"Le Dehors Est Toujours Un Dedans" : Tensions Entre Architecture Et Nature Chez Le Corbusier
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"Le dehors est toujours un dedans" : tensions entre architecture et nature chez Le Corbusier Autor(en): Courtiau, Catherine Objekttyp: Article Zeitschrift: Mitteilungen der Gesellschaft für Gartenkultur Band (Jahr): 7 (1989) Heft 2 PDF erstellt am: 06.10.2021 Persistenter Link: http://doi.org/10.5169/seals-382165 Nutzungsbedingungen Die ETH-Bibliothek ist Anbieterin der digitalisierten Zeitschriften. Sie besitzt keine Urheberrechte an den Inhalten der Zeitschriften. Die Rechte liegen in der Regel bei den Herausgebern. Die auf der Plattform e-periodica veröffentlichten Dokumente stehen für nicht-kommerzielle Zwecke in Lehre und Forschung sowie für die private Nutzung frei zur Verfügung. Einzelne Dateien oder Ausdrucke aus diesem Angebot können zusammen mit diesen Nutzungsbedingungen und den korrekten Herkunftsbezeichnungen weitergegeben werden. Das Veröffentlichen von Bildern in Print- und Online-Publikationen ist nur mit vorheriger Genehmigung der Rechteinhaber erlaubt. 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Ainsi la négation de la différence entre architecture Nous préférons renvoyer le lecteur au et paysage permet de produire une numéro spécial de la revue «Casabella», paru en «architecture-paysage» prévue pour la «promenade janvier-février 1987, à l'occasion du centenaire architecturale»2, ou bien des «paysages de la naissance de l'architecte et consacré à ce architectures» où la nature collabore aux grands thème particulièrement complexe. Nous nous desseins corbuséens. limiterons à présenter les sources d'inspiration Ce brouillage des cartes s'est très souvent et l'évolution de la relation entre architecture et énoncé dans les termes des rapports entre nature dans l'oeuvre de Le Corbusier. En ce qui «dedans» et «dehors». Avec une insistance concerne le choix des exemples, nous avons mis constante au fil de son oeuvre, Le Corbusier n'a l'accent sur des projets ou réalisations conçus cessé d'affirmer que les deux espaces étaient ' pour la Suisse. complémentaires et devaient être soumis à la «Le dehors est toujours un dedans» - co tensions entre architecture et nature chez Le Corbusier Du dedans au dehors même conception. «Le plan procède du dedans au dehors; l'extérieur est le résultat d'un La diversité des archives disponibles interdit de intérieur. Les éléments architecturaux sont la prêter à Le Corbusier quelque chose comme une lumière et l'ombre, le mur et l'espace. L'ordonnance, «théorie» cohérente des jardins. Loin de reconnaître c'est la hiérarchie des buts, la classification au paysage naturel un statut particulier des intentions .»3 «La vie se développe de qui le différencie des édifices bâtis, Le Corbusier dedans au dehors, règle qui juge avec sérénité s'emploie à «dénaturer la nature»: le jardin, le autour de soi. Dès lors, voici le domaine bâti ciel, la lumière, le panorama sont réduits au statut désigné par des éléments rassemblés à des fins de composants du projet architectural, au utiles et qui sont autant d'organes, cohérents même titre que les composants artificiels que comme en des organismes naturels.»4 sont les murs, les fenêtres, les toitures, etc. Ce On ne s'attendra donc pas à trouver dans geste d'appropriation égale du naturel et de cet article le modèle d'un «jardin Le Corbusier», l'artificiel vise une mise en ordre totale du car il n'existe pas. En revanche, nous pro- 1 Le Corbusier sous la pergola de sa maison à Cap Martin, années 1960. posons d'examiner plusieurs des rôles que Le ligne qui profile la ville sur le ciel est pure et par Corbusier a fait jouer au jardin et au paysage elle, il nous est loisible d'ordonner avec ampleur naturel dans son oeuvre d'architecte. le paysage urbain.»8 Cette liaison très méditerranéenne entre La maison-jardin maison et jardin se retrouve dans la petite maison de Corseaux au bord du Léman qu'il conçut Observateur sensible et aigu, Le Corbusier a en 1925 pour ses parents. Dans cette «machine à accumulé un grand nombre d'expériences au habiter»9, la distribution est dictée par le concept cours de voyages de formation auxquels il fera d'une «promenade architecturale». Les référence sa vie durant. En 1907, il s'était rendu espaces intérieurs et extérieurs s'enchaînent en Italie, où il fut impressionné par la selon une circulation naturelle et évidente. Dans Chartreuse d'Ema, aux environs de Florence, cette petite maison, Le Corbusier intègre la vue construite au XVe siècle. «J'ai vu, dans ce paysage de l'extérieur par la longue fenêtre horizontale musical de la