « saisie », sont insérés les mots : « au 9 « 4° La saisie réelle des œuvres illicites ou produits fond ou en référé » ; soupçonnés de porter atteinte à un droit d’auteur ou leur 5 b) Après les mots : « distribution des produits », sont remise entre les mains d’un tiers afin d’empêcher leur insérés les mots : « argués de contrefaçon » ; introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. 6 c) Les mots : « produits portant atteinte à une indica- tion géographique » sont remplacés par les mots : 10 « La juridiction civile compétente peut également « produits argués de contrefaçon » et les mots : « des ordonner : activités portant atteinte à une indication géographique » 11 « a) La suspension ou la prorogation des représenta- sont remplacés par les mots : « de prétendues activités de tions ou des exécutions publiques en cours ou déjà contrefaçon » ; annoncées ; 2422 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

12 « b) La suspension de toute fabrication en cours 26 – après le mot : « probatoires », sont insérés les mots : tendant à la reproduction illicite d’une œuvre ou à la « la description détaillée ou » ; réalisation d’une atteinte aux mesures techniques et aux 27 – sont ajoutés les mots : « , ainsi que de tout informations mentionnées, respectivement, aux articles document s’y rapportant » ; L. 331-5 et L. 331-11. 28 13 « Elle peut subordonner l’exécution des mesures b) Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi qu’elle ordonne à la constitution par le demandeur de rédigé : garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle 29 « L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieure- document se rapportant aux supports, produits, matériels ment jugée non fondée ou la saisie annulée. et instruments mentionnés aux deuxième et troisième 14 « Elle peut, dans les mêmes formes, ordonner les alinéas en l’absence de ces derniers. » ; mesures prévues au présent article à la demande des 30 c) Au début de l’avant-dernier alinéa, le mot : « Elle » titulaires de droits voisins définis au livre II de la est remplacé par les mots : « La juridiction » ; présente partie. » ; 31 5° Après l’article L. 343-1, il est inséré un article 15 2° Après l’article L. 332-1, il est inséré un article L. 343-1-1 ainsi rédigé : L. 332-1-1 ainsi rédigé : 32 « Art. L. 343-1-1. – La juridiction peut ordonner, 16 « Art. L. 332-1-1. – La juridiction peut ordonner, d’office ou à la demande de toute personne ayant d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction d’instruction légalement admissibles, même si une légalement admissibles, même si une saisie-contrefaçon saisie-contrefaçon n’a pas préalablement été ordonnée n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions dans les conditions prévues à l’article L. 343-1. » ; prévues à l’article L. 332-1. » ; 33 6° L’article L. 521-4 est ainsi modifié : 17 3° L’article L. 332-4 est ainsi rédigé : 34 a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié : 18 « Art. L. 332-4. – La contrefaçon de logiciels et de bases de données peut être prouvée par tout moyen. 35 – après le mot : « huissiers, », sont insérés les mots : « le cas échéant » ; 19 « À cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et 36 – est ajoutée une phrase ainsi rédigée : par tous huissiers, le cas échéant assistés d’experts 37 « L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout désignés par le demandeur, en vertu d’une ordonnance document se rapportant aux objets prétendus contrefai- rendue sur requête par la juridiction civile compétente, sants en l’absence de ces derniers. » ; soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle du logiciel ou de la 38 b) Au troisième alinéa, après le mot : « probatoires, », base de données prétendument contrefaisants ainsi que sont insérés les mots : « la description détaillée ou » ; de tout document s’y rapportant. La saisie-description 39 7° Après l’article L. 521-4, il est inséré un peut se concrétiser par une copie des logiciels ou des article L. 521-4-1 ainsi rédigé : bases de données prétendument contrefaisants. 40 « Art. L. 521-4-1. – La juridiction peut ordonner, 20 « La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins d’office ou à la demande de toute personne ayant probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures des matériels et instruments utilisés pour produire ou d’instruction légalement admissibles, même si une distribuer un logiciel ou une base de données prétendu- saisie-contrefaçon n’a pas préalablement été ordonnée ment contrefaisants, ainsi que de tout document s’y dans les conditions prévues à l’article L. 521-4. » ; rapportant. 41 8° L’article L. 615-5 est ainsi modifié : 21 « L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux logiciels, bases de données, 42 a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié : matériels et instruments mentionnés aux deuxième et 43 – après le mot : « huissiers, », sont insérés les mots : « le troisième alinéas en l’absence de ces derniers. cas échéant » ; 22 « La juridiction peut subordonner l’exécution des 44 – est ajoutée une phrase ainsi rédigée : mesures qu’elle ordonne à la constitution par le deman- deur de garanties destinées à assurer l’indemnisation 45 « L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout éventuelle du défendeur si l’action en contrefaçon est document se rapportant aux produits ou procédés ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée. prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers. » ; 23 « À défaut pour le demandeur, dans un délai fixé par 46 b) Au troisième alinéa, après le mot : « probatoires, », voie réglementaire, soit de s’être pourvu au fond, par la sont insérés les mots : « la description détaillée ou » ; voie civile ou pénale, soit d’avoir déposé une plainte 47 9° Après l’article L. 615-5-1, il est inséré un article devant le procureur de la République, l’intégralité de la L. 615-5-1-1 ainsi rédigé : saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi ou du tiers saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa 48 « Art. L. 615-5-1-1. – La juridiction peut ordonner, demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité peuvent être réclamés. » ; pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon 24 4° L’article L. 343-1 est ainsi modifié : n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions 25 a) Le troisième alinéa est ainsi modifié : prévues à l’article L. 615-5. » ; SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2423

49 9° bis Au premier alinéa de l’article L. 622-7, après la Article 5 référence : « L. 615-5, », est insérée la référence : « L. 615- (Non modifié) 5-1-1, » ; 1 50 10° L’article L. 623-27-1 est ainsi modifié : Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié : 2 1° L’article L. 332-3 est ainsi rédigé : 51 a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié : 3 « Art. L. 332-3. – À défaut pour le saisissant, dans un 52 – après le mot : « huissiers, », sont insérés les mots : délai fixé par voie réglementaire, soit de s’être pourvu au « le cas échéant » ; fond, par la voie civile ou pénale, soit d’avoir déposé une 53 – est ajoutée une phrase ainsi rédigée : plainte devant le procureur de la République, l’intégralité 54 « L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout de la saisie, y compris la description, est annulée à la document se rapportant aux objets prétendus contrefai- demande du saisi ou du tiers saisi, sans que celui-ci ait à sants en l’absence de ces derniers. » ; motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. » ; 55 b) Au troisième alinéa, après le mot : « probatoires, », sont insérés les mots : « la description détaillée ou » ; 4 2° (Supprimé) 56 11° Après l’article L. 623-27-1, il est inséré un article M. le président. Je mets aux voix l'article 5. L. 623-27-1-1 ainsi rédigé : 57 « Art. L. 623-27-1-1. – La juridiction peut ordonner, (L'article 5 est adopté.) d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon Chapitre V n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l’article L. 623-27-1. » ; RENFORCEMENT DES MOYENS D’ACTION DES DOUANES 58 12° L’article L. 716-7 est ainsi modifié : 59 a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié : Article 6 60 – après le mot : « huissiers, », sont insérés les mots : (Non modifié) « le cas échéant » ; 1 Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié : 61 – est ajoutée une phrase ainsi rédigée : 2 62 1° Au troisième alinéa de l’article L. 335-2, les mots : « L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout « et l’importation » sont remplacés par les mots : document se rapportant aux produits et services « , l’importation, le transbordement ou la détention prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers. » ; aux fins précitées » ; 63 b) Au troisième alinéa, après le mot : « probatoires, », 3 2° Le deuxième alinéa de l’article L. 335-4 est ainsi sont insérés les mots : « la description détaillée ou » ; modifié : 64 13° Après l’article L. 716-7, il est inséré un article 4 a) Au début, les mots : « Est punie » sont remplacés L. 716-7-1 A ainsi rédigé : par les mots : « Sont punis » ; 65 « Art. L. 716-7-1 A. – La juridiction peut ordonner, 5 b) Les mots : « toute importation ou exportation » d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité sont remplacés par les mots : « l’importation, l’exporta- pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction tion, le transbordement ou la détention aux fins préci- légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon tées » ; n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l’article L. 716-7. » ; 6 3° À l’article L. 513-4, après les mots : « l’exportation, », sont insérés les mots : « le transbordement, » ; 66 14° L’article L. 722-4 est ainsi modifié : 7 4° L’article L. 613-3 est ainsi modifié : 67 a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié : 8 a) Au a, les mots : « ou bien l’importation » sont 68 – après le mot : « huissiers, », sont insérés les mots : remplacés par les mots : « , l’importation, l’exportation, le « le cas échéant » ; transbordement, » ; 69 – est ajoutée une phrase ainsi rédigée : 9 b) Au c, les mots : « ou l’utilisation ou bien l’impor- 70 « L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout tation » sont remplacés par les mots : « , l’utilisation, document se rapportant aux objets prétendus contrefai- l’importation, l’exportation, le transbordement » ; sants en l’absence de ces derniers. » ; 10 5° L’article L. 623-4 est complété par un V ainsi 71 b) Au troisième alinéa, après le mot : « probatoires, », rédigé : sont insérés les mots : « la description détaillée ou » ; 11 « V. – Sous réserve des dispositions de l’article 72 15° Après l’article L. 722-4, il est inséré un L. 623-24-1, sont interdits, à défaut de consentement article L. 722-4-1 ainsi rédigé : du titulaire du certificat d’obtention végétale, la produc- 73 « Art. L. 722-4-1. – La juridiction peut ordonner, tion, l’offre, la vente, la mise sur le marché, l’importation, d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité l’exportation, le transbordement, l’utilisation ou la déten- pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction tion à ces fins du matériel de reproduction ou de multi- légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon plication de la variété protégée. » ; n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions 12 5° bis A L’article L. 623-24-1 est complété par une prévues à l’article L. 722-4. » – (Adopté.) phrase ainsi rédigée : 2424 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

