Retour du refoulé et effet chef-lieu. Frédéric Giraut

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Frédéric Giraut. Retour du refoulé et effet chef-lieu. : Analyse d’une refonte politico-administrative virtuelle au . UMR PRODIG (Coll Graphigeo), pp.100, 1999. ￿hal-00162001￿

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GRAFI 1999-7 Collection mémoires et documents de l’ UMR PRODIG RETOUR DU REFOULÉ ET EFFET CHEF-LIEU Analyse d’une refonte politico- administrative virtuelle au Niger DANS LA MÊME COLLECTION (ISSN 1281-6477)

La Francophonie au Vanuatu. Géographie d’un choc culturel par Maud Lasseur (Grafigéo 1997, n° 1, ISBN 2-901560-30-X)

La géographie tropicale allemande par Hélène Sallard (Grafigéo 1997, n° 2, ISBN 2-901560-31-8)

Le repeuplement de la côte Est de Pentecôte. Territoires et mobilité au Vanuatu par Patricia Siméoni (Grafigéo 1997, n° 3, ISBN 2-901560-32-6)

B. comme Big Man Hommage à Joël Bonnemaison (Grafigéo 1998, n° 4, ISBN 2-901560-34-2)

Siem Reap-Angkor Une région du Nord-Cambodge en voie de mutation par Christel Thibault (Grafigéo 1998, n° 5, ISBN 2-901560-36-9)

La colonisation mennonite en Bolivie par Gwenaelle Pasco (Grafigéo 1999, n° 6, ISBN 2-901560-37-7)

SOUS PRESSE

Transition malienne, décentralisation, gestion communale bamakoise par Monique Bertrand (Grafigéo 1999, n° 8)

À PARAÎTRE

Inventaire géomorphologique de la région de Fejej (Sud de l’Ethiopie). Etude au moyen de données aériennes et spatiales par Lydie Martin

Le « grand Mekong » : mirage ou futur miracle ? par Sophie Adam

Le développement durable en questions par Sophie Bouju RETOUR DU REFOULÉ ET EFFET CHEF-LIEU Analyse d’une refonte politico- administrative virtuelle au Niger Frédéric GIRAUT

RAPPORT DE RECHERCHE MINISTÈRE DE LA COOPÉRATION « VILLES ET DÉCENTRALISATION »

AVEC LA PARTICIPATION FINANCIÈRE DE L’ÉQUIPE EQUATEUR DE L’UNIVERSITÉ DE PARIS 1-PANTHÉON SORBONNE

Pôle de Recherche pour l’Organisation et la Diffusion de l’Information Géographique 191 rue Saint-Jacques 75005 Paris DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

Marie-Françoise Courel

DIRECTEUR FONDATEUR DE LA COLLECTION Joël Bonnemaison (1940-1997)

DIRECTEUR DE LA COLLECTION

Roland Pourtier

COMITÉ ÉDITORIAL

Gérard Beltrando Jean-Louis Chaléard Marie-Françoise Courel Christian Huetz de Lemps Roland Pourtier

Photographie de couverture Frédéric Giraut Sol (Maradi, 1999)

Graphisme Anne de Beaufort

Maquette et mise en page Maorie Seysset

Cartographie Samuel Robert

Traitement photographique Thierry Husberg

Prix de vente au numéro 70 FF HT

© PRODIG. 1999 ISBN 2 901560 38 5 ISSN 1281-6477 Avant-propos

Avant-propos

Grafigéo élargit sa palette. Pièce obligée de la « transition » poli- tique des années quatre-vingt-dix, la refon- Après les mémoires de maîtrise et DEA, la te administrative conduite au nom de la revue entreprend la publication de deux « bonne gouvernance » a vu la multiplica- études effectuées dans le cadre d'un contrat tion du nombre de circonscriptions, chefs- de recherche entre le Ministère de la Coopé- lieux, communes, concourant à un resserre- ration (aujourd'hui Affaires Étrangères) et ment du maillage administratif. S'agit-il Équateur sur le thème « Ville et décentrali- d'une décentralisation réelle, ou bien d'une sation en Afrique au Sud du Sahara ». Elles simple déconcentration des institutions cen- ont été réalisées par Frédéric Giraut au trales de l'État ? Comment des organi- Niger et par Monique Bertrand au Mali. La grammes largement inspirés de l'expérien- seconde sera publiée dans le prochain ce française, du moins dans les pays dits du Grafigéo. La revue répond ainsi à son « champ », s'articulent-t-ils avec les dyna- ambition de rendre accessible des travaux miques sociales et économiques endogènes ? scientifiques trop souvent confinés dans une Peuvent-ils faire surgir de nouvelles territo- étroite confidentialité. rialités à l'échelle locale ? Quelle est la part Depuis quelques années les réformes de du virtuel et du réel dans ce nouvel avatar l'administration territoriale en Afrique au de l'État africain ? Autant de questions sud du Sahara vont bon train. Un maître- auxquelles seules des études de terrain peu- mot les guide : décentralisation. Le change- vent répondre. ment institutionnel est vivement encouragé par la Banque mondiale qui voit dans la Les deux textes publiés par Grafigéo valorisation du local un moyen d'introdui- constituent une contribution à cet ample re ou de consolider la démocratie, tout en débat auquel les changements politiques favorisant l'échelon des villes petites et des années quatre-vingt-dix ont donné un moyennes. Mais il y a loin de l'intention à regain d'actualité. Ils proposent deux la réalisation effective et il convient de s'in- approches différentes qui dans leur complé- terroger sur la réalité des changements po- mentarité éclairent la complexité et démê- litiques, sociaux, économiques qui de- lent les enjeux qui se cachent sous le vraient accompagner les décentralisations. vocable général et abstrait de la « décen-

Grafigéo 1999-7 5 Avant-propos tralisation ». Frédéric Giraut s'est intéressé de Bamako, mettant notamment en à la totalité du territoire nigérian dont il exergue l'importance des questions fon- analyse les phases successives de la transi- cières. Ces deux études démontrent que tion institutionnelle et urbaine et les forces l'administration du territoire est loin d'être sociales et politiques ayant présidé au étrangère à la géographie parce que celle- remodelage de l'administration territoriale ci, en interrogeant l'espace dans la maté- entre 1994 et 1996. Monique Bertrand, rialité des lieux et l'action des hommes, après avoir présenté les lignes directrices ramène toujours les institutions sur terre. des réformes maliennes entreprises entre 1992 et 1997, s'attache plus particulière- ment à l'analyse de la gestion communale Roland POURTIER. Sommaire

Avant-propos de Roland Pourtier ...... 5 Introduction ...... 11

Chapitre 1 • La transition institutionnelle et territoriale ...... 13 UN SYSTÈME D'ADMINISTRATION TERRITORIALE HYBRIDE ...... 13 Trois niveaux d'administration territoriale et le relais des autorités coutumières ...... 13 Une confusion entretenue entre déconcentration et décentralisation ...... 15 Des collectivités territoriales indigentes ...... 20 Le chef-lieu brimé ...... 21 Le détournement de la rente foncière comme moyen de survie ...... 21

UNE GENÈSE EN CINQ ÉTAPE ...... 23 Première étape : prise de possession ...... 23 Deuxième étape : maillage et contrôle, ou les vertus de la double administration ...... 24 Un maillage administratif à large maille ...... 24 De nombreux chefs-lieux coutumiers écartés ou réticents ...... 25 La normalisation et la territorialisation des pouvoirs locaux autochtones ou la mystification ...... 27 Troisième étape : parthénogenèse et emboîtement ...... 30 L'héritage en indivision ...... 30 La subdivision comme projet ...... 31 Quatrième étape : embrigadement et administration partisane ...... 31 La mainmise ...... 32 L'utopie totalitaire. Corps, corporations et religion : la convocation des traditions . . . . . 32 Cinquième étape : l'Etat rentier et les bailleurs de fonds aménageurs ...... 35 L'équipement et l'aménagement du territoire ...... 35 Le développement programmé par grandes aires et par zones ...... 35 La tyrannie des offices ...... 36

LES MUTATIONS CONTEMPORAINES ...... 37 Un système en crise ...... 37 Privatisation et envahissement de la sphère économique par l'informel ...... 38 A la recherche de la participation ...... 38 Municipalisons, il en restera toujours quelque chose ...... 39 Des conseils municipaux jumelés par anticipation ...... 39 Le projet nouveau est arrivé ...... 41

Grafigéo 1999-7 7 Sommaire

Grandes manœuvres politiques autour du local ...... 42 Multipartisme et circonscriptions spéciales pour minorités ...... 42 Une chefferie autonomisée mais mise à l'écart ...... 42 Une transformation profonde mais encore virtuelle du système d'administration territoriale ...... 43

UN SYSTÈME URBAIN ÉMERGENT ...... 44

L'EFFET CHEF-LIEU N'ESTPLUSCEQU'IL ÉTAIT ...... 46

Chapitre 2 • Les révélations d'un projet grandiose ...... 51

UN PROJET HYPERTROPHIÉ MAIS RÉVÉLATEUR ...... 51 L'impératif de réforme ...... 51 Épilogue, la fossilisation ? ...... 52 A objectifs multiples... usine à Gaz ...... 52 Les poupées russes ...... 53 A la recherche de l'optimum territorial ...... 55 La prolifération ...... 57 Maillage fin et hétérogène et multiplication des chefs-lieux ...... 58 Un dispositif institutionnel délirant ? ...... 59 MOBILISATIONS COMMUNAUTAIRES

A GÉOMETRIE VARIABLE ...... 62 Retour et affranchissement des entités précoloniales réinterprétées ...... 62 Fédération des autonomies et gestion des rivalités dans le Nord ...... 65 Le difficile aménagement du bassin niaméen ...... 67 Le statut de ...... 69 ou la crispation géopolitique ...... 72 La bataille des chefs-lieux, ou tout le monde en veut ...... 73 De la méfiance à l'engouement, l'incorporation massive des chefs-lieux coutumiers . . . 75 Quelques cas exemplaires de la diversité des situations qui contribuent au processus ...... 76 L'enregistrement de certains dynamismes spontanés ou informels ...... 77 De la territorialisation à partir des points d'eau ...... 80 Où sont les centres ? ...... 80 L'arbitrage des conflits de confins par la territorialisation ...... 81

Une interprétation du processus en cours ...... 85

Bibliographie ...... 87 Sigles et acronymes ...... 95 Liste des cartes, figures et tableaux ...... 97 Résumés ...... 99

Grafigéo 1999-7 8 Ce travail a été réalisé avec l’aide permanente et amicale d’Elhadji Moutari Maman Mansour pour l’accès au terrain et aux informations. L’appui logistique (véhicule) de l’IRD (ex-ORSTOM) fut également précieux. Maxence Prouvost et Jean-Pierre Chéry avaient réalisé la majori- té des cartes du rapport initial. La cartographie a été intégrale- ment reprise et harmonisée pour cet ouvrage par Samuel Robert.

Grafigéo 1999-7 9

Introduction

Introduction

« Ils m'avaient évoqué les terres qui entou- raient celle-ci, et combien d'autres peuples fastes en des berceaux plus larges. » Patrick CHAMOISEAU L'esclave vieil homme et le molosse, 1997.

A QUESTION DU CHOIX DES CHEFS- les rivalités et les contentieux internes aux LIEUX apparaît comme un bon révé- formations sociales locales et régionales Llateur des enjeux des projets de trouvent un terrain d'expression privilégié décentralisation et de refonte de au chef-lieu (Giraut, 1996), notamment l'administration territoriale des États dans les périodes de détermination des d'Afrique de l'Ouest. cadres spatiaux et des centres de l'autono- Enjeux au niveau national, car à travers mie politique. Au pire, c'est le déclenche- les critères de choix et les arbitrages rendus, ment de véritables guerres civiles locales . c'est le rapport au pouvoir local et régional Les tragiques événements survenus à Ifé et les options d'aménagement du territoire (Nigeria) en août dernier en sont une illus- qui s'expriment : la reconnaissance de cer- tration récente : le déplacement du siège du taines dynamiques contemporaines ou au gouvernement local provoqua de très vio- contraire le primat accordé aux fonctions lents affrontements qui firent plusieurs héritées ne sont évidemment pas neutres et dizaines de morts et des milliers de dépla- permettent de découvrir les forces socio- cés. Au mieux et dans la plupart des cas, territoriales sur lesquelles l'État entend c'est l'affichage des rivalités entre notables s'appuyer. La détermination des chefs- qui se traduit par le recours à des argu- lieux et des découpages associés constitue mentaires différents relayés par les ressor- en effet la principale marge de manœuvre tissants inscrits dans l'appareil d'État. politique pour des États contraints au Un projet de redécoupage administratif désengagement. et de refonte complète du système d'admi- Enjeux au niveau local et régional, car nistration territoriale apparaît donc comme

1. Voir à titre d’exemple, Faure A., 1993. Niaogho versus Beghedo. Un conflit foncier à la veille de la révolution burkinabé. Cahiers des Sciences Humaines, 29-1, p. 105-119.

Grafigéo 1999-7 11 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger une fantastique opportunité d'observation nous permet ainsi dans un premier temps et d'analyse des dynamiques territoriales et de revenir sur l'ampleur des mutations à de leurs enjeux politiques, économiques et l'œuvre en matière d'administration sociaux. C'est dans cette perspective que territoriale et en matière de structuration de nous avons pu étudier au Niger l'ensemble l'espace par les villes, et donc de préciser les des travaux de la Commission Spéciale notions de transitions institutionnelle et Chargée de Réfléchir sur le Redécoupage urbaine. Il est dès lors possible d'envisager Administratif (CSCRRA) qui se sont dérou- dans un second temps comment se révèlent lés sur l'année 1995, ainsi que les réactions de nouvelles centralités portées par des provoquées par ses propositions successives. forces politiques au niveau local, qu'il s'agisse de structures émergentes reconnues 16 mai 1994 : création de la CSCRRA par par une démarche rationnelle d'aménage- arrêté n° 0010/MRA/D ; 3 janvier 1995 : installation ; ment du territoire, mais aussi de structures 20 mars 1995 : premier rapport général inté- occultées qui se trouvent confortées dans le rimaire ; nouveau contexte « d'informalisation » de mai 1995 : « synthèse des travaux sur le ter- la société, ou enfin de structures héritées rain » ; et/ou refoulées qui n'ont plus le même rap- juin 1995 : rapport final de la sous-commis- port à l'administration. L'enjeu de la sion nº 1 « Réorganisation administrative et territoriale » ; bataille que se livrent ces structures dans le novembre 1995 : deuxième « synthèse des cadre du processus étudié est la conquête travaux sur le terrain » ; d'un nouvel ordre politico-économique janvier 1996 : rapport final : « Le redécoupa- local et régional, pour l'instant encore vir- ge administratif de la République du Niger ». tuel.

L'analyse de l'ensemble du processus

Grafigéo 1999-7 12 Transition institutionnelle et territoriale

Chapitre 1 • La transition institutionnelle et territoriale

NE CRISE d'ampleur inégalée frap- UN SYSTÈME D'ADMINISTRATION pe l'économie nigérienne depuis TERRITORIALE HYBRIDE Uplus d'une décennie. Après le boom de l'uranium des années 1975- Le système nigérien d'administration 1982 marqué par une explosion des territoriale contemporain présente une investissements publics et des effectifs de structure hiérarchisée, emboîtée et cen- la fonction publique, la chute des cours, tralisée. Il est l'héritier d'un processus la dégradation des conditions clima- complexe qui, à l'image de l'ensemble des tiques et la rétractation du marché nigé- États d'Afrique francophone, emprunte à rian ouvrent une période de marasme deux traditions et deux modèles : colonial pour les finances publiques et plus géné- et républicain jacobin. ralement pour les activités dites modernes qui régressent considérable- Trois niveaux d'administration ment. Il s'agit peut être de l'archétype de territoriale directe, mais un niveau la crise d'un État rentier tant l'ensemble local lacunaire avec relais des des rouages de son fonctionnement est autorités coutumières affecté [Guillaumont (dir.), 1991 ; Lecompte, 1994 ; Tinguiri, 1990]. Dans L'administration territoriale directe ce contexte, on assiste à une exacerbation est organisée selon un dispositif à trois d'un mouvement plus général de désen- niveaux (cf. cartes 1 et 2 ; fig. 1) dont gagement de l'État et d'émergence, puis deux sont présents sur l'ensemble du ter- de consolidation de dynamiques péri- ritoire : 8 départements (dont la Commu- phériques qui s'expriment tant aux plans nauté urbaine de Niamey) et 36 arron- politique et économique, qu'au plan spa- dissements ; alors que le troisième est tial (Raison, 1993). La double transition lacunaire ou ponctuel : 27 postes admi- institutionnelle et urbaine que connais- nistratifs et 21 communes (dont 3 ru- sent les États et les territoires ouest-afri- rales, 10 urbaines et 8 villes). cains prend ici des formes particulière- Le niveau local fait par ailleurs l'objet ment nettes. d'un maillage en cantons (cf. cartes. 3, 4).

Grafigéo 1999-7 13 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger N 0 100 km Bosso Ngourti N'guigmi Mainé-Soroa Gouré Tasker ya riah Doungass Doungass aka T Mir Zinder Zinder om ta é Iférouane org aki K T Takiéta yahi Belbedji Belbedji o Ma Aguié or Bermo Bermo Dak In-Gall Akokan Bouza ta ï e Keïta K Maradi Guidan Roumdji Tchin Tabaradem onni Illela Illela Birni Carte administratifs nigériens en 1998 1 - Les centres N'Konni N'K é é Tibiri Abala Dosso Dosso yara Filingué Filingu Loga Loga Birni Birni ou Bale Baleyara y Birni N'Gaour N'Gaouré Gaya e ollo y K Kollo Falme Banibang Say Gothe Gotheye é y Poste administratif Poste Limite de département Préfecture Sous-préfecture ou odi or y or A Ayorou T Bankilaré Bankilar Niame Niamey era Tera T Tillaberi Tillabery

Grafigéo 1999-7 14 Transition institutionnelle et territoriale

Carte 2 - Fonction administrative des chefs-lieux en 1998

L'encadrement y est assuré par les auto- ment à des niveaux de décentralisation. rités coutumières, à qui sont déléguées Autrement dit, trois niveaux correspon- des prérogatives administratives, fiscales dent à des circonscriptions administra- et judiciaires. Il existe en fait 182 collecti- tives avec services déconcentrés de l'État vités coutumières de base : 128 cantons et (département, arrondissement et poste 54 groupements, regroupés éventuelle- administratif ou commune) et deux cor- ment en provinces (3) et sultanats (2) respondent parallèlement à des collecti- dont le statut est essentiellement honori- vités territoriales (arrondissement et fique. commune). La confusion entre décon- centration et décentralisation ne vient Une confusion entretenue entre pas de l'occupation des mêmes mailles déconcentration et décentralisa- par les collectivités territoriales et les ser- tion vices de l'État, mais de la direction des exécutifs confiée aux représentants de Le principe de la décentralisation, affir- l'État. Ainsi les maires sont des fonction- mé systématiquement dans les constitu- naires nommés, et les présidents de tions nigériennes successives, n'inspire conseils d'arrondissement sont les sous- que très imparfaitement l'actuel système préfets (fig. 2 et 3). Ce dispositif institu- d'administration territoriale. En effet, tionnel toujours en vigueur, malgré le sur les trois niveaux hiérarchisés d'admi- vote de nouvelles lois de décentralisation, nistration territoriale directe évoqués date des années 1964-1965. plus haut, deux correspondent égale-

Grafigéo 1999-7 15 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger akaya T - ram a mag a CdPA de Tasker de CdPA CdPA de Takiéta de CdPA Maire de Niamey I de Niamey Maire Maire de Mirriah Maire Maire de Niamey II de Niamey Maire Maire de Magaria Maire CdPA de Belbedji CdPA CdPA de Dangass CdPA Maire de Niamey III de Niamey Maire S/Préfet Mirriah S/Préfet Maire de Zinder Maire S/Préfet de Gouré S/Préfet S/Préfet de Tanout de S/Préfet S/Préfet de Magaria S/Préfet CdPA D S/Préfet de Matamèye S/Préfet Préf.-Prés. de la C.U. de Niamey Préfet de Zinder Préfet CdPA d’Abala CdPA Maire de Téra Maire CdPA d’Ayorou CdPA CdPA de Torodi de CdPA Maire de Filingué Maire CdPA de Baleyara CdPA Maire de Tillabéry de Maire CdPA de Gothèye CdPA CdPA de Bankilaré CdPA S/Préfet de Téra de S/Préfet S/Préfet TillabéryS/Préfet S/Préfet de Kollo S/Préfet CdPA de Bani-Bangou CdPA Sous-Préfet de Say Sous-Préfet Préfet de Tilaberi de Préfet S/Préfet de Filingué S/Préfet S/Préfet de Oualam S/Préfet CdPA de Tilia de CdPA CdPA CdPA CdPA de Tassara de CdPA Maire de Madoua Maire CdPA de Malbaza CdPA S/Préfet d’Abalate S/Préfet S/Préfet d’Illéla S/Préfet Maire de Tamaské * Tamaské de Maire Maire de Tahoua de Maire S/Préfet de Keita S/Préfet Maire de Birni-N’Konni Maire S/Préfet de Bouza S/Préfet Préfet de Tahoua de Préfet S/Préfet de Tahoua S/Préfet S/Préfet de Madoua S/Préfet S/Préfet de Birni-N’Konni S/Préfet S/Préfet Tchin-Tabaraden S/Préfet Premier Ministre Premier Ministre de l’Intérieur Ministre Maire de Tibiri * de Maire Maire de Maradi Maire CdPA de Bermo CdPA Maire de Tessaoua de Maire CdPA de Gazaoua CdPA Péfet de Maradi Péfet S/Préfet de Mayahi S/Préfet S/Préfet de Dakoro S/Préfet Sous-Préfet d’Aguié Sous-Préfet S/Préfet de Tessaoua de S/Préfet S/Préfet de Madarounfa S/Préfet S/Préfet Guidan-Roumdji S/Préfet CdPA de Tibiri de CdPA CdPA Falmeyre CdPA CdPA de Dioundou CdPA Maire de Dosso Maire S/Préfet de Loga S/Préfet S/Préfet de Gaya S/Préfet Préfet de Dosso Préfet S/Préfet de Dosso S/Préfet Maire de MartankariMaire * Maire de Dogontouchi Maire * = commune rurale * = commune S/Préfet de Dogondoutchi S/Préfet S/P Boboye (B.-N’Gaouré) S/P Boboye Figure 1 - Organigramme de l’administration territoriale de la République du Niger de la République 1 - Organigramme de l’administration territoriale Figure Maire de Diffa Maire CdPA de Bosso CdPA CdPA de N’Gourti CdPA Préfet de Diffa Préfet CdPA Goudoumaria CdPA Sous-Préfet de Diffa Sous-Préfet S/Préfet de N’Guigmi S/Préfet S/Préfet de Mainé-Soroa S/Préfet CdPA d’Ingali CdPA Maire d’Agadez Maire CdPA de Férouane CdPA CdPA d’Aderbissinat CdPA Sous-Préfet d’Arlit Sous-Préfet Préfet d’Agadez Préfet Sous-Préfet de Bilma Sous-Préfet S/Préfet de Tchirozérine de S/Préfet CdPA = Chef de poste administratif CdPA Source : D. Robert, K. Neumann

Grafigéo 1999-7 16 Transition institutionnelle et territoriale

Grafigéo 1999-7 17 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Carte 4 - Densité de population par canton en 1988

Nombre d'habitants par km2 plus de 940 de 200 à 940 [ de 50 à 200 [ de 20 à 50 [ de 8 à 20 [ moins de 8 [

N

0 200 km

Source : RGP 1988, J.P. Chéry.

Lois 64-023, 65-005, 65-006, 66-105 sur pe évoquait dorénavant non plus la pers- l’organisation et l’administration des com- pective de l'autonomie pour un conseil munes et des arrondissements. municipal élu, mais la perspective de l'ac- Décret nº 65-159 MI du 4 novembre 1965 déterminant les modalités de création et quisition du statut municipal (sous tutel- de fonctionnement des postes administra- le) pour un simple poste administratif. tifs En effet, à la base du dispositif subsis- Loi 66-035 du 14 septembre 1966 por- te un échelon de déconcentration transi- tant dénomination des villes les com- toire sous tutelle des sous-préfets : les munes de plus de 25 000 hab. et les assi- postes administratifs. Leur existence n'est milant à des arrondissements (distinction des grandes communes de plus de 25 000 pas systématique dans la mesure où ils hab. instituée en France par la loi locale sont appelés à former progressivement un du 6 juin 1895, distinction disparue par troisième niveau en renforçant la munici- les réformes résultant des lois du 31 palisation. Avec le décret de 1965 sur les décembre 1970 et du 2 mars 1982) postes administratifs, la notion de pro- gressivité est donc déviée vers la perspec- Lors de la mise en place juridique et tive de l'instauration d'un maillage plus effective de ce système d'administration serré du territoire national en communes. territoriale et de la nouvelle hiérarchie des La municipalisation ainsi envisagée a entités spatiales associées, le principe de davantage pour fonction d'assurer un progressivité hérité de la colonisation, a encadrement fin du territoire, plutôt que été détourné de son sens initial. Ce princi- de décentraliser un certain nombre de

Grafigéo 1999-7 18 Transition institutionnelle et territoriale . SEDES, 1993 Source : Groupe Huit, administratives de l’État administratives Figure 3 - Organigramme des structures 3 - Organigramme des structures Figure . SEDES, 1993 Source : Groupe Huit, au niveau régional et local au niveau Figure 2 - Organigramme des structures de participation 2 - Organigramme des structures Figure

Grafigéo 1999-7 19 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger prérogatives d'État vers des institutions venus ces dernières années qui expliquent urbaines élues. la situation financière catastrophique des L'encadrement étroit des collectivités collectivités territoriales (arrondissements territoriales par les représentants de l'É- et communes) : tat a d'ailleurs été facilité par la mainmi- • installation de nouvelles communes se du parti unique sur les conseils, puis urbaines (8) et rurales (2) en 1988 par la mise en place des institutions cor- dans un contexte de crise économique ; poratistes, religieuses et coutumières de la • endettement record des collectivités ter- « société de développement»2 en lieu et ritoriales et notamment des nouvelles place des conseils suspendus. Si ce systè- communes insolvables4, ce qui engen- me a disparu au début des années quatre- dre une paralysie de la Caisse de Prêts vingt-dix, aucune élection locale n'a pu aux Collectivités Territoriales, et un être organisée depuis, laissant les fonc- quasi arrêt de l’accès au crédit pour les tionnaires nommés seuls maîtres des col- communes5 ; lectivités territoriales avec pour interlocu- • dégradation des ressources financières teurs éventuels les autorités coutumières des collectivités territoriales, parallèle à et, de manière plus informelle, les nota- une légère croissance de leurs coûts de bles issus des milieux commerçants et/ou fonctionnement6 et des effectifs politiques. employés7 ; • dévaluation du F CFA en 1994. Des collectivités territoriales indi- Cela se traduit par une impossibilité de réaliser les budgets prévisionnels : en gentes 3 moyenne on enregistre 60 % de réalisa- Des changements importants sont inter- tion depuis 1991 (tableau 1), au détri-

2. Décret nº 74-56/PCMS du 29 octobre 1979 portant mise en place d'une société de dévelop- pement Décret nº 83-139 du 13 octobre 1983 portant statut de la chefferie traditionnelle en République du Niger 3. Cf. Giraut, 1995a et Villes Nouvelles de France, 1993. 4. En 1991, l'endettement moyen d'une collectivité territoriale nigérienne s'établissait à 200 F CFA/hab., mais il s'élevait à 600 pour les citoyens des communes installées avant 1988, et à plus de 1300 pour les nouvelles communes (endettement insupportable, conséquence des normes d'équipement, en véhicule notamment, imposées aux nouvelles promues) ; à compa- rer aux 100 F CFA/hab. pour les huit dixièmes de la population qui ne relèvent pas d'une municipalité, mais d'un simple arrondissement. 5. A l’issue de l’exercice 1993-1994 (arrêté au 30/9/94), sur les 1,566 milliards de F CFA d’échéances et d’encours impayés, 1,427 soit 93%, s’avèrent être des créances douteuses. Les remboursements n’ont concerné que 16% des prévisions annuelles d’échéance qui s’élevaient à un peu plus de 1 milliard de F CFA, aussi les nouveaux prêts consentis à quelques collecti- vités territoriales (6 arrondissements) sont très modestes (environ 60 millions de F CFA ou un peu plus de 70 millions pour les déblocages effectués qui ont également bénéficié à deux communes, Niamey III et Tamaské). 6. En 1988, pour l’ensemble de collectivités territoriales, les dépenses d’équipement s’élevaient à 2,393 millions de CFA, soit plus de 37% de l’ensemble des dépenses, les prévisions de 1995 (qui pourtant majorent certainement largement la part de l’investissement), avec un peu moins de 4 millions de CFA pour l’investissement, ne lui attribuent plus que 27% du total des dépenses. 7. De septembre 1992 à juin 1995, les salariés de la CUN sont passés de 401 à 426, ceux de la commune de Niamey III de 94 à 98 (dont deux fonctionnaires détachés supplémentaires, ce qui porte leur nombre à 5). La commune urbaine de Dogondoutchi rémunère 19 permanents (détachés et auxiliaires) contre 12, trois ans plus tôt. Parmi les collectivités territoriales visi- tées, seule la commune rurale de a vu ses effectifs baisser de 11 à 10 salariés. Un autre indicateur nous est donné par la croissance du poste budgétaire des dépenses de per- sonnel de la CUN, en effet en un an, de 1994 à 1995, ces dépenses qui continuent à croître légèrement alors que le budget global prévisionnel diminue (et doit être en cela plus réaliste), passent de 21, 3 à 26,4 % du total des dépenses.

