MASARYKOVA UNIVERZITA

PEDAGOGICKÁ FAKULTA

Katedra francouzského jazyka a literatury

Les personnages dans les pièces de théâtre de

Magisterská diplomová práce

Brno 2012

Vedoucí práce : Vypracovala :

Mgr. Václava Bakešová, Ph.D. Bc. Denisa Fryčová

Prohlášení

Prohlašuji, že jsem závěrečnou diplomovou práci vypracovala samostatně s využitím pouze citovaných literárních pramenů, dalších informací a zdrojů v souladu s Disciplinárním řádem pro studenty Pedagogické fakulty Masarykovy univerzity a se zákonem č. 121/2000 Sb., o právu autorském, o právech souvisejících s právem autorským a o změně některých zákonů (autorský zákon), ve znění pozdějších předpisů.

V Brně dne 19. dubna 2012 ……………………….

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Zde bych chtěla poděkovat vedoucí své práce, Mgr. Václavě Bakešové, Ph.D., za ochotu a vstřícnost, za cenné rady a připomínky, které mi trpělivě poskytovala.

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Table de matières 1. Introduction ...... 5

2. Partie théorique ...... 7

2.1. Théâtre français et l´évolution de la comédie ...... 7

2.2. Comédie et typologie du comique ...... 8

2.2.1. Diverses qualités du comique ...... 11

2.3. Marcel Pagnol – dramaturge ...... 12

Les analyses des œuvres ...... 13

2.4. Topaze ...... 13

2.5. La Femme du boulanger ...... 27

2.6. Trilogie marseillaise : Marius, Fanny et César ...... 36

2.6.1. Marius ...... 37

2.6.2. Fanny ...... 45

2.6.3. César ...... 51

2.6.4. Grille d´évolution des personnages essentiels de la Trilogie marseillaise ...... 58

2.6.4.1. Trilogie marseillaise : Comédies ou tragédies ? ...... 60

3. Partie didactique...... 62

3.1. Fiche pédagogique 1 ...... 63

3.2. Fiche pédagogique 2 ...... 70

3.3. Fiche pédagogique 3 ...... 75

4. Conclusion ...... 81

5. Bibliographie et sitographie : ...... 84

6. Résumé : ...... 86

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1. Introduction Le présent travail intitulé Les personnages dans les pièces de théâtre de Marcel Pagnol a pour le but d´examiner quelques personnages créés par Marcel Pagnol. Cet auteur renommé surtout par la rédaction de ses Souvenirs d´enfance (à partir de 1956) est devenu célèbre grâce aux pièces de théâtre Topaze (1926) et Marius (1929). Pour notre mémoire de diplôme, nous avons choisi cinq pièces de théâtre assez importantes dans la carrière de Marcel Pagnol : Topaze, La Femme du boulanger (1985) et la Trilogie marseillaise qui compte Marius, Fanny (1931) et César (1946). Topaze et Marius sont celles qui ont introduit Marcel Pagnol dans le monde théâtral et avec lesquelles il a gagné sa popularité. César et Fanny complètent la trilogie et ont été longuement attendues. La Femme du boulanger représente la dernière pièce mise en scène même si l´adaptation cinématographique est sortie en 1938. Dans ces pièces choisies, nous nous intéresserons aux plusieurs personnages que nous analyserons ultérieurement. Cette fois-ci, nous préfèrerons les hommes dont leurs personnages sont souvent les protagonistes des pièces. L´auteur nous les présente d´une manière plus complexe et plus riche que les portraits des personnages féminins. Cela ne veut pas dire que nous allons complètement omettre les femmes. Nous allons examiner leur rôle et l´importance de leur présence à travers l´action. Surtout dans la Trilogie marseillaise dont l´un des tomes est intitulé Fanny, sous- entend que le rôle des femmes est assez considérable. Avant d´analyser les pièces de théâtre avec leurs protagonistes, dans la première partie du mémoire, nous mentionnerons brièvement le théâtre français en se concentrant sur l´évolution de la comédie française. Cette partie sera suivie de la typologie comédienne et la classification du comique. Cette partie générale va s´appuyer avant tout sur la théorie de François Germain, théoricien de la comédie. La théorie de la comédie sera suivie par un court rappel des œuvres et de la vie de Marcel Pagnol en tant que dramaturge en précisant quelques dates assez importantes. La partie théorique sera achevée par des analyses des pièces de théâtre avec leurs personnages. Les analyses seront commencées par plusieurs problématiques. En répondant aux questions posées, nous dévoileront les caractères des personnages choisis. Au

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cours cette étude, nous observerons les ressemblances et les différences des protagonistes. Ces informations nous aideront à créer le portrait de personnage masculin de Pagnol en général. Après la partie théorique, suit une partie pratique qui contient la didactique. Celle-ci comptera trois fiches pédagogiques destinées aux élèves de niveau A1 et A2 ayant pour but de présenter cet auteur renommé, d´inciter et motiver les élèves à la lecture des pièces de théâtre présentées. L´autre objectif de la partie didactique, assez important, est d´enrichir le vocabulaire et d’améliorer l´expression orale et écrite des élèves.

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2. Partie théorique

2.1. Théâtre français et l´évolution de la comédie Comédie est un genre qui existait dans l´Antiquité et qui est redécouvert par la Renaissance. Le Moyen Âge avait connu des formes de spectacle comique comme farce ou soties mais qui n´étaient pas de comédies. La comédie humaniste sortie de l´Antiquité est une pièce assez longue, divisé en actes et en scènes souvent construite autour d´une intrigue amoureuse. Cette comédie respecte les règles des unités et elle donne une visée morale. Elle s´inspire dans la vie quotidienne, imite des mœurs et se fixe pour but d´instruire et de plaire.1 En France, la comédie se développe vraiment à partir des années 1630 grâce à Corneille notamment. Elle se définit par opposition à la tragédie. Chez Corneille, elle se présente comme une conversation d´honnêtes gens qui cherche à sourire et qui évite le ridicule. C´est à Molière qui revendique la dignité du comique et du rire. Chez Molière le rire devient une arme critique au service d´une satire sociale. Cet auteur réaffirme la fonction morale de la comédie qui peint les hommes d´après nature et les corrige par leurs vices.2 Grâce à Molière se développe la comédie de mœurs et de caractère qui rencontra un développement extraordinaire au cours du siècle qui suit sa mort. Les auteurs comme Régnard, Lesage, Dancourt prolongent son héritage. Pierre Beaumarchais écrivant au 18e siècle peut être considéré comme dernier représentant de la comédie classique. Au 19e siècle cette veine populaire et comique se prolonge dans le vaudeville (« chanson populaire à contenu satirique ou un divertissement théâtral composé de chansons et de ballets »3) et le théâtre de boulevard. Au 20 siècle, surtout entre les des guerres mondiales, le théâtre lié aux faveurs du grand public ne se renouvelle que lentement. « La comédie, en particulier, qui se joue sur le « boulevard » et qui s´adresse à des spectateurs avides d´un plaisir facile, manque d´inspiration. Les situations sont souvent les mêmes. Mais c´est le Marseillais Marcel Pagnol qui sait le mieux typer des

1 Cf. ERNESTINE, Claude. La littérature française de A à Z. Paris: Hatier, 1998, p. 103. 2 Cf. Ibid., p. 104. 3 ERNESTINE, Claude. La littérature française de A à Z. Paris: Hatier, 1998, p. 449. 7

personnages et les imposer à jamais. Les comédies de Pagnol font déjà partie des classiques de la comédie en France. »4 Après cette présentation brève de l´évolution de la comédie en France, concentrons nous déjà sur la comédie en général et sur la typologie du comique.

2.2. Comédie et typologie du comique Pour mieux comprendre ce type de pièce de théâtre, expliquons quelques termes essentiels concernant la comédie, le comique et les personnages ridicules. Cette partie théorique nous aidera plus tard à analyser les comédies et leurs protagonistes. Dans cette partie du mémoire, nous nous appuierons surtout sur la théorie de François Germain, théoricien de la comédie française. Même s´il se concentre avant tout sur Molière et ses comédies, la théorie de Germain sera utile aussi pour nous. Parfois, nous consulterons aussi la théorie de Gérard Genette et son œuvre Figures V, chapitre « Morts de rire », pour affirmer, démentir ou compléter la théorie de Germain. Tout d´abord, expliquons encore une fois le terme de la comédie d´après cet auteur. Puis, nous nous intéresserons au comique et à ses types et sa classification. D´après François Germain, la comédie est un drame d´une inspiration comique et en combinant cette inspiration avec la forme qu´est le théâtre, nous obtenons ce genre qu´est la comédie.5 Mais pour un autre théoricien littéraire, Gérard Genette, la définition de la comédie n´est pas si univoque : « Le statut de la comédie est un peu délicat car la comédie peut se définir par des traits objectifs tels que la fin heureuse qui assure son statut générique indépendamment de tout effet proprement comique.»6 Autrement dit, une comédie qui n´est pas drôle (sans comique) peut exister. Et quelle est la nature de l´inspiration comique ? Les différentes inspirations poétiques (épique, lyrique, tragique) se proposent pour susciter chez le lecteur (ou chez le spectateur) des émotions poignantes : terreur, pitié, admiration. L´auteur cherche à exalter le lecteur ; il lui

4 DARCOS, Xavier. Histoire de la littérature française. Paris : Hachette, 1992, p. 396. 5 Cf. GERMAIN, François: L´art de commenter une comédie. Paris: Les éditions Foucher, 1964. p. 3. 6 GENETTE, Gérard : Figures V. Paris : Éditions du seuil, 1999, p. 150. 8

présente des héros qui se prennent au sérieux, au tragique, et même au sacré, jusqu´à en mourir. Mais la vie quotidienne exige que nous la prenions au sérieux. Et le sérieux exigé par la quotidienneté provoque vite un besoin de détente. C´est à ce besoin que répond l´inspiration comique.7 Et qu´est-ce c´est le comique ? Pour Germain, cela peut être une grimace, une cabriole, une réponse absurde ou une grossièreté qui brisent en nous la tension imposée par la logique, la politesse mais le comique n´est pas seulement l´antithèse de sérieux, c´est aussi une réaction de défense contre les émotions. Genette ajoute : « Il y a un effet comique quand, et seulement quand, il y a du mécanique plaqué sur du vivant.»8 L´inspiration comique se plaît à souligner les médiocrités de l´homme et ses insuffisances. Pour créer la détente comique, il suffit donc de regarder l´homme tel qu´il est, de peindre un caractère au naturel, avec ses incohérences et ses inconséquences vraies, dans son vrai milieu social. Le comique comporte donc une réaction contre les hautes créations de tout idéalisme, il est un retour à la vérité humaine. L´esprit comique est alors le contraire de l´esprit adorateur, sa gaieté est pleine de moquerie et d´irrévérence ; il consacre la revanche de l´humanité moyenne. Le sentiment du comique est très variable, il n´existe pas de sujet qui soit comique en lui-même et partout. Ici, Genette est d´accord avec la théorie de Germain : « Rien ne fait rire tout le monde a priori et en vertu d´un principe universel et absolu. »9 Le comique n´est pas inhérent à tel ou tel sujet ; il est un point de vue sur l´activité humaine ; il dépend de la mentalité du rieur que de celle du personnage ridicule.10 Genette ajoute : « le plaisir comique tient en grande partie à un sentiment de supériorité du spectateur sur les personnages».11 Mais tout de même, si nous consultons plusieurs sources traitant la théorie de comédies, nous pouvons distinguer certains types du comique en général. Autrement dit, l´auteur peut rendre une pièce de théâtre comique s´il se sert d´un (ou plusieurs) type de comique. Voici la distinction :

• comique de geste (chutes, coups de bâton, grimaces etc.)

7 Cf. Ibid., p. 3. 8 GENETTE, Gérard : Figures V. Paris : Éditions du seuil, 1999, p. 145. 9 Ibid., p. 148. 10 Cf. GERMAIN, François: L´art de commenter une comédie. Paris: Les éditions Foucher, 1964, p. 5. 11 GENETTE, Gérard : Figures V. Paris : Éditions du seuil, 1999, p. 185. 9

• comique de mots (mots mal prononcés, employés à contre-sens, trop savants ou trop vulgaires, absurdes) • comique de situation (un homme enfermé dans un placard, jaillissant d´une malle, emporté dans un wagonnet) • comique d´intrigue (quand ingéniosité de l´auteur enchaîne à travers la pièce des méprises, des rencontres, des reconnaissances amusantes, invraisemblables) • comique de caractère (la drôlerie est inhérente au personnage, lui-même, à ses goûts, à ses manies)12 Nous pouvons aussi distinguer un comique de costume, comique d´idées, la surprise ou la rapidité des événements qui favorisent le comique, tout cela peut être utilisable pour l´auteur comique. Nous ne dresserons pas une liste complète des procédés comiques, nous avons mentionné seulement les types de base et les types de comique qui seront utiles pour nos analyses ultérieures. Rire de quelqu´un, c´est aussi de cesser de le prendre au sérieux. Le ridicule est toujours lié à un excès. Or, pour faire valoir un excès, il n´est guère qu´un procédé : le contraste.13 Ce contraste s´établit entre le personnage ridicule et le public (ou le lecteur) lui-même, autrement dit, l´humanité moyenne considérée comme détentrice du bon sens. Pour souligner ce contraste, l´auteur vient quelques fois à charger le ridicule jusqu´à la caricature. Pour éviter cet effet de grossissement qui nous éloigne du réel, l´auteur ménage des fois une opposition plus discrète et plus savante entre les différents personnages, entre deux aspects d´un même individu ou entre deux moments d´une aventure.14 Aussi d´après Genette « la plupart des scénarios comiques peuvent se rencontrer dans la réalité non fictionnelle, d´où ils proviennent en grande part »15 et le grossissement mentionné est donc modéré.

12 Cf, GERMAIN, François: L´art de commenter une comédie. Paris: Les éditions Foucher, 1964, p.. 11. 13 Cf. Ibid., p. 12. 14 Cf. Ibid., p. 13. 15 GENETTE, Gérard : Figures V. Paris : Éditions du seuil, 1999, p. 184. 10

2.2.1. Diverses qualités du comique Nous venons d´expliquer que le contraste apparaît comme le procédé comique fondamental ; et nous pouvons juger en gros la valeur d´une inspiration comique, d´après qu´elle le contraste est établi : • Avec les événements de la vie courante (comique d´évasion, comique d´intrigue.) • Ou avec le bon sens, signalant ainsi un déséquilibre de l´homme, typique pour les comédies de caractère 16ce qui est le cas de Marcel Pagnol. Bien entendu, ces deux espèces de comique peuvent se mêler dans une même œuvre, et entre eux, il existe de nombreux intermédiaires. Présentons-nous ces types de comique qui nous seront utiles dans les analyses des comédies de Pagnol. a. Comique d´évasion La bouffonnerie se trouve à l´un des pôles du comique. Elle exagère jusqu´à l´invraisemblance certains éléments humains : le costume, le grimage, les aventures ; de manière que nous ne puissions pas les prendre au sérieux. C´est un comique qui cherche surtout à nous détendre en nous détournant de l´existence vraie, et ne comporte que peu de critique, il sacrifie tout à la détente et de gaité. Ce type de comique est aussi bien caractérisé par la réaction essentielle - le rire.17 b. Comique humain Ce type de comique présente le pôle opposé, il nous amène au cœur même de la réalité, il nous fait voir avec une perspicacité exceptionnelle ; il nous présente en effet des êtres vivants, ridicules par leurs manies, leurs insuffisances, par les excès de leur caractère. Même s´il peut être rare dans la vie réelle de voir s´entraîner une intrigue comique, la sottise, l´idée fixe etc., ce comique sort de la réalité et il peut donc être profondément vrai. Ici, ce sont les caractères qui expliquent les événements et ce type de comédie n´a pas la gratuité du comique d´évasion. Le comique de caractère est humain non seulement parce qu´il montre

16 Cf, GERMAIN, François: L´art de commenter une comédie. Paris: Les éditions Foucher, 1964, p. 13. 17Cf. Ibid., p. 14. 11

des hommes vivants, mais aussi parce qu´il implique un jugement sur la vie et par conséquent une leçon. 18 c. Comique de mœurs Ce type de comique peut présenter les mœurs qui sont ridicules parce qu´elles diffèrent de nos habitudes, en quoi elles relèvent du simple comique d´évasion ou bien ces mœurs sont l´expression épisodique d´une passion qui est permanente en nous, en quoi elles relèvent du comique de caractère. Le comique nous délasse donc des contraintes quotidiennes par la bouffonnerie, l´évasion, le rire, il nous montre des caractères ridicules par leurs insuffisances ou leurs prétentions, il critique ou non les idolâtries de l´humanité et avant tout, l´inspiration comique réussit à nous détendre en ménageant des contrastes plus ou moins avec la banalité quotidienne, avec l´homme moyen, avec l´homme de bon sens. 19 Surtout les deux derniers types (comique humain et comique de mœurs) nous seront utiles dans les analyses des comédies de Marcel Pagnol, l´auteur des comédies de mœurs et de caractère.

2.3. Marcel Pagnol – dramaturge Ecrivain, dramaturge et cinéaste Marcel Pagnol est né le 28 février 1895 à Aubagne et il est décédé le 18 avril 1974 à Paris. Il commence sa carrière comme professeur d´anglais en écrivant des pièces qui ne sont pas jouées. En collaboration avec Paul Nivoix, il fait ses véritables débuts d´auteur dramatique dans les Marchands de gloire dont le titre indique bien le contenu avec un succès médiocre. Pagnol abandonne donc l´enseignement et semble vouloir participer à ce que l´on nomme déjà l´avant-garde, par la pièce Jazz en 1926. Cette année-là, Pagnol se trouve à côté de Becque et Mirbeau et, grâce à lui, le naturalisme est introduit dans la pièce de Topaze, histoire d´un professeur qui comprend que le monde appartient à ceux qui savent dominer leurs scrupules.20 Mais Pagnol continue à chercher la consécration définitive et c´est dans un registre moins élevé. Marius (1929) « universalise le folklore de Marseille en

18 Cf. Ibid., p. 16. 19 Cf. Ibid., p. 17. 20 Cf. SIMON, Alfred. Dictionnaire du théâtre français contemporain. Paris : Larousse, 1970, p. 202. 12

proposant un paradis de la gentillesse méditerranéenne »21. Pour prolonger la vie des personnages aimés auxquels interprètes et spectateurs s´étaient attachés. En 1923 Orane Demazis arrive à Paris. Elle a 19 ans et déjà elle se trouve à l'affiche dans une pièce d'Emile Augier. Elle crée pour Pagnol le rôle de Fanny et apparaît dans ses nombreux films.22 Fanny naît en 1931, suivi de César en 1936. Cette trilogie présente un succès extraordinaire. Les personnages attirent la sympathie « parce qu´ils sont les héros d´une France profonde, d´une humanité moyenne, sans génie mais plein de cœur. Les bons mots, les expressions méridionales, les renversements de situations cocasses et une familiarité souriante donnent leur charme populaire au petit monde de Pagnol. » 23 Après la trilogie marseillaise, Pagnol se fait absorber par le cinéma. En 1946, il entre à l´Académie française. Il revient au théâtre en 1955 avec Judas, en 1956 avec Fabien, mais sans retrouver un public trop longtemps négligé. Ce chapitre qui présente d´une manière brève la vie et avant tout l´œuvre dramatique de Marcel Pagnol nous servira de piste pour les analyses suivantes. Nous avons choisi les cinq comédies (mentionnées ci-dessus) essentielles dans la carrière de Pagnol : Topaze, La Femme du boulanger, Marius, César et Fanny.

Les analyses des œuvres

2.4. Topaze Topaze est une pièce de théâtre de quatre actes, écrite par Marcel Pagnol en 1928. Étant donné qu´il existe plusieurs avis sur la pièce et plusieurs classement concernant son genre (exemples ci-dessous), nous ne savons pas précisément si c´est un drame, une tragédie ou une comédie. Mais à travers notre analyse nous trouverons sûrement les indices qui vont nous aider à définir la pièce. Cette pièce en quatre actes compte 18 personnages dont trois seulement sont féminins. De plus, la baronne ne présente seulement une petite réplique au début du drame. On parlera donc que de deux héroïnes. Pourquoi n´y a-t-il que

21 Ibid., p. 202. 22 Marcel Pagnol. L´homme, l´œuvre [en ligne], c2010 [cit. 2012-03-15]. Disponible sur : 23 ERNESTINE, Claude. La littérature française de A à Z. Paris: Hatier, 1998, p. 312. 13

deux femmes ? L´auteur, à travers ces deux héroïnes, va-t-il changer l´action de la pièce d´une façon radicale ? Quelle est la relation de Topaze envers les femmes ? Topaze, le héros principal de ce drame, change radicalement son caractère (mais aussi son apparence physique) à travers le livre. Pourquoi ? Quelles sont les impulsions et initiatives qui mènent notre protagoniste à cette métamorphose? Par quelles conditions, un homme respectable ayant certains principes est-il capable d´en oublier la plupart, de revaloriser ses valeurs, et recommencer sa vie ? Les femmes présentent-elles la seule source de changement ? Nous tâcheront de répondre pas à pas à toutes ces questions. Tout d´abord nous allons présenter notre héros, sa situation, sa vie, ses principes. Parallèlement, nous nous concentrerons sur les héroïnes pour que nous puissions comprendre les motifs de la métamorphose physique et psychique du héros principal. Suivons donc l´évolution de Topaze acte par acte.