13 « Cette utilisation ne constitue pas une contrefaçon. » ; n’utilisait en effet pas les mêmes semences dans le Gâtinais 14 5° bis Au troisième alinéa de l’article L. 622-5, après ou dans la Brie bocagère ! Or, subitement, toute notre société le mot : « ou », sont insérés les mots : « de détenir, s’est spécialisée, y compris la production agricole. Les agricul- transborder, utiliser, exporter ou » ; teurs se sont retrouvés totalement déboussolés, et ils conti- 15 6° L’article L. 722-1, dans sa rédaction résultant nuent de l’être ! o du 9° du I de l’article 23 de la loi n … du … relative à la Ces précisions étant apportées, je retire mon amendement, consommation, est complété par un alinéa ainsi rédigé : monsieur le président. 16 « Sont interdits la production, l’offre, la vente, la mise o sur le marché, l’importation, l’exportation, le transbor- M. le président. L'amendement n 1 rectifié est retiré. dement, l’utilisation ou la détention à ces fins de biens Je mets aux voix l'article 6. dont la présentation porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à une indication géographique. » (L'article 6 est adopté.) M. le président. L'amendement no 1 rectifié, présenté par M. Labbé, Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, Article 7 est ainsi libellé : (Non modifié) Après l'alinéa 9 1 I. – Le titre III du livre III de la première partie du Insérer deux alinéas ainsi rédigés : code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié : ...° La section 3 du chapitre V du titre Ier du livre VI de 2 1° L’article L. 335-10 est abrogé ; la deuxième partie est complétée par un article L. 615-23 3 2° Après le chapitre V, il est inséré un chapitre V bis ainsi rédigé : ainsi rédigé : « Art. L. 615-23. – Les articles L. 615-1 à L. 615-10 et 4 « Chapitre V bis L. 615-12 à L. 615-16 ne s’appliquent pas aux semences, 5 « La retenue plants, animaux ou préparations naturelles produits à la ferme par un agriculteur pour ses propres productions 6 « Art. L. 335-10. – En dehors des cas prévus par la agricoles ou fermières. » ; réglementation de l’Union européenne, l’administration des douanes peut, sur demande écrite du titulaire d’un La parole est à Mme Hélène Lipietz. droit d’auteur ou d’un droit voisin, assortie des justifica- Mme Hélène Lipietz. Au risque de me faire huer, je tions de son droit, retenir dans le cadre de ses contrôles souhaite revenir sur le problème des semences agricoles, les marchandises que celui-ci prétend constituer une dites aussi « paysannes ». contrefaçon. 7 J’ai bien entendu l’inquiétude exprimée par tous, notam- « Cette retenue est immédiatement notifiée au ment par M. le rapporteur, par M. Hyest et par M. Yung : demandeur et au détenteur. Le procureur de la pourquoi revenons-nous régulièrement sur le problème des République est également informé de ladite mesure par semences paysannes, alors que tel n’est pas l’objet de ce texte ? l’administration des douanes. Très certainement parce que la loi, ou du moins les dispositifs 8 « Lors de la notification mentionnée à la première qui l’entourent, ne sont pas assez pédagogiques pour nos phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et concitoyens, qui ne les comprennent pas. la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises sont communiquées au titulaire du droit C’est ainsi que nous avons reçu le 25 février dernier un d’auteur ou du droit voisin, par dérogation à l’article 59 bis courriel de la Coordination rurale tendant à attirer l’attention du code des douanes. Ces informations peuvent égale- des sénateurs sur les articles 6 et 7 de cette proposition de loi, ment être communiquées avant la mise en œuvre de la car ils peuvent exposer à certains risques les exploitants mesure prévue au présent article. agricoles utilisant des semences de ferme, notion ici prise au sens large. 9 « Sous réserve des procédures prévues aux articles L. 335-14 et L. 335-15 du présent code, la mesure de Je suis d’accord avec les orateurs précédents et je l’ai retenue est levée de plein droit à défaut pour le deman- reconnu dans la discussion générale : l’examen de ce texte deur, dans le délai de dix jours ouvrables, ou de trois n’est pas le bon moment pour aborder ces questions. Toute- jours ouvrables pour les denrées périssables, à compter de fois, manifestement, si nos concitoyens ne comprennent pas, la notification de la retenue des marchandises, de justifier c’est qu’il y a un problème d’explication de texte. auprès de l’administration des douanes soit de mesures Les personnes qui sont inquiètes au sujet des semences de conservatoires décidées par la juridiction civile compé- ferme ne sont pas plus bêtes que la moyenne nationale, ni tente, soit de s’être pourvu par la voie civile ou la voie plus obtuses. Seulement, les problèmes qu’elles rencontrent correctionnelle et d’avoir constitué les garanties destinées dans leur quotidien leur tiennent à cœur. Elles savent, à l’indemnisation éventuelle du détenteur des marchan- notamment grâce à internet, ce qui s’est passé à tel ou tel dises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement endroit. Elles ont peur de la menace pesant sur ce qui, pour reconnue, soit d’avoir déposé une plainte auprès du eux, constitue l’essence même de leur métier. Ne perdons pas procureur de la République. L’administration des de vue que le concept de semences brevetables est extrême- douanes peut proroger le délai de dix jours ouvrables ment moderne, et qu’il s’agit tout de même du vivant ! prévu au présent alinéa de dix jours ouvrables maximum sur requête dûment motivée du demandeur. Les anciennes semences étaient produites par les paysans En cas de prorogation du délai, le procureur de la eux-mêmes, dont le travail consistait également à sélectionner République et le détenteur des marchandises en sont les graines les plus pertinentes en fonction des sols. On informés. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2425

10 « Les frais liés à la mesure de retenue ou aux mesures 20 « Le présent article n’est pas applicable aux marchan- conservatoires prononcées par la juridiction civile compé- dises périssables. tente sont à la charge du demandeur. 21 « Art. L. 335-12. – I. – Lorsque la retenue prévue par 11 « Aux fins de l’engagement des actions en justice la réglementation de l’Union européenne et portant sur mentionnées au quatrième alinéa du présent article, le des marchandises soupçonnées de constituer une contre- demandeur peut obtenir de l’administration des douanes façon d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin est mise en communication des nom et adresse de l’expéditeur, de œuvre avant qu’une demande du titulaire du droit ait été l’importateur, du destinataire et du déclarant des déposée ou acceptée, les agents des douanes peuvent, par marchandises retenues ou de leur détenteur, ainsi que dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, des images de ces marchandises et des informations sur informer ce titulaire de la mise en œuvre de cette leur quantité, leur origine, leur provenance et leur desti- mesure. Ils peuvent également lui communiquer des nation, par dérogation à l’article 59 bis du code des informations portant sur la quantité des marchandises douanes. et leur nature. 12 « La retenue mentionnée au premier alinéa du présent 22 « Lorsque la retenue prévue par la réglementation de article ne porte pas : l’Union européenne et portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un droit 13 « 1° Sur les marchandises de statut communautaire, d’auteur ou d’un droit voisin est mise en œuvre après légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un qu’une demande du titulaire du droit a été acceptée, les État membre de l’Union européenne et destinées, après er agents des douanes peuvent également communiquer à avoir emprunté le territoire douanier défini à l’article 1 ce titulaire les informations prévues par cette réglemen- du code des douanes, à être mises sur le marché d’un tation, nécessaires pour déterminer s’il y a eu violation de autre État membre de l’Union européenne pour y être son droit. légalement commercialisées ; 23 « II. – Les frais générés par la mise en œuvre de la 14 « 2° Sur les marchandises de statut communautaire, retenue mentionnée au I sont à la charge du titulaire du légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un droit d’auteur ou du droit voisin. autre État membre de l’Union européenne, dans lequel elles ont été placées sous le régime du transit, et qui sont 24 « Art. L. 335-13. – Pendant le délai de la retenue destinées, après avoir transité sur le territoire douanier mentionnée à l’article L. 335-10 et au second alinéa du I défini au même article 1er, à être exportées vers un État de l’article L. 335-12, le titulaire du droit d’auteur ou du non membre de l’Union européenne. droit voisin peut, à sa demande ou à la demande de l’administration des douanes, inspecter les marchandises 15 « Art. L. 335-11. – En l’absence de demande écrite retenues. du titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin et en dehors des cas prévus par la réglementation de l’Union 25 « Lors du contrôle des marchandises mises en retenue, européenne, l’administration des douanes peut, dans le l’administration des douanes peut prélever des échantil- cadre de ses contrôles, retenir des marchandises suscepti- lons. À la demande du titulaire du droit d’auteur ou du bles de porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit droit voisin, ces échantillons peuvent lui être remis aux voisin. seules fins d’analyse et en vue de faciliter les actions qu’il peut être amené à engager par la voie civile ou pénale. 16 « Cette retenue est immédiatement notifiée au titulaire du droit d’auteur ou du droit voisin. Le procu- 26 « Art. L. 335-14. – I. – Lorsque la retenue portant reur de la République est également informé de ladite sur des marchandises soupçonnées de constituer une mesure par l’administration des douanes. contrefaçon de droit d’auteur ou de droit voisin est mise en œuvre après qu’une demande mentionnée à 17 « Lors de la notification mentionnée à la première l’article L. 335-10 a été acceptée, les marchandises phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et soupçonnées de porter atteinte à un droit d’auteur ou la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des un droit voisin enregistré peuvent être détruites sous le marchandises sont communiquées au titulaire du droit contrôle des agents des douanes dès lors que les condi- d’auteur ou du droit voisin, par dérogation à tions suivantes sont remplies : l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées avant la mise en 27 « 1° Le demandeur a confirmé par écrit et par une œuvre de la mesure prévue au présent article. expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour 18 « La mesure de retenue est levée de plein droit si les denrées périssables, à partir de la notification de la l’administration des douanes n’a pas reçu du titulaire du retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ; droit d’auteur ou du droit voisin la demande prévue à l’article L. 335-10 du présent code, déposée dans un délai 28 « 2° Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités de quatre jours ouvrables à compter de la notification de douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de la retenue mentionnée à la première phrase du deuxième trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir alinéa du présent article. de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruc- tion, sous sa responsabilité, des marchandises ; 19 « Si la demande a été reçue conformément au quatrième alinéa du présent article, le délai de dix 29 « 3° Le détenteur des marchandises a confirmé par jours ouvrables mentionné au quatrième alinéa de écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours l’article L. 335-10 commence à courir à compter de ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées l’acceptation de cette demande par l’administration des périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il douanes. consent à la destruction des marchandises. 2426 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

30 « II. – Si le détenteur des marchandises n’a, dans le 39 « III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas délai mentionné au 3° du I, ni confirmé qu’il consent à la confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction ou destruction des marchandises, ni informé l’administra- lorsqu’il n’est pas réputé avoir consenti à leur destruction, tion des douanes qu’il s’oppose à leur destruction, il est l’administration des douanes en informe immédiatement réputé avoir consenti à cette destruction. le demandeur et lui communique la quantité, la nature, ainsi que des images des marchandises. 31 « III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction et qu’il 40 « IV. – La mesure de retenue est levée de plein droit à n’est pas réputé avoir consenti à la destruction des défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours marchandises dans les délais prévus, l’administration ouvrables à compter de l’information prévue au III du des douanes en informe immédiatement le demandeur présent article, de justifier auprès de l’administration des lequel, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la quatrième alinéa de l’article L. 335-10. notification de la retenue, prend les mesures mentionnées 41 « En vue de prendre ces mesures, le demandeur peut au quatrième alinéa de l’article L. 335-10. Le délai de dix obtenir de l’administration des douanes communication jours peut être prorogé de dix jours ouvrables maximum des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de destinataire et du détenteur des marchandises retenues, prorogation du délai, le procureur de la République et le ainsi que de leur quantité, leur origine, leur provenance détenteur des marchandises en sont informés. et leur destination, par dérogation à l’article 59 bis du 32 « Si les conditions prévues au I du présent article ne code des douanes. sont pas réunies et si le demandeur n’a pas justifié auprès 42 « V. – La définition des petits envois mentionnés au I de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures du présent article est précisée par arrêté du ministre mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 335-10, la chargé des douanes. mesure de retenue est levée de plein droit. 43 « VI. – Le présent article n’est pas applicable aux 33 « IV. – Dans le cadre de la communication d’infor- denrées périssables. mations prévues au troisième alinéa des articles L. 335-10 44 « Art. L. 335-16. – Lorsque le demandeur utilise les et L. 335-11, les autorités douanières informent le informations qui lui sont communiquées par l’adminis- demandeur de l’existence de la procédure prévue au tration des douanes, par dérogation à l’article 59 bis du présent article. Les informations prévues au sixième code des douanes, à d’autres fins que celles prévues au alinéa de l’article L. 335-10 peuvent également être présent chapitre, l’administration des douanes abroge, communiquées au demandeur aux fins de mise en suspend ou refuse de renouveler ladite demande. œuvre de la présente mesure. 45 « Art. L. 335-17. – En vue de prononcer les mesures 34 « Art. L. 335-15. – I. – Lorsque la retenue portant prévues aux articles L. 335-10 à L. 335-13, les agents des sur des marchandises soupçonnées de constituer une douanes appliquent les pouvoirs qui leur sont dévolus par contrefaçon de droit d’auteur ou de droit voisin est le code des douanes. mise en œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article L. 335-10 a été acceptée, les marchandises trans- 46 « Art. L. 335-18. – Un décret en Conseil d’État fixe : portées en petits envois peuvent être détruites sous le 47 « 1° Les conditions d’application des mesures prévues contrôle des agents des douanes lorsque le demandeur aux articles L. 335-10 à L. 335-16 ; a, dans sa demande, sollicité le recours à la procédure 48 « 2° Les conditions dans lesquelles a lieu la destruction prévue au présent article. des marchandises susceptibles de porter atteinte à un 35 « II. – La notification mentionnée à la première droit d’auteur ou à un droit voisin prévue par la régle- phrase du deuxième alinéa de l’article L. 335-10 est mentation européenne en vigueur, ainsi que les condi- faite dans un délai d’un jour ouvrable à compter de la tions du prélèvement d’échantillons préalable à ladite date de la mise en retenue. Elle mentionne l’intention de destruction. » l’administration des douanes de détruire ou non les 49 II. – Le titre II du livre V de la deuxième partie du marchandises et indique que : même code est ainsi modifié : 36 « 1° Le détenteur des marchandises dispose d’un délai 50 1° Après le chapitre Ier, il est inséré un chapitre Ier bis de dix jours ouvrables à compter de la notification de la intitulé : « La retenue », comprenant les articles L. 521-14 retenue pour faire connaître à l’administration des à L. 521-19 ; douanes ses observations ; 51 2° L’article L. 521-14 est ainsi modifié : 37 « 2° Les marchandises concernées peuvent être 52 a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé : détruites lorsque, dans un délai de dix jours ouvrables à partir de leur mise en retenue, le détenteur des 53 « Cette retenue est immédiatement notifiée au marchandises a confirmé à l’administration des demandeur et au détenteur. Le procureur de la douanes qu’il consent à cette destruction. En cas de République est également informé de ladite mesure par silence du détenteur des marchandises à l’issue de ce l’administration des douanes. » ; délai, le détenteur est réputé avoir consenti à leur destruc- 54 b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé : tion. 55 « Lors de la notification mentionnée à la première 38 « L’administration des douanes communique au phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature, la demandeur, sur requête de celui-ci, les informations quantité réelle ou estimée ainsi que des images des relatives à la quantité réelle ou estimée des marchandises marchandises sont communiquées au propriétaire du détruites et à leur nature. droit ou au bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation, SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2427

