PUY-L'EVEQUE AU MOYEN AGE LE CASTRUM ET LA CHATELLENIE (XIIIe - XVe s.) Puy-l'Evêque vu du S.S.E. A g., le . à dr., le clocher de S'-Sauveur ; entre les deux, le donjon. Sous celui-ci et à dr.. le petit côté de la maison de l'Icherie avec ses deux larges baies en arc brisé. (Photographie : Jean-Louis Nespoulous - ) Jean LARTIGAUT

PUY-L'EVEQUE AU MOYEN AGE LE CASTRUM ET LA CHATELLENIE (XIIIe - XVe s.)

Editions du Roc de Bourzac 24150 Bayac 1991 Du même auteur :

- Les campagnes du Ouercy après /a guerre de Cent Ans (Vers 1440 - vers 1500), Publications de l'Université de Toulouse - Le Mirail, Toulouse 1978. Epuisé. - Cahors (Lot) (plan et notice). Atlas historique des villes de , C.N.R.S., 1983. - (Lot) (plan et notice), Atlas historique des villes de France, C.N.R.S., 1983. - Le Lot, (collab.), Editions Privât. Toulouse.

En préparation : - Histoire du Ouercy (dir. et collab.), Editions Privât, Toulouse.

@ Editions du Roc de Bourzac I.S.B.N. 2-87624-036-X AVANT-PROPOS L'indigence des sources relatives à Puy-l'Evéque semble avoir découragé les érudits dès le XIXe siècle. Seuls, les poètes imaginatifs et les journalistes locaux ont risqué des évocations sur le mode romantique. Poursuivant depuis quelques années une enquête sur les bourgs castraux quercinois, il m'était bien difficile de négliger l'important castrum a&/ pug en la rebiera D'ailleurs je ne le souhaitais pas en dépit des difficultés de l'entreprise. Les vestiges du Moyen Age, un peu moins nombreux chaque décennie, y témoignent encore d'une réelle prospérité dès le XIIIe siècle. Ils constituaient pour moi un stimulant non négligeable. De plus, le contenu des parchemins clairsemés pouvait s'éclairer grâce au site : le relief à peu près immuable à l'échelle historique, les fronts rocheux plus ou moins aménagés de main d'homme qui assignaient des limites provisoires au développement de la localité, le Lot si proche que ne sillonnent plus les gabares et qui, repoussé par les décombres de la vieille ville, s'est éloigné de quelques mètres, le ruisseau de Clédelles qui présente un exceptionnel accident géographique (2), les fontaines, le port, le tracé des rues, l'organi- sation des places, l'éloignement du foirail fréquenté par des étrangers douteux et celui de l'église dans sa solitude hautaine, comme étrangère à l'économie du castrum. La documentation si laborieusement rassemblée, comment la mettre en oeuvre ? Je pouvais hésiter entre deux voies. La première, de type universitaire, débouchait sur une contribution à la S/edlungs- geschichte, c'est-à-dire à l'histoire du peuplement, de l'occupation du sol et du paysage et j'ajoutais ainsi un maillon à la chaîne des peuplements castraux quercinois. La seconde, plus modeste et dépourvue d'à priori, revenait en somme à la monographie tradition- nelle chère aux érudits locaux, fourre-tout ne laissant rien passer d'utilisable dans le tamis du chercheur. A l'inverse, il y a déjà trente ans, dans sa thèse sur Les paysans de l'Ouest, le futur doyen Paul Bois faisait sienne la conception définie depuis longtemps par Lucien Febvre : "L'historien part avec en tête un dessein précis, un problème à résoudre, une hypothèse à vérifier". C'est "l'histoire problème". Pour ma part, compte-tenu du champ relativement restreint des mes investigations, je vais sans cesse de l'un à l'autre de ces pôles. Je me pose des questions, certes, mais je me laisse aussi guider par la documentation. Le parti adopté ici est un compromis entre les deux voies : présenter un bourg castrai sans perdre de vue l'ensemble de la famille à laquelle celui-ci se rattache mais en outre retenir les aspects économiques, sociaux, spirituels même, que les sources feront apparaître. Ce sera le côté mono- graphie que je n'entends pas toutefois conduire "des origines à nos jours". Le dénombrement des fiefs du Quercy en 1504 fournira