Décision N° 13-DCC-10 Du 25 Janvier 2013 Relative À La Prise De Contrôle Exclusif De La Société Airlinair SA Par La Société Air France-KLM
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Décision n° 13-DCC-10 du 25 janvier 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Airlinair SA par la société Air France-KLM L’Autorité de la concurrence, Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 19 décembre 2012, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Airlinair SA par la société Air France-KLM, formalisée par un term sheet en date du 13 décembre 2012 et un projet de contrat d’acquisition ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante : I. Les entreprises concernées et l’opération 1. La société Air France-KLM est la société holding de la société Air France SA, compagnie aérienne agréée en France, et de KLM Royal Dutch Airlines NV, compagnie aérienne agréée au Pays-Bas, ainsi que de leurs filiales respectives (ci-après « AFKLM »). Les actions d’AFKLM sont cotées sur Euronext Paris, Euronext Amsterdam et le New York Stock Exchange. AFKLM n’est contrôlée par aucune personne physique ou morale. AFKLM exerce des activités de transport de passagers et de fret, d’entretien et de maintenance d’aéronefs et, de manière plus marginale, de restauration et de manutention au sol. 2. La société Airlinair SA (ci-après « Airlinair ») est une compagnie aérienne spécialisée dans la desserte régionale française. Sa flotte est composée de 23 avions ATR (avions turbopropulseurs permettant d’assurer des liaisons sur des courtes et moyennes distances). L’activité du groupe Airlinair est articulée autour de quatre pôles : (i) l’exploitation de vols en affrètement pour le compte de compagnies aériennes (location d’avions avec équipage), (ii) l’exploitation de lignes aériennes soumises à des obligations de service public, (iii) les vols à la demande et de manière marginale (iv) les vols charters. Airlinair est détenue à 99,98 % par sa holding, Financière LMP SAS, qui est contrôlée conjointement par AFKLM, via la société Brit Air, et par Monsieur Lionel Guérin, via la société Financière Linair, à hauteur respectivement de 39,86 % et 60,14 % de son capital social1. 3. L’opération projetée consiste en l’acquisition par AFKLM, via la société Air France Finance et sa filiale nouvellement créée Air Union, du solde du capital social de Airlinair. L’opération se traduit donc par la prise de contrôle exclusif de Airlinair par AFKLM, et constitue à ce titre une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce. 4. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros au cours de l’année civile 20112 (AFKLM : 24,4 milliards d’euros ; Airlinair : 106 millions d’euros). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros au cours de l’année civile 20113 (AFKLM : 7,5 milliards d’euros ; Airlinair : 106 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2011). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique. II. Délimitation des marchés pertinents A. AFFRÈTEMENT D’AVIONS 1. MARCHÉS DE PRODUITS 5. La pratique décisionnelle a distingué au sein de l’activité d’affrètement d’avions4 : (i) l’affrètement d’avions pour le compte de compagnies aériennes (ci-après « l’affrètement d’avions »), (ii) la mise à disposition d’avions pour le compte de tours opérateurs et (iii) la mise à disposition d’avions pour le compte d’entreprises et de clubs sportifs (ci-après « la mise à disposition d’avions pour le compte de professionnels »). En effet, du côté de la demande, ces clients ont des exigences différentes : la demande de professionnels autres que des compagnies aériennes est le plus souvent ponctuelle et ne porte pas toujours sur les mêmes lignes, tandis que la demande des compagnies aériennes porte sur des lignes et des horaires de vols déterminés. En outre, du côté de l’offre, il existe en France peu d’opérateurs affrétant des avions à des compagnies aériennes (hormis le groupe Airlinair, seules des petites 1 La prise de contrôle conjoint de AFKLM via la société Brit Air, sur la société Financière LMP SAS a été autorisée par l’Autorité de la concurrence dans la décision n°09-DCC-17 du 7 juillet 2009. 2 Le changement de date de clôture des comptes du 31 mars au 31 décembre a eu pour conséquence une réduction de l’exercice fiscal à une période de neuf mois. Les chiffres d’affaires indiqués reflètent l’activité de chacune des entreprises concernées pour l’ensemble de l’année civile 2011. 