par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces 71 « Art. L. 521-17-1. – I. – Lorsque la retenue portant informations peuvent également être communiquées sur des marchandises soupçonnées de constituer une avant la mise en œuvre de la mesure de retenue prévue contrefaçon d’un dessin et modèle déposé est mise en par le présent article. » ; œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article L. 521-14 a été acceptée, les marchandises soupçonnées 56 c) Au début du quatrième alinéa, sont ajoutés les de porter atteinte à un dessin et modèle déposé peuvent mots : « Sous réserve des procédures prévues aux être détruites sous le contrôle des agents des douanes dès articles L. 521-17-1 et L. 521-17-2, » ; lors que les conditions suivantes sont remplies : 57 d) Le quatrième alinéa est complété par deux phrases 72 « 1° Le demandeur a confirmé par écrit et par une ainsi rédigées : expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai 58 « L’administration des douanes peut proroger le délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour de dix jours, prévu au présent alinéa, de dix jours ouvra- les denrées périssables, à partir de la notification de la bles maximum sur requête dûment motivée du deman- retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ; deur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la 73 « 2° Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités République et le détenteur des marchandises en sont douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de informés. » ; trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir 59 e) Le cinquième alinéa est complété par les mots : de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruc- « , sous réserve des procédures prévues aux articles tion, sous sa responsabilité, des marchandises ; L. 521-18 et L. 521-19 » ; 74 « 3° Le détenteur des marchandises a confirmé par 60 écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours f) Au sixième alinéa, les mots : « de leur quantité, leur ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées origine et leur provenance » sont remplacés par les mots : périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il « des images de ces marchandises et des informations sur consent à la destruction des marchandises. leur quantité, leur origine, leur provenance et leur desti- nation » ; 75 « II. – Si le détenteur des marchandises n’a, dans le délai mentionné au 3° du I, ni confirmé qu’il consent à la 61 3° L’article L. 521-15 est ainsi modifié : destruction des marchandises, ni informé l’administra- 62 aa) Le troisième alinéa est ainsi rédigé : tion des douanes qu’il s’oppose à leur destruction, il est réputé avoir consenti à cette destruction. 63 « Lors de la notification mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et 76 « III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction et qu’il marchandises sont communiquées au propriétaire du n’est pas réputé avoir consenti à la destruction des droit ou au bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation, marchandises dans les délais prévus, l’administration par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces des douanes en informe immédiatement le demandeur informations peuvent également être communiquées lequel, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois avant la mise en œuvre de la mesure de retenue prévue jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la au présent article » ; notification de la retenue, prend les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 521-14. Le délai de dix 64 a) Le dernier alinéa est ainsi rédigé : jours peut être prorogé de dix jours ouvrables maximum 65 « La mesure de retenue est levée de plein droit si sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de l’administration des douanes n’a pas reçu du propriétaire prorogation du délai, le procureur de la République et le du dessin ou du modèle déposé ou du bénéficiaire d’un détenteur des marchandises en sont informés. droit exclusif d’exploitation la demande prévue à l’article 77 « Si les conditions prévues au I du présent article ne L. 521-14 du présent code, déposée dans un délai de sont pas réunies et si le demandeur n’a pas justifié auprès quatre jours ouvrables à compter de la notification de de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures la retenue mentionnée au deuxième alinéa du présent mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 521-14, la article. » ; mesure de retenue est levée de plein droit. 66 b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés : 78 « IV. – Dans le cadre de la communication d’infor- mations prévues au troisième alinéa des articles L. 521-14 67 « Si la demande a été reçue conformément au et L. 521-15, les autorités douanières informent le quatrième alinéa du présent article, le délai de dix demandeur de l’existence de la procédure prévue au jours ouvrables mentionné au quatrième alinéa de présent article. Les informations prévues au sixième l’article L. 521-14 commence à courir à compter de alinéa de l’article L. 521-14 peuvent également être l’acceptation de cette demande par l’administration des communiquées au demandeur aux fins de mise en douanes. œuvre de la présente mesure. 68 « Le présent article n’est pas applicable aux marchan- 79 « Art. L. 521-17-2. – I. – Lorsque la retenue portant dises périssables. » ; sur des marchandises soupçonnées de constituer une 69 3° bis Au premier alinéa de l’article L. 521-17, les contrefaçon d’un dessin et modèle déposé est mise en références : « aux articles L. 521-14 à L. 521-16 » sont œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article remplacées par les références : « à l’article L. 521-14 et au L. 521-14 a été acceptée, les marchandises transportées second alinéa du I de l’article L. 521-16 » ; en petits envois peuvent être détruites sous le contrôle des agents des douanes lorsque le demandeur a, dans sa 70 3° ter Après l’article L. 521-17, sont insérés des articles demande, sollicité le recours à la procédure prévue au L. 521-17-1 à L. 521-17-3 ainsi rédigés : présent article. 2428 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

80 « II. – La notification mentionnée à la première 94 « 2° Les conditions dans lesquelles a lieu la destruction phrase du deuxième alinéa de l’article L. 521-14 est des marchandises susceptibles de constituer une contre- faite dans un délai d’un jour ouvrable à compter de la façon d’un dessin ou modèle, prévue par la réglementa- date de la mise en retenue. Elle mentionne l’intention de tion de l’Union européenne, ainsi que les conditions du l’administration des douanes de détruire ou non les prélèvement d’échantillons préalable à ladite destruc- marchandises et indique que : tion. » ; 81 « 1° Le détenteur des marchandises dispose d’un délai 95 4° Au début de l’article L. 522-1, les mots : « Les er de dix jours ouvrables à compter de la notification de la dispositions du chapitre I » sont remplacés par les er er retenue pour faire connaître à l’administration des références : « Les chapitres I et I bis ». douanes ses observations ; 96 III. – Après le chapitre IV du titre Ier du livre VI de la 82 « 2° Les marchandises concernées peuvent être même deuxième partie, il est inséré un chapitre IV bis détruites lorsque, dans un délai de dix jours ouvrables ainsi rédigé : à partir de leur mise en retenue, le détenteur des 97 « Chapitre IV bis marchandises a confirmé à l’administration des 98 douanes qu’il consent à cette destruction. En cas de « La retenue silence du détenteur des marchandises à l’issue de ce 99 « Art. L. 614-32. – En dehors des cas prévus par la délai, le détenteur est réputé avoir consenti à leur destruc- réglementation de l’Union européenne, l’administration tion. des douanes peut, sur demande écrite du propriétaire d’un brevet ou d’un certificat complémentaire de protec- 83 « L’administration des douanes communique au tion rattaché à un brevet ou d’une personne habilitée à demandeur, sur requête de celui-ci, les informations exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat relatives à la quantité réelle ou estimée des marchandises complémentaire d’exploitation, assortie des justifications détruites et à leur nature. de son droit, retenir dans le cadre de ses contrôles les 84 « III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas marchandises que celui-ci prétend constituer une contre- confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction ou façon. lorsqu’il n’est pas réputé avoir consenti à leur destruction, 100 « Cette retenue est immédiatement notifiée au l’administration des douanes en informe immédiatement demandeur et au détenteur. Le procureur de la le demandeur et lui communique la quantité, la nature, République est également informé de ladite mesure par ainsi que des images des marchandises. l’administration des douanes. 85 « IV. – La mesure de retenue est levée de plein droit à 101 « Lors de la notification mentionnée à la première défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et ouvrables à compter de l’information prévue au III du la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des présent article, de justifier auprès de l’administration des marchandises sont communiquées au propriétaire du douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au brevet ou du certificat complémentaire de protection quatrième alinéa de l’article L. 521-14. rattaché à un brevet ou à la personne habilitée à exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat complémen- 86 « En vue de prendre ces mesures, le demandeur peut taire d’exploitation, par dérogation à l’article 59 bis du obtenir de l’administration des douanes communication code des douanes. Ces informations peuvent également des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure destinataire et du détenteur des marchandises retenues, prévue au présent article. ainsi que de leur quantité, leur origine, leur provenance et leur destination, par dérogation à l’article 59 bis du 102 « Sous réserve des procédures prévues aux articles code des douanes. L. 614-36 et L. 614-37 du présent code, la mesure de retenue est levée de plein droit à défaut pour le deman- 87 « V. – La définition des petits envois mentionnés au I deur, dans le délai de dix jours ouvrables, ou de trois du présent article est précisée par arrêté du ministre jours ouvrables pour les denrées périssables, à compter de chargé des douanes. la notification de la retenue des marchandises, de justifier 88 « VI. – Le présent article n’est pas applicable aux auprès de l’administration des douanes soit de mesures denrées périssables. conservatoires décidées par la juridiction civile compé- tente, soit de s’être pourvu par la voie civile ou la voie 89 « Art. L. 521-17-3. – Lorsque le demandeur utilise les correctionnelle et d’avoir constitué les garanties destinées informations qui lui sont communiquées par l’adminis- à l’indemnisation éventuelle du détenteur des marchan- tration des douanes, par dérogation à l’article 59 bis du dises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement code des douanes, à d’autres fins que celles prévues au reconnue, soit d’avoir déposé une plainte auprès du présent chapitre, l’administration des douanes abroge, procureur de la République. L’administration des suspend ou refuse de renouveler ladite demande. » ; douanes peut proroger le délai de dix jours ouvrables prévu au présent alinéa de dix jours ouvrables 90 3° quater À l’article L. 521-18, la référence : « L. 521- maximum sur requête dûment motivée du demandeur. 17 » est remplacée par la référence : « L. 521-17-3 » ; En cas de prorogation du délai, le procureur de la 91 3° quinquies L’article L. 521-19 est ainsi rédigé : République et le détenteur des marchandises en sont informés. 92 « Art. L. 521-19. – Un décret en Conseil d’État fixe : 103 « Les frais liés à la mesure de retenue ou aux mesures 93 « 1° Les conditions d’application des mesures prévues conservatoires prononcées par la juridiction civile compé- aux articles L. 521-14 à L. 521-17-3 ; tente sont à la charge du demandeur. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2429

