Waldei chez les Peuls de Gabéro, région de ,

Contribution pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel Waldei

Ahamadou Sambel

@Juin, 2018

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Table des matières Avant‐propos ...... 3 I. C’EST QUOI ? ...... 4 a. PLAN HISTORIQUE (rappel): ...... 4 II. WALDEI OU ALWADEI, ESPACE D’EDUCATION CIVIQUE, DE FOLKLORES, DE SOLIDARITE, DE DEMOCRATIE ET DE LIBERTE DE PAROLE, DE PENSEE etc...... 5 III. ORIGINE ET STRUCTURATION DE WALDEI CHEZ LES PEULS GABERO...... 6 IV. FONCTION DE WALDEI ...... 7 V. LES DIFFERENTES MANIFESTATIONS CULTURELLES AU NOM DE WALDEITAAREY ...... 8 o Les manifestations d’alwadei au début de sa création jusqu’à l’avènement de la colonisation selon Mahmoud Youbba de Dongomé...... 9 o Les principales manifestations culturelles de waldei de nos jours : ...... 10 Conclusion ...... 11

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Avant‐propos

Cet article est le fruit d’un desk research. Il est basé principalement sur les connaissances personnelles de l’auteur sur le phénomène ainsi que les contributions de certaines personnelles. Il ne décrit pas de façon exhaustive waldei.

Il s’inscrit dans le cadre d’une contribution à la connaissance et diffusion d’un phénomène social dans le Gabéro.

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I. C’EST QUOI GABERO ? a. PLAN HISTORIQUE (rappel): Gabéro est un territoire dans le cercle de Gao fondé au 18ème siècle par des lettrés Peuls musulmans venus du Macina (villages de Wuro Nguiya/Dogoh). A son apogée, le territoire de Gabéro s’étendait de Koïma Harizouro dans l’actuelle commune de à Boundounggol/Bazi dans l’actuelle commune d’. Des champs et des cimetières sont encore présents dans certains villages de Gounzoureye, Tanal et Bazi pour témoigner de cette présence. Gabéro se situait seulement dans le gourma.

Avec l’arrivée des colons français, Gabero fut érigé en canton et connut un morcellement arbitraire (1900 et 1942) : les terres de Gorom–Gorom, des Sidibé, de Sarou, Thirissoro, une partie de Koima en face de Gao et celles allant de Marga à Gaïna forment le nouveau canton de Gabéro. La partie sud est rattachée au cercle d’Ansongo.

En 1958 (dislocation des cantons par la nouvelle république du Mali), le territoire de Gabéro fut subdivisé à nouveau entre les arrondissements de Gao et de . Une partie de Gabéro a formé avec quatre villages situés sur la rive droite Haoussa (Gouthine, Gargouna, Todjel Gargouna et Haoussa Foulane) qui ne faisaient pas partie de Gabéro ancien l’arrondissement de Haoussa Foulane.

b. PLAN ADMINISTRATIF :

En 1999, l’arrondissement de Haoussa Foulane a été érigé en commune rurale avec chef-lieu de commune Haoussa Foulane, aussi chef-lieu de l’arrondissement du même nom1.

La commune de Gabéro est composée de diverses ethnies autres que Peule qui cohabitent de façon pacifique. Elle souffre des effets du changement climatique. L’ensablement menace les mares et le fleuve Niger impactant durablement les activités socioéconomiques des populations locales.

Gabéro, une Polysémie ?

Il peut désigner :

1-le Gabéro humain qui est constitué de la descendance de CHABIBI ardo-Macina de ouro-Nguiya (MACINA), ainsi que ses apparentés par les liens du mariage (locaux et migrants peuls).

2-le Gabéro territorial qui s’est constitué et déplacé au courant des migrations du Gabéro humain. Ces territoires, souvent discontinus, s’échelonnent du Wouro-Nguiya/Dogôh d’origine à Sennar au Soudan, avec une emphase spécifique sur le Gabéro du cercle de Gao, qui a couvert au cours de l’histoire de Koima (Gadindé) à Bazi (Bouddongol-hari-zouro)_Aloumour Ibrahim, généalogiste

Le phénomène waldei décrit ici ne concerne que celui la communauté Peule du gourma de l’actuelle commune de Gabéro. Le phénomène s’observe chez Peuls de Bazi Gourma et Sidibe de Gounzoureye avec des variantes propres à chaque communauté (Gabéro, Sidibe et Bazi). Les communautés peules de Gabéro, Bazi et sidibe entretiennent des relations de mariage.