Toscane, une «cité moderne» de 11 mètres qui s'ouvre sur le lac et les montagnes couronnant la colline. La plus noble silhouette dans et laisse pénétrer la lumière en abondance. le paysage, la couronne ininterrompue des cellules La nature devient partie intégrante de la maison. des moines; chaque cellule a vue sur la plaine, La longue fenêtre donne sur un jardin, situé et dégage sur un jardinet en contre-bas entièrement devant la maison, entouré d'un mur dans lequel clos. Le dos de chaque cellule ouvre a été pratiqué une ouverture carrée. L'espace du par une porte et un guichet sur une rue circu- jardin est défini par le mur et par une haie qui ÖO laire. Cetterueestcouverted'unearcade: lecloî- l'isolent du paysage extérieur. Alors que l'ouverture tre.»5 La Chartreuse d'Ema servira plus tard de du mur d'enceinte du jardin forme un écran référence pour ses recherches sur la «cellule à au paysage, un cadre - le paysage devenant échelle humaine» et les «immeubles-villas». De tableau - la fenêtre horizontale de la maison même, les cellules du couvent de la Tourette à offre une vue panoramique du lac et des montagnes. Eveux-sur-1'Arbresie, près de Lyon, réalisé en L'espace protégé du jardin est un prolongement 1955, sont orientées vers l'extérieur, chacune direct de l'intérieur, une «chambre d'entre elles disposant d'une petite loggia d'été».10 Comme le toit-terrasse de cette petite individuelle. maison, le jardin dans son enclos est en En 1911, Charles-Edouard Jeanneret effectua «osmose» avec le ciel. son voyage d'Orient d'où il rapporta d'innombrables esquisses et notes réunies et Le toit jardin complétées en 1914 dans l'ouvrage intitulé «Le voyage d'Orient» publié par Gaspard Valette au Le Corbusier découvrit l'utilité concrète et la Mercure de France.6 Au cours de ce voyage, il beauté symbolique des toits plats dans les pays avait été séduit par la nature et les jardins d'Italie, méditerranéens. Lorsqu'il visita, en 1933, les villes de Grèce, de Delphes, d'Istambul. Ses lectures du M'Zab, ces oasis du Sahara algérien, il complétèrent son expérience concrète. s'exclama: «La leçon est celle-ci: chaque maison «Poétiquement, les jardins de Sémiramis7 nous sont du M'Zab est un lieu de bonheur. Au M'Zab venus; ils sont réalisables et réalisés; ils étonnent on n'a pas eu l'idée d'admettre qu'une seule et ravissent, ils sont utiles et ils sont beaux. La famille pourrait ne pas avoir son arcade et son 2 Le toit-terrasse de l'immeuble Clarté a Genève, 1932. jardin.»11 De même, le «jardin-terrasse» préconisé par Le Corbusier au cours des années 1920, à par Le Corbusier sur les toits des immeubles commencer en 1914 - 1915 par ses projets de urbains se présente comme une «oasis dans la maisons Dom-ino15, puis au travers de ses ville». réalisations, notamment la villa La Roche-Jeanneret L'aménagement d'un appartement en atti- à Paris en 1923. Les maisons Dom-ino avaient que à toit-terrasses sur les Champs-Elysées à inauguré le cycle des projets expérimentaux qui Paris, fut réalisé en 1929- 1931 par Le Corbusier se poursuivirent avec la série des maisons pour Charles de Beistegui. C'est une intervention Citrohan16, dans laquelle apparaissaient peu à qui sort de toute conception type. Il s'agit peu les pilotis, libérant le sol, et qui culmina à d'un petit paradis en dehors de l'univers grouillant l'occasion de l'exposition de la Weissenhofsied- et pollué de la ville. Le panorama de Paris lung de Stuttgart en 1927.17 est visible par-dessus les murs protecteurs à l'aide d'un périscope. La dernière terrasse fut La cité-jardin désignée comme «chambre à ciel ouvert» par son concepteur. L'application de ces études de maisons à Le toit-jardin est aussi un type, un l'aménagement urbain a connu une évolution fort «standard». «Le standard est d'une façon générale, un intéressante. En 1914, Charles-Edouard Jeanneret objet ou un élément d'objet typique, représentant élabora un projet de cité-jardin qui peut soit la plus heureuse expression d'une vue nous surprendre aujourd'hui. Il s'agit du projet de l'esprit, soit le point d'arrivée d'une longue pour une cité-jardin sur le terrain des Crétets à OO évolution à laquelle le temps, le climat, la terre et La Chaux-de-Fonds.18 Dans le premier volume ro le ciel, et de nombreuses générations humaines de «l'Oeuvre complète»19, Le Corbusier ont collaboré.»12 Le toit-terrasse qui remonte présentait ses maisons Dom-ino de 1914 - 1915, aux premiers âges historiques d'Egypte, de constructions rapides et bon marché, et proposait Chaldée, porté au plus haut point de perfectionnement un lotissement «Dom-ino», c'est-à-dire une par les Perses et les Cretois, constitue cité-jardin.