Acte premier : Un naïf honnête Pour mieux comprendre le revirement du protagoniste, analysons aussi sa situation sociale. L´acte premier nous présente un professeur de 30 ans à la pension Muche. Pour Topaze sa profession est le sens de vie, il n´hésite pas à sacrifier son temps libre aux élèves en difficultés, il donne des heures supplémentaires et cherche à remettre toutes ses qualités aux enfants et à travers ses principes, son éducation et sa morale, il veut former de bons gens honnêtes. Même si sa profession lui apporte une certaine honorabilité, il gagne à peine de l´argent pour subvenir à ses besoins. Autrement dit, pour lui, l´argent ne représente qu´un moyen pour survivre. Sa situation sociale se reflète aussi dans son apparence : « …cravatte misérable, redingote usée, souliers à boutons. »24 On pourrait dire que son image a un rapport avec son caractère. Topaze est un homme modeste, serviable, généreux, toujours prêt à aider les autres. Depuis les premières lignes du drame, nous apprenons, quelles sont ses priorités, et quelles valeurs sont importantes pour lui. La première scène se déroule dans sa classe qui est décrite de la manière suivante:

24 PAGNOL, Marcel: Topaze. Paris: Fasquelles, 1930, p. 11 14

« Les murs sont tapissés de cartes de géographie, de tableaux des poids et mesures…[…]. Au- dessus des tableaux, une frise de papier crème, sur laquelle se détache en grosses lettres diverses inscriptions morales : Pauvreté n´est pas vice. Il vaut mieux souffrir le mal que de le faire. L´oisiveté est la mère de tous les vices. Bonne renommée vaux mieux que ceinture doré. Au centre, au-dessus de la chaire : L´argent ne fait pas bonheur. »25

Le décor de la classe nous décrit parfaitement la morale de Topaze. Notre protagoniste suit ces principes presque aveuglement et cela lui prête une certaine nuance d´un homme naïf mais honnête. Sa naïveté se manifeste surtout dans son comportement avec les autres. Autour de lui, il y a plutôt des gens ayant un caractère complètement différent. Nommons par exemple le directeur de la pension, monsieur Muche, chef de Topaze. C´est un homme de certain âge qui ne se concentre que sur l´argent. Voici sa réaction sur le fait que Topaze donne des leçons gratuites aux élèves en difficultés :

« Quant à donner des leçons gratuites, je ne sais si vous vous rendez compte de la portée d´une pareille initiative. Si vous donnez des leçons gratuites, personne désormais ne voudra payer ; vous aurez ainsi privé de pain tous vos collègues, qui ne peuvent s´offrir le luxe de travailler pour rien. Si vous êtes un nabab[…] Mais votre générosité ne saurait vous de payer la taxe de 10% […] C´est le respect pour le règlement, qui doit être aussi parfaitement immuable qu´une loi de la nature. » 26

Par ce contraste, Pagnol souligne la naïveté et la pureté de Topaze. Ces deux types de personnages ne sont différenciés que par leur caractère. L´apparence physique de Topaze et de monsieur le directeur est aussi en contraste :

« M. Muche est un gros homme de quarante-huit ans. Courte barbe en pointe très soignée. Une grosse bague au doigt. Chaîne de montre éclatante. Costume neuf marron clair. »27

Topaze (T.) est un homme qui se fait manipuler par les autres. Ce n´est pas seulement monsieur le directeur qui le manipule. Mais avant tout, c´est la fille de monsieur Muche, Ernestine, de laquelle il est tombé amoureux. Comme nous avons déjà mentionné ci-dessus, nous allons nous concentrer parallèlement sur les héroïnes pour créer l´image du changement de Topaze plus plastique.

25 Ibid., p. 9. 26 Ibid., p. 20. 27 Ibid., p. 18. 15

Ernestine (E.) est une jeune femme de 22 ans, une « petite bourgeoise vêtue avec une élégance bon marché»28. Montrons à titre d´exemple un petit dialogue qui dévoile les sentiments de Topaze vers Ernestine :

E. : Voulez-vous me prêter votre encre rouge ? T. : Avec le plus grand plaisir, mademoiselle… Je viens tout justement d´acheter ce flacon, et je vais le déboucher pour vous. […] T. : Et je vous prie de garder ce flacon aussi longtemps qu´il vous sera nécessaire. E. : Merci, monsieur Topaze. T. : Tout à votre service, mademoiselle.29

Voilà la première héroïne du drame. Ces indices nous sous-entendent déjà qu´Ernestine (qui représente l´une de deux femmes importantes du livre) influencera probablement l´action du drame et aussi notre protagoniste. La deuxième héroïne, Mme Suzy Courtois, apparaît déjà dans le premier acte de la pièce mais ici il s´agit d´un petit épisode, l´auteur nous la présente comme la tante d´un élève potentiel de la pension. Elle est venue à l´école pour s´informer sur son neveu. Comment est-elle ? « Elle a vingt-cinq ans, elle est très jolie, et vêtue avec une grande élégance. Petit chapeau de feutre sur des cheveux blonds, un vison splendide sur une robe très moderne. »30 La question qui apparaît est : jouera-t-elle un rôle important dans les actes suivants ? Suzy est aussi une jeune jolie femme comme Ernestine. Elle est riche, jeune et belle, et pourrait influencer notre protagoniste aussi bien que la fille de la pension. Quelle est la relation entre Topaze et Suzy ? Profitera-t-elle de son apparence et de sa beauté ? Comment changera-t-elle l´action de la pièce ? Mais continuons chronologiquement et retournons vers Ernestine qui est pour le moment la seule femme qui influence Topaze. Or, une fois Suzy sur la scène, Ernestine commence à avoir peur de perdre son influence et recommence, plus énergiquement, à manipuler le professeur.

E : Eh bien, cher collègue, vous en recevez des belles dames ! […] E : C´est-à-dire que je le comprends pourquoi vous m´avez négligée depuis quelque temps ! T : Mademoiselle !

28 Ibid., p. 10. 29 Ibid., p. 31. 30 Ibid., p. 44 . 16

E : Vous portiez vos calendriers perpétuels à d´autres ! Tenez, voilà votre encre. Je vous la rends, quoique cette dame ne me paraisse guère en avoir besoin. T : Mademoiselle, je vous en supplie, ne vous fâchez pas !31

Topaze est un homme paisible qui essaie d´éviter tous les conflits. Il veut donc compenser ce petit malentendu. Alors, quand mademoiselle Muche demande la conduite de la promenade avec les enfants (pour qu´elle puisse avoir la matinée libre), Topaze, ravi, est d´accord. Ernestine commence de nouveau à manipuler le héros naïf : « Parfait. Je vais donc dire à mon père que vous avez demandé à conduire la promenade, parce que, comme vous ne sortez jamais, ça vous donnera l´occasion de prendre l´air. »32 Étant donné que ce petit service fait plaisir à Ernestine, ne remarquant pas la finauderie de mademoiselle, Topaze ose manifester ses affections envers elle : « Excellent ! […] Mademoiselle Muche…C´est avec une joie profonde que je mènerais ces enfants à la promenade, parce que je… parce que je vous aime. »33 Ses sentiments une fois avouée, Topaze embrasse Ernestine qui le repousse et le gifle : « Monsieur Topaze, à quoi pensez-vous ? Est-ce ainsi qu´on s´adresse à une jeune fille ? Tâchez de ne pas recommencer cette plaisanterie, je vous prie.»34 A partir de ce moment, le déroulement de l´action accélère. La troisième femme du drame, madame la baronne (B.), commence par son petit épisode le retournement de la situation. Elle est venue à l´école pour s´informer des notes de son fils qui est un des élèves de Topaze : « Je viens de recevoir les notes trimestrielles de mon fils et je n´ai pas osé montrer ce bulletin à son père. » 35 La scène se déroule avec la présence de monsieur Muche qui essaye de modérer la situation : « J´ai déjà expliqué à Mme la baronne qu´il y a eu sans doute une erreur de la part du secrétaire qui recopie vos notes. »36 Mais Topaze, l´honnête homme qui suit ses principes, ne change pas d´avis : « Pourtant, ces notes sont bien celles que j´ai données à l´élève... »37 Comme madame la baronne

31 Ibid., p. 52. 32 Ibid., p. 54. 33 Ibid., p. 54. 34 Ibid., p. 55. 35 Ibid., p. 67. 36 Ibid., p. 68. 37 Ibid., p. 68. 17

est une bonne cliente de la pension, monsieur le directeur fait de son mieux pour persuader Topaze de corriger les notes du garçon.

M. : Aurez-vous bientôt, madame la baronne, l´occasion de rencontrer M. l´inspecteur d´Académie ? B. : Je le verrai mercredi car c´est le mercredi soir qu´il a son couvert chez moi…C´est un ancien condisciple du baron, il a pour nous une très grande amitié… M. : Il a beaucoup d´estime pour notre ami M. Topaze, mais il n´a pas pu lui donner les palmes cette année… B. : Oh !...M. Topaze aura son ruban à la première occasion. Je vous le promets ! […] T : Ce serait vraiment une grande joie, madame…Cette nouvelle est pour moi plus que vous ne pensez, madame… M. : Vous avez retrouvé l´erreur ? T. : Mais non…il n´y a pas d´erreur… M. : Voyons, voyons, soyez logique avec vous-même !... Vous croyez Mme la baronne quand elle vous dit que vous aurez les palmes et vous ne croyez pas quand elle affirme qu´il y a une erreur ! T. : Mais madame, je vous jure qu´il n´y a pas d´erreur possible. 38

Topaze reste fidèle à ses principes, cette fois-ci, il ne se fait pas manipuler ce qui provoque une grande réaction de la part de Mme la baronne : « Monsieur Muche, si ce diffamateur professionnel doit demeurer dans cette maison, je vous retire mes trois fils séance tenante. »39 Pour Muche, cela aurait été une grande perte, il force donc Topaze à s´excuser à madame la baronne. Topaze court pour la rattraper et le directeur de la pension reste seul. C´est le moment quand le collègue de Topaze, Tamise, vient expliquer (sans mauvaise intention) la relation entre Topaze et Ernestine et il demande la main d´Ernestine pour Topaze. Il lui dévoile tout : les aides de Topaze, les affections qu´il a pour elle, et même la petite scène avec le baiser. Pour monsieur directeur c´est le comble. Il demande des explications à sa fille qui confirme toutes ces informations. Monsieur Muche agit :

« Vous donnez en cachette des leçons gratuites pour déconsidérer l´enseignement […] Vous m´annoncez des élèves qu´on refuse ensuite de nous confier. Vous refusez de retrouver une erreur, quand c´est un parent d´élève qui l´exige ; vous truquez les compositions ! […] Et pour comble, vous ajoutez à la sottise et à la mauvaise fois, la lubricité la plus scandaleuse ! Ici même, dans cette classe, et sous les yeux de nos enfants épouvantés, n´avez-vous pas essayé de déshonorer ma fille ! […] A partir d´aujourd´hui, dix heures trente, vous n´appartenez plus à l´établissement. »40

38 Ibid., p. 70. 39 Ibid., p. 77. 40 Ibid., p. 79. 18

Topaze, complètement accablé et déçu, s´en va alors. Il quitte sa vie actuelle en quête d´une autre, absolument différente. On pourrait dire que le premier acte du livre est un combat de l´argent et de la morale. Dans cet acte, Topaze présente la morale et monsieur Muche l´argent ou la tentation de l´argent, d´en avoir le plus possible. Dans le monde de Pagnol, la morale ne gagne pas et Topaze du premier acte s´en va à jamais. Ce Topaze ne revient plus et le deuxième acte fait venir un autre héros, un Topaze qui ne présente plus la morale et ses vertus.

Acte deux : La naissance du nouveau Topaze Une fois licencié, Topaze va chez madame Suzy (S) proposer des leçons à son neveu car elle lui demande ce service. Malheureusement, le neveu de madame Suzy part avec son père et il n´y a plus de travail pour Topaze. A partir de ce moment-là, Suzy sera présente dans tous les actes suivants et jouera un rôle essentiel : il nous sera donc bien utile de la présenter. Qui est donc cette dame ? Madame Suzy est une jeune femme fort riche. Elle gagne très bien sa vie et ceci est grâce aux affaires pas nettes. Son complice et son amant en même temps, Castel-Bénac, l´aide et coopère avec elle. Quand Topaze quitte l´école, Suzy et Castel-Bénac perdent leur allié des affaires malhonnêtes et ils cherchent donc un nouveau complice:

« Si on prend un homme d´une honnêteté morbide, il refuse la plupart des affaires qu´on lui propose. Et si on prend un homme d´esprit moderne, il risque de pousser le modernisme jusqu´à nous voler nous-mêmes. […] il faut quelqu´un qui fasse honnêtement des affaires malhonnêtes... Topaze ! »41

C´est Suzy qui le propose. Et voici la raison de ce choix : « Parce que nous avons sur lui un moyen d´action... […] Moi. Dès qu´il me voit, il rougit, il bafouille, il est ridicule et touchant. Je suis sûre qu´avec deux mots, j´en ferai ce que je voudrai. »42 Topaze semble être un complice idéale, facile à influencer, des fois naïf, c´est-à-dire exactement le type qui puisse remplacer leur ancien complice.

41 Ibid., p. 118. 42 Ibid., p. 119. 19

Par cette discussion entre Suzy et Castel-Bénac, la cinquième scène de l´acte deux finit. Dans la scène suivante, Castel-Bénac, et avant tout Suzy, commencent à manipuler Topaze. Ils profitent de la situation de Topaze inemployé. Petit à petit, ils forcent Topaze à accepter le poste du directeur d´une nouvelle agence d´affaires. Un joli salaire, un appartement de fonction et quelques autres avantages, plus quelques « petites manipulations » de Suzy persuadent finalement Topaze à accepter un métier qui n´exige que de « dicter le courrier aux dactylos, surveiller leur orthographe, signer les documents et se taire.»43 Tout de suite, Topaze signe une affaire urgente concernant des balayeuses et reçoit un chèque de cinq mille deux cents francs. Le héros naïf ne se doute point que cette affaire puisse être malhonnête. Il croit absolument les gens et surtout la belle Suzy. Il reste bien naïf mais on voit quand même une petite nuance dans sa réflexion (par rapport à l´acte premier), le chèque dans sa poche: « L´argent ne fait pas le bonheur. Mais on est tout de même bien content d´en avoir. »44 Le matérialisme qui commence à se manifester chez Topaze engendre aussi une modification de son image. Son vêtement usé, ridicule et simple sera remplacé par un vêtement d´un homme d´affaires. Topaze dit oui à tout pour faire plaisir à Suzy. Or, après avoir appris que Castel-Bénac est un prévaricateur et que ses affaires ne sont pas honnêtes, il va chez Suzy pour la mettre en garde contre cet homme. Maintenant la vraie manipulation éclate. Suzy doit sauver les affaires, leurs commerces, et avant tout, elle doit de nouveau persuader Topaze, qui connait désormais la réalité, de vouloir bien poursuivre sa collaboration avec eux, c´est-à- dire avec elle et avec Castel-Bénac. Suzy lui raconte donc l´histoire inventée de sa vie pour l´émouvoir : « Quand je me suis trouvée toute seule au monde, je me suis tournée vers Castel-Bénac parce qu´il était exécuteur testamentaire de mon père. »45 Elle explique sa « situation difficile » et cherche à convaincre Topaze à l´aide de ses mensonges, et, pour accentuer la situation, elle explique pourquoi elle a choisi notre héros :

43 Ibid., p. 123. 44 Ibid., p. 125. 45 Ibid., p. 151. 20

« Et bien...La première fois que je vous ai vu, j´ai été frappée, dès l´abord, par votre visage énergique... (Topaze prend un air énergique). Il m´avait semblé lire dans vos yeux... un certain intérêt...Presque une promesse de dévouement...Je pensais : « Celui-là n´est pas comme les autres...Il est simple, intelligent, énergique, désintéressé... Si j´avais tout près de moi...un homme comme lui, je serais protégée, défendue...peut-être sauvée ! » (Elle le regarde en face.) Me suis-je trompée ? »46

Suzy continue, ajoute les faits et les raisons de sa situation et elle ne laisse même pas le temps à Topaze à réfléchir, elle le pousse à agir rapidement :

T : Ah ! Ce débat est cornélien ! Quel carrefour ! Quel conflit de devoirs ! Ah ! Si j´avais seulement une heure pour peser le pour et le contre ! […] S : Tenez, asseyez-vous là...Prenez cette plume et signez ici... T : (il a une dernière hésitation, il regarde Suzy.) C´est difficile. S : Pour moi. Il signe. Elle lui passe un autre papier. Celui-ci... (il signe.) Celui-ci... (il signe.)47

L´acte deux finit. Suzy et son amant ont fait naître un nouveau Topaze, un Topaze qui fait partie de leurs affaires malhonnêtes, qui se fait manipuler par Suzy mais aussi par l´argent. Il n´est toujours pas d´accord moralement avec ces espiègleries mais cherche la sympathie de Suzy et cela lui permet de très bien gagner sa vie. L´argent et la louange sont le moteur des activités de Topaze qui se trouve maintenant dans un nouveau monde.

Acte trois : un héros déchiré L´acte trois nous présente le déchirement conséquent du héros principal. Topaze ne sait pas encore s´orienter dans cette société. Ce monde diffère tellement de son ancienne vie, du monde écolier, et tue pas à pas les mœurs et l´idéalisme de notre héros. On pourrait dire que Topaze n´est plus le même homme qu´avant. C´est un homme qui collabore avec Suzy et Castel-Bénac, et qui travaille dans un bureau dont l´intérieur est tout en contraste avec son ancienne classe. Ce contraste sotte aux yeux depuis la première scène : « Un bureau moderne tout neuf. […] Aux murs, des placards sévères portant des inscriptions catégoriques : « Soyez brefs », « Le temps, c´est de l´argent », « Parlez de chiffres »48

46 Ibid., p. 157. 47 Ibid., p. 158. 48 Ibid., p. 159. 21

Or, dans son fort intérieur, Topaze n´est pas content, son nouveau métier exige de abandonner absolument ses principes, sa morale : «Il est très pâle, il paraît anxieux, tourmenté. Au moindre bruit, il trésaille. »49 Comme Topaze participe aux affaires malhonnêtes et qu´il n´a pas la conscience nette, il devient nerveux et perd des kilos. Il se cache devant tout le monde, il se fait renier, il ne répond plus au téléphone et il a peur de sortir de son bureau. Quand Topaze comprend la relation entre Suzy est Castel-Bénac, son état va en s´aggravant ; des reproches et une mauvaise conscience résonnent de plus en au fond de lui-même :

S : De quoi vous plaignez-vous ? T : De ma conscience, S : Laissez-la donc tranquille ! T : Mais c´est elle qui me poursuit, qui me traque, qui m´environne ! Le poids de mes actes m´écrase. Caché dans ce bureau, je sens l´univers m´assiège ! Ce matin encore, je me suis penché a cette fenêtre, malgré moi, pour voir passer trois balayeuses, qui portent sur l´avant mon nom en lettres nickelées : « Système Topaze » Le reflet du soleil sur cette imposture étincelante m´a forcé de baisser les yeux ; j´ai bondi en arrière, j´ai refermé la fenêtre, mais le bruit de leurs moteurs m´arrivaient encore et savez vous ce qui´ils disaient, ces moteurs ? Ils disaient : Tripoteur ; Tripoteur ; Tripoteur !50

Bien que Topaze ne soit pas encore intérieurement persuadé et il a des remords à cause se son travail, il ne refuse pas de nouveaux commerces, il les accepte et cherche à avoir une relation correcte avec son patron, Castel-Bénac (CB) :

CB : Je voudrais vous former, faire de vous un collaborateur très au courant, très adroit... Il y a beaucoup d´argent à gagner. Je serai peut-être député un jour. Je pourrais faire de grandes choses avec vous ! T : Vous êtes bien aimable, monsieur le conseiller51

En revanche, la relation avec Suzy n´est pas telle que Topaze voudrait avoir. Topaze sait qu´elle est la maîtresse de Castel-Bénac, mais il l´aime quand même, il fait tout pour elle : « Oui, je vous hais et je vous aime à la fois... Et je sais pourquoi je vous hais, mais j´ignore pourquoi je vous aime... »52 La relation avec Suzy qui reste seulement amical n´est pas la seule déception de Topaze. Une leçon

49 Ibid., p. 161. 50 Ibid., p. 169. 51 Ibid., p. 181. 52 Ibid., p. 174. 22

dure suit l´autre. Topaze fait face à ses propres hallucinations causées par des remords. Avec le temps, il commence à comprendre que les dessous-de-table et l´argent sont les seuls moyens pour influencer les gens (Suzy y compris) et la seule façon d´obtenir ce qu´il veut. La corruption est à son apogée dans cet acte, Topaze est le témoin du chantage entre Castel-Bénac et la presse et il voit de nouveau que ce n´est que l´argent qui puisse sauver la situation. Tout cela confirme la puissance de l´argent, Topaze quitte donc au fur et à mesure son idéalisme. A la fin de l´acte, nous pouvons voir la cassure complète dans le comportement et dans le raisonnement du héros. Il comprend que la seule valeur de la vie est fondée sur l´argent : « La vie n´est peut-être pas ce que je croyais. »53 Le héros modifié refuse Ernestine Muche, il ne veut plus se marier et avant tout, il ne veut plus se faire manipuler. L´acte trois achève la supériorité des femmes sur Topaze : « Mademoiselle, la comédie que vous me donnez est inutile. Je ne suis pas un idiot. »54 Le nouveau Topaze est né. Sa métamorphose n´est pas finie, la forme finale sera accomplie dans le dernier acte de la pièce.