1 Géographie de la commune de Gabéro : https://balatasidibe.wordpress.com/2017/01/04/geographie‐de‐ Gabéro‐commune/

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Les peuls de Gabéro sont monogames et endogames. Ils ont un immense respect pour la femme qui est traitée en reine. Frapper une femme de Gabéro peut déclencher un conflit inter village ou inter groupe. La femme est un être sacré pour le gaberois (ressortissant de Gabéro).

II. WALDEI OU ALWADEI, ESPACE D’EDUCATION CIVIQUE, DE FOLKLORES, DE SOLIDARITE, DE DEMOCRATIE ET DE LIBERTE DE PAROLE, DE PENSEE etc. Alwaldei ou waldei est un mot d’origine peule qui signifie association de personnes filles et garçon d’une même génération formelle. Elle correspond à groupe d’âge. Elle dispose des règles d’adhésion, de fonctionnement et des normes à respecter qui se perpétuent. C’est une institution sociale qui résiste à certains dogmes de la religion musulmane et régit le fonctionnement de la société gaberoise qu’il singularise.

C’est un espace de liberté d’expression, d’égalité, de démocratie et de solidarité. Toutes les décisions se prennent à l’unanimité ou à défaut la majorité des présents qui se sont acquittés du droit d’adhésion (avoir tué au moins un animal pour waldo/waldei). Les décisions du waldei peuvent être contestées et traduites devant les ainés, ou devant les sages de la localité. Les décisions et les normes de waldei sont inviolables sur tout membre (homme/femme) et transcendent les villages nés du découpage postcolonial. Les filles et garçons ont les mêmes droits.

Les membres d’alwadei sont solidaires les uns des autres. Le respect de l’autre dans une large liberté d’expression (y compris les taquineries) est exigé et constitue une valeur cardinale.

Alwadei, c’est aussi une institution d’éducation à la citoyenneté qui accueille, oriente et forme les membres sur le sens de la citoyenneté (droits et devoirs envers la communauté, les relations sociales,) pour perpétuer l’homme de Gabéro, pérenniser les attitudes et pratiques acceptées ou non dans la vie en groupe. Alwadei est selon Aboubacar Habiboulaye « une entité instituée à Gabéro pour régir la vie de l’homme, le préparer, l’encadrer, l’orienter sur les situations de la vie ».

Les enfants apprennent auprès des ainés qui jugent la conformité de leurs actes et comportements aux valeurs de la société. C’est aussi un espace de concurrence, de saine émulation entre les membres d’une même génération et entre les générations dans le sens positif. Il contribue ainsi à perpétuer et à véhiculer le mode de vie, les traditions, la conscience d’appartenance et l’unicité de Gabéro à travers les manifestations culturelles (mariage, wiya -wiya, teli, zoulli) qui restent les mêmes dans tous les villages. Il contribue ainsi à cimenter et à revivre les liens de fraternité et de conscience d’appartenance à la même famille biologique et culturelle. Waldei est un des déterminants des peuls.

Il est important de souligner aussi qu’un Waldei-zé ne denonce jamais un autre waldei-zé dans le cadre d’une action commise dans une manifestation de waldei ou au nom de waldei. La sanction d’un acte commis ar un membre s’applique à tout le waldei même d’autres villages. C’est cette solidarité qui fait du waldei à Gabéro cette institution unique à son genre.

Lors des manifestations culturelles (port du turban, teli, mariage, djadjere), waldei bénéficie de libertés supplémentaires qui autorise si besoins et en respect des respects des codes et procédures des libertés et pouvoirs supplémentaires. En cas de non satisfaction d’alwadei lors d’une manifestation culturelle, il lui est permis selon des procédures précises des injures et des prises des biens privés et collectifs sans risque de condamnation ou rancunes. La vengeance (banandi) est très acceptée par alwadei bien que condamnant toute forme violence.

