Ville-Âge : Poèmes En Français
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POÉSIE VILLE-ÂGE DÉJÀ PARUS POÉSIE Poètes de New York mosaïque 1991 Poètes d'Irlande du nord 1991 Hughes Labrusse Le Donateur 1991 NOUVELLES Max Alhau La Ville en crue 1991 Jacques Phytilis Les Déchirures de la vie 1991 François David Le Pied de la lettre 1991 Écrivains de Norvège 1991 ESSAIS Jean Follain Le Magasin pittoresque 1991 © A L 1991. 30 rue de la Cachette, Cairon, 14610 Thaon. ISBN 2-909033-08-2 MARKO RISTIC VILLE-ÂGE poèmes en français textes établis et présentés par BRANKO ALEKSIC Portraits de Marko Ristić et Aleksandar Vučo Collage sur carte postale extrait de la Vie Mobile 1926 CLANDESTINITÉ DE LA POÉTIQUE ALÉATOIRE par BRANKO ALEKSIC Les poèmes français de Marko Ristié, demeurés inédits pendant plus de cinquante ans, nous font découvrir cet homme étrange et discret qui, au moment de sa troublante participation au mouvement surréaliste, vint à Paris s'abandonner à une valse de synonymes. Le Jardin des Plantes - à la visite duquel ne résista pas même He- gel en 1828 - est devenu chez notre héros, dans un poème écrit du- rant un séjour parisien : « Jardin des pentes » surréalistes. Ce que Marko Ristić rencontre à Paris au coin des hasards - une passa- gère baudelairienne qui le séduit dans un omnibus bleuâtre le 3 janvier 1931, figure d'une poésie lumineuse opposée à toute dégra- dation de l'habitude; ce qu'il voit à Paris s'envole au jeu d'éveil, comme la pulsation de l'idéal dans l'écriture automatique surréa- liste; ce qui persiste de son rêve, comme du jardin public désert et hanté par l'absence des amants - tout cela subit l'adaptation mal- larméenne des « cygnes de ces signaux ». Ces signaux de l'époque surréaliste sont éminemment : le vieux pervers Horus de Gérard de Nerval (dans le poème « Monstres glauques »); l'affiche de la Mati- née de danses surréalistes (fin 1926); « Vagualame » de René Cre- vel; non le miroir de Crevel (dans sa prose le Clavecin de Diderot, traduite à Belgrade par Ristić dès 1932), mais « le Miroir d'Ara- gon » ; le blé noir de Benjamin Péret, et une carte posthume lascive de Rémy de Gourmont, envoyée à André de Rouveyre pour célébrer « la turpitude » d'une image de la belle Amazone (il s'agit de la dame Clifford Barney, que Ristié, toujours fidèle à son salon des souvenirs, rencontrera après la seconde guerre mondiale, comme le raconte Jean Cassou dans la revue Adam, en 1962). Cette carte se- rait à l'origine du long poème Turpituda de Ristić « phantaisie para- noïaco-didactique » à la Salvador Dali commencée en 1932 et pu- bliée en 1938 à Zagreb. Autres signes de l'époque : la polémique surréaliste, comme dans ce poème sur l'affaire Aragon-marxiste qui reprend le titre de la brochure d'André Breton : Misère de la poésie (et qui d'une façon plus directe que le commentaire de Ristié publié dans la revue belgradoise Nadrealizam danas i ovde - Le Surréa- lisme ici et aujourd'hui, n°3, 1932, exprime la désillusion du poète). Avec chaque séjour à Paris, les temps et les âges se condensent dans les coulisses de la grande ville, ramenée par son intimité grandissante aux dimensions d'un « village ». Devançant la théorie de Marshal Mc Luhan sur le monde moderne en tant que village global, Ristić emporte dans ses bagages, comme dans le cylindre du voyant, un mot-valise : « Ville-âge ». Le poème emblématique qui porte ce titre se prête à la polémique au sujet du fabuleux concept formulé tour à tour par Pierre Reverdy, Tristan Tzara et André Breton concernant l'image poétique produite par rapproche- ment hasardeux de deux réalités séparées. La réponse de Ristić est « héraclitéenne » - titre d'un autre poème, signe de préoccupations communes avec les poètes T.S. Eliot, J.L. Borges, René Char, Oc- tavio Paz et Milan Dedinac dans les années 30. Et « quelle stupé- fiante histoire d'Hésiode » (poème « les Grâces ») que celle de Ristić qui se déroula à la manière d'une « grâce aléatoire ». L'obsession du temps est manifeste : tous ses poèmes écrits en français sont datés - à l'instar des œuvres complètes, Nox micro- cosmica (Nolit, Belgrade, 1956), roman poétique se présentant comme un seul grand ouvrage. Cet auteur « diurne » se vantait d'être « Du même auteur », titre de son recueil d'essais (Matica srpska, Novi Sad, 1956). La vie poétique de Ristié, poète français clandestin, se déroule ainsi que les Travaux et les jours du didac- tique Hésiode à propos duquel, à son crépuscule, il prit l'habitude de comparer son emploi du temps personnel. Rassemblant ses souvenirs de l'esthétique proustienne sur la soie puérile du lac de Plitvice, précise et claire, Ristić croyait que l'on pouvait construire sa vie comme une