Marin Marais (1656-1728)
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LE SECRET DE MONSIEUR MARAIS LUCA PIANCA IL SUOnaR PARlanTE ORCHESTRA VITTORIO GHIELMI MENU › TRACKLIST › FRANÇAIS › ENGLISH › DEUTSCH MARIN MARAIS (1656-1728) 1 TEMPESTE 2’29 2 LES VOIX HUMAINES 4’02 PETITE SUITE DES MATELOTS 3 MARCHE POUR LES MATELOTS 0’48 4 LA BISCAYENNE 0’35 5 DEUXIÈME AIR DES MATELOTS 0’42 6 TROISIÈME AIR DES MATELOTS 0’33 7 RONDEAU LE BIJOU 3’25 8 BADINAGE 5’06 9 GIGUE 1’06 10 LA SIAMOISE (WORLD PREMIERE RECORDING) 4’28 11 LA POLONAISE 1’34 12 SARABANDE LA DÉSOLÉE 2’59 13 ALLEMANDE. LA MARIANNE 3’03 14 SARABANDE 2’35 15 LES REGRETS (WORLD PREMIERE RECORDING) 3’19 16 OUVERTURE pour servir d’enTr’ACTE 3’44 17 PRELUDE 5’18 18 SUJET. DIVERSITEZ 13’13 19 SIMPHONIE DU SOMMEIL 2’20 20 MARCHE POUR LES PASTRES 1’50 21 BALLET EN RONDEAU 4’34 TOTAL TIME: 67’51 SOLO PIECES (tracks 2, 7, 8, 10, 12, 13, 15, 17, 18, 21) VITTORIO GHIELMI VIOLA DA GAMBA LUCA PIANCA ARCHLUTE & THEORBO Archlute Luc Breton, Vaux-sur-Morges 1991 (7, 12, 13, 15, 17, 18) Theorbo Luc Breton, Vaux-sur-Morges 1999 (2, 8, 10, 21) ORCHESTRAL WORKS (tracks 1, 3, 5, 6, 9, 11, 14, 16, 19, 20) IL SUONAR PARLANTE ORCHESTRA XENIA LÖFFLER OBOE FLAVIO LOSCO, MAXIME ALLIOT, BOŽENA ANGELOVA VIOLIN NICOLAS PENEL VIOLIN & VIOLA LAURENT GALLIANO VIOLA CHRISTOPH URBANETZ VIOLa DA GAMBA MARCO TESTORI CELLO & BASSE DE VIOLON PAOLO FANTASIMA BASSOON BENOÎT BERATTO DOUBLE BASS SHALEV AD-EL HARPSICHORD CLEMENT LOSCO TIMPANI & PERCUSSIONS VITTORIO GHIELMI VIOLA DA GAMBA, PARDESSUS DE VIOLE & DIRECTION Basse de viole Luc Breton, Vaux-sur-Morges 2007 Basse de viole Michel Colichon, Paris 1688 (4, 11, 14) Pardessus de viole, Louis Guersan, Paris 1753 (19) › MENU AIS NÇ UNE « PIERRE DE ROSETTE » FRA POUR LA MUSIQUE FRANÇAISE PAR VITTORIO GHIELMI Ces sortes d’esprits amateurs du fard et qui confondent le fade avec le délicat… Bacilly, L’art du chant, 1679 De nombreuses études sur l’interprétation de la musique « ancienne » parues ces derniers temps montrent que les principes d’exécution élaborés par les « pionniers » dans les années 1970 et que l’on utilise aujourd’hui comme une sorte de passe-partout ne rendent pas justice aux partitions musicales de ces époques. La conception du son qui nous a été transmise par les premières générations de musiciens à s’être consacrés à la redécouverte de la musique européenne antérieure au XIXe siècle est inadéquate pour exprimer cette musique, bien qu’elle soit devenue aujourd’hui le courant dominant. Dans un texte pour un précédent disque consacré à Marais, j’écrivais déjà : « S’agissant d’une rhétorique musicale très éloignée de la rhétorique moderne, et peut-être inconciliable avec elle, on peut imaginer qu’un disque réellement interprété “à la Marais” par Marin Marais lui-même ne recevrait aujourd’hui aucun prix de la critique ou serait peut-être publié dans quelque série de documents ethnomusicologiques. » J’attirais aussi l’attention sur les descriptions du style de Marais contenues dans certains textes de son époque, et en particulier dans le célèbre pamphlet d’Hubert Le Blanc intitulé Défense de la basse de viole (1740). En voici les principaux passages concernant le jeu de Marais et la manière « de jouer les pièces » : « tic-tac, par les coups d’archet enlevés, et tout en l’air, qui tiennent si fort du pincé du Luth et de la Guitarre, sur le modèle de quoi le Père Marais a composé ses Pieces […] variées de six coups d’archet différens… » (p. 23). L’archet AIS NÇ frappe donc la corde un instant très bref (« tic-tac ») et la quitte immédiatement, comme FRA dans les instruments à cordes pincées. Marais est néanmoins capable de varier ces courtes articulations du son de six manières différentes, c’est-à-dire, puisqu’il s’agit de coups « de plectre », de produire six attaques différentes, six consonnes différentes (« quoiqu’il les ait variées de six coups d’archet différens »). Ce texte, qui est d’ailleurs bien connu, est très embarrassant. Il suppose en effet une technique complètement différente de celle utilisée par les gambistes modernes, ainsi qu’un assemblage et une facture des instruments incompatibles avec ce qui a été pratiqué au cours des cinquante dernières années. Aussi certains ont-ils essayé de décrire Le Blanc comme un personnage excentrique auquel on ne saurait faire confiance. Les nouveaux documents que j’ai découverts et déchiffrés avec l’aide de Christoph Urbanetz, dans le cadre d’un travail de recherche en cours au Mozarteum de Salzbourg1, montrent que Le Blanc avait raison. Ils révèlent également les procédés techniques et musicaux du jeu de Marais jusque dans leurs moindres détails. Il s’agit de textes imprimés et manuscrits, en partie inaccessibles au public, contenant des centaines d’annotations manuscrites très détaillées sur la façon de jouer : on y trouve également quelques pièces inédites, que nous présentons au public pour la première fois. Ces annotations remontent à Marais lui-même et à son cercle d’élèves proches. Marin Marais était un professeur avant-gardiste et ces notes montrent qu’il avait créé son propre « système », qui comprend un vocabulaire technique et musical d’une variété et d’une complexité sans précédent ; il révèle une rhétorique fortement cristallisée et une recherche expressive illimitée. 