un terme à notre enquête. Après avoir signalé les principales sources utilisées, je m'effor- cerai de mettre en place le réseau paroissial préexistant au castrum du Puy, ce qui revient à découper largement mais de façon un peu artificielle un carré de mosaïque pour procurer un premier environnement au château, puis à l'habitat concentré et une matrice pour la nouvelle paroisse : Saint-Sauveur. Ensuite, mon attention se fixera sur le castrum dont j'esquisserai une reconstitution, à l'aide de données passablement échelonnées dans le temps ; il conviendra d'en tenir compte. Cette forteresse exerçait son autorité sur un territoire qu'il faudra définir : la châtellenie. J'essaierai donc de trouver ses limites incertaines ou changeantes. Enfin, je m'intéres- serai à l'organisation des pouvoirs, puis à un ensemble de faits sociaux, économiques et religieux dépassant la structure pour atteindre le quotidien. J'ai bien conscience de multiplier ainsi les points faibles mais il importait d'utiliser la plus large part de la documentation. LES SOURCES J'ai pris comme point de départ un plan au 1/2.000e réalisé en 1964 par l'Agence des Bâtiments de France de Cahors. Le plan cadastral de 1837 accompagné de l'état des sections de 1838 permet un bond en arrière d'un siècle et demi. Pour l'Ancien Régime, il faut déplorer l'absence de documents figurés mais on dispose tout de même de deux cadastres, l'un, intact, de 1760 0) et l'autre, parvenu dans un état pitoyable mais à peu près utilisable, qui semble avoir été rédigé vers la fin du XVIe siècle (2). Le tout devrait permettre d'aborder dans d'assez bonnes conditions la période médiévale qui fait l'objet de cette étude. Pour celle-ci, la pièce maîtresse est incontestablement un registre de 129 feuillets dû à Arnaud de Salles ou Salas, notaire de Puy-l'Evêque, qui a retenu des instruments dont la date est comprise entre 1289 et 1297. Ce registre, malheureusement exilé à la Bibliothèque nationale (3) est défectueux si l'on en juge d'après les photocopies tirées du microfilm. Un autre fonds, également conservé à la B. N. concerne Puy-l'Evêque et alentours : il s'agit d'environ 350 pièces des XIVe et XVe siècles (4) que je n'ai pu voir, sauf exceptions. J'ai le plus souvent utilisé les analyses prises jadis par le chanoine Albe (5) et celles plus récentes de mon ami Louis d'Alauzier (6). Au premier rang des sources locales, il faut placer le fonds Guiscard de Bar des Archives du Lot (7). A vrai dire, j'ai surtout puisé des informations dans des sources éparses. On en trouvera les références au fil des pages. Fig. 1 : Le réseau paroissial autour de Puy-l'Evêque. 1 - Tronçon de voie romaine A - Terroir des Martres 2 - Cami roumieu B - Raynal 3 - Limite de commune C - Sagnette 4 - Limite de paroisse quand elle diffère D - Recobert de celle de la commune E - Le Causse 5 - Territoire paroissial de Puy-l'Evèque F - 6 - Territoire paroissial de . G - La Brugue. Les numéros de ce croquis correspondent à ceux du tableau (fig. 2) CHAPITRE PREMIER LE RESEAU PAROISSIAL Les registres paroissiaux de l'Ancien Régime peuvent venir en aide au médiéviste. On le sait déjà (1) : paroisses et communautés ne coïncident pas nécessairement en Quercy et il serait bien imprudent d'adopter les limites des communes pour l'étude des anciennes paroisses. En fait, on obtient seulement cette concordance dans le cas où la communauté, ancêtre de la commune moderne, résulte du démembrement tardif d'une vaste juridiction et encore, trop souvent, à condition que la paroisse, berceau de la communauté, n'ait pas fourni une limite de châtellenie, cette dernière risquant de couper en deux portions inégales ce territoire paroissial. Il faut donc assumer la tâche ingrate de dépouiller les registres paroissiaux en relevant tous les lieux habités pourvu que l'on ne pâtisse pas de la négligence d'un