Grafigéo 1999-7 20 Transition institutionnelle et territoriale ment prioritaire du budget d’investisse- riennes sont donc confrontées au problè- ment8 et du service de la dette. Cela se me de l'unicité de caisse, qui dans un traduit également par une tension accrue contexte de pénurie de ressources entre percepteurs et collectivités territo- engendre des retards dans le reversement riales, ainsi que par une pression sur les de la part due aux collectivités territo- ressources mobilisables, telles que la riales, voire des « prélèvements » effec- vente des parcelles dont le produit est tués par le Trésor. Mais au delà, il existe détourné de sa vocation pour alimenter le une situation que l'on pourrait qualifier nécessaire fonctionnement. de tutelle fiscale tyrannique de la part des Tableau 1 - Budget global et d’investissement de quelques collectivités territoriales en 1994 et 1995 La réalisation incomplète des budgets prévisionnels s’effectue au détriment de l’investissement

Collectivité Budget 1994 Budget 1995 1995/ territoriale 1994 Nom Type Général Investissement Général Investissement Évolution Prévis. Réalisé% Prévis. réalisé% Prév. % Réal. Prév. Prév. % CFA* CFA* CFA* CFA* CFA* CFA* % Dogondoutchi Arrond. 133 112 84 65 25 49 22 144 78 54 8 Matankari Com. rur 35 24 69 11 4 31 17 37 11 30 6 Tamaské Com. rur 39 28 72 18 5 46 18 44 7 16 13 Dogondoutchi Com urb 48 39 81 12 4 25 10 56 24 43 17 Tillabéry Com urb 55 38 69 14 5 25 13 71 11 15 29 C.U. Niamey CUN 1643 - - 826 - 50 - 1325 853 64 -19 Niamey 1 Ville 925 706 76 251 124 27 18 999 283 28 8 Niamey 2 Ville 1022 612 60 257 158 25 26 1283 332 26 26 Niamey 3 Ville 339 293 86 118 49 35 17 376 109 29 11

* Million de CFA Source : Direction de l’Adminitration Territoriale, Ministère de l’Intérieur.

Le chef-lieu brimé arrondissements sur les communes. Ainsi La querelle fiscale révélatrice de la le chef-lieu, lorsqu'il bénéficie d'une mise sous tutelle des municipalités administration municipale, finit par être moins bien loti que son arrière-pays (sur Les communes urbaines ayant le sta- le plan des moyens de recouvrement des tut de villes sont assimilées à des arron- recettes fiscales) ! En effet, sous tutelle du dissements et disposent donc d'un rece- sous-préfet, le maire récupère moins faci- veur chargé de collecter les impôts pour lement ses impôts locaux (taxe de voirie) l'État. Parmi ces impôts, certains (contri- auprès d'un receveur qui a une triple cas- bution foncière et patente) doivent en quette : État, arrondissement et commu- partie être reversés à la collectivité ne. Selon les déclarations des maires ren- territoriale après avoir été envoyés au tré- contrés, dans un contexte « d'incivisme sor au nom de l'unicité de caisse, d'autres fiscal » les receveurs seraient incités par (taxe de voirie) sont destinés à cette seule les sous-préfets et le Trésor à se concen- collectivité territoriale. Les simples com- trer sur la taxe d'arrondissement et les munes urbaines et rurales dépendent du impôts non locaux et délaisseraient receveur d'arrondissement pour le recou- quelque peu la fiscalité municipale. vrement des taxes de voirie et municipale (en fait il s'agit d'un même impôt de Le détournement de la rente foncière capitation à deux taux selon que l'on rési- comme moyen de survie de dans l'agglomération ou dans sa péri- phérie rurale), ce receveur privilégierait La commune urbaine de Madaoua , les rentrées de taxe de voirie pour l'ar- bonne élève du classement des communes rondissement sous la pression du sous- au regard de ses exercices budgétaires préfet. (GIE Villes nouvelles ; 1993, p. 27), doit Les collectivités territoriales nigé- ses performances à un recouvrement

8. Les budgets d'investissement ne représentent en moyenne plus qu'un quart du budget géné- ral des communes (voir tableau) après avoir représenté environ la moitié sur la période 1986- 1988.

Grafigéo 1999-7 21 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger exceptionnel de ses taxes alimentant le parcelles résidentielles distribuées géné- budget général (2839 F CFA/hab. en reusement par le préfet/président de la 1991) mais aussi au bon niveau de ses communauté urbaine et dénoncées par recettes d'investissement (autrement dit à son successeur, soulignent les dérives pos- la vente des lots) : environ 1000 F. sibles dans un contexte de pénurie de CFA/hab. La commune rurale de Tibiri se l’offre en parcelles urbanisables. distingue des deux autres communes Plus généralement, la tentation du rurales en parvenant à générer des recettes lotissement « alimentaire », sans réelle d'investissements (171 F CFA/hab.), c'est viabilisation et sans moyen pour réaliser aussi la seule qui se situe en zone périur- un rattrapage à court terme est partout baine, à proximité de Maradi ! sensible. Plus grave, des lotissement aber- Paradoxalement Birni N'Konni, la rants peuvent voir le jour10. De plus, lors- commune urbaine qui génère le plus de qu’il est décidé d’exploiter le gisement recettes d'investissement par habitant9 foncier dans une nouvelle cité, cela risque après la CUN (plus de 1600 F. CFA/hab. de marginaliser définitivement une partie pour chacune en 1991), s'en tire très mal de la ville réelle qui se développe hors du sur un plan budgétaire puisque ces reve- lotissement officiel, même si elle bénéficie nus constituent l'essentiel des rentrées et du statut de zone d’habitation tradition- viennent massivement combler le déficit nelle, elle souffrira de précarité foncière et du budget général, le recouvrement des de sous équipement. Le comble est atteint autres recettes étant négligé ou très faible lorsque des mesures de restructuration (recettes légèrement supérieure à 1000 F semblent prises dans le seul but de rem- CFA/hab.). plir de force un lotissement peu attractif, En fait, la question foncière au Niger comme à Keïta. se caractérise par une course aux lotisse- ments de la part des collectivités territo- A Keïta, depuis 1978 l’urbanisme officiel est un véritable fiasco. A cette date, puis en 1984, il a riales qui, dans un contexte de pénurie de été décidé de procéder à de nouveaux lotisse- leurs ressources financières, voient dans ments pour organiser l’extension de la ville qui le détournement de la rente foncière un sortait des limites du premier lotissement des moyen d’alimenter leur budget de fonc- années soixante. La totalité des terrains proches tionnement et éventuellement d’entrete- de la sortie orientale de l’agglomération ont alors été bornés y compris des aires inondables nir une clientèle d’obligés. En effet, la cir- et une dune mobile dont le sommet ne peut être culaire du 6 février 1970 portant alimenté en eau faute de pression. Ces lotisse- définition d’une politique de l’édilité ments ont en partie dû être déclassés et nombre transfère tous les terrains dans le domai- de parcelles ne trouvent pas d’acquéreurs tan- dis que des terrains proches d’un kori ne des collectivités en contrepartie de l’af- accueillent illégalement de plus en plus de pro- fectation à leur charge des coûts de réali- moteurs, qui ne sont pas seulement des margi- sation et d’entretien de la voirie et des naux aux moyens insuffisants pour intégrer la réseaux principaux, les réseaux d’eau et ville moderne. Face à cet état de fait la sous- d’électricité pouvant être concédés à des préfecture a demandé aux services de l’urbanis- me de procéder à une restructuration du centre organismes spécialisés. A l’heure actuelle, originel dont le tissu avait déjà été « aéré » par les conséquences de cet état de fait sont le percement de voie dans les années soixante. partout désastreuses. La seule justification que l’on puisse trouver à A Niamey, les récentes (1995) affaires ce projet est la tentative de remplissage forcée de morcellement des réserves foncières en des lotissements périphériques.

9. Ceci grâce à son site qui canalise les constructions sur les lotissement officiels. 10. A Dogondoutchi, un lotissement de 1000 parcelles à été réalisé en 1983 très loin du centre, sans équipement ni alimentation en eau et électricité, il n’est rempli qu’à 50 %, la commu- ne a donc dû réaliser (avec les services d’un géomètre privé) un nouveau lotissement plus proche et mieux viabilisé, le prix des parcelles plus petites (400 m2 contre 600) y est alors nettement plus élevé (150 000 F CFA au lieu de 90 000).

Grafigéo 1999-7 22 Transition institutionnelle et territoriale

Enfin, la rémunération des géomètres ment sont devenus les maîtres mots d'un en parcelles peut alimenter la spéculation système d'administration territoriale qui sur des sites clés. emprunte à deux traditions. Les choix en matière de localisation des équipements et des lotissements s’effec- Première étape – Prise de pos- tuent bien souvent dans les centres secon- session daires en fonction du rapport de force entre administration et chefferies. Le com- La fin du XIXe siècle et le début du promis scellé dans les Commissions XXe, (jusqu'en 1927, date de l'établisse- Locales d’Urbanisme entre notables et ment de la colonie civile du Niger dans fonctionnaires aboutit rarement à une dis- ses frontières actuelles), correspondent à tribution des équipements et des réseaux une période de prise de possession mili- au bénéfice du plus grand nombre, quar- taire d'un vaste territoire colonial qu'il tiers autochtones et administratifs sont s'agit de « pacifier » et de délimiter par souvent avantagés. A l’inverse, les îlots rapport aux autres puissances impériales. intégrés dans des lotissements et dont les Les premiers points d'appui de cette résidents doivent régulariser leur situation, entreprise correspondent aux principaux sont ceux des communautés les moins bien centres de peuplement et de pouvoir défendues. Notons qu’aucun texte ne défi- situés sur le « front colonial ». Ainsi des nit exactement les compétences et la com- résidents sont envoyés dans certaines position des CLU, qui sont en fait une cités précoloniales : Say (résidence en réplique de la Commission Nationale 1898), Tessaoua (installation d'un rési- d’Urbanisme11 au niveau local, où siègent dent en 1901, après signature d'un traité donc les représentants de l’administration de protectorat avec le sultan de Maradi, locale, ceux de différents services décon- Mijinyawa, en fuite à Tessaoua), et sur- centrés de l’État et des sociétés d’État de tout Zinder, à quelques kilomètres du distribution et de production d’eau (SNE) protectorat britannique du Nord-Nigeria. et d’électricité (Nigelec), mais auxquels C'est d'ailleurs cette ville qui, une fois la sont souvent associées, pour consultation, résistance de son sultanat vaincu, fut pro- les autorités coutumières. mue capitale du territoire puis de la colo- nie du Niger, de 1911 à 1926. C'est également dans cette logique que UNE GENÈSE EN CINQ ÉTAPES des postes militaires s'installent dans des La construction et la mise en place du centres stratégiques : Tahoua et Filingué système d'administration territoriale nigé- en 1900, Djadjidouna et Tamaské en rien s'est faite en différentes étapes, sans 1901… rupture majeure, mais par superposition Tamaské gros bourg haoussa et principal progressive d'éléments, par subdivision de marché au nord de l'Ader Doutchi est ainsi structures existantes, et par incorporation érigé en poste militaire en 1901. Il s'agit d’as- d'innovations institutionnelles importées surer la sécurité de la route de ravitaillement de Zinder, alors capitale du IIIe Territoire ou dominantes dans les États rentiers à militaire. Route qui relie le fleuve Niger et la système de parti unique. Voici comment, ville en passant au nord du territoire contrôlé encadrement, embrigadement, aménage- par les Anglais12. La pacification s’avère diffi-

11. Création, définition des compétences et de la composition par décret nº 61.066/MTP du 13 avril 1961. 12. « La tâche principale du cercle de Tahoua est d’assurer la liaison entre le Kourfey et Zinder, tous les efforts ont tendu à rendre praticable la route de ravitaillement qui va du Niger à Zinder par Filingué, Tahoua, Tamaské, Guidanbado, El Hassan » « Le front franco-anglais passant à peu de distance des points où commence la zone sans village, habitée par des Touaregs, ne nous laisse qu’une très petite partie du pays de l’Ader. Heureusement, cette minime portion de la zone remplie de villages qui restent en notre possession renferme les deux gros centres de Tahoua et Tamaské » (Capitaine Joly, Monographie du Cercle de Tahoua, 1901).

Grafigéo 1999-7 23 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

cile, puisque après des pillages en 1901, les administration directe dans un maillage combats avec les Touareg reprennent à l’oc- large, et création d'un filet cantonal pour casion du premier conflit mondial. Dans un déléguer l'encadrement local à des auxi- premier temps, le commerce régional en liaires autochtones recrutés, si possible souffre même si l’économie agricole prospère. parmi les héritiers de la chefferie en Étape paradoxale donc, puisqu'il place, lorsqu'elle existait16. s'agit d'une période de destruction et d'asservissement des structures politiques Un maillage administratif à large maille précoloniales, qui se traduit pourtant par une occupation systématique des centres La formule du cercle, défini par son chef- de pouvoir et de peuplement hérités. Ces lieu, va fournir le module d'administra- centres sont ainsi apparemment reconnus tion de la Colonie. La carte évolue cepen- ou promus, surtout lorsqu'ils permettent dant sensiblement avec la création ou la de jalonner ou de borner le territoire colo- subdivision de nouveaux cercles. Ainsi à nial face à la puissance britannique. la fin de la période coloniale, la Colonie est divisée en 16 cercles dont quatre sont Deuxième étape – Maillage et unitaires et 12 subdivisés en deux ou trois contrôle, ou les vertus de la entités (carte 5). Leur taille démogra- double administration phique varie de 43 000 habitants (N'Guigmi) à 250 000 (Zinder), ce qui La pacification13 et les frontières14 reflète les disparités extrêmes de densité, assurées, il s'agit dorénavant de mettre en mais une majorité (10) se situe dans une place un système d'administration fourchette qui varie de 160 000 à territoriale civile permettant d'organiser 250 000 habitants. L'éventail de taille et d'exploiter ces territoires de manière démographique des subdivisions est plus rationnelle avec un très faible personnel important (5 600 à 156 000/hab.), mais d'encadrement. Face à une organisation ces subdivisions concernent soit les socio-politique hétérogène et largement cercles les plus peuplés (Zinder, Maradi, aspatiale, il y a donc un projet rationnel Dosso, Niamey, Tessaoua, Tillaberi, et territorial qui n'a pas les moyens de la Magaria, Madaoua, Birni N'Konni), soit substitution complète, la rupture n'en les plus vastes (Agadez, Gouré), soit les sera pas moins radicale15. La solution deux (Tahoua). Le découpage en cercles d'un système à deux vitesses s'impose : et subdivisions correspond en fait à une

13. Les principales révoltes sont enregistrées en 1906 dans le Djermaganda et en 1916-1917 dans toute la zone touareg. 14. Après la convention de 1890 qui accordait aux Anglais l'influence sur tout l'espace situé au sud d'une ligne Say-Baroua, pas moins de trois conventions durent être signées à Paris (1898) puis Londres (1904 et 1906). Elles furent nécessaires pour définir et borner une frontière définitivement adoptée à la conférence de Londres en 1910. Celle-ci donnait fina- lement aux Français les territoires du Gobir et du Sultanat de Zinder en assurant leur liai- son par le sud de l'Ader. La frontière s’appuyait donc sur les fractures nées de l’opposition à la domination de Sokoto sur le monde haoussa. A l'Ouest, c'est en 1927 que le cercle de Say repasse définitivement dans la Colonie du Niger après avoir été rattaché à celle du Dahomey puis de la Haute-Volta. Cet ultime rattachement provoque d'ailleurs des protestations parmi les chefs et engendre un exode noté par les administrateurs. 15. « Ce qui a été importé en Afrique n'a jamais été ni le référent administratif wébérien occi- dental, ni le modèle du colonisateur, mais un produit aberrant d'une colonisation sans colon, un système de gestion sociale exogène, ne gérant rien sinon quelques infimes intérêts d'ex- traction » (Darbon, 1991, p. 176). 16. Le régime juridique de la chefferie a été codifié dans le cadre nigérien par l'Arrêté nº 2566/APA du 16 novembre 1955 portant réorganisation de la chefferie au Niger; aupa- ravant il était défini pour l'ensemble de l'A.O.F. et fit l'objet de circulaires puis d'arrêtés en 1936, 1938, 1944 et 1953.

Grafigéo 1999-7 24 Transition institutionnelle et territoriale hiérarchie des chefs-lieux, mais à un dre le relais des fonctions politiques pré- maillage unique, le plus homogène pos- coloniales. Ainsi, Maradi reprend l'ascen- sible, d'un espace très disparate dans son dant sur Tessaoua en 1927 en pleine peuplement. période (1923-1937) d'installation des L’organisation territoriale et les fonctions maisons de commerce européennes, la de chefs-lieux administratifs à la fin de la ville accueille ensuite une première huile- période coloniale sont présentées à la rie en 1942 qui verra sa capacité de tri- page suivante (cartes 5 et 6). turation augmenter à plusieurs reprises L'armature des chefs-lieux adminis- jusqu'aux années soixante-dix. Zinder tratifs s'éloigne de celle des centres préco- voit également dans ces nouvelles fonc- loniaux principaux, et les limites des tions une certaine compensation à la cercles et circonscriptions amputent leur perte de son statut de capitale. ressort. La carte enregistre les promotions liées aux grâces et disgrâces politiques et De nombreux chefs-lieux coutumiers économiques liées aux nouveaux circuits écartés ou réticents de l'économie de traite. Tandis qu'un recentrage sur l'AOF L’établissement progressif de la carte s'opère avec le transfert de capitale vers administrative enregistre la réticence de la cité nouvelle de Niamey située à l'ouest certains chefs-lieux coutumiers secon- et sur le fleuve, on enregistre une certaine daires à accueillir les chefs-lieux adminis- égalisation entre chefs-lieux promus et tratifs. En effet même vaincue, puis capo- chefs-lieux d'origine précoloniale. La ralisée, la chefferie coutumière n'est pas promotion-récompense de Dosso17, à toujours prompte à cohabiter avec les cause de son ralliement précoce à la colo- administrateurs coloniaux. Cette réticen- nisation et à son soutien lors des révoltes ce est parfois latente au moment de l'éta- djerma de 1906, s'oppose à l'amputation blissement des premiers postes militaires du ressort d'Agadez dont les effets se dans un environnement « pacifié ». conjuguent à ceux de son déclin fonction- nel consécutif au détournement des grands courants d'échanges transsaha- Dans le Nord de l'Ader Doutchi, le pouvoir e politique local fut immédiatement (1901) riens dès le XIX siècle. Certaines cités accordé aux Lissaouane favorables à la pré- sont même délaissées, ainsi Say en posi- sence française. Face aux Kel Gress et aux tion de confins est coupée de la cité mère Oulliminden rivaux et insoumis, ils incar- de Sokoto et ballottée aux marges des ter- naient les Touareg sédentarisés et bien ritoires coloniaux. La ville est alors mar- implantés dans le milieu qu’ils avaient ginalisée dans les circuits commerciaux et conquis. D’abord résidants sur le site concurrencée par la nouvelle capitale voi- d’Agouloum qui domine Tamaské, ils quittè- rent cependant rapidement cette grosse sine. La perte du statut de chef-lieu de agglomération haoussa flanquée d'un poste cercle en 1927 est la confirmation d'un militaire depuis 1901, et se fixèrent avec leurs déclin amorcé à la fin du XIXe siècle. dépendants et anciens captifs, aux abords de Au contraire, les fonctions de collecte la mare de Keïta, qui constituait pour eux un et de transit dans les circuits de l'écono- campement de culture. A la suite de cet «éloi- mie de traite, limitée pour le Niger essen- gnement », le chef de canton vit son autorité tiellement à l'arachide18, viennent pren- réduite par la création (par subdivision) de

17. Chef-lieu de cercle de 1908 à 1910 puis à partir de 1923, et de province coutumière jus- qu'en 1913 et à nouveau à partir de 1926. En 1924, l'arrivée à la tête de la chefferie du sous-lieutenant Seydou Moussa, valeureux combattant dans l'armée française au cours du premier conflit mondial, explique sûrement ce retour en grâce. 18. Le coton se développe à partir de 1956 date à laquelle la Société Française de Développement du Textile (une société d'économie mixte) crée une usine d'égrenage à Maradi.

Grafigéo 1999-7 25 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Carte 5 - Organisation territoriale en 1961

Limite de cercle Limite de subdivision

Source : CSCRRA Haut Commissariat à la réforme administrative et à la décentralisation

Agadez

N

N'Guigmi Tahoua Gouré TillabTillabéryéri Zinder Filingué Téra Maradi

Niamey Madaoua Dosso Birni-N'Konni Magaria 0 200 km Dogondoutchi Tessaoua

Carte 6 - Fonction administrative des chefs-lieux en 1961

Capitale d'État Cercle Subdivision Poste administratif ou base militaire Limite de cercle Limite de subdivision Source : Hentgen, 1964 Ministère de l'Intérieur

N

0 200 km

Grafigéo 1999-7 26 Transition institutionnelle et territoriale

deux nouveaux cantons haoussa en 191319. du siècle) ou , les chefs-lieux de En 1964, la localité de Keïta reprit finale- canton respectivement voisins. Si pour le ment l’ascendant administratif sur le bourg premier l'antériorité d'un poste militaire de Tamaské en accédant au statut de sous- au contact des Touareg peut expliquer ce préfecture grâce aux efforts d'un député de la choix, en revanche seule l'hostilité de la localité lié à la chefferie. chefferie de Dargol semble justifier le La réticence des autorités coutumières choix de Gotheye. facilitera l'implantation de quelques chefs-lieux administratifs dans de nou- La normalisation et la territorialisation veaux centres en position d'étape dans les des pouvoirs locaux autochtones ou la circuits de l'économie de traite. C'est mystification notamment le cas de Dogondoutchi, chef- lieu de cercle situé sur l'axe routier prin- Au niveau local et sur l'ensemble du cipal à quelques kilomètres de Matankari territoire la présence de l'administration et Bagagi, capitales historiques, mais coloniale est assurée par ce que J.-P. désormais excentrées, du pays Maouri. Olivier de Sardan appelle « la chefferie C'est également ainsi que Matameye, administrative » qui n'a plus grand chose centre frontalier de traite de l'arachide, de coutumière20, malgré la nomination est promue chef-lieu de subdivision du fréquente de titulaires héritiers. En effet : cercle de Magaria, son resort correspond au canton de Kantché qui se voit ainsi « Les mécanismes qui sous-tendaient le pou- voir précolonial, en particulier l'hégémonie devancé administrativement par l'un de militaire de l'aristocratie, ont disparu, au ses « villages », mais évite la cohabitation profit d'un système entièrement nouveau […] avec l'administrateur. Cette opposition de Les chefs ne sont plus que des sous-traitants l'influente chefferie de Kantché à la pré- locaux de cet appareil d'État, dont ils trans- sence d'autorités déconcentrés s'exprime- mettent les ordres et satisfont les exigences. ra à nouveau en 1964, Matameye demeu- Ils en constituent le dernier échelon, celui qui est en contact avec la population, qui l'en- rant alors le chef-lieu administratif avec cadre, la surveille, la conseille. Ils ne tiennent statut de sous-préfecture. personnellement leur pouvoir que de la colo- L’opposition à l'installation d'une autori- nisation, qui les a nommés et peut les déposer té administrative dans un chef-lieu cou- à tout moment […] qui fait et défait les can- tumier apparaît également à plusieurs tons, définit et redéfinit minutieusement les attributions et prérogatives qu'il concède ou reprises à la fin de la période coloniale, délègue aux chefs » (Olivier de Sardan, 1984, lors de l'instauration de quelques postes p. 212) administratifs. C'est notamment le cas en pays sonrhai où les postes administratifs Il ne s'agit donc pas d'une simple sont implantés à Bankilaré (1959) et à récupération des structures en place, Gotheye (1956) et non à Yatakala (siège mais d'une véritable mystification. Celle- éphémère d'un premier poste au début ci procède d'un ensemble de mesures21

19. Les Français créèrent d’abord (en 1904) les cantons de Keïta, Tahoua et Illela, dans un second temps (1913), la maille se resserra et celui de Keïta fut subdivisé par la création des cantons de Tamaské et de . 20. « Ces redécoupages, conjugués avec les révocations répétées des responsables traditionnels qui ne se montraient pas assez soumis, avaient pour objectif de transformer les chefs traditionnels en agents dociles de l'administration. Dans un territoire sous-administré, doté de moyens et de subsides modestes, la bureaucratie coloniale avait absolument besoin de ces auxiliaires pour exercer son contrôle sur des populations dispersées sur un vaste territoire, souvent difficilement accessibles et avec lesquelles, de surcroît, il était difficile de communiquer. » (Abba, 1990, p. 53) 21. « La territorialisation géographique progressive des entités sociales locales, la nomination et/ou la confirmation administrative des chefs de principautés dans certains cas, de villages ou de cantons le plus souvent, mais aussi la scolarisation, la monétarisation, le recrutement militaire et le travail forcé expriment autant de modalités d'une “administratification” pro- gressive de ces zones » (Darbon, 1991, p. 176).