104 « Aux fins de l’engagement des actions en justice délai de quatre jours ouvrables à compter de la notifica- mentionnées au quatrième alinéa du présent article, le tion de la retenue mentionnée à la première phrase du demandeur peut obtenir de l’administration des douanes deuxième alinéa du présent article. communication des nom et adresse de l’expéditeur, de 112 « Si la demande a été reçue conformément au l’importateur, du destinataire et du déclarant des quatrième alinéa du présent article, le délai de dix jours marchandises retenues ou de leur détenteur, ainsi que ouvrables mentionné au quatrième alinéa de l’article des images de ces marchandises et des informations sur L. 614-32 commence à courir à compter de l’acceptation leur quantité, leur origine, leur provenance et leur desti- de cette demande par l’administration des douanes. nation, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. 113 « Le présent article n’est pas applicable aux marchan- dises périssables. 105 « La retenue mentionnée au premier alinéa du présent 114 « Art. L. 614-34. – I. – Lorsque la retenue, prévue article ne porte pas : par la réglementation de l’Union européenne et portant 106 « 1° Sur les marchandises de statut communautaire, sur des marchandises soupçonnées de constituer une légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un contrefaçon d’un brevet ou d’un certificat complémen- État membre de l’Union européenne et destinées, après taire d’exploitation, est mise en œuvre avant qu’une avoir emprunté le territoire douanier défini au même demande du propriétaire d’un brevet ou d’un certificat article 1er, à être mises sur le marché d’un autre État complémentaire de protection rattaché à un brevet ou membre de l’Union européenne pour y être légalement d’une personne habilitée à exploiter l’invention brevetée commercialisées ; ou objet du certificat complémentaire d’exploitation ait été déposée ou acceptée, les agents des douanes peuvent, 107 « 2° Sur les marchandises de statut communautaire, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un informer ce propriétaire ou ce bénéficiaire du droit autre État membre de l’Union européenne, dans lequel exclusif d’exploitation de la mise en œuvre de cette elles ont été placées sous le régime du transit, et qui sont mesure. Ils peuvent également lui communiquer des destinées, après avoir transité sur le territoire douanier informations portant sur la quantité des marchandises défini au même article 1er, à être exportées vers un État et leur nature. non-membre de l’Union européenne. 115 « Lorsque la retenue, prévue par la réglementation de 108 « Art. L. 614-33. – En l’absence de demande écrite l’Union européenne et portant sur des marchandises du propriétaire d’un brevet ou d’un certificat complé- soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un brevet mentaire de protection rattaché à un brevet ou d’une ou d’un certificat complémentaire d’exploitation, est personne habilitée à exploiter l’invention brevetée ou mise en œuvre après qu’une demande du propriétaire objet du certificat complémentaire d’exploitation et en d’un brevet ou d’un certificat complémentaire de protec- dehors des cas prévus par la réglementation de l’Union tion rattaché à un brevet ou d’une personne habilitée à européenne, l’administration des douanes peut, dans le exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat cadre de ses contrôles, retenir des marchandises suscepti- complémentaire d’exploitation a été acceptée, les agents bles de porter atteinte à un brevet ou à un certificat des douanes peuvent également communiquer à ce complémentaire d’exploitation. propriétaire ou à cette personne habilitée les informations prévues par cette réglementation, nécessaires pour déter- 109 « Cette retenue est immédiatement notifiée au miner s’il y a eu violation de son droit. propriétaire du brevet ou du certificat complémentaire 116 « II. – Les frais générés par la mise en œuvre de la de protection rattaché à un brevet ou à la personne retenue mentionnée au I sont à la charge du propriétaire habilitée à exploiter l’invention brevetée ou objet du du brevet ou du certificat complémentaire de protection certificat complémentaire d’exploitation. Le procureur rattaché à un brevet ou de la personne habilitée à de la République est également informé de ladite exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat mesure par l’administration des douanes. complémentaire d’exploitation. 110 « Lors de la notification mentionnée à la première 117 « Art. L. 614-35. – Pendant le délai de la retenue phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et mentionnée à l’article L. 614-32 et au second alinéa du I la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des de l’article L. 614-34, le propriétaire du brevet ou du marchandises sont communiquées au propriétaire du certificat complémentaire de protection rattaché à un brevet ou du certificat complémentaire de protection brevet ou la personne habilitée à exploiter l’invention rattaché à un brevet ou à la personne habilitée à exploiter brevetée ou objet du certificat complémentaire d’exploi- l’invention brevetée ou objet du certificat complémen- tation peut, à sa demande ou à la demande de l’adminis- taire d’exploitation, par dérogation à l’article 59 bis du tration des douanes, inspecter les marchandises retenues. code des douanes. Ces informations peuvent également 118 « Lors du contrôle des marchandises mises en retenue, être communiquées avant la mise en œuvre de la mesure l’administration des douanes peut prélever des échantil- prévue au présent article. lons. 111 « La mesure de retenue est levée de plein droit si 119 « Art. L. 614-36. – I. – Lorsque la retenue portant l’administration des douanes n’a pas reçu du propriétaire sur des marchandises soupçonnées de constituer une du brevet ou du certificat complémentaire de protection contrefaçon d’un brevet, d’un certificat complémentaire rattaché à un brevet ou de la personne habilitée à de protection ou d’un certificat d’utilité est mise en exploiter l’invention brevetée ou objet du certificat œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article complémentaire d’exploitation la demande prévue à L. 614-32 a été acceptée, les marchandises soupçonnées l’article L. 614-32 du présent code, déposée dans un de porter atteinte à un brevet, un certificat complémen- 2430 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

taire de protection ou un certificat d’utilité peuvent être 130 « 1° Les conditions d’application des mesures prévues détruites sous le contrôle des agents des douanes dès lors aux articles L. 614-32 à L. 614-37 ; que les conditions suivantes sont remplies : 131 « 2° Les conditions dans lesquelles a lieu la destruction 120 « 1° Le demandeur a confirmé par écrit et par une des marchandises susceptibles de porter atteinte à un expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai brevet, un certificat complémentaire de protection ou de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour un certificat d’utilité prévue par la réglementation les denrées périssables, à partir de la notification de la européenne en vigueur, ainsi que les conditions du prélè- retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ; vement d’échantillons préalable à ladite destruction. » 121 « 2° Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités 132 III bis. – La section 2 du chapitre II du titre II du douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de même livre VI est complétée par un article L. 622-8 ainsi trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir rédigé :

de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruc- er tion, sous sa responsabilité, des marchandises ; 133 « Art. L. 622-8. – Le chapitre IV bis du titre I du présent livre est applicable au présent chapitre. » 122 « 3° Le détenteur des marchandises a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours 134 IV. – Le chapitre III du même titre II est complété ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées par une section 4 ainsi rédigée : périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il 135 « Section 4 consent à la destruction des marchandises. 136 « La retenue 123 « II. – Si le détenteur des marchandises n’a, dans le délai mentionné au 3° du I, ni confirmé qu’il consent à la 137 « Art. L. 623-36. – En dehors des cas prévus par la destruction des marchandises, ni informé l’administra- réglementation de l’Union européenne, l’administration tion des douanes qu’il s’oppose à leur destruction, il est des douanes peut, sur demande écrite du titulaire d’un réputé avoir consenti à cette destruction. certificat d’obtention végétale, assortie des justifications de son droit, retenir dans le cadre de ses contrôles les 124 « III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas marchandises que celui-ci prétend constituer une contre- confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction et qu’il façon. n’est pas réputé avoir consenti à la destruction des marchandises dans les délais prévus, l’administration 138 « Cette retenue est immédiatement notifiée au des douanes en informe immédiatement le demandeur demandeur et au détenteur. Le procureur de la qui, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois République est également informé de ladite mesure par jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la l’administration des douanes. notification de la retenue, prend les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 614-32. Le délai de dix 139 « Lors de la notification mentionnée à la première jours peut être prorogé de dix jours ouvrables maximum phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des prorogation du délai, le procureur de la République et le marchandises sont communiquées au titulaire du certi- détenteur des marchandises en sont informés. ficat d’obtention végétale, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent égale- 125 « Si les conditions prévues au I du présent article ne ment être communiquées avant la mise en œuvre de la sont pas réunies et si le demandeur n’a pas justifié auprès mesure prévue au présent article. de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 614-32, la 140 « Sous réserve des procédures prévues aux articles mesure de retenue est levée de plein droit. L. 623-40 et L. 623-41 du présent code, la mesure de retenue est levée de plein droit à défaut pour le deman- 126 « IV. – Dans le cadre de la communication d’infor- deur, dans le délai de dix jours ouvrables, ou de trois mations prévues au troisième alinéa des articles L. 614-32 jours ouvrables pour les denrées périssables, à compter de et L. 614-33, les autorités douanières informent le la notification de la retenue des marchandises, de justifier demandeur de l’existence de la procédure prévue au auprès de l’administration des douanes soit de mesures présent article. Les informations prévues au sixième conservatoires décidées par la juridiction civile compé- alinéa de l’article L. 614-32 peuvent également être tente, soit de s’être pourvu par la voie civile ou la voie communiquées au demandeur aux fins de mise en correctionnelle et d’avoir constitué les garanties destinées œuvre de la présente mesure. à l’indemnisation éventuelle du détenteur des marchan- 127 « Art. L. 614-37. – Lorsque le demandeur utilise les dises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement informations qui lui sont communiquées par l’adminis- reconnue, soit d’avoir déposé une plainte auprès du tration des douanes, par dérogation à l’article 59 bis du procureur de la République. L’administration des code des douanes, à d’autres fins que celles prévues au douanes peut proroger le délai de dix jours ouvrables présent chapitre, l’administration des douanes abroge, prévu au présent alinéa de dix jours ouvrables suspend ou refuse de renouveler ladite demande. maximum sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la 128 « Art. L. 614-38. – En vue de prononcer les mesures République et le détenteur des marchandises en sont prévues aux articles L. 614-32 à L. 614-35, les agents des informés. douanes appliquent les pouvoirs qui leur sont dévolus par le code des douanes. 141 « Les frais liés à la mesure de retenue ou aux mesures conservatoires prononcées par la juridiction civile compé- 129 « Art. L. 614-39. – Un décret en Conseil d’État fixe : tente sont à la charge du demandeur. SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2431