recteur peu zélé usant systématiquement de la formule "habitant de la présente paroisse". On constate parfois que les tenanciers d'un même mas relèvent de paroisses différentes, c'est que les maisons de ce hameau ont été implantées en vis-à-vis, de part et d'autre d'un chemin formant limite mais on rencontre aussi des divergences autrement importantes. Le caractère relativement conservateur des structures d'Eglise permet d'admettre comme règle générale que les contours des paroisses ont peu varié au cours des siècles depuis le bas Moyen Age. Néanmoins, il est bon de s'en assurer en relevant systématiquement dans les documents médiévaux la paroisse de rattachement, sinon des terroirs du moins des mas et des bories, dans la mesure où l'on peut suivre les mutations d'une microtoponymie aussi changeante que celle des lieux habités (2). Fig. 2 : Paroisses, vocables et communes modernes. PAROISSES ET COMMUNES Observons la mosaïque des paroisses (fig. 1). Ce croquis, approximativement exact, pourra certes être amélioré avec l'appa- rition de nouveaux documents. Dans l'immédiat, l'effort a surtout porté sur les paroisses qui ont, à un moment ou un autre, appartenu à la châtellenie de Puy-l'Evêque. Un simple coup d'oeil permet de saisir le contraste entre le territoire exigu de la paroisse castrale de Saint-Sauveur du Puy et l'ampleur de celle de Prayssac. On admet que les paroisses primitives, sauf en des zones trop déshéritées où c'est le lot commun, se reconnaissent d'abord à l'étendue de leur territoire et ensuite au caractère naturel de leurs limites. Prayssac répond bien à ces deux critères si l'on fait pour l'instant abstraction de l'appendice délimité par un méandre du Lot au sud de Puy-l'Evêque. Cette paroisse correspond effectivement au bassin du ruisseau aujourd'hui appelé de Font-Cuberte et de son affluent dit le ruisseau de Niaudon ou de Raynal. En somme, une magnifique cuvette orientée au midi. Au sud du territoire paroissial, le cours du Lot forme limite pour l'essentiel. A l'ouest, celle-ci suit une série de points côtés reliés par un vieux chemin de crête du Puy à . A l'est, nous trouvons une autre série de points côtés passant par le sommet du Pech Recobert et suivie par un chemin secondaire de au mas de Raynal. Au nord, la séparation d'avec la paroisse Saint-Jacques de Pomarède, d'ailleurs de création tardive, se fait de façon un peu confuse mais l'essentiel est de constater que les sources des ruisseaux de la cuvette de Prayssac se trouvent bien sur la limite. Si l'on compare la paroisse de Prayssac avec l'actuel territoire communal (2.405 hectares) il faut en déduire les maigres hectares du terroir des costals de relevant d'un clocher de la rive sud, et, à l'ouest du repaire du Théron, le versant qui s'incline vers le ruisseau de Loupiac ou de Clédelles avec les mas de Maniserre de Loupiac, de Malvit, de La Bouyssette et de Picou. Une incertitude subsiste à la corne nord-ouest de la commune (en G sur le croquis). Le terroir sauvage de La Brugue s'étend aujourd'hui sur les communes de Puy-l'Evêque et de Prayssac mais il se rattache incontestablement au bassin du ruisseau de Clédelles et devrait appartenir à la paroisse de Loupiac. Il était néanmoins annexé à celle de Prayssac au XVIIIe siècle. En revanche, des gains sont enregistrés ; d'abord au détriment de la commune des Junies. Le mas de Fargue, La Roussette dont le tènement s'étendait aussi dans Prayssac et surtout l'important hameau de Raynal (en B) étaient primitivement dans la paroisse de Prayssac ainsi d'ailleurs que le mas de Sagnette (3) (en C) de telle sorte que la source et le cours inférieur du ruisseau de Raynal se trouvaient dans la grande paroisse. Il en allait vraisemblablement de même du village des Roques, aujourd'hui commune des Junies, et, plus au sud, d'une partie du terroir de Roquebert entre les faux