Grafigéo 1999-7 27 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

qui vise à s'assurer le contrôle des popu- rismes, fut néanmoins un moule dans lequel lations en déléguant au niveau local cer- put se forger l'unité nationale. » (1967, taines prérogatives administratives à des p. 480) instances pourvues d'un capital de légiti- mité, mais dans un cadre institutionnel et spatial très largement inventé ou capora- Trois modalités vont ainsi permettre lisé. d'aboutir à l'homogénéisation des espa- L'élaboration de la carte cantonale ces dits coutumiers : (Cf. Séré de Rivière, 1965) dans laquelle • création de cantons dans des aires où le s'inscrit cette chefferie instrumentalisée pouvoir local est atomisé et où des soli- réalise un pavage de plus en plus régulier darités existaient au niveau régional du territoire colonial22. Elle s'éloigne ainsi (exemples : cantonalisation des pays du progressivement de la carte des entités Bornou à l'Est, du Dendi autour de politiques précoloniales aux limites Gaya, ou encore du Damagaram au floues, aux solidarités largement aspa- sein duquel seuls les royaumes tiales, à l'absence fréquente de continuité Sossébaki et le s'individua- territoriale et aux emboîtements systéma- lisaient préalablement) ; tiques. • rassemblement ou rattachement25 de villages indépendants (exemple : région E. Séré de Rivière, encore admiratif devant ce du fleuve) et accrétion de petits cantons travail auquel il a participé, nous livre ses secrets : « Les petites principautés ont été (exemples : , Ouest du Djerma- regroupées, le plus souvent en cantons. Les ganda, et Dendi dans un second contrées non structurées, ou ne comportant temps) ; que des villages plus ou moins indépendants, • subdivision de vastes cantons où l'auto- ont été organisées en chefferies d'abord rité d'un groupe aristocratique et mino- conventionnelles, mais devenues très vite tra- ritaire a été initialement reconnue ditionnelles au point que le principe d'hérédi- té y a joué aussitôt. Les premiers comman- (exemples : chefferie Lissaouane de dants de circonscription français se sont livrés Keïta déjà évoquée et canton de à ce travail, souvent de tâtonnement, jusqu'à Tanout). ce que des collectivités homogènes et viables se confirment. » (1965, p. 238) « Les anciens Si le tracé de détail des cantons reste sultans, amirou, serki ou may, devenus chefs de canton, furent désignés dans le respect sinueux, la dimension emboîtée et aspa- attentif de la coutume, mais avec le souci de tiale des relations politiques sans conti- l'administration d'obtenir une collaboration nuité territoriale est largement gommée efficace. C'est pour cela que les premiers grâce à la constitution de « cantons fac- temps furent marqués souvent par des cas- tices ». cades de révocations et que, dans les régions où le droit héréditaire était mal établi – en « En fait jamais le canton ne recoupe exacte- raison des luttes précédentes – des chefferies ment la chefferie précoloniale. Parfois cepen- ou des cantons furent créés de toute pièce. dant il s'en rapproche, dans la mesure où les L'on obtint ainsi un quadrillage territorial dimensions de celle-ci correspondent à l'opti- qui, s'il ne fit pas disparaître les particula- mum de gestion administrative coloniale (de

22. « En outre, pour mieux exercer son contrôle, elle imposa un découpage territorial en can- tons et en provinces là où existaient naguère des réseaux, parfois géographiquement discon- tinus, liant des sujets à leur maître. Ce placage d'un nouveau schéma d'administration territoriale donna lieu à la création ex nihilo de cantons qui n'avaient aucune réalité histo- rique. » (Abba, 1990, p. 53) 23. Rattachement qui s'effectue cependant parfois en fonction des affinités lignagères, éven- tuellement sans continuité territoriale, ce qui vient souligner le caractère artificiel de la déli- mitation systématique. Ainsi une enclave coincée entre le canton de Tamou et la frontière de la Haute-Volta comprenant les villages de Diantiandou et de Dar-Salamou, est rattachée au canton de Torodi en 1932 ; deux autres enclaves relèvent également de ce canton.

Grafigéo 1999-7 28 Transition institutionnelle et territoriale

5 000 à 20 000 personnes environ), et dans ries méritantes, au regard de leur soutien la mesure où l'aristocratie villageoise semble à la Colonisation. Ainsi la province de être apte à contrôler la population con- Dosso dont les péripéties ont été narrées cernée. Le canton, base de la pyramide de l'appareil d'État colonial, est en effet au car- (voir note infrapaginale) est une inven- refour de deux ordres de préoccupations : tion coloniale, car son Djermakoye une dynamique institutionnelle d'inspiration n'était en rien hégémonique en pays administrative, qui regroupe les anciennes Djerma, de plus il était vassal du Kébi unités si elles sont jugées trop petites ou les plus au sud . brise si elles sont trop grandes ; et une pra- En pays haoussa, les entités politiques tique politique, qui cherche à s'appuyer sur la couche dominante du monde rural et vou- précoloniales rebelles à la domination de drait faire si possible coïncider “zone d'in- Sokoto dont a hérité la France se voit fluence” et découpage territorial (quitte à reconnues. Là aussi la caporalisation s'ef- l'inverse à les dissocier si cette influence est fectue par la voie des nominations et des perçue comme hostile). » (Olivier de Sardan, révocations24, voire par celle d'une modi- 1984, p. 215) fication des hiérarchies : ainsi les tribula- tions dynastiques et politiques des sulta- Les concessions coloniales aux spécifi- nats de Maradi et Tessaoua25 furent cités politico-culturelles résident dans utilisées par les Français pour installer l'instauration ou la reconnaissance d'un dans les deux cités des « pouvoirs provin- niveau « coutumier » supérieur : pro- ciaux » étroitement contrôlés. vinces de Say (statut éphémère de 1907 Un autre aspect de la reconstruction à 1912), Dosso, Gobir (Tibiri), Katsina coloniale des réalités coutumières est la (Tessaoua puis Maradi) ; et sultanats de simplification qui affecte le pouvoir à un Zinder et Agadez (dont la reconnaissan- seul chef sur un ressort territorial, avec ce juridique fluctue jusqu'à aujour- parfois un découplage des institutions d'hui). politiques et spirituelles ou foncières. En Cependant l'existence de ces entités effet, les chefs spirituels26 ou les chefs de ne doit pas laisser penser qu'il s'agit d'un terre27 ou encore des chefs de confédéra- système de gouvernement indirect sur le tion nomade28, lorsqu'ils sont distincts de modèle de la Nigeria britannique. En la chefferie politique, sont ignorés dans effet, leur pouvoir est essentiellement « l'organigramme coutumier », ils conti- honorifique et l'institution est étroite- nuent cependant à exercer un certain ment contrôlée par l'administrateur avec pouvoir, parfois prépondérant, en dehors lequel elle cohabite au chef-lieu, ce qui se de l'encadrement colonial. D'où, dans traduit par des révocations et des sus- certains cas, un contournement ou un pensions de l'institution. Enfin, l'institu- fonctionnement parallèle des institutions, tion peut être instrumentalisée pour avec un double jeu des élites autochtones. assurer la promotion de certaines cheffe- Phénomène également enregistré à

24. Le Sultanat de Zinder reconnu après sa défaite, fut amputé des principautés sossébaki, du Damagaram et de « l'état-tampon » du Mounio. Il fut en outre supprimé de 1906 à 1921 au profit de trois provinces après la destitution du sultan pour complot (celui qui avait été nommé par les Français après la défaite de Amadou). 25. A l'arrivée des Français le sultan de Maradi avait du fuir à Tessaoua où il cohabitait avec le souverain vassal de Tessaoua. Les Français tirèrent parti de cette situation pour installer à Maradi un souverain parmi les notables restés dans la localité, et pour jouer à Tessaoua sur la rivalité des deux familles régnantes au départ sur des ressorts territoriaux différents. 26. Le « Baoura » installé à Bagagi en pays Maouri en est le « chef spirituel » et son pouvoir est respecté par le Serki n'Aréoua, chef politique installé à Matankari et seul à être reconnu par les autorités coloniales. 27. En pays Djerma notamment. 28. L'Anastafidet des Kel-Oui, référence pour une majorité de Touareg de l'Aïr, est ainsi en théorie sous l'autorité administrative du sultan d'Agadez.

Grafigéo 1999-7 29 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger l'échelle locale, mais cette fois orchestré l'appareil d'État. Parallèlement, un équi- par la chefferie elle même : pement planifié du territoire s'opère par la diffusion progressive d'équipements et « Il arriva très fréquemment que le chef de par une zonation fonctionnelle de l'espa- village présenté au commandant de cercle, nommé par lui et désormais organe adminis- ce. Cependant, ce processus correspond à tratif de base pour toutes les fonctions, col- la continuation de tendances d'origine lecte d'impôts, convocations, recrutement, coloniale et le modèle reste celui de l'an- main-d'œuvre, etc., ne soit en réalité qu'un cienne métropole. “homme sacrifié” ; le vrai chef, le chef de la terre, l'héritier du fondateur du village, le détenteur des droits coutumiers, demeurait L'héritage en indivision caché, anonyme, inconnu de l’administration, et le village présentait au “commandant”, Suite à la proclamation de l'Indépen- avec toutes les apparences voulues de sincéri- dance le 3 août 1960, une constitution est té, un homme de paille, parfois un serviteur adoptée le 8 novembre 1960. Elle affirme du véritable chef, assumant par ordre de son le caractère unitaire de la République du groupe les corvées, les responsabilités, et les risques. » (Séré de Rivière, 1967, p. 480) Niger, mais pose les fondements d'une décentralisation en son article 68. Ainsi, « les stratégies locales de La traduction institutionnelle et contournement et de détournement des territoriale de ces principes est contenue procédures administratives commencent dans la loi nº 61-50 du 31 décembre à se développer dès l'implantation de ce 1961 portant organisation des collectivi- nouveau système, entraînant le dévoile- tés territoriales. Dans une assez large ment d'une administration incapable de mesure, cet apparent bouleversement est saisir les expressions spécifiques du poli- dans la continuité de la dynamique héri- tique dans ces sociétés » (Darbon, 1991, tée. p. 176). On assiste ainsi à un gel des princi- Il s'agit là des prémisses des relations pales structures territoriales en place avec complexes qu'entretiendront les élites la transformation des 27 subdivisions de autochtones avec l'administration. Entre cercles et des 4 cercles unitaires en 31 contournement, évitement, collaboration « circonscriptions administratives ». Ab- et récupération, les « dynamiques du sence de redécoupage donc, mais nivelle- dedans » sont déjà à l'œuvre qui créeront ment théorique des entités (dans les faits l'État africain contemporain (Bayart, les ex chefs-lieux de cercle continuent de 1989). bénéficier d'une présence administrative plus étoffée, et le représentant de l'État y Troisième étape - parthénogenèse coiffe ceux des anciennes subdivisions). et emboîtement ; les territoires Par ailleurs, la création de conseils de de l'État-nation 29 circonscription élus ne constitue pas en soi une rupture. Dirigés et orientés par les L'Indépendance constitue à l'évidence chefs de circonscription nommés, ces une coupure majeure dans l'histoire de la conseils élus en décembre 1961 sur des mise en place du système d'administra- listes du Parti Progressiste Nigérien/Ras- tion territoriale, sa logique étant doréna- semblement Démocratique Africain sont, vant liée à la fabrication d'un État-nation. en fait, dans la continuité des « conseils Celle-ci va s'opérer par construction systé- de notables », assemblées consultatives matique d'un espace politique et écono- présidées par les commandants de cercle mique centralisé, contrôlé directement par et instituées en 1919, dont le rôle fut légè-

29. Voir Pourtier (1983 et 1989) pour une description et une interprétation de la transcription territoriale de la construction des États-nations africains.

Grafigéo 1999-7 30 Transition institutionnelle et territoriale rement accru après l'instauration d'une Madaoua, Magaria, Téra et momentané- taxe de cercle en 1947. ment Tillabéry. La confusion entre décentralisation et Progressivement, une partie du travail déconcentration est donc originelle, elle de hiérarchisation du dispositif territorial apparaît désormais comme structurelle et de l'administration va s'effectuer par la non plus comme transitoire, à l'instar de densification des entités de base que sont la progressivité municipale instaurée par les postes administratifs (au nombre de 7 la loi du 18 novembre 1955 relative à la en 1960, ils sont une vingtaine en 1964 et réorganisation municipale en Afrique une petite trentaine à l'heure actuelle). noire et à Madagascar. Les trois com- Leur semis plus dense obéit toujours à munes mixtes créées l'année précédente une double logique de contrôle militaire avaient alors été transformées en deux et policier de certaines aires, et de diffu- communes de moyen exercice (Zinder et sion de la présence administrative dans Maradi) et une de régime plein (Niamey). les zones de confins. Les promotions ulté- rieures de postes administratifs dans l'or- La subdivision comme projet ganigramme administratif sont restées tout à fait exceptionnelles : dans le Les institutions issues des lois de contexte explosif de l'arrondissement de 1964-1966, toujours en place, s'inscri- Tchin Tabaraden, Abalak dernière sous- vent, comme nous l'avons vu, dans une préfecture en date (1992) avait été pro- logique d'administration territoriale mue poste administratif quelques années sous-tutelle. Le projet vise à formaliser et plus tôt, Madarounfa bénéficie du trans- à hiérarchiser le dispositif institutionnel fert de la sous-préfecture de Maradi et territorial. Il relève d'une logique insti- (1972), et Tibiri connaît une réelle pro- tutionnelle identique à la précédente, motion en commune rurale (1972). même si elle instaure un système plus complexe à deux niveaux systématique et Quatrième étape – Embrigadement un niveau subsidiaire qui s'appuie sur les et administration partisane : postes administratifs et les communes. l'administration territoriale Le système alors mis en place s'ac- aux mains du parti unique compagne d'une nouvelle hiérarchisation des entités et des chefs-lieux. Aux Le Niger apparaît rapidement comme un 16 chefs-lieux de cercles sont substitués cas d'école pour illustrer le modèle d'évo- 7 chefs-lieux de départements. lution de l'appareil administratif des La réorganisation fait des promus et des nouveaux États africains : déchus : Zinder et Maradi retrouvent des ressorts importants ; Dosso voit con- « Les États ont, sinon toujours accru le firmée sa promotion coloniale en cha- nombre des circonscriptions administratives, peautant Birni N'Gaouré et Dogon- au moins le plus souvent renforcé le nombre doutchi ; Tahoua s'impose sur l'ensemble des échelons de l'administration territoriale dans le but de resserrer le quadrillage admi- du centre en intégrant Birni-N'Konni ; nistratif. A côté d'une administration clas- tandis qu'une ville nouvelle administrati- sique à quatre ou cinq échelons, associant le ve (Diffa) apparaît pour arbitrer entre plus souvent organes déconcentrés et repré- deux chefs-lieux rivaux : N'Guigmi sentation populaire contrôlée, s'est constituée (Kazel) et Maine Soroa (Manga), il s'agit une administration du développement (comi- là du dernier avatar du démantèlement tés économiques et sociaux, Development Committees) représentée à chaque échelon et de l'empire du Bornou. Outre Dogon- souvent reliée à un réseau de coopératives. doutchi, Birni-N'Konni et N'Guigmi, L'ensemble de ces appareils, strictement hié- d’autres localités anciennement chefs- rarchisé, est étroitement contrôlé par une lieux de cercle régressent dans l'organi- administration centrale pléthorique et ineffi- gramme administratif : Filingué, Gouré, cace. Le contrôle des populations est l'enjeu

Grafigéo 1999-7 31 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

politique de cette multiplication des réseaux parti unique (le Mouvement National administratifs localisés. Cependant, faute de pour la Société de Développement) se moyens et de véritable séparation des fonc- greffe sur l'administration territoriale en tions, les structures parallèles se concurren- cent au point de ne laisser survivre, à côté des 1983. A la base, se trouvent des institu- appareils les mieux financés, que des tions dirigées par les chefs coutumiers : le coquilles vides dépourvues de toute réalité. » Conseil Villageois de Développement qui (Darbon, 1991, p. 177-178) dépend, au niveau cantonal, d'un Conseil Local de Développement. Pour les com- La mainmise munes, il existe un Conseil Local de déve- loppement dirigé par le maire. Aux éche- Dés le milieu des années 1960, le pouvoir lons supérieurs, les conseils Sous- central souhaite mettre en œuvre « le régionaux et Régionaux de Développe- développement participatif » et impose ment sont dirigés, respectivement, par les au niveau local de nouvelles structures sous-préfets et les préfets. Les membres d'encadrement économique et politique, de droit de ces conseils, sont, outre les qui viennent concurrencer les chefferies chefs coutumiers, les représentants de la dites traditionnelles. Il s'agit des services société civile organisée par grands corps : de la « promotion humaine », (dont jeunes, femmes, croyants, mutualistes… « l'animation rurale »), des coopératives, et parallèlement des comités du Parti Décret nº 74-56/PCMS du 29 octobre 1979 portant mise en place d'une société de déve- Populaire Nigérien, devenu rapidement loppement parti unique. Décret nº 83-139 du 13 octobre 1983 portant statut de la chefferie traditionnelle en Union Nigérienne de Crédit et de Coopération République du Niger créée par la loi 62-37 du 20 septembre 1962 (Établissement public doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière). Le princi- Dans l'administration territoriale la pe est l'articulation à chaque niveau des struc- liste du personnel du commandement, tures d'animation et des structures mutualistes mise à jour le 1er août 1989 par le minis- : l'unité de base est le « village animé » (VA), tère de l'Intérieur, indique la mainmise de dans lequel se situe un Groupement Mutualiste Villageois (GMV). Le Regroupement de l'armée sur l'administration territoriale : Villages Animés (RVA) correspond à une sec- les préfets des 7 départements et le pré- tion coopérative de 5 à 10 villages. fet-maire de la CUN sont des officiers des Forces armées nationales (avec des grades de capitaine à lieutenant-colonel). L'utopie totalitaire. Corps, corporations 5 capitaines figurent dans la liste des 35 et religion : la convocation des tradi- tions sous-préfets, et 15 militaires ou assimilés (FAN, Gendarmerie, Garde républicaine, Après le coup d’État de 1974, un retour à Police) sont chefs de poste administratif l'encadrement traditionnel est annoncé, sur 27. (Niandou-Souley, 1990) mais une « rénovation » de la chefferie « A Torodi, le chef de poste administratif et le l'accompagne. « Derrière ce discours de chef du bureau des douanes en place sous le modernisation, se dessinait une volonté régime Kountché, incarnent des figures de de transformer profondément l'institu- dirigeants locaux de l’administration qui tion pour mieux la contrôler. » (Abba S., accumulent rapidement grâce à leurs fonc- 1990) Il s'agissait notamment de conférer tions, et se constituent un patrimoine en investissant sur place compte tenu des oppor- la nomination et la révocation des chefs tunités que leur offre un milieu en devenir. de canton au ministre de l'Intérieur sur Le chef de poste administratif de Torodi de proposition du préfet, et celle des chefs de 1985 à 1990 était adjudant chef dans l’armée villages et de quartiers urbains aux sous- nigérienne. Promu dans l’administration à la préfets et aux maires. Après cette premiè- faveur du régime militaire, il fut nommé chef re étape, l'organigramme du nouveau de poste administratif à partir de 1981. En

Grafigéo 1999-7 32 Transition institutionnelle et territoriale Figure 4 - Organigramme de la « société de développement » 4 - Organigramme de la « société développement Figure

Grafigéo 1999-7 33 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Carte 7 - Le réseau de coopératives et son système de distribution

Niamey ba r i N Centre Copro Niger (1) S Niamey Centre OPVN (2) Say BossBosséé BangBangouou Bureau de l'UNC (3) Tiouridi KobadiéKobadié Bolsi TORODI TTORODIORODI DiagDiagogaoga Dépôt OPVN Tambolé SaSayy Union Locale des Coopératives Kiki Coopérative Groupement mutualiste Niger Distribution à partir d'un 0 25 km organisme géré par : Mossipaga des mutualistes élus Frontière des fonctionnaires Limite de département Limite de canton (1) Société de commerce et de BURKINA FASO production du Niger Route (2) Office des Produits Vivriers du Niger Cours d'eau (3) Union Nationale de Coopératives Source : Giraut, 1985

Torodi en position charnière : chef-lieu de canton, poste administratif et siège d'un conseil local de développement

Centre politique local précolonial (chef-lieu d’une principauté peul), Lamordé Torodi, sa chefferie et son marché (Lamordé=“lieu du marché” en Foulfouldé) sont promus au rang de chef-lieu de canton par les autorités coloniales françaises (1901). La localité est de taille très réduite (577 habitants en 1948), mais dans le cercle de Say elle rayonne sur un très vaste espace cantonal (près de 7 000 km2, soit plus de la moitié de l’arrondissement) peu peuplé. Son pouvoir administratif est renforcé dès l’Indépendance par l’implantation d’un poste douanier en 1961 ; un fonctionnaire investi d’une réel- le autorité est dorénavant en poste dans le centre. Mais, c’est en 1971 que Torodi devient un poste administratif et bénéficie du mouvement de diffusion de l’encadrement administratif du territoire national amorcé en 1964. Avec cette promotion, arrive un chef de poste dont les prérogatives s’exer- cent sur l’aire cantonale. Il coordonne les services et équipements publics dont la localité est dotée, mais son rôle est également policier et judiciaire. Le pouvoir local est donc bicéphale puisque le chef de canton a des prérogatives voisines sur la même aire administrative et qu’il est également sous la tutelle du sous-préfet. Le début des années quatre-vingt est marqué par l’avènement de la “Société de développement” dont l’organigramme (fig. 4) attribue au niveau cantonal un “conseil local de développement” présidé par le chef de canton mais dont la représentation des services est coordonnée par le chef de poste admi- nistratif lorsqu’il en existe un. Le canton est alors représenté conjointement par les deux chefs au niveau supérieur (“Conseil sous-régional de développement”). Paradoxalement, la mise en place de ce système politique déconcentré d’encadrement des popula- tions s’accompagne d’un mouvement de désengagement de l’État. Ainsi le bureau de l’Union Nationale de Coopératives de Torodi est supprimé en 1985, la localité rétrogradant au rang d’une Union Locale de Coopératives. Les conséquences en sont doubles, d’une part la localité dépend à nouveau de la sous-préfecture et perd une partie de son autonomie (carte7) ; d’autre part , l’enca- drement administratif et technique du secteur coopératif et mutualiste se retire au profit d’un notable commerçant. Celui-ci se retrouve élu à la tête d’une structure potentiellement concurrente de sa bou- tique et de son commerce, sans offrir aucune garantie pour le soutien et les conseils aux investisse- ments productifs que doit faciliter en principe le courant mutualiste.

Grafigéo 1999-7 34 Transition institutionnelle et territoriale

poste d’abord à Abala puis à Bosso, sa nomi- construction du territoire de l'Etat-nation nation à Torodi lui permet de réintégrer sa s'opère par deux grands types de moyens : région d’origine puisqu’il est peul, natif de Say. Lors de son passage à Torodi, il investit dans l’immobilier en se faisant construire L'équipement et l'aménagement du ter- deux villas sur des parcelles offertes, il ritoire obtient également un vaste jardin au bord du Goroubi qu’il met en valeur en faisant forer C'est l'époque des grandes infrastruc- un puits et en employant un manœuvre, enfin tures routières : axes structurants à il se constitue un troupeau qu’il fait garder dans un village à quelques kilomètres. Ses l'échelle nationale (route de l'Unité) et investissements multiformes, il a également antennes en direction du principaux sites acquis quelques parcelles du nouveau lotisse- d'extraction de richesses naturelles (route ment, sont en fait un complément du patri- de l'Uranium, qui relie également le Nord moine immobilier qu’il s’est constitué à touareg et touristique au Niger méridio- Niamey où il dispose de deux villas. Un chef du bureau des douanes est devenu nal). Parallèlement, un effort d'équipe- l’une des principales figures économiques de ment des villes principales ("métropoles la région, notamment lors de ses séjours pro- régionales") est entrepris, ainsi qu'une fessionnels prolongés à Torodi. Il y fut affec- diffusion des services administratifs vers té à trois reprises depuis le début des années le bas de l'armature urbaine. soixante-dix, alternant notamment avec des postes à Niamey. Il a investi dans la construc- Voir les créations de postes administratifs tion à Niamey et à Torodi où il dispose de postérieures à la première vague (1956- deux maisons. Il fut notamment le promoteur 1965)(Bagaroua 1970 ; Torodi 1971 ; d’une grande villa équipée d’un château Baleyara 1971 ; Tassara 1971 ; Malbaza- d’eau et d’une superbe salle de bain sise face Usine 1973 ; 1978 ; Akokan 1979 ; à l’ancien bureau des douanes, mais en son 1988 ; Tibiri 1988 ; Takiéta 1988 ; absence aucun locataire n’occupe cette mai- Belbéji 1988 ; Bermo 1988 ; Aderbissinat son suréquipée par rapport à la demande 1988) – les créations de sous-préfectures locale. Outre la constitution d’un patrimoine (Arlit 1969 ; Guidan Roumdji 1972 ; Aguié immobilier considérable, ses investissements 1972) – et les transferts de chefs-lieux de se sont dirigés vers le commerce et l’agricul- sous-préfecture dans de petites cités voisines ture régionale. Mais qu’il s’agisse du grand des préfectures (Mirriah en 1966 ; Mada- domaine rural (53 ha) dévolu à l’élevage et à rounfa 1972 ; Kollo 1980 ; Tchirozerine l’agriculture qu’il a ouvert grâce à un forage, 1983, Tillabéry 1987). ou qu’il s’agisse des trois boutiques coopéra- tives gérées par sa femme, ces différentes activités économiques sises au nord-ouest du canton sont dirigées depuis Niamey. En Le développement programmé par revanche, un de ses fils est installé comme grandes aires et par zones taxi à Torodi où il dessert justement les sites aurifères du nord du canton. » (Giraut, 1994) Le cadre régional (département) est conçu dès le redécoupage de 1964 comme celui de la planification30. Cinquième étape – L'État rentier Les services du plan y prennent place, et les bailleurs de fonds aména- assistés d'une Commission consultative geurs départementale et d'un Comité tech- nique départemental (COTEDEP instau- Parallèlement au phagocytage systé- ré en 1971 ; décret 71-130/PRN du matique des instances de représentations 7 août 1971). Un fonds de développe- sociales, économiques et politiques, l'État ment régional est également prévu. Il se fait « bâtisseur » (Pourtier, 1989). La sera alimenté par une contribution des

30. « Le souci de doter le pays d'une structure efficace permettant une régionalisation (par ailleurs indispensable) du développement national a abouti à la réalisation d'un découpage en sept départements. Tels qu'ils se présentent, ils correspondent chacun à ce qu'il est conve- nu d'appeler une “zone homogène de développement” » Rapport de présentation de la loi 64-023, cité par SEDES/Groupe Huit, 1993.

Grafigéo 1999-7 35 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

arrondissements, et géré à la discrétion de (366 000 ha.) l’autorité préfectorale, mais n’aura jamais d’existence juridique. La régiona- Décret nº 88-019/PCMS/MAG/E du 22 jan- lisation de l'aménagement est essentielle- vier 1988, portant classement de la réserve nationale de l'Aïr et du Ténéré : 80 000 km2 ment assurée par les grands projets finan- et 2600 personnes (1988) cés par les bailleurs de fonds Décret nº 88-020/PCMS/MAG/E du 22 janvier internationaux qui prennent pour cadre 1988, portant classement de la réserve naturel- les départements31 ou les arrondisse- le intégrale dite « sanctuaire des Addax ». ments32 et confient la maîtrise d'ouvrage aux services déconcentrés de l'État. La tyrannie des offices Parallèlement, la plupart des pro- grammes sectoriels de mise en valeur des Les outils spécifiques de la politique ressources sont conçus par zones clima- volontariste de construction et d'aména- tiques et par milieux spécifiques. La limi- gement du territoire de l'État-nation vont te officielle des cultures sous pluies, qui se multiplier sous forme d'offices, d'éta- matérialise le zonage climatique, prend blissements publics ou encore de sociétés valeur de frontière intangible entre d'économie mixte pour prendre place mondes agricole et pastoral. dans l'imposant dispositif d'encadrement public et parapublic de la production, des Les milieux spécifiques font l'objet de échanges et de l'aménagement. programmes : • équipement industriel du bassin arachi- « La prise en charge par l'administration de toutes les fonctions de souveraineté de l'État, dier ; mais aussi des actions d'interventions écono- • valorisation des ressources minières de miques et sociales, conçues dans les années l’Aïr pour l'uranium et le charbon, et soixante/soixante dix comme partie intégran- du site de Malbaza pour l'implantation te des prérogatives et des charges de l'État, a d'une cimenterie ; provoqué la multiplication des structures et • périmètres irrigués pour la riziculture et des activités administratives, et a contribué à la naissance d'une administration hypertro- le maraîchage, essentiellement sur les phiée et démembrée. La constitution puis la rives du fleuve ; rapide croissance d'une administration du • extension à l’Aïr du domaine faisant développement, d'un secteur parapublic très l'objet de mesures conservatoires (parcs large (agences, missions, parastatals et corpo- nationaux, réserves de faune, forêts clas- rations), d'un contrôle monopolistique de la 6 % 1 267 000 2 commercialisation des produits agricoles et sées) : au total des km du miniers caractérisent cette extension des Niger sont des aires protégées. fonctions de l'administration d'État. » (Darbon, 1991, p. 177) 13 octobre 1926 : création par décret du parc refuge du W sur les cercles de Say et de Fada 4 août 1954 : le parc du W devient Parc Cette description d'un fâcheux penchant national (qualifié de réserve totale de faune commun aux États d'Afrique subsaha- depuis l'année précédente) : 220 000 ha au rienne vaut particulièrement pour le Niger Niger. 1954 : Réserve totale de faune de Tamou. En Dans le désordre, quelques éléments 1976 modification des limites face à la pres- sion du front pionnier (144 000 ha) du dispositif nigérien : 1955 : Réserve totale de faune et forêt classée COPRO-Niger : Société de commerce et de de Gdabeji production du Niger (1962) ; 1962 : Réserve partielle de faune de Dosso OPVN : Office des produits vivriers du Niger

31. Tel que l'imposant « Projet Productivité Niamey » au milieu des années quatre-vingt. 32. A l'image de deux grands projets aux limites de la zone d'agriculture sous pluie dans lesquels la coopération italienne fut impliquée avec la F.A.O. dans les années 1980 : « Projet Damergou » (arrondissement de Tanout) et « Projet de développement rural intégré de Keïta ».

