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“ La pratique du rap en Haïti : un lieu d’autoformation et de subjectivation ” Jean Evenson Lizaire

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Jean Evenson Lizaire. “ La pratique du rap en Haïti : un lieu d’autoformation et de subjectivation ”. Sociologie. Université Sorbonne Paris Cité, 2018. Français. ￿NNT : 2018USPCD086￿. ￿tel-02890531￿

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T H E S E pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L'UNIVERSITÉ PARIS 13 Diciie : Sciece de dcai

présentée et soutenue publiquement par Jean Evenson LIZAIRE

le 17 décembre 2018

Titre :

« La pratique du rap en Haïti : ie dafai e de bjeciai »

Directrice de thèse :

Christine Delory-Momberger, professeur à lUiei Paris 13

Jury

Mme. Béatrice Mabilon-Bonfils, fee lUiei Ceg Pie, rapporteur M. Alai Vlbea, fee lUiei Pai Naee, rapporteur M. Elizeu Clementino de Souza, fee lUNEB Bahia (Bil), membre Mme. Martine Janner-Raimondi, professeur à Paris 13, membre M. Mike Gada, dce e ciece de ldcai e igie de echeche lUiei Ceg Pie, ebe

Résumé Cee he e la diei dafai e de bjeciai de la aie d rap, deux aspects jusque-là inexplorés de cette pratique musicale. Elle examine la manière dont un individu lambda devient un rappeur compétent, selon les critères implicitement établis au sein de la communauté de pratique mise en place autour du rap dans le contexte haïtien. Elle éclaire aussi le processus de construction du rappeur-sujet en se fondant sur laale des données composites : textes de musique, vidéo-clips, matériaux biographiques construits à partir des entretiens de recherche biographique menés à Port-au-Prince, entre 2013 et 2016, auprès des ae aia e de fa de a la e Hai. La flei e ici da la lignée épistémologique, théorique et méthodologique de la recherche biographique. Les matériaux collectés permettent de comprendre que le devenir rappeur consiste en une articulation complexe de savoirs informels et de savoirs formels, de diffe e d ce dafai da leel le je aea e cf dfi de connaissance et un défi de i. Li de e musique engagée », le rap haïtien se révèle plutôt comme une « musique de lamentation i ie lie de dali deei de la fface de e pratiquants. E dae ee, défaut de servir de catalyseur dans de sérieux mouvements de biliai cllecie, cee ie e l deie des jeunes qui cherchent à eie le eie clee de dai, de dcei, de dei, dafflici, de rage et même de honte devant la iai chaie dHaïti. Le rap haïtien a donc une fonction un peu plus cathartique que politique.

Abstract

This doctoral thesis is based on the self-training and the subjectivation side of the practice of rap music, both aspects are until there unexplored in this musical practice. It examines the way that individual become a competent rapper, according to the criteria implicitly created in the community practice around of rap music in the Haii political and economical context. It also reviews the construction of the rapper actors, based on the analysis of composite datas: text musics, video clips, biographical datas picked up from interviews with rappers and rap fans at Port-au-Prince, between 2013 and 2016. The proposed ideas are developed according to the epistemological, theoretic, and methodological filiation of the biographical approach. The picked datas allow us to understand that being a rapper depends on complex relations between informal and formal knowledges, on deferent moments of self-training process in whishes individual is confronted with knowledge challenge and self-challenge. N eceail a egaged ic, he haiia a i a laeai ic, a way for haitian rappers and rap fans to express their pain. In other words, because it does not catalyze serious collective movements, this music is rather a way for young people who want to express their feelings of despair, affliction, rage and even their shame in front of Haiti's chaotic situation. The Haitian rap has a most cathartic function rather than a political one.

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Mots-clés Ra haie, ca deiece e de e, ace bigahie, deei rappeur, autoformation, processus de subjectivation, soi souffrant, « musique de lamentation ».

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Table des matières

Résumé......iii

Table des matières...ii

Remerciements.i Introduction ...... 1 Première partie : Exploration et contextualisation...... 9 Chapitre 1 : La culture hip-hop ...... 10 1.1 Qe-ce que le hip-hop ? ...... 11 1.2 Icii da lhiie ...... 14 1.2.1 La traite négrière ...... 15 1.2.2 Leclaage a Eats-Unis ...... 18 1.3 La musique afro-américaine, une histoire de fabrication...... 23 1.4 La naissance du rap et de la culture hip-hop ...... 31 1.5 Le développement du rap ...... 38 Chapitre 2 : Le rap en Haïti ...... 44 2.1 Legece du rap en Haïti ...... 44 2.2 Rap créole ou rap haïtien ? ...... 52 2.3 Lli d a e Hai ...... 59 Chapitre 3 : Le rap entre prénotions et constructions savantes ...... 70 3.1 Les appréhensions premières du rap ...... 72 3.1.1 Le versant indésirable du ap : la iolence comme agmen.....78 3.1.2 Le rap ou la reproduction des clichés sexistes et misogynes ...... 85 3.2 Au-delà des a priori : la pulsation rap a c de ciece haie e ciale .... 103 Chapitre 4 : Haïti, le diagnostic de la défaillance ...... 117 4.1 Un discours morbide ...... 118 4.2 Aux sources du diagnostic : des problèmes réels qui interpellent ...... 129 4.3 Le aiie de diai ...... 136 Chapitre 5 : Le chi d i ccee ...... 149 5.1 D hie : lde bigahie ce cagie aalie ...... 150 5.2 Ancrage théorique ...... 153

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5.3 Eléments de définition ...... 157 5.4 La cci d de bigahique ...... 160 Chapitre 6 : La société haïtienne :e ie d de bigahie dccea .... 164 6.1 Leiece de labad ...... 165 6.2 Un imaginaire de partance ...... 174 6.3 La dci d i ffa...... 182 Deuxième partie : Démarche...... 195 Chapitre 7 : Précisions méthodologiques ...... 196 7.1 Définition du «terrain de lde ...... 197 7.2 La construction des matériaux empiriques ...... 201 Chapitre 8 : Processus de mise en sens ...... 213 8.1 Profil des sujets rencontrés ...... 213 8.2 Posture autoréflexive ...... 226 8.3 Mhde daale ...... 230 Troisième partie : Compréhension ...... 235 Chapitre 9 : Le devenir rappeur...... 235 9.1 Le rap, un lieu de socialisation ...... 237 9.2 La construction du rappeur pratiquant :articulation de savoirs ... à travers une pratique 250 9.3 La ai de ae e le dfi de i ...... 273 9.4 Rci da-formation : le a e ie daci ...... 280 Chapitre 10 : Le rap : une voie alternative de subjectivation...... 288 10.1 La passerelle rap, un lieu de liberté ...... 290 10.2 Lacage e la ace bigahie d a haie ...... 296 10.3 Les figures du rappeur-sujet ...... 302 10.4 Engagement ou dégagement ?A de la fci liie d a haie 315 Conclusion générale ...... 330 Références bibliographiques ...... 340 Lexique......358 Annexes ...... I

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Remerciements

Cee he aai iible a la cibi icdiielle d ceai be de ee i aidé dans ce travail. Je ie eecie ce e celle i, de aie de ae, ei de mener à terme cette recherche. Que ma gratitude leur soit ici exprimée. Ce également lccai de eecie ce i aici ma formation et qui iffl e i lade di de gadi iellecellee e la cici e je ai aller le plus loin possible sur le plan académique. En ce sens, je remercie mon père Frédérick Lizaire et ma mère Ghislaine Léandre, de regrettée mémoire, qui ont su me témoigner leur confiance. Je remercie également ma belle-mère Carmen Boyer qui a tout fait pour convaincre la dieci de lcle aiale de L de icie e eie ae claie lge de 7 a. Ce ai ne noble occasion de remercier Maître Antonio qui ne cessait pas de témoigner a de e, aec laace la l fee, e jiai li da e de e e je deviendrais « el de eecable da la ci haiee. Jai i d e à découvrir combien ses propos étaient ancrés e i e el i il laie di daede. Me eeciee adee a diecice de he, Chiie Del-Momberger, fee e ciece de ldcai qui, en 2011, en accord avec Jean Jacques Schaller, maître de conférences HDR, a acceilli e UFR ciece de ldcai (ae MERFA) à lUiei Pai 13-Sbe Pai ci. Cela a ei elee de faie de de i ieaie aie ai de dcouvrir un cadre réflexif approprié à mes préoccupations intellectuelles. Je veux parler de la recherche biographique, un cadre théorique et épistémologique qui, dans le domaine de la production scientifique, accorde une grande considération aux expérience iglie de lidiid hai e ce e celi-ci fait de ce qui lui arrive dans les environnements socio-historiques et culturels dans lesquels se déploie son existence. Lecadee de a diecice de he a e belle eiece daeisage. La cfiace e la chei elle a ige de gade iace i

vii da cee aee iellecelle. P e ai fai leiece, je laai ci : dans cette eiece difficile e la aliai de thèse, un doctorant a grandement besoin de se sentir compris et estimé par son directeur ou sa directrice de thèse, très souvent un modèle à iie. Ce e-e l de l ia face de iai da la aliai de he. Je e e en remercier ma directrice de thèse. Je eecie ici Je Michel i a ig de aii a faille. Je le eecie ici pour son franc support sans lequel il me serait très difficile de faire ce travail. Il saura bien ce dont je parle. Mes remerciee adee ai la faille Lid, aicliee Maie- Michelle et Roseline Lindor qui se sont révélées sans bornes dans leur élan à toujours aider les autres. Je leur serai toujours reconnaissant. Merci de votre sincère amitié et de votre aide inestimable, mes dames ! Je suis particulièrement reconnaissant envers ma femme, Fanise Jasmin qui, par sa chei, e lile , cage, a aid aace da le lg ce de réalisation de cette thèse. Ces propos tiennent lieu de félicitation pour cette femme qui a tout fai aide alie e. Aec a fille Ea-Faelie, elle a souvent souffert des inconvénients occasionnés par la consécration de mon temps à ce travail de thèse. Il a fall cae dffe deli i aaie pu alie e ee e e lg j dde à Paris dans le cadre de mes activités de thèse ont créé un manque affectif. Je témoigne ici ma reconnaissance envers ma femme et ma fille. Je dis un grand merci à des collègue e ai i, a e e ede ce, aid bilie legie ceaie aace da aail. E ce e, je eecie particulièrement Smith Chéry, Jameson Primé et Sandy Larose. Un remerciement spécial et sincère est adressé à tous les rappeurs et fans de rap qui ont accepté de participer à cette recherche. Je ne cite pas de noms pour ne pas susciter de la jalousie. Sans eux, cette thèse serait impossible. Je e eecie aicliee le eca de lUiei dEa dHai ( jeece la fci de chag de c) i a c fiacie de dlacee lage da le cade de e acii de echeche. Je eecie galee lAgece Universitaire de la Francophonie pour le support financier elle a accd a le biai de lUiei dEa dHai.

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Je eecie dae cllge e ai i a idieable de moments difficiles. Je cite Edberge Valbrun, Djems Olivier, Gemson, Jules Armand Joseph, Gens François, Lesly Pierre, etc. Un remerciement spécial est adressé à mon collègue Johnson Ch e decagee e aide i ciee.

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Introduction

Depuis les années 19801, le a e aa e Hai e e geiee del j deei, lhee acelle, l de gee ica le l aci da ce a caribéen. A partir de la décennie suivante, cette musique a commencé à connaître une extension cidable le eiie haie gce legee elle a econtré surtout chez les jeunes citadins. En effet vers le milieu des années 1990, on a vu apparaître un ensemble de groupes musicaux formés de jeunes rappeurs __ parfois avec des rappeuses à leurs côtés __ provenant majoritairement des quartiers populaires de Port-au-Pice, la caiale dHai. Ce premiers groupes de rap ont disparu ai le e ee ce igage idlbile de la passion de leurs membres à vouloir évoluer dans la pratique de cette sonorité étrange pour l d le. Dae ae e de ge de a eg da le ae iae diaae le a ai cl le a de lai a d public grandissant, formé de fans friands de ce son scandé mi-parlé mi-cha. Ajdhi ence, il eie beac de ae e de aee i, idiidellee a ei d ge, ie ee de ie la ce icale haiee. U ca e dc certain : e Hai ce aelle rap créole » __ une appellation i ie de dcie __ continue de se développer en séduisant enfants et adolescents tout en gardant sa popularité auprès des jeunes adultes qui en sont devenus de fidèles adeptes ou de simples habitués. Ainsi le rap aura-t-il frayé son chemin da le ilie gce la faciai il a cie che le jee d fai de he e de a ce il chaie e ee de fige de le, de flow, de eage hicl, de ale, de de eieaie, ec. Cee ie ie bel e bie dans le décor sonore des villes et campagnes haïtiennes et accompagne des individus dans leurs activités ordinaires. Le delee de la aie d a e Hai aiai laei de ladlece e jai la fi de ae 1990. T agee, je me questionnais particulièrement sur les ai a elie lehiae de beac de jee ee ce gee ical. Mai mes interrogations demeuraient pendantes et je ne cherchais pas nécessairement de réponses. Il

1Vakans, le premier titre du Rap haïtien, a été produit par le chanteur Master DJI en 1982. 1 aa fall l de daie dae e labe iablee i eiie ee le a. E effe, a c de e de de ae 2 lUiei Pai 13-Sorbonne Pai ci, jai e li de lie caiace aec le i de echeche d centre interuniversitaire Expérience, Ressources Culturelles, Education (EXPERICE) qui se donne pour che, ee ae, daale le ce dlabai de ai fel aci a sujet apprenant au fil de ses expériences et des diverses ieaci il eeie aec e environnements historique, socio-économique, culturel et politique. Ce laboratoire de recherche iee galee a ce de cci de lidiid-je da leace liel il déploie son existence. EXPERICE accorde donc une place importante à la recherche bigahie d lbje e ie da lieface d iglie e d cllecif, aec fiali de rendre compte de la manière dont les individus élaborent leurs expériences et font signifier les situations et les événements de leur existence (Delory-Momberger, 2009). Voilà un paradigme i a ai e dele e e aiclie da a aie de egade le objets suscitant ma curiosité. De là étant, je suis devenu comme mieux outillé théoriquement pour bien formuler et cadrer mes préoccupations intellectuelles. En voyant dans le rap un véritable objet de réflexion pour les sciences humaines et ciale, ce a dclic difficilee eable, jai ae eeir sur ma première question concernant ce genre musical, cette fois-ci avec plus de détermination. Et je me suis ed ce e cee ei e eaai bie dae ceaiee. Ca e aii dans sa complexité, le rap, en tant que pratique musicale, exige un travail réflexif autour de ses diee facee. D l, ceaie ei e le e ilcable. E aea peu plus dans une réflexivité sur le rap, ma première question a subi une modification pour devenir plus précise. Je me demande quels éléments de contexte et quelles sont les pratiques et le cece (ie e e a le ae) i eee de cede le développement du rap en Haïti ? Face cee iegai, jai ci la cei de egarder de plus près le rap haïtien dans son sens et dans sa portée politique. Dès ses premiers balbutiements, le rap haïtien a servi de canal à ses pratiquants pour eie le difficl de le cdii de ie. E effe, ai de aale ee sur ele ee elea d a e alifi de ceaaie, e bee e ce e ee e eege le difficl deiece de l di, celle de jee des quartiers populaires, qui sont sans emploi pour la grande majorité et qui ne bénéficient

2 dac gae de eci ciale de la a de la haie. Dae ble cia y sont abordés : la iai de efa de e, la dgadai de leiee hie, le rapport de domination entre iche e ae, lecli e la igaiai de l ae, le de dagiee de gea, le dcli de ale ale, ec. Ce , ee ae, de idicae d diagic elicie a ele ae, leel diagic eie travers un slogan très révélateur : « granmoun yo echwe »2 [Les aînés ont échoué]. Ce ce le ca a Ea-Unis et en France (Lapassade & Rousselot, 1990), si le rap e deace ce jee Haie faie eede e ale différentes modalités de le eiece, ce ai d dcli de la dicae de Dalie e 1986 (Rdel, 1994) il li a ible de e dele. D l, l ced e ce da le cee de libai de la ale il fa ie leei d a e Hai. E effe, a 29 a de dictature, la population haïtienne réclamait de la justice sociale, du progrès socio-économique, de la aaece a ei de ladiiai blie, i liie de e dcaique die le li e la libe deei , ec. Le ae eb le a de lii blie die le aie ce i le e deai e di. Le combat que mènent les rappeurs contestataires à travers leur muie e a pari gagné davance, à bien les écouter ; ils luttent non seulement pour le respect et la valorisation du a haie ai ai la ecaiace e la aliai de le ale e a aie. Bien établies en sciences humaines et sociales, les théories de la reconnaissance (Honneth, 2002 ; Châtel, 2007) peuvent permettre de saisir le sens de ce type de eage : efa de condamnés à lieiece ciale, ces rappeurs cherchent à se faire connaître et à faire reconae le ale a ei de leace ci-politique. Ils tentent de défendre leur dignité à travers la pratique de ce genre musical. La résistance de ces acteurs a permis au « rap créole », de connaître un succès évident depuis la fin des années 1990. L de ige de ce cc e peut-être la tentative de certains politiciens de chercher de la popularité en mettant à leurs côtés un ou plusieurs rappeurs connus lors des campagnes électorales3. Je me demande dès lors comment et à quelles conditions le rap haïtien a évolué en tant que pratique sociale pour se créer la lace il a acellee dans le contexte haïtien. Dans une tentative de réponse à cette

2Ce ie e i de lalb Jiskobou de Baikad Ce (2008), l de ge de ae le l laie en Haïti actuellement. 3 Lors des élections présidentielles en 2010, le rappeur très connu Izolan a participé activement à la campagne de la candidate Mirlande Manigat. 3 question, on ne peut ne pas prendre en compte le point de vue des principaux acteurs, en lccence les rappeurs haïtiens, concernant leur pratique musicale. Il est important de comprendre quel sens le rappeur accorde à sa pratique. Cette question fait appel à des réflexions bien alimentées non seulement sur le rapport que ces acteurs développent avec cette musique ai ai le eeai e aie il eeiee a de celle-ci. Malheeee e dde cace a a haie. Le ae fleis qui ont porté sur cette pratique musicale dans le contexte haïtien sont des travaux académiques4 de niveau licence et de master. Il y a donc un très grand vide à combler en matière de recherche ccea la aie d a e Hai. De aie l gale, e cae il eie un déficit flagrant de productions scientifiques autour des pratiques musicales existant dans ce pays. Certes, il existe quelques rares travaux de recherche où sont mis en exergue des éléments de réflexion sur le compas direct (Negrit, 2000). On peut citer ce fae ee lhistoire du style musical haïtien (Dahi, 2014) i e cd d aail ia ali a lhiie haie Jea Fchad (1988). Mais ces travaux se révèlent nettement insuffisants tellement il y a matière à creuser dans ce champ de recherche e Hai. De l, ac dee e e e ie aii le e e le ace accde le aie icale i la manière dont ceux-ci ee cie le ai-faire dans le domaine. Tout se passe comme si, dans ce pays, le aie icale aie cha dieigai reléguer au second plan. Pa, la ali haiee a d lie diea aa de echeche da le cha de ciece haie e ciale. Relea la la de lhiie, des sciences politiques et économiques, de la sociologie des religions, ces travaux portent le plus souvent sur le processus de constitution de la nation haïtienne (Trouillot, 1986 ; Barthélemy, 1990, 2000), lidlgie de cle (Labelle, 1978 ; Giafferi-Dombre, 2007 ; Morquette, 2014), la culture haïtienne, avec un accent particulier sur le vodou (Price-Mars, 1928, 1956 ; Hurbon, 1979, 1987, 2002 ; Caii, 2001), lcie haiee (Jachi, 1979 ; Anglade, 1984 ; Mathurin & al, 1989 ; Francisque, 1986), les mouvements populaires et les périodes de transition politique

4Premièrement, je cite Jameson Primé qui a réalisé son mémoire de master 2 en sociologie sur le rap haïtien en 2012 lUiei Pai 8. En 2015, Sandy Larose a réfléchi sur « Le hip-hop en Haïti (1982-2010) : de la lutte pour la reconnaissance à la construction socioculturelle , bei dile de aie lUiei da dHai. E 2016, Lel Piee a galee présenté un mémoire de licence portant sur « La place du rap kreyòl dans la construction identitaire de ses adeptes e Hai la facl de ciece haie de lUiei da dHai. 4

(Pierre-Etienne, 2007 ; Paul-Austin, 2012 ; Michel, 2012), la violence politique (Gilles, 2008), ldcai (Ji, 2007; Fai, 2010), laei d a (Rainhorn, 2012), etc. Ces travaux, en di de le gade iace laale de a cifie de la ali haiee, comportent une faiblesse majeure : ils ne permettent de saisir ni les multiples retombées des transformations de la société haïtienne sur les individus en particulier, ni les modalités bjecie de cei de effe de ce ai fde e bee. Il ffe a cadre opérationnel permettant de comprendre les pratiques sociales qui rythment le quotidien des individus. Celui ou celle qui prend pour objet de réflexion les pratiques musicales en Haïti doit composer avec ce fait. Dans un tel contexte, un travail de recherche portant sur la pratique du rap en Haïti est une contribution modeste mais utile. Une telle étude a une double utilité scientifique et sociale. En effet, la musique rap peut être considérée comme une fenêtre ouverte sur certains aspects de la dynamique sociale haïtienne ; a de la lace elle cce da le idie de e fa, jeunes et nombreux, cette pratique musicale mérite une attention soutenue. Une compréhension claire de la place du rap auprès de ses adeptes pourrait être un atout pour les décideurs qui daie ee e lace e liie clelle e Hai. Rdige la diei da- formation et de subjectivation du rap haïtien, cette présente thèse peut être prise pour une dee cibi la echeche cieifie da ce daie. Ce ai e dee contribution aux savoirs construits sur le plan international autour de ce genre musical car ces de aec a ece el da le aa de flei diible la musique rap. Ce i ieelle aicliee da la aie d a e Hai, ce le formes de savoirs et de savoir-faire que les rappeurs construisent en évoluant dans le champ. Plusieurs auteurs sont unanimes à reconnaître que le rap est une pratique où sont mises en idece eeble daide de la a de aia (Laaade & Rel, 1990 ; Molinero, 2009). A vrai dire, exercer en tant que rappeur requiert des capacités spécifiques : pouvoir improviser, développer des habiletés linguistiques __ par exemple pouvoir utiliser un registre et un argot particuliers __, pratiquer une certaine oralité poétique, maîtriser des techniques récitatives, savoir se mettre en scène, etc. Le DJ (disk jockey), quant à lui, doit pouvoir maîtriser des techniques de piratage sonore e de iage, ce-à-dire faire des ailai aelle d die eea dbei de effets sonores répétitifs, rythmés,