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Waldei, une institution de protection et de défense de la communauté. En effet, dès sa création, les initiateurs ont autorisé les patrouilles nocturnes des jeunes en vue d’identifier les éventuelles menaces d’attaques/agressions contre la communauté. Les patrouilles ou tounandi sont organisées par les jeunes hommes non mariés sur l’ensemble du territoire à l’intérieur des villages. Elles sont organisées de façon inopinées et sans générer de coût financier. Un homme ou groupe d’homme est libre d’aller dans n’importe quel village contribuant à la collecte d’information/renseignement, à la défense et à la protection des personnes et des biens de la communauté. Il serait difficile de rentrer dans un village donné sans être aperçu par les jeunes patrouilleurs « tounandi key ». Les patrouilleurs règlent certains problèmes de sécurité sans le dire le plus souvent. La discrétion est de taille dans un waldei et dans ces tounandi. Il est considéré comme sot et sera rejeté le membre qui raconte ce qu’il a vu la nuit et ce qu’il a fait avec ses camarades à la maison. Tounandi signifie le fait de rendre visite à une fille de sa génération dans leur domicile à des heures où tout le monde dort.

III. ORIGINE ET STRUCTURATION DE WALDEI CHEZ LES PEULS GABERO. L’origine de Waldei remonte à la fondation de Gabéro au XVIIIème siècle et reflétait l’organisation de la société selon les quatre clans fondateurs : Zénia-hameye,Sambadjo, Garbatafadji et Zangoudjeye.

La période du 18ème et 19ème est marquée par la permanence des conflits avec les voisins (Touaregs et Armah) de la région de Gao. Afin d’assurer leur indépendance politique, la sécurité et la protection des personnes et des biens, sur initiative du chef d’alors Abouba Nsoumana, la jeunesse (13 à 14 ans) fut organisée en groupe d’âge. La communauté avait défini et validé les règles et codes de conduite de Waldei. Ses règles régissent de nos jours le fonctionnement de waldei et restent le référentiel en cas de différend. Abouba institua un service militaire obligatoire à tous les membres d’alwadei appelé Tiamma. Selon Mahamoudou Barazi dit Youbba, le tiamma est un exercice d’entraînement de tous les hommes capables de porter des armes. Chaque matinée et chaque après-midi, tous ceux qui sont en âge de combattre sortaient du village avec les lances, les sabres, les poignards et les boucliers à la main pour s’entraîner. Le lieu du rendez-vous était Tiamma-Hondo, petite élévation de dune se trouvant de nos jours au niveau du village de Traoré. C’est une dune avec des buissons en dessous qui permet de faire de se cacher et de préparer des attaques surprises. C’était sur ce lieu que l’entraînement au maniement des armes se faisait. L’entraînement se fait à travers deux groupes adverses qui se positionnaient l’un par rapport à l’autre sur une distance d’environ 100 mètres. Ils se jettent les lances les uns contre les autres en s’abritant derrière les boucliers, puis organisent des combats rapprochés avec les sabres et les poignards et en se servant toujours des boucliers. Après ces entrainements, les membres de waldei seront divisés en différents groupes selon les compétences et domaines : les négociateurs, les lutteurs, les tireurs d’élites, les rusés etc.

Des patrouilles appelées « Tounandi» furent initiées en cette période pour veiller à la protection et à la défense de la communauté contre les agresseurs ou ennemis potentiels. Ainsi, les jeunes parcourent en groupe ou solo durant la nuit l’ensemble des villages. Très souvent, ce sont les jeunes du village lointain faire leur tounandi dans un village voisin ou lointain et vice versa contribuant ainsi à l’interconnaissance, au partage d’information sur les mouvements sur le territoire et informer les décideurs de la situation sécuritaire afin de prendre des dispositions face à la menace/risques détectés.

Waldei est composé des hommes et des femmes de même âge. Très souvent les filles adhèrent par cooptation des aînés au groupe des ainés (groupe d’âge supérieur). Etre plus âgé est un signe de respect dans la société de Gabéro.