Grafigéo 1999-7 36 Transition institutionnelle et territoriale

(1970) ; LES MUTATIONS CONTEMPORAINES SONARA : Société nigérienne de commer- cialisation de l'arachide (1962) ; ONAREM : Office national des ressources Un système en crise minières ; ONT : Office national du tourisme (1977) ; Un ensemble de crises liées entre elles RINI : Société de production de riz du Niger; de manière systémique affectent l'écono- NIGELEC : Société de production et de dis- mie politique nigérienne depuis le début tribution de l'électricité ; des années quatre-vingt engendrant toute SNE : Société nationale des eaux ; ONAHA : Office national des aménagements une série de mutations dans le fonction- hydro-agricoles ; nement des institutions et de l'économie OFEDES : Office des eaux du sous-sol . et dans l'organisation de l'espace. A la base on trouve la crise d'un cer- L'aménagement du territoire s'effec- tain modèle de constitution de l'État- tue donc à grands coups d'axes unifica- nation et de développement par un État teurs, de zones fonctionnelles et spéciali- rentier aménageur, appliquant un projet sées par « vocation », et de grandes relevant exclusivement et caricaturale- régions, terrains des « éléphants blancs ». ment du top down. Dans le cas nigérien, Il néglige dans un premier temps les ce modèle de développement se traduisait finages complexes, les parcours et les par une économie dépendante de l'exté- chaînes de terroirs complémentaires. Ce rieur mais totalement encadrée par l'ap- que dénoncent deux bons observateurs pareil d'État reposant essentiellement sur des réalités, nomades pour l'un : quatre piliers : • le principal, l'extraction de l'uranium à « Enserrés dans des frontières difficilement partir de l'enclave d'Arlit dans l'Aïr rat- contrôlables, cloisonnés dans des découpages administratifs insignifiant pour eux, “zonés” tachée au réseau méridional par une dans des écosystèmes déjà spécialisés, l'en- antenne routière ; semble étant incompatible avec leur système • les grands projets issus de l'aide bilaté- de production pastoral, quel peut-être alors le rale qui obéissent à un mode d'inter- devenir de ces Kel Tamacheq ? Marginalisés vention lourde pourvoyeuse d'infra- ou assimilés par obligation, ils détourneront structures selon une logique de les adaptations nécessaires, mais imposées, sur leur finalités propres, à partir de leurs spécialisation zonale et d'équipement dynamiques économiques et culturelles. » par grandes régions ; (Bourgeot, 1990, p. 75) • une économie agraire marchande liée à la traite de l'arachide, assez tôt diversi- et sahéliennes pour l'autre : fiée grâce à l'élevage et au maraîchage ; • le tourisme international essentielle- « La distinction zonale habituellement rete- ment déployé sur le nord à partir du nue n'a pas grand sens, malgré les appa- rences, sinon par la projection, à l'échelle pôle d'Agadez. régionale, de systèmes de production fondés Ces « secteurs » économiques, parfois sur la position en latitude et sur les caractères animés par des sociétés étrangères (ura- ethniques des populations observées. nium et tourisme), évoluent dans un « L'intervention externe menée par les ser- encadrement étatique étroit. Cet encadre- vices des ministères techniques et la multitu- de des ONG, qui s'appuie sur une évaluation ment est assuré par une fonction simpliste des situations en zones très larges, publique pléthorique constituée de tendent à spécialiser les secteurs et maintien- grandes administrations, de sociétés et nent les lieux en renforçant les orientations d'offices qui contrôlent, outre la produc- qui semblent dominantes. Non seulement la complexité du territoire est lissée mais aussi tion industrielle, l'essentiel des filières celle de la société. D'ailleurs l'un ne va pas commerciales des produits d'exportation sans l'autre. » (Retaillé, 1994, p. 136-137) et d'importation. Ce contrôle étatique s'étend à l'ensemble de la société comme

Grafigéo 1999-7 37 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger nous l'avons vu en évoquant la mainmise ce processus de recul de l'administration de l'administration et du parti unique sur publique. les collectivités territoriales et sur les La prolifération des activités infor- comités techniques ou consultatifs, ou melles et illégales est un autre aspect des encore sur les conseils de développement. mutations structurelles en cours. Si ces La caporalisation d'une chefferie dite activités ne sont pas nouvelles, leur poids coutumière, d'abord tenue à l'écart par le croissant dans l'économie globale et pouvoir civil, puis fortement sollicitée par urbaine en particulier change la nature le pouvoir militaire, rentre dans cette des fonctions urbaines et nécessite de logique de contrôle systématique. repenser les modes de mobilisation des La faillite politique et économique de ressources locales, fiscales notamment. ce système est parallèle à la promotion à Le développement de l'orpaillage et l'ap- l'échelle continentale, et même planétai- parition de cités champignons est un re, d'autres modes d'intervention et aspect anecdotique de ce phénomène. d'autres modèles de développement qui Mais de manière plus significative, de prônent tous à un titre ou à un autre la nouvelles filières réactualisent des cou- décentralisation et la reconnaissance et rants commerciaux intracontinentaux l'implication de l'ensemble des acteurs pour des produits de contrebande, locaux (Stöhr et Taylor, 1981 ; Jaglin et comme pour le vivrier marchand ou plus Dubresson, 1993 ; Giraut, 1997b). généralement les produits de consomma- Ainsi une mutation profonde s'amorce tion d'origine continentale. Avec ces dans les années quatre-vingt pour affec- filières, ce sont des chaînes de marchés et ter progressivement, mais de manière de cités qui sont animées (Grégoire, concomitante, les fonctionnements éco- 1996). La dynamique urbaine enregistre nomiques, administratifs, politiques et donc cette mutation globale avec une territoriaux. En schématisant, il est pos- modification en profondeur des fonctions sible de distinguer ce qui relève du urbaines et du rôle du statut administra- domaine économique et ce qui relève du tif. domaine institutionnel. À la recherche de la participation, Privatisation et envahissement de l'in- l'amorce de bouleversements insti- formel dans la sphère économique tutionnels Le démantèlement progressif de l'ap- pareil d'administration publique de l'éco- Dans le domaine institutionnel, l'im- nomie33 et le développement d'un secteur pératif de la mobilisation et de la « par- privé légal dans certains domaines aupa- ticipation » des populations comme ravant monopolisés (import-export, télé- relais aux interventions étatiques est tôt communications, bureaux d'études apparu. Il fut en quelque sorte théorisé à d'aménagement et de développement partir du milieu des années quatre-vingt rural). La constitution d'une agence (la avec les institutions de « la société de Nigetip), contrôlée par la Banque mon- développement », prémisse d'un désen- diale, à qui les bailleurs de fonds et les gagement de l'État en matière notam- collectivités locales délèguent la maîtrise ment d'équipement et de service public, d'ouvrage des travaux d'équipement et et occasion d'instaurer un parti unique d'aménagement (document de présenta- corporatiste d'un genre nouveau. tion en annexe), s'inscrit également dans

33. En janvier 1998, l'Union Nigérienne de Coopérative est mise en liquidation, tandis que la COMINAK et la Société des cimenteries de Malbaza cherchent des repreneurs privés.

Grafigéo 1999-7 38 Transition institutionnelle et territoriale

Municipalisons, il en restera toujours bénéficiant du soutien de la coopération quelque chose française.

La fin des années quatre-vingt est À titre d’exemple, de 1990 à 1994, le projet quadriennal de coopération décentralisée qui marquée par une progression importante lie Juvisy (la commune s’est engagée à consa- de la municipalisation sous tutelle admi- crer à la coopération une somme équivalente nistrative mais livrée à elle même sur un à 0,5 % de ses investissements) et Tillabéry plan financier. Dans la quête du relais fut doté de 800 000 FF. Le volet urbain de ce participatif des populations, les pouvoirs projet étant essentiellement constitué par un publics semblent avoir cédé à une injonc- programme d’assainissement, avec la mise en place de comités de quartier, qui œuvrent au tion : municipalisez, il en restera toujours ramassage des ordures en collaboration avec quelque chose ! Ce sont quatorze nou- les services municipaux. Dans ce cadre, une velles communes qui vinrent rejoindre les participation à l’extension du réseau d’ad- sept préalablement installées (carte 8). duction d’eau était également au programme, Parmi les nouvelles promues, trois com- tandis que du côté du soutien au développe- ment des activités économiques urbaines, des munes rurales sans fonction administrati- crédits pour l’embouche ovine ont été accor- ve préalable et dont l'érection est liée à dés à des groupements de femmes. Sur le l'évergétisme supposé de ses élites : les même principe et toujours avec l’aide de chefferies coutumières de Tibiri et l’AFVP pour la définition et le suivi du pro- Matankari, qui ont parti lié au grand jet, le jumelage Orsay-Dogondoutchi (en commerce, et les riches ressortissants de attente d’élections pour être officialisé) s’oriente, en plus de l’assainissement, vers Tamaské, qui constituent une diaspora l’économie urbaine en organisant des groupe- de commerçants au Nigeria, au Tchad et ments de crédit et en mettant en place l’auto- au Gabon. gestion d’un nouvel abattoir par l’association des bouchers. Des conseils municipaux jumelés par anticipation Le dernier jumelage en date (Conflans- Sainte-Honorine et Tessaoua en février Du fait de l’absence de pouvoirs munici- 1998) vient souligner la permanence de paux élus, la coopération décentralisée ce type de relations. L'anecdote du sous forme de jumelages-coopération est « débauchage » de la ville de Dakar par encore assez peu développée (carte 9) ; la Communauté urbaine de Niamey montre la concurrence féroce que se Outre les quatre jumelages franco-nigériens, livrent les édiles sur ce terrain. Lors de la la coopération décentralisée lie deux collecti- vités canadiennes (Hull et Rockland) avec les réunion des maires francophones tenue à communes de Niamey III et Dosso ; pour Niamey en 1992, les maires de Dakar et l’Italie, Pesaro et Alfonsine sont jumelées res- de Mirriah se rencontraient (le premier pectivement avec Keïta et Mayahi ; enfin la ayant fait son service militaire dans la Communauté Urbaine de Niamey est jumelée base militaire coloniale implantée dans la avec la ville de Dakar. Quatre projets sont en cité du second !) et envisageaient un cours, ils concernent Matankari et Okoutama (Japon), Téra et Libramont (Belgique), jumelage. Bien vite les autorités de la Mirriah et Yazoo (États-Unis) et enfin Maradi capitale détournèrent à leur profit la pro- et Thiès (Sénégal) cédure engagée pour cette union contre nature. La petite cité de Mirriah, décidé- mais elle est particulièrement active et ment très appréciée de l'extérieur, se innovante – avec l’interface de l’ONG retrouve néanmoins au côté de la capita- Association Française des Volontaires du le comme site urbain retenu en 1996 Progrès – sur quelques petites villes pour le projet Banque mondiale de réha- (Tillabéry, Dogondoutchi, Filingué) bilitation des infrastructures, ceci grâce à jumelées à des communes françaises de l'existence d'un récent schéma directeur l’Essonne (Juvisy, Orsay et Athis Mons) et réalisé par une ONG italienne !

Grafigéo 1999-7 39 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Carte 8 - Communalisation en 1998

Communauté Urbaine de Niamey (composée de 3 communes) Ville Commune Urbaine Commune Rurale Limite départementale Limite d'arrondissement Source : ministère de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire

N

0 200 km

Carte 9 - État des jumelages urbains au Niger

Tillabéri : Juvisy (Fr) Jumelage effectif Téra : Libramont (Bel) Jumelage en attente

Limite départementale Limite d'arrondissement

N

Keita Tessaoua Conflans Sainte-Honorine (Fr) TillabTillabéryéry FilinguéFilingué Pesaro (It) TTéraéra Juvisy (Fr) Athis Mons (Fr) Mayahi Libramont (Bel) (Bel) Matankari Alfonsine (It) Okoutama (Jap) (Jap) C.U.N. Mirriah C.U. Dakar (Sen) Dogondoutchi Orsay (Fr) Maradi Yazoo (E-U)(E-U) Niamey III ThiThièsès (Sen)(Sen) Hull (Can) Dosso Eysines (Fr) / Rockland (Can) 0 200 km

Grafigéo 1999-7 40 Transition institutionnelle et territoriale

Le projet nouveau est arrivé depuis le début des années quatre-vingt, après une longue période de quasi-stagnation Aux grands projets régionaux ou secto- que le statut de sous-préfecture n’avait pas 34 entravée. Ils se ressentent également sur l’ac- riels stigmatisés par J. Gallais succèdent tivité du marché et de l’autogare, pour les- à partir des années 1980, des projets quels les recettes fiscales sont en nette pro- locaux plus modestes et reposant sur la gression, passant de 325 000 F CFA en 1984 participation des populations concernées. à un million en 1988 pour le marché, et de Ils affirment souvent des principes 900 000 à 3,5 millions pour l’autogare. La question se pose donc du devenir de la locali- antiurbains, même si dans les faits ils té au départ de l’administration du “pro- continuent à conforter certaines places jet”.»(Giraut, 1994b) locales et régionales. Le primat de ces nouveaux projets « À Keïta, le projet de développement intégré plus locaux, intégrés et participatifs est lié (PIK) financé par la FAO et la coopération italienne, qui intervient sur l’ensemble de au paradigme du développement « à la l’arrondissement, a pour principe de ne pas base » ou « bottom-up » (Stöhr et Taylor, privilégier le centre administratif où sa base 1981 ; Baechler, 1994). Celui-ci s'impose logistique est implantée. Ainsi le terroir de désormais à la coopération qu'elle soit Keïta, l’encadrement de son artisanat et ses bilatérale, ou de plus en plus multilatéra- équipements scolaires et sanitaires ne bénéfi- le et décentralisée avec implication quasi cient pas de l’aide du “projet”. Mais les inves- tissements à Keïta ont néanmoins été de loin systématique d'organisations non gou- les plus considérables, puisque les locaux du vernementales. projet y sont installés ainsi que toute sa logis- tique. Il s'agit d'un pôle d'emploi important La région de Tanout (nord du département avec dix-sept agents et de nombreux de Zinder) a ainsi fait l'objet d'une succession employés temporaires (jusqu’à trois cents). de projets : Mais, le “projet” est aussi le premier promo- - “Projet Damergou”, financé par la FAO et la teur immobilier de la localité. Outre ses coopération italienne. Il fut mis en œuvre propres locaux, il a fait construire quelques durant les années quatre-vingt sur l'arrondis- villas pour loger ses cadres. Sur la dizaine sement de Tanout dans son ensemble, ses d’employés ayant acquis des lots sur le nou- objectifs de développement intégré portèrent veau lotissement de Keïta entre 1989 à 1991, aussi bien sur la restauration des sols que sur tous étaient affectés au “projet” ou employés le développement des infrastructures et des par lui. Les acquisitions d’un “entrepreneur” équipements ruraux. ou celles d’une employée de maison et d’un - Projet d'Élevage Niger Centre-Est (PEN- cuisinier sont également à mettre à l’actif des CE), financé par la Banque Mondiale entre revenus tirés du PIK. Par ailleurs, le “projet” 1980 et 1989, avec pour objectif atteint de a entrepris à titre privé l'électrification de la créer six centres de ressources hydrauliques et petite ville. Les effets induits sur le centre sanitaires appelés “centres pastoraux”. sont donc considérables. Ils se ressentent dans - Projet Pastoral Nord Zinder (PPNZ), qui se son dynamisme démographique, considérable proposait de “renforcer les capacités des com-

34. « Par la localisation de leurs principales activités, les opérations de développement renfor- cent la société urbaine ou les ruraux les plus en contact avec la ville. Il est devenu habituel de commencer une opération par une implantation lourde de logements, bureaux, garages qui absorbe le financement pendant une première phase prolongée. Les habitudes anglo- saxonnes de confortables infrastructures s'accordent avec les intérêts du corps administratif local pour justifier une telle pratique. Dans un second temps, l'opération ouvre ses activités par celles qui trouvent place en ville, choix des casiers rizicoles, construction d'abattoirs, aménagement de marchés de bétail, services sociaux, d'alphabétisation, de santé. Au bout de quelques années, l'opération a atteint une telle autosuffisance bureaucratique urbaine que la prise en charge des problèmes ruraux n'est plus envisagée que sous la pression du donateur et la menace du non-renouvellement de financement. Mais une certaine connivence rap- proche trop souvent le donateur de l'administration. Le donateur est ici représenté par une mission d'experts dont les carrières de fonctionnaires internationaux sont favorisées par un déroulement sans complication diplomatique des projets qu'ils supervisent. Dans ces condi- tions, il faut un réel courage pour “empêcher de tourner en rond” » (Gallais, 1984, p. 239)

Grafigéo 1999-7 41 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

munautés dans la gestion du développement ciales. Avec huit députés sur quatre- local” et de “favoriser un processus d'autodé- veloppement en zone pastorale”. Financé par vingt-trois, c'est près de dix pour cent de la coopération française avec l'appui d'ONG, la représentation nationale qui est issue son déroulement était prévu de 1996 à 2001, de ces circonscriptions spéciales ! mais il fut arrêté en 1997, pour cause d'at- taques répétées avec vol de véhicules. Ordonnance nº 92-043 du 22 août 1992 por- Le dernier en date (PPNZ) tenta de se démar- tant code électoral et modifiée et complétée quer de ces prédécesseurs. La prise de distan- par les ordonnances nº 92-059 et nº 92-058 ce fut totale vis-à-vis du “projet Damergou” du 9 décembre 1992 portant fixation et répar- au bilan apparemment catastrophique35, tition des sièges des députés à l'assemblée puisque l'administration du PPNZ à Tanout nationale par circonscription électorale refusa même d'occuper les locaux laissés vacants au voisinage de la sous-préfecture. Ces circonscriptions spéciales consti- En revanche, la filiation avec le PENCE était revendiquée, mais avec l'affirmation d'une tuent en quelque sorte une compensation autre démarche qui reposait sur la responsa- à la cantonalisation pour des groupes bilisation des populations et sur la dimension minoritaires ou de statut servile, qui territoriale et durable du projet qui privilégie furent marginalisés lors de la reconnais- donc la gestion des ressources en eau et en sance coloniale d'autorités coutumières. pâturages. Elles orientent la vie politique vers l'ex- pression de communautés qui ne bénéfi- cient pas du canal coutumier. Mais para- Grandes manœuvres politiques doxalement c'est aussi la porte ouverte autour du local aux circonscriptions électorales explicite- Multipartisme et circonscriptions spé- ment ethniques. ciales pour minorités Une chefferie autonomisée mais mise Le multipartisme une fois reconnu en à l'écart 1991, la législation (Acte nº24/CN du 3 novembre 1991 portant charte des Les nouvelles institutions démocra- partis politiques) puis la constitution sti- tiques du Niger réservent un statut ambi- pulent son caractère obligatoirement non gu à la chefferie coutumière. Celle-ci régionaliste, tout en admettant que les s'autonomise par rapport aux pouvoirs partis puissent œuvrer à « toute entrepri- publics en étant à nouveau élue par un se d'intégration régionale et sous-régio- collège de notables et non plus nommée, nale qui ne porterait pas atteinte aux et son avis est systématiquement requis, intérêts nationaux ». Dans l'attente puisqu'il est prévu que les chefs coutu- d'élections locales qui devaient enraciner miers soient membres des exécutifs des une vie politique d'abord parlementaire, collectivités territoriales avec voix consul- il a été décidé que des circonscriptions tative (sultans, chefs de province, chefs spéciales assurent la représentation de de canton et de groupement pour les groupes minoritaires. Ainsi, en plus des conseils régionaux et départementaux ; sept départements et de la communauté chefs de village, de quartier et de tribu urbaine de Niamey, un arrondissement pour les conseils municipaux). Des événe- (Bilma) et sept postes administratifs ments récents (bagarre rangée impli- (Torodi, Tesker, Tessara, Bermo, quant un député et faisant plusieurs N'Gourti, Bankilaré, Banibangou) sont dizaines de blessés lors de l'élection à la érigés en circonscriptions électorales spé- chefferie coutumière de Loga en août

35. Seuls cinq pompes, deux pistes latéritiques, une friche constituée de quelques locaux vacants et deux panneaux aux abords de la route Zinder-Tanout portent témoignage du déploiement de cet « éléphant blanc » qui en sera resté à sa première phase pour quelques 6 milliards de F CFA.

Grafigéo 1999-7 42 Transition institutionnelle et territoriale

1998) ont d'ailleurs montré que les Conclusion – Une transformation enjeux étaient réels autour du pouvoir profonde mais encore virtuelle du coutumier et que les passions pouvaient système d'administration s'exacerber à l'occasion d'élection. territoriale

Ordonnance nº93-28 du 30 mars 1993, por- tant statut de la chefferie traditionnelle en République du Niger Le recul de l'État s'effectue en fait en Décret nº 93-085/PM/MI du 15 avril 1993 deux temps : désengagement des fonc- portant modalité d'application de l'ordon- tions de maître d'œuvre sur le terrain au nance nº 93-28 profit de la mobilisation des collectivités locales ; contournement de sa fonction de Parallèlement, plusieurs des fonde- médiateur entre bailleurs de fonds et col- ments du pouvoir de la chefferie coutu- lectivités locales. mière sont attaqués, par la présence sys- La démocratisation de la vie publique, tématique (mais non encore effective) de qui se traduit entre 1992 et 1996 par le collectivités territoriales à l'échelle locale, multipartisme et des élections libres au mais aussi par l'affirmation de la pro- niveau national, constitue un aspect priété foncière individuelle en milieu important de la mue de l'État, mais ne rural (l'origine coutumière du droit de s'apparente pas à son recul. propriété est cependant requise en l'ab- sence de droit écrit) L'arrêt brusque de ce processus poli- tique en 1996 ne vient donc en rien Ordonnance nº 93-015 portant principes entraver celui du désengagement admi- d'orientation du code rural nistratif et économique, mais rend Enfin l'impossibilité de cumuler une momentanément caduque les principes charge coutumière avec un mandat de de démocratisation et de décentralisation député36 exclut de fait la chefferie de la affirmés au début de la décennie. La vie politique au niveau national37 (si l'on récente (février 1999) perturbation des exclut la parenthèse du « conseil des élections locales par le pouvoir putschiste sages » instauré après le coup d'État de s’est soldée par l’annulation des élections, 1996 et présidé par le dirigeant de mais ouvre, après l’assassinat d’Ibrahim l'Association des chefs traditionnels du Baré, une nouvelle période politique tou- Niger, décédé récemment), au même titre jours dominée par les militaires... à titre que les militaires, en principe ! transitoire ?

La gouvernance, une notion riche mais potentiellement mystificatrice

La gouvernance, concept anglo-saxon prisé des organismes internationaux, était à l’honneur lors du sommet franco-africain de Ouagadougou. Admirons tout d’abord la performance dans ce cénacle essentiellement francophone où les bailleurs de fonds multilatéraux n’ont pas toujours bonne presse. Fréquemment traduite par gouvernement ou gouvernement local, la gouvernance privilégie en fait la négociation et la mobilisation là où le gouvernement arbitre et impose. La gouvernance est l’art d’articuler les sphères politiques et socio-économiques, en d’autres termes, d’associer à la gestion publique les différents segments de la société civile. On l’aura compris, c’est l’esprit de la gouvernance qui souffle en principe sur les conseils économiques et sociaux, mais leur peu de poids sur les déci- sions politiques et leur notabilisation indique la difficulté de faire triompher cette approche dans le système politique français. Appliquée à l’administration territoriale africaine la notion peut devenir féconde, mais elle peut aussi être particulièrement mystificatrice. Dans le contexte contemporain de décentralisation annon- [suite p. 44] 36. Art. 81 de l'Ordonnance nº 92-043 du 22 août 1992 portant code électoral. 37. Un député élu en 1993 dut démissionner quelques mois plus tard pour occuper, à la mort de son père, la charge de chef de canton à Bouza (dans l'Ader Doutchi).

Grafigéo 1999-7 43 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

[.../...] cée et forcée sur l’ensemble du continent, celle-ci peut prendre des formes variées qui vont d’une simple déconcentration (transfert de pouvoirs vers les représentants et les services extérieurs de l’É- tat au niveau local) à une véritable décentralisation au profit de collectivités territoriales dans le cadre d’une municipalisation intégrale du territoire national. De même, l’invocation de la gouvernance peut recouvrir des réalités contrastées. Prenons deux cas exemplaires, le Ghana et le Niger. Au Ghana, un système original fonctionne depuis 1988, 110 districts disposent d’un conseil aux membres partiellement élus (les deux tiers) et partiellement nommés (un tiers) par l’État, dans le but d’assurer la représentation systématique des partis, des entrepreneurs, des organisations non gou- vernementales nationales…, la direction de ce conseil et des services de l’État étant assurée par un fonctionnaire qui se retrouve chef de l’exécutif. Déconcentration, décentralisation et gouvernance sont donc mêlées dans ce système qui combine différentes traditions administratives et qui satisfait particulièrement la Banque Mondiale. En revanche, la situation nigérienne désespère les bailleurs de fonds et les observateurs, une décentralisation annoncée et exigée par la rébellion touareg se fait toujours attendre. Elle a peu de chance d’être effectivement mise en place, dans la mesure ou l’un des principaux soutiens de l’armée au pouvoir est constitué par la chefferie dite coutumière qui s’oppose farouchement à une décentra- lisation qui déstabiliserait sa position rentière. Si la chefferie conserve partout un rôle très important en tant que médiateur entre l’administration et le monde rural, son crédit politique est loin d’être sans faille et sa capacité à mobiliser l’opinion et les énergies dans les campagnes est souvent hypothétique. Dans un territoire immense et sous encadré, les sultans, chefs de province, chefs de canton, chefs de groupement nomade et chefs de village furent d’abord des auxiliaires précieux de l’administration coloniale qui les avait reconnus et parfois institués. Si les premiers temps de l’indépendance furent marqués par une prise de distance progressive vis-à-vis de la chefferie, celle-ci fit un retour au pre- mier plan après le coup d’État de 1974. Il s’agissait dès lors d’une chefferie aux ordres, dont les pro- cédures de nomination étaient étroitement contrôlées par le pouvoir. La considération pour l’institu- tion était définitivement ébranlée même si son rôle était considérablement renforcé. Rien d’étonnant donc pour qu’à l’heure actuelle les véritables leaders d’opinion dans les campagnes se recrutent davantage parmi les fonctionnaires et les commerçants que chez les chefs coutumiers. Cependant, au nom d’une gouvernance mal comprise ou instrumentalisée par un pouvoir sur la défensive, le primat accordé à la chefferie coutumière serait justifié par la pseudo-africanité de cette institution qui deviendrait ainsi la plus capable d’une bonne gouvernance. C’est toujours au nom de la bonne gou- vernance africanisée que le pouvoir putschiste nigérien a instauré un conseil des sages (nommés) qui prime sur l’assemblée nationale. Gouvernance : attention à la mystification !