cromlechs (4) et la limite communale séparant les Juntes et Castelfranc. D'autres rectifications s'opèrent au détriment de cette dernière commune : le versant ouest du Pech de Recobert, les appartenances des Causse-haut et bas (en D, E, F) sont situés dans la paroisse de Prayssac. Il reste maintenant à souligner l'anomalie que constitue l'appartenance à cette paroisse d'un vaste terroir dit de/s cambos dei Pueg inscrit dans un méandre du Lot. Le ruisseau de Clédelles formait limite paroissiale de telle sorte que les dernières maisons du barri de Puy-l'Evêque, notamment au terroir de Golfueg, relevaient d'un lointain clocher. A la fin du XIIIe siècle, ce terroir dels Cambos s'étendant du ruisseau au port du Meure constituait un dimaire particulier (5). On y trouve, près du Single, sur le chemin allant à Campastier un lieu-dit Las Martres, attesté en 1289 et à l'écart, semble-t-il, d'une voie ancienne de quelque importance (6). Nous tenons peut-être un commencement d'explication : en 1289, le notaire Arnal de Salas situe un pré dans la paroisse (au singulier) des églises (las gleias) de Prayssac (7). Quatre siècles plus tard, en 1693, dans l'inventaire après décès de Henri-Guillaume Le Jay, évéque de Cahors, il est fait mention parmi les archives épiscopales d'un sac contenant le don fait aux recteurs des esg/ises de Saint Barthé/émy et Simphonen de Prayssac de certain dixme et maison audit Praissae(8). Bien que vraisemblablement peu rigou- reuse, cette analyse conserve son prix car elle fait état de deux églises "de Prayssac" et aussi, il est vrai, de deux recteurs. Le toponyme de Prayssac est sans doute gallo-romain. Quant à l'église actuelle, elle est placée sous l'invocation de saint Barthélémy, l'apôtre dont le culte était assez répandu dans le diocèse de Cahors. La dévotion au martyr d'Autun, saint Symphorien, qui atteint l'Auvergne du temps de Grégoire de Tours avait peu touché le Quercy. Saint Barthélémy a triomphé dans la bourgade mais ce n'est pas une preuve d'antériorité pour cette église. Faut-il placer l'autre église, Saint-Symphorien aux Cambous ..., il s'agirait alors d'un oratoire, d'une chapelle privée éliminée par la suite, son cimetière (les Martres ?) étant également désaffecté ... On pourrait aussi bien envisager le site de Niaudon, Noviodunum^) selon les scribes du Moyen Age dont l'excès d'érudition est sujet à caution. En effet, on serait tenté de privilégier le secteur oriental de la cuvette de Prayssac en raison de trouvailles archéologiques. Michel Labrousse avait bien voulu extraire de son Inventaire (10) à mon intention la fiche de Prayssac qui fait état de la découverte entre Cami-Ferrat (à 500 mètres à l'est de Prayssac) et Niaudon de tombes à incinération gallo-romaines où les urnes de terre ou de verre avaient été disposées à /'intérieur de coffres de pierres et plus anciennement, en 1683, de la mise au jour près de Niaudon d'une sépulture à incinération et de quantité de monnaies allant de Dioclétien à Crispus. Enfin, selon un érudit du XIXe siècle, des sépultures d'époque barbare auraient été découvertes "à Prayssac", sans autre précision. Sur le croquis du réseau paroissial, j'ai cru bon d'indiquer un segment de la voie romaine de Cahors à Eysses à partir du franchissement de la Masse et jusqu'au débouché de la plaine de en passant par les hauteurs du Causse de Cousis, Cami-Ferrat,moins vraisemblable. Le Lac, Fongourdon et Costayral (11). Ce tracé est au A l'ouest de la grande paroisse de Prayssac, celles de Loupiac, de Martignac et de Cazes avaient pour traits communs leur limite sud, primitivement le cours du Lot, et leur limite nord : un vieux chemin de crête qui devint le cami romio de Fumel à . Les églises de Loupiac et de Cazes avaient été implantées au voisinage d'un ruisseau contrairement à celle de Martignac qu'elles encadraient. Le découpage