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Séquences La revue de cinéma

21 Grams Rassurant et dérangeant Monica Haïm

Numéro 230, mars–avril 2004

URI : https://id.erudit.org/iderudit/48179ac

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Éditeur(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique)

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Citer ce compte rendu Haïm, M. (2004). Compte rendu de [ : rassurant et dérangeant]. Séquences, (230), 48–48.

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21 GRAMS L'introduction de la mort approfondit la réflexion sur le hasard Rassurant et dérangeant amorcée par Arriaga, le scénariste de deux films, pour conclure sur l'existence d'un équilibre immanent. Paul reçoit une nouvelle aul (Sean Penn) est prof de maths. Il a le cœur très abîmé; il vie grâce au cœur de l'architecte tué — une mort pour une vie. Il Pest au seuil de la mort. Seule une transplantation cardiaque fait un enfant à Cristina lui restituant ainsi l'enfant qu'elle a perdu peut lui redonner vie; il est en attente d'un cœur. Cristina (Naomi — un enfant pour un enfant. Il ne tue pas Jack, il lui pardonne, lui Watts), blonde, bourgeoise et paumée, est une junkie réformée. rend la vie — la vie de Jack pour la vie de la fillette qu'il n'a pas Elle a eu la chance d'être sauvée par un architecte b.c.-b.g. et ban­ sauvée. lieusard qui s'est entiché d'elle, l'a épousée et lui a donné deux L'histoire place ces restitutions sous le signe (peu original) du enfants. Elle, l'architecte (et ce n'est pas d'après la maison qu'ils cycle. Le concept est figuré par le rapport entre la première et la habitent qu'on pourra deviner son métier) et leurs deux fillettes dernière image du film (il s'ouvre sur la scène où Paul fait l'enfant filent le parfait bonheur, jusqu'à 18h50, un certain 10 décembre, à Cristina et se clôt sur la piscine abandonnée qui représente sa jour de l'anniversaire de Jack (). tombe par le truchement d'un raccord thématique et graphique Jack est « de classe inférieure ». Ex-détenu et ex-alcoolique, il avec la scène précédente où il meurt.) a retrouvé Dieu grâce à un preacher. Sa femme () est La vision, somme toute optimiste, dégagée par la notion superbe et leurs deux enfants, mignons. Il a été caddie dans un d'équilibre, est contredite, cependant, par la qualité des images. club de golf huppé, mais il a été viré parce que les membres se sont Très crues et extrêmement rapprochées, manquant de lumière et plaints du tatouage (un cœur ardent) qu'il a sur le cou. Le d'air, elles créent une atmosphère grave par leur aspect étouffé et supérieur qui lui a montré la porte à contrecœur, a des remords. étouffant. Bien que cette gravité trahisse une recherche de style un Le jour de son anniversaire, Jack le rencontre par hasard. Il l'invite peu trop appuyée (caméra à l'épaule et bleach-bypass), l'insistance à prendre un pot. En rentrant chez lui, Jack, qui n'est pas soûl, sur le look est rachetée par une narration qui témoigne d'une heurte l'architecte et les deux fillettes,leu r fauche la vie, et s'enfuit. volonté, encore plus forte que celle d'Amores perros, de rompre Comme celle d'Amores perros, l'histoire est provoquée par la avec le schéma classique du récit. rencontre fortuite et violente de trois êtres : un intellectuel — rap­ À cette fin,c e dernier fait usage d'une technique de narration pelons-nous qu'avant de devenir guérillero, puis tueur à gage, El moderne et « dérangeante ». En racontant l'histoire comme on Chivo d'Amores perros, avait été prof de philo — une blonde de aligne des photos, le récit ne chemine pas vers une fin(u n telos), il classe moyenne et un homme de classe inférieure. L'accident profite n'avance pas dans le temps; il s'étale dans l'espace. Procédant par à celui des trois qui est le plus mal pris. L'intellectuel est le plus collage de blocs thématiques et non par enchaînement naturel des nécessiteux. La blonde est celle qui perd le plus et l'homme d'en bas événements, il supprime le temps, bouleverse ainsi la chronologie est celui par qui l'accident arrive. Mais alors que l'accident, dans habituelle et dénaturalise la narration. L'histoire de Cristina, par Amores perros, ne fait aucun mort, dans 21 Grams, il en fait trois. exemple, est racontée dans les trois premiers plans. L'usage intelli­ gent que le scénariste et le cinéaste font du mon­ tage, effectué le plus souvent au moyen de raccords à la fois graphiques et thématiques, est très réjouissant. À des années-lumière de Hollywood par son art du récit, et à son avant-garde par ses images, 21 Grams, est tout de même Hollywood par ses acteurs et son budget de vingt millions de dollars US, dix fois celui d'Amores perros. Cependant, les vedettes — cher payées parce que censées assurer un bon rendement au capital investi — n'apportent rien à l'entreprise artis­ tique du film qui aurait été mieux servie par des acteurs moins connus. Monica Ha i m

•i 21 grammes États-Unis 2003,125 minutes - Real. : Alejandro Gonzalez Inârritu - Scén. : — Photo : Rodrigo Prieto — Mont. : Stephen Mirrione - Mus. : Gustavo Santaolalia - Dec. : Brigitte Broch - Cost. : Marlene Stewart - Int. : Sean Penn (Paul Rivers), (Cristina Peck), Benicio Del Toro (Jack Jordan), Melissa Leo (Marianne Jordan), (Mary Rivers), Clea DuVall (Claudia Williams), Danny Huston (Michael Williams) — Prod. : Robert Salerno, Une vision dégagée par la notion d'équilibre Ted Hope - Dist. : Alliance.

SÉQUENCES 230 mars_avril 2004