Le but d’Alwadei : apprendre aux jeunes enfants (filles/garçons) à se connaître mutuellement, à s’organiser et être à tout moment prêt, chaque fois qu’on a besoin de leurs services, se former (élevage, guerre et citoyenneté) et perpétuer les valeurs sociétales de Gabéro (l’amour du collectif au détriment de

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l’individuel). Les règles de Waldei transcendent les classes d’âges, les âges. Elles autorisent lors d’evements culturels (port turban (didiga), téli (fête de célébration de mariage chez les filles), hiri haw, diadierè etc. d’outrepasser les règles coutumières : les injures, les vols destinés à la nourriture sont autorisées.

Aujourdhui, chaque génération d’un village administratif dispose de sa classe d’âge autonome obeissant toutes aux mêmes normes, procédures et codes de conduite transcendant le découpage arbitraire né en 1958. Certains villages administratifs ne sont pas encore reconnus par waldei et leurs ressortissants rejoignent leur village d’origine bien qu’administrativement le village est indépendant. Chaque alwadei-ize rejoint l’alwadei dont ses parents sont originaires. En effet, 1890 suite à une bataille entre Gabéro et les Ouillimiden (kel talatay) mais aussi l’annonce de l’arrivée des Blancs (futur colonisateur) dans la région de Gao, Gabéro avait fait un hijjra (émigration). Arrivés à Filingué/Niger, ils se sont divisés en deux camps : une partie a décidé de continuer sur la Mecque et une autre a préféré retourner às leur site d’origine. Ceux qui ont poursuivi leur hijjra ont fondé les colonies de Gabero à Abeché dans l’actuelle république Tchad et à Sennar dans l’actuel Soudan du nord. Ceux qui ont retourné sur leur site d’origine ont trouvé que certains de leur espace furent occupés et trouvèrent les Français dans la région. Certaines terres (Boya et Gaïna) furent achetées aux nouveaux occupants entre 20 et 50 têtes de bœufs selon les sources. C’est qui expliquerait le fait que Boya et Gaina ne disposent pas d’indépendance lors des rencontres culturelles (Soffè/lutte traditionnelle, telli, banda…). Des représentants des différentes familles peuplèrent ces nouveaux villages conquis sans effusion de sang.

IV. FONCTION DE WALDEI Waldéi permet la perpétuation des valeurs et unité culturelle de Gabéro en transcendant les villages artificiels nés de la décolonisation. C’est un espace d’éducation à la culture, de connaissance et d’interconnaissance et d’apprentissage de la vie en communauté selon la culture léguée des ancêtres.

Waldei participe indirectement au choix des leaders de demain et même pour le mariage. Il permettra ainsi à la communauté de connaitre les caractères et comportements des jeunes notamment en termes de leadership, de générosité/avarice, d’amour de la communauté, de capacité intellectuelle, de rigueur, de bravoure, d’honnêteté, disponibilité, calculateur. Un bon leader/manager de waldei est un bon chef pour la communauté. Il permet de distinguer les hommes selon les qualités afin de faciliter le choix d’un bon leader pour la communauté d’autant qu’historiquement le pouvoir politique ne s’hérite pas d’ascendant à descendant. Le pouvoir politique est un bien commun accessible à tout Gabéro répondant aux exigences. Son parcours waldei sera scruté, jugé pendant le choix du futur chef. Notons que la politique dite démocratique influence négativement le choix des leaders dont chefs de village. C’est au moment des manifestations culturelles notamment le port du turban symbolisant le passage à la majorité/la responsabilité et la mort de l’enfance, qu’on dira tous défauts et les qualités de celui qui vient de porter officiellement son turban. Sa classe lui fera promener de maison à maison pour recevoir leur témoignage et de recevoir beaucoup de cadeaux et des dons de troupeaux par les parents.