5 des ralentissements de cadence, des effets de bégaiement, etc. De ce fait, je peux avancer que le rap et la culture hip-h e gal cie de iable eace labe de ai e savoir-faire. Or, les rape aia a ai faie d a da diiif fel lab cee fi. Il agi l de fe de ai aci de aie ifelle da e aie i a a alablee cie aec la fiali de eee lidiid daede. Pa cee aie eece e iflece deiae laea. Je ddi e le a e a e aie ciale clee, aec eiel deffe dcaif, cie lidiid i ade e e ce di daede. Nai, il e agi a ici de iflece ilaale : e e e e lidiid acie de fe de ai fel -formels à travers sa pratique, il contribue également à la construction et à la déconstruction-reconstruction permanente de celle- ci. A partir de son travail autour du concept de «lieu apprenant », J-J. Schaller (2007) a montré que les « lieux » se forment et apprennent constamment comme les sujets qui les pratiquent. Une telle idée me perme deiage de aii le diee fe daeiage i e e a le ae aec egad aiclie le je die-influence qui se jouent entre celui-ci et sa pratique. Dans ce cadre-l, je iege a d deei ae e d processus de construction des savoirs qui circulent au sein de la pratique du rap. Comment devient-on rappeur pratiquant ? Il e clai e ie i e e a affie ce ae, e i ce a aeiage ifel le deie. Le devenir rappeur est un processus complexe daiclai de ai, de ai-faire et de savoir-être ; ce ce di ce i iee en réalisant cette thèse. Sur cette voie, je suis confronté à des questions difficiles. Par exemple, à quelles conditions et à quel moment un individu lambda devient-il un rappeur à part entière ? Comment reconnaître un rappeur digne de ce nom ? Si avant de devenir rappeur on a été fan du rap, qelle e la liie ee laaeie e le feialie da le rap ? Plus précisément, ce cee de ae aae deei ae feiel ? Jai e de e ele le de e ce eiee. Mai l particulièrement, je me suis laissé guider par une question principale : à travers la pratique du a, aed le ae e ce ci-il ses apprentissages en lien avec sa construction en tant que sujet aea ? Cee iegai a ei de fil cdce a cours du processus de réalisation de cette thèse. Elle va de ai aec lide d aeiage bigahie lidiid dgage iiablee e chei e e eeai de

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e aie e de die ee i ae eiece e a ace, e définir, se positionner et apprendre de son environnement socio-historique, culturel et institutionnel (Delory-Momberger, 2009, op.cit.). La réflexion proposée se base sur des données composites construites à partir des textes de ie, dae e aiie et des entretiens de recherche biographique menés a de igaie de ae e de fa de a la P-au-Pice. Jai dabd procédé à un travail de confrontation de mon objet __ et des diverses questions qui laccage __ à un ensemble de ressources théoriques, tout en analysant un éventail de ee d a haie e dae gee ica e aia e Hai ; eie, jai e de eeie a de ae e de fa de a. T a c de la hae deeie, il a eu une itération incessante entre les éléments théoriques mobilisables et les données collectées auprès de mes informateurs. Les informations ayant été recueillies et organisées dans mon cadre daale, je le ai eie a de e ifae das le souci de leur faire un retour informatif. Ainsi ai-je ifie de ifai e jai ie alablee. Efi, jai cd ecd iea daale bje a ai e lie aec le die aia issus de la phase de restitution. Mes analyses se situent dans la filiation théorique, épistémologique et méthodologique de la recherche biographique, courant de recherche qui vise à saisir la singularité du parcours de lidiid da de cee cihiie e liie articuliers. Je me suis aicliee f de aa de echeche a laeiage ifel e ciece de ldcai, lheeie (Gdi, 2006 ; Bee & Thad, 2008), la engagé, la biographisation (Delory-Momberger, 2009, op. cit.), laci cllecie, le ce de subjectivation, etc. Grâce au dispositif méthodologique mis en place, jai ee e idece le fe daeiage e e ecaie le ae haie ae le pratiques, des éléments de leurs expériences construites et de leur vécu biographié. Da a dache i e e aliaie, jai ci la cei de ce un espace de dialogue respectant et valorisant la parole des acteurs concernés car ils sont mieux placés pour détermine le e de le aie e de ce il aee ae ce il f. Il a, e sous-baee de elle e, la ecaiace de eigece dde hie e ilgie iia e a be da de a priori et, donc, dans le ige d réductionnisme aveuglant (Mercier, 2004). Ainsi, la recherche biographique a contribué à saisir

7 la clei d a da a diei dafai e de bjeciai e cida le spécificités du contexte historique, socio-économie, liie e clel dHai a c de trois dernières décennies. Cette thèse se compose de trois (3) parties et de dix (10) chapitres. La première partie cie e eecice delai e de cealiai eea de ie la aique du rap en Haïti. Les deux dernières parties portent respectivement sur les précisions relatives à la hdlgie ade cllece le de e le aale e ieai e je ai dégagées. Les six premiers chapitres abordent le rap et la culture hip hop en général, les particularités du rap haïtien, les discours profanes et savants auxquels ce genre musical donne lieu, la situation socio-cie dHai e le eeai ciale i e dcle e détour théorique par la i d « ordre biographique » pour mieux appréhender les caractéristiques de la société haïtienne actuelle. Aux 7e et 8e chapitres, je présente en détail la dache ee ee lde. Efi, da le chaie 9 e 10, jai ai respectivement des questions concernant le devenir rappeur et la dimension de subjectivation du rap. Ce dernier point ouvre la voie à une déconstruction de la notion de « musique engagée » en ea bje daale la aie d a alifi de conscient » et celle de la « musique racine » dans le contexte socio-cie, liie, clel dHai de 1986 j. Ceaie cidai e eee de e ce e jaelle e musique de lamentation », une notion beaucoup plus appropriée alifie ce e l dige ce une musique engagée en Haïti.

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Première partie : Exploration et contextualisation

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Chapitre 1 : La culture hip-hop

Pa d fai ignificatif. Il y a exactement 39 ans depuis que le single rap Rappe Delight a été produit. Cette musique a été très vite popularisée aux États-Ui dAie. Cai idbiablee cc. U cc daa l gad e iaed e cai la eie cha de a, c deai i allai cibe fae la ie le laaie d gee ical e, l lagee, de cle baie : le hip-h. Qeed-on par la culture hip-hop ? D ie cee cle ? Qe-ce que le rap ? Autant de questions qui ie de abde et clarifiées au préalable. Car si la culture hip-hop et la musique rap ont fii a ede ae le de j ice da la ie diaie de be idiid, il e a a facile de le dfii. La ie a fai ece lbjet de i, de accci e daalgae i e cfi. Ce i il e ia dae ici, la cla de a flei, de le de dfiii, de ie e cee e de claificai i eee dclaie le cs de la culture hip-hop en général et du rap e aiclie. Ce le ai de ce eie chaie de aail. Jiie le lece ede caiace de aiae aee, celle de legece e de leai de la cle hip-hop. Ainsi verra-t-il liicai ee la dci de cee cle de e da le cee sociopolitiques qui lui ont donné naissance et certaines pratiques de vie de ceux qui, consciemment ou non, ont contribué __ et qui contribuent encore __ à son élaboration et à sa diffusion. Il e agi a ilee de eace lhiie d hi-hop et du rap ; ce serait peu pertinent da la ee dae aa abdae e ce je. Pgeiee, le lecteur sera certes amené à découvrir à quel point ces travaux sont utiles pour camper les cadres de legece e d delee de ce aie. Mai i e diige beac l vers une compréhension de la manière dont les porteurs de la culture hip-hop, particulièrement les rappe, ee die e aie clelle i a e eie e e ade da die eci de la lae. Ce e hiie de fabicai e de ai caice. Ree ai elle abiace bigahie a fai laaii de la culture hip-

10 hop ? Ce l la liae diible cee ei e le idieable. Pe-il y avoir, en effet, une pratique sociale dépourvue de toute histoire ?

1.1 Qe-ce que le hip-hop ?

Entre les termes « rap » et « hip-hop », il y une différence ; il e a ai de le cie d le eie abd. Ca lage de ce de ee ee afi e de cfi, pour ceux qui ne sont pas habitués au lexique du rap. On peut parfois entendre parler du terme « hip-hop music », ce qui ne manque pas de renforcer les confusions. Il est nécessaire de définir ce de i iededae. Ce dabd a abde la cle hip-hop » pour eie la ie a a la ie a. Pea de lagot noir américain, deux mots se combinent pour nommer une pratique multiforme : « hip » et « hop ». Le « hip » dérive de laicai hep » qui veut dire « être affranchi, à la cool » (Bazin, 1995 : 17). Ce ag de rue partagé par les Noirs des ghe aicai. Ce de de ale e caacie a lage d type particulier de vocabulaires, de styles, de rythmes, etc). Le second terme provient du verbe « to hop (i igifie ae, dae). Ce e le eae, laciai de ce deux mots (hip-hop) semble, à première vue, ne pas signifier grand-chose. Il faudrait se référer à lhiie e le aie e chaie ce c i l claiee. Ce d permettra de nous rendre compte de la construction de se d a fai lbje la i de hip- hop aa e de ece ce e aie clelle lielle. Ligie d ee le de cee. Fab 5 Fedd ie laaii d ee hip- hop » au milieu des années 1970, dans une phrase que DJ Hollywood aimait lancer à partir de ic daiae ; ie de ceaie a die il faiai e, il diai souvent : « The hip-hop he hipp hipp hpp hop and o don op » (Fab 5 Freddy, 1992: 63). Da S.H Fead (2000), lage d ee hip-hop » est un peu plus ancien : des jeunes Afro-Américains y recouraient dans les années 1950 pour parler des soirées dansantes. Selon lui, le pionnier Afrika Banbaataa aurait procédé à la redéfinition du terme hip-hop au milie de ae 1970, ce ai de l e celi-ci a i le e de cle baie lidieielle. O iliai le lgie dabd da e ca de aia e dadee aa de lie da la lage diaie. De multiples re ee e e la ei de ai ce e ce e le hi- hop. En effet, le hip-hop peut renvoyer à la fois à une culture de rue, à un mode de vie, un style

11 vestimentaire, une danse, etc. Hugues Bazin a voulu rendre compte de la complexité de cette pratique en lui reconnaissant « n langage, ne manie de ie, n a depi, de igne de econnaiance, le enimen dne appaenance eendie o aibe, ne hioie, ne mémoire et une prospective, une économie. » (Bazin, 1995 : 17). Cet auteur voit dans le hip-hop une culture populaire, un mouvement de conscience et des expressions artistiques. Il a le mérite dai e ee le idicae i ie eee de aii lei d hi-hop en tant que pratique multidimensionnelle avant de le schématiser comme il est courant de le faire. Il ale d a dei e a hi-hop ; e ae ce i l deai, e pratiquant du hip-h, clie e aiclie diii de, laelle et liée à des modes de ie e deei aiie, de aide, ec. Aci le de ie, la aie de a, à des modes de discours qui traverse celui-ci, la dei cibe, el Bai (ibid.) faie la force du message et des pratiques artistiques du hip-hop. Il marche de pair avec un ensemble daide iie clie : des manières de penser, de parler aux autres, de saluer, de aifee eec ledi de ge, ec. Par ailleurs, il y une manière de parler, un langage de rue qui permet de reconnaître le hip- h. Le le deei, la ee e la ichee de ce lagage e l de aec i aie beac l daei. Le lagage d hi-hop se construit continuellement ; il emprunte ses vocabulaires à des scènes de la vie quotidienne, à des avancées technologiques, à la terminologie de di deegiee, la liae claie, ec. Aii, il aliee geiee. Il a eeble de ee i, aaea la cle hi-h, aie ie da le langage ordinaire : le bea, le fl, le ibe, le ale, le cach, le clah (accchage, dispute), le « beef » ou « battle » (bataille), les lyrics, free style, le break, le sound system, le ce, ec. Lag d hip-h e a fig ; il labe e e fci de g, de chi e de la caii d ace. Me i le aia die lagage i ee de lacie la cle hi-hop, il a quand même une particularité quant à la manière de eie. Ce i fai e la iglai d aia d hi-h, ce iea de lagage, le deei, le cablaie, le il chii, ec. Ca, iil agi de liliai d lagage e cede ue tout un ensemble de facteurs concourent à deie le le aiclie d idiid : lhiie, la cialiai, le eiece iglie, les relations interpersonnelles de celui-ci aa de aae il fa aale i l veut comede i il ilie el e de cablaie. Pa eele, el il e i

12 comme un rappeur bad boy el i fai a di conscient , le lagage d pratiquant ne sera pas le même. Le premier sera beaucoup plus enclin à faire usage d vocabulaire le plus souvent qualifié de « vulgaire », comprenant de gros mots. Tout compte fait, on peut dire que le langage du hip-hop se nourrit à partir des singularités mais il parvient en même temps à garder une particularité que partage tout pratiquant ; ce ce i fai e, a e manière spécifique de parler, on peut reconnaitre un pratiquant de la culture hip-hop. Un autre indicateur contribue très souvent à faire reconnaître un pratiquant de la culture hip- h, ce le le eieaie. Si lhabi e fai a le aia d hi-hop, dans une certaine mesure, il permet tout au moins de le reconnaître5. La culture hip-hop est souvent associée à un style vestimentaire particulier. Les pratiquants et adeptes portent généralement des vêtements et de chae de elaiee lage, de bcle deille, de caee ce e, ec. Ceai ee le f d chi feee li e d le d e a laie. Si un style vestimentaire, un argot et certaines attitudes particulières peuvent permettre de reconnaître un pratiquant du hip-hop, ils peuvent tout aussi bien conduire à une vision caricaturale de cette culture urbaine. Qui dit vision caricaturale, dit très souvent idées arrêtées, prénotions, jge e dc iibili de elle chei. Ce la ai laquelle il faut prendre une distance critique quant à la manière de regarder le hip-h. E ce pourquoi aussi jeie ceaie de cece e eai de la clre hip-hop de cette aie e diaie, ce-à-die e aia laei le ige diicif eea dideifie aia d hi-hop. Mais ne restons pas là. Dépassons cette manière apparemment « naturelle » de parler du hip- hop. Cee e e daille j ceaie le l eaie dahede le fai humains (Albarello, 2003). On admettra ici que le hip-hop est à la fois une culture de rue, une chronique des ghettos, un mode de vie et un mouvement artistique. Approché comme tel, on peut parvenir à en développer une meilleure compréhension. Le hip-hop est une culture urbaine clee i ced a gahie, e de dae (beak dace, f), e aie daiai icale (le DJig) lie pe de chansons mi-parlées mi-chantées, dénommé « rap » (Lapassade et Rousselot, 1990). On parle généralement de ces « quatre

5Un rappeur comme Doc Filah e l clbe a ilici e aie dhabillee. 13

éléments » pour définir le hip-hop. Parfois, on y ajoute un cinquième : le beat boxing, une pratique qui consiste à reproduire des sons par la voix humaine. Il e difficile de cede le aie ciale lie le de cae d hi- h a aii lei de cee cle clee. O, e aii lei il fa ceaiee ee e cade degence. Ainsi, je me pose la question spécifique de savoir quelles sont les conditions de possibilité de création de la culture hip-hop. Pour répondre à cette question si complexe, il me semble obligatoire de remonter au contexte socio-économique, politique, et culturel du pays qui a vu naître le hip-hop en son sein, les États-Ui dAie, e eaa dabli de lie aec dae le de cee ceible de claie. Ce cee che e je ale da la aie iae.

1.2 Inscii da hiie

« Un ap ne ignifie ien il ne acone pa dhioie.» (Jeff Chang)

La culture hip-h le de adii de cai eeee a de Af-Américains depuis plusieurs siècles ; elle se trouve intimement imbriquée dans leur histoire et, donc, dans lhiie de Ea-Ui dAie. Cee hiie ee e deee icable lil agi dahede de aec de la ie de deceda dAficai le l aicai. Ca lhiie d he ai ia e le hi-hop ne saurait se réduire à une émergence fie i e cae da le liie d ia i eai daiee cae __ la deuxième moitié de la décennie 1970 __ comme on a tendance à le faire de manière si expéditive, lil agi de ie la cle hi-h. Il a a de aie clelle a de e humains qui charrient une histoire toujours en train de se re-construire, pas de pratique sociale sans un enracinement dans un temps j cde. P le die aee, lhiie de aie clelle de hiie de ci aa e le celle de idiid (Del- Mbege, 2004). Je e ie feee cee ide fdaeale i e eia de fil conducteur a c de cee aee fleie ccea la diei de cai e da- fai d a. Aii, e ei ie : elle hiie chaie le Af-Américains

14 qui ont forgé la culture hip-hop ? Convoquons quelques faits historiques pour y proposer des éléments de réponse.

1.2.1 La traite négrière A ligie, il a aai la cae, le ckage, le a, la ee i liealiai de Aficai le l aicai. De aie iededae e sont mises en place depuis le début du XVIe siècle par des pays européens, une fois conquise la partie du monde dénommée à dessein le « Nouveau Monde » : la aie e leclaage de caif aficai. Ue cie allai e ee e lace a de la aie e de leclavage eda de ae icle, ce i a a a de ge de g bfice a fi des pays colonisateurs (Williams, 1968). Amère pour les captifs africains mais enrichissante le iaie eie e achad declae, cee aventure a été précédée des « découvertes » par des navigateurs européens de vastes territoires jusque-là méconnus ou ignorés. Elle devait se poursuivre entre le XVe et le XVIe siècle à mesure que se développait leliai d Nouveau Monde , lisue de partages de territoires entre les puissances européennes. Le « nouveau » continent suscitait de grands intérêts économiques et représentait des enjeux majeurs entre les pays colonisateurs. Il a fallu poser des balises de e de ee-tuer, même si cela a a fai ech il ai de gee e Amérique entre les puissances coloniales. Aussi y a-t-il eu un ensemble de traités signés entre celles-ci dans le souci de réglementer le commerce des Africains déportés en Amérique (Lengellé, 1967) : le traité de Tordesillas adopté par les Portugais concernant la conquête du Bil, le ai dAie ccl a le Eagl aec le Hlladai e le Aglai, ec. Mais la concurrence était toujours rude entre les puissances coloniales. Dans une instruction de Jean-Baptiste Colbert au directeur de la Compagnie des Indes Occidentales datant de 21 juin 1670, on peut lire ceci : « Po le pl de aiea de la Compagnie, il fa elle le poe en Gine po avoir des nègres en quantité ; et examinez quel avantage ce serait si, après avoir fourni deux mille o enion il fa dan no le, la Compagnie en aai encoe de ae mille po poe a Epagnol de ee feme, an ne machandie il ne efen jamai e ils achètent des Hollandais de Curaçao très chèrement. » (Lengellé, 1967: 78)

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Le de caif aficai a dcid, alg e, dei 1502, le lEage a i la dcii dgaie aiellee la aie de Ni e le clie d Nouveau Monde ». Cette entreprise répondait à une nécessité exprimée plus tard dans la XIIe lettre du Voyage à lIle-de-France de Bernardin de Saint-Pierre, selon son regard : « Je ne ai pa i le caf e le ce on nceaie a bonhe de lEope, mais je sais bien que ces deux végétaux ont fait le malheur de deux parties du monde. On a dépeuplé lAmie afin daoi ne ee po le plane ; on dpeple lAfie afin daoi ne nation pour les cultiver. » (Lengellé, ibid, p.77). Ladi de ce de dgaiai rationnelle » du commerce des captifs a contribué à la ie e lace d e de dhaiai e deliai ace de e hai à des fins économiques. Et lorsque plus tard, au XIXe siècle, dans les champs de coton, de tabac, du sud des États-Unis un besoin en main-de e faiai ei, le gie __ bateaux qui aaie le a ee lEe, lAfie e lAie __ étaient encore là pour fournir des « stocks didiid ca e Afique et transportés en Amérique (Fanelli, 1989). Le commerce des captifs était alimenté par des habitants des côtes ouest-africaines, dans des contrées baptisées de Côte-de lO, Ce-dIie, Ce de eclae a le achad declae (She, 1976). Le nom des personnes capturées devait changer également ; une fois arrivées à la destination finale, elles ont été dénommées sous le nom de « nègres ». La main- e eile a ece da lAfie d Cee-Ouest (Congo et Angola), le golfe du Bénin, le golfe du Biafra (Nigéria), la Côte-de-lO, la Siea Lee e, da e ide ee, la Sgabie e lAfie de lE. Da la liae elaie la aie de Ni e leclaage a Ea-Ui dAie d Nord et dans les Antilles, les livres qui portent sur les conditions de travail des personnes réduites en esclavage sont beaucoup plus nombreux que ceux qui décrivent ce qui se passe avant laie d caif da la clie. Da le aail aicliee eaable, Cery- Vidrovitch & Mesnard (2013 : 103-126), se sont attelés à la tâche de décrire des aspects tout ai ia de la aie ce lebaee de caif da le gie e la aee de lOca Alaie l de le dai e Aie. La description faite par ces auteurs suffit à nous permettre de nous faire une idée du choc que pouvaient vivre ces gens qui, avant leur capture, vivaient leur vie dans leur village, à leur rythme et à leur goût.

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Liés avec des lianes, les individus capturés arrivaient à pied ou en pirogue, selon la distance à aci aeide le debaee e lAie. Il eaie de li. Le navires passaient plusieurs mois à attendre suffisamment de captifs avant de débuter le grand voyage; ils se eliaie geiee. Il aiiaie e he, fee, efa, e e dae achadie deiai d Nouveau Monde ». Au fur et à mesure, ils se transformaient en de véritables « parcs à nègres » qui emportaient également dans leurs cales de lhile de ale, de lea, de ie lca ce le i, ligae, le age, le baae, etc (Coquery-Vidrovitch & Mesnard, ibid., p.106). En attendant une cargaison suffisante pour démarrer, les captifs sont « stockés » dans des comi ea dee. Le e daee ai e lg, ce i cliai la che de ebe de liage ca ee e augmentaient les risques de maladies, de tentatives de suicide et de révolte. Réduits en esclavage, les captifs étaient ea, ce-à-dire marqués aux fers dans leur chair par des signes distinctifs, puis amenés dans le navire. Enchaînés, dépouillés de leur vêtement, ils devaient passer trois à cinq mois voire 7 mois dans ces conditions (Coquery-Vidrovitch & Mesnard, ibid., .108) j ce e le aie i ffiae eli dbe la aee de lAlaie. E l, la aee e iai, da lie dae e e dae chagi. La aee de lAlaie accagai de bie de ipéties. Départ forcé pour un hi ic e ed. Sel Redike (2013), ae illi dAficai fai iie __ hommes, femmes et enfants __ aeaie lAlaie da ce eible cdii devenir une main-de de ae gatuite en Amérique. Le e achai he habiel, le hee geaie le e a le ae. Les jours défilaient selon leur ordre habituel et le navire était là sur les océans à croiser et remuer les vagues de la mer, fixant le cap e lAie. Ue Aie iche, iche deace e de ece aelle. E le caif, echa, e aie iagie ce i le était réservé sur cette terre de destination. Une fois à destination, le bateau accomplissait sa mission : délivrer la marchandise. Ainsi devait commencer une autre étape du cheminement de la cargaison de captifs. Cee be decii eeige e le cdii deiece de caif africains déportés en Amérique ; elle met en évidence quelques aspects de leur vie, une maigre eiece il aie cda ee a fi d e deliai : « leclaage ». Après leur arrivée dans la colonie, le tourment des captifs était loin de

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achee ; leur mésaventure est teintée de c de fe, de ag, daaia, de e e dhiliai, de dhaiai, ec. Ce ae le elai e ieaci quotidiennes avec les propriétaires que leur vicissitude allait se poursuivre dans les colonies britanniques.