UN SYSTÈME URBAIN ÉMERGENT d'évolution ou plutôt de mise place d'un système, il n'avait rien de structurel Avec le système urbain nigérien (Giraut, 1994b). contemporain, c'est la diversification et la Espace partagé entre un immense densification d'une trame urbaine et nord désertique et un sud « utile » réduit l'amorce du phénomène de transition que à l'étroite bande sahélienne, le Niger nous pouvons observer (Bruneau, Giraut apparaît pourtant dans son ensemble et Moriconi, 1994). Cette transition comme un pays de très vieille tradition urbaine se traduit par un gonflement de urbaine, mais où la ville est restée para- la catégorie des villes moyennes qui doxalement, jusque vers l'indépendance, intègre différentes générations de cités, un élément statistiquement marginal. La un ralentissement de la croissance métro- généralisation du fait urbain est donc ici politaine et une explosion du nombre des un phénomène contemporain, et d'ail- petites villes (figure 5). Le schéma leurs plutôt tardif par rapport à bien des macrocéphale opposant une métropole pays de l'Afrique tropicale. Sur un tiers hypertrophiée à un ensemble limité de de siècle environ, le processus peut se villes secondaires stagnantes que rejoi- décomposer en deux périodes bien dis- gnent quelques nouveaux chefs-lieux tinctes. A une première phase d'essor promus est donc dépassé. Simple stade économique lié à la fièvre de l'uranium

Grafigéo 1999-7 44 Transition institutionnelle et territoriale

Figure 5 - Distribution rang-taille des agglomérations en résulte, essentiellement du Niger en 1956, 1977 et 1988 dans le sud, oblitère quelque peu par son ampleur la diversité des facteurs d'émergence et des types de localisation. L'armature urbaine du Niger semble donc finale- ment résulter de l'articula- tion de plusieurs familles de villes (figure 6), celle du fleu- ve, celle de la route, celle de la frontière, sans compter les cités minières ou les simples centres ruraux, chaque ville pouvant d'ailleurs participer à la fois de plusieurs catégo- ries. Il est également possible d'identifier un véritable réseau urbain hiérarchisé en pays haoussa nigérien. Celui-ci étant méridional dans le cadre national, fron- talier et traversé par « la route de l'Unité », on peut penser qu'il est logique, indépendamment du fait culturel, que de nombreux correspond le temps des forts taux de types de villes secondaires y soient repré- croissance urbaine et de l'hypertrophie de sentés ; mais deux éléments, du côté nigé- la capitale. La phase suivante est celle de rien, donnent à penser que cette vaste la crise grave et Figure 6 - Les familles de villes nigériennes prolongée de l'É- tat rentier, elle se traduit par une « informalité gé- néralisée » de l'économie urbai- ne (Lecompte, 1994). A cette phase con- temporaine, cor- respond le temps de la croissance ralentie, et du renforcement relatif des villes moyennes et des petites villes. La densification du semis urbain qui

Grafigéo 1999-7 45 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger région ethnique transnationale constitue tion de la distribution « rang-taille » au un milieu spécifiquement urbanisant. cours de la période, résulte moins d'une D'une part, de grandes villes (Maradi et action concertée des pouvoirs publics que Zinder, elles-mêmes dominées par , de la récession économique qui frappe Katsina et Sokoto, grandes villes haoussa brutalement le pays depuis le début des du Nigeria septentrional avec lesquelles années quatre-vingt. elles sont en relation) dominent l'armatu- La chute des cours de l'uranium, la re régionale (constituée de 32 des 60 contraction des investissements et celle de villes nigériennes en 1988), et d'autre l'aide internationale, ont considérable- part, l'on y trouve plus de la moitié des ment réduit l'activité économique formel- simples centres d'encadrement ruraux du le du Niger, et par là même les revenus pays (8 sur 13 en 1988), qui ne doivent d'un État qui se trouve désormais en ces- pas leur vocation urbaine aux avantages sation de paiement. On comprend que le de localisation précités. temps des « villes nouvelles » à la fois extractives et administratives soit révolu : la dernière, Akokane, date de 1978, et ce L'EFFET CHEF-LIEU N'EST PLUS CE n'est pas le charbon d'Anou Araghène QU'IL ÉTAIT qui est responsable de l'essor récent de Tchirozérine, pas plus que le phosphate Le fléchissement relatif mais général d'Aneker ne soutient le développement de la croissance urbaine accompagne une bien ralenti de Tahoua. Fondée sur l'ex- mutation économique structurelle pro- ploitation artisanale de l'or, la fortune fonde qui voit se substituer partiellement (toute relative et spontanée) de Dogona, différentes activités informelles à l’écono- sur la frontière burkinabé, est l'exception mie urbaine rentière de la décennie qui confirme la règle. Même si les chiffres soixante-dix. De là aussi et surtout la n'en rendent pas toujours bien compte (le fixation partielle des flux migratoires par fort accroissement moyen d'Arlit et un semis de petites villes38 ou de gros Akokane, par exemple, est hérité des der- bourgs associant urbanité et ruralité, et nières années fastes de l'uranium), les qui ménagent à leurs habitants une effets de la crise ont été particulièrement gamme variée de petites activités fondées sévères dans les cités minières du nord et sur leur rôle de marché rural, d'étape dans la capitale, qui concentraient l'es- routière, voire de postes-frontière, tout en sentiel d'un emploi industriel maintenant assurant l'encadrement de terroirs qui en pleine déconfiture. Le commerce offi- restent, en dépit ou à cause de la crise, la ciel et les services ont subi la même base économique primordiale du pays. contraction, et c'est finalement le monde Divers indices témoignent même d'un urbain « moderne » dans son ensemble début d'inversion de l'exode, du haut vers qui a perdu de son attrait39 tandis qu’une le bas de la pyramide urbaine, ce qui ne « informalisation » généralisée de l’éco- peut évidemment que contribuer au ren- nomie se fait sentir (Lecompte, 1994). forcement relatif des petits centres, et à Quoique plus nombreuses qu'avant, les leur multiplication. Ainsi le rééquilibrage villes moyennes échelonnées le long de la contemporain de l'armature urbaine grand-route semblent tirer moins de nigérienne, que traduit fort bien l'évolu- dynamisme désormais de leur fonction

38. Leur nombre a plus que doublé parmi les villes durant la dernière période intercensitaire, passant de 10 à 22. 39. «Du point de vue des services offerts, les villes du Niger, petites ou plus grandes, ne sont plus en mesure de fournir à leurs habitants ou aux ruraux des régions environnantes les services de santé, d’éducation…qu’elles offraient il y a quelques années, diminuant par là même pro- bablement leur caractère attractif » (Lecompte, 1994, p. 119)

Grafigéo 1999-7 46 Transition institutionnelle et territoriale administrative, comme de leur rôle de forces armées nigériennes et groupes carrefour régional. C’est le trafic interna- armés touaregs. tional (légal ou non) qui apparaît à Birni- Dans ce contexte, l'effet chef-lieu n'est N’Konni et ailleurs comme la principale plus ce qu'il était et un décalage apparaît source d'enrichissement. E. Grégoire entre les dynamiques urbaines et les fonc- (1996) révèle d’ailleurs que certaines tions administratives. cités peuvent relever simultanément : L'octroi d'une fonction politico-admi- • d’un « maillage en filet », que structure nistrative à une cité procède d'une double notamment le marché parallèle des logique : d'une part, assurer un maillage changes de part et d’autre de la frontiè- régulier et de plus en plus fin du territoi- re avec le Nigeria, et qui implique toute re (d'abord pour la construction de l'É- une série de localités de tailles contras- tat-nation puis pour le désengagement de tées (Maradi, Zinder, Birni- N’Konni, l’État dans un contexte de crise) et Diffa, Gaya, Dan Issa, Madarounfa, d'autre part, pourvoir en infrastructures Magaria)40 ; et en institutions de gestion (municipali- • d’un « maillage en toile d’araignée » à tés) les centres urbains émergents. Avec partir de Niamey pour la lucrative filiè- sa banalisation et la paralysie financière re des matériaux de construction qui des pouvoirs publics, le fait administratif relie des métropoles nationales devient un facteur d'urbanisation parmi (Abidjan, Kano, Sokoto, Tamanrasset) d'autres, sauf dans les régions largement et implique secondairement quelques sous-urbanisées où il peut toujours être villes de l’intérieur comme point de rup- un des moteurs du décollage urbain. ture de charge (Arlit) ou comme des En fait, de moteur, la promotion places d’écoulement des produits dans administrative est devenue un simple des succursales contrôlées par les enregistreur de la dynamique urbaine. importateurs (Dosso, Tahoua, Tillabery, Toutes les fortunes urbaines lui étaient Maradi) ; liées, même si toutes les promotion ne se • d’un « maillage en chapelet » pour le traduisaient pas par une urbanisation non moins lucratif négoce des cigarettes accélérée (voir notamment le faible effet qui de Cotonou au sud libyen draine des promotions au rang de sous-préfectu- dans son sillage quantité de produits re de cités voisines des principales préfec- depuis l’embargo décrété en 1992 par tures en vertu du principe de non cumul le Conseil de sécurité de l’ONU. La de fonctions pour faciliter l'aménagement réactivation de routes commerciales du territoire). Les croissances les plus sud-nord profite ainsi du côté nigérien fortes des années soixante-dix peuvent aux cités de Gaya, Agadez, Bilma et être corrélées aux fonctions administra- . Il s’agit d’une « petite bouffée tives (Niamey, Diffa) même pour les villes d’oxygène » (sic) pour une ville comme nouvelles basées sur l'industrie extracti- Agadez qui souffre durement du ralen- ve, mais qui ont immédiatement bénéfi- tissement de l’activité, notamment tou- cié de promotions administratives (Arlit, ristique et de transit depuis le déclen- Tchirozerine, Malbaza). Ce n'est pas un chement en 1991 des hostilités entre hasard si 38 petites villes sur 52 ont un

40. « A une hiérarchie de niveaux d’activité des agents de change correspond une hiérarchie des villes. Par le biais des réseaux de cambistes, cette structure verticale est doublée, tant au niveau des acteurs (les grands patrons de change de Kano ont des correspondants au Niger) que des villes par une structure horizontale : chaque ville nigériane a une “jumelle” de l’autre côté de la frontière même si son importance économique n’est pas considérable. Kano a pour pendant Maradi et Zinder, Sokoto et Illéla traitent avec Birni-N'Konni et Maiduguri avec la modeste localité de Diffa. A un niveau moindre, le marché frontalier de Kamba est le pendant de celui de Gaya, Djibya de Dan Issa et Madarounfa, Mai Adoua de Magaria et Damasak de Diffa. » (p. 151)

Grafigéo 1999-7 47 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger rôle d'encadrement territorial qui va de « communes rurales », huit (Keïta, celui de chef-lieu de département (dans Tchintabaradem, Ouallam, Bouza, le cas de Diffa et, depuis 1987, de Dakoro, Tanout, Filingué et Illéla) sont Tillabery) à celui de poste administratif des sous-préfectures promues en 1964, ou commune rurale, le rôle de chef-lieu une (Baleyara) est poste administratif d'arrondissement étant de loin le plus fré- depuis 1971 ; en fait, seules Ibohamane quent. Du reste, 33 des 36 sous-préfec- et Dargol émergent comme simples tures du Niger sont statistiquement des centres ruraux sans aide, ni reconnais- centres urbains en 1988, selon les critères sance administrative. adoptés dans ce travail. La même année, La présence d'une fonction politico- la population moyenne d'un arrondisse- administrative apparaît donc encore ment (celle que « commande » chaque comme un indicateur de la réalité urbai- chef-lieu) est de l'ordre de 200 000 habi- ne, mais l'analyse des corrélations entre tants. Ce sont en grande majorité des dynamiques récentes et promotions ruraux, et en ce sens les petites villes administratives (tableau 2) montre l'inef- jouent le rôle de lieux centraux qui enca- ficacité contemporaine de l'effet chef- drent les terroirs environnants, par leurs lieu. institutions et par leurs services, mais Dans les années quatre-vingt (1977/ aussi parce qu'y sont basés la plupart des 1988), les croissances urbaines les plus multiples projets de développement opé- fortes (7 %) vont aux centres non chef- rant au Niger. Notons en outre la présen- lieux lors de l'indépendance, et ce ne ce dans la liste de 1988 des trois « com- sont pas les nouveaux promus qui explo- munes rurales » de Tibiri, Tamaské et sent, au contraire, puisque les deux caté- Matankari, dont la population dépasse gories qui enregistrent les plus forts taux ou approche les 10 000 habitants, et dont sont : la promotion administrative relative • d'une part les préfectures (7,2 %), (elles ne sont pas devenues des sous-pré- autrement dit les principales villes fectures pour autant) a cette fois suivi, au secondaires du pays que l'on pensait lieu de la précéder, la mutation du rural à court-circuitées par les nouvelles cités l'urbain. Par ce système de convergence, promues en lien direct avec une capita- 11 des 13 petites villes qui ne doivent leur le accaparante. La « résistance » des taille urbaine qu'à leurs fonctions d'enca- préfectures relève en fait des dyna- drement du monde rural, sont des centres miques propres liées à leur base fonc- administratifs : outre les trois nouvelles tionnelle diversifiée ;

Tableau 2 - Dynamique des villes** nigériennes selon leur statut administratif

Statut administratif en 1961 Nombre Population (milliers) Croissance 1977 1988 1977/1988 Aucun * 25 93 195 7,0 % Poste administratif ** 4 22 33 4,1 % Chef-lieu de subdivision 12 61 108 5,3 % Chef-lieu de cercle 15 253 496 6,3 % Capitale (Niamey) 1 225 392 5,2 % Total 57 654 1224 5,9 % Statut administratif en 1977 Nombre Population (milliers) Croissance 1977 1988 1977/1988 Aucun * 15 48 97 6,6 % Poste administratif ** 7 31 47 4,0 % Sous-préfecture 27 174 310 5,4 % Préfecture 7 176 377 7,2 % Capitale (Niamey) 1 225 392 5,2 % Total 57 654 1224 5,9 %

* Village et chef-lieu de canton ** Sauf Gotheye, , Dogona (pas d’informations 1977)

Grafigéo 1999-7 48 Transition institutionnelle et territoriale

• d'autre part, des centres urbains non étatiques et à leurs relais déconcentrés. intégrés dans l'organigramme adminis- Ce ne sont pas les logiques politiques et tratif et dont la dynamique peut être économiques dont elles sont porteuses, ni qualifiée de spontanée dans la mesure les acteurs qui les animent, qui sont com- où elle ne bénéficie pas du renfort des munes aux filières les plus performantes investissements publics. de l'économie africaine contemporaine, mais la nature de leur fonctionnement. Le cas des quatre petites villes (, En effet, ces filières nécessitent toutes Aguié, Gazaoua et Tessaoua) qui s'égrennent sur la route à l'est de Maradi offre une illus- médiation et souplesse. Elles s'appuient tration de l'inefficacité contemporaine du sta- sur différents milieux complémentaires tut administratif pour la dynamique démo- (pour la production, la commercialisation graphique. Tessaoua au nord-ouest avec ses et la circulation) qu'elles valorisent. Le 20 000 habitants en 1988 et ses très an- problème reste celui de l'accès et des dis- ciennes fonctions administratives comme tances-temps induits par un réseau de relais de Maradi (fonctions qui remontent à la période précoloniale et n'ont jamais dispa- transport routier inégalement entretenu rues) connaît le taux de croissance le plus et dont la logique de drainage (totale- faible dans les années quatre-vingt. Les trois ment inappropriée à ces nouveaux cir- autres centres doivent leur taille de 6 à 7 000 cuits) sélectionne les potentialités de posi- habitants en 1988 à des dynamiques : tion. L'observation attentive des - fortes et à peu près équivalentes (5,2 et 5,9% par an) pour Gazaoua et Aguié. La pre- dynamismes urbains laisse apparaître le mière étant poste administratif depuis 1962, poids de la localisation relative aux et la seconde sous-préfecture nouvellement artères routières, et ce aux différents promue (1972) ; niveaux de l'armature urbaine (villes - exceptionnelle (21,3 %) pour Tchadoua, moyennes et nouvelles petites villes). Les simple village administratif, qui doit son positions privilégiées sont celles d’étape dynamisme à la proximité d'une usine de décorticage et à sa position sur la route de sur une grande artère au débouché d'un l'Unité à la périphérie immédiate de Maradi. bassin offreur, ou celles d’intermédiaire et de contact (contact de milieux écolo- Ainsi, l'évolution contemporaine du giques et de régions agricoles ; périphérie réseau urbain nigérien correspond-elle à des grandes agglomérations ; frontière une double transition urbaine : transition politique). morphologique d'une armature urbaine qui accède à la maturité, et transition fonctionnelle avec le passage d'un réseau embryonnaire et externe à un réseau lié à une économie marchande endogène dans La triple mutation économique, insti- le contexte de crise d'une économie ren- tutionnelle et territoriale que révèlent tière. partiellement les transformations du sys- Les réseaux commerciaux contemporains tème urbain, peut être située par rapport reposent très largement sur l'informel et à une transition encore plus globale que s'affranchissent des organisations spa- celles qui affectent le seul système urbain, tiales mises en place dans le cadre des il est possible de parler de transition États. Ils ne peuvent être cependant territoriale majeure. Nous entendons par réduits à l'expression du «désordre et de là : passage d’un territoire national qui se l'incertitude» ou à celle d'«une moderni- construit comme un ensemble de zones sation anarchique particulièrement dan- fonctionnelles, structuré par un réseau de gereuse» (Raison, 1993), sauf à assimiler places centrales, à un territoire national l'organisation transnationale du marché qui se construit (ou se déconstruit) des produits vivriers aux nombreux tra- comme un ensemble de territoires socio- fics et contrebandes, sous prétexte qu'ils économiques, qui s'articulent par cer- échappent conjointement aux contrôles taines filières marchandes. Autrement

Grafigéo 1999-7 49 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger dit, d’une organisation spatiale tournée (systèmes socio-économiques localisés et vers la valorisation des ressources fonc- réseaux marchands). On note en fait un tionnelles (richesses naturelles, pôles changement d'échelle et un changement d’activités et de services), à une valorisa- de nature de la division spatiale du tra- tion des ressources sociales et territoriales vail. Les révélations d’un projet grandiose

Chapitre 2 • Les révélations d’un projet grandiose

PARTIR des années quatre-vingt- Mai 1994 : Commission spéciale chargée de dix, la crise du modèle écono- réfléchir sur le redécoupage administratif mique, institutionnel et territorial (création le 16 mai 1994 par arrêté À n° 0010/MRA/D et installation le 3 janvier de l'État rentier prend des formes parti- 1995). Termes de références initiaux définis culièrement prononcées au Niger. Les en septembre 1993. transitions institutionnelles et territoriales Octobre 1994 : Loi n° 94-028 du 21 octobre doivent nécessairement se traduire par 1994 déterminant les principes fondamen- une réforme du système d’administration taux de la libre administration des arrondis- territoriale, d’autant que de nouvelles sements et des communes, ainsi que leurs contraintes émergent. compétences et leurs ressources Loi n° 94-029 du 21 octobre 1994 détermi- nant le régime de tutelle applicable aux UN PROJET HYPERTROPHIÉ MAIS arrondissements et communes RÉVÉLATEUR Il s’agit d’un cadre législatif sur l’administration territoriale décentralisée censé se substituer aux lois 64-023, 65-005, 65-006, L’impératif de réforme 66-105 sur l’organisation et l’administration des communes et des arrondissements. Cepen- dant il s’agit d’une réforme inachevée sur le La démarche de réforme globale du plan des textes car n’ont pas été adoptés le système d’administration territoriale projet de loi sur la répartition des compétences s’engage en 1993. entre l’État et les collectivités locales, et les projets de décrets sur le régime de tutelle et les Avril 1993 : discours de politique générale du attributions des représentants de l’État. premier premier ministre d’après « la transi- Un nouveau dispositif législatif organisant la tion” réaffirmant la mise en œuvre du principe décentralisation en intégrant la régionalisa- constitutionnel de décentralisation, avec comme tion est adopté début 1996 quelques semai- objectif le rapprochement de l'administration nes après le coup d'État militaire. En attente des administrés et l'autodéveloppement, ou de décrets d’application et de calendrier élec- prise en charge du développement à la base par toral, il reste lettre morte. une participation active. Création ministère de la réforme administrative. Février 1996 : Loi nº 96-005 du 06 février

Grafigéo 1999-7 51 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

1996 portant création de circonscriptions s’engage à créer des collectivités territo- administratives et de collectivités territo- riales régionales. Il s’agit là d’une obliga- riales. tion supplémentaire que doit intégrer le Loi nº 96-006 du 06 février 1996 détermi- processus de décentralisation. nant les principes fondamentaux de la libre administration des arrondissements et des Épilogue, la fossilisation ? communes, ainsi que leurs compétences et leurs ressources. 27 janvier 1996 : Coup d'État militaire, mené Fin 1998 : nouveau dispositif législatif sur par le colonel Ibrahim Baré Maïnassara. l'administration territoriale renonçant au Institution d'un Conseil de salut national redécoupage et transformant les départe- (CSN) de 10 membres. ments en régions (collectivités territoriales élues), les arrondissements en départements Projet de constitution approuvé par référen- (circonscriptions administratives), l'ensemble dum le 12 mai 1996 des chefs-lieux d'arrondissement en com- 7-8 juillet 1996 : élections présidentielles et munes (collectivités territoriales élues) et la “putsch électoral” (suppression de la com- communauté urbaine de Niamey en collecti- mission électorale indépendante pendant le vité territoriale élue. scrutin) qui débouche sur la proclamation de la victoire de Ibrahim Baré Maïnassara. Au début des années quatre-vingt-dix, cette réforme semble alors impérative car Après plusieurs reports des élections locales ont lieu en février 1999 ; perturbées par les viennent s’ajouter au nécessaire désenga- militaires, elles sont finalement annulées par gement de l'État et à la mobilisation sys- le nouveau pouvoir installé après l’exécution tématique des acteurs locaux et de la d’Ibrahim Baré Maïnassara en mars 1999. société civile, les revendications majori- taires de démocratisation et de libéralisa- À objectifs multiples... usine à Gaz tion de la vie publique locale : La réforme engagée sous pressions 1991 : Conférence nationale souveraine, puis multiples et mise entre parenthèse, sera transition et début d’un processus électoral devant déboucher dans un second temps sur donc complexe, puisqu’elle doit aboutir à des élections locales une décentralisation reposant conjointe- ment sur la municipalisation (figures 7 et Mars 1993 : premières élections pluralistes remportées par Mahamane Ousmane à la tête 8) et la régionalisation (figures 9 et 10). d'une coalition d'opposition Le résultat final (textes de loi et projets de redécoupages) laisse penser que Janvier 1995 : élections législatives anticipées d’autres objectifs sont venus se greffer à Les bailleurs de fonds internationaux ces exigences politiques et économiques, font écho à ces revendications en exigeant comme le reflète également la doctrine de des mesures de décentralisation (élection, la CSCRRA en matière de redécoupage. tutelle a posteriori, modification de la fis- calité locale). C’est notamment le cas pour « Pourquoi le redécoupage ? » les centres urbains potentiellement concer- Rapport général intérimaire CSCRRA nés par un premier projet urbain du Niger 20 mars 1995 envisagé par la Banque mondiale depuis Les principales préoccupations qui sous-ten- l992, ou encore pour les communes ou dent le redécoupage actuel sont : cités engagées dans un jumelage/coopéra- • rapprocher l'administration des administrés tion dont l’officialisation est conditionnée à au regard des distances parfois considérables la tenue d’élection (Orsay/Dogondoutchi pour un encadrement plus efficace des popula- et Mirriah/Yazoo (EU) notamment). tions ; Par ailleurs, avec les accords de paix • réduire la surcharge de certaines structures dues à la forte concentration des populations du 9 octobre et du 24 avril 1995 entre portant préjudice à la satisfaction de leurs l’Organisation de la Rébellion Armée et le besoins et à la promotion de leur participation ; gouvernement du Niger, l'État nigérien [.../...]

Grafigéo 1999-7 52 Les révélations d’un projet grandiose

[.../...] • tenir compte des réalités du pays dans sa la création d'un échelon intermédiaire de double dimension sédentaire et pastorale dans déconcentration (l'arrondissement) (fi- le contexte nouveau de démocratie ; gure 11) regroupant quelques communes • favoriser l'intégration des populations à tra- (de 2 à 5). Outre l'impossibilité logistique vers la reconnaissance du droit à chacun de d'assurer une présence de l'État dans un résider dans le cadre approprié à son épanouis- maillage aussi fin, cela apparaît nécessai- sement ; re pour garantir le transfert de charges • créer des pôles homogènes de développement vers les collectivités locales seules interlo- économique, social et culturel ; 2 • viabiliser l'espace nigérien au regard des cutrices des populations à l'échelon local . potentialités dont il regorge. La volonté de l'État de ne pas se lais- Tels sont les objectifs du redécoupage et cela ser marginaliser par l’instauration de col- dans le but d'assurer le développement du pays lectivités territoriales au niveau régional par la base. Cette démarche met au centre des peut par ailleurs expliquer l’instauration préoccupations, l'homme, seule ressource inta- d’un quatrième niveau. Il s’agit du dépar- rissable, qu'il faut libérer, responsabiliser, tement, subdivision des régions qui serait encadrer en vue de stimuler son initiative, son à la fois un niveau de déconcentration adhésion son engagement et cela, où qu'il se trouve sur le territoire national. (figure 12) et de décentralisation (figure 13) et qui bénéficierait de l’attri- La réforme inévitable et imposée bution de « blocs de compétences » en apparaît en fait pour l'État comme une toute indépendance vis à vis des régions opportunité pour reprendre l'initiative et (il est cependant « chargé de la mise en s'insérer dans un dispositif nouveau qui œuvre et de la coordination des pro- lui échappait1. Dès lors deux objectifs grammes de développement définis par supplémentaires sont assignés à la réfor- la région » Art. 2 de la loi nº 96 006). me par les pouvoirs publics : Un dispositif à quatre niveaux emboî- • ne pas simplement subir la mise en tés (trois de décentralisation et trois de place d’un nouveau jeu institutionnel déconcentration) qui aurait comme dans lequel l'État et ses services caractéristique de satisfaire aux exigences seraient marginalisés au profit des col- de décentralisation tout en saupoudrant lectivités territoriales et de leurs parte- les pouvoirs sur trois niveaux de collecti- naires internationaux ; vités territoriales indépendantes et en • adapter l'appareil administratif et ses assurant une présence de l'État comme cartes aux nouvelles configurations coordinateur nécessaire entre ces éche- spatiales. lons (avec notamment un «gouverneur» de région, un préfet de département et un Les poupées russes sous-préfet d'arrondissement). Le dispositif institutionnel apparaît Reprendre l'initiative pour l'État et ses donc pour finir en tous points conforme à services, cela peut vouloir dire encadrer et celui du modèle contemporain de l’an- appuyer l'action municipale tout en évi- cienne puissance coloniale, mais sa genè- tant la cohabitation entre instances com- se peut s’expliquer par un ensemble de munales et représentants de l'État, d'où contraintes internes.

1. « Le contexte de démocratie et d'État de droit qui caractérise aujourd'hui le Niger, constitue un cadre logique à la mise en œuvre d'une politique concertée de développement national où la base doit jouer un rôle déterminant. Ainsi le développement à la base, sous le contrôle vigi- lant d'un État lui même à réformer, paraît la meilleure voie à dynamiser avec plus de volon- té pour la relance et la poursuite du développement économique, social, culturel et politique du pays. » (CSCRRA, rapport final, janvier 1996, p. 3) 2. «La commune est chargée des intérêts communaux. Elle assure les services publics répondant aux besoins de la population et qui ne relèvent pas, par leur nature ou leur importance, de l'État. » Art. 3 de la loi 96 006.