Le waldei enseigne l’amour du terroir, des hommes, le respect mutuels, la solidarité et le respect des ainés. En son sein se véhiculent la transmission et la perpétuation des valeurs de la société de Gabéro : culte du respect de la parole donnée, la gestion des hommes, l’intégrité, l’esprit d’entraide et de solidarité, ce qui est interdit, toléré pour le noble, le respect de la parole donnée, la sacralité de la femme, la bravoure etc. Il transcende les statuts sociaux (riches ou pauvres) et les villages. Il constitue De nos jours, un véritable rappel de l’unité culturelle de la grande famille de Gabéro malgré sa subdivision en plusieurs villages autonomes. Un groupe auquel on appartient pour la vie sauf volonté expresse de retrait après avoir acquitté tous les droits de Waldei. Un Homme sans waldei est un homme isolé voire méprisé par la communauté. C’est grâce à waldei que beaucoup de gens se

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connaissent. Il crée et entretient un réel sentiment d’amitié, de fraternité entre les gens de Gabéro. Il permet même de déterminer l’âge moyen des individus.

Le waldé joue le rôle de police locale. Il veille sur les personnes et les biens de la communauté. Il veille sur les femmes et les enfants.C’est dans le waldé qu’on distingue le future chef, l’homme sur qui tout le monde peut compter dans les grands jours. Le waldé a une fonction éducative et cultive l’homme à être responsable et à prendre ses responsabilités tout en sachant qu’il n’est pas seul. C’est dans le waldé que le jeune apprend et épouse le code moral Peulh : Servir, Respect de l’autre, Ne pas nuire à l’autre, toujours demandé, Servir les femmes, les enfants et les vieilles personnes avant de servir._Aoubacar Habiboulaye, juriste.

V. LES DIFFERENTES MANIFESTATIONS CULTURELLES AU NOM DE WALDEITAAREY Le regroupement des jeunes en classe d’âge est inhérent au mode de vie à Gabéro. Les individus (filles/garçons) commencent dès la tendre enfance à se regrouper selon les âges puis le formalisent à compter de la tuerie de mouton (entre 10-13 ans) aux membres de sa classe signifiant son adhésion formelle au groupe d’âge à vie. Avant le sacrifice du mouton waldei, les enfants cotisent principalement lors des fêtes religieuses musulmanes.

Les adhésions sont libres et volontaires sans discrimination ethnique ou catégorie socioéconomique. Toute personne normale sans discrimination ethnique ou sociale, autochtone ou allogène peut intégrer un waldéi de son choix. Un des cas où on est forcé de rentrer dans un waldéi c’est quand on aura mangé la viande de leur mouton pour un garçon. On serait obligé d’égorger un mouton pour payer la viande et s’il le faut par la violence en cas de refus. Le mouton ou alwadei alman est toujours égorgé par celui à qui il appartient pour marquer la responsabilité totale de l’auteur mais aussi comme une marque d’égalité entre les membres.

Toutefois, les allogènes, les individus n’appartenant pas à la communauté Peule de Gabéro sont exempts de tuer un animal pour valider leur adhésion au groupe mais ce se verra priver de pouvoir draguer les filles. Attention, les relations sexuelles hors mariage sont interdites par alwadei et la société. Y commettre une violation peut aboutir à une marginalisation et à une violence physique et psychologique de l’auteur. La femme est sacrée à Gabéro. Pour les peuls autochtones de Gabéro, l’adhésion est conditionnée à sacrifier un mouton accepté par les membres de la génération. Tout Peul de la génération qui consomme la viande de façon intentionnelle ou non s’acquittera d’un mouton à sa classe d’âge de gré ou de force. Tandis que le songhay, le tamasheq, l’arabe etc. peut consommer la viande sans restriction, ce qui n’est pas le cas du peul autochtone.

Les enfants Peuls (filles/garçons) de Gabéro nés ou non dans le Gabéro grandis ailleurs peuvent adhérer aux classes d’âge de leur choix de leur localité de résidence soit par le mariage ou une cérémonie officielle d’adhésion (dassarey) si leur âge dépasse celui de la période de tuerie des mouton appelée wiya-wiya. Ils jouiront des mêmes droits et devoirs que tout autre waldeizé.