Acte quatre : Un monstre matérialiste L´évolution de notre héros continue. Après avoir adopté une nouvelle façon de penser, Topaze se sent bien, il est sûr de lui et il profite de la vie avec son argent : « Il porte un costume de bon faiseur. Il a des lunettes d´écaille, sa face est entièrement rasée. Il marche d´un pas décidé. »55 Le changement de l´apparence de Topaze va la main dans la main avec le changement de son intérieur. Mise à part la façon de penser, Topaze change aussi son comportement envers les gens. Ce n´est plus un homme généreux, serviable, doux, sensible, émotif qui s´intéresse aux autres, ce n´est plus l´homme qui prend les sentiments des gens en considération. Il devient de plus en plus un homme sans égard. Les rôles ont changé, les manipulateurs Castel-Bénac et Suzy deviennent ceux qui se font manipuler :

CB : Topaze est devenu assez fier depuis qu´il a réussi cette affaire et il se prend un peu trop au sérieux. […]

53 Ibid., p. 212. 54 Ibid .,p. 208. 55 Ibid., p. 222. 23

S : En somme, vous avez pitié de lui ? CB : Peut-être. S : Vous en avez peur !56

Le nouveau Topaze est plein d´assurance, il ne se fait plus manipuler. Maintenant c´est lui qui commande et qui veut mener l´agence :

CB : Vous vous croyez propriétaire de l´agence T : Je le suis. L´agence porte mon nom, le bail est à mon nom, je suis légalement chez moi... CB : Mais ce serait un simple vol. T : Adressez-vous aux tribunaux.57

Topaze devient le vrai directeur de l´agence et en même temps, il devient de plus en plus riche, impertinent, sans scrupule. La dernière scène de la pièce ou Tamise, son ancien collègue, rend visite à Topaze nous complète la métamorphose :

« Je suis sorti du droit chemin, et je suis riche et respecté. […] Ah, l´argent... Tu n´en connais pas la valeur... Mais ouvre les yeux, regarde la vie, regarde tes contemporains...L´argent peut tout, il permet tout, il donne tout...Il ne faut qu´entrouvrir ce coffre et dire un petit mot : Combien ? » 58

La métamorphose est accomplie. Quoiqu´elle puisse nous sembler géante, colossale, perverse, elle est tout à fait logique et fort vraisemblable. Topaze est maintenant un monstre cynique. Le dictionnaire Larousse définit ce mot de cette façon : « C´est quelqu´un qui avoue avec insolence, et en la considérant comme naturelle, une conduite contraire aux règles morales ; qui manifeste du cynisme. »59 La définition correspond parfaitement avec le caractère du nouveau Topaze L´auteur se passe d´exagération et de dramatisation, l´identification éventuelle avec ce personnage est donc bien possible. La preuve peut être le fait qu´il trouve son inspiration dans la vie quotidienne, il y a aussi quelques traits autobiographiques. Voici quelques exemples : Une partie de la pièce se déroule dans un milieu d´enseignement. Pagnol enseignait l´anglais et son père était instituteur. L´action de la pièce qui se passe dans une grande ville nous fait penser

56 Ibid., p. 237. 57 Ibid., p. 240. 58 Ibid., p. 245. 59 Le site de Larousse [en ligne], c2011[cit. 2011-25-11]. Disponible sur: 24

à la ville de Marseille où l´auteur a passé une certaine période de sa vie. Le drame Topaze a été écrit en 1928 quand Pagnol vivait à Paris où il pouvait rencontrer les hommes d´affaires, la haute société. C´est aussi la période de la crise économique mondiale qui culmine en 1929 par la Grande Dépression et quand le chômage bat son plein aux Etats-Unis. Une grande inspiration pour Pagnol est représenté par une parole d´un garçon coiffeur entendue par hasard: « La société, voyez vous, monsieur, si elle continue, elle tuera les justes.»60 Cette phrase est mise tout au début du livre et elle nous fait allusion aux thèmes de la pièce : société contemporaine, relations humaines, mœurs.

2.4.1. Comédie ou tragédie ? En suivant tous les faits, l´évolution de notre héros, les thèmes principaux et tous les autres détails, essayons de définir la pièce. Si nous faisons une recherche sur le genre de ce drame dans les dictionnaires ou sur Internet, nous pouvons trouvez plusieurs réponses. La réponse la plus fréquente est « comédie » (ce qui est aussi mentionné sur le site officiel de Marcel Pagnol) ou bien « comédie satirique ». Qu´est-ce qu´une comédie ? Rappelons encore une fois la définition de comédie d´après une source de base : « Comédie, le terme possède le sens général de pièce de théâtre. C´est une pièce divertissante représentant des personnages de moyenne et basse condition. Comédie s´oppose à tragédie»61 Le comique peut être basé sur la moquerie des mœurs contemporaines, des traits, des défauts et des ridicules des être humains.62 Si nous consultons la théorie de Germain ci-dessus, nous pouvons constater que Topaze est une comédie de mœurs ou comédie de caractère. Autrement dit, l´auteur met en scène des personnages ayant des défauts de caractère (Suzy, Castel Bénac et finalement Topaze dotés de l´obsession pour l´argent). Pour accomplir la définition, expliquons aussi le terme de la satire : « La satire est une œuvre qui exprime une attitude moqueuse et critique de l´auteur envers la réalité (les effets négatifs en société ou de mauvaises qualités

60 PAGNOL, Marcel. Topaze. Paris : Fasquelles, 1930. p. 8 61 ERNESTINE, Claude. La littérature française de A à Z. Paris: Hatier, 1998. p. 103. 62 C.f. Le site de Wikipedia [en ligne], [cit. 2011-12-09]. Disponible sur : 25

humaines). L´auteur se sert du comique, de la critique, de l´ironie, du sarcasme ou de la caricature. »63 Même si toutes ces définitions données correspondent avec le terme « comédie », à travers la pièce de théâtre, nous pouvons quand même trouver quelques éléments rappelant une tragédie : « La tragédie est une œuvre où le héros lutte contre les forces supérieures qui présentent souvent le destin, les habitudes et les lois de la société. Après le combat inégal, le héros meurt »64. Cela peut nous rappeler le premier acte, c´est-à-dire le combat entre Topaze et Muche, le directeur. Notre héros Topaze selon les règles de la tragédie (autrement dit après la lutte inégale avec un être invincible et la perte suivante) meurt à la fin de l´acte premier et un autre Topaze arrive. Le lecteur peut sentir de la pitié pour Topaze dans l´acte premier, ce qui est plutôt un sentiment appartenant à une tragédie. Le mélange de deux style nous fait penser à une tragi-comédie : « C´est une pièce à sujet romanesque, mettant en scène des personnages de rang élevé, mêlant divers tons (tragique, pathétique et parfois comique) ».65 Dans la période du classicisme, une tragi-comédie était une pièce tragique avec un dénouement heureux. « La tragi-comédie naît en Europe dans le dernier tiers du XVIe siècle. Contrairement à la tragédie et à la comédie, c´est un genre moderne qui n´a pas d´antécédents dans l´Antiquité. Mettant en scène des personnages animés par de violents passions, dans une intrigue riche en actions et en rebondissements, elle connaît un vif succès populaire, qui fait défaut à la tragédie et à la comédie humaniste. L´âge d´or de la tragi-comédie française se situe dans la décennie 1630-1640 sous Louis XIII. »66 Mais il faut attendre jusqu´au XXe siècle, et, le théâtre de l'absurde. C´est à cette époque-là quand le public accepte de concevoir que le rire ne nuit pas obligatoirement à la profondeur dramatique. 67

63 LEDERBUCHOVÁ, Ladislava. Slovník literárních pojmů. 1. vydání. Plzeň: Fraus, 2006. s. 126. Texte original (traduit par D.F.): Satira je literární dílo vyjadřující výsměšně kritický postoj autora k nedostatkům v lidském charakteru a ve společnosti. Autorův satirický postoj je vyjadřován pomocí kritiky, ironie, sarkasmu a karikatury. 64 Literární pojmy [en ligne], c2009[cit. 2011-12-09]. Disponible sur : . Texte original (traduit par D.F.): jednotlivec vede nerovný boj proti nepřátelským silám, které mají podobu osudu, zákonů a zvyků společnosti, ve které hrdina žije, ale v tomto boji hrdina podléhá. 65 ERNESTINE, Claude. La littérature française de A à Z. Paris: Hatier, 1998. p. 435. 66 Ibid., p. 436. 67 Cf. Tragi-comédie [en ligne], c2010 [cit. 2011-12-12]. Disponible sur: 26

Pour conclure, nous pouvons dire que cette pièce est une comédie ou une comédie satirique. Pour affirmer cette hypothèse et en suivant la théorie de François Germain, citons les exemples concrets du comique de la pièce. Dans l´œuvre Topaze, Pagnol se sert plutôt du comique de situation, nommons par exemple Topaze dans la scène avec Ernestine où il veut dévoiler ses affections envers elle. Le comique est accentué par la gifle et la réaction exagérée d´Ernestine (elle crie sur Topaze même s´il agit d´une manière distinguée). Une autre situation comique qui peut nous servir en titre d´exemple est le désaccord de Topaze et de Muche. Le directeur Muche veut améliorer la note d´un des élèves de Topaze parce que cet élève vient d´une famille très riche. La scène se déroule devant la mère de l´élève. Topaze qui n´est jamais conflictuel et qui représente un employé tout à fait obéissant, se comporte d´une façon inattendue. Il s´oppose à Muche. Le directeur, choqué, cherche à sauver la situation mais par deux fois il répète seulement les réponses prononcé par Topaze. Et ce sont surtout ces réponses qui accentuent le comique de la situation. Néanmoins, vu les petits traits d´une tragédie, nous pourrions utiliser aussi la notion de tragi-comédie qui correspond avec sa définition et aussi avec l´époque dans laquelle l´auteur a créé cette pièce. Toutes les définitions et les conditions mentionnées nous aident à comprendre le portrait de Topaze. Mais pour obtenir un portrait des personnages masculins de Marcel Pagnol plus général et encore plus plastique, analysons les autres drames avec leurs personnages.

2.5. La Femme du boulanger La pièce La Femme du boulanger, l´œuvre de Marcel Pagnol, écrite en 1938, est basée sur les motifs du conte de Jean Giono. L´auteur explique lui- même: lorsqu´un jour, dans la NRF, je trouvai quelques pages de Giono, qui s´intitulaient La Femme du boulanger. J´étais dans un train qui venait du Belgique ; je lus trois fois ces quinze pages avec admiration grandissante. »68 De nouveau, nous croiserons un héros masculin qui est le héros principal, Aimable. De nouveau, ce héros a près de lui une jeune et très belle femme et nous

68 PAGNOL, Marcel : La Femme du boulanger. Paris : Éditions de Fallois, 2005, p. 19. 27

analyserons de quelle manière et pourquoi la femme peut influencer le protagoniste. L´influence, sera-t-elle du même type que dans le cas du héros précédent ? L´héroïne, veut-elle consciemment manipuler le protagoniste ? Et quelle évolution du caractère du personnage masculin pouvons-nous y observer ? Nous traiterons toutes ces questions dans l´analyse suivante. L´histoire se déroule dans un petit village du sud de la France où un nouveau boulanger arrive car son prédécesseur s´est pendu. Le boulanger Aimable arrive dans le village avec sa femme : « Je suis venu chez vous pour faire plaisir à ma femme parce qu´elle craint le froid, et qu´ici c´est beaucoup moins haut. »69 Déjà, nous pouvons voir que le boulanger est un homme plein d´abnégation et c´est quelqu´un qui aime très fort sa femme. Les affections chaleureuses et aussi la fierté sont les sentiments qu´Aimable éprouve pour la jeune boulangère. Le fait que sa jolie femme plaît aussi aux villageois rend Aimable fier, content et « il rit avec une joie enfantine »70en menant le dialogue avec les autres :

CASIMIR : Ce qui est important c´est ce que tu nous fasses du pain et pourvu qu´il soit aussi beau que ta femme, ça nous suffira. LE BOULANGER (joyeux) : Il n´est pas difficile, lui ! Du pain aussi beau que ma femme ! Et bien, dis donc, mais je ne sais pas si on en a jamais fais, du pain aussi beau que ma femme ! [...] Elle est belle, hein, ma femme ! [...] Dites monsieur l´instituteur, n´est-ce pas qu´elle est belle ma femme ?71

Aimable est complètement aveuglé et il ne note point que sa femme ne partage pas les mêmes sentiments pour lui. Une fois le berger du marquis Castan de Venelles rencontré, (« un très beau garçon dévoré par le soleil, des dents blanches et des cheveux frisés »72) en achetant du pain dans leur boulangerie et elle tombe amoureuse de lui : « la boulangère pèse le pain de Céleste, mais elle ne regarde pas la balance. Elle regarde le berger qui est debout contre le mur. Le berger la regarde aussi, immobile et muet. »73 Depuis cette rencontre, la boulangère et pensive, elle parle à peine et elle ne répond pas aux questions du boulanger :

69 Ibid., p. 37. 70 Ibid., p. 38. 71 Ibid., p. 38. 72 Ibid., p. 41. 73 Ibid., p. 46. 28

LE BOULANGER : Alors, s´il faut que je vende le pain à 2,40 franc, comment je vais m´y retrouver ? Quoi ? AURÉLIE: Rien. Elle se déshabille dans un coin d´ombre. LE BOULANGER : Et tu as raison. On ne peut rien dire [...] Et si nous avions des enfants, alors, comment nous ferrions ? La belle boulangère ne dit rien. Elle se couche. Le boulanger lit encore un instant. Puis il tousse, il regarde sa femme qui vient de lui tourner le dos. [...] Il la regarde longuement avec une grande tendresse.74

Cette nuit-ci, la boulangère rencontre le berger pour la deuxième fois. Le berger Dominique chante sous les fenêtres de sa maison une sérénade. Le boulanger naïf croit que c´est un remerciement pour son pain et il envoie sa femme lui donner une fougasse. Pour Aurélie, c´est une occasion de pouvoir rester seule avec le berger dans la boulangerie. Même si leur entrevue est interrompue par le fermier Antonin qui arrive dans la boulangerie avec des anchois, Aurélie et Dominique ont conclu un rendez-vous :

DOMINIQUE : Elle m´a dit : « Si tu es un homme, trouve-toi derrière l´église à cinq heures, avec un cheval : tu m´emporteras où tu voudras. » Elle quitte son mari, sa boulangerie, ses sous, son pain. Elle veut tout perdre pour moi.75

A l´aube, la boulangère décidée fait donc ses valises quand le boulanger dort vers un vieux pétrin. Après avoir posé le trousseau de clefs sur le comptoir, elle quitte la maison. Retrouvant le berger sur l´endroit convenu, les deux partent du village. Un peu plus tard c´est Casimir qui a remarqué une épaisse fumée de la cheminée de la boulangerie. Il y va en courant et il réveille le boulanger qui a fait brûler le pain:

LE BOULANGER : C´est ma femme qui me réveille d´habitude…mais la pauvre, tu comprends…La fatigue d´installation…Elle doit dormir comme un enfant…Je vais lui annoncer la catastrophe tout doucement, pour ne pas lui faire de la peine…Je vais la réveiller avec une tasse de café.76

Dans cette pièce Pagnol nous présente un héros qui abonde de compréhension, qui est plein d´abnégation et qui est avant tout naïf. Même la constatation que sa femme ne se trouve plus au lit le fait rire. La première pensée

74 Ibid., p. 49. 75 Ibid., p. 57. 76 Ibid., p. 65. 29

qui vient à l´esprit du boulanger est que sa femme lui fait une blague et il se mit à la chercher partout. Aurélie, notre héroïne, qui est à partir de ce moment absente, joue quand même un rôle très important. Son absence nous dévoile parfaitement la nature de son mari, boulanger Aimable. Comment réagit-il ? De quelle façon réfléchit-il ? Est-il capable de gérer des problèmes sans sa femme ? Le boulanger la cherche tout d´abord avec un sourire sur les lèvres, puis en ayant peur pour Aurélie car elle a disparu sans aucun mot. Comme Aurélie est pour son mari un être parfait, il cherche sa faute dans cette situation: « Naturellement, elle m´a laissé un papier ! Seulement moi, comme un grand imbécile que je suis, je n´ai pas pensé à regarder. Il doit être sur la commode ! »77 La simplicité gracieuse avec laquelle le boulanger manifeste ses idées et ses sentiments accentue sa naïveté : « Le papier n´est pas dans la chambre. Mais comme j´ai laissé la fenêtre ouverte depuis deux heures, le courant d´air l´a peut- être emporté. »78Le manque d´expérience et trop de confiance d´Aimable vont jusqu´au ridicule au moment où il apprend que sa femme est partie avec le berger Dominique à cheval:

LE BOULANGER : A cheval ? Eh bien, il e aurait du toupet, celui-là, de la faire monter à cheval ! Mais dites, et si elle tombait qu´elle se casse une jambe ? Et puis alors, où seraient-ils en ce moment ? LE MARQUIS : Ça, on n´en sait rien. LE BOULANGER : Et qu´est-ce que qu´ils auraient bien pu aller faire ensemble ? LE MARQUIS : L´amour tout bêtement… LE BOULANGER : Allons donc, monsieur le marquis ! Ils se sont vus pour la première fois hier ! Mais vous ne savez pas qu´Aurélie, il a fallu que je lui fasse la cour pendant trois ans avant qu´elle me dise oui, et encore c´était pour l´épouser !79

Une immense ingénuité d´Aimable, et surtout une confiance excessive en sa femme et en leur union maritale lui empêche pour le moment de voir la réalité. Aurélie est d´après lui quelqu´un qui est plutôt calme, sans tempérament, de sang- froid, même glacée: « Et bien, l´expérience m´a prouvé que j´avais raison. Quand je l´embrasse, elle se laisse faire, sans dégout mais sans plaisir…Une porte ressentirait plus d´émotion. »80 Voilà son explication du caractère d´Aurélie et de réticence envers lui. Malgré sa beauté, son élégance « l´amour n´est pas fait pour

77 Ibid., p. 77. 78 Ibid., p. 79. 79 Ibid., p. 82. 80 Ibid., p. 84. 30

elle »81 la possibilité de fuite avec le berger, son amant éventuel, est donc improbable d´après le boulanger. Le héros refuse de voir le réel. Il dément avec naïveté et optimisme, propre à lui-même, les faits concernant l´infidélité de sa femme, il ne réagit plus aux allusions des autres :

LE MARQUIS : En somme, ce serait une magnifique fleur sans parfum. LE BOULANGER : Vous l´avez dit monsieur le marquis ; une merveilleuse fleur sans parfume. LE MARQUIS : C´est peut-être toi qui es enrhumé. LE BOULANGER : Moi ? Oh, pas plus ! Jamais un rhume, jamais une angine !82

Quelles que soient les preuves et les témoignages des villageois, le protagoniste simplifie la situation. Il ne croit qu´à Aurélie et devient défenseur de sa femme et de sa vérité tant désirée :