1.2.2 Lecaage a Ea-Unis A db d XVIIe icle, lAie aai e bei de ba faie fcifie les vastes territoires occupés par les colons. Des Européens ont contracté des engagements auprès de riches propriétaires en se mettant à leur service en échange de leur transport en Amérique (William, op. cit.). On les appelait des « Engagés » qui recouvraient leur liberté après un temps de durs labeurs. Laie de eie Aficai le l aicai ee 1619. E effet cette année-là, dans la colonie de Virginie, des colons anglais achetèrent 20 Africains à des marchands hollandais. Onze esclaves noirs débarquèrent 5 ans plus tard à New Amsterdam ; ils dépendaient de la Compagnie des Indes Occidentales. Leur travail devait contribuer à la mise en place des infrastructures de la colonie. En tant que travailleurs manuels, ils avaient pour tâches de travailler dans les routes, décharger les bateaux, etc. Entre « engagés e eclae, il aai a de différences significatives. Travaillant dans des conditions extrêmement difficiles, ils ciaie e ai de eile, abdae e b ach ; ce qui importait le plus aux e de iche iaie, cai lageai de la dci e, dc, le fit à tirer. Plus on cultivait la terre, plus on avait des bénéfices ; plus on récoltait des bénéfices, plus le aail de eclae e de egag deeai d. Le cdii deiece de ce de catégories de travailleurs peuvent se résumer en trois maitres-mots : misère, exploitation, maltraitance. Dans les années 1620, on a commencé à faire venir des femmes africaines à New Aeda. Cai e ele e e e la caie de Hlladai face e éventuelle mixité raciale dans la colonie. Mais cette décision visait aussi à apporter un peu de cf a eclae aficai, e ige de ceai le aail i e l indispensable pour la survie de tous dans la colonie. Les déportés africains se convertissaient au christianisme ; leurs enfants devaient être chie. La eligi ciai e le eclae i daccde e l gade

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age de libe ca il aaie chie e di a e lac la eide d ae chrétien. Ils cherchaient à se faire baptiser, à se marier, à baptiser leurs enfants, etc. Da le clie de Vigiie, de Maache e de Ne Aeda, le a declae e a ece claiee dfii. Le ee die e eclaage aie fie d flou lgal i caaciai le iai cheche e a daie da le clie. Certains ont même traîné en justice de riches marchands blancs ou même la Compagnie des Indes Occidentales pour des salaires non perçus. Parfois, ils obtiennent gain de cause6. Leurs revendications apportaient parfois des résultats. La Compagnie des Indes Occidentales leur a c de acelle de ee il aie clie a fi de le faille. Ceeda, il devaient rester à la disposition de la cagie e li ae ib. Cai e ele e une semi-liberté. Les hommes et les femmes noirs continuaient à mener une lutte pour leur liberté et celle de leurs enfants. Ce ai de ae 1640 e de diffece igificatives commençaient à apparaître au niveau du traitement accordé aux travailleurs el il ie Blac Ni. La couleur de la peau a progressivement été renforcée comme critère de différenciation au lieu d ca i ajeiai le aailleurs à leur maître. Dorénavant, les travailleurs blancs y gagnaient en privilèges. Ce tournant a été marqué par un fait occasionnel rapporté par Danté James7. Trois hommes qui faisaient le même travail sur la même plantation tentaient de fuir leion de leur maître : un Africain, un Hollandais et un Écossais. Ils ont traversé la frontière de la Virginie avec le Maryland. Après quelques jours de fuite, ils ont été capturés, ae e jg. La l hae c de jice de la clie le acce daoir causé de lourdes pertes et un grave préjudice. La décision de justice a été remarquablement discriminatoire : les deux travailleurs blancs ont écopé de quelques années supplémentaires de servitude et le travailleur noir, la servitude à vie. Or, à cette année-l, il aai ace ii lgale la servitude à vie. Cette décision de justice aura ouvert la voie à tout un ensemble de lois qui dciaie le cdii de ie de aaille i e ablia e e efa leclaage et le racisme anti-i da le clie aglaie dAie. E 1661, e Vigiie, le premiers « Codes noirs ecaie fficiellee liii de leclaage. Qae a plus tard, 1665, les États de Maryland et de New York ont à leur tour légali leclaage. Da

6 Voir le documentaire Leclaage dan lhioie de Etats-Unis réalisé par Danté James. Consulté en ligne le 1 décembre 2015 voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=Bfacs8M-QhI 7 Ibid. 19 ce e cie ba eeiellee leclaage, la couleur de peau est devenue, à le, face de l e l deia. Sel le li (Vigiie), ia la cdii de sa mère tout enfant noir naîtra libre aei. Il ai e l ed. De l, la ie d he i ea diffee de celle d he blac, e e aa gag a libe. On peut bien le comprendre, même en se faisant « chrétiens , cela a ie chag a iea du sta e da le cdii de ie de eclae. P de l d de edace fondée peut-e e ceaie chei de la eligi chiee, lEa de Vigiie a e ad, e 1667, e li i ilai e le Ni aie a lib de leclaage a le fait de se faire baptiser (Southern, op.cit., p.11). Cee ggai aciale geiee iie da le clie aglaie dAie a die de ee de cle a d lccai de lile ca dijice8. En 1664, les Anglais ont ôté la ville de New Amsterdam aux Hollandais ; il l ebaie du nom de « New York ». Comme toutes les autres colonies britanniques (Maryland, New Jersey, Massachusetts, etc.), New York établit peu à peu sa production économique sur leclaage e ia leele de la Calie d Sd i a fficiellee ai leclaage en 1669 à partir de sa constitution. Vers 1690, leclaage ce e de aail a l la servitude par contrat et les populations noires qui y sont assujetties sont devenues des réserves de ai de gaie, leclae a bie aiel aa e ce il di a travail. Au cours de la première moitié du XVIIIe siècle, les lois se durcissaient à leur encontre. Leclae aai di i aede lie e cie, i e dlace libee. Il aai a le droit de quitter la plantation pendant la nuit, fréquenter les Blancs et surtout les Blanches, se ge a laiai d ae, e de armes, etc (Coquery-Vidrovitch & Mesnard, op. cit., p.150)

8Dans le documentaire de Danté James, il est fait mention de ce cas : « En épousant une femme libre de couleur noie, Thoma peme e enfan de nae libe. Une de fille appelai Fance, ne en 1677. Bien elle oi née libre, elle était quand même asservie à un planteur et forgeron de la région du nom de John Brouwer. France entre en service du forgeron en 1694. Plus tard, la même année, elle se retrouve devant les tribunaux accusée de fonicaion. Le nom de on paenaie ne pa l. La jene Fance, ge de 17 an, e condamne 30 cop de foe. Qi pi e, a eide John Boe e polonge de de an. Plie moi colen aan e France ne retourne devant les tribunaux. Cette fois-ci, on lacce daoi e n enfan en deho de lien d mariage. Ce deen de pl en pl compli po le Noi libe dobeni gain de cae dean le ibna. Fance Dragus accusait ce maîe de le pe de on enfan e le ibnal ne olai pa lenende. Le jge efaien daccode d cdi la paole dne ngee i lhomme i laccai ai blac e i cai lae. La alle a lge da ac le e le jge dcid de ee laffaie e ha lie. E aeda, elle a été de nouveau condamnée au fouet. [] Son maitre en a eu assez de France et lui a servi un autre homme. »

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Si leclaage ai he agial da le clie aglaie dAie a c des années 1620 (Oakley, 1985), à la fin du XVIIe icle, il e gali e on a observé une augmentation spectaculaire du nombre de bras qui devaient concourir à faire marcher le système économique alors mise en place dans ce pays (William, op. cit.). Il y avait un grand besoin de main-de da le laai d Sd e le lai blache taient trop peu nombreuses et non motivées pour accomplir les tâches que nécessitaient les travaux idieable a delee de a. Il a dc fall beac de ba. Ce da ce cee e la aie e leclaage de Aficai d e légalisés et massifiés. Da le clie biaie, leclaage ai ecag : ladiiai cliale cai l de ee celi i aai l declae. Pl le cle e delaie e rapportaient des bénéfices aux propriétaires, plus on importait des esclaves dans les colonies. La eie cle i a fai leai de leclaage da le Malad e e Vigiie f celle du tabac. Au XVIIIe siècle, cette culture a connu son apogée et a cédé la place au développement de la production du riz en Caroline du Sud. La culture du riz fut la principale production des colonies du Sud à la fin du XVIIIe icle e le ece dacii ilia l de ai de eile. La cle de lidig ceiai galee beac declae. A cee même période, il y eut un écart significatif entre les sept colonies du Nord et du Centre et les six clie d Sd. Da Ce-Vidrovitch & Mesnard (op.cit., p.150), sur les 570 000 esclaves qui travaillaient dans les 13 colonies en 1780, plus de 520 000 se répartissaient entre les six colonies du Sud (Delaware, Maryland, Virginie, Caroline du Nord, Caroline du Sud, Georgie). Le de la cle d c, d db d XIXe icle j la gee e cei, a grandement favi leai de leclaage. Ce aadal e ce e e cee ide ccide aec lablii de la aie de Aficai ( ai de a 1807). Le abliiie eaie d e leclaage diaaai a la ei de la aie négrière. Legece de la cle d c le l aicai a fai e dje le aee. E effe, cee cle cedai bie a bei de lidie biaie e aie premières et représentait donc un champ économique très prospère aux yeux de riches iaie. Daa e dei 1793, il a e liei a Eli Whie d cotton gin », une machine qui pouvait désormais faciliter la tâche de séparer la fibre du coton de sa graine. La culture du coton a en quelque sorte révolutionné lcie aicaie ; en fait, elle nécessitait

21 dae face cliable e beac de ai-de. Aii, f de ee ciace de la population servile9, il y a eu une forte augmentation du nombre des esclaves qui sont passés de 1 200 000 en 1810 à 4 000 000 en 1860 (Coquery-Vidrovitch & Mesnard, op. cit., p.152). Cee ae eile a ci le de lcie de clie biaie ai elle ai forcée de travailler dans des conditions épouvantables : mal logés, mal nourris, fouettés à mort, pour les moindres écarts, la majeure partie des esclaves travaillaient dans les plantations du lever a cche d leil. Le eclae aaillaie aie j le a fi de le maîtres. Il a fall aede lae 1865 e leclaage i lgalee abli a Ea- Ui, i ei ef dceie a la fdai de ce a e a a eai. Cee ablii a cde de gee ciile la de gad cfli di ee le Ea du Nord, industriels et anti-esclavagistes, et ceux du Sud, eux-mêmes agricoles et partisans de leclaage. Aec lablii de leclaage, le Af-Américains ont été soulagés de leurs chae. Lace lgal le a fai e e il bie e ai dee ledeai eille le gie. Le lagee aai cee dcii e aae baal ce i a c leclaage. Mai e ee e ce ai a la ide de che pour une personne qui a passé toute son existence dans la servitude dans un système socio- cie e liie e ie eblai iible ie iiagiable a leclaage li ai e ce ici da lde ael de che. Très peu de ceux qui pouvaient se réjouir de cette victoire politique en 1865 ont eu le e deede ale de ii lgale i f de Ni aicai de cie a entière. En effet, il a fallu un siècle pour que les Afro-Américains, après nombreuses années de luttes, puissent être autorisés à jouir des mêmes droits civiques que leurs homologues blancs à ai de ladi d Civic Rights Act en 1964 et du Voting Act en 1965. Certes, il y a eu un e de i a lablii de leclaage le Ni aicai aie ge la libe, ae le dlice d e-pour-soi sans redouter les claquements et meurtrissures des coups de fouets dans leur chair. Mais à la fin des années 1870, ils étaient délibérément

9En 1850, la moitié de la population avait moins de 20 ans, le taux de fécondité était de 9 enfants par femme et il y avait une faible espérance de vie. Les maîtres encourageaient la natalité en raison de leurs besoins en main- de. (Voir Coquery-Vidrovitch & Mesnard, ibid., p.153).

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écartés des urnes avec une entente entre Républicains et Démocrates qui confiaient, en 1877, la franchise électorale non au gouvernement central mais plutôt aux États. Andrew Johnson, le ccee d ide Abaha Licl, e e deade il ai « raisonnable de pene e ae million declae i iennen je de pae de la eide la libe possèdent des qualifications nécessaires qui leur donnent titre aux privilèges et immunités de citoyens des Etats-Unis. » (Fanelli, op.cit., p. 13). Entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, on a assisté aux Etats-Unis, à une exacerbation du racisme anti-i e liiialiai de la ggai aciale lece des Afro-descendants. Cette période reste déeiae da lhiie de ce-ci ; ce i jai a a a, eda lge, difle le c de le ie. P le bei de lageai, je eieai ccicee de aec d dliee de leiece collective des Afro-Américains, de la deuxième moitié du XIXe siècle à la fin des années 1960 : la ie e bale de le eiel de cai ae leele de la ie e le le laciai. Jabdeai le ecd aec l li, lil ea ei dicie legece de la cle hi-hop dans son contexte socio-économique, politique et culturel. P lia, abd e ei iae : a-t-il de caif da lhiie de Af- descendants américains ? Autrement dit, pourquoi faut-il parler de « création » ?

1.3 La musique afro-américaine, une histoire de fabrication

Lhiie de Af-Aicai e a elee ae a le aa fc, le c de fe, le edai, le hiliai, bef, a la déshumanisation et la réification de he e de fee la ea ie. Cee hiie cie dae ide i e déroulaient au même moment où ceux qui ont été réduits en esclavage enduraient péniblement e e dee a ei d stème esclavagiste instauré dans les colonies britanniques et, plus tard, aux Etats-Ui dAie. La lge ide de ggai aciale iie liiee a d lie dae aee i a a de ae cee hiie. Les épisodes continuent encore de prendre forme dans les interstices de la réalité des Noirs américains au gré des oscillations du tempo politique de la société américaine. Les modes de croyances, les événements comme la naissance, les obsèques, la fréquentation des lieux publics, les divertissements collectifs, les relations interpersonnelles avec les maîtres, les modèles de cii de elai iie ai le eclae, le de digai la elle

23 société, le rapport à la langue des maîtres sont autant de moments10 qui donnent une cfigai deeble le ac bigahie. La ie ee e deee l de aec fdaea d dliee de leiece de Afro-Américains. Celle-ci est tellement riche, elle implique tellement de noms et deiece igificaie, il eai iible de la ace da elee ele age de ielige e deie. Ici da ce dce, il agi je de be eai qui me permettra de bien situer la culture hip-hop et, plus spécifiquement, le rap dans la longue tradition de création musicale des Afro-Américains. Da le ce d eaie le d aficai, la ie e he de ie et de danses. Musique et danse mache de ai e, el le elae de le, il aai dans ces endroits-l dibable dae i e aiaie el le ee e le circonstances ; il y avait un type de musiques et de danses pour chaque occasion : le mariage, les cérémonies religieuses, les rites de fertilité, la guerre, la mort, etc (Southern, op.cit., p.27). En Amérique, que ce soit dans les travaux forcés sur les plantations ou bien lors de grands mouvements de mobilisation collective, la musique a toujours été pour les Afro-Américains un e deei de le eage e de le eie. T e lage la dae, la ie e ai le ce ia caale. T da le cac aec le esclaves, les maîtres blanc le age fa a liece de la ie dans la vie quotidienne des déportés africains (Southern, op.cit., pp.13-27). Les créations musicales des Afro-Aicai eg a g de lli de le cdii deiece ; à différentes époques et dans divers contextes socio-économiques et politiques, ils c die gee ica ceai da e aiace dae, e fi i e place un cadre propice à une autre forme de création. Les déportés africains sont arrivés en Amérique sans instruments de musique. Mais ils ont emporté avec eux, enfouis dans leur mémoire et dans leurs modes de vie, des airs et refrains ancestraux, des traditions musicales entretenues jusque-l da le illage. Cait en quelque e idcible e le ae a le eie alg le diee ae agie le diee, aai ce il aai daheiee aficai » en eux (Oakley, 1985. P.17). Les propriétaires declae iaie aec la e de le i

10 La i de e e eed a e e li a aib Ri He, ce-à-dire un espace-temps cie, e he aiclie daci i aicie de lacii d idiid d ge didiid.

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gaie, ecie le aie clelle e e lee ce le aeiee. Ce e eea le eadiaie ale, e faia e e de biclage, e e fabriquant leurs propres instruments que les opprimés sont parvenus à fabriquer des genres et styles musicaux inouïs, véritables moyens pour exprimer leur réalité quotidienne, leurs eie le l fd, ae e eae la de de le cdii de vie dans une Amérique esclavagiste et ségrégationniste. Dans leurs pratiques créatrices, les personnes réduites en esclavage se sont servies de tout ce qui était à leur disposition ; il suffisait de trouver de quoi chanter, de quoi produire un son qui puisse accompagner des paroles eia de a de i ee i le fce de ie dee. La perméabilité relative entre la culture occidentale et la culture africaine (Giordano, 2007) a donné lieu à une longue pratique de fabrication dans laquelle la musique du maître a été aie e afe j deei ele che digial. Le de eie fe musicales qui allaient découler du brassage entre chansons européennes et traditions africaines a été les «negros spirituals , e dalliage ica dont les racines se trouvaient bien plantées dans les livres de psaumes. Importés en Amérique depuis le XVIIe siècle par des colons de traditions protestantes, les psautiers étaient très répandus dans les colonies britanniques ; après de ae de ii, le cha deeaie ie ce. Ce cha iaie ellee elle aie ee da de cie caace blic ce le leci, laieaie d i, ec (She, op. cit., p. 33). Elles ont grandement contribué à catéchiser le eclae el le eci de ladiiai cliale. Ce le ae chie, il aie chae de caie ai lglie la ai. D 1730, ai d Gad Réveil (Great Awakening) initié dans les colonies, il y a eu un renouveau : de nouveaux chants plus vivants, les hymnes, sortes de poèmes religieux, ont remplacé petit à petit les psaumes tirés directement des Écritures (Southern, op.cit., p.39). Les psaumes et les hymnes étaient liés à la prière ; ils auront rempli un rôle considérable dans la vie des Noirs qui en ont fait des chants de cf e dei. Il ei la ca ie de e de e de ede cciece de son existence (Denis-Constant, 2010). Les Negros spirituals proviennent de la transformation progressive des psaumes et des hymnes ; ils constituent un type particulier de chants religieux ai a le ca ie ie i aie e deei de leurs peines quotidiennes, un réconfort moral qui fortifiait leurs espérances dans des jours meilleurs où ils pourraient être enfin libérés de leurs chaînes et de leur misère.

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Nai, il aai a e le ae e le he chae ; les colons du Nord chantaient aussi de vieilles ballades européennes et divers chants de métiers (ceux des tisserands, des marins, des « sucriers », etc). Ils avaient des versions yankee des ballades anglaises (Southern, op. cit., p.45). Les Noirs pouvaient ainsi reprendre les chansons populaires des Blancs à leur manière. Ils les mélangeaient à des airs africains et cela enrichissait leur répertoire quotidien. J la fi d XVIIIe icle, il aai la diace de la ie cale da le colonies britanniques ; il semble que les années précédentes ne prêtaient pas trop à la musique de concert ni au bal car les gens étaient trop occupés aux durs travaux que nécessitaient leur iallai da le clie. A ceai e de lli de illes, diverses formes musicales allaient émerger ; le cl aie dai ee lgaiai de bal e dae ecacle. Il aie l de e cace la ie et se procuraient de l die de ie : des violes, des violons, des épinettes, des hautbois, des guitares, des flutes, des pianos, des harmonicas, etc. Dans les milieux urbains, les écoles de musique et de danse allaient se mettre en place et, à la campagne, ces pratiques artistiques se répandaient grâce de ae i e dlaaie de laai cliale e ae. E 1731, le igal de départ était donné : il a e B le eie cce blic de lhiie de clie, un concert de musique pour divers instruments » (Southern, op.cit., p.30). Bien évidemment, on e die e ce lacee a fai lg fe a egad de ce e eee lhee acelle le marché musical américain. Les musiciens de couleur ont dû attendre longtemps avant de pouvoir performer sur la scène officielle du show business américain. Leur musique allait être découverte par le public à partir de ieai e faiaie de Blac dea blic ci de Blac aae deie. E effe, ai de ae 1820, de iee blacs se mettaient à reproduire sur scène la musique et la danse des Noirs sur un ton ironique en se noircissant grossièrement le visage, en imitant le langage jugé lourd de ces derniers (Fanelli, op.cit.). Portant le nom de « Minstrel Show », ce type de specacle e ie ad da le clie d Nd, Ne York principalement, pour connaître un grand succès à Londres dans les années 1830 par le chee de eai de Ji C, l de eage le l clbe de ce h railleur et populaire. Il suffisait de bien observer les modes de vie des Noirs vivant dans les caage e de fa de ale e de habille, de e cel, de

26 cadences, des manières de chanter pour caricaturer le « Noir » devant un public de Blancs en e de diaci. O e le i le dei ce da le affiche de le : le Ni ai e ce hade hide a iage de ige de la cle de charbon. A partir de 1855, les Noirs commençaient à se mettre de la partie et à la fin du XIXe siècle, ils jouaient pour des publics blancs. Cette immixtion des Noirs dans les Minstrels Shows ciaie e de ce dadii e dadigee. Marc-Aurèle Vecchione11 commente : «Des Blancs qui imitent des Noirs pour faire rire les Blancs, des Noirs qui imitent des Blancs i imien de Noi po faie ie le Noi, de Noi i fon ie le Blanc en imian eux-mêmes. Le show business américains est né de ces bouffonneries où le racisme se mêlait ladmiaion. » Leai de Miel Sh aa e lie i aec le delee d ble e d jazz. Il est important de souligner que loin des mises en scène des Minstrels Shows, au sein des campagnes, dans les tréfonds des plantations, le quotidien des Afro-Américains était rythmé par des pratiques musicales bien ancrées dans leurs habitudes. Ces pratiques musicales constituent en ele e e aice i aliee le dci clelle e icale. Le de coutumes nourries dans les zones rurales était les « work songs », ces chants entonnés à longueur de je a de aaille e ai de dfiche de eai daae de cle le laai. Ce cha de aail e hiage aficai ils ont longtemps gardé ; ils peuvent e be da dae a de la Caabe, a eele e Hai l de la i de corvée12. Ue ee lace de ale e le ae de e ch ; le même leader ou une autre personne peut lancer un autre chant quand le premier parait épuisé, selon le ressenti du ge de celi i dcleche dae ale. Si cee adii eie da ceaie ce le de deceda aficai, eeble daec e dele constituer la spécificité du groupe en question : le cdii de ie (leace ggahie,

11Marc-Aurèle Vecchione est le réalisateur du documentaire Black Music. Des chaines de fer aux chaines en or produit par Program 33 et Arte France en 2008. Consulté en ligne le 7 décembre 2015, à partir du lien suivant :https://www.youtube.com/watch?v=ruzajPgpc3E