Grafigéo 1999-7 53 Grafigéo 1999-7 Grafigéo

Figure 7 - Organigramme type commune rurale Figure 9 - Organigramme type région (structure déconcentrée) main permetdesedoterd'un appareil de étant ignorés.L'achatd'une usinecléen le cheminement,lesdétours deproduction autre société.Seulleproduit finalestacquis, cessus demiseenœuvre réalisédansune importe estunbienfini,issud'unlongpro- logique. Leproduit administratifquel'on appropriation desasignificationet a acquisitiondel'image,maisrarement « Lemimétismeadministratifsignifiequ'ily (structure décentralisée)

CONSEIL Commissions PRÉFET MUNICIPAL techniques Secrétaire Particulier

MAIRE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL

Pool/BureauO./Doc Pool Doc/B.O. Retour durefoulé eteffet chef-lieu

Premier Deuxième Figures 7à10(commune etrégion) Direction Adjoint Adjoint Direction Direction Affaires Développement Administrative sociales Régional et et Financière et culturelles Amgt./Territoire

Service Service Service Service Service Services Techniques État civil Ordon. & Affaires Gén. assistance développt Déconcentrés & Populal. Compta. & Techniques sociale

Figure 10 - Organigramme type région (structure décentralisée) conforme àlaréférence, mais elletombe aussi justetantleproduit apparaît

La critiquen'apeut-être jamais été Figure 8 - Organigramme type commune urbaine (structure décentralisée)

irlscnrits Dro,19,p 179 fier lescontraintes.»(Darbon,1991,p. duction del'usineelle-mêmeoud'enmodi- aucun casdemaîtriserlatechnologiepro- cole préétablietstrictementdélimité,maisen production debiensdanslecadre d'unproto- CONSEIL Commissions RÉGIONAL techniques

CONSEIL Commissions MUNICIPAL techniques PRÉSIDENT CONSEIL RÉGIONAL

MAIRE Secrétaire particulier

Premier Deuxième Premier Deuxième Adjoint Adjoint V/PCD V/PCD

Secrétaire Général Secrétaire Général Pool/B.O./Doc. Pool/Doc/BureauO.

Service Service Service Service Service Service Division Division Division État civil Ordon. Affaires t assistance Division technique développ Administ. Développt Société et & Populal. & Compt. Administ. sociale financière juridique et A/T Culture 5 ) 4 Les révélations d’un projet grandiose

Figures 11 à 13 (arrondissement et département)

Figure 12 - Organigramme type département (structure déconcentrée)

PRÉFET

Secrétaire Particulier SECRÉTAIRE GÉNÉRAL

Pool/BureauO./Doc

Direction Direction du Figure 11 - Organigramme type arrondissement (structure déconcentrée) Administrati Dévelop- ve et Finan- pement cière SOUS-PRÉFET Service Social Services Études Service et Administratif Programmation SECRÉTAIRE GÉNÉRAL Service État civil et population Service suivi et Pool/BureauO./Doc Service Financier Évaluation

Services Extérieurs Déconcentrés

Figure 13 - Organigramme type département (structure décentralisée) Service Service Service Administratif Réglementation Développement et Comptable CONSEIL Commissions DÉPARTEMENTAL techniques

PRÉSIDENT CONSEIL DÉPARTEMENTAL Services Extérieurs Déconcentrés Secrétaire particulier

Premier Deuxième V/PCD V/PCD

Secrétaire Général

Pool/Doc/BureauO.

Division Division Division Division Administ. Société et financière Développt juridique Culture aussi partiellement car le protocole est Parallèlement, l'objectif politique et original et le résultat est légitimé par la économique de la participation et de la prise en compte des contraintes spéci- mobilisation de l'ensemble des forma- fiques : satisfaire les exigences de démo- tions sociales locales et régionales cratisation, tout en assurant le maintien implique également la recherche systé- de l'État postcolonial, et son désengage- matique ou la prise en compte de « l'his- ment au profit de collectivités issues de toricité des terroirs », selon l'expression terroirs à l'historicité reconnue. de J.-F. Bayart.

A la recherche de l'optimum territorial Enfin, l'objectif de rationalisation de la carte des entités politico-administra- Les objectifs et les contraintes poli- tives à des fins d'aménagement du terri- tiques que l'on vient d'évoquer aboutis- toire implique également la prise en sent à un projet qui identifie quatre compte des critères d'accessibilité aux niveaux d'administration territoriale, chefs-lieux conçus comme des centres de dont le dernier s'inscrit fatalement dans services et des pôles d'activités aux diffé- un maillage très fin du territoire. rentes échelles emboîtées.

Grafigéo 1999-7 55 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Pour accentuer les vertus d'un système bleau 4). Ainsi le minimum requis de emboîté, la Commission décide du princi- deux communes par arrondissement, de pe de non cumul des fonctions de chef- deux arrondissements par département et lieu, autrement dit un chef-lieu de région, de deux départements par région est réaf- de département ou d'arrondissement ne firmé, mais les plafonds sont revus à la peut être également celui d'une maille de hausse. Surtout de nouveaux critères enri- niveau inférieur. chissent la grille : L'ensemble des critères évoqués est « • valeurs et dénominations socio-cultu- repris dans la doctrine de la Commission relles et historiques ; (voir encadré ci-contre et le tableau 3) • accès à une frontière internationale ; Les normes retenues initialement se • écologie ; sont vues précisées après les premiers tra- • viabilité économique en terme de vaux sur le terrain en juin 1995 (ta- potentialités économiques. »

Tableaux 3 et 4 - Classification des critères (mars 1995 et janvier 1996)

Département Région Commune Arrondissement Zones Commune rurale 2 à 5 arrondis- 2 à 6 urbaine (2 à 6 communes) sements départements • Population • Consentement • superficie ≥ 1000 habitants • Distance • distance (75 km • Consentement • Limites des de rayon) ZONE PASTORALE • Superficie collectivités • population • Limites des coutumières • limites des • Homogénéité collectivités • Population collectivités dans des grands coutumières ≥ 400 habitants coutumières • • Population ensembles Distance (25 à • géographiques, 30 km de Superficie • économiques et • Population rayon) Limites des • humains ≥ 5000 habitants Limites des • collectivités Population • Limites des • collectivités • coutumières Superficie Superficie collectivités • coutumières • ZONE AGRICOLE Distance <5km • Limites des coutumières • Population Consentement ≥ collectivités • 2000 habitants coutumières Limites des • ≤ Distance 10 km nombre de collectivités • coutumières Superficie villages, cantons, groupements

Source : CSCRRA : Rapport général intermédiaire, 20 mars 1995

Zones Commune rurale Commune urbaine Arrondissement Département Région (2 à 10 communes) (2 à 5 arrondissements) (2 à 5 départements) • • regroupement de regroupement de • homogénéité dans villages de 800 villages de 2000 • superficie de grands hab. au moins hab. au moins • • distance (75km population ensembles • rayon de 75 km • rayon 40 km au • de rayon) superficie géographiques, au plus plus • • population respect limites économiques et • village centre de • village centre de humains ZONE PASTORALE • respect limites des collectivités 200 hab. au moins 600 hab. au moins • des collectivités coutumières respect limites • consentement • consentement • coutumières nombre d’arron- des collectivités des populations des populations coutumières • nombre de dissements • respect limites • respect limites • communes nombre de des collectivités des collectivités départements coutumières coutumières • regroupement de • regroupement de • villages de 5000 villages de 10.000 • distance (25km homogénéité dans de grands hab. au moins hab. au moins de rayon) • population • • • ensembles rayon de 15 km rayon 10 km au population • superficie • géographiques, au plus plus respect limites • respect limites • village centre de • village centre de des collectivités économiques et ZONE AGRICOLE des collectivités humains 2000 hab. au 5000 hab. au coutumières coutumières • moins moins • nombre de • respect limites nombre d’arron- des collectivités • consentement • consentement villages, cantons, dissements coutumières des populations des populations groupements • nombre de • - respect limites • respect limites • nombre de départements des collectivités des collectivités communes coutumières coutumières

Source : CSCRRA, rapport final, janvier 1996

Grafigéo 1999-7 56 Les révélations d’un projet grandiose

Comment faire le redécoupage ? qui intégrerait ordre historico-naturel et Rapport général intérimaire CSCRRA ordre fonctionnel3. Mais avec une certai- 20 mars 1995 ne lucidité et une certaine humilité, la « A la lumière des objectifs cités, la Commission Commission, comme inspirée par un géo- a retenu sept critères principaux : graphe avisé4, admet que ces différents • l'homogénéité dans les grands ensembles géo- critères ne sont pas toujours conciliables graphiques, économiques et humains ; et que des consultations et des arbitrages • le respect des limites des collectivités coutu- devront être rendus. mières (villages, cantons, groupements) ; • la superficie et la topographie ; La prolifération • la population : mais ce critère est fonction du caractère sédentaire ou pastoral de la zone Il découle de ce processus un très considérée. Il est d'utilisation moins rigoureuse ambitieux projet de redécoupage admi- dans la zone pastorale vaste et peu peuplée ; nistratif présenté par le Haut- • le nombre de villages, tribus, groupements et Commissariat à la réforme administrati- cantons, notamment dans la détermination des ve et à la décentralisation en mars 1996, communes ; à l’issue des travaux de la CSCRRA. Ce • la distance : éviter de créer des centres admi- redécoupage prévoit la création de très nistratifs trop distants. Par ce critère, il est nombreuses collectivités territoriales recherché le rapprochement et le bénéfice des emboîtées5 en trois niveaux (14 régions ; équipements et services publics par les popula- 55 départements ; 774 communes, dont tions ; 156 urbaines) au sein desquels vient s’in- • le consentement des populations dans des cas tercaler un niveau de déconcentration spécifiques en rapport avec la liberté de rési- (155 arrondissements) (tableau 6). dence. » On assiste donc à une prolifération des mailles à chaque échelon comme en La démarche s'apparente donc à la attestent le tableau 5 et la figure 14, où recherche d'un « optimum territorial » l'on constate la rupture que représente-

3. Ce qui n'est pas sans rappeler le processus de cantonalisation entrepris par le pouvoir colo- nial au début du siècle, ou dans un tout autre contexte, celui de la recherche des pays dans la France contemporaine. 4. « La netteté des découpages proposés, soit par la carte administrative des États, soit par les ouvrages des géographes, ne doivent pas faire illusion. Les coupures établies ou proposées résultent d'un choix entre plusieurs formules également justifiées, et ce choix est infléchi, en définitive, moins par la nature des choses, qui se prête à un grand nombre de combinaisons différentes, que par les idées, les intentions ou les objectifs de ceux qui en ont eu l'initiative […] Cette difficulté à cerner des régions incontestables tient, pour une part, à la superposition de structures discordantes, les unes héritées du passé, les autres en cours d'élaboration autour des villes modernes et des axes de communication servant au développement. Le remodelage de la carte administrative des États procède en partie, précisément, d'un effort pour diviser l'espace en conformité avec les points forts et les lignes maîtresses de l'économie moderne, à mesure que s'affirme leur emprise sur la géographie, tandis que diminue celle des facteurs de régionalisation traditionnels. Dans bien des cas cependant, l'indécision se manifeste même au niveau de ces derniers. Deux sortes de discordances ouvrent la voie à une variété d'options. Des discordances de configuration tout d'abord : les aspects à prendre en considération, milieu naturel, densité de population, système agricole, etc., ne se recouvrent pas ; les limites corres- pondantes sont décalées les unes par rapport aux autres, ou se chevauchent. Les discordances d'échelle ne sont pas moins gênantes. Il est souvent possible, à l'aide des faits traditionnels, de définir des espaces de taille inégale, emboîtés ou étroitement imbriqués, entre lesquels on hési- te : les espaces juxtaposés dans la région maximale sont à la fois suffisamment semblables (ou soudés par un facteur d'organisation commun) pour mériter d'être réunis, et suffisamment dif- férents pour que chacun fasse figure de région. » (Sautter, 1968) 5. Ces propositions finales (janvier 1996) sont pourtant en deçà des premières propositions de la Commission (juin 1995) qui annonçait : 58 départements, 171 arrondissements et, au niveau local plus de 1000 communes avec : 3 communautés urbaines (les agglomérations de plus de 100 000 hab. : Niamey, Maradi et Zinder), 166 communes urbaines (dont 5 pour Niamey et 3 pour Maradi et Zinder), 644 communes rurales et 359 communes indéterminées !

Grafigéo 1999-7 57 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Tableau 5 - Correspondance des niveaux de circonscriptions administratives

Niveau 1961 1997 Projet 1996 Canton (128) et Canton (128) et 4 groupement (54) groupement (54) Commune (774) 3 Poste administratif (7) Postes ad. (27) et com. rur. (3) Arrondissement (155) 2 Subdivision (27) Arrondissement (36) Département (55) 1 Cercle (16) Département (8) Région (14)

Tableau 6 - Nombre de départements, arrondissements et communes par région proposée

Communes N° Régions Nb. départ. Nb. arrond. Urbaines Rurales Tout compris 1ADDER MAGGIA 6 22 31 70 101 2AIR 5 13113748 3AREWA 3 9 64349 4AZAWAK 4 14153550 5DALLOL TAPOA 5 13145165 6DOSSO 3 10 9 55 64 7FLEUVE 6 15196281 8GOBIR 4 11 9 63 72 9 KATSINA 3 8 12 50 62 10 KAWAR 2 0336 11 LAC 3 7 52530 12 MANGARI 4 10 6 44 50 13 ZINDER 7 23118091 14 CUN 0 0505 Total 55 155 156 618 774

Figure 14 - Circonscriptions administra- tives héritées, actuelles et proposées 1,8 million pour Zinder. Le redécoupage en 13 régions aboutit à un gabarit moyen de 650 000 habitants, et des écarts im- pressionnants entre Zinder et ses 1,5 mil- lion et le Kawar peuplé de 11 000 ha- bitants ! Compte tenu des écarts de densité, les différences de superficie sont également impressionnantes : taille 160 moyenne d'un peu moins de 100 000 km2 120 et rapport de 1 à 20 entre le Katsina et l'Aïr. Les gabarits moyens des nouveaux 80 départements, arrondissements et com- nombre munes seraient respectivement d'environ 40 Proj 150 000, 50 000 et 11 000 habitants et de (199 23 000, 8 000 et 1700 km2. Pour rait ce projet par rapport à la relative sta- atteindre dans la nouvelle région de bilité des maillages hérités de la période Zinder : 220 000, 67 000 et 17 000 habi- coloniale. tants, et 6 500, 2 000 et 500 km2. On constaterait donc une division par cinq de Maillage fin et hétérogène et multiplica- la taille de la maille chargée d’assurer la tion des chefs-lieux présence de l’État à l’échelle locale sur l’ensemble du territoire (dénommée Des mailles plus fines apparaissent à arrondissement dans l’actuel système tous les échelons. Si l'on exclut l'agglomé- d’administration territoriale, ainsi que ration niaméenne, le gabarit moyen d'un dans le projet). département actuel est d'environ 1,2 mil- La multiplication des mailles et le lion d'habitants, avec un maximum de principe de non cumul des fonctions de

Grafigéo 1999-7 58 Les révélations d’un projet grandiose chef-lieu aboutiraient à la promotion de nouvelle région du Fleuve disposerait très nombreuses agglomérations dans d'un maillage de centres urbains suffi- l'organigramme de l'administration sant pour échapper à cette règle (cf. territoriale (cf. tableau 7 et cartes 10 et tableau 8). A l'échelon départemental, 11) : 168 promotions toutes catégories certaines régions particulièrement sous- confondues hors communes, 4 régres- urbanisées (comme celle du Mangari) sions et 46 maintiens, alors que depuis la verraient encore des communes rurales fin de la période coloniale seules 27 pro- accéder au statut de préfecture (cf. motions ont été enregistrées pour tableau 9). 7 régressions ! Tableau 7 - Promotions et régressions administratives des centres DynamiqueProposition Dynamique Statut en 1961 Statut actuel Statut actuel nb CSCRRA nb Néant Commune > 44 Néant Poste adm. ou com. rur. > 19 Néant Chef-lieu d’arrondissement > 13 Néant Sous-préfecture >> 6 Néant Chef-lieu de département >> 14 Néant Préfecture >> 1 Néant Chef-lieu de région >> 1

Poste administratif Commune <2 Poste administratif Poste administratif =8 Poste adm. ou com. rur Chef-lieu d’arrondissement =13 Poste administratif Sous-préfecture > 1 Poste adm. ou com. rur Chef-lieu de département > 12 Poste adm. ou com. rur Chef-lieu de région >>

Chef-lieu de subdivision Sous-préfecture =15 Sous-préfecture Chef-lieu d’arrondissement <1 Sous-préfecture Chef-lieu de département =26 Sous-préfecture Chef-lieu de région >> 5 Chef-lieu de cercle Sous-préfecture <9 Chef-lieu de cercle Préfecture =7 Préfecture Chef-lieu de département <1 Préfecture Chef-lieu de région =7 Le passage de 74 à 224 chefs-lieux de Un dispositif institutionnel délirant ? circonscriptions administratives supra- communales traduit la promotion massi- Le coût d'installation et de fonctionne- ve que provoquerait la mise en place de ment et les moyens humains nécessaires à ce projet. Une conséquence de cette pro- la mise en œuvre d'un tel système peuvent motion serait alors l'intégration dans apparaître faramineux : l'estimation des l'organigramme administratif de nom- coûts de mise en place de l'ensemble des breux centres non urbains, puisque entités faite par la Commission (cf. tableau seules 60 agglomérations pouvaient être 10) approche les 140 milliards de F CFA, qualifiées d'urbaines en 1988 (Bruneau, soit près de 15 % du PIB national. Son Giraut et Moriconi, 1994). Ainsi, une application intégrale est donc hypothé- grande majorité des chefs-lieux d'arron- tique, voire impossible. Une mise en place dissement serait constituée de communes progressive est donc envisagée par la rurales, n'ayant pas encore franchies le Commission (conformément à sa mission seuil dimensionnel de l'urbain. Seule la précisée dans l’arrêté de création) qui pro- Tableau 8 - Fonction municipale des chefs-lieux pose trois scéna- d’arrondissement proposés rii, dont aucun ne reprend la Zinder Mangari Dalol Tapoa Fleuve NIGER totalité du dispo- Chef-lieu de commune rurale 16 8 6 4 81 Chef-lieu de commune urbaine 4 2 7 7 59 sitif (cf. tableau Non chef-lieu de commune 1 0 0 4 4 11), mais dont Tableau 9 - Fonction municipale des chefs-lieux les coûts d'ins- de département proposés tallation avoisi- nent tout de Zinder Mangari Dalol Tapoa Fleuve NIGER Chef-lieu de commune rurale 0 2 0 0 4 même les 100 Chef-lieu de commune urbaine 6 2 5 5 47 milliards Non chef-lieu de commune 1 0 0 0 1 de F CFA. Les

Grafigéo 1999-7 59

Tableau 10 - Synoptique des coûts globaux pour la mise en œuvre de la décentralisation Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Capitale d'Etat Préfecture N Sous-Préfecture Poste Administratif

Progression Maintien Régression Limite départementale Limite d'arrondissement

Sources : Hentgen, 1964 Ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire

0 200 km

Carte 10 - Promotions et régressions des chefs-lieux entre 1961 et 1992

Capitale d'Etat N Chef-lieu de région Chef-lieu de département Progression Maintien Régression Limite régionale Limite d'arrondissement

Sources : Ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire Haut Commissariat à la Réforme Administrative et à la Décentralisation

0 200 km

Carte 11 - Promotions et régressions des chefs-lieux dans la proposition de redécoupage administratif CSCRRA (Janvier 1996)

Grafigéo 1999-7 60 Les révélations d’un projet grandiose

Tableau 10 - Coûts globaux pour la mise en œuvre de la décentralisation

Coûts d’installation (en franc CFA) AIRE Région Département Arrondissement Commune urbaine Commune rurale Total zone GÉOGRAPHIQUE Nb Coût total Nb Coût total Nb Coût total Nb Coût total Nb Coût total Nb Coût total

ADER MAGGIA 1 53 045 000,00 6 1 983 300 000,00 22 5 857 370 000,00 31 2 074 540 000,00 70 3 040 210 000,00 130 13 008 465 000,00

AIR 1 51 845 000,00 5 3 317 335 000,00 13 3 742 155 000,00 11 777 740 000,00 37 2 534 405 000,00 67 10 423 480 000,00 AREWA 1 709 020 000,00 3 2 361 455 000,00 9 2 559 615 000,00 6 278 140 000,00 43 2 106 055 000,00 62 8 014 285 000,00 AZAWAK 1 2 816 930 000,00 4 4 073 940 000,00 14 4 138 890 000,00 15 1 545 900 000,00 36 2 802 869 000,00 70 15 378 529 000,00 DALLOL TAPOA 1 4 011 275 000,00 5 2 584 095 000,00 13 3 539 955 000,00 14 850 100 000,00 51 2 595 935 000,00 84 13 581 360 000,00 DOSSO 1 53 545 000,00 3 1 357 370 000,00 10 2 551 950 000,00 9 650 340 000,00 55 2 191 365 000,00 78 6 804 570 000,00 FLEUVE 1 1 959 875 000,00 6 4 615 325 000,00 15 4 273 425 000,00 19 1 438 735 000,00 62 3 190 790 000,00 103 15 478 150 000,00

GOBIR 1 4 011 275 000,00 4 1 578 270 000,00 11 3 150 885 000,00 9 378 450 000,00 63 2 876 695 000,00 88 11 995 575 000,00 KATSINA 1 53 045 000,00 3 488 575 000,00 8 2 061 780 000,00 12 678 770 000,00 50 2 286 865 000,00 74 5 569 035 000,00 KAWAR 1 2 918 895 000,00 2 2 393 780 000,00 0 0,00 3 171 440 000,00 3 169 155 000,00 9 5 653 270 000,00 LAC 1 2 414 635 000,00 3 1 889 950 000,00 7 1 948 390 000,00 5 288 440 000,00 25 1 380 145 000,00 41 7 921 560 000,00 MANGARI 1 2 816 930 000,00 4 3 016 430 000,00 10 2 956 350 000,00 6 326 400 000,00 44 2 504 200 000,00 65 11 710 310 000,00 ZINDER 1 53 045 000,00 7 3 090 140 000,00 23 5 998 770 000,00 11 468 160 000,00 79 2 905 110 000,00 121 12 515 225 000,00

CUN 1 0,00 0 0,00 0 0,00 0 0,00 0 0,00 0 0,00

TOTAUX 14 21 923 360 000,00 55 32 839 965 000,00 155 42 779 535 000,00 151 9 927 155 000,00 618 30 583 799 000,00 992 138 053 814 000,00

Source : CSCRRA N.B. : Dans ce tableau, ne sont pas pris en compte les coûts de la CUN.

Tableau 11 - Estimation des coûts des scénarii

RUBRIQUE SCÉNARIO 1 SCÉNARIO 2 SCÉNARIO 3 Nombre de régions à créer 13 13 13 Nombre de départements à créer 55 55 55 Nombre d’arrondissements à créer 155 155 --- Nombre de communes urbaines à créer 70 106 156 Nombre de communes rurales à créer --- 100 617 Coût d’installation des régions 21 923 360 000 F 21 923 360 000 F 21 923 360 000 F Coût d’installation des départements 32 699 965 000 F 32 699 965 000 F 32 669 965 000 F Coût d’installation des arrondissements 42 779 535 000 F 42 779 535 000 F --- Coût d’installation des communes urbaines 1 831 750 000 F } 9 927 155 000 F } 8 787 160 000 F Coût d’installation des communes rurales --- } 30 527 354.000 F Coût total de la mise en œuvre 99 234 610 000 F 106 190 020 000 F 95 077 834 000 F Source : CSCRRA N.B. : Dans ce tableau, ne sont pas pris en compte les coûts de la Communauté Urbaine de Niamey. régions et les départements apparaissent redécoupage au profit d'une transforma- dans tous les cas, mais seule une partie tion d'entités existantes (les départe- des communes serait installée dans l'hy- ments) en régions (collectivités territo- pothèse de la mise en place des arrondis- riales élues) et de l'érection en commune sements. de l'ensemble des chefs-lieux d'arrondis- Par ailleurs, le directeur de cabinet du sements (transformés à l'occasion en Premier ministre indiquait en mai 1995 départements, simples circonscriptions qu’une mise en place rapide de munici- administratives). palités élues (Niamey avec éventuelle- Il apparaît donc clairement que le pro- ment les grandes villes, voir même l’en- jet dans sa globalité tient compte de l'en- semble des communes urbaines actuelles) semble des engagements des pouvoirs était envisageable. Cela semblait signaler publics et se veut idéal en matière d'amé- que la question de la municipalisation de nagement et d'administration du territoi- la gestion urbaine pouvait être dissociée re. Il constitue en fait un objectif à long de celle du redécoupage et de la régiona- terme. C'est en tant que tel qu'il nous lisation, ou constituer une première phase intéresse car, à travers ses présupposés, du projet de décentralisation (Giraut, ses propositions et les réactions qu'il a 1995b). Le tout nouveau dispositif légis- engendrées et éventuellement enregis- latif (fin 1998) concrétise ce report du trées, il révèle des représentations et des

Grafigéo 1999-7 61 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger structures à l'œuvre, parfois de manière groupe ethnique, et le rétrécissement du sous-jacente. Certaines sont consensuelles ressort des principales villes secondaires et d'autres entrent en conflit et font l'ob- ou métropoles régionales (Maradi, jet de rapports de force. Zinder, Agadez). Le découpage proposé est surtout basé sur des entités sociales relevant de formations politiques histo- MOBILISATION COMMUNAUTAIRES riques : des provinces historiques en À GÉOMÉTRIE VARIABLE quelque sorte. C'est en fait le second niveau de clivage politique précolonial Les enseignements des découpages qui est recherché, celui des royaumes et sont nombreux. Il convient cependant principautés (carte 14), et non des aires d'adapter l'interprétation des propositions d'influence des empires ou des grands et de leurs modifications aux enjeux sultanats. Ce parti pris n'est pas remis en propres à chaque échelon et à chaque ter- cause par la rébellion qui y adhère plei- ritoire. Certaines prises de positions ou nement. La démarche n'est pas sans rap- revendications sont avant tout offensives peler celle plus empirique et pragmatique et relèvent de l'opportunité, tandis que de la constitution coloniale des cercles et d'autres sont réactives et visent à neutra- provinces dites coutumières. Mais, cette liser ou contrecarrer des propositions fois, de nombreuses revendications vont considérées comme néfastes ou agressives. s'exprimer. Avec ce découpage, tous les chefs-lieux Retour et affranchissement de province et les sultanats officiels sont des entités précoloniales chefs-lieux de région, ceux-ci étant au réinterprétées minimum chefs-lieux de canton (mise à part Balleyara, voir ci-après). De plus, La régionalisation est une concession des entités historiques occultées resurgis- faite aux représentants de la rébellion. sent, ainsi le pays Maouri retrouve son Elle est perçue par les pouvoirs publics autonomie (vis-à-vis de Dosso) et une comme un risque pour l'unité nationale. certaine unité (en récupérant des cantons Le système proposé est donc aux anti- de l'arrondissement de Loga) sous la podes d'une conception fédéraliste (sur le dénomination historique de l'Arewa. Par modèle belge) ou autonomiste (sur le ailleurs, le Gobir et le Katsina avec leurs modèle espagnol) de l'instauration d'un capitales historiques (Tibiri et Maradi) niveau régional dans l'administration situées dans la même agglomération territoriale d'un État unitaire. Cela appa- s'imposent dans la carte finale. Ceci au raît clairement pour les aspects institu- détriment de Tessaoua dont la légitimité tionnels vus plus haut, cela transparaît en tant que capitale du Katsina était liée également dans les propositions de aux pérégrinations et à l'exil du souve- découpages pour cet échelon. Le choix rain, et aux interventions coloniales dans d'emblée d'un maillage serré aboutit à les affaires dynastiques. une subdivision des entités départemen- Cette reconnaissance, qui apparaît tales actuelles et évite la constitution de comme un juste retour à la réalité histo- collectivités territoriales fortes de grandes rique, s'effectue au détriment d'un mailla- dimensions géographique, démogra- ge et d'un choix de chefs-lieux rationnels phique et financière. La première moutu- en terme d'aménagement de l'espace (voir re prévoyait 16 régions (carte 12) et la ci-dessous les mésaventures de Dakoro). dernière 13 (carte 13). Il s'agit donc d'un Contrariétés du même ordre pour retour au gabarit des cercles coloniaux. Goudoumaria un peu vite promue capita- Il découle de ce choix la non appari- le de la région du Manga pour sa position, tion de grandes entités culturelles et lin- mais qui devra s'effacer derrière la pré- guistiques regroupant la majorité d'un éminence de la capitale historique