142 « Aux fins de l’engagement des actions en justice 152 « Art. L. 623-38. – I. – Lorsque la retenue, prévue mentionnées au quatrième alinéa du présent article, le par la réglementation de l’Union européenne et portant demandeur peut obtenir de l’administration des douanes sur des marchandises soupçonnées de constituer une communication des nom et adresse de l’expéditeur, de contrefaçon d’un certificat d’obtention végétale, est l’importateur, du destinataire et du déclarant des mise en œuvre avant qu’une demande du titulaire du marchandises retenues ou de leur détenteur, ainsi que certificat d’obtention végétale ait été déposée ou acceptée, des images de ces marchandises et des informations sur les agents des douanes peuvent, par dérogation à leur quantité, leur origine, leur provenance et leur desti- l’article 59 bis du code des douanes, informer ce titulaire nation, par dérogation à l’article 59 bis du code des de la mise en œuvre de cette mesure. Ils peuvent égale- douanes. ment lui communiquer des informations portant sur la quantité des marchandises et leur nature. 143 « La retenue mentionnée au premier alinéa du présent article ne porte pas : 153 « Lorsque la retenue, prévue par la réglementation de l’Union européenne et portant sur des marchandises 144 « 1° Sur les marchandises de statut communautaire, soupçonnées de constituer une contrefaçon d’un certi- légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un ficat d’obtention végétale, est mise en œuvre après qu’une État membre de l’Union européenne et destinées, après er demande du titulaire du certificat d’obtention végétale a avoir emprunté le territoire douanier défini à l’article 1 été acceptée, les agents des douanes peuvent également du code des douanes, à être mises sur le marché d’un communiquer à ce titulaire les informations prévues par autre État membre de l’Union européenne pour y être cette réglementation, nécessaires pour déterminer s’il y a légalement commercialisées ; eu violation de son droit. 145 « 2° Sur les marchandises de statut communautaire, 154 « II. – Les frais générés par la mise en œuvre de la légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un retenue mentionnée au I sont à la charge du titulaire du autre État membre de l’Union européenne, dans lequel certificat d’obtention végétale. elles ont été placées sous le régime du transit, et qui sont destinées, après avoir transité sur le territoire douanier 155 « Art. L. 623-39. – Pendant le délai de la retenue défini au même article 1er, à être exportées vers un État mentionnée à l’article L. 623-36 et au second alinéa du I non membre de l’Union européenne. de l’article L. 623-38, le titulaire du certificat d’obtention végétale peut, à sa demande ou à la demande de l’admi- 146 « Art. L. 623-37. – En l’absence de demande écrite nistration des douanes, inspecter les marchandises du titulaire du certificat d’obtention végétale et en dehors retenues. des cas prévus par la réglementation de l’Union 156 européenne, l’administration des douanes peut, dans le « Lors du contrôle des marchandises mises en retenue, cadre de ses contrôles, retenir des marchandises suscepti- l’administration des douanes peut prélever des échantil- bles de porter atteinte à un certificat d’obtention lons. végétale. 157 « Art. L. 623-40. – I. – Lorsque la retenue portant sur des marchandises soupçonnées de constituer une 147 « Cette retenue est immédiatement notifiée au contrefaçon d’un certificat d’obtention végétale est mise titulaire du certificat d’obtention végétale. Le procureur en œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article de la République est également informé de ladite mesure L. 623-36 a été acceptée, les marchandises soupçonnées par l’administration des douanes. de porter atteinte à un certificat d’obtention végétale 148 « Lors de la notification mentionnée à la première peuvent être détruites sous le contrôle des agents des phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et douanes dès lors que les conditions suivantes sont la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des remplies : marchandises sont communiquées au titulaire du certi- 158 « 1° Le demandeur a confirmé par écrit et par une ficat d’obtention végétale, par dérogation à l’article 59 bis expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai du code des douanes. Ces informations peuvent égale- de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour ment être communiquées avant la mise en œuvre de la les denrées périssables, à partir de la notification de la mesure prévue au présent article. retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ; 149 « La mesure de retenue est levée de plein droit si 159 « 2° Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités l’administration des douanes n’a pas reçu du titulaire du douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de certificat d’obtention végétale la demande prévue à trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir l’article L. 623-36 du présent code, déposée dans un de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruc- délai de quatre jours ouvrables à compter de la notifica- tion, sous sa responsabilité, des marchandises ; tion de la retenue mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa du présent article. 160 « 3° Le détenteur des marchandises a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours 150 « Si la demande a été reçue conformément au ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées quatrième alinéa du présent article, le délai de dix périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il jours ouvrables mentionné au quatrième alinéa de consent à la destruction des marchandises. l’article L. 623-36 commence à courir à compter de l’acceptation de cette demande par l’administration des 161 « II. – Lorsque le détenteur n’a, dans le délai douanes. mentionné au 3° du I, ni confirmé qu’il consent à la destruction des marchandises, ni informé l’administra- 151 « Le présent article n’est pas applicable aux marchan- tion des douanes qu’il s’oppose à leur destruction, il est dises périssables. réputé avoir consenti à cette destruction. 2432 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

162 « III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas 177 « Lors de la notification mentionnée à la première confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction et qu’il phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature, la n’est pas réputé avoir consenti à la destruction des quantité réelle ou estimée ainsi que des images des marchandises dans les délais prévus, l’administration marchandises sont communiquées au propriétaire du des douanes en informe immédiatement le demandeur droit ou au bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation, lequel, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la informations peuvent également être communiquées notification de la retenue, prend les mesures mentionnées avant la mise en œuvre de la mesure de retenue prévue au quatrième alinéa de l’article L. 623-36. Le délai de dix par le présent article. » ; jours peut être prorogé de dix jours ouvrables maximum 178 c) Au début du quatrième alinéa, sont ajoutés les sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de mots : « Sous réserve des procédures prévues aux prorogation du délai, le procureur de la République et le articles L. 716-8-4 et L. 716-8-5, » ; détenteur des marchandises en sont informés. 179 d) Le quatrième alinéa est complété par deux phrases 163 « Si les conditions prévues au I du présent article ne ainsi rédigées : sont pas réunies et si le demandeur n’a pas justifié auprès de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures 180 « L’administration des douanes peut proroger le délai mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 623-36, la de dix jours, prévu au présent alinéa, de dix jours ouvra- mesure de retenue est levée de plein droit. bles maximum sur requête dûment motivée du deman- deur. En cas de prorogation du délai, le procureur de la 164 « IV. – Dans le cadre de la communication d’infor- République et le détenteur des marchandises en sont mations prévues au troisième alinéa des articles L. 623-36 informés. » ; et L. 623-37, les autorités douanières informent le demandeur de l’existence de la procédure prévue au 181 e) Le cinquième alinéa est complété par les mots : présent article. Les informations prévues au sixième « , sous réserve des procédures prévues aux articles L. 716- alinéa de l’article L. 623-36 peuvent également être 8-4 et L. 716-8-5 » ; communiquées au demandeur aux fins de mise en 182 f) Au sixième alinéa, les mots : « de leur quantité, leur œuvre de la présente mesure. origine et leur provenance » sont remplacés par les mots : 165 « Art. L. 623-41. – Lorsque le demandeur utilise les « des images de ces marchandises et des informations sur informations qui lui sont communiquées par l’adminis- leur quantité, leur origine, leur provenance et leur desti- tration des douanes, par dérogation à l’article 59 bis du nation » ; code des douanes, à d’autres fins que celles prévues au 183 3° L’article L. 716-8-1 est ainsi modifié : présent chapitre, l’administration des douanes abroge, 184 aa) Le troisième alinéa est ainsi rédigé : suspend ou refuse de renouveler ladite demande. 185 « Lors de la notification mentionnée à la première 166 « Art. L. 623-42. – En vue de prononcer les mesures phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et prévues aux articles L. 623-36 à L. 623-39, les agents des la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des douanes appliquent les pouvoirs qui leur sont dévolus par marchandises sont communiquées au propriétaire du le code des douanes. droit ou au bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation, 167 « Art. L. 623-43. – Un décret en Conseil d’État fixe : par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations peuvent également être communiquées 168 « 1° Les conditions d’application des mesures prévues avant la mise en œuvre de la mesure de retenue prévue aux articles L. 623-36 à L. 623-41 ; au présent article. » ; 169 « 2° Les conditions dans lesquelles a lieu la destruction 186 a) Le dernier alinéa est ainsi rédigé : des marchandises susceptibles de porter atteinte à un certificat d’obtention végétale prévue par la réglementa- 187 « La mesure de retenue est levée de plein droit si tion européenne en vigueur, ainsi que les conditions du l’administration des douanes n’a pas reçu du propriétaire prélèvement d’échantillons préalable à ladite destruction. de la marque enregistrée ou du bénéficiaire du droit exclusif d’exploitation la demande prévue à l’article 170 « Art. L. 623-44. – La présente section n’est pas L. 716-8 du présent code, déposée dans un délai de applicable aux semences de ferme relevant de la quatre jours ouvrables à compter de la notification de section 2 bis du présent chapitre. » la retenue mentionnée à la première phrase du deuxième 171 V. – Le titre Ier du livre VII de la deuxième partie du alinéa du présent article. » ; même code est ainsi modifié : 188 b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés : 172 1° Après le chapitre VI, il est inséré un chapitre VI bis 189 « Si la demande a été reçue conformément au intitulé : « La retenue » et comprenant les articles L. 716- quatrième alinéa du présent article, le délai de dix jours 8 à L. 716-16 ; ouvrables mentionné au quatrième alinéa de l’article 173 2° L’article L. 716-8 est ainsi modifié : L. 716-8 commence à courir à compter de l’acceptation de cette demande par l’administration des douanes. 174 a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé : 190 « Le présent article n’est pas applicable aux marchan- 175 « Cette retenue est immédiatement notifiée au dises périssables. » ; demandeur et au détenteur. Le procureur de la 191 4° Au premier alinéa de l’article L. 716-8-3, les République est également informé de ladite mesure par références : « aux articles L. 716-8 à L. 716-8-2 » sont l’administration des douanes. » ; remplacées par les références : « à l’article L. 716-8 et 176 b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé : au second alinéa du I de l’article L. 716-8-2 » ; SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2433