12 Une corvée est un système dgaiai d aail agicle. 27 le, le e de aail effece, le de de ie, ), la lage, la ali d eie disponible, etc. Les chants de travail des Afro-Américains comportaient des extraits de « Neg spirituals e dae fage de cha i a e l da le eiece quotidiennes. A travers ces chants, ils exprimaient leur humanité et leurs souffrances ; ils ecageaie e-mêmes, parlaient de la liberté à laquelle ils aspiraient tous. A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, dans les communautés noires, on a assisté à la montée des « strings bands , ce-à-dire des groupes de musique utilisant des instruments à cordes : guitares, mandolines, violons, banjos et, moins souvent, violoncelles et contrebasses (Fanelli, op.cit., p. 26). Ces formations musicales étaient surtout sollicitées lors de fêtes publiques et privées, les pique-niques, les manifestations publicitaires, etc. Elles avaient un eie dieifi ace elle iaie da le Miel, le ballade e da dae aiae icale dj iee ai de liiai de Blac ce le cake-walk et le ragtime. Il existe un lien étroit entre les « work songs , le ig bad e legece d ble et du jazz sur le territoire américain. Le ble e leei de dble libe. Il a de a celle de beac de musiciens afro-aicai de le de la gégation, ceux qui vivaient un peu à leur guise, a die de fe fge de cea a he ile, iee e i ale e daie de bae de ee. Dae a, li de e ie fige ce pour être apprécie e adie lia de la ie claie eee, le ble eie la liberté dans sa manière de mettre en mots le vécu de ses pratiquants. Il détient un contact permanent avec la réalité de ses pratiquants ; comme la vie, il évolue et, en tan eei de leiece bjecie de ce-ci, il se modifie incessamment (Springer, 1999). Le blues est dc ce ceaie libe d el. Ce le ial le icie i i aie ee e cha de aec ia de eiece. Ce i lhiie de cette musique est intimement liée à celle des travailleurs noirs, pauvres et illettrés, enfermés dans les plantations de cotons du Sud des Etats-Unis. Le blues est y longtemps resté confiné avant de gagner les villes. Il a connu un grand essor à New Orléans, une ville cosmopolite où se rencontrent francophones, anglo-saxons, créoles, chansons espagnoles, fanfares napoléoniennes et tambours africains. Cette musique a fini par envahir les grandes salles des villes. A cette épopée restera associé le nom du trompettiste Budd Blde i a a ie eegi. Si

28 le icie de Ne Ola le gade e ie, ce ace il le a ai la bea d ble. E ce e liia e dae icie ont créé un autre genre musical, plus complexe qui a fini par conquérir le monde : le jazz. Le jazz puise dans trois sources essentielles : le eg iial, le ble e le agie. Le ragtime fait référence à un style musical joué principalement au piano, inventé à la fin du XIXe siècle par les Noirs qui ont eu accès à jouer au piano dans les salons de la bourgeoisie blache. Ce le ical ie de laiai a le Ni de ie ee. Au début du XXe siècle, il y avait un bouillonnement musical dans la Nouvelle Orléans où Blancs, Noirs et Créoles __ métisses de parents blancs nés dans la Caraïbe ou mulâtre dans le lagage aicai allaie j eeei ee e e de ccece e aie de le production musicale, ce i a gadee bfici leichiee d ja al aia (Bergerot & Merlin, 1991). Les Créoles capitalisent sur leur éducation musicale tandis que ceux qui sont nés en Afrique priorisent la spontanéité. Dans le climat de cette effervescence artistique, un pas a été franchi, qui devait être utile à la postérité : le ge blac lOigial Diielad Ja Bad e e e di deegiee le 26 fie 1917 (Bege e Meli, ibid.) Probablement la plus savante des musiques poplaie, le ja fai e d iea de clei lie la gade diei de e ce, ce-à-dire les negros spirituals, le blues, le agie, la ie de fafae e dae habide hie de lka, de ache, de quadrilles, etc. Le jazz a connu un succès fulgurant et mondial. En effet, propulsé par la trompette de Louis Armstrong __ jeune délinquant couronné roi de cette nouvelle musique __, il a a ce de gagner les grands salons des villes du monde depuis les années 1920. Depuis la Première Guerre mondiale, des centaines de milliers de Noirs du Sud, parmi eux des milliers de musiciens, ont immigré vers les villes du Nord des États-Unis. Bientôt la scène des Night clubs de New York et de Chicago sera envahie par des jazzmen à la peau noire. La radio diffusait cette ie i e ceai daie le ge de e le clae ciale, ce i efai ece a agai. Le ja a aei e lAie eie gage dae ille ce Pai, Londres, Berli, ec. Pl ad, elle deai ie dai da le cia, le ilie huppés, etc. Mais la capitale de cette renaissance extraordinaire était Harlem, une ville remplie daie alee i aiaie le clb le l fe. C Clb ee l de igh clubs les plus célèbres du monde de cette période-l e l eieda le de Dke Ellig

29 qui performait devant un public uniformément blanc13. Cette période de victoire de la musique noire a été marquée par une ambiguïté majeure : « les musiciens noirs pouvaient dominer la cne dan le clb chic mai il naaien pa le doi d ene comme clients14. » Ce aade ee e cae da lhiie de clbi ie da le cee de la ségrégation raciale aux Etats-Unis15. Néanmoins parallèlement aux ambiances festives et le grand enthousiasme animés par le jazz dans la « haute société » dans les années 1920, la musique la plus populaire au sein des communautés noires, le blues, continuait de servir de moyen deei de icie l dcie la de de le cdii deiece e daliee la jie de ce il aie cide ce de biehee (Sige, .ci.). Ce cee e e e la chaee de ble Beie Sih, couronnée impératrice du Blues, chantait ses tristes musiques. Dans ce survol rapide concernant le processus de création de la musique noire aicaie, je ai a al d Be-B, d Sig, d Fee ja. Je ai a l al d « gospel song », chant évangélique non réservé au temple mais plutôt tourné vers la scène. Cette musique a influencé la musique populaire noire américaine durant tout le XXe siècle ; elle a engendré dans les années 1950 un genre musical profane, la « soul music ». Combinée au swing et au blues, le « gospel music » a donné naissance au Rythm and Blues (R&B) dont les décalques allaie de aiace a Rck Rll, da eie e jg musique de nègre », bce, lgaie, ailiae le Blac, eaa lrdre établi, et qui devait disparaître16. Je ne veux que mentionner rapidement le nom de James Brown qui a sorti en 1968 Say it loud Im a Black And Im Pod, e ie eia e e de fie, e eie de eec au-delà de sa couleur de peau. Comme on peut donc bien le remarquer, les pratiques engendrées et entretenues autour de la musique afro-aicaie e a labi de idlgie, de ale e de a de pouvoir construits dans la société américaine. Nul ne peut prétendre saisir la complexité des phénomènes émanant de ces pratiques musicales sans tenir compte de ce fait. Il faut tenir compte

13Marc-Aurèle Vecchione, op.cit. 14Marc-Aurèle Vecchione, op.cit. 15Je veux e ici leele de laf-deceda Jack Jh, l de l gad be de le temps, qui a rencontré toutes sortes de persécutions pour avoir défié les Blancs dans le championnat du monde des id ld eda de dceie e, surtout, pour avoir osé se marier à une femme blanche. Voir Jack Johnson, le champion qui divisa l'Amérique réalisé par The American Lives Film Project, film documentaire visionné le 5 décembre 2015 à partir du lien https://www.youtube.com/watch?v=XVpkfgbI0Pg 16Marc-Aurèle Vecchione, op.cit. 30 de cee ali l eed flchi dae diei de la ie da dae contextes socio-historiques, politiques et culturels. Dans le cadre de cette réflexion, on retiendra que la musique noire américaine a connu un grand essor depuis le début du XXe siècle ; dans les ae 1960, elle e accage d gad la de caii. Leffeecece aiie constatée parmi les Afro-Américains dans cette période-l a d lie dae fe de cai. Ce da cee ace bie cie __ elle-même placée dans le contexte économique et sociopolitique des Etats-Unis __ il fa ie legece de la culture hip- hop.

1.4 La naissance du rap et de la culture hip-hop

Laaii e le delee de la cle hi-hop ont été une aventure de création; ce e hiie i e cee de e iee e eaece ae le icle faits et gee igificaif de e ea e a g de le diii dei e de c, de e technologiques disponibles, des circonstances de mise en branle de leur savoir-faire, etc. La dynamique de cette création est si subtile et imprévisible ai ellee deiae e l peut facilement être tenté de parler de « hasard l e cide le dail. Llabai progressive de la culture hip-hop et, en particulier la constitution du rap en tant que pratique musicale, restent e effe ffe daecde i li de gligeable i l entend remonter aux expériences qui y ont donné lieu. Cette histoire est donc celle de laiclai de petites nouveautés » successives toujours renouvelées qui émanent du processus de construction des savoirs et savoir-faie de aia ai de elaie de degie caice iei e habie le aie. Labdae liae diible la naissance du rap et de la culture hip-h e gal a-t-elle pas suffisamment contribué à ee e idece la dcee e le le de alie de techniques » dans le processus de constitution de ce genre musical et de cette culture urbaine qui ont pu conquérir la planète ? Le récit dont il est question concerne prioritairement des individus animés de goûts musicaux aiclie, dehiae de de ie e diii caice. Legece d hi- h ice dc elee da le cade l glbal de la cci de aie culturelles des Afro-Aicai ai galee, de aie l iglie, da lhiie de idiid i l fg. Ce je ai ee de le e da le lige i ie, cee histoire implique des lieux et des pratiques de vie, des institutions, des avancées technologiques,

31 de ai ci e aag, ec. O laa ci, le delee de la cle hi-hop e d a e a a de lile eecice de ee, de de, dee, deieai e de dcee da liceai. En prenant connaissance des conditions de naissance du hip-hop, il est possible deei ceai mythe fondateur basé sur un discours officiellement endossé par la quasi- totalité des textes qui abordent cette question. Il y a des nuances près, bien évidemment. Etabli de manière relativement confortable dans la littérature scientifique, ce « récit de création » prend un caractère mythique bien que, très récemment, un contre discours est venu le remuer de sa tranquillité en y voyant et en dénonçant une effroyable imposture (Cardet, 2013). Avant de voir ce il e e eacee, ce a e hiie ae i a fai j le primordial dans la culture hip-h. Ce cee hiie i cie aadalee le mythe fondateur de cee cle baie e l ece ajdhi da beac de eci d monde. Le, la fi de l 1973, Clie Cabell, deie ia Sd e17, faisait bouger une centaine de riverains, dans le West Bronx, très probablement, il ne pensait pas il ai e ai de ede a e hiie ie. Lgiee, il li ai l facile de ee il e faiai e ede eice a Cid Cabell i lai ee e dage e gaiant une fête pour les enfants et les adultes de leur quartier, dans une modeste alle (Chag, 2006). Clie e eai a il ai e ai de e faie 18 et que celui-ci allait être associé définitivement à une culture urbaine dénommée plus tard le « hip-hop ». Aîné de faille de i efa, lge de 12 a Clie Cabell a lai a aal, la Jaae, ejide a e ialle ele ae aaaa Ne Yk. Cai e 1967. Neie Cabell, a e, a fai ce daes Jamaïcains qui partaient à Londres, à Toronto, à Miami et à New York pour fuir les violences politiques et la précarité sévissant alors da le a, e e de eillee cdii de ie (Hach, 2006). Clie e iall da le quartier de Bronx ; l il deai ige da eiee caaci a la ae e par la violence des gangs rivaux. Il devait surtout transformer son image de petit campagnard,

17 Système de son. Dispositif acoustique bile d lage a dj fe e Jaae. 18Le daie de Clie e Kl Hec, ede il e daille fg geiee a adlece, e fci de ele eiece aiclie. Lhiie d chi de ce ede e ace dans le livre de Jeff Chang (2006 : 92-115), l de eille age lhiie d hi-hop, dont je me suis grandement inspiré.

32 soigner son accent, apprendre les coutumes du Bronx, pour ressembler aux autres adolescents il feai. Ue fi a Ea-Ui, l de eie dfi e Clie deai elee cai de ale ce le ae, ce-à-die de eie ce le jee aicai il cai a idie e faia e de aie de leur accent. Après quelques années, cai ai gag. Clie aeai gce e eecice de cha e diiai de la voix des artistes dont il écoutait les chansons à la maison. En fait son père Keith Campbell, grand collectionneur de die, liciai ce la ai de aie ce Nia Sie, Li Armstrong, Nat King Cole, Jim Reeves, Aretha Franklin, Smokey Robinson, Les Temptations, Jae B, ce i li eeai elee de aaille acce ai galement dlagi hi e aie de ce icale. S ai Je Wallace, Aicai digie jaacaie, li a ei de ige ie da le B. Sa e laeai afi da de house parties dans le Bronx ; il développait une ai ce acii. Ce fe de aie ee li aa deffe e le sound systems il ai lil ai la Jaae. Il ai bee elle ie ciai leie d blic, el effe e eciai le l, el e de dace accdai aec el le ical. De l li i lide de e ce e sound system ; il a commencé par acheter ses propres 45 tours. Bientôt, il commença animer de petites fêtes dans son quartier. Il a commencé par se perfectionner en manipulant le sound system de son père qui, dans un premier e liediai d che. Ce e a il a dci la iace e de ce système de son que son père ne maîtrisait pas. A partir de sa découverte et de sa panoplie de die d ligie deai e gade ece __ de e de eee dae f de DJig (lire Dee-Jay-ing) de les dénicher et donc de se faire éclipser __, il était sur le point de devenir un animateur reconnu et respecté, le maître des block parties, ce-à-dire des fête de quartier. Lhiie d hi-h allai ede fe da ce le deiece de Kl Hec. Une ambiance de fête régnait dans les salles de réception où DJ Kool Herc faisait bouger son public à la puissance de son sd e. A b d ceai e, Hec a fait disparaître beaucoup de house parties ou les fêtes dans les caves acai a Cid da un entretien (Chang, 2006 : 106). En été 1974, le DJ Herc organisait un free party dans son quartier et ai de cee dae, il ai l ei li de ie da le alle de cei. Il ai ae e e i faie de laiai icale da aie ; des jeunes comme des vieux y participaient. Il avait de la musique pour plaire à toutes les

33 gai i ciaie fidle blic. Ce ae acii daiai il allai faie e beai i ai a a lie aec le deei de la aie d DJig. Il remarquait, en effet, que les danseurs se déchainaient pendant le break instrumental des chansons, quand la section rythmique devenait fondamentale. Alors, Herc se mettait à se concentrer sur la vibration fondamentale de la boucle au milieu du disque ; ainsi découvra t-il le break (Hill, 2013). Il se mettait à travailler au prolongement des breaks ; il y parvenait en se ea de de die le e e cha. Il eai l a db e lae la fi, réussissant ainsi à prolonger le break. Il a remanié beaucoup de chansons, réussissant à extraire beak il allgeai. Pe de e a, blic e claai e d beak. Il ai de plus en plus sollicité dans les block parties et se déplaçait de quartier en quartier. Il branchait son sound system sur les réverbères afin de les alimenter en électricité. Ayant rentré suffisamment dage, il e c de aaeil de l e l efa : un amplificateur Mackintosh, de grandes platines Technics 1100A. Le il ffai deeai ece l puissant, plus impressionnant, plus attrayant. Cela attirait de plus en plus de jeunes curieux qui y abdaie, ceai elee ae dae bee le echie ie e e a le DJ Hec e e de aifaie blic fiad de i ele dans ses breaks. Si un type particulier de sons émergeait des prouesses techniques du DJ Herc debout derrière sa console, une danse particulière allait également apparaître parmi les amateurs fidèles la i il fabie. Ce e effe e dae i aaee a ea : la break dance. Les premiers pas de cette danse ont évidemment été élaborés sur le rythme des « breaks » a de jee fidle, ga e fille dabd break-boys » et « break-girls » et ensuite, de manière définitive, des b-boys et des b-girls. Ces jeunes étaient prêts à tout pour ehibe da de ee ieia : ils pouvaient rebondir sur le sol dans tous les sens, y descendre en tournant sur eux-mêmes, tourner sur le dos et sur la tête, en réalisant des handspins (une sorte de rotation sur une ou deux mains), des bonds, de petites parades et des parties puissantes appelées le « breakdown », etc (Hess, 2007b). Si le public réagissait beaucoup plus aux breaks du DJ Herc, sa réaction allait se criallie da a fe la l lie, ce-à- dire la break dance. Cee dace e cie a f e ee, a he de lehiae elle ciai che le jee f de ea. Pgeiee, de ea ee

34 inventaient, pour la plupart des gestes corporels qui exigeaient une grande flexibilité physique, une grande rapidité, etc. Les amateurs parlent de Freezes, de windmills (mouvement consistant à répéter à plusieurs reprises pendant un break des techniques de kung-fu e elee d el bd), ec. Ca Leg a ac e li e dae cllge de a bade dcaie le mouvements par accident : « Jai en ain de menaine faie n chai feee, e je me suis mis à tourner plus longtemps et plu ie e p. Alo, je lai efai ne ae foi, e je i pai dan n backpin conin, e jai gad le moemen. » (Chang, 2006 : 179). Chacun forgeait son propre style, cherchant à se faire une réputation dans le Bronx. Les mouvements de la danse hip-h eideciible ; il faut au moins en avoir pris connaissance. Il fallait surtout travailler le style et la finesse de ses acrobaties. Animés par leur obsession de bouger, ils bricolaient leur danse en puisant leurs mouvements ça et là, dans les films de Kung Fu, des mouvements des robos, etc. A travers leur engouement pour bouger sur les breaks, ils posaient les bases de ce qui allait être regroupé plus tard sous la rubrique des « danses du hip-hop , e lccece, le f, le lock, la breakdance proprement dit, etc. Beac de jee e dadlece aie faci a la beak dace e laie faie nom. Un esprit de compétition animait leur enthousiasme pour la break dance. Ce qui importait, cai de gage sa réputation lors des joutes chorégraphiques en faisant preuve de sa capacité à créer de nouvelles figures chorégraphiques fondées sur des acrobaties toujours plus osées. La sonorité introduite par le DJ Kool Herc a exercé une influence considérable sur beac de jee d B. Cai al e e haiable de deei ce ce DJ i faisait parler de lui. A un moment de la durée, Herc avait sous sa direction sa clique de rappeurs, de DJ e de dae. Dae dic jke e eaie faie ce li da dae eci d B. Dabd adiae, il e ceie e gaiae de ie aa e ai le e d e. Ce aii e e 1977, il ceai faie face e de concurrence (Hess, op. cit.). A partir de cee ae, la i de Hec da le B a aage aec dae jeunes qui, soutenus par leurs gangs respectifs, commençaient à se faire un nom comme lui. Ce aii e dae allaie fige da ce mythe fondateur » du hip-hop. Dans le sud du Bronx, Joseph Saddler, un jeune Afro-Américain originaire de la Barbade, a pu ie. Il ea c le de Gad Mae Flah. Ce DJ aai le e de la cii e de la hiicai da a aie de eece e latines. Son nom est associé à

35 liei d cach ( le cachig), ce-à-dire le son particulier qui se produit lorsque, par ee elaiee aide de ai lgee de la face d die laie, daa e aie, empêche partiellement à celui-ci de continuer à tourner normalement. De plus, Grand Master Flash était doué pour le spectacle. Ces qualités lui ont valu sa notoriété devant son public. Un nom incontournable se construisait dans le Sud-Ouest du Bronx ; il sagi d fae Africa Banbaataa, fondateur de la Zulu Nation, qui devait devenir plus tard Universal Zulu Nation, une organisation ayant joué un role prépondérant dans la propagation de la culture hip- hop à travers le monde (Earl, 2014). Africa Bambaataa caialiai, li, lede de a notoriété surtout dans le Bronx River. Ancien membre influent du gang Black Spades, il est reconnu pour avoir tourné le dos à la drogue, à la violence dans les quartiers pauvres, pour egage da e le la non-ilece. Ce iee f ccai a laaia de ai Slki, galee ebe de Black Sade. Ce aii il a e faie da la culture hip-h al e balbiee. Da le d hi-hop, pour ainsi dire, il est vénéré surtout pour avoir été le premier à penser et à prôner que le hip-hop puisse être une alternative face lebigadee de jee da des gangs au sein des ghettos. Si Kool Herc continuait à régner dans les night clubs du West Bronx et du East Bronx, dae DJ i clbe e faiaie e ai da le Nh B. Il agi a eele de DJ Beak e Ba (Chang, op.cit. p.112). La compétition commençait à être très rude entre les DJ du Bronx. Devant la dextérité, le talent des nouveaux Disc Jokeys et de leurs maîtres de cérémonie et, face à la puissance de leur sound system, il y a donc eu une sorte de partage de pouvoir et de notoriété au sein des pratiquants du hip-hop. Un rapport de notoriété et de pouvoir qui est devenu une constance dans cette culture urbaine. Parallèlement, il y a eu dans les tréfonds de la ville de New York la pratique et la montée de elle fe da gahie : le graph art. Cette pratique picturale qui fait partie intégrante de la culture hip hop a elle aussi son histoire et des histoires individuelles y afférentes. Da le cialie Jack Sea (ci a Chag, . ci. .100-101), legece d ee li la cle de gaffii e l cai acellee ee 1965 da le quartiers noirs de Philadelphie. La propagation des tags a débuté lorsque Cornbread, un adolescent afro-aicai, la aie laei de fille e Chia, dcida de faie des tags dans les métros de Philly. Un ami de Corbread, Top Cat, en emménageant dans le

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Hale, a idi la aie de ag. Ai le ee e-il étendu dans New York d 1968. Aii, ce dee e acii cae ai le adlece. Beac de allaient émerger par la suite : Lee 63rd !, Evil Ed, Cliff 159, Junior 161, Cay 161, Che 195, Barbara et Eva 62, Lady Pink, Tracy 168, Daze, Lee Quinones, ec (Chag, . ci.101). L des plus célèbre reste Taky 183 i a e le iilge de ieie a le agaie Ne Yk Times19. Beac dadlece adaie la aie d ag le de aie pauvres où vivaient les Noirs à New York ; a e de le bbe dal, il laie ae le eiie e ea la libe dcie le . Cai e de e dfie le uns les autres, la ville étant divisée en des territoires contrôlés par des gangs rivaux. En fait, ile leace de bade iale, cie a igae (le ag) a e faie ede, e ace de bravoure pour celui qui y est parvenu et un affront pour son rival. Plus tard, cette « guerre de tags » allait prendre une grande ampleur ; les tags et les graphes ont envahi les métros avec un acharnement sans pareil. Les wagons des métros de New York ont été envahis par des graphes de tous genres réalisés sans considération pour les convenances. Les autorités new yorkaises ont même été portées à prendre des dispositions légales pour freiner cette passion à grapher les e il cac de e cidable elee le gae il eiaient indésirables. Mais quelques années plus tard, le potentiel pécuniaire de la pratique une fois ae, le eei icale allaie e afe e bje da. En peu de mots, je viens de résumer la naissance de la culture hip-hop et du rap. Le B de ae 1970, de fe de aie fd daiai icale de DJ, le lgee aiaal de beak, liei de cachig, le dchaee de blic, de paroles scandées et rimées à la sonorité des breaks, des acrobaties osées et insolites de b-boys et de b-gil, lbei le ag, de le i a ffiae i ale de legece de la cle hi-h. Cee be decii e ae ce il ciedai daele __ peut-être à tort __ un « mythe fondateur ». Tout ceci étant rapporté, une question ie d l : e-ce qui fait que le rap, versant musical du hip-hop, soit assimilé à une imposture (Cardet, op.cit.) ? Si simple puisse-t-elle paraître, cette question nécessite quelques d e de le de e. P labde, il e ia, de e eche a préalable sur les débuts du rap spécifiquement. Le lece a i dci dae aec

19 Voir Taki 183 Spawns Pens Pals dans le New York Times du 21 juillet 1971. 37 de cee e aee de fabicai e jai cencé de présenter, celle de la construction de la culture hip-h ai de ide, de gee, de aie de ace i cie et de la manière dont ceux-ci investissent ce lieu pour biographier leurs expériences singulières. Quelques conidai ie al le a i e li de ee, a egad de e sous-bassements institutionnels et ses mécanismes de production.