« Que votre berger soit parti, et que ce voyou vous ait volé un cheval, je le crois puisque vous le dites. Que ma femme soi allée le même jour chez sa mère, ce n´est qu´une coïncidence ! Oh ! Évidement, si elle ne se dépêche pas de revenir, ça va faire parler les gens…Mais nous qui la connaissons bien, nous ne devons pas faire de suppositions pareilles, voyons ! Un peu de bon sens ! »83

Avec le temps qui passe, le boulanger commence à voir la réalité, puisque tout le monde dans le village ne parle que de cette affaire. Petit à petit et avec une mauvaise volonté, Aimable se rend compte du fait que sa femme a toutefois fui avec le berger. Le protagoniste accablé change désormais la manière de son comportement, l´absence de l’héroïne Aurélie le rend irrité, nerveux et il n´est plus ce qu´il était avant. Excité, Aimable arrête le four, suspend son activité et plonge dans l´alcool :

MIETTE : Dites, Aimable, à quelle heure il sera prêt, le pain ? Tu en feras cet après-midi ? LE BOULANGER : Ni cet après-midi, ni demain, ni après demain, ni jamais…Moi, c´est pour ma femme que je pétrissais. Je faisais d´abord son pain, pour elle ; et après, puisque j´y étais, je faisais celui des autres. Et celui des autres, ce n´était pas du pain, c´était de l´argent pour elle. Mais maintenant, si elle est partie, eh bien, du pain, j´en ferai plus.84

Quoique le comportement du boulanger soit changé, son attitude et son admiration envers la jeune boulangère restent les mêmes, Aurélie est toujours un

81Ibid ., p. 85. 82Ibid., p. 85. 83 Ibid., p. 87. 84 Ibid., p. 102. 31

être parfait pour son mari : LE BOULANGER (au CURÉ) : Votre Bon Dieu ne s´en ira pas…Il est cloué sur une croix…Mais moi, le mien est parti…85 Le protagoniste, avec l´abandon d´Aurélie, perd l´envie de cuire du pain : « Comment voulez-vous que je fasse du pain ? C´est mon levain qui est parti. »86 Par contre, ses affections pour son épouse restent. Dans ce cas-là, le héros ne change pas la façon de réfléchir, il n´est point fâché avec la jeune boulangère, il la voit comme victime d´une mauvaise blague de Dominique, et, il ne cesse d´avoir peur pour elle : « Cet homme-là ne va pas s´occuper d´elle ! Il va la laisser prendre froid…Sur un cheval volé, à quatre heures du matin ! Aurélie, Aurélie, où es-tu ? Couvre-toi au moins… »87 L´auteur a créé un protagoniste faible d´un point de vue des émotions, et, même si c´est un homme de certain âge, expérimenté. Le héros est aveuglé d´amour, enchanté par la beauté et la jeunesse de sa femme, tandis qu´Aurélie, elle, continue après tout à rester impeccable aux yeux d´Aimable. Or, Pagnol va encore plus loin, et, il nous présente un héros qui a un manque d´aplomb, qui se fait agiter par l´absence de son épouse et qui finit par chercher les torts en lui-même. En essayant de comprendre le départ d´Aurélie, il les trouve finalement et comprend sa fuite. Le ridicule du héros bat son plein :

« Je suis vieux, je prends du ventre, c´est une injuste terrible pour elle. Parce qu´elle, elle est mon idéal, et moi, je ne suis pas le sien… Écoutez, une femme aussi belle et aussi jeune qu´elle, ça doit avoir un mari superbe : jeune, musclé, jeune, bronzé, jeune, intelligent, jeune…Et bien, son mari, c´est moi. Ça veut dire que j´ai eu de la chance, une chance de cocu. On dit qu´elle me trompe avec le berger. Pas du tout. C´est moi qui, depuis cinq ans, ai trompé le berger avec elle ! »88

L´état du boulanger aussi bien que la situation dans le village s´aggrave. Les villageois manquent de pain depuis le matin. L´infidélité d´Aurélie devient donc une affaire commune. Monsieur le marquis veut trouver la boulangère avec les habitants du village et redonner ainsi à Aimable l´envie et le sens de sa vie, et surtout, il veut rapporter le pain aux villageois. De nouveau, le héros change. La simple possibilité du retour de sa femme rend Aimable content et l´encourage :

85 Ibid., p. 117. 86 Ibid., p. 115. 87 Ibid., p. 119. 88 Ibid., p. 118. 32

« Si vous me ramenez mon Aurélie, si vous dissipez ce doute, alors, vous aurez un vrai boulanger. Je vous ferai du pain comme vous en aurez jamais vu. Je pétrirai chaque fournée une demi-heure de plus, et dans les fagots pour chauffer le four, je mélangerai du romarin. »89

Le pouvoir de l’héroïne sur le protagoniste est donc absolu, même si elle ne cherche pas à influencer ou manipuler Aimable. Le boulanger, de son plein gré, se laisse dominer par Aurélie car elle présente pour lui un idéal divin. Aimable voit tous les fautes et imperfections de sa femme comme des qualités ; tout ce qu´Aurélie fait est parfait. La recherche une fois commencée, Aimable reste en attente. Or, les villageois rentrent les uns après les autres et ils annoncent le résultat de la mission non réussie. Le héros n´est pas loin de se pendre dans la cave mais un moment plus tard, il enlève la corde de la poutre et retrouve de nouveau le sens de vie. Autrement dit, le protagoniste se tourmente, il se retrouve pendant l´absence de sa femme dans un état d´abattement profond, et puis, d´un seul coup, ces émotions sont remplacées par une grande joie et ce n´est qu´une petite notion concernant sa femme qui a provoqué cette réaction. Pagnol nous présente encore un héros déchiré, manipulé et influencé à fond par une femme. L´amour sans limite, la naïveté et l´aveuglement du boulanger sont encore soulignés dans la scène du retour d´Aurélie dans le village :

L´INSTITUTEUR : Bonjour messieurs. (Un temps). Notre boulangère est en bas. LE BOULANGER : Où ? L´INSTITUTEUR : Au pied de la montée. Elle s´est assise un moment sous la tonnelle du Papet. Elle est avec M. le curé qui lui fait un peu de morale. LE BOULANGER (inquiet) : Pas de morale méchante, au moins ? L´INSTITUTEUR : Ma foi, la morale, ce n´est jamais très gentil. LE BOULANGER : Enfin, il ne la fait pleurer ? »

Après les retrouvailles du boulanger et de sa femme, Aimable n´hésite pas à montrer son plaisir et le soulagement en même temps. Pour bien accueillir Aurélie, il prépare à manger et il sort une bonne bouteille de vin. Plein de joie d´avoir retrouvé le sens de la vie, le boulanger ne demande ni d´explications ni de détails, il lui pardonne tout avec l´ouverture de la porte de leur boulangerie. Le seul moment où le protagoniste montre une réaction adéquate à la situation, c´est quand il voit sa chatte perdue rentrer à la maison. Cette parole laisse un passage libre pour tous les sentiments bien cachés et opprimés du boulanger. Même si le

89 Ibid., p. 127. 33

discours semble être réservé à l´animal, il est adressé à sa femme ce qu´elle comprend très bien:

LE BOULANGER : Ah, te voilà, toi ? (À sa femme.) Regarde, la voilà la Pomponette… Garce, salope, ordure, c´est maintenant que tu reviens ? Et le pauvre Pompon, dis, qui s´est fait un mauvais sang d´encre pendant ces trois jours ? Il tournait, il vivrait, il cherchait dans tous les coins…Plus malheureux qu´une pierre, il était… (À sa femme.) Et elle, pendant ce temps-là avec son chat de gouttière… Un inconnu, un bon à rien… Un passant de claire de lune… Qu´est-ce qu´il avait, dis, de plus que lui ? AURÉLIE (elle baisse la tête) : Rien.90

2.5.1. Comédie La Femme du boulanger L´analyse précédente nous a confirmé que la pièce La Femme du boulanger est une comédie, nous pouvons compléter et affirmer le concept de théorie comédienne de François Germain (cité plus haut) avec des exemples concrets. Ces exemples nous aideront aussi manifester le comique de Pagnol. Déjà, le personnage principal correspond à la plupart des caractéristiques du comique : Le héros est ridiculisé par l´accentuation de ses manques, sa naïveté, l´absence du bon sens et de la perspicacité (explication de ces termes plus détaillée ci-dessus). L´auteur nous dépeint un homme médiocre situé dans un milieu social qui est très proche de la réalité. C´est aussi grâce au fait qu´en été 1925, il a logé au premier étage d´une boulangerie : « c´est là que, donnant parfois un coup de main au boulanger, il s´en souviendra pour les savoureux détails et anecdotes de son futur film La Femme du boulanger. »91 L´action se déroule dans un petit village, le boulanger y déménage avec sa femme, prend la boulangerie locale à charge, et s´occupe de faire le pain pour les villageois. La vie lui apporte du plaisir (la joie de la vie commune avec sa jeune femme), aussi bien que des soucis (la fuite suivante d´Aurélie). Soit dit en passant, chaque personnage du drame a des vices aussi bien que des vertus. Ils sortent de la vie réelle, loin de l´idéalisme. Nous avons déjà mentionné que le héros est ridiculisé par sa nature, son comportement et sa façon de réfléchir. Mais Pagnol nous offre aussi une gamme variée de dialogues grotesques qui mettent en relief le comique de la pièce. Voici quelques exemples :

90 Ibid., p. 184. 91 JELOT-BLANC, Jean-Jacques : Pagnol inconnu. Mayenne : Flammarion, 2011. p. 57. 34

CASIMIR : Boulanger ! Boulanger ! LE BOULANGER : Quoi ? (Il bondit de son pétrin.) Oh, malheureux ! (Il ouvre le four.) Ça y est ! Ma fournée est foutue. Et en dimanche, encore ! CASIMIR : Tu t´es endormi ? LE BOULANGER (il est navré) : C´est pas que je me sois endormi. C´est que je me suis pas réveillé !92

Ou :

LE BOULANGER : Excusez-moi, monsieur le curé. C´est que je suis un peu inquiet. Ma femme a disparu depuis deux heures…Je suis allé voir au jardin : elle n´y est pas… Alors, je me suis pensé que, peut-être, par hasard, elle serait venue à l´église. LE CURÉ : Vous avez raison de dire par hasard, car je ne l´ai pas encore vue ici. LE BOULANGER : Nous nous sommes arrivés que depuis cinq jours et il n´y a pas eu de dimanche…Mais aujourd´hui elle viendra probablement. LE CURÉ : Une femme qui va probablement à la messe le dimanche n´est probablement pas une femme qui vient à l´église à sept heures du matin. LE BOULANGER : Si elle est pas ici, je me demande où elle peut être. LE CURÉ : Et Dieu, vous ne vous demandez pas où il est ? LE BOULANGER : Ça non, monsieur le curé. Parce que Dieu, je sais où il est. Il est là. (Il montre l´autel.)93

En consultant la classification de François Germain (ci-dessus), la comédie La Femme du boulanger peut être classée dans le groupe du comique de caractère (sans tenir compte que Pagnol est l´un des auteurs typiques des comédies de caractère). Expliquons pourquoi : c´est le boulanger, lui-même, sa nature et son caractère qui font rire. Sa naïveté (citons par exemple le refus du fait qu´Aurélie soit partie : « Ce changement, cette installation, ça l´a énervée, ça lui a donné un coup de cafard, et elle a eu envie voir sa mère. Parce qu´elle aime beaucoup sa mère. Si vous le saviez comme elle aime sa mère »94) le manque de bon sens (la réaction illogique aux nouvelles de sa femme et du berger : « Elle ne doit pas du tout se rendre compte de ce qui se passe. Toute nue ! C´est n´est pas une femme à faire ça. Mais dites, je ne l´ai jamais vue, moi, toute nue. Non, non, il lui a mis un démon dans le corps95 »), son obsession d´Aurélie (sans elle, Aimable ne veut point faire du pain : « Ni cet après-midi, ni demain, ni après-demain, ni jamais… Moi, c´est pour ma femme que je pétrissais »96), tous ces détails tissent le comique

92 PAGNOL, Marcel : La Femme du boulanger. Paris : Éditions de Fallois, 2005. p. 65. 93 Ibid., p. 72. 94 Ibid., p. 74. 95 Ibid., p.160. 96 Ibid., p. 102. 35

de Pagnol et en même temps, ils nous dévoilent les traits typiques pour une comédie de caractère.

2.6. Trilogie marseillaise : Marius, Fanny et César La trilogie marseillaise est une appellation générale donnée à l´ensemble de trois pièces de théâtre de Marcel Pagnol. L´ordre des noms est chronologique, donc la pièce de Marius (1929) est la plus vielle. Cette pièce a été écrite parallèlement avec la pièce de Topaze. Ces trois noms (Marius, Fanny, César) désignent les noms des héros principaux. Tout d´abord, nous allons commencer avec l´analyse du personnage de Marius. Cette analyse sera la plus complète car Marius est le protagoniste qui change le plus dans le temps, grâce au fait que la trilogie dépeint une longue période de sa vie : de sa majorité (21 ans à l´époque) jusqu´au l´âge de 42 ans. Les évolutions de son caractère et les changements seront bien visibles. En revanche, ce n´est pas le cas de César et Panisse, deux hommes d´un certain âge, dont leurs caractères, leurs comportements ou leurs attitudes sont déjà formés et bien fixés. Même si l´évolution psychologique ne sera pas si riche en changements, il y en aura certainement et nous nous y intéresseront également. Comme nous avons déjà mentionné, l´action de l´œuvre Marius se passe à Marseille, sur le Vieux-Port. Le plus souvent nous nous trouvons dans le bar de la Marine. Néanmoins, il y a aussi certains passages où l´action se passe dans le port pendant la journée ou la nuit, dans la chambre de Marius etc. Le décor des endroits est toujours présenté de la manière que chaque lecteur puisse facilement imaginer la scène aussi bien que l´atmosphère. Voici une description détaillé qui nous laisse entrer pour un moment dans la ville de Marseille :

« À droite, le comptoir. Derrière le comptoir, sur des étagères, des bouteilles de toutes les formes, ornées d´étiquettes bigarrées. Deux percolateurs nickelés. À gauche, le long du mur, une banquette de moleskine qui s´arrête à un mètre du rideau pour laisser la place à une porte fermée. Des tables rectangulaires en marbre, des chaises. Au fond, toutes les portes vitrées ont été enlevées, à cause de la chaleur. Il y a plusieurs tables sur le trottoir, sous une tente en auvent. On devine que cette espèce de terrasse s´étend assez loin de chaque côté du bar. Au milieu, juste au bord du trottoir se dresse un éventaire où l´on vend des coquillages. On le voit de dos. Il est peint en vert. Plus loin que l´éventaire, au fond, un entassement de marchandises. Caisses qui portent en

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grosses lettres den noms de villes : Bangkok, Batavia, Sydney. Des tonneaux de fer et, sur la droite, une montagne d´arachides, sous un soleil éclatant. »97

Il n´est donc pas surprenant que Jérôme Tharaud, écrivain français, a ainsi commenté cette pièce :

« Je vois assemblé autour de vous tout ce peuple gracieux sorti de votre imagination, les Marius, les César, les Panisse et les Fanny…tous ces santons marseillais qui sentent l´ail et la lavande, les coquillages et le pastis, les nostalgiques odeurs du Vieux-Port de Marseille, tout ce monde jovial, emporté, mélancolique, aussi près de rire que des larmes, de la tragédie que de la comédie. »98

Son opinion nous intéresse aussi grâce à la dernière partie de la phrase prononcée. Pendant notre analyse, nous allons également chercher à décoder, à travers les dialogues des héros, s´il s´agit d´une comédie ou d´une tragédie. La pièce, est-elle une comédie ? Où est alors le comique de Pagnol dans cette œuvre ? Mais dans un premier temps, nous nous concentrerons sur les héros masculins et leurs évolutions à travers la trilogie. Cette analyse, pas à pas, va modeler les protagonistes, vus dans leurs caractères, leur mode de réactions, leur comportement envers les femmes. Leurs habitudes, changeront-elles ? Et par rapport à qui ? Seront-les femmes, comme dans les pièces précédentes, l´élément principal qui influence de façon assez importante nos héros ? Trouverons-nous des traits de caractère qui lieraient tous nos héros ? Répondons aux question en analysant les pièces.

2.6.1. Marius Suivons la chronologie des pièces et commençons avec celle de Marius. Au début de la pièce Marius, nous nous trouvons dans le bar de la Marine dont le propriétaire est César, le protagoniste du troisième volume, et le père de Marius en même temps. Depuis les premières lignes, nous apprenons que Marius, le jeune et beau protagoniste de cette pièce, est un adorateur de la mer, des voyages en bateau et de tout ce qui concerne la marine. Son rêve est de partir en bateau dans un pays lointain mais il travaille dans le bar, chez son père. La relation entre le fils et le

97 PAGNOL, Marcel : Marius. Paris : Fasquelle, 1946, p. 13. 98 Ibid., « la quatrième» du livre. 37

père est un peu tendue car Marius ne travaille pas comme il faut, son métier ne le satisfait point et ce fait cause de nombreux différends.

CÉSAR : La vérité, c´est que tu es mou et paresseux. Tu es un rêvasseur, voilà ce que tu es. Un rêvasseur. Tu es né là, au dessus de ce comptoir, et tu ne connais même pas ton métier. Tiens, le chauffeur du ferry-boat, que je prends le samedi comme extra, il le fait mieux que toi.99

Nous pouvons aussi remarquer que Marius aime Fanny, une jeune jolie fille de port qui vend des coquillages. Tout au début, les deux se taquinent, ils se regardent avec complaisance mais pour le moment, il n´y a pas d´une affection plus profonde. Dans ce premier acte, nous rencontrons aussi un autre personnage masculin. C´est Panisse, un cinquantenaire et maître voilier du Vieux-Port, un client régulier du bar de la Marine et un ami proche de César. Quoiqu´il ne soit jamais le vrai protagoniste (il joue plutôt un rôle secondaire), nous allons nous concentrer sur lui car il va influencer l´action et les héros d´une façon importante. Présentons-nous ce personnage et sa situation. Commençons par la description de son apparence physique qui peut nous déceler quelques détails ou certains traits de caractère dans l´analyse suivante: « Panisse a cinquante-quatre ans. Taille moyenne, ventre rond, moustache frisée au petit fer. Il est en bras de chemise et fume la pipe.100 Comme nous avons déjà mentionné, Panisse passe assez de temps dans le bar de la Marine. Les clients du bar se connaissent mutuellement et il n´est pas donc étonnant que Panisse leurs confie tous ses soucis. Au début de l´acte premier, nous apprenons qu´il y a quelques jours que la femme de Panisse est morte, et lui, il n´hésite pas à se remarier le plutôt possible :

PANISSE : C´est bête de rester toujours seul à faire du mauvais sang. Elle est morte ? Elle est morte. Ce n´est pas en maigrissant que je pourrais la ressusciter, pas vrai ! […] M. BRUN : Je ne serai pas étonné si vous me disiez que vous avez déjà choisi votre nouvelle femme. PANISSE : Oh, pour ça, oui, naturellement, et je vais présenter ma demande ces jours-ci, à la première occasion.101

99 Ibid., p. 32. 100 PAGNOL, Marcel. Marius. Paris : Fasquelle, 1946. p. 34. 101 Ibid., p. 42. 38

Les amis de Panisse un peu surpris de la rapidité de sa décision, supposent qu´il va se marier avec Honorine, la mère de Fanny. Même Honorine suppose que c´est elle, la future épouse de Panisse puisqu´il cherche sa compagnie :

PANISSE : Dites, Norine, vous viendrez encore au cabanon, dimanche ? HONORINE : Au cabanon ? Oh ! dites, Panisse, ça fera deux fois en quinze jours ! 102

Honorine trouve Panisse sympathique mais en même temps elle ne veut pas continuer à le fréquenter si son intention ne soit pas sérieuse :

HONORINE : Panisse, depuis quelques temps, je vois vous venir. Mais si la chose n´est pas sérieuse, il vaut mieux l´arrêter tout de suite […] Dans ma famille, il y a de l´honneur… A part ma sœur Zoé, la pauvre, qui avait l´amour dans le sang et qui est tombée à la renverse sur les sacs de Vieux-Port. Mais sur toutes les autres femmes de ma famille, personne ne peut pas dire ça. Alors, si ce n´est pas pour le mariage, dites-le-moi ! PANISSE : Honorine, vous savez bien que je pense au mariage. Ça a toujours été mon idée.103

Cette assurance prononcée par Panisse change la vue d´Honorine sur la chose et elle se met d´un seul coup à organiser leur prochain rencontre qui tombe très bien sur dimanche. Ce jour, Fanny va partir chez sa tante. Le fait qui convient tout à fait à Honorine, ne plaît pas à Panisse. Il préfèrerait la présence de Fanny.