1. Une série d’articles scientifiques sur ce sujet, donnant toutes les références bibliographiques, est en cours de publication avec le soutien de l’Université Mozarteum de Salzbourg. AIS NÇ Voici quelques exemples des termes que l’on rencontre dans ces documents : Balancé, FRA Bondissant, Jeté, Elevé, Enlevé, Renforcé, Soutenu, Mordant, Marquez, Fort, Très Fort, Forcé 2, Doux, Etouffé, Velouté, Arpège Subit, Demi Arpège, En plein, Plaqué, Enflè, Exprimé, Traisné, Filè, Aspiration, Sec, Separé, Silence, Coupé, Court, Saccadé, Pesamment, Petits coups, Grands coups, Tapé, Detaché, Nourri, Animé, Gagner le sujet, Demeurer sur la Basse, Peser sur la Basse, Fière, Flaté, Égal, Lié, Louré, Pointé, Picqué, Supposition möelleuse, Supposition gracieuse – avec d’innombrables variantes. À cela s’ajoutent des signes spéciaux pour le vibrato, le glissando, les ornements habituels et d’autres ajouts pour les petites notes qui renvoient à une expressivité « vocale » reposant sur la « recherche de la note » (glissando initial ou final des notes), et non sur une conception « statique » de l’intonation. La particularité des documents que nous avons découverts est que les expressions y sont écrites, avec une plume très fine, en sigles microscopiques rassemblés par groupes : on trouve parfois jusqu’à cinq ou six expressions pour une seule note. La question qui se pose est alors la suivante : comment faire pour exécuter une note très brève en tenant compte du fait qu’elle reçoit simultanément (par exemple) les qualifications suivantes : « Bondissant-trainé-enflé-coupé-étouffé-silence » ? Ces signes ne nous donnent pas des indications « statiques », comme celles que l’on trouve dans les traités de musique ou les manuscrits soigneusement copiés, mais tentent de décrire le jeu en action. Nous sommes en présence d’une sorte de tentative de vidéo didactique avant la lettre. Je ne connais aucun autre document ancien qui aille aussi clairement dans cette direction et c’est une découverte unique et fondamentale pour la compréhension de la musique baroque française ! 2. « Forcé » apparaît notamment dans Les Voix humaines, une pièce que l’on joue toujours, dans la « tradition » moderne, pianissimo et sans développement dynamique et rhétorique. AIS NÇ Avec la technique de la viole de gambe la plus couramment utilisée aujourd’hui, il n’est FRA pas possible de faire entrer dans une seule note toutes ces « caractéristiques ». Si, au lieu de cela, nous parvenons à réinventer le « geste » correct, avec l’archet qui rebondit en l’air, comme nous l’explique Le Blanc, tous les attributs notés par le copiste se trouvent produits automatiquement et « synthétiquement », presque par miracle. C’est le geste qui crée la musique, et non l’inverse. Depuis des années, je pratique et j’enseigne une technique musicale et instrumentale conçue dans ce sens. Cet enregistrement est une réflexion supplémentaire sur ces chefs-d’œuvre musicaux. Le fait d’observer de si près la « pratique musicale » de Marais m’a permis, ainsi qu’à mes chers collègues d’IL SUONAR PARLANTE ORHESTRA, d’appliquer également cette esthétique aux pièces orchestrales de Marais. Une esthétique du geste qui révèle, par de petits signes ajoutés à la partition, la recherche d’un swing très différent de celui auquel nous sommes peut-être habitués pour cette musique. Écoutez par exemple la Polonaise. Dans l’exemplaire du 2e livre conservé à la Sibley Library (Rochester), on trouve des annotations qui, si elles sont bien comprises musicalement, changent complètement le rythme interne de cette pièce. Cette esthétique ne peut être comprise en profondeur que si l’on accepte que ces musiciens savaient « parler » avec leurs instruments, déclamer un texte, comme un acteur de l’époque de Racine et de Molière. Les milliers de signes notés par les élèves de Marais nous conduisent dans cette direction : chaque note devient une syllabe avec ses consonnes et ses voyelles, avec son épaisseur sonore qui en définit le caractère, l’affect. Nous ne serons donc pas surpris qu’une sarabande de Marais pour viole de gambe ait pu être facilement transformée en un air chanté : « Les Airs de M. Marais sont si gracieux et si chantants », écrit Le Mercure galant d’août 1711, « qu’on a choisi une Sarabande du 3e Livre qu’il donne au Public, pour y ajouter des AIS NÇ paroles Bachiques ; on a cru inutile d’en donner icy la Note : sitôt que les Livres de cet FRA excellent Auteur paroissent au jour, ils sont bien-tôt entre les mains de tout le monde.