1.5 Le développement du rap

Lae 1979 ee ee fdaeal da lhiie d a. E effe, ce ai de cette date que le rap allait déborder les cadres géographiques du Bronx pour commencer à se ade da dae eci de a-Unis. Cela devait arriver quand Sylvia Robinson, chaee e dcice de Rh ble, e la faeuse idée de sortir un single de hip-hop a ai eed Lebg Saki, l de iie d a, e die da clb de Hale. Elle a caice ace de gade fige de ce gee ical de le (Berthot, 2013). Consciente du potentiel de popularité de cette musique et des avantages ciaie i aie e dcle, elle a a abad ide. P eegie disque, elle a réussi à rassembler trois inconnus en un groupe artificiel rapidement constitué pour lccain, le Sugarhill Gang : Big Bang Hank, Wondermike et Master Gee (Cachin, 1996). Sylvia Robinson a monté son groupe de toutes pièces et ses poulains ont même repris des rimes à Grandmaster Caz, du groupe pionner Cold Crush Brothers (Cachin, ibid, p.18). Selon Cachin (ibid.), ce ai de la ie de Rappe Deligh, vendu dans le monde à plus de deux illi deelaie, e de Ne-Yorkais ont pu écouter du rap pour la première fois. De son côté, Sylvain Berthot (op.cit., p.16) parle de plus de cinq millions exemplaires. Une diffece de l de i illi deelaie. O, ale d e die. E di de ce dcalage, i iie ede e cai, ce chiffe de e ide ladiece a ece ce die. De illi deelaie ( e dee) ! Ce fut un succès inattendu. Pas mal pour une grande première en dehors des limites de la ville de New York. Ce succès a été perçu comme une révélation sur la puissance commerciale du rap. A la fin de lae 1979, Kurtis Blow a sorti Christmas Rapping, un titre de Noël quelque peu léger (Cachin, op.cit.) mais qui lui a valu une visibilité de star. Ces deux premiers succès ont poussé l d e lace da e ae e ee eeie deegiee des morceaux de rap.

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Al e e lhe de MC, de DJ e de Ge e lac da laee. Ceai l clbe e dae : Busy Bee, Spoonie Gee, les Cold Crush Brothers, The Sequence, les Treacherous Three, les Fearless Four, les Funky Four Plus One, les Disco 3 qui deviendront plus tard les Fat Boys, les Fantastic Five dirigé par Grand Wizard Theodore, les Furious Five de Grand Master Flash, etc (Berthot, op. cit., p.17). Des producteurs ont aussi apparu ; mis à part Sylvia Robinson qui était la productrice de beaucoup de singles, il y avait Wile & Jie, T B, Ej, Pfile, ec. Da cee ffeie e leegiee d a, de de i DJ le l laie le allaie egage : Grand Master Flash et Afrika Bambaataa. Ceci aura été bénéfique pour leur nom. Troublé par des problèmes eel, Kl Hec a a e ee a diaa. Ce e-être la raison pour laquelle a a aa de eeiee ajdhi e celi dAfika Bambaataa dans lhiie d a. Le c de dcibel ae da leace ai le eegiee restent, pourrait-on dire par un certain pléonasme ! Peut-e e ce e a a e a. E fai, Afrika Bambaataa a mis en place une puissante organisation qui a grandement contribué à la promotion de la culture hip-hop à travers le monde ; il agi de la Unniversal Zulu Nation. Dans lhiie de la cle hi-hop, cet ancien membre des Black Spades est reconnu pour celui qui a le ie daoir réuni les fameux « quatre éléments », en prônant leur articulation. Un ee d ac bigahie de Babaaaa la e ele e l e h. E effe, da lhiie de la cle hi-h, il e e ce eei i e n seulement racheté mais aussi qui a contribué au rachat des autres, en ce sens que par le hip-hop il a aidé beaucoup de jeunes Afro-Aicai de aie ae de B, eie de tréfonds de la violence (Chang, op.cit.) et même de la pauvreté dans une certaine mesure. Afrika Babaaaa ee ce acie gae i, la ie de la de Slki, ai, e d des activités de son gang et engagé dans une campagne de promotion de la non-violence à travers le hip-hop. Avec son célèbre slogan « Peace, Love, Unity and Having Fun » (Paix, a, Ui e Aee), il a l, el la lgede, ci de c e de le jee d de de la dge, de lalclie e de la ilece e le iffla e de de pensée positive (Bazin, 1995). Un autre facteur a véritablement contribué à la popularité de Bambaataa ; ce e, e 1982, il a sorti Planet Rock, un titre qui, ayant grandement usé des instruments électroniques étant influencé par le « rock robotique » des Allemands de Kraftwerk, a connu un succès

39 international (Jouvenet, op.cit. pp.20-21). Dans les années 1980, la Universal Zulu Nation est deee e gade gaiai ieaiale e eda a Ea-Unis, dans des pays ee ce la Face, lAgleee, lAlleage e da dae aie d de. Ce une sorte de confrérie internationale qui organise des événements culturels ayant rapport avec le hip-hop. Au cours de cette même année 1982, Grand Master Flash a aussi retiré sa part de succès international. Il a en effet, sorti le disque The Message qui a connu un succès inattendu et dial. Da ce die, il a e de e aec lei de la fe i a a le a dei DJ Kl Hec. Il dci le difficl deiece de Ni de ghettos dont la dynamique de vie est caractérisée par les bagarres de rues, le commerce de la drogue, la misère, etc. Il se rend ce il e b (cle he edge) e cee ie cie e li de eie e ae ca. Il eble ei de ceai e aife le ai dae ae. O e a eele ee ele ie i commercialisés depuis 1980 (Jouvenet, 2006 : 20) : How we Gonna Make the Black Nation Rise de Brother D, Bad Times (I Can and i), de Captain Rapp, Street Justice de The Rake, etc. Plus célèbre, The Message a marqué un tournant majeur : le a e affich daa comme une chronique des ghettos, vecteur de la contestation sociale. Le genre musical à depuis gardé très fièrement cette caractéristique. A partir du début des années 1980, les conditions étaient réunies pour que le rap puisse cece e gade hae deei ae le de. Afika Babaaaa a bie ci ce il aai gage da lgaiai de ce ieaiale. Dae eeee claia aie da le a e e ce di e allaie contribuer à structurer un marché autour de cette musique, ce qui a constitué un facteur deeion. Mais un premier pas devait être franchi : il a fallu aux rappeurs eux-mêmes de prouver la crédibilité artistique du rap pour être acceptés. Le premier moment devait donc être un temps de professionnalisation. Le rappeur devait montrer sa capacité à produire quelque chose de commerciale. Il a fallu donc mettre en évidence non seulement le potentiel commercial de cette musique mais également sa puissance artistique. Ainsi, puisque cette musique ne pouvait pas partir de rien, la pratique du sampling20 est aussitôt mise à se développer. Certains studios

20Pea d aglai ale i igifie chaill, eelaie, la aie d alig cie fabriquer un fond sonore en puisant dans dae diible, le l e da dae cea de 40 deegiee sont devenus de véritables « cuisines à sons » où des ingénieurs de sons lageaie de chaill ica i a e l de die dj di a dae artistes. Les sample de laaage de i faie de la ie a ai de gad moyens en produisant un son nouveau pour accompagner la voix du rappeur sur les disques comme sur scène. La pratique des samples a été favorisée par le développement et la démocratisation des synthétiseurs, sorte de machines musicales21. Lage de samples a entrainé dae habide de aail, d i le igie qui doivent apprendre à puiser dans une quantité incroyable de sons pour pouvoir produire quelque chose de nouveau (Jouvenet, 2006 : 24). A la fin des années 1980, les synthétiseurs ont occupé une place fondamentale dans la musique rap caractérisée alors par une rythmique un peu sèche. Certains beatmakers comme Ced Gee en ont fait un usage excessif ; Sylvain Berthot (op.cit., pp : 23-25) a même été amené à utiliser le terme de « sampladelia » pour traduire cette obsession des beatmakers et des rappeurs à vouloir puiser leur fond musical à partir des sons déjà là. Cet auteur a fait remarquer que tout genre musical comme le jazz, le rock, la pop, le reggae pouvait être source de samples qui constituaient le décor sonore des morceaux de rap à la fin des années 1980. Les Beastie Boys, EPMD, A Tribe Called Quest, Brand Nubian, Poor Righteous Teachers sont connus pour avoir grandement recouru à la pratique du sampling. La pratique du sampling a connu un grand succès. Des enjeux financiers et les contraintes juridiques liés à la réglementation de la pratique du sampling ont porté des beatmakers à pousser plus loin leur talent en la matière. En effet, voulant rendre le moins reconnaissables possible leurs sources sonores, ces professionnels ont contribué à une très grande sophistication de la sonorité du rap, ce qui a valu au sampling un genre à part entière (Berthot, op.cit., p. 25). Si, à leur manière, les beatmakers da le di deegiee cibaie crédibiliser le rap __ ce i deai eee a ae de i a ie __ il aura fallu un travail de structuration du marché des disques de ce gee ical. Ce le c cie de laffaie. O, i di cie, di dci, chage e cai de la ie i dclai. La ei cie ee iiee lie lli d a. Dei le db des années 1980, comme Sylvia Rbi, dae dce e ai de dci

musiques déjà connus, généralement à partir des opus ayant eu beaucoup de succès. Dans le langage rapologique, un sample est un son bricolé et configuré qui sert de support musical aux paroles scandées du rappeur. 21 Je e ede leele de la SP-1200, un nouvel appareil qui sert de boite à rythme et de sampler, conçu par la société E-MU Systems en 1987. 41 investissent la pratique de la musique rap, structurant ainsi un marché de plus en plus reconfiguré lcalee e le la ieaial. Le de ai de die le l iae da lhiie d a ee le Def Ja, fde e 1985 a Rick Rbi e Rell Si. Le histoire22 e e e i, accda afaiee bie aec lamerican way of life fondé ee ae la cace e la ibili de ie aielle, ice da lhiie d a. A e de beac de ae, Def Ja e b eele ie. Ce e eeie aice i a ccilie lei diiiaie e le a. Ce label a del de cllabai aec dae ai de oduction mondialement réputées : Sony, Colombia et Mercury (Jouvenet, op. cit.). La promotion et la distribution du rap à lchelle diale très tôt favorisées par la collaboration entre les producteurs spécialisés et les multinationales du disque. Le rap a rencontré un plus grand auditoire lorsque les médias de masse commençaient à e ee de la aie. Le adi e lii aicaie accdaie de liace a a mesure que celui-ci faisait ses preuves. En 1986, une station de radio américaine a même diffusé du rap vingt-quatre heures sur vingt-ae (Fead, 2000). Ce aii e de ae e de ge de ae iaie ce de a ae la adi e la lii. R D.M.C et Jam Master Jay ont fait entrer le rap à la MTV, station de télévision récemment fondée. Une pléthore de rappeurs et de groupes de rap ont fait leur apparition sur la scène musicale aicaie e diale, ceai a l clbe e dae. On peut citer Run D.M.C, KRS One, Public Enemy (Chuck D, Flavor Flav), Queen Lafitah, Big Daddy Kane, 2 Live Crew, Slick Rick, LL Kool J, DJ Jazzy Jeff & The Fresh Prince, etc. Daa, le a ceai de e « musique pour les noirs » ; il commençait à conquérir des adolescents blancs des classes ee aicaie e dae blic da dae a. Des entreprises multinationales découvrent le potentiel de marketing du rap. La grande symbiose qui caractérise, depuis les années 1980, le rapport du rap et les grandes entreprises charrie, elle aussi, une histoire de succès. En fait, les rappeurs du groupe populaire Run D.M.C, aec le ea le eieaie, aaie i lhabide, e efa ce, de demander à leur public de brandir leur paire de baskets Adidas, dans une ambiance de très grande euphorie. Ils ont même une chanson à succès, My Adidas, pour la circonstance. Conscient

22 Un vendeur de haschich et un simple étudiant en sociologie qui allaient devenir multimillionnaires à travers le marché du hip-hop (Jouvenet, op. cit., p. 22). 42 de ce el gee ai ae la cagie de ee de , e ie de marketing a rapidement conclu un contrat juteux avec ce groupe (Cachin, op.cit., p.33). Ce fut une réussite pour les deux parties. Devenant de plus en plus faramineux, ce type de contrats a dei jal e lhiie d a a Ea-Unis. Entre temps, les rappeurs ont gagné assez de crédibili ie da un monde économiquement structuré autour de la musique. Ils collaborent avec des célébrités internationales du monde de la musique comme Miles Davis, Stevie Wonder, Herbie Hancock, etc (Bethume, 1999). Cela ne faisait que montrer que les rappeurs étaient des artistes à part entière. Depuis le début des années 1980, la culture hip-hop a soulevé des fascinations. Dans le cha d cia, li elle cie e aifee ae de fil ce Wild le réalisé en 1983 par Charlie Ahearn, Beat Street de Stan Lathan ou Style Wars réalisé par Tony Sylver en 1984. De nos jours, beaucoup de rappeurs à succès ont un rôle dans un ou plusieurs fil. A c dae face, ce ie cibe leai diale de la cle hip-hop et du rap en particulier, processus qui se généralise à partir des années 1990. Reste à savoir ce ce gee ical a eg e Hai ade j deei le de musiques les appréciées dans ce pays.

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Chapitre 2 : Le rap en Haïti

Dans les années 1980, la culture hip-hop a eu un grand écho à travers le monde ; elle a ci de legee che le jee i, iei a le caace lgedaie des mouvements de la break dance, la provocation des graffiti, la sonorité cadencée des voix lage a bea, fai e de cii caiae. Le a a galee e écho en Haïti à cette époque-là ; dabd, il e iidee i ce e de i aa eu une relative influence sur la dci icale. Eie, le a e del de aie autonome et répandu dans tout le pays, surtout dans les quartiers populaires des grandes villes. Comment et dans quelles conditions le rap est-il apparu en Haïti ? Quelles sont les particularités du rap haïtien ? Ce sont, entre autres, les questions que je vais aborder dans le présent chapitre qui consiste en une description et une analyse critique de la pratique du rap en Haïti, condition ceaie ai ffiae de chei de la manière dont les rappeurs se construisent et construisent leurs savoirs et savoir-faire dans le milieu haïtien.

2.1 Legece d a e Hai Les éléments de la culture hip-hop sont apparus en Haïti dans les années 1980. Le simple usage dans le créole haïtien du mot brekè (lire « breaker ») depuis les années 1980 peut attester de la ece e Hai de ceai cee e aide aaea la cle hi-hop. Dans le langage courant, en fait, le mot brekè est employé pour désigner le plus souvent un adolescent qui se fait remarquer par un look et un style vestimentaire drôles et même choquants : tête rasée des deux côtés avec une grande touffe de cheveux, parfois non coiffés, sur le devant ; des vêtements larges dont des pantalons portés presque en dessous des fesses, etc. Un brekè est e ce jee aa a ece de e de eabili ; ce jie i conquiert des nanas sans se préoccuper des choses sérieuses de la vie. On le voit bien : le terme de « brekè » reste une simple transplantation du terme original « breaker » dans le créole haïtien ; il gade e le e e. Laaii e leli de ce ee da le lagage ca laie e e aie d blic haie ai e cac aec le hip-hop depuis le début

44 des années 1980 et que ce lien a été favorisé par la télévision et les échanges avec des personnes qui faisaient des voyages entre les Etats-Unis et Haïti. En effet, on peut constater la présence du « style rap » dans la production musicale haïtienne en écoutant par exemple Juicy Lucy (sortie en 1984) du groupe de compas Tabou combo. Quelques années plus tard, soit en 1987, le groupe de Frères Parent a sorti Kandida en y incluant pendant 28 secondes une partie de rap dont la sonorité est proche du style de Grand Master Flash dans The Message.

La scansion qui marque les paroles chantées est une caractéristique fondamentale de la musique rap. On se sert parfois de ce déterminant pour tenter de remonter aux sources du rap en Haïti. En ce i a ai lhiie d a da ce a, il e i de e, e ad, i dai e le a ai dabd ai a le chae Gee He di C Cl23 à ae le faee hiie il ace da e prêches ». Mais je voudrais récuser tout de suite ce point de vue qui me semble peu fondé. Le rap est un courant musical qui, depuis la fin de ae 1970, aaee e cle baie : le hip-hop. Qui dit « rap », dit un contexte socio-économique, politique et clel. Ce e faiai C Cl aai ie i aec le côté mi-chanté mi-al d a, ece i aec lhabillage hie de ce gee ical. De mon humble point de vue, les « prêches de C Cl e lEeble Selece, ge, dans les musiques doublées de ces petites histoires hilarantes, relèveraient plutôt des lodyans, un genre littéraire pratiqué en Haïti. La lodyans se caractérise par une histoire vraisemblable, relativement courte, ayant une fin tragique ou comique qui incite la flei. Elle iie de ce elle de la ie idiee e ce. Ce e e de chie de la ie ciale i ed la fe d ci aicl a de choses et gens entendus » pour aahae l de l gands lodyansè24 haïtiens, Maurice Sixto. Dans le répertoire musical haie, il eie de e i ee cae e cid ce de lodyans, de par le ce e le fe deei. T le cie de ce gee liaie i : un récit court, très souvent hilarant, une invitation à réfléchir sur un aspect quelconque de la vie ciale. Si diffece il a, ce accagee ical i aje le ce icie i ae le ci. Sagia d cea de ie, le ci ale le

23Cette opinion est reprise par Sandy Larose dans un texte titré « Ve la concion de lhioie d Hip-hop haïtien » consulté en ligne le 11 août 2017 à partir du lien suivant : http://www.academia.edu/4539530/Haiti_progres_Histoire_du_rap_haitien

24 Dans le créole haïtien, un « lodyansè » est celui qui dit des lodyans. 45

e cac ce aelle prêche da le lagage diaie, ce-à-die lace i consiste pour le chanteur à prendre le temps de parler, de raconter une histoire généralement appropriée au sujet traité. A écouter des morceaux comme Manman Zo25de lchee Méridional des Cayes, Port Salut 194126, je ced e lodyans e bie e ei d fd e eie da ce e da a fe. E ce jee ce e faisaient Coupé Cl e ge, lEeble elece, da ceai de le ie d M ap di, Fanm Kolokent, Madan Masèl, ec. Ce ia, e, dae a da ce éléments de clarifications de peur de tomber dans le piège des amalgames de la facilité. Ces cii a ae, abd legece d a e Hai. Là encore, je dois prendre des précautions. Car rien ne permet de préciser avec exactitude comment et quand le rap est arrivé en Haïti. Il est cependant possible de trouver un repère. Officiellement, le premier artiste haïtien à avoir enregistré une musique de rap reste Master Dji, de son vrai nom Georges Hérard Lys. En 1982, il a sorti Vakans, un titre à tonalité récréative qui, de par sa sonorité, rappelle un peu Rappe deligh. Plus tard, soit en 1990, Master Dji a sorti son album Politik pa m ; cai e ele e la cfiai il e le eie ae haie e faie cae d blic haie a e de ie eegie. Mai alg tout, je ne détiens pas ae de ee i e eeaie daffie e ce li i a introduit le rap en Haïti. Cette question est difficilement maîtrisable car il y a toujours eu beac de ceci, de a e ie e dchage ee de le de la diaa haienne aux Etats-Ui e le che e e Hai. L d eeie e jai ali aec le ae c, Dc Fila, il a ei il cai gliee d a aicai a début des années 1990. Quelques camarades qui fréquentaient comme lui le Petit Séminaire Collège Saint-Martial en faisaient autant : « Nous écoutions beaucoup de rap américain. A cette époque, on était branchés. On lisait régulièrement des magasines de rap qui provenaient des USA : Vibe, XXL, etc. On nous ramenait des cassettes et des Cds de rap des Etats-Unis. On regardait des vidéo-clips sur Télé-Haïti, un avantage à cette époque. »

25 Cette musique peut être écoutée à partir du lien suivant (consulté le 17 août 2017) : https://www.youtube.com/watch?v=fdXRZO0mUAI 26Ecouter cette musique sur Youtube à partir du lien suivant (consulté le 17 août 2017) : https://www.youtube.com/watch?v=_DvPp0Nv9ik 46

Lehiae de ce jee e de e l che cllge d cllge Caad haie e de aie, ce il la affi, laie supposer la possibilité que la musique rap voire la culture hip-hop ait commencé timidement à faire quelques adeptes en Haïti avant même la sortie de Vakans, le premier titre rap de Master Dji. Avant le début de la première émission radiodiffusée portant sur le rap, animée par Master Dji sur les ondes de la radio Tropic FM, le rap américain a probablement eu une certaine réception en Haïti. En 1988, il y a eu un cc de DJig a cllge Rge Aglade Mae Dji faiai ffice daiae27. Ce conco a ai beac de jee i de clae ee haiee. Il eie a suffisamment de preuves qui permettraient de dire que tous les participants ont été initiés par Mae Dji da la aie d DJig. Il e e il ai e de ccrrents qui avaient la ibili de iiie cee aie dei le db de ae 1980 i ai d voyage aux Etats-Ui e chagea aec de che i ide. Pa dae moyens, ils pouvaient donc lier connaissance avec le hip-hop et développer un certain intérêt le a dae cae de cee cle. L d eeie e jai e aec lui, le rappeur Jean Max François, a.k.a Mikey Mike (ou plus tard, K.O), se souvient de la manière dont il a fait connaissance avec le rap : « Jai abli mon pemie conac aec le ap en fenan de b de anpo pblic Carrefour-feille. Le b mon impo le ap dan le anne 1988-1989. Trois bus ont particulièrement attiré mon attention : Idalgo, Machiavel et Immaculé Conception. Ces bus étaient très beaux. On y roulait des musiques. Il y avait les beats qui attiraient mon attention. Les paroles étaient en anglais ; elle ne mineaien pa. Jcoai je le bea e je ecoai la e. A lpoe les musiques de Steevy Be étaient en vogue. Je ne faisais pas de logique ; je le aimai. Jai un grand frère qui les aime aussi et vers une époque, nous nous mettions à imiter les artistes. Il y avait les Fat Boys qui faisaient des sons avec leur bouche. En reproduisant des sons, des amis ont commencé par apprécier ce que je faisais. Des adultes qui savaient ce que je faisais me demandaient : « Tu es un rappeur ? » Mon père ne voulait pas entendre parler de ça. Il nous faisait coe dae mie (Topicana, Dja de jene, lOchee Sepenional, ec) Pi, jai commencé à écouter Mc Hammer (groupe de dance) ; mai ce o le on de Mc Hamme i maiai. » Ces propos de Mikey Mike viennent souligner la ibili il ai e dae sons a i ciclaie ae ceai eci de gade ille dHai aalllee liflece

27Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=bCdgy3DW6rc (consulté le 23 janvier 2016). 47

elaie de Mae Dji la fi de ae 1980. Je dai lige la ece d le important à travers ce fragment de récit ci-dessus rapporté : ce le le j de b de transport en commun dans la propagation du rap du moins à Carrefour-Feille. Il e ajdhi devenu comme une tradition : ce b l offre musicale il f le passagers tout au lg de le aje. Se a da l de ce hicle, aage e écouter les morceaux de musique choisis par le conducteur parmi les plus récents et les plus adl. Saf e, l e, c le ie de e a i eede son téléphone portable qui sonne, étant « trop » accueilli par la puissance des décibels. Dans cet environnement sonore souvent envahissant, tout type de musiques est bienvenu, pourvu que ce soit un opus qui puisse faire du « hit28 ». On peut écouter du rap, du compas29, du rabòday30, du dancell, du reggae, etc. Du coup, les bus de carrefour-Feuille et, plus tard, ceux qui desservent dae ce dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, ont constitué de véritables médias pour la propagation du ra. Ce i Mike Mike e aelle e le de eie b i leai la eie fi leiece d a. Ce ce il agiai de ai de adio ou de chaînes de télévision. Il eble il ai e de a die-influence entre ces bus et les premières stations de radio diffusant le rap. Mikey Mike ee caic e, da eie e, e Hai le ai de adi aie a intéressées au rap. Selon lui, celles-ci ceaie iee elee lelle e ed ce de aaage elle ee e ie caa laai e le a a ci

28 E Hai, leei faire du hit » est relativement récente ; elle est en lien avec les « hit parades » établis a de iace diaie (adi, lii, agaie), ce-à-dire des classements périodiques que font ces derniers ai le ie le id cli il e. 29 Commercialisé à partir des années 1950 par le musicien haïtien Nemours Jean Baptiste, le compas direct est e ie laie haiee i a l dei j devenir une musique nationale. 30Le rabòday est une variante musicale au tempo relativement élevé qui consiste en un mélange de rythmes laie haie e, afi, dae ldie aaea dares genres musicaux. Promu surtout par les Dj, ce style musical est très en vogue parmi les adolescents des zones urbaines depuis le début des années 2010. Le rabòday allie un certain réalisme social __ en décrivant crûment les conditions précaires dans lesquelles vivotent les populations des quartiers pauvres des zones urbaines __ et des propos obscènes portant le plus souvent sur des échanges économico-sexuels entre les hommes et les femmes dans la société haïtienne. En 2012, le titre Fè Wana mache de Mosanto, popularisé surtout par le Dj Tony Mix, a connu un succès fulgurant. Le commissaire du gouvernement de Port-au-Pice a e e diedie cee ie a idce i ciai le fd sonore des lieux de débauche fréquentés par des adolescents dénommés Zo Kiki ouTi Bredjenn. Le succès de Fè Wana mache f daant plus grand que la tentative du commissaire du gouvernement a échoué. Par la suite, dae ie ce Ti Mamoun, Bòdègèt, Men madan papa, galee ec gad cc. A lhee jci cee lige, il eie a caiace aucune étude scientifique sur le rabòday. Pourtant, à ce e aale le il hicle, il e eble e ce e de ie eie a aie e ceaie forme de sonorité liée à la cadece cllecie. Pa l e, il deai faie lbje dde iee i aie aider à éclairer ses contours et à saisir sa signification sociale réelle. 48 parmi les jeunes des villes haïtiennes. Les responsables des médias ont donc voulu conquérir le public du rap, ce qui devait leur rapporter des avantages commerciaux. La culture hip-hop aura rencontré une réception très favorable auprès de beaucoup de jee e Hai. Ceeda, il fa e e caiee dae ille aicaie e européennes où se sont développés simultanément le graff art, le rap et les danses du hip-hop (Lapassage et Rousselot, 1990 ; Boucher, 1999), à Port-au-Prince celui-ci e ad beaucoup plus sous son aspect musical. Certains groupes de danse ont gagné une certaine notoriété. Par exemple, le rappeur master Beef a évoqué ses showtimes et ses acrobaties au sein du groupe de break dance Thousand X dont il était membre. Il a également mentionné le nom d ge i aelai Mai e celi d dae Rb Sci31. D d talent incontestable pour la break dance, ce dernier a eu une relative popularité à Port-au-Prince durant les dernières années précédant le séisme du 12 janvier 2010. Dae ge de beak dace e fai cae e Hai. Je e cie a eele Le dace, ce collectif de danseurs fondé le 24 décembre 2003 qui organisait des activités de « street dance » sur des places publiques comme Champs de Mars et Place Boyer. Ce groupe a même eu le privilège de représenter Haïti dans une compétition internationale de break dance à la Guadeloupe32. Fondé à Cité Soleil en 2004 dans un contexte de grandes violences politiques, le groupe Cyborg dance Crew e fai cae a le h ecaclaie de e ebe e par leur stratégie qui consiste à performer dans des bidonvilles tels que Bel-Ai, Maia, pour sensibiliser les jeunes, les porter à se détourner de la violence des armes par la pratique de la break dance33. Je peux citer également le groupe Casque Noir dont les membres font montre d gad ale our la break dance34. Au Cap-Haïtien, les activités du groupe New Stars Number one35 témoignent du goût de certains jeunes des deux sexes pour la pratique de la break dace. Daille, d a fdai le 23 ai 2011 a Chale Ha, Ne Sa Nbe a uni

31On pe pende connaiance d alen de ce dane en iionnan ln de e ho o, n eain de fooball, il pefomai lo dn mach, au rythme de Pran Pòz Ou, une musique de Carimi, un groupe à tendance Compas. Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=Lijcot8VJmA (page consultée le 23 janvier 2016). 32Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=DLC6arOPaAU (Page consultée le 23 janvier 2016). 33 P de l ale ifai ce ge de beak dace, cle laicle Breakdancing Against Violence in Haiti à partir du lien suivant : http://www.vice.com/read/breaking-against-violence-in-cite-soleil-haiti (page consultée le 23 janvier 2016). 34 On peut prendre connaissance du niveau de performance de ce groupe à partir du lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=VtrP_Q9BhBc (page consultée le 23 janvier 2016). 35 Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=jM6rJHwGY5k (Page consultée le 23 janvier 2016).

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54 membres. Ce nombre est quand même significatif pour un groupe de danse. A Saint-Marc, il eie eeble de ei ge e c i eece la aie de la beak dace. Il agi a eele de Tchikitchi Boys, de Power dance, de TJSB, de TNT dance, etc.

Ceeda, e di de li de ceai jee dae la beak dace e de la création ça et là de groupes de danseurs, les danses du hip-hop (la break dance, le smurf, le lock, etc) restent un peu marginales en Haïti. Ce type de danse ne constitue pas vraiment un domaine professionnel à part entière où les danseurs exercent leur art de manière autonome, se font un e a caable d gage le ie. Me ai le aie le l c, le danses du hip-hop restent un peu négligées. On connait par exemple très peu de rappeurs haïtiens i e ee ce de iable beakdace. T Adlea, l de ebe d groupe Original Rap Staff capitalisait souvent sur ses talents de danseur pour faire valoir ses aaage e ia d ge Kig Pe la fi de ae 1990. Je dc affie e di de , le dae d hi-h ee la ebaie e Hai ; il a a aie e de delee de ce dae ce la assisté pour le rap qui, en tant que composante musicale du hip-h, e i ce e aie icale ade e Haïti. Le gaffii ee ai, da ce a, he agial. E effe, bee pas beaucoup de graffiti qui pourraient être associés à un quelconque mouvement relevant de la culture hip-hop. Les façades des murs de Port-au-Pice e dae ille haiee ee plutôt de champs de batailles politiques, de véritables parchemins portant les traces de coups de « Vive untel ! , d « Abas un tel ! ». Il suffit de faire une simple promenade dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince pour se rendre compte de la place que jouent les murs, parfois des poteaux électriques et même des façades de maisons dans les combats politiques. Elections a, e Hai, da le ilie bai, le le l idice ee e deee l des endroits les plus accessibles et donc les plus privilégiés pour vilipender un adversaire politique où pour se faire remarquer ce liicie aciie liie. Cela a a gad- chose à voir avec le hip-h. Ce l e aie liie i a c e ale considérable en Haïti depuis le déclin du régime des Duvalier en 1986. Par ailleurs, il est possible de coae dae e de gaffii e diiga de eage de dciai, de eie, dabai dlge, ga ele a a ei

50 de ille lece a fi d liicie d ge de liicie. O bee quelques graffiti épars en parcourant les rues de Port-au-Prince et de ses environs. Ces dessins illustrent des aspects particuliers de la réalité socio-cie e liie dHai i eie e e iide de lei a a laei36. La plupart de ces dessins le d gaffe le l clbe P-au-Prince, Jerry Rosembert Moïse qui a réalisé des dizaines de gravures sur des murs. De plus, dans certains quartiers on peut observer à quelques edi de be d de lie appeurs influents. Tout compte fait, il reste que la très grandes majorité de ceux qui sont reconnus en Haïti comme « porteurs » de la culture hip-hop ne i de dae i de gahe ai l de DJ de ae. Ue lhe daie conie e da ce de cha de aie ; be ce i cle une popularité dans la société haïtienne. E ce i a ai legece e le delee d a e Hai, Mae Dji a e de atouts et un grand mérite. Il a montré son talent incontestable : ce chae e cie i a i cbie ebe, a eibili ciee e g liai. Il a e le iilge de age e Ee, e Aie e e Aie, ce i li a a de ei dvoluer dans des milieux culturels divers et qui, du coup, a eu une influence sur ses expériences iglie e a aie. Il a e de eiece ce aiae de adi e a cllab e tant que directeur de publication au magazine culturel, Tap-Ta Magaie a c dae personnages évoluant dans le domaine de la presse haïtienne, tels que Raphaëlle Fequiere, Fritz Gérald Calixte, George Léon Emile, Elie Jean, etc37. Gce lii il aiai, il a séduire une frange considérable des populations urbaines. Il a le ie dai de e ale de cie e de chae iiie public à une musique nouvelle, riche en beat, alliant tantôt rap, ragamuffin, le tout étant mélangé à quelques sonorités tirées du répertoire hie dHai. Il e l e a aie dans le vrai sens du terme en offrant à son public un son innovant réussissant fort bien une haie ee de icale, aee e e ceaie fe de ciie ciale. Ce e quelque sorte ce qui constitue le secret de la notoriété de Master DJi qui reste un artiste très da lhiie d a e Hai. Dcd lge de 33 a e 1994, e faille le

36Ici, je fais référence à cette fameuse fresque murale peinte au niveau de haut Delmas dans laquelle des enfants tout nus tiennent à leur main gauche des marmites peinture et à leur main droite des pinceaux au moyen desquels ils écrivent « Ayiti pa p peri » [Haïti ne périra pas]. 37Pour de plus amples éléments sur la vie de Master DJi, voir Le pionnier du rap haïtien de Guilloteau François consulté en ligne le 23 janvier 2016 à partir du lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=_JiieH37sU4 51 premier grand événement qui, en rassemblant des milliers de jeunes fans, a l lale d rap sinon dans tout le pays du moins à Port-au-Prince. Il aura grandement contribué à leai, en Haïti, de le de ie le l laie : le « rap créole ». Si cette dénomination est adoptée sans trop grande objection pour désigner le rap qui se pratique en Haïti a de aie haie, il e ee a i elle cdi ele cidai i cibeaie claifie e cie e . Ce i il e ia de ae un peu ici dans ce développement.

2.2 Rap créole ou rap haïtien ? En Haïti, dans le discours des professionnels du rap (rappeurs pratiquants, beat makers, DJ, managers, etc), dans les émissions de radio, à travers la presse écrite et télévisée, le terme « rap créole » e ad e laii ; son emploi est comme un allant de soi. Les textes de rap regorgent de parties confirmant ce choix terminologique. A bien y regarder, je comprends e ladi ce de ce ee d ci de faie ele che daheiee lcal, ce-à-die de e e caable de aie a i puisse tenir compte de la réalité socio-cie, liie e clelle dHai. Pa l e, le rap devait trouver sa légitimité en Haïti. En observant de près le id de liiai da ce a, e db, e cede i il aaiai i ceaie dai a « fait en Haïti par et pour des Haïtiens ». Au cours de la première moitié de la décennie 1990- 2000, les premiers rappeurs haïtiens laissaient observer une forte tendance à imiter leurs hlge aicai dae icie ec le la ieaial. T ai être imité presque de manière servile : le look, le style vestimentaire, le flow, etc. Même les pseudonymes choisis par quelques rappeurs provenaient de liiai. Je e ede en exemple Haitian Buju38, ebe de Kig Pe, ge laie e Hai ja db de ae 2000. Haiia Bj a fai e cie a aiali e ada un prénom emprunté à Buju Banton, chanteur jamaïcain dont il a voulu imiter la voix. Il a réussi son pari, si l ie ce de la lai il a cle gce a i ae a ei de Kig Pe. Il a daille fai cle. Mae Dji li-même, le principal pionnier du rap en Haïti, doit son nom à Mae Gee, l de i eage i a Slia Rbi e 1979 eegie

38On peut objecter, à raison, que la musique de King Posse était plus proche du ragamuffin que du rap proprement dit. 52

RappeDeligh. Master Gee a chanté une partie de cette chanson aux côtés de Big Bang Hank et de Wondermike (Cachi, . ci. . 18). Il ffi je dce Vakans (1982), le premier titre rap de Master Dji, et RappeDeligh bee liflece. Peut-être dans leur souci de se montrer « dignes » de faire du rap, les premiers rappeurs haïtiens ont accordé une importance particulière à un multilinguisme où ils pouvaient chanter en créole, en anglais et en français. Leagl39 est quasi-inexistant dans le rap en Haïti. Le français40 y est de plus en plus rare. La langue dominante a été le créole depuis le db. Mai laglai cce e lace cidable. S a ilie de ae 1990, beac de ae haie faiaie leff de i ale e cede laglai ; ce a celi i cheche dele e talents de rappeurs. Du moins, il peut capter quelques mots débités par les rappeurs américains d il cheche iie le le e le fl. Pi ae ce aicai, ce-à-dire avoir la capacité de bien débiter ses flows en anglais, est quelque chose de valorisant. En ce sens, le rappeur haïtien le plus respecté est peut-être Money Money Mike ; ce li i a cha Who style is this. Le déterminant « créole » attaché délibérément au rap qui se pratique en Haïti détient deux grandes connotations. Premièree, il eie lide de inscription de cette musique dans le contexte haïtien au point où les produits qui en ressortent soient dotés de caractéristiques permettant de les situer dans ce lieu-l. Ce cle, ce dc lcal ! Dérivant du mot espagnol criollo__ qui, vers la fin du XVIIe siècle, est devenu Criole désignant des enfants espagnols nés aux Indes occidentales __ (Chaudenson, 1995 : 3), le terme de « créole » garde en quelque sorte son sens colonial en Haïti: est créole tout ce qui est local, tout ce qui est natif natal, comme on dit dans le langage courant. Selon cette même acception, dans le créole haïtien, on utilise le terme de « peyi » [lire « pays ] e a e deia accl eie lide de eace de aaeace lcale. Pa eele, da le daie cliaie ale de « poul peyi » ou « poulet créole , ce-à-dire des poulets qui ont été élevés dans la nature en Haïti. De même est-il courant de parler de « diri peyi » [du riz cultivé en Haïti], « soulye peyi »

39L Bagay dwòl du groupe Original Rap Staff contient une partie en espagnol. Cette musique est accessible à partir du lien suivant (page consultée le 11 août 2017) : https://www.youtube.com/watch?v=Q7ni-EN_cRE 40 A la fi de ae 1990, le ae D Dd d ge Shakka Dea e diig a a caaci e son choix de rapper souvent e faai. Dae ae haie aje afi ele bae de ee il chantent en français dans des textes écrits en créole. Le rappeur K-Libr par exemple est reconnu pour la place il accorde au français dans ses textes. 53

[de chae fabie e Hai], ec. Aii leei rap créole » est-elle employée pour ee lehae le caace made in Haïti » de la musique en question. Néanmoins, ce e a e ile eeige idige ; ce l clee il e le aa, e gad a caie dagecee d a da le ilie clel haie. Le rap créole » est cette edace icale i ilie e ie de aie egagea de ae e dae ace dans un micro-monde faia aie de leace ci-politique haïtien. Deuxièmement, le mot « créole » associé au rap pratiqué en Haïti peut avoir un sens ee ligiie. Il e bie li fe lage de la lage ale a la ai- totalité sinon tous les Haïtiens vivant en Haïti. Son emploi traduit la nécessité constatée par les eie ae dffi a i ie e ci a le blic haie. T e ae ce i l faiai d lga-proverbe « kreyòl pale, kreyòl konprann » [littéralement « créole parlé, créole compris »] un impératif pédagogique. Les rappeurs pratiquants veulent éclairer le blic d a elee e ce i a ai ce e ce ca ical __ nouveau et étrange pour certains au début __ mais aussi au message il hicle. A db, cai e aie dae la lgiii de cee edace icale al agiale e dalie. Il ai ai ei de die a ae, libe e de liflece ligiie de ae américains et fraai. Ce ai gag : de nos jours en Haïti, le rap se chante majoritairement en créole. Le public du rap peut prendre le temps de bien écouter les mots, de saisir le sens des figures de style et de comprendre les messages transmis. Cette deuxième acception du « rap créole » complète la première ; néanmoins elle accage de abigi ajee : i l e bae la lage cie a le blic alifie le a, il ai eie aa de a cle il a de a de eiie l parle créole. Autant de créoles, autant de rap créoles, serait-on amené à désigner. De ce point de vue, le qualificatif « créole », trop général, ne suffit pas à traduire la spécificité du rap qui se pratique en Haïti. E acccha, cetains misent sur le caractère indigène du mot et évoque sa dimension identitaire. Dans ce cas, ils fondent leur argumentation sur des critères liés à la musicalité du rap produit par des Haïtiens ; selon ce point de vue, le rap créole est rythmé du son des ab, de ce e dae ie adiiel ec ce faia aie d aiie flklie dHai. Le ge Vab ilie beac de ab da e cea. Dei le db de ae 2000, lage d ab e emarquable dans le rap

54 en Haïti. Les musiques du groupe Barikad Crew accorde une place de choix au tambour dans ses bea. L Tay kreyon de Baikad Ce e e b eele. Lage de ie de musiques populaires haïtiennes peut conférer, à vrai dire, un sentiment de confort identitaire. Ce le de ai leelle il a ce egee de ceai bea ake e ae haïtiens à y recourir, question de présenter au public une musique « locale ». Mais là encore, ce point de vue aurait du mal à résister devant un contre-argument qui cieai ei e lage de ce ie e a eclif Hai. E effe, da dae eace ggahie ilie ce e ie i ae cee couleur locale tant recherchée. Les last poets, en faisant assoir leurs poèmes sur les contours ee de le he dla, -ils pas fait du tambour un instrument de prédilection ? A lhee acelle, gce de lgiciel de iai, bea ake et dcide daje le de ie el ie da cea de a, dedae de sa culture musicale, de son goût, de son feeling, du choix de ses commanditaires, etc. Indépendamment de son origine, de son lieu de résidence, un musicien peut faire écouter le son de ie el ie. O e e dc a dfii le rap haïtien simplement par rapport a e die ilie. Poursuivant une finalité identitaire à travers le rap créole, certains rappeurs mobilisent un puissant élément culturel : le vodou haïtien41. Bka Ekea, l de l gad groupes haïtiens de musiques populaires, a tenté de jouer, en 2009, à travers son titre carnavalesque Republic banana, ce il e rapcine, ce-à-dire un alliage entre le rap e la ie acie. Malac Scal de daie Mi, ae e aiae dii de a la adi, cheche faie la i de aciai ee le a e le vodou haïtien. Il revendique un rap ancré dans la culture haiee. Je ci il a da cee e ideiaie la ibili de e de le de dfiii d a haie. Jeed par là un rap qui tienne compte des éléments culturels, de la dynamique sociale, linguistique, liie dHai se perpétuer. Pour échapper aux écueils de la difficulté conceptuelle du terme « rap créole », le groupe de Règleman Afè popilè (R.A.P) garde une position critique et apporte, du coup, un élément de complexité théorique. Pour eux, le « rap créole » se pratique au sein de la matrice coloniale de

41Voir en particulier Dieu dans le vaudou haïtien de Laënec Hurbon (Payot, Paris, 1972) et Le vaudou haïtien dAlfed Ma (Gallia, Pai, 1958). 55 pouvoir. Cela sous-entend que le rap plonge dans un ordre de discours colonial qui a survécu en Hai a la diaii de ladiiai cliale. Ce ae eedie a bal, inscrivant ainsi leur position critique dans un cadre théorique fondé sur les travaux de Jean Casimir (2001). Ces rappeurs inscrivent carrément leur production artistique et se positionnent dans un vieux débat porté sur les rapports de pouvoir, les conflits de classe et de race qui jale la fai ciale haiee dei la ide cliale j j (Barthélemy, 2000). Par opposition au Créole qui est né et socialisé suivant les normes, les pratiques, les valeurs dominantes dans la société coloniale __ et qui sont plus enclins à trouver normal de reproduire le système socio-économique tel quel est en dépit de ses défauts (esclavage, ségrégation raciale, grandes disparités sociales, etc.) __ le Bossal est celui qui est fraichement capturé et déporté comme esclave dans la colonie (Casimir, ibid.). Le Bal aai rien à perdre et avait tout à gagner lors de la période révolutionnaire haïtienne. De nos jours, les populations les plus démunies sont reconnues comme les descendants des Bossals. Prétendre faire un a bal, ce e ae aie de die il e iie a c de ae laie. Daille le e d ge ige de cee e liie : règlement des affaires populaires. Ardy se veut clair dans ce positionnement l d eeie e jai e avec le groupe le 6 avril 2015: « Nous avons plutôt une position critique par rapport au rap créole. Ce rap reste colonial et il a n enemble de choe e lon ne pe pa epe aec. Ce pooi no dion ojo e no faion n ap poliie. No ne palon mme pa de ap concien. Noe ap chaie n ordre de discours bossal. » A travers ce débat sur le terme de « rap créole », je tente de me positionner par rapport à un choix de terminologie dans le cadre de cette thèse. Etant donné toutes ces considérations préalables sur la notion de « rap créole », le terme de « rap haïtien » me semble beaucoup moins abig e l aiel. Ce i je ai e faie age a lg de ce i e suivra en lieu et place du terme « rap créole ». Da i, de e de cie eee de ie ecae le a haie : des cie de lcaliai e de cealiai e de cie dadee. Cee gille daale peut bien se révéler utile e ece dae gee ica ai da dae e e lie. Le eie cie ed e ce leace ggahie, le cee ci-économique, politique, culturel et linguistique dans lequel la musique est pratiquée. Dans le cas du rap haïtien,