PANISSE : Dites, Norine, je ne sais pas si nous sommes d´accord. HONORINE : Si nous ne somme pas d´accord, nous pourrons toujours nous expliquer. Il n´y a qu´une chose que je discuterai, c´est la communauté. Je veux la communauté. PANISSE : Pour ça on s´entendra toujours. Mais il me semble qu´il y a une erreur de votre part… Vous croyez peut-être que c´est vous que je veux ? […] Vous n´êtes pas seule dans votre famille.104

Panisse ne cache plus l´intention de se marier avec sa jeune fille, Fanny, et il prononce sa demande à voix haute. La première réaction d´Honorine est marquée par le malentendu et le désintérêt de sa personne et elle refuse absolument l´idée de cette union maritale. Panisse n´est qu´un homme de certain âge mais aussi un homme expérimenté qui sait comment persuader la mère de Fanny :

PANISSE : J´aurais donné cent mille francs à la petite comme dot. HONORINE : Cent mille francs ! (Un ton plus bas, avec un sourire de mépris.) Cent mille francs ! (Sérieusement, d´un ton interrogateur.) Cent mille francs ?105

102 Ibid., p. 55. 103 Ibid., p. 56. 104 Ibid., p. 57. 105 Ibid., p. 60. 39

La somme impressionnante persuade finalement Honorine de plus rien opposer contre ce mariage et elle laisse la décision à Fanny, même si elle doute de son accord. Cet éclaircissement de la situation de Panisse va nous aider plus tard à comprendre les relations envers le protagoniste et d´autres personnages. Pour le moment, nous quittons Panisse et nous allons le reprendre dans la pièce suivante où son rôle est plus important que dans celle-ci. Retournons donc au héros Marius. Pagnol crée le héros masculin Marius, fils de César. Marius a 22 ans, « il est assez mince, plutôt grand, les yeux profondément enfoncés dans l´orbite »106et c´est de nouveau un héros un peu naïf, qui n´a pas d´expériences avec les femmes et qui ne sait pas comment se conduire envers elles. Nous pouvons voir son incertitude dans le comportement en lisant les dialogues avec Fanny :

MARIUS : Tu as une bien jolie chemisette. FANNY : C´est ma mère qui me l´a faite. (Un temps.) Tu voudrais bien voir ce qu´il y a dedans, qué ! MARIUS : Ça ne me ferait pas peur, tu sais ! FANNY : Toi ? Tu partirais en courant jusqu´à la Joliette ! MARIUS : Tu crois ça ? FANNY : Oui, tu es tout le temps à réfléchir et à penser. Si une fille te regarde, tu baisses les yeux.107

Le manque d´expérience de Marius et sa pudeur incite Fanny à le taquiner, elle continue alors. Le héros naïf prend toutes les questions de Fanny au sérieux et il essaye de répondre et de se défendre. Bien que Fanny agace Marius, elle a tout de même de la prédilection pour lui, et, il lui confie son secret qu´elle compte se marier avec Panisse. Les réactions de Marius nous font comprendre quelles affections le protagoniste éprouve pour Fanny. Tout d´abord, il n´arrive pas à croire cette histoire mais quand, un moment plus tard, Panisse arrive et il n´hésite pas à faire la cour à Fanny devant Marius, ca provoque en Marius une réaction affective :

« (Marius se tait, fort agité. Il fait mille gestes incohérents pour changer de place diverses bouteilles.) Panisse baisse la voix, parce que Marius écoute. On n´entend plus rien. Panisse et

106 Ibid., p. 9. 107 Ibid., p. 66. 40

Fanny restent assis sans parler. De temps à autre, elle jette un regard sur Marius, pour voir les effets de son jeu. Marius s´approche d´eux, sous prétexte d´essuyer la table voisine. MARIUS (agressif) : C´est moi qui vous empêche de parler ? […]Vous parlez doucement et parce que je m´approche, vous vous taisez. […] Quand on ne veut pas parler devant le monde, c´est qu´on dit des saletés. »108

Marius poussé par les émotions va encore plus loin. Il insulte Panisse et provoque une rixe. Ils finissent par se séparer parce que Panisse est obligé de partir. Maintenant, nous voyons le héros d´un autre point de perspective. Marius timide et pudique dans la présence des femmes, concrètement Fanny, se montre comme un autre Marius, impulsif et intrépide, dans la présence des hommes, avant tout dans la présence de son rival en amour, Panisse. Cette brouille entre Panisse et le héros nous fait comprendre les affections de deux envers Fanny. Pendant que Panisse ne cache pas ses sentiments et il veut demander la main de Fanny en public, Marius ne veut pas avouer ses affections qu´il éprouve pour elle :

« j´ai beaucoup d´affections pour toi. Je viens de t´en donner la preuve. Mais de l´amour ? Non. Oh ! Naturellement, si j´avais voulu, moi aussi j´aurait pu t´aimer… Jolie comme tu es, ça n´aurait pas été difficile. Mais je n´ai pas voulu. Parce que je savais que je ne pouvais pas me marier. »109

Par cet aveu qui reste sans explication l´acte premier finit. Avant la suite de l´analyse, faisons une petite récapitulation. Le héros de Pagnol a déjà dévoilé un petit peu son caractère et nous voyons de nouveau un trait typique pour ses héros- le déchirement. Marius qui diffère des autres héros, Topaze et Aimable, dans la plupart d´égards (concernant la situation vitale, l´apparence physique, l´âge et des expériences) est quand même lié avec eux par ce trait de caractère. Comment ? Marius montre ses affections envers Fanny et juste après, il les dénie. Il ne veut pas que Fanny se marie avec Panisse et en même temps lui-même, il refuse de l´épouser. Par ces interventions, Marius trouble la relation potentielle entre Fanny et Panisse et il se retrouve dans un cercle d´amour. La mésentente entre Marius et Panisse fait parler César et Panisse qui sont de vieux amis. Panisse avertit César au comportement de Marius qui a d´après lui changé et les deux cherchent une source possible de ce changement : CÉSAR : Et

108 Ibid., p. 79. 109 Ibid., p. 87. 41

bien, moi, je sens une femme là-dessous, parce qu´il n´y a que l´amour qui puisse rendre un homme si bête.110 Une fois lue le dialogue d´où vient cette citation, nous pouvons dire que le rôle des femmes, et avant tout celui de Fanny, dans la pièce commence à être considérable. Jusqu´à ce moment-là, Fanny, personnage féminin, ne joue pas un si grand rôle. Mais cela change avec la rencontre de César et Honorine, les parents de deux jeunes. Dépeignons alors, le personnage féminin le plus important de ce tome plus en détail. Fanny est une jolie jeune fille qui est décrite ainsi : « la petite marchande de coquillages. Elle a dix-huit ans. Elle est petite, sa figure a une fraîcheur enfantine, mais son corps est harmonieux et robuste. »111 D´après Fanny, son âge est le meilleur pour se marier mais cette décision représente un grand souci pour elle et également pour sa mère qui vient tout confier à César :

HONORINE : Et enfin, bref, à la fin des fins, elle me dit qu´elle aime Marius et qu´ils se sont parlé hier au soir. […] CÉSAR : Enfin, elle vous a dit qu´ils se veulent tous les deux ? HONORINE : Marius lui a dit qu´il ne pouvait pas l´épouser. […] Ma petite lui a presque demandé sa main, à ce beau monsieur, et il ne répond pas, et il me la fait pleurer sans même dire pourquoi ! Dite, César, qu´est-ce que c´est, des manières comme ça ? 112

César et Honorine deviennent complices et finalement, ils arrivent à la conclusion que Fanny et Marius doivent se marier : HONORINE : Alors, l´idée de ce mariage vous plaît, à vous ? CÉSAR : C´est à voir !113 Aussi Fanny se rend compte que c´est Marius qu´elle veut épouser. Tout d´abord, elle fait plusieurs allusion à Marius, mais comme il n´arrive pas à comprendre la situation, elle avoue tous ses sentiments :

FANNY : J´ai refusé Panisse. C´est toi que j´aime, c´est toi que je veux. […] Et toi, Marius, tu ne m´aime pas ? (Il se tait.) Mais oui, tu m´aimes ! Je le sais ! J´en suis sûre ! Allons, parle, dis-le- moi ! MARIUS : Je te l´ai déjà dit, Fanny. Je ne peux pas me marier ! FANNY : Alors, c´est simplement parce que tu ne veux pas de moi ? […] MARIUS : Si je me mariais, ce serait avec toi. Ne me pose plus de questions, tu sauras tout dans quelques jours.114

110 Ibid., p. 89. 111 Ibid., p. 13. 112 Ibid., p. 110. 113 Ibid., p. 112. 42

Fanny n´est pas satisfaite par cette réponse, elle lui pose beaucoup de questions d´une manière collante. Marius, sous cette pression, avoue qu´il est amoureux de Fanny et il finit par dévoiler tous ses projets. Il décrit ses désirs et son envie de partir en bateau lointain. Dans ce moment, le héros se présente sans rien cacher. Même s´il a beaucoup d´affection pour Fanny, il a encore un amour qui l´attire et séduit chaque jour car il vit à Marseille, dans la ville de port. Avec cet aveu, le protagoniste n´a plus rien à cacher mais tout de même cela ne soulage pas trop Marius. Le dilemme reste. Le choix entre la mer et Fanny est difficile et rend le héros déchiré encore plus qu´au débout. La tentation d´embarquer s´affronte avec le désir de rester avec la femme aimée. La confession de l´amour pour Fanny complique encore plus la situation. C´est la lutte de deux désirs opposés qui éclate à l´intérieur du héros :

MARIUS : Lorsque je vais sur la jetée, des que je regarde le bout du ciel, je suis déjà de l´autre côté. Si je vois un bateau sur la mer, je le sens qui me tire comme une corde… Une ceinture me serre les côtés, je ne sais plus bien où je suis, je ne peux plus penser à rien. […] J´ai lutté bien souvent à cause de toi. Je ne sais pas d´où vient cette folie. […] Ma petite Fanny, on ne vit qu´une fois… Si je te la gâche, ta vie ? FANNY : Si tu pars pour toujours, ma vie est perdue. Si tu pars, je me jette à la mer.115

Notre héros se trouve sur un point marginal, l´amour pour Fanny bat contre l´envie de s´embarquer. Les sentiments luttent avec la raison. Marius confus ne sait point à quelle possibilité donner sa préférence. Pour le moment, Fanny avec ses arguments et en faisant son petit chantage, gagne. Marius, prêt à partir, finalement reste et le deuxième acte est terminé. Les deux derniers actes figurent le déchirement du héros. Comme nous avons déjà mentionné, le héros hésite entre l´amour et son rêve de longue date, entre Fanny et le désir de partir en bateau. Dans l´acte troisième, c´est l´amour qui joue le premier violon. À ce moment-là, Marius cède la place aux sentiments et son rêve est poussé au fond de l´esprit :

MARIUS : je t´aime autant ! Fanny, ma petite Fanny…

114 Ibid., p. 130. 115 Ibid., p. 136. 43

FANNY : Et dire que monsieur voulait s´en aller au pays des singes verts. Dis, tu te rends compte, à présent, come c´était bête ? MARIUS : C´était tout simplement inexplicable… J´aurais tout quitté, tout lâché, comme ça tout d´un coup…116

La situation change dans le dernier acte. La priorité de Marius n´est plus la même, il est repris par sa folie de la mer. C´est aussi Fanny qui change son opinion, une fois entendue le discours du quartier-maître qui est intéressé à Marius comme un des hommes de son équipage : « C´est bien malheureux de voir ça… Voilà un garçon qui va souvent pleure la nuit. » 117 Elle comprend l´importance de son rêve et elle n´insiste plus sur la résidence de Marius à Marseille. Alors que les parents de Fanny et de Marius sont prêts à les marier, un revirement se produit. Le héros poussé par Fanny, impuissant devant son désir incontrôlable, embarque la Malaisie :

FANNY : s´il ne part pas, il ne sera jamais heureux. Depuis un mois que je le regarde, j´essaie de le faire oublier ces idées, c´est impossible, il y pense toujours ! J´ai beau y mettre tout mon cœur, ça ne sert à rien, cette corde qui le tire ne se cassera jamais.118

L´heure d´embarquement, Fanny a saisi l´attention de César qui puisse empêcher le départ de son fils. En cachant les larmes, l´abandon rend Fanny toute désespérée et elle finit par s´évanouir dans les bras de César lorsqu´il lui montre la chambre qu´il leur cède. Voilà l´apogée de la pièce. Le protagoniste hésitant et ayant du mal à décider lui-même à travers tous les actes de la pièce choisit finalement l´une des possibilités. Comment ? Est-ce que c´est vraiment seulement le héros qui résout la situation ? C´est Fanny qui se sacrifie pour Marius, grâce aux encouragements qui aident le protagoniste à choisir entre les deux motifs essentiels celui de son esprit. Persuadé et influencé par cette femme, le héros part. Nous voyons donc de nouveau que chez Pagnol c´est souvent la femme qui a un pouvoir fondamental sur le héros masculin. Dans ce cas-là, elle aide Marius indécis de résoudre son dilemme.

116 Ibid., p. 168. 117 Ibid., p. 185. 118 Ibid., p. 227. 44

2.6.2. Fanny Dans la partie suivante de la trilogie qui est intitulée Fanny (1931), pièce en trois actes et quatre tableaux, Marius, logiquement, n´est plus le protagoniste, même si son rôle est toujours assez important. C´est Fanny, l´héroïne et la seule personne féminine qui influençait Marius. Même si le protagoniste est une femme, nous allons suivre notre objectif, c´est-à-dire, d´analyser avant tout les personnages masculins. Pour mieux comprendre les relations parmi les personnages, leur comportement et leurs caractères, nous ne pouvons pas éviter l´analyse de l´héroïne Fanny qui est liée inséparablement avec ces personnages masculins. Suivons alors l´action de la pièce et analysons l´évolution des caractères. Comment Marius a-t-il changé ? Fanny ne regrette-t-elle pas de la persuasion de Marius de partir en bateau ? Et Panisse, sera-t-il présent dans cette tomme ? Et quel sera son rôle? Répondons aux questions en analysant cette pièce. Maintenant, nous retrouvons Fanny et les autres personnages après quelques mois de départ de Marius. Fanny aussi bien que César ont beaucoup de chagrin pour Marius qui n´a toujours envoyé aucun message comment il allait. Nous retrouvons aussi Panisse l´admirateur de l´héroïne. Nous rencontrons également Honorine, la mère de Fanny qui est fâchée avec César à cause de Marius :

« Et puis, il faut dire aussi qu’à cause de certain petit voyou de navigateur, la petite a le cœur brisé. Elle a le cœur brisé, elle en mourra.- Et voilà le père de l´assassin ! Assassin ! »119

César (aussi bien que Fanny) est triste de n´avoir reçu aucun message de Marius, son air est sombre et les cheveux plus blancs que l´autre fois. Ses amis sachant les raisons de sa tristesse, ont beaucoup pitié pour lui :

LE CHAUFFEUR : Tout juste ! Et chaque fois que le facteur passe là-devant sans s´arrêter, c´est une scène de tragédie. Il devient pâle comme la mort. Et quand il n´y a personne dans le bar, il vient regarder ce chapeau. PANISSE : Oui, le chapeau de Marius. 120

Le personnage de César qui a été dans le tome précédent fort, jovial, plein de vitalité, énergique devient maintenant tout accablé. Avec le départ de son fils,

119 PAGNOL, Marcel. Fanny. Paris: Édition de Fallois, 1988. p. 21. 120 Ibid., p. 16. 45

c´est aussi l´enthousiasme qui part. César est sans goût, sans énergie et optimisme. La suite de la situation produite n´est pas donc surprenante. Fanny et César en partageant le chagrin commun deviennent assez proches. César offense Fanny devant Honorine et Fanny passe assez de temps dans le bar de la Marine. Par contre, les relations entre César et ses amis (et clients du bar en même temps) refroidissent. Surtout l´amitié avec Panisse n´est plus ce qui était avant. César, irrité et nerveux, provoque les querelles et il réagit de façon inadéquat surtout aux débats concernant Marius :

CÉSAR : Vous ne me demandez rien, mais vous avez une façon de dire : « Je ne t´ai rien demandé » qui signifie : « Nous voulons absolument savoir. » Et vous essayez de me forcer à vous faire des confidences ! PANISSE : Je t´assure que, pour moi, je ne veux rien savoir du tout. […] CÉSAR : C´est-à-dire qu´après une amitié de trente ans, tu te fous complètement de tout ce qui peut m´arriver ? PANISSE : Mais non, César… Mais non…121

Pour cacher les chagrins et pour éprouver qu´aucune situation ne peut pas briser la force César, il simule son état sans soucis devant tout le monde : « Ah ! Vous me croyez faible, vous me prenez pour un mollasson ! Vous croyez qu´on peut me tromper, me bafouer, m´abandonner ? Je vous ferai voir que je suis ! »122 Cette fois-ci, l´auteur nous présente un personnage qui diffère des autres protagonistes. César ne veut pas montrer ses émotions, il veut rester dans les yeux des autres comme un homme fort qui se ne laisse pas influencer ni par les femmes ni par les hommes. Ce héros se débat consciemment contre le changement de son caractère mais il change quand même. Le désir de ne pas lâcher la bride aux sentiments lui coûte beaucoup d´effort et cela produit plutôt l´opposé, son comportement est impulsif, excité, sans légèreté. César s´efforce de refouler ses affections envers son fils et de persuader ses amis et avant tout, lui-même qu´il ne tient plus à Marius :

CÉSAR : Enfin, une supposition que le facteur se présente à l´instant dans ce bar et qu´il dise : « Voilà pour vous, monsieur César » ? Et qu´il me donne un paquet de lettres de trois kilos-de quoi lire toute la nuit, en les lisant trois fois chacune-et bien, je prendrais le paquet, et je le foutrais sous le comptoir et je ne l´ouvrirais même pas, parce que ça m´intéresse pas ! PANISSE : Tu ne nous feras pas croire que tu n´aimais pas ton fils !

