La Croix -jeudi 11 juin 2020 CULTURE 21 Fin d’études inachevée pour essentiel Patrimoine T Réouverture de les étudiants en écoles de théâtre la tour Eiffel le 25 juin L’accès à la Dame de fer res- tera partiel, jusqu’au deuxième étage seulement, avec port du masque obligatoire pour les tComme tous adultes et montée uniquement les étudiants, ceux par les escaliers. Évoquant les des conservatoires « plus de trois mois, soit la fer- et écoles de théâtre meture la plus longue depuis la ont arrêté d’aller en cours Seconde Guerre mondiale », la à la mi-mars. société d’exploitation du monu- tPour les « sortants », ment précise que le nombre de l’entrée dans la vie visiteurs sera limité sur le par- professionnelle dans vis comme dans les étages. Les un monde culturel fragilisé montées se feront par l’escalier par la crise est un défi du pilier Est et les descentes supplémentaire. par l’escalier du pilier Ouest. « À l’annonce du confinement, on était en pleine répétition d’un spec- Architecture tacle que l’on devait présenter en Le centre ancien mars. On ne savait pas à quel point ça allait être définitif », se souvient de Reims classé Salif Cisse, étudiant en troisième site patrimonial et dernière année au Conserva- toire d’art dramatique de remarquable (CNSAD). Une fin de formation au goût amer pour ce jeune homme Le 28 mai, le ministère de de 26 ans : « La dernière année est la culture a publié un décret celle du bilan pour chacun de nous. classant SPR le centre-ville Elle concrétise notre recherche ar- historique de Reims. Une tistique. À cause de l’épidémie, on manière de reconnaître que termine l’aventure de manière in- la restauration, la réhabilita- complète… » En mars 2019, Ludmilla Makovski et Elsa Fafin, élèves en dernière année du Cours Florent à Paris, tion et la mise en valeur de cet Plusieurs écoles et conserva- préparent leur candidature à l’une des six Écoles nationales supérieures d’art dramatique. Ed Alcock/Myop ensemble urbain présentent toires ont donc fait le choix de « un intérêt public au point de prolonger l’année pour clore au louer d’autres salles, des théâtres tions sont désormais incertaines. Dans son allocution sur la vue historique, architectural, mieux la formation. Au CNSAD, pour répéter… On va s’adapter ! » « Les spectacles de fin d’année des culture du 6 mai, Emmanuel Ma- archéologique, artistique et les élèves sortants – une tren- Si l’assurance d’obtenir une fin de élèves sont des créations que l’on cron avait d’ailleurs évoqué le sort paysager, en raison de sa qua- taine – joueront leurs spectacles formation à peu près complète est peut ensuite retrouver dans des pe- des « jeunes créateurs de moins de lité patrimoniale », se félicite la à l’automne, si les conditions sa- acquise, les inquiétudes des « sor- tits théâtres parisiens et au festival 30 ans » qu’il faudrait, selon lui, municipalité. Plus de 3 500 im- nitaires le permettent. À l’En- tants » portent surtout sur leur “off” d’Avignon », appuie Frédé- particulièrement aider. Et suggé- meubles, situés à l’intérieur de satt, école d’art dramatique - avenir. « Au-delà de l’exercice ar- ric Montfort, alors que le « in » et rait alors de créer « un programme ce périmètre seront ainsi visi- naise, les 60 élèves de dernière tistique, les spectacles que nous de- le « off » ont été annulés cet été… de commandes publiques », sans tés en 2020 et 2021 afin de réa- année achèveront leur cursus vions présenter sont une chance de Débarquer dans un monde cultu- toutefois plus de précisions. liser un inventaire patrimonial « selon les parcours, entre octobre faire venir des professionnels : des rel quasi à l’arrêt depuis mi-mars « Dans nos métiers, la sortie de en vue de leur valorisation et et décembre », avance son direc- metteurs en scène, des agents… Au en