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Haïti sert de lieu de localisation et constitue le contexte global de développement des pratiques ciale egede a cee aiae d a. Le cie dadee e bae l particulièrement sur le rapport de communication existant entre destinateur et destinataire du rap, le contenu, parfois la forme, et le sens des messages échangés. Cette deuxième catégorie de cie iie afi de cide la ee e la ace de ie i e aae icheible dae ee i e aage a la ca deiece e de sens servant de cadre de compréhension pour destinateurs et destinataires (Lizaire, 2014). Le critère de localisation et de contextualisation risque de soulever des objections. Par eele, ae haie digie haiee, dicili e aia le a da ae pays, fait-il du rap haïtien ? Plusieurs paramètres doivent être considérés dans ce cas de figure. Et ce l la cbiai de de e de cies ci-dessus évoqués se révèle utile. Dans ce cas, il faut se poser un ensemble de questions. Qui est ce rappeur ? A quel public adresse t-il sa musique ? Quel contenu et quelle forme (choix linguistique, figures de styles, etc) attribue t-il à sa musique ? Quel cadre de référence facilite la réception de cette musique dans ce que celle-ci ce ce eage, eai, eie, bef ce eiel diflece ? Deux ae aie aicliee aei ici. Il agi de Wed e de Wiclef Jean. Hormis les détails concernant leur nationalité, ces rappeurs développent un rapport avec Haïti, leur pays digie. Wed le acellee e eiie faai de-mer, à la Guadeloupe. Là où il réside, Wendy fait son rap en créole haïtien e il ladee blic haie. Il i e lie aec dae ae haie c e la e Hai d Fa, l de plus influents membres du groupe Barikad Crew. On peut facilement ignorer si Wendy vit à lage, a ie e ellee che de celle dae ae ia e Hai. A egad des critères déjà fixés, je peux dire donc dire que Wendy fait un rap haïtien. Pa ce, e elle affiai ieai de fae da le ca de Wiclef Jean. Certes, cet artiste mondialement reconnu chante quelques musiques adressées à un public haïtien. Je dis « un public haie ad jce Sang Fézi42 il e la difficl il avait, par le passé, pour un jeune de marcher dans New York sans un fusil. Je ne sais pas si cette musique est adressée à des Haïtiens vivant dans des conditions difficiles de sécurité dans la ville new yorkaise à un moment donné ou à ceux qui vivent en Haïti ou les deux à la fois ou encore à dae blics que cela intéresserait. Wiclef Jean a chanté quelques musiques adressées en

42 Voir le lien suivant (consulté le 11 août 2017) : https://www.youtube.com/watch?v=yC34hslzs6o

57 créole à son public haïtien. Je cite entre autres : Yele, MVP Compas, Dialo, etc. Peut-on pour aa die de li il fai d a haie ? Je crois que non. Wiclef Jean fait une musique cfe a e de lidie aicaie de dieiee e i accde bie aec cadre de référence : le contexte socio-économique et culturel des Etats-Ui. Ce i daille ce aie a bie ce43 aux États-Unis. On admettra donc que Wiclef Jean a conquis son public en Haïti après avoir connu son succès mondial avec le groupe Fugees après la ie de lalb The score. On peut penser que je me réfère à un critère de langue pour établir cette différence entre Wendy et Wiclef. Pas tout à fait. K-Lib i eedie a haie e l des rappeurs qui chante le plus en français. Ce rappeur critique ses homologues haïtiens qui, selon lui, f d a aicai e cle. Ce e dnc pas la langue utilisée qui va forcément qualifier un rap. Beaucoup de rappeurs chantent des aspects de la réalité haïtienne, des rapports cia, de je li fai la ali haiee. L e il ced le cle haïtien, un étranger peut éprouver des difficultés à comprendre cette réalité. Le rappeur Ardy a avancé des éléments de spécificité concernant le rap haïtien :

« Il y a un autre critère de reconnaissance du rap haïtien ; ce la manie de appe. D momen o jcoe n appe i chane en cole, je i en mee de aoi il e haien o pa. Je ne ai pa i ce n cie i mappaien moi el mai le flo d appe pe aimen pemee de aoi i ce n Haien. »

Da ce eai deeie, je ced il a ele che de lde d feeling relativement partagé à travers la pratique du rap haïtien ; ce l de icia le de reconnaissance du rap haïtien. Pour être compris et éprouvé, ce dit feeling est à être placé dans le cade de ce e jaelle la ca deiece e de e. Ce feeling joue un rôle prépondérant dans les modes de réception du son-a. Ce feelig e de lde d eei i se construit autour des flows, de de daiclai de dans le créole haïtien, ajoutés à lieai de cea de ie. Le e die ili ie de i e compte car les acteurs sont dans une quête identitaire aussi au sein du rap. Les textes sont également à considérer. La réalité est importante aussi, les sujets traités y sont liés.

43 Wiclef Jean a reçu beaucoup de prix dans sa carrière dont MTV Video Music Award pour Gone Till November (1998) et Hip Don Lie (2006), Ga Aad alb de lae e 2000, Saellie Aad de la meilleure chanson avec Million Voices en 2005, etc. 58

En fonction de toutes ces considérations, je définis le rap haïtien comme cette forme aiclie deei cale i, accage de bae icale e elea d mouvement culturel hip-h, iie glbalee de la ali ciale haiee déterminer le contenu et la forme des messages à véhiculer, le contexte socio-économique, liie, ligiie e clel dHai ea de cade de cicai ce di eages e le eiel diflece. Abi e dfiii d a haie e igifie llee e je i da e eecie eeialie e hgiae d a i e aie e Hai. Jai voulu juste inviter mes lecteurs à une analyse critique du « rap créole , ee d lage e eaie e Hai. Ce e aie de gade e e ciie a a cee i e de chii e ae i i l aielle e i abig. Chii la i de « rap haïtien » e lie e lace de elle ae, ce e ele e e aie de ei que le rap qui se pratique e Hai e a ile geffage de a aicai e faai, bie e beac de ae haie aie jaai ce diie de hlgues américains et français. Ce courant musical a plus de trente ans dans ce pays ; il donne lieu à un champ de pratique impliquant des rappeurs, des DJs, des beats makers qui se sont professionnalisés en cbia da le deiece cituer un véritable corpus de savoirs. Dans la aie i i, jiie le lece ede caiace de ce i dceie de delee d a haie, ac fai debche ai ai de fidable ie.

2.3 Li d a e Haïti Vers la fin des années 1980, le public haïtien développait un certain rapport avec le rap. Mais ce ca ical a aed la eie ii de ae 1990 ie iablee dans le paysage sonore des villes. A vrai dire, à cette époque, le a e ici da bouillonnement musical, ce qui a facilité son acceptation auprès du public haïtien. En effet après 1986, Haïti a vu naître un ensemble de projets musicaux très prometteurs. Ce cee ide que sont apparus Zenglen, Lakòl, Zen, Papash, Rik, de ge i al a e touche originale au compas direct, contribuant ainsi à diversifier ce genre musical local. Des chanteurs et musiciens tels que Beethova Obas, Emeline Michel, etc. sont apparus sur la scène à cee e ide. E dae ee, il a e e ce e-là une effervescence dans le

59 daie de la ie e Hai. Lclaee de la ie acie44 ee l de idicae de ce mouvement de création musicale qui continue de marquer les esprits dans la société haïtienne. Comme on peut le remarquer, le terme même de musique racine sous-eed lide d ecee ideiaie, a e de lge da le cfle de ce clelle haïtiennes, très profondes et nombreuses, pour créer une nouvelle musique, un son renouvelé accda e ele e a aiaions existentielles du peuple. La musique racine est apparue en Haïti dans sa force entrainante et évocatrice, étant bien ancrée dans des traditions rythmiques anciennes. Les titres Kè m pa sote de Boukman Eksperyans et Manman poul la du groupe Koudjay ont servi à faire résonner cette création musicale, alors nouvelle, aux multiples eille d adiie aide de hi. Cee ace caie a facili le d a haie e ce e e laee de ce ca ical e ici da la de ea ael le blic e habi progressivement. Du coup, des titres comme Politik pa m, Tann PouTann, Petite Fille Des Troittoirs de Master Dji ont été c aec eai ce l A.k.i.k.o dEelie Michel ou Dife du groupe Lakòl. Le son rap est bel et bien passé parmi la foule de nouveautés apportées par cette nouvelle vague de musiciens qualifiée de « nouvelle génération ». Faut-il croire que tout nouveau fût tout beau ? En fait, on aurait tord de penser que, dans ce climat de bouillonnement musical, le rap ai gag a ecaiace a eff. Li e fa ! Certes, il y a eu cette relative facilitation de la réception du rap ce el le ical e Hai, da le cee de legece de talentueux musiciens et de projets innovateurs. Mais il a fallu toute une lutte menée par les pionniers du rap haïtien pour se faire accepter et gagner une place sur la scène musicale. Ces rappeurs ont bien compris la nécessité de se réunir entre eux pour former un faisceau convergeant vers un travail de promotion, de formation et de sensibilisation auprès de jeunes Haie ceible de iee afi de faie de adee i devaient contribuer à leai d mouvement hip-hop ce il e ca de leede da le dic de pratiquants du rap en Haïti.

44La musique racine est un genre musical haïtien fondé sur un mélange de rythmes traditionnels et des sons i da dae ca ica ce le ck, le ja, ec. Sel l de e icia iie, le musicien Samba Zao, cette musique est apparue en Haïti vers la fin des années 1970. Il y a toutefois un débat entre laie Ll d ge Bka Ekea e Saba Za ccea la ei de ai i a liigae de cette musique en Haïti. A ce sujet, on peut consulter en ligne un riche entretien de Samba Zao à partir du lien suivant (page consultée le 11 août 2017) : https://www.youtube.com/watch?v=iBOXG04KSP8 60

Ce i daille, le eie ae c e i a de Mae Dji dans le but de militer pour la cause du rap, en formant une sorte de confrérie endossant la grande responsabilité de répandre le rap en Haïti et de travailler à son rehaussement. Supa Dénot, Elie Rack, Frantzy Jamaican, BOP, Top Adlerman... ont collaboré avec Master Dji, le plus estimé des pionniers du rap haïtien. Plus tard, certains de ces artistes ont formé ou intégré des groupes qui ont connu un relatif succès en Haïti vers la fin des années 1990. Passionnés et conscients de leur position de porte-étendard, ces artistes voulaient développer le rap en Haïti par la production et la lgaiai dalb, a de glie eface ce e e faia, cee, de l e l dadee che le jee. Aii ea c de ae, de DJ e de fa a-t-il commencé peu à peu à se constituer à Port-au-Pice. A db, le a haie e dc pratiqué par quelques pionniers qui se rencontraient pour partager des moments de convivialité, découvrir ou exhiber des talents et prendre des initiatives afin de hisser le hip hop sur la scène culturelle haïtienne. Ces pionniers organisaient des spectacles qui étaient pour eux des lieux de challege, daffiai de i e de ecaiace ; de l aie le ii e le complicité avec un public f jee lagia geiee45. Après sa phase de germination, le rap haïtien a connu un essor considérable à partir de la première moitié de la décennie 1990. Les premiers albums de Master Dji posaient le jal d rap fécond et optimiste à partir duquel il a voulu toucher quelques pans de la réalité sociale. Dae ge de a a ad ie cee eiece. Le ge Oigial Ra Staff (ORS) a marqué cette période-cl de lhiie d a haie. E 1994 e 1995, il a sorti respectivement Bagay dwòl et Tout moun sou blòf, deux titres à grand hit qui lui ont valu sa confirmation et son respect. Ces deux tubes ont contribué à la popularité du groupe par le caractère brutal des propos. En fait, les propos tenus dans ces deux opus se distillaient sans d a ei de ladiie i ai de i chae le eiece difficile, da un contexte de déchéance sociale caractérisée par la violence politique, la misère, liealiai liie de aes, etc. Les musiques de ce groupe étaient entrainantes et les thèmes diversifiés. Outre les deux titres déjà cités, Tanperaman m chanje, A toi, Merci, Kimberly ont rencontré une réception particulièrement favorable parmi les fans. Ce qui a assuré la populai de ce ge e Hai, cai elee la ali de e ie, le ale

45Ccea le db d a haie, i ee dHe Bic bli e 2009 : « Leffe Baikad Cew danslhiie d a cle e Hai . http://boursiquotherve.wordpress.com/rap-kreyol-an-aksyonlavenir- durapamericamania/ 61 incontestable de ses artistes mais aussi la curiosité que suscitaient leur look et leur style vestimentaire. En visionnant les rares vidéos-clips46 produits par Original Rap Staff à partir de 1994, e bee il ai de -shirt et des jeans très larges. Certains avaient la tête ae de de c aec de eie che de chee a ilie. Cai e age e cl pour beaucoup de jeunes de cette époque. Original Rap staff a été effectivement « bien monté » en associant la fluidité remarquable et le style original de Top Tchuco, de Money Money Mike, de Posse X à la finesse vocale de Wolf Kool MC et le penchant de Top Adlerman pour le ragamuffin. La plupart de ces artistes figurent de nos jours encore parmi les meilleurs rappeurs haïtiens. Le a haie a j del a i aec le agaffi. Il e eble e le de cae de cee elai ie i liflece de la ique jamaïcaine en Haïti, notamment le rayonnement relatif des artistes comme Shabba Ranks, Buju Banton, Shaggy, Sean Paul, Eleha a, ec. A e de la fai d ge a, le ebe fdae f a d ci de dieifie le le, la complémentarité des compétences vocales est recherchée ce le daille celle i e fde de a jg ia le ge. Le timbres vocaux, les flows, le g e aie de he aie, de ei lesquelles e lacce l de la cai d ge de a. Da e ie de a, a bei de i elaiee aig de he le efai e che d le R&B, e i e gae e ae e dae e de ibe variables selon le type de flow e ligiali d ae. Diffee le e de ae, le i aage el de ie le cea de ie e aai. Ce ci de dieifie le i favorise du coup ce rapport de proximité du rap haïtien au ragamuffin. Le premier groupe de rap haïtien, Haïti Rap & Ragga, atteste de cette relation étroite et souligne la conscience que ses membres en avaient depuis le début des années 1990. Depuis, il est très difficile de parler de lhiie du rap en Haïti sans évoquer quelques groupes et artistes qui, de par la sonorité de leur musique, sont plus du côté du ragamuffin que du rap proprement dit. Ils deviennent même incontournables. A la limite, même au sein du groupe Original Rap Staff, je pourrais même

46 Voir respectivement les clipsde Bagay dwòlet de Tout moun sou blòfà partir des liens suivants (pages consultées le11 août 2017) : https://www.youtube.com/watch?v=Q7ni-EN_cRE https://www.youtube.com/watch?v=6F6eeNghODo

62 hésiter si je devais considérer comme de véritables rappeurs Wolf Kool MC et Top Adlerman i, a, fai le ee a ei d ge da dae je ica47. Les groupes Haïti Rap & Ragga et Original Rap Staff ont ouvert la voie à une kyrielle de groupes de rap et à des groupes dont la musique reste proche du rap. Dans cette lignée, le groupe qui a le plus marqué la fin des années 1990 en termes de popularité reste King Posse. Initialement formés de Black Alex, Samy B, Don Chov, Haitian Buju et Boudha Ranks, ce ge a c e i idiae de a laai il a ci che le jee ce chez les adultes à partir de 1995 dès la sortie de son premier tube : Lokal. Pour avoir une idée de la populai e liflece de ce ge cie ee 1995 e 1999, il ffi dbee le marées humaines qui le suivaient des défilés carnavalesques ou de lire les commentaires visant les premiers vidéo-clips de ce groupe logés sur Youtube. Ce groupe a imposé la variante Ragganaval a caaal ael dHai, traditionnellement dominé par des groupes à tendance compas. En effet, en 1996 King Posse fut le premier groupe à tendance rap et ragamuffin à avoir participé au carnaval national avec le titre Cool non. Ce fut un succès incontestable : la musique était très entrainante, elle dominait dans les hits parades. Elle a attiré beaucoup de fans. Dans les années suivantes, il y a eu tellement de groupes de la même tendance qui ont fait de titres de carnaval que les autorités organisatrices étaient obligés de créer la catégorie spéciale pour classer le ge edace a/agaffi la bae de le eface afi de cee le eille. Acellee, Kig Pe eie e de . De de e premiers chanteurs __ Louicito dit Don Chov et Jamesly Alex Pierre, alias Black Alex __ sont décédés. Boudha Ranks e Haiia Bj ide lage. A lie eie, il a de eaie efe ce ge la echeche de a lai daa. Dae chae eji lie. L de ide caaalee, le ge ie afi de e il eie ece. Mai il ee évident que le groupe exerce une très faible influence sur le public. Les groupes Haïti Rap & Ragga, Original Rap et King Posse se sont révélés comme des exemples à suivre. Dans le sillage des précurseurs du rap haïtien, toute une panoplie de groupes ont émergé à la fin des années 1990. Je peux citer Shaka Dreams, Rap and Family, Universal rap stars, 4x4, un groupe constitué essentiellement de femmes, Family Sencie, Million Code, Flex, Black Leaders, King of King, Metal Ice, Bad Boys Stylo, etc. Dans la ville des

47Par exemple, Top Adlerman reste un artiste polyale. Il e egag da e caie l e a gade réussite est peut-être son album Watcha Krazem, paru en 2004 sous le label de Kreyol Music. 63

Gonaïves, il y avait Chachou Boys et à Saint-Marc, les groupes Ragga Jams et Dako Boys. La liste serait trop longue, si je devais mentionner ici le nom de tous les groupes qui sont apparus à cette période-l. Il agi ici, de ge i e la chace de e faie cae d gad blic ace il aie a lie . Il e eiai dae, inconnus et innombrables, qui ne parvenaient pas à passer les limites de leur quartier, faute de e fiacie a ae cac. Je e i ed ce de lale de cee expansion du rap à travers les quartiers populaires des villes lors de mes entretiens avec les ae e jai ec. La ai-totalité de ces rappeurs ont évolué au sein des groupes non connus du grand public. Cette exubérance de groupes de rap constatée depuis le deuxième iea de ae 1990 a l de liflece de eie ae haie e dae rappeurs étrangers sur une partie importante des jeunes vivant dans les milieux populaires urbains. Elle caractérise cette période-cl de lli d a e Haïti où ce courant musical e geiee iall da la ie idiee de ge. Pafi, ceai edi, le a e e dee ilcable e ce e il e diille bilee e ie da de he incontournables par exemple a c de hicle de a e c (b, caiee) ou à travers le bruit des postes de radios qui desservent le quartier à la mesure de leur puissance en décibels. Da ce lige leli d a e Hai, je e aiclièrement mentionner Mae, ge i e eee diig a la ee e la fce de e ee a c de cee e ide e je ie je de lige. F e aie a dacie ebe d ge Oigial Ra Saff, Mae e ystématiquement lancé dans une entreprise de critique sociale qui a fait son originalité et sa notoriété. Je reviendrai plus loin sur quelques extraits tirés des textes de ce groupe mais je veux citer une partie du texte de Yon ti chans pou Ayiti, une des musiques ayant fait le succès de ce groupe en 1997.

« Jenès fòk nou kriye rele / Nou pa gen dwa pè pale / Lang nou se sèl zam nou posede / Pou n defann no, pei no / Ann di o: ba a ka ba / Pa pom a pa p ba / Nan ki kan mon a o e ?/ Nan ki kan pou n kanpe ?/ Nou fin pa dekouvri se zafè pa yo y ap regle » [Jee, il fa cie, lee i / Nae a e de ale / Ve lage e e ele ae / P vous défendre et défendre votre pays / Disons-leur : de ce e ae/ Ne ee a ce e e dee a / Il da el ca, e ? / Dans quel camp devons-nous nous ranger ? N a fii a dci / Qil e ge e le e i]

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Mae f l de ae ge de a à avoir montré que le rap haïtien pouvait prendre au sérieux ce qui se joue dans la dynamique sociopolitique de la société haïtienne. Sans détour, les rappeurs comme B.O.P, Baby One King, Don Camelo, Big Tray, Master Pretcha et Lady R ont rassemblé et accordé leur flow, leur voix et leur style pour mettre des mots sur des constats que dae idiid aie faie e bea de ce i e ae da le dlee de la vie politique du pays. Ce fragment de texte ci-dessus constitue un appel à la mobilisation adressé à une jeunesse longtemps abandonnée et meurtrie par la misère et toujours trompée par des soi- dia diigea i e f e eichi a die d ele haie. Ce e ca le point de vue du groupe à travers cette muie il cide e e e e il réclament une chance pour leur pays en faisant une triste description de la réalité sociale. Cette grande abondance de production observée dans le rap haïtien globalement dans les années 1990 deai e ie da le ae 2000 aec legece de ae age de groupes. Mystic 703, Ambassad Camp, Magic Click, Pick-up Click, C-Project, NGS, 2 Kondane, Summum Positif, Bèlè Massif, Chalè Republic, Asrap, Brimad, Epidemic, Code Lari a, Rockfam, Barikad Crew, Freedom, Gravity, Company G, D-Kwat sont les plus connus. L ece, je i blig de ae a l clbe ; il a e ellee de ge de a e Hai da le ae 2000 il eai ai- impossible de les citer tous ici. Ce a c de cee iche ide e le bea ake cec créer de nouveaux beats en se servant des rythmes traditionnels haïtiens. Tay Kreyon e dae ie de Baikad Ce ille cee edace. Le ge acharnent à eiee dae eiece e ee daagee hie, dicii de leur musique dans les traditions culturelles du pays. Je veux parler par exemple du rap offert par le rappeur Vox Sambou et le groupe Freedom à partir de ses deux albums Voodoo land et 1804. Ce a c de la dceie 2000 e e deie e lgie d a e Hai. Celle-ci e e fle ai elle e ad e de fece. Reca dae cagie utilisées dans les contextes américains et français, les pratiquants du rap parlent de diverses variantes de rap : rap festif, rap égo trip, rap conscient, rap gangsta, story telling, etc. Cette typologie se base essentiellement des sujets traités dans un morceau de musique. Ainsi, une

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ie a i ale de abiace de diaci cllecie l dae, chae, bi de lalcl, ea cagie ce a feif. Le le ae ale de li-même, de ses ale, de a ii a a dae hlge, di il fai de lg i. Le a conscient consiste en une description et une critique de la réalité sociale ; contrairement au gaga a die de ile ie de eace ledi de adeaie carrément des ennemis, il attire laei de blic cible le ble cia. Le a conscient invite au recueillement. A travers le rap, on peut aussi raconter des histoires réelles ou imaginaires ayant le plus souvent une leçon à inculquer. Parfois les rappeurs parlent du rap hardcore il e a a ti kawòl48, ce-à-dire un rap mou en termes de textes, de beat, de rimes et de flow. Le rap ti kawòl est comme sans consistance. Le rap hardcore est costaud en terme de beat, de rimes et de flow. Nombreux sont des rappeurs haïtiens qui se laissent entraîner dans des beefs avec des groupes rivaux en imitant le modèle East coast/West coast du rap américain des années 1990. Certains parlent carrément de gansta rap et glissent dans leur texte des propos qui font penser à une apologie de la violence. La plus grande polémique que connaît le rap haïtien depuis les années 2000 reste celle qui oppose les groupes Barikad Crew et Rockfam. Dans Bengbeng, le ge Rckfa adee e adeaie de Baikad Ce e ces termes : « Sispann pran Rockfam tankou dezenfektan pou n lave dan nou/Ou bay twòp manti finalman ou resi gate san m/M ap fè w konnen sa w di sou mwen, nego, pa p jan m ka fè m anyen/Gen madigra k te pi byen maske pase w y al jwenn Titanyen » [Arrêtez de prendre Rockfam comme un désinfectant pour vous laver les dents /Vous mentez tellement que finalemen o me mee en cole/Ce e o die de moi ne maeinda jamai/Dae gen pl effaan e o on eo Tiaen49] Des propos de ce type sont peu à peu devenus très courants au cours des années 2000. Ce rap gangsta, el e eedi e Hai, chaie leie li llge d bad boy. Le rappeur Fa aelle li-même tapageur. Le nom de 2Goutan est connu des fans de rap en Haïti.