121 Ibid., p. 38. 122 Ibid., p. 41. 46

CÉSAR : C´est vrai, je l´aimais beaucoup, cet enfant, mais après ce qu´il m´a fait, c´est fini.123

Le revirement de cette attitude arrive avec la lettre de Marius. Tout d´abord, César veut remplir les affirmations prononcées et il n´ouvre pas tout de suite l´enveloppe. Mais sa curiosité est plus forte. Les nouvelles de Marius rendent à César son optimisme et son sourire :

César paraît illuminé. Il tient la lettre à la main : CÉSAR : Fanny, il est bien ! Il se porte bien ! Viens ici, viens. Assieds-toi là. Tu vas me relire la lettre, bien comme il faut. Tiens.124

Pour le moment, nous quittons le personnage de César et nous allons le trouver plus tard. Concentrons-nous maintenant sur un autre personnage masculin assez important, Panisse. Panisse qui voulait épouser Fanny dans le premier tome de la trilogie. Nous le retrouvons de nouveau dans cette part de l´œuvre. Quels sont son comportement, son caractère et son rôle ? Nous avons vu que la plupart des héros se ressemblaient de façon voyante, ou, ils étaient au mois liés par un trait essentiel de caractère. Est-ce l´auteur nous propose un personnage masculin diamétralement différent des autres ? Est-ce que le personnage de Panisse va troubler cette ressemblance ? Nous avons déjà présenté Panisse d´une manière de base. À présent, lorsque Marius est parti, Panisse reformule sa demande. Toujours intéressé au mariage, il demande de nouveau Fanny à sa mère. Pour souligner l´importance et le sérieux de la situation, Panisse n´hésite pas à s´apprêter élégamment et il va chez Honorine: « La porte s´ouvre, entre Panisse en habit et en chapeau gibus et gants blancs. »125 Avec cette manière, Honoré Panisse faisant l´honneur à son prénom, il cherche à confirmer Honorine qu´il soit un bon mari pour sa fille. La forme de sa présentation charme la mère de Fanny et en demandant un jour pour réfléchir, elle prend congé de Panisse :

HONORINE : Et bien, écoutez, j´irais vous porter ma réponse demain au soir, chez vous. PANISSE : Bien ! Puis-je avoir un petit espoir ? HONORINE : Un gros, Panisse, un gros espoir.126

123 Ibid., p. 42. 124 Ibid., p. 56. 125 Ibid., p. 80. 126 Ibid., p. 90. 47

Il ne reste que la décision de Fanny. Honorine d´une côté rassurée par la proposition de Panisse, de l´autre côté agitée par la situation :

« Il n´y a qu´un mariage pour lui rendre sa réputation. Tout le monde sait que Fanny a été la maîtresse de ce petit mastroquet […] Si elle ne veut pas Panisse qu´elle en trouve un autre. Si elle n´en veut pas d´autre, qu´elle prenne Panisse. »127

La situation se complique par l´aveu de Fanny qu´elle est enceinte de Marius. Honorine figée et apeurée de la perte d´honnêteté familiale tient autant plus au mariage avec Panisse :

FANNY : Il ne peut pas savoir que j´attends un enfant ! HONORINE : Heureusement, qu´il ne peut pas le savoir. Ça sera un enfant de sept mois, voilà tout ! FANNY : Tu veux que je l´épouse sans lui dire la vérité ?!128

Honorine désespérée force l´héroïne à épouser Panisse sans lui rien dire. La menace de l´outrage familial est fortement redoutable pour elle. Fanny dénie cette possibilité et elle va chez Panisse pour faire la confession :

FANNY : Je serais bien heureuse maintenant, si je devenais votre femme. Mais j´ai un petit enfant qui me mange le ventre. Il veut naître, et il naîtra. PANISSE : Et tu accepterais quand même de m´épouser ? […] Mais ce petit, tu me le donnerais ? Il serait mien ? Il aurait mon nom ? FANNY : C´est la seule chose que je vous demande.129

Dans les scènes suivantes, l´auteur nous présente Panisse d´une autre point de vue. À ce moment, le personnage fort ne recule pas devant les problèmes, il est résolu de remplir ses engagements. Quoique la situation de Fanny soit compliquée, Panisse n´enlève pas sa demande et il réagit d´une façon inattendue :

PANISSE : Bon. Et maintenant, quand est-ce qu´il va naître, MON petit ? FANNY : Au mois de février, ou au mois de mars. PANISSE : Mais ça tombe très bien. Ce sera donc un enfant de sept mois. Et alors, à quand la noce ?130

127 Ibid., p. 94. 128 Ibid., p. 108. 129 Ibid., p. 141. 130 Ibid., p. 142. 48

Comme dans les pièces précédentes, c´est la femme qui a le pouvoir absolu sur un homme. Panisse, amoureux de Fanny depuis le début de la trilogie, veut l´épouser quelle que soit la situation de sa dulcinée. Fanny, pareil qu´Aurélie dans La Femme du boulanger, influence le personnage masculin sans y penser. Pagnol de nouveau montre que l´amour puisse être aveugle et de nouveau c´est un homme qui est aveuglé des sentiments. L´honnête homme Panisse ne considère pas son réputation acquise, l´entourage, sa situation. La possibilité de pouvoir se marier avec Fanny, jeune jolie fille le rend énergique. D´un autre point de vue, nous pourrions voir un héros brave qui remplit ses promesses, qui se ne laisse pas influencer par l´entourage et qui réalise son rêve. Ayant les moyens, il se montre comme un héros complaisant d´aider la jeune fille dans les difficultés. Fanny, rassurée par la proposition de Panisse, ne change plus d´avis, elle va l´épouser. Même César, père de Marius et pour l´héroïne une personne très proche, ne peut plus arrêter le mariage :

FANNY : César, je ne peux pas attendre encore deux ans. CÉSAR : Tu ne peux pas ?... Oui, tu languis, je le sais…Mais tu es bien forcée de l´attendre, puisque tu l´aimes. FANNY : Oui, je l´aime. Panisse le sais… Mais à cause de ma mère, à cause de ma famille, je ne peux plus attendre !131

Fanny qui est pressée par sa grossesse tient à la noce. Par contre, César ignorant des raisons du mariage, se sent blessé par le refus de Fanny et il se met en colère contre elle parce que sa décision l´a déçu : « Tu voulais vraiment épouser Panisse, c´est que tu le fait maintenant… Finalement, je suis bien content que mon fils soit parti. Il a eu raison, il a très bien fait ! »132 Ce malentendu provoque une animosité entre les vieux amis Panisse et César. Mais Panisse se présente encore une fois comme un héros brave. Il garde son calme et en expliquant les détails et les futurs projets avec Fanny et son petit, il persuade et rassure finalement César. Avant tout, la proposition de Panisse que César puisse devenir parrain du petit arrange toutes les discordes. Panisse épouse Fanny et l´acte deux finit.

131 Ibid., p. 161. 132 Ibid., p. 163. 49

Dans l´acte trois nous retrouvons les époux Panisses avec leur petit fils. Fanny devient une dame honorable, son air change avec la situation sociale : Elle est en manteau de fourrure et robe de soir.133 Maintenant, Fanny et Panisse vivent tranquillement, ils ont un petit et tous les deux semblent contents. Au bout de dix- huit mois, c´est Marius qui revient à Marseille et qui trouble la tranquillité de leur vie familiale. Le protagoniste du premier tome a également changé. De point de vue d´air, il est bronzé et il a forci, mais Marius a changé aussi de point de vue de caractère. Les expériences acquises sur la mer le font plus mûr, plus prudent et surtout plus décisif et guéri de son envie de lointain. C´est la décision qui lui manquait avant et qui a causé qu´il était parti. Maintenant il regrette : « Fanny, maintenant je sais que j´ai été un imbécile et que cet amour ne me passera jamais. Non, jamais je ne pourrais aimer une autre femme, et sans toi, ma vie est finie. »134 Ce soir-ci, Marius apprend que Fanny et son mari ont un enfant. Ayant des doutes de paternité, maintenant le protagoniste veut se battre pour Fanny. L´évolution du héros est donc bien visible. C´est n´est plus un jeune homme indécis, c´est un personnage qui sait très bien ce qu´il veut. La situation aggrave avec le fait que le fils de Panisse est né prématurément et Marius veut savoir la vérité :

MARIUS : Mais avant de partir, je veux demander une seule chose. Maître Panisse jurez-moi, sur la vie de l´enfant, que c´est votre fils. Jurez sur sa vie, et je m´en vais tranquille. PANISSE : Moi, je ne jure pas, je ne jure jamais et surtout pas sur la vie de mon enfant.135

Le héros a vite compris la situation, il comprend le rapport entre le mariage rapide et la grossesse de Fanny. Tant plus il est attaché à l´idée de se marier avec Fanny et prendre soin du petit : « il faut trouver une solution pour me rendre ma femme et mon fils » 136 Panisse de nouveau garde son sang-froid et il a tout de suite une proposition pour résoudre la situation. Il laisse Fanny choisir entre Marius et lui mais sous une seule condition, le petit reste avec lui. Il semble que Fanny a la possibilité du choix mais ce n´est pas tout à fait vrai. Elle ne songe

133 Ibid., p. 182. 134 Ibid., p. 195. 135 Ibid., p. 204. 136 Ibid., p. 204. 50

point à quitter son fils et le choix devient complètement vain. En plus, Panisse présente des arguments solides pour expliquer que c´est lui, le père de l´enfant, c´est lui qui a proposé des moyens, qui s´occupe de lui depuis sa naissance. Quand Marius prétend quand même reprendre Fanny et son fils, tout le monde et avant tout César, s´y opposent. Marius est poussé à comprendre qu´il a commis une défection (dans ce cas-là, pas tout à fait volontairement) envers Fanny et son fils. Le bonheur et l´état calme qui entoure l´enfant n´appartient pas à Marius :

MARIUS : Mais enfin, tu sais bien que l´enfant est mon fils… CÉSAR : Bien sûr, que je le sais. Il te ressemble comme deux gouttes d´eau. Mais quand même, lui c´est un peu son père… Cet enfant, quand il est né, il pesait quatre kilos… Ceux-là, c´est sa mère qui les a faits. Maintenant, il arrive à sept… Ces trois kilos de plus, c´est trois kilos d´amour. Moi, j´en ai donné ma petite part… Sa mère en a donné beaucoup, naturellement ; mais celui qui a donné le plus, c´est Honoré. Et toi, qu´est-ce que tu lui as donné ?137

Marius accablé par la situation trouve que son père a raison. Voilà d´autre exemple de l´évolution de son caractère. Le protagoniste du livre Marius, avant spontané, partiellement impétueux a perdu de son impulsivité. Avant, c´était plutôt le cœur, les sentiments qui décidaient, à présent, c´est la raison qui domine chez lui. Marius reconnaît son erreur et la bonne volonté de Panisse. Pour le moment il renonce à l´idée de reprendre Fanny et l´enfant et il sort de la maison Panisse avec César. Par cette scène, le tome du milieu fini.

2.6.3. César La pièce César, dernière partie de la trilogie, a été écrit en 1936. Le titre de la pièce sous-entend déjà le protagoniste. C´est César, père de Marius, un ami proche de Panisse et de Fanny et parrain de Césariot, le fils des Panisses. Nous allons continuer à nous intéresser, comme dans les pièces précédentes, aux personnages masculins. Cette trilogie nous permet d´examiner leurs caractères d´une manière plus détaillée, plus profonde parce que l´action se déroule en un lap de temps assez long. Le personnage le plus important pour nous c´est Marius, même si le protagoniste de ce tome est César, son père. Pourquoi Marius ?

137 Ibid., p. 216. 51

Comme c´est le caractère de Marius, sa façon de se comporter et de réfléchir qui changent le plus de tous les protagonistes. La première fois, nous l´avons croisé comme un tout jeune homme hésitant, impulsif, impétueux, spontané, vif qui ne savait pas quoi faire dans sa vie. Dans le deuxième tome, Pagnol nous a présenté un héros changé d´un point de vue de psychologie. Ce n´était plus le même Marius. Deux ans sur la mer l´ont bien modifié. Marius est revenu comme un jeune homme mais mûr, réfléchi, sachant à quoi s´attendre de la vie et prêt à reprendre la responsabilité de sa femme et éventuellement de son fils. Dans ce champ temporel, nous voyons donc le plus l´évolution psychologique d´un personnage. Une autre raison pour se concentrer surtout sur le personnage de Marius est lors même que Pagnol nous propose deux suites de Marius avec deux autres protagonistes, ce héros reste le plus important et tout ce qui se passe même pendant son absence se lui rapporte plus ou moins. Marius semble être le fond de toutes les actions et tous les dialogues. Puis, César est un héros que nous rencontrons pour la première fois à l´âge de 50 ans. C´est l´âge quand le protagoniste dans la plupart des cas ne change plus beaucoup. César est un homme mûr, formé, expérimenté et pour nous, il se présente avant tout en intermédiaire entre Marius et les autres personnages. L´auteur ne cherche pas non plus à changer l´action d´une manière fondamentale avec ce personnage comme médiateur. Bien que César ne soit pas le personnage le plus important, nous lui prêterons quand même l´attention. Et nous n´omettrons ni Panisse ni le jeune Césariot. Alors, quels sont nos objectifs dans la dernière analyse ? Nous achèverons le portrait psychologique de notre héros le plus important, Marius. Comment a-t-il changé en ces vingt ans ? Qui est-ce qui a influencé le plus l´évolution de son caractère ? Quel est le rôle de César dans ce changement psychologique ? Et les femmes, surtout Fanny, ont-elles toujours l´influence sur lui ? Concentrons-nous donc sur l´analyse à travers laquelle nous essayerons de répondre aux questions posées. Cette fois, l´auteur de la pièce nous ramène de nouveau à Marseille mais vingt ans après le mariage de Panisse et Fanny. Au cours ces vingt années

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écoulées, tout le monde a changé, César y compris. L´auteur nous dépeint son apparence ainsi : « Sa moustache est blanche, son visage ridé. »138 Fanny a aussi changé, maintenant, elle a 38 ans : « Elle n´est plus très jeune mais elle est encore belle. »139 Celui qui a vieilli le plus, c´est Panisse, son mari. Son état physique est ébranlé. Déjà, le début de la pièce commence par l´inquiétude de ses amis car Panisse a eu un malaise. César va même chercher le curé pour lui faire la confession. Marius, le personnage qui va nous intéresser le plus, est au début de la pièce seulement mentionné. Ça fait douze ans qu´il n´est pas venu à Marseille parce que son père l´a mis à la porte. Honorine, mère de Fanny, n´a point changé d´avis sur Marius. Son dépit envers l´ancien amour de Fanny reste le même voire plus grand parce que il y a des informations que Marius s´est trouvé plusieurs fois en prison. Dans un premier temps attardons nous sur le personnage de Panisse. Après le malaise, il reste au lit et ses amis viennent le voir. Le curé a aussi satisfait la demande de César et il vient chez Panisse, dans sa chambre où il se repose au lit. Comme Panisse est un homme droit, il ne persiste pas dans la sortie des amis et il est paré à tout avouer devant eux. En avouant ses péchés il demande l´absolution. Toute fois, à la fin de sa confession, il veut confier son grand secret qu´au prêtre et ses amis sortent donc de la chambre :

« tu sais qu´en vérité, l´enfant n´est pas mon fils. Et ma grande crainte-la crainte de toute ma vie- ça a été que quelqu´un le lui dise […] il pensera que je lui ai menti toute ma vie et même après la mort. […] Et puis, je le connais : il serait capable de refuser mon héritage. Il faudra le lui dire quand il aura fini ses écoles. Je veux qu´à ce moment tu ailles dire à sa mère qu´elle doit lui révéler la vérité, que c´est moi qui l´en ai chargée, et que c´est ma dernière volonté. »140

Panisse a encore un souci qui pèse sur lui. Dans nos analyses, le personnage de cet homme a été déjà décrit comme un homme brave et généreux et ce fait reste et ne change pas. Il pense tout le temps à sa femme Fanny même dans un état physique assez miné. Lorsque Panisse apprend que son fils est revenu, il l´appelle et le charge d´une tâche :

PANISSE : Elle n´a pas encore quarante ans…Si le bon Dieu fait les choses comme d´habitude, il faudra qu´elle reste veuve pendant au moins trente ans.

138 PAGNOL, Marcel. César. Paris: Éditions de Fallois, 1988, p.7 139 Ibid., p. 14 140 Ibid., p. 37 53

CÉSARIOT : Tu sais bien que je ne la quitterai jamais. PANISSE : […] Alors, je veux te dire que si un jour, plus tard, elle rencontre un homme qui lui plaise, et si tu estime que ce serait un mari convenable, il ne faudra pas t´y opposer en souvenir de moi. 141

Voilà l´une des premières présentations de Césariot, le fils de Fanny et Panisse. Il ressemble à son père adoptif, galant, emphatique et il semble être sensible. Pagnol ne nous dépeint pas son apparence physique mais la première notion nous montre un petit peu son caractère. C´est dans la situation lorsque sa mère le vient chercher à la gare : « Le garçon très ému, prend le bras de sa mère.»142 Des deux répliques, nous sentons de l´amour, une certaine humilité et le respect que Césariot éprouve pour ses parents. La scène suivante nous ramène dans un garage à Toulon et c´est là pour la première fois que nous rencontrons Marius dans cette pièce. Ce jour-là, son collègue Fernand lui passe un journal où, dans un avis de décès, Marius apprend que Panisse est mort. La réaction de Marius sur cette annonce nous dévoile partiellement sa relation avec Panisse, l´homme qui s´est chargé de Fanny et de Césariot :

MARIUS : Panisse est mort… Pauvre Honoré…Pauvre… FERNAND : Celui qui t´a pris ta femme et ton petit ? MARIUS : Il y a plus de ma faute que de la sienne. Et puis, s´il m´a fait du tort, il a tout fait pour le réparer. 143

Marius n´a jamais été vraiment fâché contre Panisse et avec le temps qui passe et avec l´âge croissant, son attitude envers son rival en amour devenait de plus en plus positif. Malgré la situation produite, Marius voit Panisse comme la plupart des gens qui le connaissait : un homme brave, généreux, quelqu´un qui a sauvé Fanny et Césariot avant le déshonneur de toute la famille de la jeune fille. C´est plutôt de la gratitude et de l´admiration que Marius sent pour Panisse. En dépit de cette relation, Marius refus de participer aux funérailles. La dernière partie de la trilogie contient beaucoup de sauts en temps et en lieux. Après les obsèques, nous nous retrouvons à Marseille mais deux ans plus tard. Cela c´est le moment de la fin des études de Césariot, et le curé chargé de

141 Ibid., p. 53. 142 Ibid., p. 30. 143 Ibid., p. 60. 54

l´engagement veut accomplir sa promesse donnée à Panisse sur le lit de mort. Le curé passe donc la lettre écrite par Panisse pendant les derniers moments de sa vie à Fanny. Comme Césariot a vu par hasard la scène se déroulant entre le curé et sa mère, il demande la lettre. Fanny n´a plus le choix et c´est l´instant quand elle avoue toute la vérité concernant son vrai père. Césariot stupéfait montre son bon naturel, Panisse, son père officiel, devient pour lui un vrai héros :

« Tu aurais dû me le dire plus tôt. Je l´ai beaucoup aimé, mais il me semble que je l´aurais aimé davantage…Que je l´aurais mieux remercié de sa tendresse, de sa générosité…Maintenant, c´est trop tard. »144

Ici, nous voyons la maturité de ce personnage, au lieu de se vexer, d´arrêter de communiquer avec sa mère et avec tous les gens qui connaissait la vérité, Césariot songe à cet acte brave fait par Panisse. Césariot à l´âge de vingt-deux ans, garde son calme même dans une situation si bouleversante. Césariot continue à reconnaître Panisse comme son vrai père. Mais ayant des doutes, il va tout de même chez César, son grand-père, pour se renseigner un peu sur Marius, son père biologique. Au début, le personnage essaye de cacher son intention :

CÉSAR : Qu´est-ce que tu comptes faire à propos de Marius ? Tu n´as pas la curiosité de le voir, même de loin ? CÉSARIOT : Pas le moins du monde. […] Je serai toujours, et du fond du cœur, le fils de papa. 145

Le personnage cache sa curiosité devant les autres mais en fait, il veut voir Marius. Alors, en feignant le départ en vacances avec ses amis, Césariot va en cachette en bateau à Toulon pour chercher son père dans son garage. Pour connaître son père dans une situation naturelle, Césariot va dans le garage sans se présenter et il demande réparation d´un moteur de bateau. Rendez-vous fixé pour le jour suivant, Césariot quitte le garage et Marius ne dissimule pas que depuis le premier moment le jeune homme lui a fait une très bonne impression : « Il est charmant ce garçon »146 Dès la première rencontre, nous pouvons voir la naissance d´une relation positive qui croît d´autant plus le jour suivant pendant la

144 Ibid., p. 86. 145 Ibid., p. 97. 146 Ibid., p. 121. 55

balade en bateau proposée par Césariot. C´est l´occasion de faire connaissance avec Marius. Pendant la pêche, Césariot se rapproche avec le protagoniste. Les deux commencent à raconter leurs vies. Dans cette étape, Marius est un homme mûr, réconcilié avec son destin mais c´est aussi quelqu´un qui a de temps en temps des remords, quelqu´un qui se souvient de sa jeunesse, des choix de vie sont perdues : « Quand j´avais dix-huit ans, à force de voir des bateaux, il m´a pris l´envie de naviguer…Il me semblait que mon bonheur était de l´autre côté de la terre. J´y suis allé, il n´y était pas. »147 Quoique la relation semble se développer positivement, Marius ressent de la sympathie pour Césariot et vice versa, l´enquête policière commencé à Toulon change tout. Le héros est parmi les suspects qui volent des voitures et qui commettent des commerces indélicats. Césariot très déçu part de Toulon sans adieux pour rentrer chez lui. Il ne donne aucune possibilité à Marius de se défendre. Le personnage de Césariot se montre comme un homme fier, intransigeant, ayant des principes auxquels il ne cède point. À l´arrivée, Césariot plein de déception avoue à Fanny la vérité de son séjour et il montre un certain degré de mépris pour son vrai père. Par contre, Fanny a plutôt de la pitié pour Marius, elle se sent partiellement responsable de sa situation actuelle et elle voudrait l´aider sans qu´il le sache. Comme nous l´avons déjà mentionné, le personnage de Césariot est opiniâtre et il refuse cette idée catégoriquement. Étant donné que sa mère montre après tout le temps certaines affections par rapport à Marius, Césariot lui rappelle le désir de son papa :

« Allons, maman, souviens-toi des dernières paroles de ton mari. Il a souhaité que tu recommences ta vie, mais avec un homme honorable, digne de toi, digne de sa mémoire. […] Ce n´est plus celui que tu as connu. Rien n´est possible. N´en parlons plus.148

Le jeune personnage Césariot est le seul des personnages masculins analysés qui est assez fort d´un point de vue psychologique. Il est peu influençable, stable dans ses opinions et malgré l´amour et la vénération que le jeune homme éprouve pour sa mère, il ne souhaite pas qu´elle se rapproche de son ancien amoureux. Fanny ne croit guère aux histoires de Marius et sa conviction