192 5° Les articles L. 716-8-4 à L. 716-8-6 sont remplacés en petits envois soupçonnées de porter atteinte à une par des articles L. 716-8-4 à L. 716-8-9 ainsi rédigés : marque enregistrée peuvent être détruites sous le 193 « Art. L. 716-8-4. – I. – Lorsque la retenue portant contrôle des agents des douanes lorsque le demandeur sur des marchandises soupçonnées de constituer une a, dans sa demande, sollicité le recours à la procédure contrefaçon d’une marque enregistrée est mise en prévue au présent article. œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article 202 « II. – La notification mentionnée à la première L. 716-8 a été acceptée, les marchandises soupçonnées phrase du deuxième alinéa de l’article L. 716-8 est faite de porter atteinte à la marque enregistrée peuvent être dans un délai d’un jour ouvrable à compter de la date de détruites sous le contrôle des agents des douanes dès lors la mise en retenue. Elle mentionne l’intention de l’admi- que les conditions suivantes sont remplies : nistration des douanes de détruire ou non les marchan- 194 « 1° Le demandeur a confirmé par écrit et par une dises et indique que : expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai 203 « 1° Le détenteur des marchandises dispose d’un délai de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour de dix jours ouvrables à compter de la notification de la les denrées périssables, à partir de la notification de la retenue pour faire connaître à l’administration des retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ; douanes ses observations ; 195 « 2° Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités 204 « 2° Les marchandises concernées peuvent être douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de détruites lorsque, dans un délai de dix jours ouvrables trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir à partir de leur mise en retenue, le détenteur des de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruc- marchandises a confirmé à l’administration des douanes tion, sous sa responsabilité, des marchandises ; qu’il consent à cette destruction. En cas de silence du 196 « 3° Le détenteur des marchandises a confirmé par détenteur des marchandises à l’issue de ce délai, le déten- écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours teur est réputé avoir consenti à leur destruction. ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées 205 « Les autorités douanières communiquent au deman- périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il deur, sur requête de celui-ci, les informations relatives à la consent à la destruction des marchandises. quantité réelle ou estimée des marchandises détruites et à 197 « II. – Si le détenteur des marchandises n’a, dans le leur nature. délai mentionné au 3° du I, ni confirmé qu’il consent à la 206 « III. – Lorsque le déclarant ou le détenteur des destruction des marchandises, ni informé l’administra- marchandises n’a pas confirmé par écrit qu’il consent à tion des douanes qu’il s’oppose à leur destruction, il est leur destruction ou lorsqu’il n’est pas réputé avoir réputé avoir consenti à cette destruction. consenti à leur destruction, l’administration des 198 « III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas douanes en informe immédiatement le demandeur et confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction et qu’il lui communique la quantité, la nature, ainsi que des n’est pas réputé avoir consenti à la destruction des images des marchandises. marchandises dans les délais prévus, l’administration 207 « IV. – La mesure de retenue est levée de plein droit à des douanes en informe immédiatement le demandeur défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours lequel, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois ouvrables à compter de l’information prévue au III du jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la présent article, de justifier auprès de l’administration des notification de la retenue, prend les mesures mentionnées douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au au quatrième alinéa de l’article L. 716-8. Le délai de quatrième alinéa de l’article L. 716-8. dix jours peut être prorogé de dix jours ouvrables 208 « En vue de prendre ces mesures, le demandeur peut maximum sur requête dûment motivée du demandeur. obtenir de l’administration des douanes communication En cas de prorogation du délai, le procureur de la des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du République et le détenteur des marchandises en sont destinataire et du détenteur des marchandises retenues, informés. ainsi que de leur quantité, leur origine, leur provenance 199 « Si les conditions prévues au I du présent article ne et leur destination, par dérogation à l’article 59 bis du sont pas réunies et si le demandeur n’a pas justifié auprès code des douanes. de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures 209 mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 716-8, la « V. – La définition des petits envois mentionnés au I mesure de retenue est levée de plein droit. du présent article est précisée par arrêté du ministre chargé des douanes. 200 « IV. – Dans le cadre de la communication d’infor- 210 mations prévues au troisième alinéa des articles L. 716-8 « VI. – Le présent article n’est pas applicable aux et L. 716-8-1, les autorités douanières informent le denrées périssables. demandeur de l’existence de la procédure prévue au 211 « Art. L. 716-8-6. – Lorsque le demandeur utilise les présent article. Les informations prévues au sixième informations qui lui sont communiquées par l’adminis- alinéa de l’article L. 716-8 peuvent également être tration des douanes, par dérogation à l’article 59 bis du communiquées au demandeur aux fins de mise en code des douanes, à d’autres fins que celles prévues au œuvre de la présente mesure. présent chapitre, l’administration des douanes abroge, 201 « Art. L. 716-8-5. – I. – Lorsque la retenue portant suspend ou refuse de renouveler ladite demande. sur des marchandises soupçonnées de constituer une 212 « Art. L. 716-8-7. – En vue de prononcer les mesures contrefaçon d’une marque enregistrée est mise en prévues aux articles L. 716-8 à L. 716-8-3, les agents des œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article douanes appliquent les pouvoirs qui leur sont dévolus par L. 716-8 a été acceptée, les marchandises transportées le code des douanes. 2434 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

213 « Art. L. 716-8-8. – Un décret en Conseil d’État fixe : En cas de prorogation du délai, le procureur de la République et le détenteur des marchandises en sont 214 « 1° Les conditions d’application des mesures prévues informés. aux articles L. 716-8 à L. 716-8-6 ; 226 « Les frais liés à la mesure de retenue ou aux mesures 215 « 2° Les conditions dans lesquelles a lieu la destruction conservatoires prononcées par la juridiction civile compé- des marchandises susceptibles de constituer une contre- tente sont à la charge du demandeur. façon d’une marque enregistrée, prévue par la réglemen- tation de l’Union européenne, ainsi que les conditions du 227 « Aux fins de l’engagement des actions en justice prélèvement d’échantillons préalable à ladite destruction. mentionnées au quatrième alinéa du présent article, le 216 « Art. L. 716-8-9. – Les officiers de police judiciaire demandeur peut obtenir de l’administration des douanes peuvent procéder, dès la constatation des infractions communication des noms et adresse de l’expéditeur, de prévues aux articles L. 716-9 et L. 716-10, à la saisie l’importateur, du destinataire et du déclarant des des produits fabriqués, importés, détenus, mis en marchandises retenues ou de leur détenteur, ainsi que vente, livrés ou fournis illicitement et des matériels des images de ces marchandises et des informations sur spécialement installés en vue de tels agissements. » leur quantité, leur origine, leur provenance et leur desti- nation par dérogation à l’article 59 bis du code des 217 VI. – Le chapitre II du titre II du même livre VII est douanes. ainsi modifié : 228 « La retenue mentionnée au premier alinéa du présent 218 1° La section unique devient une section 1 ; article ne porte pas : 219 2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée : 229 « 1° Sur les marchandises de statut communautaire, 220 « Section 2 légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un État membre de l’Union européenne et destinées, après 221 « La retenue avoir emprunté le territoire douanier défini à l’article 1er du code des douanes, à être mises sur le marché d’un 222 « Art. L. 722-9. – En dehors des cas prévus par la autre État membre de l’Union européenne pour y être réglementation de l’Union européenne, l’administration légalement commercialisées ; des douanes peut, sur demande écrite d’une personne autorisée à utiliser une indication géographique ou de 230 « 2° Sur les marchandises de statut communautaire, tout organisme de défense des indications géographiques, légalement fabriquées ou mises en libre pratique dans un assortie des justifications de son droit, retenir dans le autre État membre de l’Union européenne, dans lequel cadre de ses contrôles les marchandises que celui-ci elles ont été placées sous le régime du transit, et qui sont prétend constituer une contrefaçon. destinées, après avoir transité sur le territoire douanier défini au même article 1er, à être exportées vers un État 223 « Cette retenue est immédiatement notifiée au non membre de l’Union européenne. demandeur et au détenteur. Le procureur de la République est également informé de ladite mesure par 231 « Art. L. 722-10. – En l’absence de demande écrite de l’administration des douanes. la personne autorisée à utiliser une indication géogra- 224 « Lors de la notification mentionnée à la première phique ou de l’organisme de défense des indications phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et géographiques et en dehors des cas prévus par la régle- la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des mentation de l’Union européenne, l’administration des marchandises sont communiquées à la personne douanes peut, dans le cadre de ses contrôles, retenir des autorisée à utiliser une indication géographique ou à marchandises susceptibles de porter atteinte à une indica- l’organisme de défense des indications géographiques, tion géographique. par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes. 232 « Cette retenue est immédiatement notifiée à la Ces informations peuvent également être communiquées personne autorisée à utiliser l’indication géographique avant la mise en œuvre de la mesure prévue au présent ou à l’organisme de défense des indications géographi- article. ques. Le procureur de la République est également 225 « Sous réserve des procédures prévues aux articles informé de ladite mesure par l’administration des L. 722-13 et L. 722-14 du présent code, la mesure de douanes. retenue est levée de plein droit à défaut pour le deman- 233 « Lors de la notification mentionnée à la première deur, dans le délai de dix jours ouvrables, ou de trois phrase du deuxième alinéa du présent article, la nature et jours ouvrables pour les denrées périssables, à compter de la quantité réelle ou estimée ainsi que des images des la notification de la retenue des marchandises, de justifier marchandises sont communiquées à la personne autorisée auprès de l’administration des douanes soit de mesures à utiliser l’indication géographique ou à l’organisme de conservatoires décidées par la juridiction civile compé- défense des indications géographiques, par dérogation à tente, soit de s’être pourvu par la voie civile ou la voie l’article 59 bis du code des douanes. Ces informations correctionnelle et d’avoir constitué les garanties destinées peuvent également être communiquées avant la mise en à l’indemnisation éventuelle du détenteur des marchan- œuvre de la mesure prévue au présent article. dises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement reconnue, soit d’avoir déposé une plainte auprès du 234 « La mesure de retenue est levée de plein droit si procureur de la République. L’administration des l’administration des douanes n’a pas reçu de la personne douanes peut proroger le délai de dix jours ouvrables autorisée à utiliser l’indication géographique ou de l’orga- prévu au présent alinéa de dix jours ouvrables nisme de défense des indications géographiques la maximum sur requête dûment motivée du demandeur. demande prévue à l’article L. 722-9 du présent code, SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2435

déposée dans un délai de quatre jours ouvrables à 243 « 1° Le demandeur a confirmé par écrit et par une compter de la notification de la retenue mentionnée à expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai la première phrase du deuxième alinéa du présent article. de dix jours ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la notification de la 235 « Si la demande a été reçue conformément au retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ; quatrième alinéa du présent article, le délai de dix jours ouvrables mentionné au quatrième alinéa de 244 « 2° Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités l’article L. 722-9 commence à courir à compter de douanières, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de l’acceptation de cette demande par l’administration des trois jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir douanes. de la notification de la retenue, qu’il consent à la destruc- tion, sous sa responsabilité, des marchandises ; 236 « Le présent article n’est pas applicable aux marchan- dises périssables. 245 « 3° Le détenteur des marchandises a confirmé par écrit aux autorités douanières, dans un délai de dix jours 237 « Art. L. 722-11. – I. – Lorsque la retenue prévue ouvrables, ou de trois jours ouvrables pour les denrées par la réglementation de l’Union européenne et portant périssables, à partir de la notification de la retenue, qu’il sur des marchandises soupçonnées de constituer une consent à la destruction des marchandises. contrefaçon d’une indication géographique est mise en œuvre avant qu’une demande de la personne autorisée à 246 « II. – Si le détenteur des marchandises n’a, dans le utiliser l’indication géographique ou de l’organisme de délai mentionné au 3° du I, ni confirmé qu’il consent à la défense des indications géographiques ait été déposée ou destruction des marchandises, ni informé l’administra- acceptée, les agents des douanes peuvent, par dérogation tion des douanes qu’il s’oppose à leur destruction, il est à l’article 59 bis du code des douanes, informer cette réputé avoir consenti à cette destruction. personne ou cet organisme de la mise en œuvre de 247 « III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas cette mesure. Ils peuvent également lui communiquer confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction et qu’il des informations portant sur la quantité des marchan- n’est pas réputé avoir consenti à la destruction des dises et leur nature. marchandises dans les délais prévus, l’administration 238 « Lorsque la retenue prévue par la réglementation de des douanes en informe immédiatement le demandeur l’Union européenne et portant sur des marchandises lequel, dans un délai de dix jours ouvrables, ou de trois soupçonnées de constituer une contrefaçon d’une indica- jours ouvrables pour les denrées périssables, à partir de la tion géographique est mise en œuvre après qu’une notification de la retenue, prend les mesures mentionnées demande de la personne autorisée à utiliser une indica- au quatrième alinéa de l’article L. 722-9. Le délai de dix tion géographique ou de l’organisme de défense des jours peut être prorogé de dix jours ouvrables maximum indications géographiques a été acceptée, les agents des sur requête dûment motivée du demandeur. En cas de douanes peuvent également communiquer à cette prorogation du délai, le procureur de la République et le personne ou à cet organisme les informations, prévues détenteur des marchandises en sont informés. par cette réglementation, nécessaires pour déterminer s’il 248 « Si les conditions prévues au I du présent article ne y a eu violation de son droit. sont pas réunies et si le demandeur n’a pas justifié auprès 239 « II. – Les frais générés par la mise en œuvre de la de l’administration des douanes qu’il a pris les mesures retenue mentionnée au I sont à la charge de la personne mentionnées au quatrième alinéa du même article autorisée à utiliser une indication géographique ou de L. 722-9, la mesure de retenue est levée de plein droit. l’organisme de défense des indications géographiques. 249 « IV. – Dans le cadre de la communication d’infor- 240 « Art. L. 722-12. – Pendant le délai de la retenue mations prévues au troisième alinéa des articles L. 722-9 mentionnée à l’article L. 722-9 et au second alinéa du I et L. 722-10, les autorités douanières informent le de l’article L. 722-11, la personne autorisée à utiliser une demandeur de l’existence de la procédure prévue au indication géographique ou l’organisme de défense des présent article. Les informations prévues au sixième indications géographiques peut, à sa demande ou à la alinéa de l’article L. 722-9 peuvent également être demande de l’administration des douanes, inspecter les communiquées au demandeur aux fins de mise en marchandises retenues. œuvre de la présente mesure. 241 « Lors du contrôle des marchandises mises en retenue, 250 « Art. L. 722-14. – I. – Lorsque la retenue portant l’administration des douanes peut prélever des échantil- sur des marchandises soupçonnées de constituer une lons. À la demande de la personne autorisée à utiliser contrefaçon d’une indication géographique est mise en l’indication géographique ou de l’organisme de défense œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article des indications géographiques, ces échantillons peuvent L. 722-9 a été acceptée, les marchandises transportées lui être remis aux seules fins d’analyse et en vue de en petits envois soupçonnées de porter atteinte à une faciliter les actions qu’elle ou il peut être amené à indication géographique peuvent être détruites sous le engager par la voie civile ou pénale. contrôle des agents des douanes lorsque le demandeur a, dans sa demande, sollicité le recours à la procédure 242 « Art. L. 722-13. – I. – Lorsque la retenue portant prévue au présent article. sur des marchandises soupçonnées de constituer une contrefaçon d’une indication géographique est mise en 251 « II. – La notification mentionnée à la première œuvre après qu’une demande mentionnée à l’article phrase du deuxième alinéa de l’article L. 722-9 est faite L. 722-9 a été acceptée, les marchandises soupçonnées dans un délai d’un jour ouvrable à compter de la date de de porter atteinte à une indication géographique peuvent la mise en retenue. Elle mentionne l’intention de l’admi- être détruites sous le contrôle des agents des douanes dès nistration des douanes de détruire ou non les marchan- lors que les conditions suivantes sont remplies : dises et indique que : 2436 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