Grafigéo 1999-7 62 Les révélations d’un projet grandiose

Grafigéo 1999-7 63 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Carte 14 - Le Niger aux XVIIIe et XIXe siècle (d’après E. Séré de Rivière, 1965)

Grafigéo 1999-7 64 Les révélations d’un projet grandiose

(Gouré). n'ont pas connu d'organisation politique Cette restauration de chefs-lieux et précoloniale à cet échelon (Tahoua pour d'entités qui puisent leur légitimité dans l'Ader et Tillabéry pour le Fleuve). l'histoire précoloniale va de même Parmi les revendications régionales, balayer certaines créations politico-admi- certaines ne seront enregistrées qu'à nistratives contemporaines. C'est totale- l'échelon inférieur (celui des départe- ment le cas pour la ville nouvelle de Diffa ments) rappelant la dimension emboîtée à l'est, c'est partiellement le cas pour des solidarités ou des liens politiques et nombre de créations ou de promotions historiques. Quitte à les réinterpréter une coloniales qui voient leur ressort amputé nouvelle fois : parmi les espaces tampons (Dakoro, Filingué et même Dosso), tout vides d'hommes (Manga et Damergou) en s'intégrant en bonne place dans le ou plein (Boboye, Dendi et Arewa) cer- nouvel organigramme. La plupart de ces tains accèdent à l'autonomie régionale centres auront préalablement tenté de (Manga et Arewa) et d'autres non (Da- faire reconnaître le particularisme territo- mergou, Dendi et Boboye). Les raisons rial de leur circonscription acquis au pouvant être d'ordre géopolitique (Man- cours d'un siècle de fonctionnement en ga et Damergou en tant que périphérie de tant qu'entité politico-administrative. Zinder et zone pastorale, ou Dendi en Le cas de Dakoro est presque pathé- tant qu'espace frontalier) ou liées aux tique. Dans le schéma initial (mars rapports de force instaurés par les repré- 1995) la cité se trouve incluse dans une sentants des intérêts régionaux (Arewa et région des Goulbis que dominerait Boboye). Maradi. Les élites de Dakoro contri- L'analyse de trois situations régionales buent alors à contester ce schéma, mais contrastées va nous permettre d'envisa- elles le font en revendiquant l'autono- ger de manière plus précise la variété des mie régionale pour la cité et son arron- compositions en matière d'enjeux géopo- dissement (en acceptant de s'associer litiques. éventuellement à l'arrondissement « sécessionniste » voisin de Tanout qui Fédération des autonomies et gestion souhaite s'ériger en « Damergou » face à des rivalités dans le Nord Zinder). Dans le reste de l'actuel dépar- tement de Maradi, c'est le retour aux Dès leur intégration à la CSCRRA, les deux entités historiques du Gobir et du représentants de l'Organisation de la Katsina qui est revendiqué pour contes- Résistance Armée réaffirment l'impératif ter les deux régions proposées. La Com- de la régionalisation mais se prononcent mission doit accepter dans un second pour l'existence de trois régions pour le temps (juin 1995) de revenir à ce sché- Nord, correspondant aux trois grands ma « historique » en deux régions, mais groupes nomades : les Toubou du Kawar, elle propose d'établir le chef-lieu du les Touareg de l'Aïr et les Touareg de Gobir à proximité de Dakoro (Birni Lalé l'Azawak. La limite de la zone pastorale située à dix kilomètres et présentée prenant donc une valeur de frontière comme l'« une des capitales historiques administrative de premier niveau sur la du Gobir ») plutôt que dans la capitale partie centrale du Niger (ex département historique Tibiri, qui constitue mainte- de Tahoua). nant une conurbation avec Maradi. De plus, des équilibres entre groupes Peine perdue, la capitale sera bien à rivaux doivent être trouvés au sein de ces Tibiri dans la proposition finale (janvier régions. Abalak avait ainsi été promue 1996) et Dakoro sera l'un de ses quatre sous-préfecture en 1992 au même titre départements. que Tchin-Tabaraden où s'était déroulé La démarche peut cependant être cou- un sanglant affrontement entre Touareg ronnée de succès dans les régions qui d'Abalak et militaires. Dans le projet de

Grafigéo 1999-7 65 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

CarteCarte 1515 -- HypothèseHypothèses de de découpages découpages après après réaction réaction des des « "populations" populations » (documents de travailtravail dede lala CSCRRA,CSCRRA, juin juin 1995)1995)

Grafigéo 1999-7 66 Les révélations d’un projet grandiose redécoupage, Abalak, bien que chef-lieu seul problème de cette dernière était de de département, retourne sous la coupe ne pas être sous la domination adminis- de Tchin Tabaraden, chef-lieu de région. trative de la première. Dans l'Aïr, la population de (relayée par le groupe de pression de ses Le difficile aménagement du bassin ressortissants niaméens) refuse catégori- niaméen quement la domination d'Iférouane pro- posée initialement comme chef-lieu de En l'absence de grandes unités histo- département, et revendique également le riques et culturelles (principautés peul, statut de chef-lieu de département. Les djerma et sonhraï ont cohabité ou voisiné deux localités figurent donc comme pré- dans le temps et dans l'espace aux fectures dans les premières propositions marges des empires de Gao puis de officielles de la Commission. Lorsque la Sokoto), l'organisation territoriale de population d'Iférouane déclare finale- l'Ouest nigérien est dominée par la ques- ment vouloir rester attachée à Arlit et ses tion de l'aménagement du bassin nia- équipements, les représentants de Timia méen. Les deux grandes options clas- ne voient plus d'inconvénients à rester siques de découpage des bassins également dans le département d'Arlit. métropolitains sont présentes : secteurs et Le pôle économique d'Arlit finit donc par auréoles. Le choix de la seconde option a fédérer les deux anciens centres de peu- été effectué dans les années quatre-vingt plement de l'Aïr, Iférouane et Timia, le avec la création de la Communauté

Carte 16 - Configuration de l’actuel département de Tillabéry (1997)

Grafigéo 1999-7 67 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Urbaine de Niamey (1988), assimilée à en une sectorisation par rive avec promo- un département, consécutive au transfert tion, comme capitales régionales, de du chef-lieu d'arrondissement à Kollo centres dynamiques et situés sur les axes (1980) et du chef-lieu de département à principaux (Torodi et Balleyara). Cette Tillabéry (1987) (carte 16). Le territoire vision rationnelle en rupture partielle métropolitain constituant donc une avec les organisations politico-adminis- enclave à l'intérieur d'un arrondissement tratives héritées se heurte à de multiples et d'une préfecture. Limitation du ressort oppositions. Les chefs-lieux hérités des local et régional de la capitale, et diffu- périodes précoloniales et coloniales sion de l'effet chef-lieu apparaissaient (anciens chefs-lieux de cercles) se rebif- comme les principaux avantages de cette fent : réorganisation. A l'usage, le recours à des • Ouallam et surtout Filingué par la voie services administratifs situés dans de de son député, revendiquent un statut petits centres au delà de la capitale pour de chef-lieu de région ; une partie des administrés s'avère aber- • les élites sonrhaï de Téra s'insurgent rant. L'option d'une division sectorielle contre la domination d'une petite capi- du grand bassin niaméen préside donc tale peul très mal reliée avec le nord aux choix de la Commission. d'une éventuelle région du Liptako ; Les premières propositions consistent • à Say, des résistances s'expriment face à Carte 17 - Proposition de configuration d’une région du Fleuve en 1996

Bani Bangou

Yatakala Famalé Ayorou Mangaïzé N Bankilaré Sara Koyra Tondi Kiwindi

Tillabéry Ouallam Sargan Bégorou Tondo Diagorou Dargol Gothèye Sansané Haoussa Karma Boubon C.U.N. 0 50 km

Chef-lieu de région Limite de département

Chef-lieu de département Limite d'arrondissement (pour Karma et Zarmaganda)

Chef-lieu d'arrondissement Limite de canton

Source : CSCRRA / Haut Commissariat à la Réforme Administrative et à la Décentralisation

Grafigéo 1999-7 68 Les révélations d’un projet grandiose

Carte 18 - Proposition de configuration d’une région du Dallol-Tapoa en 1996

la domination administrative d'une cité sent. Les centres coutumiers majeurs sont située à la périphérie de l'aire de cette donc écartés de la tête des régions au pro- ancienne capitale spirituelle et politique fit de cités relativement neutres qui font qui se verrait ainsi définitivement et valoir leurs avantages de position. Le totalement ravalée en situation de principe de la sectorisation est maintenu, confins administratif. Elles font valoir mais la principale innovation des propo- les liens qui unissent Say aux popula- sitions initiales (utilisation de l'axe fluvial tions situées de l'autre côté du fleuve comme frontière administrative) est (Kollo). abandonnée au profit de divisions L'opposition à Torodi l'emporte et le actuelles. projet définitif prévoit une coupure per- pendiculaire à l'axe du fleuve (cf. cartes Le statut de Niamey 17 et 18). Parmi les anciens chefs-lieux de cercle, seul Tillabéry, promu de la L’évolution du statut et des instances période post-coloniale, s'impose. Balleya- de gestion de la capitale lors des trois der- ra à l'est est confirmée face à Filingué et nières décennies reflète les enjeux poli- Say trop périphériques et qui se neutrali- tiques et techniques qui lui sont liés

Grafigéo 1999-7 69 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

municipalisation) ? (SEDES/Groupe Huit, 1993). • faut-il qu’elle soit une « super-mairie » élue au suffrage direct (avec le risque de Décret nº 67-155/MI du 18 novembre 1967 la voir se constituer en bastion politique donnant la dénomination de ville à la com- mune de Niamey et l'assimilant à un arron- et en contre-pouvoir potentiel à l’échel- dissement le nationale) ? Décret nº 74-56/PRN du 4 janvier 1974, divi- • ou faut-il qu’il s’agisse d’une instance sant la ville de Niamey en arrondissements et de coopération intercommunale à pré- déterminant le nombre, les noms et les limites sidence tournante gérée par des délé- de ces arrondissements gués des communes (avec le risque d’un Décret nº 79-22/PCMS du 1er mars 1979 divi- sant la ville de Niamey en 5 districts et déter- fonctionnement peu efficace voire minant le nombre, les noms et les limites de d’une paralysie et la nécessité de béné- ces districts ficier d’un important appui techni- Décret nº 83-85/PCMS du 14 juillet 1983 que) ? portant statut particulier de la ville de Les dernières propositions de la Niamey Décret nº 88-392/PCMS/MI du 24 novembre Commission Spéciale Chargée de Réflé- 1988 portant création et installation des chir sur le Redécoupage Administratif communes de Niamey I, Niamey II et Nia- vont dans le sens d’une Communauté mey III Urbaine aux compétences larges qui Décret nº 88-393/PCMS/MI du 24 novembre prendrait la forme juridique d’un Établis- 1988 portant création et installation de la sement public administratif doté de la Communauté Urbaine de Niamey (CUN) et fixant ses limites personnalité morale et d’une autonomie Arrêté nº 018/PPCUN du 15 septembre 1992 financière. Gérée par un conseil compo- portant organisation et attribution des ser- sée de délégués de communes (cinq sont vices de la CUN prévues, cf. carte 20), elle serait présidée par un membre du conseil élu en son sein. À partir de la situation actuelle Ce statut de Communauté Urbaine s’ap- (cf. carte 19), diverses options parais- pliquerait à toutes les agglomérations de saient envisageables dans le cadre d'une plus de 100 000 habitants, soit Niamey, réforme administrative et d'un redécou- Zinder et Maradi. page. L'application stricte et absurde du schéma général de redécoupage à la capi- La question du périmètre de la com- tale est en effet apparue bien vite inap- munauté urbaine est également très propriée : dans les propositions initiales importante, car elle peut conditionner la de la Commission, l'agglomération était vocation des communes et de la commu- découpée en une région, 2 départements, nauté. 5 arrondissements et 17 communes. Si L’option finale d'un périmètre réduit à quelques communes de base et une com- l’agglomération actuelle et à ses franges6, munauté urbaine chargée des questions et de l’existence de cinq communes, dont intercommunales en vertu du principe de une « enclavée » dans le tissu urbain, pré- subsidiarité, semblait être un dispositif sente l’avantage de permettre aux collec- satisfaisant, des questions se posaient tivités territoriales de se concentrer sur la (Giraut, 1995a) : gestion de la ville existante et d’éviter le • faut-il, à l'image du dispositif actuel, recours aux ventes de parcelles pour ali- que la communauté urbaine soit uni- menter leur budget, par contre elle rend quement une circonscription adminis- plus délicate la planification de la crois- trative administrée par un préfet (ce sance urbaine qui s’effectuerait sur une qui limiterait considérablement la ou des collectivités territoriales en charge 6. Au cours des consultations, la Commission a constaté que quelques villages de l'arrondisse- ment de Kollo relevait de la CUN, elle a décidé d'intégrer l'ensemble du canton de Saga dans le nouveau périmètre de la Communauté urbaine.

Grafigéo 1999-7 70 Les révélations d’un projet grandiose

Carte 19 - Niamey : périmètre de la communauté urbaine

Source : SEDES/Groupe Huit, 1993

Carte 20 - Proposition pour une communauté de Niamey composée de cinq communes

Grafigéo 1999-7 71 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger de la seule périphérie de l’agglomération. janvier 1995 à janvier 1996, c'est-à-dire Il faut noter le problème apparemment pendant la durée des travaux de la anecdotique d'un chef-lieu coutumier Commission. (Lamordé) englobé dans l'agglomération. Cet ensemble géopolitique est con- Celui-ci se retrouve coupé admi- fronté à des forces d'éclatement qui s'ex- nistrativement de son ressort territorial priment à travers le projet de redécoupa- (son canton s'étend en rive droite au sud ge (carte 22), la Commission adoptant le de l'agglomération), une commune rura- principe d'un nécessaire démantèlement le portant même son nom devrait être ins- de l'ex-département au nom de l'impos- tallée dans un de ses villages en position sible précédent d'un statu quo. suburbaine. Cette situation montre les Les forces d'éclatement retenues dans limites en milieu métropolitain d'un redé- un premier temps par la Commission sont coupage qui combinerait divisions fonc- de deux ordres : tionnelles de l'espace et divisions poli- • les revendications d'autonomie des tiques héritées. marges tampons (exprimées de l'exté- rieur par les représentants de la rébel- Zinder ou la crispation géopolitique lion pour Tanout, et de l'intérieur pour Gouré et le Manga) ; L'actuel département de Zinder cor- • les dynamiques frontalières liées au respond au ressort du sultanat, élargi à la commerce qui sont à l'origine de la zone tampon du Manga à l'Est (carte 21). croissance de nombreux marchés et Il constitue un bastion d'opposition poli- cités méridionales. tique au pouvoir militaire en place jus- Le résultat est donc la proposition qu'en 1993 et depuis le coup d'État de (mars 1995) d'un découpage en trois janvier 1996 ; et à l'ex-parti unique (le régions de l'actuel département de Zin- MNSD), au pouvoir avec une coalition de der, avec un Manga autonome renforcé de l'arrondissement de Maîné Soroa à l'est Chef-lieu de département et une région du Chef-lieu d'arrondissement Poste administratif Damagaram pour Chef-lieu de canton Zinder amputée du Centre pastoral sud frontalier, qui Limite d'arrondissement Limite de canton deviendrait la Source : IGNN / Département de Géographie région de la Daoura. de l'Université de Niamey La riposte contre ce démantèlement s'appuie sur des N'Japtodji arguments de trois Intabanout Tasker ordres : Tanout Tejira • politique, avec la Soli Belbédji Gangara Yogoum dénonciation de la Oléléoua volonté de scinder Kiriguim Mardré Damagram-Takaya Kellé un bastion d'op- N Moa position ; Zinder Gafati Zermou Gouré • historique, avec le Kissambana Mirriah Takiéta Guidimouni rappel du ressort Korgom Dogo Bouné du sultanat qui Matameye Ouacha Bandé dépasse les fron- Magaria Dengas 0 50 km Malawa tières étroites du Dan-Tchiao Damagaram, ce Carte 21 - Configuration de l'actuel département de Zinder (1998) dernier n'en cons-

Grafigéo 1999-7 72 Les révélations d’un projet grandiose

Derrière la di- versité des enjeux géopolitiques et des rapports de force en présence, un certain nombre de tendances se déga- gent, facilitées par le choix clairement affiché d'une régio- nalisation fine, qui correspondrait au second niveau de clivage politique précolonial. Celui des royaumes et principautés, et non des aires d'in- fluence impériales et ethniques. Parmi ces tendances, la principale est cer- tainement l'affir- mation des centres historiques face à des centres perçus comme usurpateurs du fait de leur for- tituant que le tune coloniale ou post-coloniale. Cela cœur ; n'empêche pas la reconnaissance d'une •géographique, avec le rappel des solida- métropole historique et politique rités économiques et des relations qui (Zinder) ou, à une autre échelle, d'un unissent le nord et le sud du départe- pôle économique récent (Arlit). ment7, et la dénonciation du nouvel enclavement que subirait Zinder séparée La bataille des chefs-lieux, ou du sud frontalier et sans contact direct tout le monde en veut avec le Nigeria. L'accès aux ressources frontalières étant devenu le principal sup- L'analyse des rapports de mission sur port de l'activité de la métropole régiona- le terrain des équipes de la CCRSRA per- le, qui avait paradoxalement fortement met d'appréhender un certain nombre de pâti de la proximité d'une frontière impé- réactions au projet de décentralisation et riale. de redécoupage. Tout d'abord l'hostilité Cette opposition au projet est relayée constante de la Chefferie au projet de au niveau local par les chefferies consti- municipalisation avec élection des tutives d'un ex-ensemble historique, vas- conseils au suffrage universel sans possi- sal de Zinder : les États Sossébaki (Mir- bilité de cumuler fonction coutumière et riah, Ouacha et Dungass), scindés par ce mandat électoral. Parallèlement, un nouveau découpage (cf. carte 23) engouement généralisé pour les nouvelles

7. Faisceau de relations souligné par D. Retaillé et complémentarité entre bassin arachidier au sud et bassin céréalier du Damergou au nord.

Grafigéo 1999-7 73 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Carte 23 - Les États de Sossebaki et le Damagaram (d’après E. Séré de Rivière, 1965)

É fonctions de chefs-lieux administratifs phique ; au contraire imploration au nom aboutit à de nombreuses revendications de l'enclavement ou du retard écono- contradictoires exprimées lors des mique. Mais de nouvelles argumentations réunions avec les administrateurs et les se développent à partir du dynamisme notables (représentants de la chefferie, démographique et économique lié à une des partis politiques et des associations position sur des axes de communication consultés sur le terrain en mars-avril ou surtout à proximité d'une frontière 1995 sur les premières propositions de la active, donc par définition excentrée. Commission), parfois relayées par des Suite aux premières propositions de la groupes de pression de ressortissants dans Commission, les réactions enregistrées sur le la capitale, ou des émissaires inscrits dans terrain (avril 1995) dans le Kawar (nord-est l'appareil d'État ou parlementaire. de l'actuel département d'Agadez), illustrent Certains arguments utilisés sont clas- la diversité des arguments et contre-argu- siques dans de telles situations (Ozouf- ments en présence : « Les populations de et de Bilma, Marinier, 1989) : démonstration de l'an- réunies autour de leurs chefs de canton res- tériorité des fonctions d'encadrement pectifs rejettent la proposition de Dirkou territorial ; démonstration de la centralité comme chef-lieu de la région du Kawar. économique8, démographique ou géogra- Le canton de Djado s'abstient sur cette ques- 8. Avec des indicateurs qui peuvent paraître farfelus, ainsi Madame la Haute-commissaire à la réforme administrative nous confie avoir reçu en 1995 un courrier des édiles d’une localité qui revendiquaient le chef-lieu d’arrondissement au motif que l’on y fabrique de la glace.

Grafigéo 1999-7 74 Les révélations d’un projet grandiose

tion, l'essentiel pour lui est que la réforme fonction de chef-lieu pour leur localité. apporte une solution à l'enclavement général Le chef de Kollo, représentant des de la région, en particulier celui de Djado. chefs traditionnels du Niger, s’oppose au Fachi et Bilma invoquent les raisons sui- vantes : processus de municipalisation et de • le critère d'équidistance géographique rete- décentralisation au profit de nouvelles nu par la Commission ne doit pas être plus collectivités territoriales, mais son chef- important que le critère d'équidistance démo- lieu de canton avait obtenu en 1980 le graphique, les cantons de Fachi et de Bilma statut de sous-préfecture sans opposition étant plus peuplés que ceux de Dirkou et Djado, ce qui équivaut à éloigner de sa part, et il revendique aujourd'hui l'administration des zones plus peuplées et un chef-lieu de région pour sa localité. approcher des zones moins peuplées ; Cette adhésion partielle est facilitée • Bilma a toujours été le centre administratif par le fait que le gabarit des arrondisse- et politique de la région. Même si aujour- ments proposés correspond approximati- d'hui, à la faveur des problèmes lybiens, vement à celui des cantons, et les dépar- Dirkou semble jouer le rôle de centre écono- mique, il serait injuste de le renforcer par le tements et régions sont en règle générale politique ; des agglomérations d'entités coutumières. • le comportement des habitants de Dirkou Seul le découpage communal démantèle face au désenclavement interne des autres quasi systématiquement les cantons. localités de la région. En raison de son enclavement dans la région, Figure 15 - Niveau de fonction adminis- Fachi demande d'abriter le chef-lieu du trative des chefs-lieux de canton département de Bilma. Deux villages du canton de Djado (Chirfa et Séguidine) demandent chacun d'abriter le chef-lieu du département de Djado. » (Rap- port de terrain de la délégation du départe- ment d'Agadez de la CSCRRA, avril 1995) Résultats : dans les propositions finales de la Commission, la région du Kawar a pour capi- tale Bilma. Elle est subdivisée en deux dépar- tements (Fachi et Dirkou). L'échelon de l'ar- 100 rondissement est absent. Dirkou, Bilma et Fachi sont des communes urbaines, tandis que Chirfa et Séguidine sont des communes nombre 50 rurales. Sur les 128 chefs-lieux de canton, 98 intégreraient l'organigramme de De la méfiance à l'engouement, l'incor- l'administration territoriale proposé poration massive des chefs-lieux coutu- (arrondissement, département ou com- miers mune), alors qu'il ne sont que 48 à l'heu- re actuelle et qu'ils n'étaient que 33 à la fin de la période coloniale (figure 15 et L'hostilité de la Chefferie au principe de la municipalisation exprimée à de Tableau 12 - Le poids des chefs-lieux 9 de canton parmi nombreuses reprises au niveau national les chefs-lieux administratifs et au niveau local (cf. les rapports des 1961 1997 Projet (1996) Niveau missions sur le terrain des équipes de la Nb Part clc Nb Part clc Nb Part clc CSCRRA en avril et octobre 1995), ne 1 95 80 30 2 3 33 % 11 37 % 45 29 % doit pas occulter la mobilisation fré- 3 14 93 % 29 81 % 40 73 % quente des élites locales pour obtenir une 4 16 100 % 8 100 % 13 93 %

9. Cf. en annexe l'article du Démocrate du 5 juin 1995 intitulé « Les chefs traditionnels se rebif- fent » qui relate les réactions aux premières propositions de la Commission lors d'une assem- blée générale extraordinaire de l'association des chefs traditionnels.