147 Ibid., p. 128. 148 Ibid., p. 171. 56

fait hésiter son fils. Comme Césariot est aussi un personnage droit et juste, il veut donner à Marius la possibilité de tout expliquer. Marius après douze ans revient à Marseille et il rencontre sa famille, ses amis et devant tout le monde il raconte sa vie pour éclaircir tous les malentendus. Cette fois, le héros de la trilogie en répondant aux questions posées par ses amis nous montre encore de nouveaux traits de son caractère. Il semble calme, patient mais aussi fier et un peu blessé par tout ce qui s´est déroulé dans le passé :

MARIUS (à Césariot) : Pourquoi je ne suis pas revenu dans ma maison ? C´est à cause d´Honoré, à cause de ta mère, à cause de toi. Ma condamnation, la seule, c´est que j´ai été interdit de séjour à Marseille chez moi. Je l´ai acceptée. J´en suis responsable. Pas tout à fait, tout de même. Car si j´avais su que tu allais naître, je ne serais jamais parti. Mais personne ne le savait. Et c´est moi qui a porté tout le poids de ces bêtises. (Il se tourne vers César.) Mais toi, toi, quand tu l´as su, pourquoi tu as laissé faire ce mariage ? […] Et le résultat final, nous pouvons le voir aujourd´hui. Mon fils ne s´appelle pas comme moi. Ma femme est veuve quand je suis vivant, et mon père est un pauvre grand-père en cachette. 149

Malgré le temps passé, la relation entre César et Marius reste la même, c´est-à-dire un peu réservé et avec des difficultés. César voit toujours son fils d´une manière critique, il ne peut pas oublier sa fuite et au fond de son esprit il s´en veut. Marius lui en veut pour le mariage et la naissance voilé de Césariot. À travers toute la trilogie, le père et le fils, les deux n´arrivent pas à communiquer sans avoir de petits différends mais tout cela ne les empêche pas de s´aimer du fond de cœur. Entre autre c´est César, le protagoniste de cette dernière partie, qui va tout arranger, surtout les relations humaines, voici la scène finale :

César fait un pas vers la porte et appelle « Entre ! » Entre Marius, fort bien vêtu, et souriant. Fanny est surprise. CÉSAR : Il vient te parler d´affaires. […] Tâchez de vous arranger. Je viens dans dix minutes. Fanny a pris des catalogues, qu´elle ouvre sur le bureau. Elle est toujours assise. Marius va près d´elle. […] MARIUS : Des amateurs qui ne sentent pas quand le moteur souffre… Ils le font tourner trop vite. Ils reviennent tous les huit jours pour des réparations et naturellement ils ne sont pas contents. A deuxième saison, c´est irréparable… Irréparable… Elle relève la tête, le regarde un instant, et des larmes brillent dans ses yeux. FANNY : Il ´y a rien d´irréparable, Marius, rien d´irréparable… Elle se lève, et pose son visage sur son épaule. Il la serre dans ces bras. La face de César paraît, derrière les vitres de la fenêtre. Il recule brusquement, et ferme les volets.150

149 Ibid., p. 194. 150 Ibid., p. 216. 57

Cette dernière scène règle les relations qui sont depuis le début de la trilogie assez compliquées. César et Marius trouvent finalement la manière de communiquer ensemble et c´est aussi César qui aide Marius et Fanny à renouveler leur relation amoureuse. Cette fin heureuse nous sous-entend que la trilogie marseillaise peut être une comédie. Mais avant de définir la trilogie de point de vue de genre, résumons toutes les informations concernant l´évolution psychologique de nos personnages masculins d´une manière récapitulative.

2.6.4. Grille d´évolution des personnages essentiels de la Trilogie marseillaise

Comme nous avons analysé chaque pièce avec ces personnages séparément, nous manquons d´une vision globale. Analysons donc l´évolution de chaque personnage masculin auquel nous nous sommes intéressés à travers de la trilogie. Pour s´orienter facilement et pour une comparaison aisée, nous dressons la grille suivante.

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Marius César Panisse 1e tome Jeune homme de 22 ans, L´homme adulte de Un homme de Marius vif, impulsif, spontané, 50 ans, expérimenté, 50 ans opiniâtre. Indécis, décisif, plutôt honorable, hésitant entre la vie dominant, assez stable, distingué, maritime et la vie énergique, sociable, établi, fin, plutôt familiale. Influençable intransigeant donc calme. Panisse, par Fanny, son peu influençable. Un le rival en amoureuse. Persuadé par peu rude mais au fond amour de cette héroïne, il part à la d´esprit assez Marius, mais en mer et quitte la ville de sensible. Content de même temps, un Marseille. son métier, projetant ami proche de l´avenir commun de César. Il se Marius, songeant à lui comporte céder le bar et une toujours partie de la maison. dignement. Il Des fois strict et suit son but : de sévère mais aimant. se marier avec Fanny. 2e tome Après deux ans sur la Accablé à cause de la Encouragé par Fanny mer, à l´âge de 24 ans, le fuite de Marius, l´accord de Fanny de héros semble être plus souvent renfrogné, se marier. Plus joyeux, responsable et plus César a perdu une rajeuni, fier de sa expérimenté, décidé certaine envie vitale jeune femme, après la d´avoir une idée fixe et il a beaucoup naissance du petit fort concernant l´avenir. Son vieilli. Soucieux et au responsable, psychisme est plus mûr, fond d´esprit fâché. exagérément son comportement est Plus calme. soigneux, scrupuleux. plus calme mais il y a certaines marques de jalousie. 3e tome Aboutissement de Malgré son âge de 70 Panisse est César l´évolution psychique du ans, toujours toujours le héros. A l´âge de 42 ans, effectuant le métier, même, son Marius est un homme calme, tranquille, personnage mûr, pensif, plutôt calme, réconcilié avec la change le moins. responsable, patient, perte de son fils, Il reste galant, cherchant à améliorer les accommodant, souple distingué, relations. aux compromis. Son aimant, attitude changée généreux, et permet de retrouver même sur son lit son fils. de mort il pense à sa famille qui l´a rendu heureux et à laquelle il se sent redevable.

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2.6.4.1. Trilogie marseillaise : Comédies ou tragédies ? Comme nous avons déjà achevé l´analyse des personnages principaux nous pouvons nous concentrer sur la caractéristique de la trilogie. Si nous retournons au début de notre analyse de la trilogie, on retrouve la mention de Jérôme Tharaud. Rappelons-nous une partie de sa parole qui est intéressante pour nous : « tout ce monde jovial, emporté, mélancolique, aussi près du rire que des larmes, de la tragédie que de la comédie. »151 Cette opinion sous-entend que dans ce cas là, la limite de ces deux genres littéraires n´est pas si évidente. Nous pouvons trouver dans les trois tomes les traits comiques (les disputes de Marius et de César, le malentendu entre Honorine et Panisse pour le mariage) aussi bien que les traits tragiques (la situation de Fanny après le départ de Marius). Entre comédie et la tragédie, il y a en effet un lien antithétique et indissoluble. Un lien qui joint le haut et le bas, le noir et le blanc, la gauche et la droite, tous ces éléments qui vont par deux parce que ils s´opposent et ils se ressemblent dans une certaine mesure. C´est le drame, les deux masques antiques : celui qui rit et celui qui pleure, établissement entre comédie et tragédie. C´est un rapport plus étroit qu´entre les autres genres littéraires, Elles offrent donc des différences et des similitudes, lesquelles et pourquoi ? Les premiers rôles de la comédie et de la tragédie, nous les avons déjà remarqués, sont presque interchangeables, il y a des points communs. Ce n´est pas leur donné initiale qui distingue comédie et tragédie, les événements sont en gros les même, au moins au point de départ, et les caractères aussi. Ces deux genres peuvent présenter un malheur, si le héros tragique est essentiellement malheureux, il ne faudrait pas croire qu´il est heureux dans une comédie, autrement dit, comédie et tragédie utilisent à l´origine donc la même donnée première : le malheur (dans notre cas c´est la situation malheureuse de Fanny).152 La différence ne tient pas non plus à la nature des personnages ou à leur caractère. Les héros de tragédie prétendent organiser leur vie à leur façon, sans se soucier de contingences ; eux aussi cherchent passionnément le bonheur et tout

151 PAGNOL, Marcel. Marius. Paris : Fasquelles, 1946, « la quatrième du livre » 152 GERMAIN, François. L´art de commenter une comédie. Paris : Foucher, 1964, p. 30. 60

comme dans une tragédie, la comédie présente un tableau assez complet des passions humaines. 153 Les ressemblances s´expliquent aisément. Il y a un effet comique lorsque nous refusons de prendre quelque chose au sérieux. Le comique prouve sa force quand il ne craint pas de ridiculiser ce que nous prenons le plus au sérieux, et l´on peut admettre en gros qu´un sujet se prête à un comique plus fort, s´il offre l´occasion d´un tragique plus grave. Cette constatation paradoxale n´est pas difficile à vérifier. Les comédies les plus désopilantes nous racontent très souvent une histoire épouvantable154. La trilogie de Pagnol n´est pas une exception, à travers des dialogues souvent comiques, l´auteur nous raconte des difficultés de la vie quotidienne : la grossesse inattendue de Fanny, le départ de Marius, la déception de César, la séparation familiale etc. Ici, nous pouvons aussi rappeler la citation de Genette déjà mentionnée dans la partie théorique du travail : « la comédie peut se définir par des traits objectifs tels que la fin heureuse qui assure son statut générique indépendamment de tout effet proprement comique.»155 Pour résumer, si nous suivons la théorie de Germain, nous pouvons classifier cette trilogie comme trilogie comique grâce à plusieurs traits comiques : les personnages ridiculisés (Honorine qui voulait épouser Panisse), et avant tout le comique dans les dialogues. Comme preuve de notre hypothèse, citons cet exemple de dialogue :

HONORINE : Je lui donnerais l´inventaire des coquillages. En le faisant tenir par une bonne commise, ça peut rapporter quarante francs par jour de bénéfices nets. CÉSAR : Ce n´est pas beaucoup. HONORINE : Vous savez, il y en a qui seraient bien contents de la prendre sans rien ! Nous ne somme pas chez les nègres et elle n´est pas bossue pour que je l´achète un mari !156

Malgré des situations assez difficiles et des destins compliqués de personnages, la trilogie correspond au genre de la comédie. Et comme nous savons déjà, le thème et des situations souvent tristes issus de la réalité appartiennent aussi au genre comique.

153 Ibid., p. 31. 154 Ibid., p. 31. 155 GENETTE, Gérard : Figures V. Paris : Éditions du seuil, 1999, p. 184. 156 PAGNOL, Marcel. Marius. Paris: Fasquelles, 1946, p. 112. 61

3. Partie didactique Les analyses des œuvres nous donnent un matériel utile pour le travail avec les élèves dans une classe de langue. Nous pouvons nous servir du matériel pour motiver les élèves à la lecture et pour créer des fiches pédagogiques. Dans cette partie didactique du mémoire présent, nous pouvons trouver trois fiches pédagogiques destinées aux élèves du niveau A1 et A2 d´après le Cadre européen Commun de Références pour les Langues. La première fiche pédagogique est destinée aux élèves du niveau A2. Comme le langage n´est pas très difficile, nous avons utilisé un petit extrait de texte du livre La Femme du boulanger. Ce petit extrait servira de piste pour les consignes suivantes qui seront orienter à l´expression écrite et orale. La deuxième fiche pédagogique destinée aux débutants du niveau A1 se sert également d´un petit extrait de texte. Cette fois-ci, c´est le texte du livre de Topaze. La longueur d´extrait correspond au niveau d´apprenants. Aussi dans ce cas-là, l´extrait de texte nous servira de piste pour les autres consignes orientées à l´enrichissement du vocabulaire. La troisième fiche pédagogique est destinée aux élèves du niveau A2. Dans cette fiche pédagogique il n´y a aucun extrait de texte mais par contre il y a des images des couvertures du livre et des affiches du film Marius. La dernière fiche pédagogique se concentre sur l´expression orale. Chaque fiche pédagogique a deux parties : fiche d´enseignant et fiche d´élève. Celle d´enseignant contient le projet du travail avec les réponses possibles. Celle d´élève sert comme matériel du travail et elle doit être distribuée dans la classe. Le but essentiel de la partie pratique est de montrer aux élèves que même avec le niveau A1 ou A2, ils sont capables de travailler avec un texte littéraire. Ce fait pourrait les motiver pour lire n´importe quel livre de cet auteur.

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3.1. Fiche pédagogique 1

Fiche d’enseignant Thème : La Femme du boulanger Objectifs pédagogiques : la production orale, la production écrite Niveau : A2 Durée : 45 minutes Support, matériel : l’extrait tiré du roman, une image de la couverture du livre Bibliographie : Pagnol, M : La Femme du boulanger. Paris : Éditions de Fallois, 2008. Disposition de la classe : travail individuel éventuellement travail en couple Démarche : Expliquez le mode de travail aux élèves. Distribuez les photocopies. Commencez à faire les activités. Expliquez éventuellement les mots inconnus.

Consigne 1 : Lisez les deux paragraphes suivants. Essayez de comprendre le contexte sans chercher tous les mots inconnus dans un dictionnaire. Puis, répondez aux questions : 1. Sans bruit, la boulangère a fait ses paquets. Elle se farde, elle met un fichu. Puis elle écoute. Elle sort sur la pointe des pieds, en portant ses souliers à la main. Elle descend l´escalier, et la voici dans le fournil. Le boulanger dort de tout son cœur, allongé dans le vieux pétrin. Elle passe à côté de lui comme une ombre. Sur le comptoir de la boutique, elle dépose doucement le grand trousseau de clefs, et maintenant la voilà dans la rue, qui s´enfuit sous le petit jour. Elle va vers l´église : Et voici le berger qui l´attend à cheval. Elle s´approche, elle tend les bras vers lui sans dire un mot, il la prend par la taille, l´assoit devant lui. Le cheval part au galop. 2. Le boulanger rentre. Il est perplexe. Il prend et quitte mécaniquement les objets dont il ne fait rien. Il erre. Il regarde le trousseau de clefs… Il prend un seau et le vide dans le pétrin : un flot d´ordures et de papiers froissés en tombe. Il murmure : « Qu´est-ce que je fais ? » Questions avec les réponses possibles : 1. Qui est la « elle » du premier paragraphe ? (C´est la boulangère).

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2. Que fait-elle ? (Elle fait ses paquets et elle s´en va). 3. Comment part-elle ? (Est-ce qu´elle avertit quelqu´un ? Non, elle part sans rien dire. En cachette). Avertit-elle quelqu´un ? (Non, elle part en cachette) 4. Où va-t-elle ? (Vers l´église, dans le village). 5. Y a-t-il quelqu´un qui l´attend ? (Et qui est-ce ? Oui, c´est le berger qui l´attend). 6. Qui est-ce la personne perplexe ? (C´est le boulanger). 7. Pourquoi est-il si triste ? (Parce que sa femme est partie sans rien dire).

Consigne 2 : Regardez bien la couverture du livre et décrivez en composant de phrases courtes ce que vous voyez. Vous pouvez vous servir des mots ci-dessous. Écrivez les phrases dans vos cahiers. La boulangerie, le boulanger, arrêter, la fermeture, les villageois, le village, étonné, le pain.

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Les réponses possibles : Nous nous trouvons au milieu d´un village. Nous pouvons voir des villageois qui sont étonnés. Ils sont devant une boulangerie. Tout le monde regarde l´inscription sur la porte de la boulangerie. La boulangerie est fermée et le boulanger ne vend plus de pain. Les Français qui ne peuvent pas s’acheter leur pain sont désorientés !!! Ils se mettent en colère, ils ne comprennent rien.

Consigne 3 : Essayez de deviner pourquoi la boulangerie est fermée. Voici une des réponses possibles : Le titre du livre parle de la femme du boulanger. Nous savons que la femme est partie. Cela peut être la raison de la fermeture du magasin. Le boulanger triste ne veut pas vendre de pain.

Consigne 4 : Lisez le petit dialogue. S´il y a des mots inconnus, cherchez-les dans un dictionnaire : L´INSTIRUTEUR : Il me semble qu´elle vous aurait laissé un petit mot sur un papier. LE BOULANGER : Je n´ai pas pensé à regarder. Il doit être sur la commode ! Oh certainement, je vais le chercher ! L´INSTIRUTEUR : Accompagnons-le, parce qu´il ne trouvera pas. LE BOULANGER : Psst ! Psst ! Le papier n´est pas dans la chambre. Mais comme j´ai laissé la fenêtre ouverte depuis deux heures, le courant d´air l´a peut- être emporté. Regardez un peu si vous ne le trouvez pas, ici ou de l´autre côté du mur…

Consigne 5 : Imaginez que vous êtes la boulangère et vous voulez partir. Qu´est- ce que vous écririez comme message pour le boulanger? Essayez de rédiger un message contenant environ 30-40 mots.

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L´exemple de message de 40 mots : Mon cher, je pars et je te laisse les clefs. Je ne peux pas t´expliquer les raisons pourquoi je ne veux plus rester ici. J´espère que tu ne m´en veux pas beaucoup. Ne me cherche pas. Prend soins de toi. Bisou. (41 mots)

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Fiche d´élève Consigne 1 : Lisez les deux paragraphes suivants. Essayez de ne pas chercher tous les mots inconnus dans les dictionnaires. Cherchez à comprendre le sens du texte et répondez aux questions : 1. Sans bruit, la boulangère a fait ses paquets. Elle se farde, elle met un fichu. Puis elle écoute. Elle sort sur la pointe des pieds, en portant ses souliers à la main. Elle descend l´escalier, et la voici dans le fournil. Le boulanger dort de tout son cœur, allongé dans le vieux pétrin. Elle passe à côté de lui comme une ombre. Sur le comptoir de la boutique, elle dépose doucement le grand trousseau de clefs, et maintenant la voilà dans la rue, qui s´enfuit sous le petit jour. Elle va vers l´église : Et voici le berger qui l´attend à cheval. Elle s´approche, elle tend les bras vers lui sans dire un mot, il la prend par la taille, l´assoit devant lui. Le cheval part au galop. 2. Le boulanger rentre. Il est perplexe. Il prend et quitte mécaniquement les objets dont il ne fait rien. Il erre. Il regarde le trousseau de clefs… Il prend un seau et le vide dans le pétrin : un flot d´ordures et de papiers froissés en tombe. Il murmure : « Qu´est-ce que je fais ? » Questions: 1. Qui est la « elle » du premier paragraphe ? 2. Que fait-elle ? 3. Comment part-elle ? Avertit-elle quelqu´un ? 4. Où va-t-elle ? 5. Y a-t-il quelqu´un qui l´attend ? Et qui est-ce ? 6. Qui est-ce la personne perplexe ? 7. Pourquoi est-il si triste ?

Consigne 2 : Regardez bien la couverture du livre et décrivez en composant de phrases courtes ce que vous voyez. Vous pouvez vous servir des mots ci-dessous. Écrivez les phrases dans vos cahiers.

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La boulangerie, le boulanger, arrêter, la fermeture, les villageois, le village, étonné, le pain.

Consigne 3 : Essayez de deviner pourquoi la boulangerie est fermée.

Consigne 4 : Lisez le petit dialogue. S´il y a des mots inconnus, cherchez-les dans un dictionnaire : L´INSTIRUTEUR : Il me semble qu´elle vous aurait laissé un petit mot sur un papier. LE BOULANGER : Je n´ai pas pensé à regarder. Il doit être sur la commode ! Oh certainement, je vais le chercher ! L´INSTIRUTEUR : Accompagnons-le, parce qu´il ne trouvera pas. LE BOULANGER : Psst ! Psst ! Le papier n´est pas dans la chambre. Mais comme j´ai laissé la fenêtre ouverte depuis deux heures, le courant d´air l´a peut-être emporté. Regardez un peu si vous ne le trouvez pas, ici ou de l´autre côté du mur… 68

Consigne 5 : Imaginez que vous êtes la boulangère et vous voulez partir. Qu´est-ce que vous écririez comme message pour boulanger? Essayez de rédiger un message contenant environ 30-40 mots.

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3.2. Fiche pédagogique 2

Fiche d’enseignant Thème : Vêtements et accessoires Objectifs pédagogiques : compréhension écrite, enrichissement du vocabulaire Niveau : A1 Durée : 45 minutes Support, matériel : Les photocopies, des dictionnaires bilingues et unilingues. Bibliographie : Pagnol, M. : Topaze. Paris : Fasquelle, 1930. Disposition de la classe : travail individuel Démarche : Distribuez les photocopies et éventuellement les dictionnaires. Expliquez le mode de travail aux élèves. Communiquez avec les élèves et évaluez les résultats.