252 « 1° Le détenteur des marchandises dispose d’un délai Article 8 de dix jours ouvrables à compter de la notification de la (Non modifié) retenue pour faire connaître à l’administration des douanes ses observations ; 1 Le 4 de l’article 38 du code des douanes est ainsi rédigé : 253 « 2° Les marchandises concernées peuvent être détruites lorsque, dans un délai de dix jours ouvrables 2 « 4. Au titre des dispositions dérogatoires prévues à à partir de leur mise en retenue, le détenteur des l’article 2 bis, le présent article est applicable : marchandises a confirmé à l’administration des 3 douanes qu’il consent à cette destruction. En cas de « 1° Aux produits liés à la défense dont le transfert est silence du détenteur des marchandises à l’issue de ce soumis à l’autorisation préalable prévue à l’article délai, le détenteur est réputé avoir consenti à leur destruc- L. 2335-10 du code de la défense, aux produits chimi- tion. ques inscrits au tableau 1 annexé à la convention de Paris et mentionnés à l’article L. 2342-8 du même code, aux 254 « L’administration des douanes communique au matériels mentionnés à l’article L. 2335-18 dudit code demandeur, sur requête de celui-ci, les informations ainsi qu’aux produits explosifs destinés à des fins relatives à la quantité réelle ou estimée des marchandises militaires mentionnés à l’article L. 2352-1 du même détruites et à leur nature. code ; 255 « III. – Lorsque le détenteur des marchandises n’a pas 4 « 2° Aux marchandises relevant des articles 2 et 3 de la confirmé par écrit qu’il consent à leur destruction ou loi no 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux lorsqu’il n’est pas réputé avoir consenti à leur destruction, produits soumis à certaines restrictions de circulation et l’administration des douanes en informe immédiatement à la complémentarité entre les services de police, de le demandeur et lui communique la quantité, la nature, gendarmerie et de douane ; ainsi que des images des marchandises. 5 « 3° Aux biens culturels et trésors nationaux relevant 256 « IV. – La mesure de retenue est levée de plein droit à des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code du patrimoine ; défaut pour le demandeur, dans le délai de dix jours 6 « 4° Aux substances classifiées en catégorie 1 par ouvrables à compter de l’information prévue au III du l’annexe I au règlement (CE) no 273/2004 du Parlement présent article, de justifier auprès de l’administration des européen et du Conseil, du 11 février 2004, relatif aux douanes qu’il a pris les mesures mentionnées au précurseurs de drogues ; quatrième alinéa de l’article L. 722-9. 7 « 5° Aux marchandises mentionnées à l’article 257 « En vue de prendre ces mesures, le demandeur peut L. 5132-9 du code de la santé publique ; obtenir de l’administration des douanes communication des nom et adresse de l’expéditeur, de l’importateur, du 8 « 6°Aux médicaments à usage humain mentionnés à destinataire et du détenteur des marchandises retenues, l’article L. 5124-13 du même code ; ainsi que de leur quantité, leur origine, leur provenance 9 « 7° Aux micro-organismes et aux toxines mentionnés et leur destination par dérogation à l’article 59 bis du à l’article L. 5139-1 dudit code ; code des douanes. 10 « 8° Aux médicaments à usage vétérinaire mentionnés 258 « V. – La définition des petits envois mentionnés au I à l’article L. 5142-7 du même code ; du présent article est précisée par arrêté du ministre chargé des douanes. 11 « 9° Aux marchandises contrefaisantes ; 259 « VI. – Le présent article n’est pas applicable aux 12 « 10° Aux produits sanguins labiles et aux pâtes denrées périssables. plasmatiques mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 1221-8 du code de la santé publique, au sang, ses 260 « Art. L. 722-15. – Lorsque le demandeur utilise les composants et ses produits dérivés à des fins scientifiques informations qui lui sont communiquées par l’adminis- mentionnés à l’article L. 1221-12 du même code ; tration des douanes, par dérogation à l’article 59 bis du code des douanes, à d’autres fins que celles prévues par le 13 « 11° Aux organes, tissus et leurs dérivés, cellules, présent chapitre, l’administration des douanes abroge, gamètes et tissus germinaux issus du corps humain suspend ou refuse de renouveler ladite demande. ainsi qu’aux préparations de thérapie cellulaire et aux échantillons biologiques mentionnés aux articles 261 « Art. L. 722-16. – En vue de prononcer les mesures L. 1235-1, L. 1243-1, L. 2141-11-1 et L. 1245-5 dudit prévues aux articles L. 722-9 à L. 722-12, les agents des code ; douanes appliquent les pouvoirs qui leur sont dévolus par le code des douanes. 14 « 12° Aux tissus ou cellules embryonnaires ou fœtaux mentionnés à l’article L. 2151-6 du même code ; 262 « Art. L. 722-17. – Un décret en Conseil d’État fixe : 15 « 13° Aux sources artificielles et naturelles de radio- 263 « 1° Les conditions d’application des mesures prévues nucléides définies à l’article L. 1333-1 dudit code et aux articles L. 722-9 à L. 722-15 ; relevant des articles L. 1333-2 et L. 1333-4 du même code ; 264 « 2° Les conditions dans lesquelles a lieu la destruction des marchandises susceptibles de porter atteinte à une 16 « 14° Aux déchets définis à l’article L. 541-1-1 du indication géographique prévue par la réglementation code de l’environnement dont l’importation, l’exporta- européenne en vigueur ainsi que les conditions du prélè- tion ou le transit sont régis par la section 4 du chapitre Ier vement d’échantillons préalable à ladite destruction. » – du titre IV du livre V du même code, ainsi que par le (Adopté.) règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2437

du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de 4 « 2. Chaque intervention se déroule en présence de déchets et les décisions des autorités de l’Union l’opérateur contrôlé ou de son représentant et fait l’objet européenne prises en application de ce règlement ; d’un procès-verbal relatant le déroulement des opérations 17 « 15° Aux objets de toute nature comportant des de contrôle, dont une copie lui est remise, au plus tard, images ou des représentations d’un mineur à caractère dans les cinq jours suivant son établissement. pornographique mentionnées à l’article 227-23 du code 5 « 3. Dans le cadre de ces interventions, il ne peut, en pénal. » – (Adopté.) aucun cas, être porté atteinte au secret des correspon- ...... dances. » 6 II. – (Non modifié) Article 11 M. le président. Je mets aux voix l'article 12. (Non modifié) (L'article 12 est adopté.) 1 Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié : 2 1° La première phrase du dernier alinéa de l’article Article 13 L. 343-2 est ainsi rédigée : (Non modifié) 3 « Lorsque les mesures prises pour faire cesser une 1 Le chapitre IV bis du titre II du code des douanes est atteinte aux droits du producteur de bases de données complété par un article 67 sexies ainsi rédigé : sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, 2 « Art. 67 sexies. – I. – Les entreprises de fret express le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglemen- exerçant les activités mentionnées au 4.2 de l’annexe 30 bis taire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit o au règlement (CEE) n 2454/93 de la Commission, du déposer une plainte auprès du procureur de la 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application République. » ; o du règlement (CEE) n 2913/92 du Conseil établissant le 4 2° La première phrase du dernier alinéa des articles code des douanes communautaires et les prestataires de L. 521-6, L. 615-3, L. 623-27 et L. 716-6 est ainsi services postaux transmettent à la direction générale des rédigée : douanes et droits indirects les données dont ils disposent 5 « Lorsque les mesures prises pour faire cesser une relatives à l’identification des marchandises et objets atteinte aux droits sont ordonnées avant l’engagement acheminés ainsi que de leurs moyens de transports. d’une action au fond, le demandeur doit, dans un 3 « Sont exclues de la transmission mentionnée au délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la premier alinéa : voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du 4 « 1° Les données mentionnées au I de l’article 8 de la procureur de la République. » ; loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, 6 3° Le quatrième alinéa des articles L. 521-14 et aux fichiers et aux libertés ; L. 716-8 est complété par les mots : « , soit d’avoir 5 « 2° (Supprimé) déposé une plainte auprès du procureur de la République » ; 6 « 3° Les données relatives aux marchandises faisant l’objet d’importations en provenance d’États non- 7 4° La première phrase du dernier alinéa de l’article membres de l’Union européenne ou d’exportations à L. 722-3 est ainsi rédigée : destination de ces mêmes États. 8 « Lorsque les mesures prises pour faire cesser une 7 « Cette transmission ne peut, en aucun cas, porter contrefaçon sont ordonnées avant l’engagement d’une atteinte au secret des correspondances. action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé 8 « II. – Pour permettre la constatation des infractions par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile mentionnées aux articles 414, 415 et 459 du présent ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur code, le rassemblement des preuves de ces infractions de la République. » – (Adopté.) et la recherche de leurs auteurs, le ministre chargé des douanes est autorisé à mettre en œuvre des traitements Article 12 (Non modifié) automatisés des données transmises en application du I du présent article. 1 I. – L’article 66 du code des douanes est ainsi rédigé : 9 « Seuls les agents des douanes individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre chargé 2 « Art. 66. – 1. Pour la recherche et la constatation des des douanes ont accès à ces données. infractions prévues au présent code, les agents des 10 « III. – Les traitements mentionnés au II respectent la douanes ont accès aux locaux des prestataires de o services postaux et des entreprises de fret express, loi n 78-17 du 6 janvier 1978 précitée. définies à l’article 67 sexies, où sont susceptibles d’être 11 « Les prestataires et entreprises mentionnés au I du détenus des envois renfermant ou paraissant renfermer présent article informent les personnes concernées par les des marchandises et des sommes, titres ou valeurs se traitements mis en œuvre par la direction générale des rapportant à ces infractions. Cet accès ne s’applique douanes et des droits indirects. pas à la partie des locaux qui est affectée à usage privé. 12 « IV. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de 3 « Cet accès a lieu entre 8 heures et 20 heures ou, en la Commission nationale de l’informatique et des dehors de ces heures, lorsque l’accès au public est autorisé libertés, fixe les modalités d’application du présent ou lorsque sont en cours des activités de tri, de transport, article, dans le respect de la loi no 78-17 du 6 janvier de manutention ou d’entreposage. 1978 précitée. 2438 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