La condition pour être d’un waldé est le désir d’appartenir à un groupe de même âge ou plus que soi (c’est rare qu’un gaberois intègre un groupe moins âgé que lui), le jeune identifie donc ses amis et les intègre. Là, il fait un choix. Pour être des leurs il va s’acquitter d’un mouton par an ou par période de 6 mois (il y’a des années où la récolte est bonne, les animaux sont gras, les waldés peuvent égorger deux fois dans l’année). Au début c’était 05 moutons ou un bœuf, c’est arrivé à 7, maintenant les jeunes vont jusqu’à 9 ou 10. L’autre cas où on est forcé de rentrer dans un waldé c’est quand on a mangé la viande de leur mouton si on est d’aucun waldé. Ici on est obligé d’égorger un mouton pour payer la viande. Le mouton est toujours égorgé par celui à qui il appartient. _ Aoubacar Habiboulaye, juriste

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o Les manifestations d’alwadei au début de sa création jusqu’à l’avènement de la colonisation selon Mahmoud Youbba de Dongomé.

1- Tjiyassou : C’est un acte par lequel, des personnes intéressées cotisent ensemble jusqu’à un certain montant. Si les moyens le permettent, on paye un mouton qu’on tue et puis ils amènent du beurre et d’autres condiments pour faire un bon repas. Quand tout est prêt, on mange et on se quitte. Les membres du (Tjiriyassou) ne se solidarisent pas. Tout individu qui mange le repas des membres du (Tjiriyassou) est tenu de les rembourser. Le (Tjiriyassou) est ouvert à tout le monde qu’il soit homme ou femme. 2- les deux bœufs ou dasso : Selon nos sources, les deux bœufs ont été initiés au cours du XXè siècle par les classes d’âges dans le cadre du (Waldei). Il s’agit de deux bœufs gros et gras, qui doivent être abattus, et que chaque membre d’une classe d’âge est tenu de fournir à son (Waldei), comme pour les moutons. Les deux bœufs doivent être tués entre la période du premier port du litham et le premier mariage, selon la convenance de chaque individu. Pour la sélection des bœufs chaque membre du (Waldei) dispose d’un rival qui, au sein du groupe, seul peut accepter ou refuser les bœufs proposés au (Waldei). En effet, on fait en sorte que le candidat, qui désire tuer ses deux bœufs ait un rival qui s’autoproclame par lui-même. Le jour de l’offre des bœufs par un candidat, tout le groupe d’âge (ou Waldo) se déplace vers le troupeau de l’intéressé, puis le candidat et son rival sortent du groupe et se dirigent vers le troupeau. Le candidat présente deux bœufs à son rival qui peut les accepter ou rejeter un des bœufs ou tous les deux, et dans ces derniers cas, le scénario continue jusqu’à l’acceptation des deux bœufs par le rival. Le groupe d’âge reste spectateur et n’intervient que lorsque la dispute entre les deux rivaux devient trop passionnelle. Quand le rival accepte les bœufs proposés, le groupe d’âge les récupère et les partage entre le groupe d’âge des villages du Nord-Gabéro et le groupe d’âge des villages du Sud-Gabéro. Généralement les bœufs sont tués hors du village. Contrairement au mouton, il n’y a pas de (Banda) ou (Banda-zoumandi) pour le bœuf. En revanche, il y’a (N’zouré biwal) (le sternum du beau-père). On donne le (Biwal) à celui qui le demande. Lorsque le tour du rival du candidat ayant déjà exécuté sa mission arrive, le groupe d’âge et les deux rivaux se déplacent vers le troupeau du rival qui doit présenter deux bœufs qui ne seront retenus que lorsque le concurrent les aurait acceptés. Le remboursement du (Dasso) (ou les deux bœufs) est obligatoire par le rival. La coutume s’est arrêtée au cours des années 1950 lorsque le (Waldei) de (Locolèye) l’a rejeté libérant la société d’une tradition, occasionnant de nombreux conflits. Tous les vieux de Gabéro ont ainsi formulé des vœux de bonheur à cette classe d’âge de (Locolèye), correspondant à la classe d’âge de la première promotion de l’école de Gabéro (1948-1949), pour cette action. 3- le tabachacha : Il consiste à poser sa candidature en mariage dès la naissance d’une fille si on accepte ta candidature, tu choisis cinq à sept laitières plus un bœuf à tuer qu’on donne aux beaux-parents. Ces vaches laitières sont gardées au niveau des beaux-parents jusqu’à l’âge de la nubilité de la jeune fille. A chaque fête de Tabaski, le prétendant donne également des moutons. Quand la jeune fille arrive à l’âge de la maturité, on fait le mariage et des nouvelles dépenses seront occasionnées. Il s’agit en plus de la dot estimée en bétail, des (Wiyandis) imposés au nouveau marié. Les (Wiyandis) sont des bœufs que les beaux-parents tuent après le mariage. Quant aux laitières données dans le cadre du (Tabachacha), elles seront la propriété de la fille mariée. 4- Le djifa doumbou : Il consiste pour le (Waldei) à égorger, conformément à la tradition de la religion musulmane, les deux bœufs ou (Dasso) puis à couper les membres, la partie postérieure et la partie antérieure sans les dépecer afin de les emporter. D’après les Gabérois, les Peulh de Bazi ayant été informés du fait que les Gabéro font du (Djifa-doumbou) quand le