préoccupe plus d’un. « C’est l’école est toujours problématique. de leur sauvegarde. teur Laurent Guttman, certains lieu de cela, on se retrouve seul à Les étudiants vivent un change- devant obligatoirement passer travailler chez soi », s’alarme Chloé « La situation que ment de rythme assez brutal que leur soutenance pour valider leur Ploton, étudiante en troisième an- la crise ne va qu’amplifier », dé- Cinéma T HBO master. « Mais toutes les écoles ne née au CNSAD, qui, pour l’instant, l’on traverse, aucun plore Laurent Guttman. Moins retire « Autant en peuvent pas se permettre de faire n’a pas d’agent. artiste ne l’a connue. de subventions culturelles ? L’im- emporte le vent » de sa tenir quatre promotions au lieu de « La dernière année est tour- possibilité de toucher les droits plateforme de streaming trois », souligne celui qui prépare née vers la professionnalisation, Rentrer dans ce à l’intermittence du spectacle et Qualifié par certains histo- activement la rentrée. confirme Sarah Delaby-Rochette, monde au moment de profiter de « l’année blanche » riens de « révisionniste », le film Un casse-tête auquel songe étudiante metteuse en scène à promise par le gouvernement ? adapté du fameux roman de déjà Frédéric Montfort, directeur l’Ensatt. Tout va être retardé. » Elle où il est sinistré, Un public plus frileux à venir au Margaret Mitchell fut un succès du Cours Florent, école de théâtre devait être engagée, en septembre n’est pas rien. » théâtre ? Toutes ces questions planétaire. Mais, en plein mou- privée parisienne qui forme et octobre, par une compagnie s’entrechoquent déjà. vement de protestation contre chaque année des promotions comme assistante à la mise en « On ne peut pas passer l’année le racisme et les violences po- d’environ 200 élèves : « Il va falloir scène, mais toutes les représenta- à pleurer, répond pourtant Cé- licières visant les Noirs aux comme si on nous avait préparés cile Feuillet, étudiante de 27 ans États-Unis, il est jugé malvenu à affronter un monde, mais que au CNSAD. Il va falloir repenser par HBO, qui prévoit toutefois Les dispositifs pour aider ce monde-là n’existait plus ! », re- notre rapport au public, revenir de le remettre en ligne prochai- lève Salif Cisse qui avait été sélec- à de plus petites scénographies… nement, accompagné d’« une l’insertion des jeunes comédiens tionné au Festival Séries Mania, à Ce qui nous attend reste une chose contextualisation pour resituer Lille. Il devait aussi présenter son intéressante artistiquement. » l’œuvre dans son époque ». travail de jeune scénariste au Fes- Opinion partagée par Chloé Plo- Lire aussi en page Débat et Sur les 13 écoles d’art dramatique reconnues en , toutes ont tival de Valence, en avril : « Deux ton : « Il faudra prendre toutes ces notre cahier Livres&idées développé des programmes d’insertion propre, mais semblables occasions manquées » de rencon- contraintes comme de nouveaux dans leur fonctionnement. trer d’autres professionnels. codes de jeu. » Voilà, finalement, le L’État participe à la prise en charge financière du jeune comédien « La situation que l’on traverse, grand enjeu, résume Laurent Gutt- pendant trois ans si, après avoir passé des auditions organisées aucun artiste ne l’a connue, ana- man, régulièrement en contact X sur la-croix.com dans des théâtres subventionnés, il est retenu pour un spectacle. lyse Claire Lasne Darcueil, direc- avec ses étudiants : « La crise ne t Cinéma. Sortie Le (Cnsad) et le Théâtre national de trice du CNSAD. Rentrer dans ce doit pas éteindre la flamme de leur en VOD d’« Il était (TNS) font ainsi partie du « Jeune théâtre national », monde au moment où il est sinistré, vocation ». une fois dans l’Est », dispositif d’insertion créé en 1971. n’est pas rien. » Guillemette de Préval de Larissa Sadilova