œuvre d'art. UN SURRÉALISTE DE LA PREMIÈRE HEURE On me présente à Marco, l'ami des Apaches. Philippe Soupault, Bon apôtre, 1923 Ristić rencontre pour la première fois le nom d'André Breton en 1917-18, lors d'un séjour en Suisse, dans la revue gauloise l'Éventail, où Breton avait publié son premier essai sur Guillaume Apollinaire et le poème « Décembre », «... encore plus ou moins mallarméen » 1 De retour à Belgrade après la fin de la guerre, Ristié suit « de loin » le mouvement Dada. Mais après l'arrivée de Tristan Tzara à Paris - qui a encouragé Breton, Aragon et Soupault à lancer la « nouvelle série » de leur revue Littérature - la fascina- tion de Ristié se manifeste par la traduction de trois courts frag- ments choisis parmi plusieurs essais de Breton : Clairement, Marcel Duchamp et les Mots sans rides, publiés à l'origine dans Littérature en 1922-23 Le premier de ces fragments aidera Ristić à se trouver lui-même, et fera d'André Breton son « maître à penser » Dans Clairement, en 1922, Breton expose pour la première fois une nou- velle conception de la poésie, où elle prend un sens plus large et plus important, débordant tout genre littéraire : La poésie, qui est tout ce qui m'a jamais souri dans la littéra- ture, émane davantage de la vie des hommes, écrivains ou non, que de ce qu'ils ont écrit ou de ce qu'on suppose qu'ils pouvaient écrire. Et Breton précise : La vie telle que je l'entends n'étant même pas l'ensemble des actes finalement imputables à un individu (...) mais la manière dont il semble avoir accepté l'inacceptable condition humaine. 1. Marko Ristić, « la Nuit de Tournesol » — Nouvelle Revue Française, n° 172, Paris, avril 1967, p. 700. 2. « Delovi iz Andre Bretona », Putevi (« Chemins »), n.s., n°1, Belgrade, octobre 1923, pp. 11-12. 3. « La Nuit de Tournesol », op. cit., pp. 699-700. 4. André Breton, « Clairement » - Littérature, n°4, 1922; repris dans les Pas perdus (1924). En octobre 1923, Ristié, depuis Belgrade, fait parvenir à Breton la revue Putevi, n avec les traductions enthousiastes des « Frag- ments », et plus tard une petite histoire du mouvement Dada, « la Métamorphose de Dada », qu'il publie dans la revue Knjinževnik (« l'Écrivain ») à Zagreb en 1924, et l'article « À l'ordre du jour » où il fait la découverte du premier livre théorique de l'époque, les Pas perdus C'est de cette période que date le roman à clef de Philippe Sou- pault, grand ami de Rastko Petrovié, un précurseur poétique pari- sien des futurs surréalistes de Belgrade, dans les années 1920-22. Le nom de « Marco » y est peut-être cité comme un écho exotique des « Apaches » yougoslaves Évoquant ces longues années comme les Mille et une nuits de la fable, aussi profondes que les Vingt milles lieux sous les mers, Philippe Soupault dit que parmi les surréalistes yougoslaves qu'il a personnellement rencontrés, Marko Ristić était le plus actif et le plus clairvoyant, mais aussi le plus averti . Initié aux voies surréalistes, Ristié a reçu entre-temps de Breton successivement son recueil de poèmes Clair de terre, le dernier numéro de Littérature et le Manifeste du surréalisme. Le Manifeste est imprimé en octobre 1924, et immédiatement salué par Ristić, en novembre de la même année, dans le premier numéro de la revue Svedočanstva (« Témoignages »), à travers l'article « Nadreali- zam ». Dans l'étude Otkrivenje u nadrealizmu (« la Révélation dans le surréalisme », Prosveta, Belgrade, 1983), j'ai montré que cette même citation de « Clairement » se trouve répétée au moins trois fois dans les oeuvres de Ristić. 5. « Fragments d'André Breton » et « la Métamorphose de Dada » sont réédités dans notre collection de textes : Hommage à André Breton, 1898-1968/1978; « À l'ordre du jour » est repris par Ristić dans Od istog pisca (« Du même auteur »). 6. Cf. Philippe Soupault, le Bon apôtre, rééd. Garnier 1980, p. 119. Des lectures privilégiées de l'enfance, deux héros favoris sont communs à Soupault et à Ristié : le capitaine Nemo de Jules Verne et le détective Nick Carter, chantés dans le Bon apôtre et dans Sans me- sure, ainsi que dans l'Anatomie d'Oskar Davičo. 7. Vingt mille et un jours, par Philippe Soupault - entretiens avec Serge Fauchereau, éd. Belfond, 1980, p. 208. Dans l'entretien que j'ai eu avec lui à Paris, le 21 janvier 1985, Phi- lippe Soupault m'a parlé aussi de Rastko Petrović (dont le nom n'a pas été mentionné à côté de ceux de Matić et de Ristić dans Vingt mille et un jours). 8. Cf. « la Nuit de tournesol », op. cit., p. 702. Le tout premier cahier de la revue la Révolution surréaliste du 1er décembre 1924 signale : Marko Ristié. Lire Témoignages et les divers articles de Marko Ristić dans les revues de Belgrade et de Zagreb.