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(Waldei) tue ses bœufs, tuèrent des bœufs sans même les égorger selon la coutume religieuse. Ainsi les bœufs abattus deviennent des véritables (Djifa) non consommable par tout musulman 5- le walde deymi : C’est un acte par lequel, une classe d’âge donnée choisit parmi ses membres, un jeune garçon et se présente devant la famille d’une jeune fille pour proposer la candidature de leur camarade en mariage à la jeune fille. Tout le groupe, accompagné de leur candidat se rend ainsi chez les beaux-parents préalablement choisis qui peuvent la refuser ou l’accepter. Si la candidature est acceptée, les beaux-parents donnent au groupe d’âge (Waldei) des garçons des récipients pleins de riz décortiqué, de beurre, de date et de sucre. Le groupe emporte leurs denrées, mais le candidat en compagnie de certains de ses camarades amènent un gros bœuf devant les beaux-parents dont ils coupent les jarrets. Ces derniers à leur tour, appellent leurs esclaves qui tuent le bœuf, le dépècent et la belle-famille prépare un grand repas. C’est une festivité à laquelle les filles de la classe d’âge participent. On chante et on danse jusqu’à l’aube. Le (Waldei-Deymi) n’est pas forcément une demande en mariage. C’est une sorte de test de la valeur des membres du (Waldei).

o Les principales manifestations culturelles de waldei de nos jours : a. Les tueries de mouton, symbole d’appartenance au waldei.

Le Waldei ou classe d’âge commence par la tuerie de moutons par les garçons. Ces derniers amènent une partie de l’animal égorgé à cet effet chez les filles de leur classe scellant ainsi leur adhésion au groupe. La fille invite l’ensemble des filles de sa génération, les ainées (génération précédente directe) et les petites sœurs (la génération qui suit immédiatement) autour d’une soirée culturelle. Ne peut participer, les garçons qui se sont déjà acquitté un nombre supérieur ou égal à celui d’animaux tués pour l’alwadei ou en voie de le faire. Tout garçon participant à cette soirée appelée « bandaa » ne répondant aux exigences sera puni sauf engagement à s’acquitter d’un mouton au minimum. La violence physique peut être utilisée en cas de refus de coopérer et de s’acquitter de l’animal à sacrifier pour le festin. Ce sacrifice de moutons donne des droits et des obligations à la personne et au groupe d’âge. Le membre bénéficiera de la participation et assistance des membres de son groupe durant toute la vie notamment le port du turban, le mariage etc.