Consigne 1 : Lisez les deux petits extraits du livre. Cherchez les mots inconnus dans les dictionnaires et écrivez-les dans vos cahiers. M. Topaze a trente ans environ. Longue barbe noir qui se termine en pointe sur le premier bouton du gilet. Col droit, très haut, en celluloïd, cravate misérable, redingote usée, souliers à boutons. M. Muche est un gros homme de quarante-huit ans. Il a le teint frais, la nuque épaisse. Courte barbe en pointe très soignée. Une grosse bague au doigt. Chaîne de montre éclatante. Col cassé. Costume neuf marron clair.

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Consigne 2 : A qui les choses appartiennent-elles ? Liez les vêtements et les accessoires mentionnés dans les extraits avec la bonne personne. (Réponses correctes sous les images.)

(M. Topaze) (M. Muche) (M. Topaze) (M. Topaze) M. Topaze M. Muche

(M. Muche) (M. Muche) (M. Topaze) (M. Topaze) (M. Muche)

Consigne 3 : Prenez un dictionnaire unilingue et essayez de trouver des synonymes pour les mots (réponses possible entre parenthèses): • Souliers (chaussures, bottines) • Redingote (manteau, veston, veste) • Costume (complet, habit)

Consigne 4 : Est-ce que vous connaissez quelques mots pour désigner les accessoires ? Essayez de liez les mots proposés avec les images. Vérifiez avec un dictionnaire. (Réponses correctes sous les images)

lunettes montre sac à main chapeau parapluie gants ceinture

nœud-papillon foulard bracelet boucles d´oreilles casquette

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(nœud-papillon) (montre) (sac à main) (boucles d´oreilles) (bracelet) (ceinture)

(lunettes) (foulard) (casquette) (gants) (parapluie) (chapeau)

Consigne 5 : Choisissez un de vos camarades de classe. En utilisant des adjectifs décrivez ses vêtements et un ou deux accessoires. Vous pouvez vous servir des mots proposés (le genre des mots est écrit entre parenthèses). Écrivez les phrases dans vos cahiers. Demandez à deux ou trois élèves de lire leurs phrases à haute voix. Réponses possibles ci-dessous. • tee-shirt (m.), chemise (f.), blouse (f.), pull (m.), gilet (m.), maillot (m.) • jupe (f.), jean (m.), pantalon (m.), short (m.) Jeanne a aujourd´hui une jolie blouse, un gilet gris et un pantalon rouge. Autour du cou, elle a un foulard beige. Elle porte des lunettes jaunes. Claude porte un maillot vert et un jean. Il a mis une ceinture. Ses chaussures sont noir et en cuir.

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Fiche d´élève

Consigne 1 : Lisez les deux petits extraits du livre. Cherchez les mots inconnus dans les dictionnaires et écrivez-les dans vos cahiers. M. Topaze a trente ans environ. Longue barbe noir qui se termine en pointe sur le premier bouton du gilet. Col droit, très haut, en celluloïd, cravate misérable, redingote usée, souliers à boutons. M. Muche est un gros homme de quarante-huit ans. Il a le teint frais, la nuque épaisse. Courte barbe en pointe très soignée. Une grosse bague au doigt. Chaîne de montre éclatante. Col cassé. Costume neuf marron clair.

Consigne 2 : A qui les choses appartiennent-elles ? Liez les vêtements et les accessoires mentionnés dans les extraits avec la bonne personne.

M. Topaze M. Muche

Consigne 3 : Prenez un dictionnaire unilingue et essayez de trouver des synonymes pour les mots : • Souliers

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• Redingote • Costume

Consigne 4 : Est-ce que vous connaissez quelques mots pour désigner les accessoires ? Essayez de liez les mots proposés avec les images. Vérifiez avec un dictionnaire.

lunettes montre sac à main chapeau parapluie gants ceinture

nœud-papillon foulard bracelet boucles d´oreilles casquette

Consigne 5 : Choisissez un de vos camarades de classe. En utilisant des adjectifs décrivez ses vêtements et un ou deux accessoires. Vous pouvez vous servir des mots proposés (le genre des mots est écrit entre parenthèses). Écrivez les phrases dans vos cahiers. • tee-shirt (m.), chemise (f.), blouse (f.), pull (m.), gilet (m.), maillot (m.) • jupe (f.), jean (m.), pantalon (m.), short (m.)

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3.3. Fiche pédagogique 3

Fiche d´enseignant Thème : Couverture des livres, affiches du film Objectifs pédagogiques : expression orale, enrichissement du vocabulaire Niveau : A2 Durée : 45 minutes Support, matériel : Les photocopies, le tableau noir, les cahiers. Bibliographie : Pagnol, M. : Marius. Paris : Fasquelle, 1930. Disposition de la classe : travail individuel Démarche : Distribuez les photocopies et éventuellement les dictionnaires. Expliquez le mode de travail aux élèves. Écrivez chaque nouveau mot au tableau noir. Évaluez les résultats. Consigne 1 : Regardez bien les couvertures des livres et les affiches du film Marius. Est-ce que vous savez désigner quelles images représentent la couverture et quelles images représentent les affiches du film ? Comment avez-vous trouvé la solution ? (Les réponses possible ci-dessous. Après avoir fini cette consigne, corrigez-la ensemble avec les élèves et expliquez quelle image sert comme couverture et laquelle comme affiche du film pour qu´ils puissent continuer à travailler correctement.)

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Les indices comment distinguer les couvertures du livre et les affiches du film : • Les élèves attentifs vont remarquer que sur les deux affiches du film, il y a la mention qu´il s´agit d´un film. Les affiches (les deux images à gauche) contiennent plus d´informations, nous pouvons y trouver le nom de l´auteur (Marcel Pagnol), les noms des acteurs (Raimu, Pierre Fresnay), de l´actrice (Orane Demazis) ou le nom de la société cinématographique (Paramount). La première affiche sous-entend un petit peu le thème de l´histoire (« Une œuvre d´une éternelle jeunesse »). Les images des affiches ont beaucoup plus de détails, d´après eux, nous pouvons imaginer plus facilement l´action et les personnages de cette histoire. • Les couvertures du livre sont plus sobres, les images ne contiennent pas trop de détails. Nous pouvons apprendre des couvertures le nom du livre et son auteur (Marcel Pagnol : Marius). L´images nous présentent surtout le protagoniste.

Consigne 2 : Regardez bien les deux affiches du film et essayer d´imaginer et formuler d´une manière brève l´action ou l´intrigue essentielle de l´histoire. Communiquez avec les élèves, vous pouvez poser des questions pour les aider. Réponses possibles : • Histoire d´un jeune aventurier qui voyage autour du monde en bateau. • Roman/film policier, un jeune détective arrive sur une île pour dévoiler un meurtre mystère. • Histoire d´amour, entre un jeune marin et une fille d´une famille très riche. • Roman historique qui traite la découverte de nouveaux pays par un jeune homme pendant le 15e siècle.

Consigne 3 : Regardez toutes les cinq images et nommez tous ce que vous voyez. Ecrivez les mots sur le tableau noir et dans vos cahiers. Les mots que les élèves peuvent proposer ci-dessous. • Le port, la mer, les bateaux, un jeune homme, une fille, une ville, le soleil, l´été, le tee-shirt, la jupe, le chapeau, les marins, le vieil homme, la cravate, le pantalon, les voiles…

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Consigne 4 : Observez encore une fois la couverture proposée et l´une des affiches du film et en répondant aux questions essayer de deviner certains informations du livre. Les réponses entre parenthèses. 1. Qui est-ce l´auteur du livre ? (Marcel Pagnol) 2. Qui est-ce qui peut être le protagoniste ? (un homme) 3. Est-il jeune ? (oui) 4. Comment il s´appelle ? (Marius) 5. Où est-ce que l´action se passe ? (dans un port) 6. Est-ce que c´est une ville ? Ou un village ? (plutôt une ville) 7. Et pourquoi ? (Sur l´image on voit plusieurs bateaux, de nombreux bâtiments, une église…) 8. Et en quelle saison d´année nous trouvons-nous ? (pendant l´été)

Consigne 5 : Voici les mots croisés. Essayer de remplir les grilles. Vous pouvez trouver quelques réponses sur les images proposées ci-dessus. La solution des mots croisés va vous donner le titre du tome suivant de la trilogie. (Les réponses entre parenthèses).

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1. Comment s´appelle-t-il le papier pour annoncer un nouveau film ? (affiche) 2. Le titre du livre présenté avant. (Marius) 3. Le nom de famille de l´auteur. (Pagnol) 4. Autrement dit « couverture » du livre. (Une) 5. Le nom de famille de l´acteur mentionné sur une affiche, son prénom est Pierre. (Fresnay) SOLUTION : FANNY (Vous pouvez préparer quelques images pour montrer les couvertures des tomes suivants : Fanny et César)

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Fiche d´élève Consigne 1 : Regardez bien les couvertures des livres et les affiches du film Marius. Est-ce que vous savez désigner quelles images représentent la couverture et quelles images représentent les affiches du film ? Comment avez-vous trouvé la solution ?

Consigne 2 : Regardez bien les deux affiches du film et essayer d´imaginer et formuler d´une manière brève l´action ou l´intrigue essentielle de l´histoire.

Consigne 3 : Regardez toutes les cinq images et nommez tous ce que vous voyez. Écrivez-les dans vos cahiers.

Consigne 4 : Observez encore une fois la couverture proposée et l´un des affiches du film et en répondant aux questions essayer de deviner certains informations du livre. 79

1. Qui est-ce l´auteur du livre ? 2. Qui est-ce qui peut être le protagoniste ? 3. Est-il jeune ? 4. Comment il s´appelle ? 5. Où est-ce que l´action se passe ? 6. Est-ce que c´est une ville ? Ou un village ? 7. Et pourquoi ? 8. Et en quelle saison d´année nous trouvons-nous ?

Consigne 5 : Voici les mots croisés. Essayer de remplir les grilles. Vous pouvez trouver quelques réponses sur les images proposées ci-dessus. La solution des mots croisés va vous donner le titre du tome suivant de la trilogie.*

1. Comment s´appelle-t-il le papier pour 2. Le titre du livre présenté avant. 3. annoncer un nouveau film ? Le nom de famille de l´auteur. 4. Autrement dit « couverture » du livre. 5. Le nom de famille de l´acteur mentionné. (*Marius est le premier livre de la Trilogie marseillaise. Cette appellation générique réunit trois livre. Le deuxième titre, vous allez le trouver dans les mots croisés, le dernier livre s´appelle César) 80

4. Conclusion Le but principal du présent mémoire était d´analyser quelques personnages masculins et leur évolution à travers les histoires dans des pièces de théâtre de Marcel Pagnol. Pour cette analyse, nous avons choisi cinq comédies importantes dans la carrière de l´auteur : Topaze, La Femme du boulanger et la Trilogie marseillaise qui compte Marius, Fanny et César et par conséquence les cinq héros suivants : Topaze, boulanger Aimable, Marius, César et Panisse. Nous avons voulu caractériser chaque protagoniste en cherchant des traits typiques et communs pour des personnages masculins de Pagnol. Grâce à ces caractéristiques nous avons voulu établir et présenter un héros de Pagnol en général. La première comédie analysée nous dévoile le personnage de Topaze, professeur de la pension Muche. L´honnête homme modeste, serviable, naïf, content de lui-même, de sa vie et de sa situation sociale surtout grâce à son emploi respectable. Son licenciement de la pension et la proposition d´un nouveau poste modifie sa perception des choses. Ces changements de la situation de la vie sont causés par les personnages féminins. Le renversement arrive lorsque Topaze comprend qu´avec l´argent, lui-même peut influencer et manipuler les gens. Dans chaque acte, Pagnol nous dépeint un autre Topaze, un protagoniste qui change. À la fin du livre, nous pouvons trouver un personnage fort différent qu´au début de la pièce. L´auteur a crée un homme assuré, exigeant, égoïste, qui préfère l´argent à la renommée. Dans cette pièce, le changement du caractère est le plus accentué des cinq protagonistes analysés. La comédie La Femme du boulanger présente le boulanger Aimable. Aimable est un homme d´un certain âge, sociable, jovial, franc, généreux, amical, gai. Mais il abonde de ces qualités seulement en présence de sa jeune femme qui est très belle. C´est Aurélie qui lui donne de l´assurance, du sentiment de fierté et de joie. L´amour qu´il approuve pour sa femme est infini et l´influence d´Aurélie sur Aimable est donc immense. Le départ inattendu de sa femme transforme le héros en un homme naïf, dépourvu de bon sens, irrité et déprimé. Il évite les gens, arrête le four et plonge dans l´alcool. L´auteur nous propose de nouveau deux polarités du caractère d´un protagoniste. En revanche, le retour de la boulangère redonne au boulanger le sens de la vie et nous pouvons retrouver le caractère initial du personnage à la fin de la pièce. L´évolution temporaire de son caractère est due, ici encore à un personnage féminin.

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Dans la Trilogie marseillaise, sont présentés plusieurs personnages masculins. Le personnage essentiel des trois tomes est sans doute Marius. Comme cette trilogie saisit un segment temporaire assez long (20 ans), l´évolution de son naturel est assez marquée. Marius à l´âge de 22 ans, est dépeint par l´auteur comme un jeune homme impulsif, naïf, sans expérience, irrésolu avec la mer pour passion. De nouveau, une femme, Fanny, influence le protagoniste. Marius amoureux veut réprimer son envie de lointain pour pouvoir rester avec Fanny mais elle se sacrifie et incite Marius à partir. A son retour, Marius est un nouvel homme. Il a gagné en maturité, en assurance est au contraste du premier tome, il sait prendre des décisions. Maintenant, il veut s´occuper de Fanny et du petit Césariot, fils de Fanny car il est persuadé que c´est aussi son fils. Même si Marius a changé, son effort de retrouver la vie à côté de Fanny est sans succès. Marius part et revient dans le troisième volume. A partir de là, est dépeint un homme mûr, calme, expérimenté qui sait ce qu´il veut dans la vie et qui retrouve finalement un foyer chez Fanny et son fils Césaroit. Marius représente donc un modèle bien plastique car les trois volumes ont contenu plusieurs étapes d´évolution de la vie : jeunesse, maturation et âge mûr. Panisse et César, père de Marius, ont de nombreux traits communs et ils sont les deux derniers personnages masculins analysés. Tout d´abord, les deux ne sont pas les protagonistes réguliers, nous ne pouvons pas douter que leur rôle est assez considérable mais à travers ces personnages Pagnol complète plutôt le caractère et la plasticité de Marius. Grâce à ces deux personnages, l´auteur nous propose une gamme riche de situations et des dialogues communs où nous pouvons observer le comportement et l´évolution de caractère de Marius. Puis, les deux hommes sont des hommes d´un certain âge; leur comportement et leur caractère ne change plus beaucoup. Cette fois, l´auteur nous présente des personnages peu influençables, avec de l’expérience, abondant de bon sens et sûrs d´eux. Après avoir achevé les analyses des personnages choisis, nous pouvons constater que Pagnol propose des personnages qui sont liés à la réalité et à son vécu. Par exemple dans la comédie La Femme du boulanger, Pagnol a mis certains détails qu´il a vécus en 1925 quand il a été logé au premier étage d´une boulangerie. La Trilogie marseillaise a été inspirée par les années passées à Marseille : « Vers 1925, parce que je me sentais exilé à Paris, je m’aperçus que j’aimais Marseille et je voulus exprimer cette amitié en

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écrivant une pièce marseillaise »157. Le lecteur peut donc s´identifier aux personnages. L´autre lien entre les personnages et la réalité c´est qu´ils ne sont jamais seulement noirs ou blancs, chaque personnage à des vices aussi bien que des vertus. Au travers des nombreux dialogues, le lecteur peut les observer de plusieurs manières et cela rend les personnages de Pagnol très plastiques. Nous avons déjà constaté que l´évolution psychologique de chaque personnage était considérable et leur caractère changeait pour des raisons diverses. La raison récurrente de ses changements de caractère de nos héros est l’influence de la gente féminine. Le présent mémoire offre aussi un matériel didactique qui compte trois fiches pédagogiques et qui s´appuie sur les pièces de théâtre analysées. Dans les deux premières fiches pédagogiques, nous avons proposé des exercices en utilisant des extraits de textes dramatiques. La dernière fiche pédagogique se sert des images de couverture de livre et affiches du film. Le but principal de la partie didactique est de motiver les élèves à découvrir l´œuvre de Marcel Pagnol aussi bien que de motiver les enseignants à utiliser des textes littéraires dans une classe de langue.

157 Le site de Wikipedia, Trilogie Marseillaise [en ligne], c2012[cit. 2012-04-05]. Disponible sur: < http://fr.wikipedia.org/wiki/Trilogie_marseillaise> 83

5. Bibliographie et sitographie : Bibliographie : • ERNESTINE, Claude. La littérature française de A à Z. Paris: Hatier, 1998. • DARCOS, Xavier. Histoire de la littérature française. Paris : Hachette, 1992. • GENERTTE, Gérard. Figures V. Paris : Éditions du Seuil, 1999. • GERMAIN, François: L´art de commenter une comédie. Paris: Les éditions Foucher, 1964. • HENDRICH, J., RADINA, O., TLÁSKAL, J. Francouzská mluvnice. Plzeň : Fraus, 2001. • JELOT-BLANC, Jean-Jacques. Pagnol inconnu. Mayenne : Flammarion, 2011. • KYLOUŠKOVÁ, H. Jak využít literární text ve výuce cizích jazyků. Brno: Masarykova univerzita, 2007. • LEDERBUCHOVÁ, Ladislava. Slovník literárních pojmů. 1. vydání. Plzeň: Fraus, 2006. • PAGNOL, Marcel. César. Paris: Éditions de Fallois, 1988. • PAGNOL, Marcel. Fanny. Paris: Édition de Fallois, 1988. • PAGNOL, Marcel. La Femme du boulanger. Paris : Éditions de Fallois, 2005 • PAGNOL, Marcel. Marius. Paris : Fasquelles, 1946. • PAGNOL, Marcel. Topaze. Paris: Fasquelles, 1930. • SIMON, Alfred. Dictionnaire du théâtre français contemporain. Paris : Larousse, 1970.

Sitographie : • Marcel Pagnol. L´homme, l´œuvre [en ligne] c2010 [cit. 2012-03-15]. Disponible sur : • Le site de Larousse [en ligne], c2011[cit. 2011-25-11]. Disponible sur: • Le site de Wikipedia [en ligne], [cit. 2011-12-09]. Disponible sur : • Literární pojmy [en ligne], c2009[cit. 2011-12-09]. Disponible sur :

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• Tragi-comédie [en ligne], c2010 [cit. 2011-12-12]. Disponible sur: • Le site de Wikipedia, Trilogie Marseillaise [en ligne], c2012[cit. 2012-04-05]. Disponible sur: < http://fr.wikipedia.org/wiki/Trilogie_marseillaise>

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6. Résumé :

Česky Diplomová práce nazvaná Les personnages dans les pièces de théâtre de Marcel Pagnol se věnuje analýze postav z pěti divadelních her Marcela Pagnola. Vybrány byly tyto komedie : Topaze, La Femme du boulanger, Marius, Fanny a César. Následně byly analyzovány tyto postavy : Topaze, Aimable, Marius, Panisse a César. Práce je rozdělena do dvou částí. V první teoretické části je stručně představena komedie a její vývoj ve francouzském kontextu, krátce jsou zmíněna důležitá data a dílo Marcela Pagnola. Poté následují analýzy vybraných divadelních her a mužských postav. V analýzách postav si všímáme především vlivu žen na povahu a jednání mužů. V druhé praktické části je navrženo několik aktivit, které jsou inspirovány analyzovanými texty. Tyto aktivity se dají využít při výuce v jazykové třídě.

Francouzsky : Le mémoire de diplôme nommé Les personnages dans les pièces de théâtre de Marcel Pagnol est consacré à l´analyse de quelques personnages des cinq pièces de théâtre de Marcel Pagnol. Nous avons choisi ces cinq comédies: Topaze, La Femme du boulanger, Marius, Fanny et César et ainsi ces cinq personnages masculins : Topaze, Aimable, Marius, Panisse a César. Le mémoire est divisé en deux parties. La première partie théorique est consacrée brièvement à la comédie française, à l´auteur Marcel Pagnol, à sa vie et à son œuvre. Puis, le travail disserte déjà l´analyse des pièces de théâtre choisies et leurs personnages masculins. Avant tout, nous avons observé l´influence des femmes sur le caractère et le comportement des hommes. La deuxième partie pratique propose certaines activités didactiques qui sont inspirées des textes analysés. Ces activités peuvent être usées pour le travail dans une classe de langue.

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