3 Id. 4 L’activité d’affrètement d’avions pour le compte de compagnies aériennes consiste en la mise à disposition d’un avion ainsi que d’un équipage. Les avions loués battent alors le pavillon de la compagnie aérienne qui les a affrétés. Le risque financier concernant l’exploitation de telles lignes est supporté par l’affréteur, la compagnie aérienne, tandis que le fréteur est rémunéré de manière fixe par l’affréteur. Le fréteur conserve uniquement la responsabilité de la conduite du vol, tandis que l’affréteur est responsable de la gestion commerciale du vol. 2 compagnies sont présentes sur ce marché), tandis qu’un plus grand nombre d’opérateurs proposent des avions à destination des tours opérateurs et d’autres professionnels5. 6. La pratique décisionnelle a également envisagé, sans trancher la question, une possible sous- segmentation de ces marchés. Ainsi, s’agissant de l’affrètement d’avions et la mise à disposition d’avions pour le compte de professionnels, une sous-segmentation a été envisagée selon la capacité (de plus ou moins cents sièges) et le type d’avions mis à disposition (ATR ou autres avions)6. S’agissant de la mise à disposition d’avions pour le compte de tours opérateurs, une sous-segmentation a été envisagée entre les vols charters court courrier et les vols charters long courrier7. Il a également été envisagé d’intégrer dans ce marché les sièges directement mis à disposition par des compagnies aériennes sur des vols réguliers8. 7. Au cas d’espèce, la question de la délimitation précise de ces marchés peut rester ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse resteront inchangées. 2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES 8. S’agissant du marché de l’affrètement d’avions, la pratique décisionnelle a relevé l’existence de différences linguistiques, ou encore d’écarts de charges sociales et de salaires entre les différents pays qui tendaient à conférer à ce marché une dimension nationale9. Elle a néanmoins laissé la question de la délimitation géographique exacte de ce marché ouverte. 9. S’agissant du marché de la mise à disposition d’avions pour le compte de tours opérateurs, la pratique décisionnelle a constaté que les vols charters partent en général de leur pays d’origine et reviennent vers ce même pays. De plus, la demande provient principalement de clients résidant dans le pays d’origine. Compte tenu de ces éléments, elle a considéré que ce marché revêtait une dimension nationale10. 10. Enfin, s’agissant du marché de la mise à disposition d’avions pour le compte de professionnels, la pratique décisionnelle n’a pas tranché la question de la délimitation précise de ce marché. Elle a cependant relevé, d’une part, que l’ensemble des opérateurs disposant d’une licence d’exploitation européenne et ayant des avions disponibles peuvent intervenir sur ce marché et que, d’autre part, les courtiers jouent un rôle important d’intermédiation et qu’ils ont tendance à mettre en concurrence l’ensemble des compagnies européennes susceptibles d’assurer des vols dans des conditions économiques intéressantes11. 11. Il n’est pas nécessaire de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de la présente opération. 5 Décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-17 du 7 juillet 2009 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Financière LMP SAS par les sociétés Financière Linair SAS et Brit Air SA. 6 Id. 7 Décision de la Commission européenne n°COMP/M.4601, Kartstadtquelle/Mytravel, du 4 mai 2007. 8 Id. 9 Décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-17 précitée. 10 Id. 11 Id. 3 B. EXPLOITATION DE LIGNES AÉRIENNES 1. MARCHÉS DE PRODUITS 12. Le marché du transport aérien de passagers est usuellement segmenté ligne par ligne12. 13. Au cas d’espèce, aucune ligne aérienne régulière n’est simultanément exploitée par AFKLM et Airlinair. Néanmoins, chacune des parties exploite des lignes avec obligation de service public (ci-après « OSP »), activité différente de l’exploitation de lignes régulières. 14. La pratique décisionnelle a relevé que le système des liaisons OSP se répartit en deux catégories : les vols sans exclusivité formelle et sans compensation financière13, dont le fonctionnement se rapproche des marchés de lignes régulières, et les vols avec exclusivité formelle et compensation financière14. Elle a considéré que les lignes OSP avec exclusivité et compensation financière constituaient un marché spécifique, dans la mesure où elles se distinguent, tant des lignes régulières que des lignes OSP sans exclusivité formelle et sans compensation financière, en ce que (i) leur exploitation implique de gagner un appel d’offres lancé par une collectivité locale, (ii) une exclusivité de droit est conférée à leur exploitant et (iii) elles font l’objet de contraintes d’exploitation fortes15.