vertical un peu tourmenté entre Loupiac et Martignac ne quittait guère les hauteurs et correspondait tant bien que mal à un chemin de Puy-l'Evêque à Cassagnes. En revanche, la limite entre Martignac et Cazes suivait scrupuleusement les points hauts qui balisaient l'ancien "grand chemin" du Puy à Villefranche- du-Périgord. Le territoire de Saint-Sernin de Cazes, au XVIIe siècle simple annexe de Duravel, s'étendait également dans cette dernière commune pour s'identifier au bassin du ruisseau de Cazes. Au sud du Lot, en face de Puy-l'Evêque, je ne m'attarderai guère à la riche plaine aux amples ondulations. La paroisse d'Issudel (de Exidolio pour les notaires) (12) qui se prolonge dans la commune de jusqu'à la combe du Meure, était placée sous l'invocation de saint Pierre-es-liens tout comme sa voisine, Vire (de Avira) qui, à l'origine, aurait pu former avec la précédente une seule et vaste paroisse dont le territoire fut par la suite amputé lors de la création du prieuré de Courbenac dédié à saint Sulpice. On notera que ce dîmaire avance en coin vers le centre de la paroisse primitive en suivant au midi un chemin "féodal" de castrum à castrum, celui du Puy à Tournon-d'Agenais par la bastide d'En Trauque. Les églises de Courbenac et d'Issudel se trouvant au bord du Lot, on peut en déduire que les deux bras du méandre sont stabilisés depuis les XIe - XIIe siècles. C'est dans ce filet aux larges mailles que vint s'insérer la tardive paroisse de Puy-l'Evêque dont le chroniqueur Guion de Maleville, au demeurant fantaisiste, faisait une annexe de Vire (13). Le notaire Arnal de Salas mentionne communément la gleia de Sanh Salvador dal castel dal Pug. Le castrum, château et surtout habitat subordonné bien développé à la fin du XIIIe siècle, était effectivement la justification de cette paroisse de faibles dimensions. Celle-ci comportait la presque totalité de l'agglomération et un petit territoire rural : terroirs de La Peyrieyras et dels Calvinhacs (en partie) à l'est, et, au nord de La Truffière, Les Condamines, la borde del Payrolié et L'Amelhie ... A l'est et au sud, la paroisse était bornée par le cours du ruisseau de Clédelles, de l'embouchure à la jonction du ruisselet en aval de Fontgourdon. Au nord, le terroir de Combes Barthes ne relevait qu'en partie de Saint-Sauveur. Au sud-ouest, le Lot formait limite jusqu'au moulin d'Escafinho (en face de Courbenac) où aboutissait une combe nord-sud séparant la paroisse castrale de celle de Cazes. On découvre ainsi le contraste saisissant entre le modeste territoire paroissial d'environ cent-cinquante hectares et la commune moderne (2.663 ha) formée de la totalité ou d'une partie seulement de six paroisses et comptant, en tout cas, six églises dont la plus importante ne contrôlait qu'un dix-huitième du territoire communal. Ces proportions insolites témoignent de l'importance du castrum suffisamment riche et peuplé pour obtenir l'érection d'une nouvelle paroisse, même si le prélèvement opéré au détriment de N.D. à Loupiac et de Saint-Pierre-es-liens à Martignac était contenu dans des proportions raisonnables comparables à celles d'une paroisse de bastide comme Castelfranc. Avant de tenter une reconstitution du castrum et d'ébaucher une esquisse de son développement, il convient de s'arrêter un moment au site. CHAPITRE II LE SITE DE PUY-L'EVEQUE Vu de la rive sud du Lot, le site de Puy-l'Evéque se présente comme une large échancrure dans les costa/s abrupts de la rive nord. Cette rupture du front rocheux a été déterminée par le ruisseau de Clédelles atteignant en biais le confluent avec le Lot à une époque où il recevait les eaux d'un affluent qui a creusé une combe orientée nord-sud. Après le déssèchement de ce ruisseau, quelques sources jalonnent encore son ancien tracé. Le thalweg sépare deux versants fortement inclinés portant l'un, à l'ouest, le