En effet, il est institué que chaque membre du (Waldei) tue neuf (9) moutons composés comme suit : 6 moutons dits moutons du (Waldei), 1 mouton dit mouton de (Filla Almane) et, 2 moutons dits de (Didiga Almane) qui peuvent être tués avant ou après le 1er jour du port du litham. Toutes les carcasses de moutons sont divisées entre la classe d’âge des hommes et la classe d’âge correspondante des filles. La partie inférieure (Banda) appartient aux filles qui vont préparer la viande et du riz pour tout le groupe d’âge en vue des réjouissances nocturnes. Si quelqu’un qui n’est pas dans un (Waldei) consomme la viande du groupe d’âge, il est obligé de tuer le mouton pour le (Waldei). Après les moutons, quand les jeunes atteignent 18 à 20 ans, c’est le premier port du litham qui commence. C’est une étape que tout jeune garçon doit franchir pour devenir un homme adulte. Le premier port de litham nécessite des grandes réjouissances aussi bien pour le (Waldei), mais également pour les (Waldei) aînés et puînés. Lors des réjouissances, les jeunes seront soumis au (Zeiyanne) qui permet de connaître les qualités de chacun des membres du Waldei (Source : Mahmoudou Barazi dit Youbba, notable à Dongomé).

Les tueries de moutons sont un fait culturel exclusivement masculin. Une femme ne tue pas un mouton pour adhérer ou se retirer d’un waldei bien qu’elle reçoive une partie de l’animal (banda) en guise d’adhésion au groupe.

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Tout waldei a ses femmes. Les garçons et les femmes de mêmes âges constituent le même waldé. Les femmes ne sont pas concernées par le paiement du mouton mais font le banda, le dassaré, après un voyage, l’invitation (teeli) après un mariage, le goundé toney et le baptême après avoir eu un enfant, le hiri haw après 03 enfants, hougoutjin, le banda après le mariage de sa fille.

b. Didiga ou port du turban :

C’est le passage de l’adolescence à la maturité, à la responsabilité dans la société. Il est marqué par une cérémonie de port du turban ou une festivité officielle à son honneur. Il vient à la fin de la période de tuerie de mouton qui symbolise l’adolescence. Il est organisé pour les membres de la classe. Il précède le mariage. Le port du turban met définitivement fin à l’enfance/adolescence au profit de la maturité, de la responsabilité. Il sera jugé par la communauté pour tout ce qu’il fait. Les erreurs lui seront comptabilisées. Avec le turban, il intègre le cercle des adultes et a droit à :

 Témoigner en cas de litiges

 Se marier

 Participer à la guerre

 Etre chef de famille/village/communauté.

c. Dassara (ou dassarey) :

Tout membre de waldéi de retour d’un voyage d’une longue durée doit faire une cérémonie de rejouissance à son waldé/groupe pour remercier Dieu de son retour en famille. Les ainés, les puinés ainsi que la génération passeront à jouer de la musique, se taquiner, danser et feront des bénédictions pour le camarade à la fin de la fête

d. Jaajéré : mariage.

Le jaajere est une cérémonie festive nocturne qui consiste à conduire le marié dans son foyer. La tradition interdit à un homme de regagner son domicile marital sans jaajere. Il se fait accompagner par le waldei. Il peut aussi se faire moins une partie des membres de son groupe d’âge de façon exceptionnelle. Toute violation de cette règle est punie par le code d’alwadei.

Le jaajéré est toujours organisé chez les beaux‐parents tandis que le Zoulli qui signifie l’arrivée de la femme dans la famille de son mari. Dans les villes de plus en plus, le zoulli c’est‐à‐dire le fait pour la femme de rejoindre le domicile marital chez l’homme, remplace le jaajaré qui est le fait pour l’homme de rejoindre la case maritale chez les parents de la femme.

Conclusion Malgré la violence de la mondialisation culturelle (uniformisation de la culture), Waldei se poursuit et demeure le meilleur cadre de regroupement des jeunes de la communauté Gabéro. Les regroupements ou rencontres se font principalement par génération. Les manifestations culturelles bien que subissant les influences extérieures se poursuivent en respectant les codes et règles de base d’antan notamment les cérémonies de mariage, de port de turban, djadjeré (les nuits de noces) etc.

Les jeunes s’identifient son waldei. Le waldé a perdu perdu sa fonction de police bien que les jeunes au village continuent à faire les patrouilles (tounandi). Dans les villes, les membres se réunissent, organisent des rencontres périodiques, s’entraident toujours et se soutiennent. Pendant les grandes

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cérémonies (mariage, baptême, soirée culturelle etc.), ce sont les membres d’alwadei qui s’occupent.

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