13 « Ce décret précise notamment : 11 – à la deuxième phrase, les mots : « auteur de l’atteinte 14 « 1° La nature et les modalités de transmission des à une indication géographique » sont remplacés par le données mentionnées au I ; mot : « contrefacteur » ; 15 « 2° Les catégories de données concernées par les 12 c) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « pour atteinte à traitements mentionnés au II ; l’indication géographique » sont remplacés par les mots : « en contrefaçon » ; 16 « 3° Les modalités d’accès et d’utilisation des données par les agents mentionnés au II ; 13 4° L’article L. 722-4 est ainsi modifié : 17 « 4° Les modalités du contrôle du respect de l’obli- 14 a) Au début du premier alinéa, les mots : « L’atteinte à gation mentionnée au second alinéa du III ; une indication géographique » sont remplacés par les mots : « La contrefaçon » ; 18 « 5° Les modalités de destruction des données à l’issue de la durée mentionnée au V ; 15 b) Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : « portant prétendument atteinte à une indication géogra- 19 « 6° Les modalités d’exercice par les personnes concer- phique » sont remplacés par les mots : « prétendus contre- nées de leur droit d’accès et de rectification des données. faisants » ; 20 « V. – Les données faisant l’objet des traitements 16 5° L’article L. 722-7 est ainsi modifié : mentionnés au II sont conservées pendant un délai maximal de deux ans à compter de leur enregistre- 17 a) Au premier alinéa, les mots : « pour atteinte à une ment. » – (Adopté.) indication géographique » sont remplacés par les mots : « pour contrefaçon » et les mots : « portant atteinte à une ...... indication géographique » sont remplacés par le mot : « contrefaisants » ; 18 b) À la fin du dernier alinéa, les mots : « l’atteinte » Chapitre VI sont remplacés par les mots : « la contrefaçon ». DISPOSITIONS DIVERSES M. le président. L'amendement no 2, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé : ...... Après l'alinéa 1 Article 19 Insérer quatre alinéas ainsi rédigés : (Non modifié) ...° Le titre Ier du livre IV de la deuxième partie est 1 Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié : complété par un chapitre ainsi rédigé : 2 1° Le premier alinéa de l’article L. 722-1 est ainsi « Chapitre III rédigé : « Ministre en charge de la propriété industrielle 3 « Toute atteinte portée à une indication géographique en violation de la protection qui lui est accordée par le « Art. L. 413-2. - Lorsque l’un des modes de protection droit de l’Union européenne ou la législation nationale de la propriété industrielle a pour effet de porter atteinte constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de à l’intérêt général, la protection peut être suspendue par son auteur. » ; décret du ministre en charge de la propriété industrielle pris après avis de l’institut national de la propriété indus- 4 2° L’article L. 722-2 est ainsi modifié : trielle. » 5 a) Au premier alinéa, les mots : « atteinte à l’indica- La parole est à Mme Hélène Lipietz. tion géographique » sont remplacés par le mot : « contre- façon » et les mots : « cette indication géographique » Mme Hélène Lipietz. J’avais présenté un amendement sont remplacés par les mots : « l’indication géographique similaire en première lecture. concernée » ; Vous vous souvenez tous très certainement ici de la fronde 6 b) À la fin du second alinéa, les mots : « atteinte à des pays dits « du tiers-monde » ou « en voie de développe- l’indication géographique » sont remplacés par le mot : ment » – l’Afrique du Sud et l’Inde, par exemple –, qui « contrefaçon » ; avaient exigé d’obtenir les brevets à titre gracieux des médica- 7 3° L’article L. 722-3 est ainsi modifié : ments permettant de lutter efficacement contre le Sida ou de pouvoir les copier. 8 a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « pour une atteinte à une indication géographique » sont Mes chers collègues, la contrefaçon ne permet-elle pas aussi remplacés par les mots : « en contrefaçon », les mots : le développement de produits meilleur marché pour les « auteur de cette atteinte » sont remplacés par le mot : personnes les plus démunies ? « contrefacteur » et les mots : « portant prétendument atteinte à celle-ci » sont remplacés par les mots : « argués Comme soulignait le célèbre prix Nobel de la paix que j’ai de contrefaçon » ; cité tout à l’heure : « L’efficacité économique exige le libre accès au savoir, les droits de propriété intellectuelle sont 9 b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié : conçus pour en restreindre l’usage ». Il concluait ainsi : 10 – à la première phrase, les mots : « portant prétendu- « Au travers d’un système de récompense, les innovateurs ment atteinte à une indication géographique » sont se verraient rétribués pour leurs nouvelles avancées, mais ne remplacés, deux fois, par les mots : « argués de contre- conserveraient aucun monopole pour l’exploitation de celles- façon » ; ci. De cette manière, la puissance des marchés compétitifs SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014 2439 permettrait qu’une fois un médicament développé, il soit textes qui sont adoptés après des débats importants et, dans disponible au prix le plus bas possible – et non à un tarif les cas que j’ai cités, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de gonflé par le monopole. » débat.

Ces axes de réflexion montrent que la présente proposition Je me félicite en tout cas, devant vous tous, du vote de cette de loi ne clôt pas définitivement le débat sur le sujet de la proposition de loi. contrefaçon ; je suis certaine que nous aurons un jour à le rouvrir. Nous devrons nous interroger : n’existe-t-il pas une J’ajoute qu’il est très heureux que ce texte ait pu être voté saine contrefaçon, qui permet aux plus défavorisés d’accéder dans des termes conformes. Je remercie d’ailleurs aux produits accessibles aux personnes plus riches ? Mme Lipietz, qui a contribué à ce résultat en retirant ses Quoi qu’il en soit, comme il s’agit d’un amendement deux amendements. d’appel, ainsi que je l’avais annoncé au cours de la discussion générale, je le retire, monsieur le président. Mme Hélène Lipietz. Ils n’auraient pas été adoptés ! (Sourires.) M. le président. L'amendement no 2 est retiré. Je mets aux voix l'article 19. M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En effet, cela fait des années que nous travaillons au sein de la (L'article 19 est adopté.) commission des lois sur ce sujet. Je salue à cet égard le travail qui a été mené par Richard Yung et par notre ancien collègue Chapitre VII M. Béteille, ainsi que par la commission, sous votre prési- dence, monsieur Hyest, puis sous la mienne. DISPOSITIONS FINALES Nous nous sommes toujours battus, madame la ministre, Article 20 pour que ces textes aboutissent. En effet, des chiffres très (Non modifié) importants ont été cités par les uns et les autres : la contre- façon, c’est 10 % du commerce international, 1 I. – La présente loi est applicable dans les îles Wallis 38 000 emplois détruits en France, 6 milliards d’euros de et Futuna, à l’exception de l’article 8. manque à gagner en termes de fiscalité ! 2 II. – (Non modifié) Par conséquent, on voit bien que, en votant ce texte – à cet 3 II bis. – L’article 8 n’est pas applicable à Saint- égard, je tiens à remercier très chaleureusement tous les Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon. collègues qui ont participé à ce débat, ainsi que M. le rappor- 4 III. – (Non modifié) teur et Mme la ministre –, nous travaillons pour l’emploi. Nous aurions pu revenir sur telle ou telle disposition, mais IV. – Les articles 67 bis et 67 bis-1 du code des douanes, nous avions le désir que ce texte soit voté le plus vite possible, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applica- pour la défense de l’emploi dans notre pays. (Applaudisse- bles en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les ments.) îles Wallis et Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint- Barthélemy. – (Adopté.) M. le président. La parole est à Mme la ministre. M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture. Mme Nicole Bricq, ministre. Je remercie tous les groupes qui se sont exprimés positivement sur ce texte. Il est vrai que le Personne ne demande la parole ?... groupe socialiste avait repris une proposition de loi présentée par M. Laurent Béteille : lorsque ce dernier n’a pas été réélu Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le au Sénat, M. Yung, dont on connaît la ténacité, a repris la texte de la commission. proposition de loi de son ancien collègue, et tout le monde y (La proposition de loi est définitivement adoptée.) a mis du sien. M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. Je voudrais aussi remercier, comme je l’ai fait ce matin en conseil des ministres, mon collègue Alain Vidalies, chargé des La parole est à M. le président de la commission. relations avec le Parlement, qui, en dépit de l’encombrement M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois législatif, a tout fait pour que cette loi aboutisse. En votant ce constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règle- texte à l’unanimité en première lecture, le Sénat a appuyé la ment et d'administration générale. Monsieur le président, volonté du Gouvernement. En adoptant en deuxième madame la ministre, mes chers collègues, sans vouloir lecture, de nouveau à l'unanimité, le texte issu de l'Assemblée prolonger ce débat, je souhaite formuler une remarque. nationale, il a permis un vote conforme. En trois jours, quatre textes dont la commission des lois du Je pense donc que l’œuvre législative produite ce soir est Sénat était saisie se sont traduits par l’adoption de positions utile et efficace. De surcroît, elle n’épuise pas les discussions convergentes au sein de notre assemblée. sur la propriété intellectuelle, ni même sur les COV. Je le sais M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait ! parce que, même si ce régime est ancien, il est aussi, madame Assassi, celui des pays qui ont adhéré à l’OMC. Les États- Mme Éliane Assassi. Comme quoi… Unis, qui sont membres de l’OMC, ont donc le même M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il système que nous. La discussion sur la propriété intellectuelle, faut le souligner, car on entend parfois dire qu’il est difficile nous l’aurons bien sûr lors de la négociation transatlantique, de faire passer au Sénat certains textes… Certains textes ne mais les États-Unis disposent du même système et des mêmes passent pas – c’est la démocratie ! Toutefois, il y a aussi des exemptions que nous. 2440 SÉNAT – SÉANCE DU 26 FÉVRIER 2014

Du reste, l’accord de l’OMC sur les aspects des droits de À dix heures : propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou ADPIC, impose aux États qui ont adhéré à l’OMC et à 1. Débat sur le bilan des 35 heures à l’hôpital. cette convention d’appliquer la même législation au niveau De quinze heures à quinze heures quarante-cinq : mondial. 2. Questions cribles thématiques sur la laïcité. Je ne poursuivrai pas le débat, mais il est possible, monsieur Hyest, que les commissions des lois de chaque À seize heures : assemblée aient à revenir sur la propriété intellectuelle,… 3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le M. Jean-Jacques Hyest. Pas tout de suite quand même ! projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (no 395, 2013-2014) ; Mme Nicole Bricq, ministre. … ne serait-ce que dans quelques années, pour faire le bilan de cette loi. Rapport de M. Claude Jeannerot, rapporteur pour le Sénat o M. Michel Delebarre, rapporteur. Sans doute ! (n 394, 2013-2014). M. Jean-Jacques Hyest. Oui, nous le ferons ! Personne ne demande la parole ?… Mme Nicole Bricq, ministre. Nous avons fait un bon travail. La séance est levée. Encore une fois, merci à tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, (La séance est levée à vingt-deux heures quarante-cinq.) ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Le Directeur du Compte rendu intégral FRANÇOISE WIART 10

ORDRE DU JOUR ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la Lors de sa séance du 26 février 2013, le Sénat a désigné Mme prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi Catherine DEROCHE pour siéger au sein du conseil d’orien- 27 février 2014 : tation de l’Agence de la biomédecine.

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Euros DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE 03 Compte rendu ...... 1 an 203,70 33 Questions ...... 1 an 150,80

DÉBATS DU SÉNAT 05 Compte rendu ...... 1 an 183,10 35 Questions ...... 1 an 109,40 85 Table compte rendu ...... 1 an 38,70

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