château épiscopal et l'autre, à l'est, l'église Saint-Sauveur. La dénivellation est de l'ordre de 43 mètres entre la tour et les maisons du barri bordant le Lot pour une distance d'environ 160 mètres. L'église paroissiale, un peu à l'écart à la cote 134, se situe à quelque 350 mètres de l'embouchure du Clédelles. Entre le donjon et le sanctuaire, le foirail, à l'extrémité orientale de la localité, se trouve à la même altitude que la tour (120 mètres). S'il faut en croire le vieil historien du Quercy, Guillaume Lacoste, un chemin très ancien franchissait le Lot à hauteur de Puy-l'Evêque. En évoquant les "chemins sarrazins" cet auteur précise : ie p/us remarquable entre dans le pays [le Quercy] vers Moissac, traverse "Lamothe Sarrazin " Puy-l'Evéque et se continue dans le Perigord en passant du côté de Villefranche Evidemment, on ignorera toujours les sources de notre chroniqueur qui a pu utiliser des chartes aujourd'hui disparues ou des traditions oubliées. Cependant le passage par "Lamothe-Sarrazin" d'une route en provenance des environs de Moissac est bien peu probable s'il est permis d'identifier ce toponyme avec la mota sarrasina dans la paroisse de Saint-Julien, aujourd'hui commune de Lacour (Tarn- et-Garonne). Admettons que Lacoste ait subi l'attraction d'un nom de lieu aussi caractéristique, son chemin sarrazin n'en ait pas moins vraisemblable car il se perpétue dans nos sources dans un tracé approximativement jalonné par Moissac, Lauzerte, Floressas, Puy- l'Evéque et Villefranche. J'ai bien trouvé au nord de cette ancienne bastide un chemin sarrazin servant de limite entre les terres de la châtellenie de Castelnaud et la seigneurie de Besse mais d'orien- tation N.O.-S.E. dans son tronçon de Prats à Cazals (3). Quant au chemin qui traversait la rivière sous le Puy, il remontait ensuite la combe sèche avant de se diriger vers le Périgord. Il s'identifie avec la "grand rue du port au mercadial" et non à la rue de la Combe, au creux du thalweg, qui dut primitivement desservir des jardins. Sans nous attarder davantage, constatons que dans un article rédigé à partir de sa thèse d'Ecole des Chartes, Madame H. Gilles ne dit mot des chemins sarrazins, peut-être moins répandus que je le pensais (4). N'attachons pas une importance excessive à cette dénomination, "chemin de César" aurait aussi bien fait l'affaire pour attester la réputation d'antiquité de cet itinéraire (5). CHAPITRE III LE CASTRUM On conçoit fort bien qu'un puissant ait édifié une tour pour surveiller le passage sur la rivière et tirer profit de la route. De cette fortification devait sortir la bourgade dont je vais essayer maintenant de retracer le développement. Cet essai de reconstitution du castrum fait appel à des données recueillies dans des textes plus ou moins éloquents qui s'échelonnent de la fin du XIIIe siècle à la veille de la Révolution. Evidemment la date de l'attestation d'un monument où encore d'un élément topographique peut être largement postérieure à sa réalisation. Le fond de carte est fourni par le plan cadastral de 1837. Celui-ci reproduit le récent tracé de la route n° 111 de Tonneins à Millau qui enveloppe la partie nord de la localité. En revanche, ce plan nous épargne les bouleversements apportés par les cent- cinquante dernières années : maisons disparues en grand nombre, percée sinueuse permettant d'atteindre le pont sur le Lot ; c'est l'actuelle "Grand Rue" obtenue au prix d'un élargissement de la vieille rue de La Combe et d'un détour dans les terroirs del Rolhié et de Golfech. Autre percée, cette fois N.O.