Grafigéo 1999-7 75 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger tableau 12). Il est donc possible de parler La rivalité Keïta-Tamaské fait appa- d'une incorporation massive des chefs- raître un autre cas de figure : l'alternance lieux coutumiers. Mouvement qui peut domination-rattrapage continue. Keïta apparaître logique compte tenu de l'aug- (résidence de la chefferie touareg lis- mentation très importante du nombre saouane dominante), chef-lieu de canton d'entités administratives qui provoque dès le début du siècle voit quelques automatiquement la promotion de années plus tard le détachement d'un nombre de bourgs ruraux, dont une par- nouveau canton de Tamaské (grosse tie est constituée de chefs-lieux de canton. agglomération commerçante haoussa). Cependant, on note la mobilisation systé- En 1959, grâce à l'intervention d'un matique des élites de ces cités pour obte- député ressortissant de Keïta, la cité est nir une promotion et pour rattraper ou promue chef-lieu de subdivision du cercle dépasser les cités rivales roturières dans de Tahoua. En 1988, Tamaské, devenue l'organigramme. Les chefs-lieux coutu- le berceau d'une importante diaspora, miers seraient donc toujours hégémo- accède au statut de commune rurale. niques dans le haut de la hiérarchie, et Enfin, le projet actuel entérine la supério- leur proportion resterait importante dans rité de la sous-préfecture et du fief lis- les niveaux inférieurs malgré la multipli- saouane en érigeant Keïta chef-lieu d'un cation des entités. Leur part (ainsi que département qui intégrerait l'arrondisse- celle des chefs-lieux de groupement) est ment de Tamaské. Ceci après que les réduite au bas de la hiérarchie (arrondis- représentants de Tamaské aient tenté de sement, commune) sur la frange pastora- se détacher de Keïta en soutenant le pro- le, autrement dit sur le nouveau front de jet initial de création d'une région de la territorialisation fine, à l'instar de ce l'Adar, à laquelle ils souhaitaient apparte- qui se passait avec les postes administra- nir sous la tutelle directe de Tahoua, et tifs à la fin de la période coloniale et aux d'une région de la Majia dans laquelle débuts de l'Indépendance. Keïta se serait inscrite ! Dans l'arrondissement de Téra le Quelques cas exemplaires de la diversi- retour annoncé des chefs-lieux coutu- té des situations qui contribuent au pro- miers est spectaculaire. Yatakala et cessus Bankilaré se retrouveraient à la tête d'un arrondissement et Dargol devancerait Avec Kantché se présente le cas où le dorénavant Gotheye. refus de l'influente chefferie de canton de Enfin, le cas des trois petites villes cohabiter avec un administrateur colonial (Tchadoua, Aguié et Gazaoua) qui avait provoqué l'installation d'une subdi- s'égrennent sur la route de l'Unité à l'est vision de cercle dans une localité voisine, de Maradi apparaît exemplaire des diffé- Matameye. Quarante ans plus tard, lors rentes forces à l'œuvre dans le projet de des travaux de la Commission, la cheffe- redécoupage. Avec des dimensions com- rie de Kantché défend une position inver- parables (entre 6 et 7 000 habitants en se et obtient de devancer le chef-lieu 1988), c'est d'abord Aguié, le chef-lieu administratif devenu sous-préfecture coutumier, qui s'impose pour le statut de après l'Indépendance. préfecture, à l'inverse, Gazaoua s'efface Après vingt ans de pénitence (en 1973 et n’apparaît plus que comme simple le poste administratif était transféré du commune. Ce choix entérine l'érection chef-lieu de canton vers la cité industriel- d'Aguié comme sous-préfecture en 1972 le voisine), Doguéraoua n'a pas de mal à qui détrônait à l'occasion le vieux poste effacer l'éphémère ville nouvelle de administratif de Gazaoua, la croissance Malbaza qui décline avec sa cimenterie en des deux bourgs restant comparable attente de repreneur privé bien impro- durant la décennie suivante. En marge de bable. cette guerre de chefs-lieux locaux, le

Grafigéo 1999-7 76 Les révélations d’un projet grandiose bourg périurbain de Tchadoua a connu Nigelec) et d'eau (présence de la Société une extraordinaire croissance (passant de Nationale des Eaux qui propose des moins de 1000 habitants en 1977 à près branchements individuels et dessert des de 7000 en 1988) sans la moindre fonc- bornes fontaines) reflète l'ordre adminis- tion politique. C'est ce dynamisme qui est tratif et aménagiste, reconnu dans le projet de redécoupage avec l'obtention du statut de chef-lieu La quasi totalité des sous-préfectures (sauf Bilma, Gaya et Birni N'Gaouré), les trois d'arrondissement. communes rurales (Tamaské, Tibiri et Matankari) et quelques postes administratifs L'enregistrement de certains dyna- (Ingal, Goudoumaria, Dioundiou, Gazaoua, mismes spontanés ou informels Torodi, Bagaroua, Tillia, Tassara, Abalak) bénéficient de l'adduction d'eau en 1991, le L'intégration de nombreux centres réseau étant parfois dans un état piteux, voire totalement hors service. A cette liste de chefs- s'effectue également en direction de lieux administratifs, il faut ajouter le centre petites villes et de bourgs au fort dyna- de Ibohamane voisin de Keïta, qui doit sa for- misme démographique et/ou écono- tune aux équipements hydro-agricoles. mique non porté par des fonctions poli- L'électricité en 1991 fait défaut dans onze tiques (de gros marchés comme Bandé ou sous-préfectures, et n'est disponible que dans un seul poste administratif : la cité industriel- Guidimouni, une cité frontalière d'or- le et minière de Malbaza, dont la cimenterie pailleurs comme Dogona…). Mais force nécessite une centrale. Au moment de la est de constater que ce mouvement d'en- construction de l'usine, en 1973, le poste registrement de dynamisme spontané administratif fut transféré du chef-lieu de s'exerce plutôt pour les bourgs émergents canton voisin Doguéraoua. Le centre déchu a que pour les villes. En effet, les villes de gardé un réseau d'adduction d'eau et neuf bornes fontaines en témoignage de son éphé- 1988, qui font l'objet d'une promotion mère rôle administratif. dans le projet, sont parmi les moins dynamiques démographiquement puis- celle de l'implantation des ONG (carte que leur catégorie a connu le taux de 24) croissance le plus faible pour la période 1977/1988 (tableau 13). La répartition du personnel de l'Association Française des Volontaires du Progrès en 1995 Ce mouvement relatif d'enregistre- indique la priorité accordée hors Niamey aux ment de dynamiques spontanées n'est sous-préfectures plutôt qu'aux préfectures, cependant pas nouveau, une partie des un poste administratif (Goudoumaria) est promotions administratives récentes en également bien doté. La répartition géogra- relève, notamment pour les communes phique des centres laisse apparaître la prédo- rurales. minance de l'Est, mais également de localités qui puisent une partie de leur dynamisme ou De même, si la géographie des adduc- de leur activité de leur position frontalière ou tions d'électricité (centres desservis par la d'étape. Tableau 13 - Dynamique des villes** nigériennes selon leur évolution administrative et surtout des interventions de la NIGETIP (cartes 25 et 26) Dynamique administrative nb Population (en milliers) Croissance 1961/1997 1977 1988 1977/1988 Sans fonction* (stagnation) 12 41 81 6,4 % Certes, le rural (les localités, les Maintien 20 243 485 6,5 % Promotion 15 63 133 7,2 % aires et les routes hors aggloméra- Régression 9 81 132 4,5 % tions urbaines de 1988) ne draine Proposition de redécoupage nb Population (en milliers) Croissance que 25 % des 15 milliards de 1977 1988 1977/1988 francs CFA gérés par la Nigetip de Sans fonction* (stagnation) 1 1 14 28,2 % Maintien 33 327 645 6,4 % janvier 1992 à juin 1995, loin der- Promotion 20 87 142 4,5 % rière les chefs-lieux administratifs Régression 3 14 31 7,5 % qui captent donc près des trois * Village et chef-lieu de canton quarts de ces investissements. Au ** Sauf Gotheye, Bengou, Dogona (pas d’informations en 1977) sein des agglomérations, la hiérar-

Grafigéo 1999-7 77 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Carte 24 - Répartition du personnel de l'Association Française des Volontaires du Progrès en 1995

17 volontaires et salariés 3 volontaires et salariés 1 volontaire ou salarié

Capitale d'Etat Chef-lieu de département Chef-lieu d'arrondissement Poste administratif Limite départementale Limite d'arrondissement

Source : AFVP, 1995

N Agadez

Filingué Tillabéry N'Guigmi Gouré Zinder Goudoumaria Dogondoutchi Mirriah Maïné-Soroa Niamey Madarounfa Matameye

0 200 km

(département de Maradi) et Bandé (départe- chie administrative est respectée car la réha- ment de Zinder), et de la commune rurale de bilitation des infrastructures et les projets Matankari (département de Dosso). pilotes se font prioritairement en capitale régionale. Diffa, actuel chef-lieu de départe- se rapprochent davantage de la réalité de ment, avec plus de 72 000 F CFA d'investis- l'armature urbaine. sements par habitant voit l'effet chef-lieu Cette réalité fait donc l'objet d'un jouer à plein. Mais avec 15 % des investisse- enregistrement partiel dans le projet de ments, la part des sous-préfectures est impor- redécoupage au profit essentiellement des tante. Quelques hauts-lieux des interventions bourgs. Les sous-préfectures frontalières extérieures (Mirriah) et des aménagements et dynamiques (mise à part Matameye, hydro-agricoles (Say, Birni) se distinguent, mais aussi nombre de centres frontaliers détrônée par le chef-lieu coutumier voisin (Gaya, Madarounfa, Aguié, Matameye, et tout aussi dynamique de Kantché ; voir Magaria) se distinguent. A l'inverse, les sous- plus haut) sont ainsi intégrées sans pro- préfectures des arrondissements (Keïta, blème dans l'organigramme des nou- Tanout) qui bénéficient ou ont bénéficiés par veaux départements, mais aucune ne ailleurs de grands projets intégrés d'origine internationale sont absentes de la liste des connaît une promotion spectaculaire, à la localités bénéficiaires (Keïta), ou voient leur différence des postes administratifs fron- circonscription « asséchée » (Tanout). Enfin taliers de Goudoumaria ou Tibiri qui les quelques localités dynamiques, mais non rejoignent parmi les préfectures. Pour les chef-lieu administratif, bénéficient d'une cer- marchés ruraux préalablement margina- taine reconnaissance anticipée par les lisés sur un plan administratif, mais dont bailleurs de fonds internationaux, il s'agit des importants marchés ruraux et routiers de la reconnaissance est anticipée par les Galmi (département de Tahoua), Tchadoua bailleurs de fonds internationaux, les for-

Grafigéo 1999-7 78 Les révélations d’un projet grandiose

Grafigéo 1999-7 79 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger tunes sont diverses dans le projet de redé- Le projet de territorialisation au delà coupage. Ainsi, le centre de production de la limite des cultures nécessite des maraîchère, marché d'étape et grand points d’appui, des chefs-lieux potentiels, centre sanitaire privé de Galmi, ne s'af- or il existe une certaine dichotomie entre franchit pas dans le projet de redécoupa- les centres politiques et les centres logis- ge du chef-lieu politique voisin de tiques créés à partir de forages profonds , à l'inverse Bandé et Tcha- par les projets de développement financés doua, ou encore Badéguichiri sont érigés par la coopération multilatérale ou bilaté- en chefs-lieux d'arrondissement, de rale. Ainsi les six centres pastoraux même que le marché frontalier de Dan (infrastructures socio-éducatives et sani- Issa. taires) créés au nord du département de Zinder (carte 27) entre 1978 et 1986 De la territorialisation à partir des dans le cadre du Projet d'Élevage Niger points d’eau Centre-Est (PENCE), financé par la Banque mondiale, ne correspondent pas Le projet de redécoupage fait appa- aux points d’attache des chefs de groupe- raître de nouveaux chefs-lieux adminis- ment. tratifs (communes, arrondissements) aux De plus, la logique de quadrillage qui lisières de la limite administrative des cul- caractérise selon D. Retaillé la zone pro- tures sous pluies10. Dans le même temps, prement sahélienne ne correspond pas à la nouvelle législation foncière du code des polarisations emboîtées caractéris- rural prévoit des terroirs d’attache pour tiques des structures maillées, mais les pasteurs. davantage à des positions de relais sur des parcours ou des axes méridiens. Ordonnance nº93-015 du 2 mars 1993 fixant les principes d’orientation du code rural Pour sa démonstration, l’auteur oppose le Décret nº 97-007/PRN/MAG/EL du 10 jan- Sud du département de Zinder (canton de vier 1997 fixant le statut des terroirs d’at- Doungass et plus généralement arrondisse- tache des pasteurs. ments de Magaria et Matameye, mais aussi « Au sens du présent décret, il faut entendre canton de Bouné au sud de Gouré où les den- par terroir d’attache, l’unité territoriale déter- sités sont moindres) où la distribution des minée et reconnue par les coutumes et/ou les unités de peuplement selon leur rang et leur textes en vigueur à l’intérieur de laquelle taille est régulière, et le Nord sahélien (avec vivent habituellement pendant la majeure l’exemple de l’Alokoss) où les répartitions partie de l’année des pasteurs, unité rang-taille laissent apparaître un ensemble de territoriale à laquelle ils restent attachés lors- centres de peuplement équivalents qui qua- qu’ils se déplacent, que ce soit à l’occasion de drillent l'espace, ceci malgré les mouvements la transhumance, du nomadisme ou des de colonisation agricole qui densifient les migrations. » vides (plaine de Kazoè), les centres de peu- plement (Boultoum, Kellé-Maja, Kazoé, Moa) Amorcée par le régime Kountché dans fonctionnant comme niches de repli en cas de les années quatre-vingt avec la multipli- crise climatique (1984). cation des chefs de groupement, une cer- taine volonté de territorialisation systé- "A la seule échelle régionale, la cartographie matique de l’espace nomade et pastoral des marchés montre la superposition des deux se fait donc jour, sorte de prolongement structures. Le maillage, c'est à dire l'organi- vers le nord du travail de cantonalisation sation hiérarchique des surfaces, apparaît à réalisé lors de la période coloniale. travers la disposition plus ou moins régulière des lieux centraux ; le quadrillage, c'est-à- dire l'organisation des surfaces par la circula- Où sont les centres ? tion, apparaît à travers les alignements de ces mêmes lieux le long de routes grossièrement

10. Limite fixée dans les premières années de l’indépendance : décret de 1961, revu en 1964.

Grafigéo 1999-7 80 Les révélations d’un projet grandiose

Carte 27 - Les centres pastoraux du département de Zinder

méridiennes. La corrélation de l'évolution des prix souligne les liens existants dans les ali- L’arbitrage des conflits de confins par gnements et les écarts entre deux voies la territorialisation “parallèles” malgré la polarisation générale Dans ces régions de confins ou de de Zinder. Le quadrillage l'emporterait enco- re ? Les mêmes résultats étant obtenus dans marche, où cohabitent pasteurs, nomades l'observation des réseaux villageois à travers et sédentaires, des conflits d’usage peu- leur évolution au cours des deux décennies vent se doubler de conflits de souveraine- passées, un modèle commence à prendre té sur l’espace entre chefs de cantons et forme. Il est établi sur une structure de “qua- chefs de groupements, tandis que la cir- drillage” de l'espace en alignements méri- diens. (…) Signalons que l'étalement spatial culation et l’échange assurent la complé- correspondant à l'expansion agricole s'est mentarité entre les lieux. réalisé sur la base d'une structure maillée Le projet de redécoupage du départe- (hiérarchie des lieux) et que les regroupe- ment de Zinder rend ainsi des arbitrages. ments et les polarisations de crise ont plutôt Il accorde une certaine autonomie poli- souligné la hiérarchie des lignes et singulière- tique au nord pastoral vis à vis des chefs- ment des lignes méridiennes (quadrillage sahélien). » (Retaillé, 1995, 144-145) lieux actuels situés plus au sud (Tanout la sous-préfecture, et Belbédji le poste Ainsi la zone de Njaptodji déterminée administratif) qui deviennent des chefs- en 1982 par le Projet PENCE (carte 28) lieux de département). Mais cette auto- semble constituée de segments d’axes nomie relative passe par un maillage en méridiens qui ne convergent évidemment arrondissement, avec imposition du pas vers le « centre ». « centre pastoral » comme chef-lieu dans

11. Chef historique de groupement, non reconnu par la colonisation.

Grafigéo 1999-7 81 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Carte 28 - Envergure des mouvements effectués par les éleveurs utilisant à un moment ou à un autre la zone de Njaptodji

8 E 9 E 17 N AGADEZ Principal axe de transhumance d'hivernage (S-N) Mouvement de milieu ou de fin de saison sèche Limite de département

Front des cultures

Zone de Njaptodji Ighayan Amiyaw Marandat N

Abalamma

Tagdofat

16 N

Aderbissanat

Kanak N

NJAPTNJAPTODJIODJI

15 N Batté Tanout

Tsamiya

0 30 km Sabonkafi Gangara

Source : Projet "PENCE", 1982.

Grafigéo 1999-7 82 Les révélations d’un projet grandiose un cas (Tenihya), et affirmation de la l’obtention d’équipements et infrastruc- résidence du chef de groupement11 dans tures (Pistes du Projet Damergou, l’autre (Tendé). Université islamique). Nous sommes là En fait, les volontés d’affirmation des dans un cas de « pays » agro-pastoral chefferies de Tanout et de Belbéji s’expri- (une vallée) et cosmopolite où la légitimi- ment différemment. Si l’on peut parler té du pouvoir politique tend à s’exercer d’impérialisme expansionniste contrarié sur l’ensemble d'une société locale com- dans le cas de Tanout dont les élites posite, ce qui limite les crispations ethni- revendiquaient la capitale d’une région co-zonales. Pouvoir politique qui tente du Damergou ou au moins celle d’un d’assurer la croissance des ressources par vaste département, il faut parler d’affer- la captation d’investissements extérieurs missement d’un fief pour la double chef- et non par une tentative de domination ferie de la Tarka qui cumule à Belbéji des régionale. fonctions cantonales et de groupement. Les marges ou confins septentrionaux L’action d’influence de la chefferie menée du département de Zinder s’apparentent par ses ressortissants inscrits dans les donc localement soit à un creuset territo- hautes sphères de l'État s’exerce pour rialisé, soit à une zone de tension poli-

Grafigéo 1999-7 83 tique maillée artificiellement à partir de points d’appui techniques. Les révélations d’un projet grandiose

Conclusion • Une interprétation du processus en cours

La fonction administrative ne fait plus représentation exogène ne signifiant pas la ville, pourtant l'enjeu du chef-lieu n'a renoncement à des représentations endo- jamais été aussi crucial. Les vertus sym- gènes (Pourtier, 1989). Le référent iden- boliques de la fonction n'expliquent pas titaire et généalogique choisi constitue tout, dans un contexte de décentralisation une couche de plus dans les logiques de et de désengagement, elle garantit l'accès territorialisation. Il renvoie à des solidari- aux ressources locales et le contrôle éco- tés effectives et pourra être instrumenta- nomique par la médiation avec les parte- lisé dans la mobilisation des ressources naires extérieurs. locales et dans les relations avec l’exté- La recherche d'une promotion admi- rieur. Il s'agit d'un plus identitaire (Igué, nistrative pour une localité et ses élites, 1995) dans la mondialisation qui met en s'apparente donc à celle d'une garantie rapport direct des collectivités locales et d'une certaine hégémonie économico- les agents du développement. Autrement politique sur un ressort territorial : elle dit, on assiste à une compensation identi- donne accès aux ressources politico-éco- taire et à la garantie de l’institutionnali- nomiques, et elle évite la domination sation de certains réseaux sociaux à base d'autres formations sociales territoriali- généalogico-territoriale, parallèle à la sées, vécue comme une incorporation généralisation et à l’acceptation d’une dans un fief. Elle offre donc l'assurance modernité individualiste (nouveau code d'une base locale pour des élites issues rural, collectivités territoriales élues) por- d'un chef-lieu local ou régional, et inves- tée par le modèle universel du développe- ties dans des réseaux économiques de ment et de l’État, maintenant décentrali- niveau national ou transnational. sé. Mais pourquoi ce nouvel engouement Le refoulé dans l'ordre politico-territo- se traduit-il par la reconnaissance admi- rial encore en vigueur, c'était l'informel et nistrative des circonscriptions coutu- les chaînes de sociétés emboîtées (Am- mières ? Le maillage historico-écono- selle, 1985). Ici s'expriment des forma- mique pourrait être le produit territorial tions sociales rivales nées des clivages de achevé de « l'assimilation réciproque des la réinterprétation coloniale des solidari- élites » (Bayart, 1989), l’adoption d’une tés coutumières précoloniales (Idrissa,

Grafigéo 1999-7 85 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

1997). Nous passerions donc d'une orga- La réforme dans son ensemble peut nisation territoriale basée sur un réseau donc apparaître comme un produit aber- fonctionnel et des zones de mise valeur rant ou comme un syncrétisme réussi. A spatialisées, à une organisation basée sur l'époque où la quête des « pays » agite des territoires économico-politiques l'ex-métropole, ici les entités qui relèvent maillés. Les chaînes de sociétés et surtout d'un pseudo ordre historico-naturel s'af- les complémentarités axiales (Retaillé, firment et s'expriment. Le « pays » n'est 1993 et 1994) restent ignorées, de même pas qu'un mythe et il trouve place dans que les solidarités aspatiales (sans conti- un système susceptible d'assurer la nuité territoriale). Autant de réalités qui pérennité d'un État désengagé mais tou- s'expriment dans les filières et les réseaux jours impliqué. Si le coût d'un système économiques et sociaux qui animent le aussi complexe paraît inapproprié, ses système de villes et marchés du sous- vertus en font peut-être un produit expor- continent. table !

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Grafigéo 1999-7 93

Sigles et acronymes

Sigles et acronymes

AFVP, Association française des volontaires MNSD, Mouvement national pour la société du progrès de développement AOF, Afrique occidentale française NIGELEC, Société nigérienne d’électricité CLD, Conseil local de développement NIGETIP, Agence nigérienne de travaux CLU, Commission locale d’urbanisme d’intérêt prioritaire CN, Conseil national OFEDES, Office des eaux du sous-sol CND, Conseil national de développement ONAHA, Office national des aménagements COPRO-Niger, Société de commerce et de hydro-agricoles production du Niger ONAREM, Office national des ressources COTEAR, Comité technique d’arrondisse- minières ment ONG, Organisation non gouvernementale COTEDEP, Comité technique de départe- ONT, Office national du tourisme ment ONU, Organisation des Nations-Unies CPCT, Caisse de prêts aux collectivités terri- OPVN, Office des produits vivriers du Niger toriales ORA, Organisation de la rébellion armée CRD, Conseil régional de développement PCMS, Présidence du conseil militaire CSCRRA, Commission spéciale chargée de suprême réfléchir sur le redécoupage administratif PENCE, Projet d’élevage Niger centre-ouest CSRD, Conseil sous-régional de développe- PIK, Projet de développement intégré de ment Keïta CUN, Communauté urbaine de Niamey PPN, Parti populaire nigérien CVD, Conseil villageois de développement PPNZ, Projet pastoral nord Zinder FAN, Forces armées nigériennes RINI, Société de production de riz du Niger FAO, Organisation pour l’alimentation et SNE, Société nationale de l’eau du Niger l’agriculture SONARA, Société nigérienne de commercia- IGNN, Institut géographique national du lisation de l’arachide Niger

Grafigéo 1999-7 95

Liste des cartes, figures et tableaux

LISTE DES CARTES

Carte 1 : Les centres administratifs nigériens en 1997 ...... 14 Carte 2 : Fonction administrative des chefs-lieux en 1997 ...... 15 Carte 3 : Limites administratives des cantons ...... 17 Carte 4 : Densité de la population par canton en 1988 ...... 18 Carte 5 : Organisation territoriale en 1961 ...... 26 Carte 6 : Fonction administratives des chefs-lieux en 1961 ...... 26 Carte 7 : Le réseau de coopératives et son système de distribution ...... 37 Carte 8 : Communalisation en 1997 ...... 40 Carte 9 : Etat des jumelages urbains au Niger ...... 40 Carte 10 : Promotion et régressions des chefs-lieux entre 1961 et 1992 ...... 60 Carte 11 : Promotions et régression des chefs-lieux pour la proposition de redécoupage administratif CSCRRA en 1996 ...... 60 Carte 12 : Projet de redécoupage administratif CSCRRA (mars 1995) ...... 63 Carte 13 : Projet de redécoupage administratif CSCRRA (janvier 1996) ...... 63 e e Carte 14 : Le Niger au XVIII et XIX siècle ...... 64 Carte 15 : Hypothèses de découpages après réactions des « populations » ...... 66 Carte 16 : Configuration de l’actuel département de Tillabéry (1997) ...... 67 Carte 17 : Proposition de configuration d’une région du Fleuve en 1996 ...... 68 Carte 18 : Proposition de configuration d’une région du Dallol-Topoa en 1996 ...... 69 Carte 19 : Niamey : périmètre de la communauté urbaine ...... 71 Carte 20 : Proposition pour une communauté de Niamey composée de cinq communes ...... 71 Carte 21 : Proposition de configuration d’une région de Zinder en 1997 ...... 72 Carte 22 : Proposition de configuration d’une région de Zinder en 1996 ...... 73 Carte 23 : Les États de Sossebaki et le Damagaram ...... 74 Carte 24 : Répartition du personnel de l’Association française des volontaires du progrès en 1995 ...... 78 Carte 25 : Les investissements urbains gérés par la Nigetip ...... 79 Carte 26 : Les investissements urbains gérés par la Nigetip (en F CFA par habitant) ...... 79 Carte 27 : Les centres pastoraux du département de Zinder ...... 81 Carte 28 : Envergure des mouvements effectués par les éleveurs utilisant à un moment ou à un autre la zone de Njaptodji ...... 82 LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Organigramme de l’administration territoriale de la République du Niger (1991) ...... 16

Grafigéo 1999-7 97 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger

Figure 2 : Organigramme des structures de participation au niveau régional et local ...... 19 Figure 3 : Organigramme des structures administratives de l’État ...... 19 Figure 4 : Organigramme de l’administration nigérienne (structures et représentants) ...... 33 Figure 5 : Distribution rang-taille des agglomérations du niger en 1956, 1977 et 1988 ...... 45 Figure 6 : Les familles de villes nigériennes en 1988 ...... 45 Figure 7 : Organigramme type commune rurale (structure décentralisée) ...... 54 Figure 8 : Organigramme type commune urbaine (structure décentralisée) ...... 54 Figure 9 : Organigramme type région (structure déconcentrée) ...... 54 Figure 10 : Organigramme type région (structure décentralisée) ...... 54 Figure 11 : Organigramme type arrondissement (structure déconcentrée) ...... 55 Figure 12 : Organigramme type département (structure déconcentrée) ...... 55 Figure 13 : Organigramme type département (structure décentralisée) ...... 55 Figure 14 : Circonscriptions administratives héritées, actuelles et proposées ...... 58 Figure 15 : Niveau de fonction administrative des chefs-lieux de canton ...... 75

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Budget global et d’investissement de quelques collectivités territoriales en 1994 et 1995 ...... 21 Tableau 2 : Dyamique des villes nigériennes selon leur statut administratif ...... 48 Tableau 3 : Classification des critères (mars 1995) ...... 56 Tableau 4 : Classification des critères (janvier 1996) ...... 56 Tableau 5 : Correspondances des niveaux de circonscriptions administratives ...... 56 Tableau 6 : Synopsis des régions, départements, arrondissements et communes ...... 58 Tableau 7 : Promotions et régressions administratives des centres ...... 58 Tableau 8 : Fonction municipale des chefs-lieu d’arrondissements proposés ...... 59 Tableau 9 : Fonction municipale des chefs-lieux de département proposés ...... 59 Tableau 10 : Synopsis des coûts globaux pour la mise en œuvre de la décentralisation ...... 61 Tableau 11 : Estimation des coûts des entités ...... 61 Tableau 12 : Le poids des chefs-lieux administratifs ...... 75 Tableau 13 : Dynamique des villes nigériennes selon leur évolution administrative ...... 77

Grafigéo 1999-7 98 Résumés

Résumés

• F R A N Ç A I S miques contemporaines se heurtent ou rencontrent les légitimités historiques et identitaires. De ces expressions qui En 1994, le Niger se lance dans un empruntent les canaux officiels de la projet quelque peu utopique de refonte consultation ou la voie des groupes de totale de son système d'administration pression dans l'appareil d'Etat nait un territoriale avec l'instauration de quatre compromis territorial. niveaux emboîtés, de la commune à la Un apparent retour du refoulé s'expri- région. Un patient travail de redécoupa- me alors massivement par la reconnais- ge s'engage. L'ambition est de réaliser un sance d'entités précoloniales autour de pavage intégral du territoire dès le niveau leurs chefs-lieux historiques. le plus fin, celui des municipalités. Voici En fait, le refoulé dans l'ordre politico- une fantastique opportunité d'observa- territorial encore en vigueur, relève de tion et d'analyse des dynamiques et des l'informel, des chaînes de sociétés em- recompositions territoriales à l'œuvre boîtées et des complémentarités axiales. dans le Niger contemporain. Celles-ci restent ignorées, de même que Dans ce contexte, la reconnaissance de les solidarités aspatiales (sans continuité certaines dynamiques contemporaines ou territoriale). Autant de réalités présentes au contraire le primat accordé aux fonc- ailleurs, dans les filières et les réseaux tions héritées ne sont évidemment pas économiques et sociaux qui animent le neutres et permettent de découvrir les système de villes et marchés du sous- forces socio-territoriales sur lesquelles continent. l'État entend s'appuyer ou qui s'impo- Dans la bataille territoriale du redé- sent à lui. coupage et du chef-lieu ce sont des for- Sur fond de recherche d'un système mations sociales rivales nées des clivages rationnel basé sur le mythe de l'optimum de la réinterprétation coloniale des soli- territorial, la défense d'intérêts locaux et darités coutumières qui apparaissent. Le régionaux fait rage. Des argumentaires référent identitaire et généalogique choisi contradictoires se déploient sur de mul- renvoit à des solidarités effectives. Mais tiples registres. Les dynamiques écono- surtout il pourra être instrumentalisé

Grafigéo 1999-7 99 Retour du refoulé et effet chef-lieu au Niger dans la mobilisation des ressources This process of reform reveals new locales et dans les relations avec l’exté- challenges relating to the functions of rieur. Sur fond de mutation des fonctions administrative centres, and the spatial de chef-lieu, crispations et innovations representation of different social groups. territoriales sont en marche. The arguments put forward are extreme- ly diverse, tanging from a modern rein- • A N G L A I S terpretation of regional historical divides to major principles of spatial rationalisa- The crisis of an hypertrophied state tion. But, once again, the search for an based on the uranium generated ideal territorial organisation is faced with incomes. A territorial system wich have the complexities of the social and spatial run his course. The demands of a popu- realities, and a wide range of strategies, lation avid for democracy. The claims of customs and perceptions. the Tuareg population in rebellion. The In contemporary Niger, the foudations pressure from investors driven by a of territorial restructuring are emerging, concern for governance and sustainable embracing the forces of globalisation, the development… Institutional and territo- search for new idntities and new para- rial reform must be global, radical and digms of local development. utopian.

Dépôt légal : octobre 1999