-S.E., à travers le barri bas de La Trincada. On discerne facilement sur ce plan le premier noyau fortifié dont Monique Bourin ferait le cinctus super/or. On reconnaît également le grand axe sud-nord : la rue du port au Mercadial, ancien chemin de la Moyenne Garonne au Périgord. Tels sont les éléments essentiels à partir desquels la ville pourra se développer. Par malheur, les débuts nous échappent, une fois de plus ! On peut tout de môme affirmer que dès la fin du XIIIe siècle, l'espace bâti ne différait guère en superficie de celui de 1837. Certes, la rue de la Combe bordait alors des jardins interrompant la file des maisons, celle des Peyrières était juste amorcée et je ne peux affirmer que la rue del Rolhié autrement dit la route de Prayssac et Cahors ait connu Fig. 3 : Puy-t'Evôque en 1837. Il manque à ce plan quelques maisons situées au nord de la route royale n° 111 et l'église Saint-Sauveur. 1 - Constructions antérieures à 1530 environ. 2 - Constructions des XV!" et XVIIe siècles. d'autres riverains que des vignes et des jardins. Mais quelques audacieux avaient construit leurs bouges ou tapies au-delà du ruisseau de Clédelles du terroir de Golfech. A l'autre extrémité de la etlocalité, l'on venait la place chercher del Mercadial l'eau à la s'entouraitfontaine. déjà de quelques maisons LE FORT Castel ou clausura au XIIIe siècle, forta/icium ou reduch aux XIVe et XVe siècles, fort enfin du XVIe au XVIIIe siècle, il s'agit toujours du castrum proprement dit. Cette première enceinte de forme approximativement triangulaire avec deux côtés curvilignes enfermait une superficie d'environ deux-tiers d'hectare. Entre le front nord et l'extrémité sud de ce premier noyau, il existait une dénivellation de vingt mètres corrigée par des paliers successifs, le rocher ayant été entaillé pour aménager des terrasses portant les maisons. En 1837 - et bien avant cette date - le fort, plus ou moins désaffecté, avait subi bien des bouleversements, notamment de la part des Saint-Astier et des Losse, successeurs périgourdins d'une famille locale, les del Pech alias Licherie. La partie centrale du castrum à l'ouest de leur principale demeure avait été convertie en esplanade de jardins. Il est significatif que l'Etat des sections de 1838 enregistre cinq parcelles (B 1334 à 1338) sous une dénomination commune : Lisserie, regrettable effort de distinction pour accom- moder en français l'occitan l'Ichayria, la maison des Ichier, équivalent du français Hector. Ces parcelles occupaient à peu près le tiers du castrum. Le terre-plain qui portait une vigne en 1838 (B 1334) limité à l'ouest par un front rocheux reprenait au nord le tracé d'une fortification du bas Moyen Age dont subsistaient les parties basses de deux tours rondes témoins vraisemblables de la situation dominante des del Pech au XVe siècle (2), l'évêque ne faisant que de rares apparitions dans ce château situé à l'extrémité occidentale de la temporalité. Par la suite, les aménagements pacifiques des héritiers des del Pech font penser au castrum de Flaugnac dont la partie orientale fut sous l'Ancien Régime transformée en jardins pour l'agrément de l'archiprêtre (3). L'évêque quant à lui n'a cessé de disposer de la tour seigneuriale jusqu'au XVIIIe siècle. Le donjon a survécu, sans doute grâce à sa fonction symbolique mais aussi de façon plus terre à terre, en servant de prisons. Il a été sommairement étudié par A. Châtelain (4) qui en fait "le seul vestige du château épiscopal". En fait, dans un sens large, celui-ci s'identifiait au castrum du Puy. De façon plus étroite, il se réduisait au seul donjon et à l'aula contiguë qui servit peut-être de logement au châtelain ou capitaine. La tour romane aux savants contreforts emboitant les angles est difficile à dater faute de textes. Il est possible qu'elle ne remonte pas au-delà du premier tiers du XIIIe siècle. A une date inconnue, sans doute au cours du XVIIIe siècle, l'évéque attira les Capucins à Puy-l'Evêque. L'antique salle plus ou moins ruinée devint alors leur chapelle. C'est la partie nord de I.S.B.N. 2 - 87624 - 036 - X 165 F

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