48Par référence à cette sorte de afaichiee c bae d j, ce gel da de ei sachets de forme cylindrique. 49 Situé à quelques kilomètres au nord de Port-au-Prince, Titayen est un endroit tristement réputé comme lieu dacceil de cadae de ee diae e a e deie efge de idige. 66

Jimmy O dans Babylonn50 invite les Rude boys, les bad boys et les gansta boy à lever les mains. Dans Gangsta party, il se vante de marcher, parler comme un gangster et raconte ses exploits da clb l e eie de ee. Da ce e de dide, je dai lige le id a i, dei le ae 2000, le ee de ghetto » dans le discours des rappeurs haïtiens. La vie dans le ghetto est décrite dans sa réalité la plus crue ; elle est rythmée de misère e dicié. Le ghetto est ce lieu où le dénuement fait voir de toutes les couleurs comme le mentionne Lawman et Franco Love dans Lavi ti nèg geto : « Lavi ti nèg geto gen tout koulè men l pa ka wòz. » [Dans les ghettos, la vie a toutes les couleurs mais elle ne peut pas être rose.] Dans de ee a ce je, le ghe e e ce le lie a ecellece de débrouille mêlée à la délinquance. Tout se passe comme si la capacité à vivre dans ces lieux était une qualité à prôner. Cette vision du ghetto se trouve systématisée dans Bon jan nèg geto51 de Jameson Toussaint, a.k.a G-Bobby Bon Flo. Ce ece da le ae 2000 e de ae haie cec ale de business dans le rap. En effet, à partir de cette période-là, une vision entreeeiale ialle dans la pratique du rap qui se conçoit, du moins par certains rappeurs haïtien, comme un game, je gai d la aie de age deai eee degede de fi. Durant cette décennie, on a vu naître deux associations qui se sont donné la mission decade le ae e de a haee d a haie. Il agi dASRAP e de Koze Kreyòl. ASRAP fut un collectif de rappeurs haïtiens qui, au début des années 2000, se sont associés afin de promouvoir la culture hip-hop dans un contexte où celui-ci paraissait en déclin caaiee la e e lhgie d ca diec cee e-là. Les rappeurs de ge diffe e i da liei de aie le a e ee de je musicaux et de promotion. Koze kreyòl est fondé en 2004 par Emmanuel Cajuste qui, après avoir été déporté des Etats-Ui, a e lide de ce e ce de i d a haie. Ce lie de ece ee MC e dae ee iee par la culture hip-hop. Entre 2005 et 2008, Koze Kreyòl a joué un rôle considérable dans le développement du rap haïtien. Cette structure a établi une certaine notoriété à Port-au-Prince ; elle a e i liiiaie de décerner des récompenses à des artie e/ de ge daie e ea dle le fameux Awards américains.

50 Jimmy O, Babylonn, Vi prive m. 51 G-Bobby Bon Flo. (2009). Bon jan nèg getto, Pale cho, RKM Recordz, Port-au-Prince. 67

A ae le chagee a c le a haie e cee ide, je ie lige le poids du rap égo trip. Les traces de cette variante du rap peuvent être repérées depuis les années 1990 mais celle-ci a vraiment été systématisée dans les années 2000. Le rappeur parle de lui-même, vante ses talents extraordinaires qui le font surpasser tous ses homologues. Tout se ae ce i la cece d ae se mesurait à sa capacité à faire éloge de lui-même. Comme si la pédanterie était en elle-même une qualification. Dans ce rap égo trip, il ne faut pas e : un débutant, dans son premier track, peut facilement se prendre pour le plus fort de tous le ae. Dae ae l acie ee e ede Alpha e lOméga du rap. Dans M ap rap G Bobby affirme : « Si m mouri pou rap [Si je meurs pour le rap M ap ret yon moniman Je resterai un monument Paske depi m stat Ca dei e jai cec M pa t janm gen konkiran Je ai jaai e de cce Pran de 1 a 100 m okipe tout plas » De 1 100 jcce e le lace]

La systématisation de ce rap aux propos auto-élogieux marque une ligne de démarcation entre cette nouvelle génération de rapeurs et les pionniers du rap haïtiens qui, au contraire, cherchaient à consolider leurs forces et acquis afin de promouvoir cette tendance musicale en Haïti. Le rap ego trip coïncide avec la montée des individualités à travers le rap. En effet, ce au cours des années 2000 que le public a commencé à se focaliser sur des individualités contrairement à la décennie précédente où les rappeurs se faisaient connaître au sein de leur groupe. La montée des individualités au sein des groupes a progressivement débouché sur le développement des carrières en solo ; même des rappeurs évoluant encore dans des groupes à cc lac. Mebe de l de ge de a le l laie e Hai dei fin 200852, Barikad Crew, les rappeurs Izolan, Fantom, Bricks, ont sorti leur album solo. Dae ae haie e fai cae da e caie e l da cee dceie : Blaze One, G Bobby, Jimmy O, DRZ, Fefe, BIC53, ec. Da ce e de dide, je e

52La dae d 15 ji 2008 ee iae da lhiie d a haie. E effe, cee dae ael la tragique de trois rappeurs du groupe Barikad Crew et de leur chauffeur tués dans un accident de voiture. Leurs faille laie lede de le lai. Dei, Baikad ce ie ce l de ge le l populaires du rap haïtien aux côtés de son rival Rockfam. 53 BIC évoluait dans le domaine de la musique depuis les années 1990. Mais il a connu sa notoriété dans les années 2000 à partir de ses albums Wow, Kreyòl chante Kreyòl konprann. 68 citer E.Z. One, un rappeur vétéran dont le nom inspire beaucoup de respect parmi les pratiquants du rap en Haïti. Le ae 2010 galee ae a laaii de ea ge de rap ou de rappeurs évoluant en solo. Parmi les plus connus, je peux citer le groupe Wòklò et des rappeurs comme Wendy Traka, P-Ja, Bak Pil, ec. Ce a dae a, ce ae cheche le ie da ach difficile dacc e cibe aliee le a haïtien. Dans les pages ci-de, jai e de ecie lhistoire du rap haïtien en y repérant les gad e e e ea e idece legee e cie cee edace icale, depuis le début des années 1990, chez le public haïtien constitué majoritairement de jeunes. Parmi ces mêmes jeunes qui sont attirés par la puissance mobilisatrice du rap, beaucoup ont cherché à développer des talents pour devenir eux-mêmes des rappeurs à part entière. Certains arrivent à se faire connaître du public, exhibent leurs talents et gagnent une relative notoriété et lai. Dae aiee a. E ca, be cidable de ge de a eg e Hai eda le i deie dceie. Le delee e laie d a haie e le. Leai de aie ciale i e mettent en place autour de cette musique répond à des logiques, des modes de structuration impliquant différents acteurs. Lli d a haie a ccicee ee, il ie de cide le différents discours et représentations auxquel e le a, e Hai ce lage. Ca dei le ae 1980 le a fai lbje de lile ciie, le e aaia l fde e dae. Il de lie de jgee de ale ai ai de flei igee. Voyons à présent quelques éléments de contenus des divers discours qui traversent ce genre musical.

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Chapitre 3 : Le rap entre prénotions et constructions savantes

Il est un fait avéré que, de nos jours, le rap se répand dans un grand nombre de pays du monde e ie a iea de lffe icale diible le ach ieaiale. Le a e l e de icale ; il a e cie, ede da a i e facaae, e e il e ae a ei ae de cextes socio-économiques, liie e clel ai. E fai l le e le ae deaie ee e il aie b ele che le la aiie. La caai ee le a e dae gee ica jgs plus mélodieux et plus « classiques » semble sans aucune eiece daa il e l ceaie de cheche de la iace caice d hip-hop en général ou de la musique rap en particulier. Le rap est partout. Alexs Pate (2010 : XV) le considère comme « le he bea de e e ». Contenu dans les smartphones ou da dae gadge lecie i ialle eiiiblee e ieiblee dans notre vie, il atteint les oreilles des jeunes et des moins jeunes qui ont développé une habide dce elaiee faable. Je e ale e a de la lii i de la adi ; ces médias restent des principaux vecteurs du rap dans les pays où celui-ci a idie. Le rap est entre temps devenu une béquille sonore quasi-idieable. Ce fidable igdie i ee i dai le g d blic cible d i de laie e de di ceible de liee. P e caice, e l ee e de e prêter attention au support musical dont se servent des magasins de tout type dans des villes comme New York, Miami, Paris, etc. D i ce i ecaie liace d accagee ical lil agi de hicle eage, le a e haee cidable. Ce ai daa l fee e le eage e ade de jee. Le lie jeee/a a dei toujours compris et établi par les observateurs et les rappeurs pratiquants eux-mêmes. Il est devenu comme un allant de soi influant sur la forme des messages à adresser à des populations de jeunes. Ainsi, en Haïti, pour encourager les jeunes à utiliser des préservatifs le groupe Barikad Crew a sorti Met kapòt qui venait renforcer le message véhiculé dans Zanmi, un titre au son de ragamuffin produit par le groupe King Posse en 1996. Très récemment, une vidéo véhiculée sur

70 les réseaux sociaux a défrayé la chronique : celle montrant la première dame des Etats-Unis, Mme Michele Obama, en train de rapper pour inciter les jeunes Américains à aller au collège. Le son du rap permet peut-e a eage de l able, l efficace a de jee deiaaie. Ce ce i elie bablee ce egee. O adea a de lhee acelle le a e oins tant il est devenu une pratique relativement banale ; il a pu e faie e lace de chi la ce clelle ieaiale e, de l e l, ce e l une simple et exclusive affaire de jeunes. E a e aie ciale icrustant dans la dynamique et le contexte social du milieu dans lequel il prend forme, le rap donne lieu à tout type de points de vue. Certains sont carrément des préjugés et des raccourcis qui visent non pas à comprendre cette variante musicale mais plutô laai. Lhiie d a e ffe de ce e de egad fd le g, la cle icale, le habide dce, le eiece eelle de e fa. Nai, le a fai ai lbje d dic aa dei le ae 1980 (Jouvenet, op. cit.). En effet, nombreux sont ceux qui ont consacré des travaux de réflexion permettant de saisir des aspects aiclie de la aie d a. Ce daille gce a die aa ali da le mondes anglophones et francophones qe je e ee dahede le a. Dans ce chapitre, je cherche à mettre en évidence les différents discours __ profane ou savant __ auxquels le rap a donné lieu. Il importe de passer en revue ce qui se dit concernant cette variante musicale en termes de représentations du sens commun et de discours savant. En ce qui concerne la musique rap, ces deux types de discours sont-ils diamétralement opposés ? Que nous renseignent-ils sur le rap dans sa dynamique de production, dans sa portée esthétique, son extension, sa signification sociale ? Si jaccde la ii a aa cieifie aia lie aec d a, ce ace e le ae fai ee de ige i ae un niveau de crédibilité à leur réflexion. Je constae, e fai, il eie ccea le a dia aa cieifie i eee de de de -à-penser, des idées reçues jalonna lhiie e la aie d a. E ige labdae liae eia sur ce sujet en France et surtout aux Etats-Ui. Da le cade de cee he, je ci il e important de considérer ce qui existe déjà en termes de réflexion critique de telle sorte que je ie ie faie ei la de a flei da ce daie. Ce présent chapitre a pour but de présenter divers discours et représentations auxquels la pratique du rap a donné lieu.

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3.1 Les appréhensions premières du rap

Le a e l e a cialee e ehiee facaa. E effe, depuis ses premières manifestations, que ce soit avec les Lasts Poets qui tenaient un discours de contestation ou avec les DJ Kool Herc, Grand Master Fasch et Afrika Banbaataa qui cherchaient à amuser leur public, cette musique a toujours suscité de vives réactions oscillant entre un grand attrait et un rejet catégorique (Bazin, op. cit. ). Dei la fi de ae 1970, le a a fai lbje la fi de faciai e de li. Aai a de jee d de i charmés par le rythme, la dae, la de die, le eage de ae. A ai die, cee aiae icale a f eiel daaci i fai elle i caable de e e de ialle da de aage clel fai diffe e d faie de adeptes. Mais le rap rencontre aussi un rejet péremptoire de la part de ceux qui ne se laissent pas envahir par son feeling. P ceai, ce e ie ilee dageae de ai lie a ee, a fe deei, a cements et attitudes de ses pratiquants, etc. Un ensemble de représentions et de points de vue contradictoires concernant le rap émanent de ii aichee laelle celi-ci ed de lie. Si ce e ie attrayante qui ne fait que conqui le jee d de, i ce ee la belle. Daille, da le ae 1980, be aie ce i caie e le a, ahed comme une simple mode musicale, était destiné à sa propre implosion et donc à une disparition iiee (Chag, . ci.). Le dlee de lhiie a d le caie. O a d de considérer cette variante musicale comme un simple et éphémère effet de nouveauté musicale : le a a ci le de e ce e ele e, e ie de cnsolation ou un réconfort moral e e e aia face a dace. E fai, e il e l cde, de nos jours, de parler de « folie passagère » pour désigner la pratique du rap, cette musique continue de provoquer du dégoût che e dlae ie daie le cle. Ee le egad de ceux-ci et le feeling éprouvé par les fans et les pratiquants, il y a une étendue de points de vue, de ide i ee e cllii, e ee, eeche e i, afi, e econtrent ceai fai a e ele le dbeai ael de lie la aie d a. Ce ae le je de cadici aa de laai de fa e aia e de

72 la ceai il e de a ce e ce il de i ce iage e le a a e dele ie da lidie icale diale. Et cette évolution est jalonnée de positions personnelles, de convictions intimes, de points de vue plus ou moins argumentés exprimés de e a l e ee lccai de eie le a e de he cee. Da le cade de cee flei je e aicliee ae i icia i de e lagee aag ccea le rap. En premier lieu jabde le eeai el leelle le a e e ce lie deei de la ilece. Eie, il ie de eei lide i e e le a e soit pas une musique à proprement parler. Enfin, je souligne le lien très fréquemment établi entre le rap et les quartiers défavorisés où le ghetto est conçu en tant que le lieu par excellence de aie de ie i ee de ce diiai ceai be de ae.

3.1.1 Le versant indésirable du rap : la violence comme argument Le de aie aaee aelle dahede le a, ce de le cide comme une musique qui détient une relation très étroite avec la violence. Dans Rap Music and Street Consciousness, Cheryl Lynette Keyes (2004) a montré avec quelle facilité le rap est aci la ilece da le cia aicai e da la ee aicaie. Da ce ae, nombreux sont les critiques qui véhiculent la conception selon laquelle rap et violence sont ellee li il ce des synonymes. Il mentionne les bandes son des films The lost boys (1987) et Colors (1988) qui, à son avis, renforcent le lien rap/violence. Examinant des articles de presse qui parlent de violence lors des concerts de rap, il souligne le point de vue partagé par beaucoup de journalistes selon lequel le beat du rap entraine des comportements dcha. Il cie le ceaie d jalie : « Le ap ajodhi e cole e la mie dnomme backgond mic o caching e ellemen inene elle incie agi aec violence. » (Keyes, 2004 : 2) Le lien rap/violence semble automatique pour quiconque ne prend pas le recul nécessaire afin de pouvoir envisager cette musique dans sa complexité. Car la sonorité du rap est virulente dans ses textes, dans son rythme et, très souvent, dans le vibe (vibration) qui anime le rappeur au moment où celui-ci accde fl laie-fond musical mis à sa disposition en studio ou sur scène. Néanmoins, la violence fréquemment associée au rap se fonde plus sur les propos e da le ee de a e, afi, da le de dagiee de ele ae

73 que sur la force rythmique de cette musique en soi. Les traces de cette violence sont à rechercher dans les textes de musique, au niveau des images véhiculés à la télévision via des vidéoclips, i e da le ace a de ae. Ce ce i cibe efce laalgae a/ilece. E fai, le ee d ceai e de a cee de i, de par leur ton et leur caractère cru, font penser à une apologie de la violence. Cette violence eie lie fe e e j de ae che e aie de ladiie d a, ele i liei de lae. Ti gad e de ee cee gnéralement de aill d iea de ilece aiable el le le de lae, le deiaaie, le sujet traité, etc. Un niveau de violence qui est susceptible de provoquer le dégoût chez le non- iii ie che lhabi i, afi, e estimer que les propos du rappeur vont trop loin. Il agi de ea d rap beef le adeaie affe c de g mots, cherchant ainsi à gagner une battle, e de dfi e e elee dae (Laaade e Rousselot, op. cit.), le public étant le juge. Deuxièmement, il y a des textes traitant du rapport he/fee i ee e lacce la eali. E deie lie, le iie gad e de ee ele de ce e l aelle ce e a op de recul la « musique engagée » où le rappeur, se sentant à bout de souffle54, eie e de ee politiquement incorrects face à un système social jugé oppresseur. P ille le eie e de ee, je ici ele eaits. Le premier est tiré de Shook Ones Part II du rappeur américain, Mobb Deep, titre figurant sur son album The infamous : « Speak the wrong words man and you will get touched/You can put your whole army against my eam and/I gaanee o ill be o e la ime beahing/Yo imple od j don moe me/ Yoe mino, ee majo/Yoe all p in he game and don deee o be a plae/Don make me have to call to call your name out/ Yo ce i feaheeigh/M gnholl make o leiae/Im only 19 but my mind is old/And when the things get for real my warm heart turns cold/Another nigga, another story gets told.» [Parle en de mauvais termes et tu seras atteint/Tu peux soulever ton armée entière contre ma bande/Je te garantis que tu rendras ton dernier souffle/Tes propos ne me font ni chad i fid/T e ie, e aje/V e h d je e e ie a de un joueur/Ne me pousse pas à citer ton nom/Ta bande est sans aucun poids/Mes coups de feu

54 Dans The Message, Gad Mae Flah a dcla il ai « à la lisière » (close to the edge). Cette musique a e la ie beac dae d e gee ca da dae a de jee fai d a iable e deei de le al-être. 74

ee./Jai elee 19 a ai ei e ae/Qad le che deiee iee, c chalee deie fid/U ae g e dcd, e ae hiie e racontée.](Da a adci) Ce e le eae, lae de ce ee arle à un adversaire voire à des adeaie il fige e i il lace e ie e gade. T e, le adeaie e connaissent et le public devine plus ou moins facilement le destinataire de chacun des messages contenus dans un texte. A la limite, en écoutant un tel texte on peut parler de menace de mort. Sauf que la personne menacée reste non identifiée et seul un public bien branché parvient à deviner ce destinataire lorsque celui-ci e a ficif. Ce ale de bie a je d a beef, ce-à-die ce le de a i aliee ecliee ai de iali dclae existant entre des rappeurs ou des groupes de rappeurs. Les textes de cette variante de rap contiennent des propos amers contre un adversaire. Des propos qui visent la destruction iagiaie ie elle de ladeaie. Pl le ale de e hiliae, l a la chace daccable ial e de gage ceai eec a e d blic i e de jge. Da Alad55, un jeune rappeur français, une battle est carrément e dai de la reconnaissance. Il explique sa stratégie dans une partie de free style : il cherche à faire un dcalage, faie e e e le blic laccage ce ladeaie. On clashe tous ensemble, affirme t-il ». Dans cette recherche de valorisation et de reconnaissance, beaucoup de ae effce de j la hae ; ils développent un talent dans cette tâche qui consiste à se montrer capables de se défendre face aux propos virulents des rivaux et de contre- attaquer. Ainsi se met en place un cercle vicieux dont il est difficile de sortir : que ce soit sur un disque ou dans un clash e face face, il a a de lace de b efa. A contraire on doit dire ce qui blesse, qui fae ladeaie da eie de i. O di li ale de a faiblee, de e ae, de icaaci ei da la baaille, laae da a virilité, dans son être. Dans cette bataille, tous les moyens sont bons : il fa caialier sur une caaciie dfaable aee de ladeaie, le fea. P e ce i e de aei le dabilie e laccable dea le blic. U ae e alle j fe de ije ledi de la e d adeaie, ce i e dcleche de

55Voir le lien suivant pour regarder ce jeune rappeur dans un clash avec un rival (page consultée le 12 août 2017) : https://www.youtube.com/watch?v=K2ZRUzlcRf8 75 affrontements physiques56. D leli de eei i ade ce nique ta mère » dans le rap français, un équivalent de « mother fucker » dans le rap américain. Ces termes et tant dae cibe à perpétuer les pratiques de jive talk ou de shit talking dans le rap (Poschardt Ulf, [1995] (2002) ; Keyes, op. cit. ). Le rap a développé des liens étroits avec ces pratiques qui f aie igae de la cle de e de fage iae dAfro-Américains évoluant da le ille. Ce gee ical, e ele e, a fai e ie da ce le de la culture populaire noire et contribue, du coup, à les alimenter et à les vulgariser à travers le monde. Le rap regorge de ces textes qui véhiculent des propos crus, véhéments et déstabilisateurs voire accablants. Ces textes relèvent plus ou moins directement du « gansta rap », une variante de a i e bel e bie i da lidie icale aicaie dei le db de années 1990. Ce style de rap a largement dominé la production de rap aux Etats-Unis ; il est surtout alimenté par des duels réels ou de façade entretenus par des rappeurs New Yorkais opposés à leurs homologues californiens (Cachin, op. cit.). Dans ce combat qui a connu un certain déclin à partir des années 2000, beaucoup de rappeurs ont émergé et ont construit leur nom. Un certain nombre de textes de rap ont un rapport direct avec cette fameuse guerre qui est e iie da dae a. Dae ac apport mais contiennent des propos qui accde f bie aec le rap beef dont les racines remontent, dans une certaine mesure, à lii Ea Ca/We Ca. A vrai dire, une bonne partie de ces textes comportent tellement de mots et expressions de de ee il ee facilee ffee l d. Il ffi dce ele textes de « rap beef e de cheche e abli le lie aec la ali ea daie-fond à cee aiae d a e e a dae, dceler la place et la portée de la violence qui je. Sagia d a aicai, le ee d le le l ile ccee un monde particulier dans lequel les rappeurs se voient, se construisent, lutent, se projettent, se livrent à une bataille pour la survie, la richesse, la dignité et la gloire. Ce monde est celui des

56P ceai, la e d ial le blie i laccage e e liie ifachiable. Cela aie d cee clel ae, de ee e ae e de cicace da leelle eie, Aladoum a affirmé ceci : « pa eemple dan le ap, fa pa inle le me ; aux Etats-Unis, tu peux le faire. Donc, ce i a, ce e ce pa appo noe mode de ie ici. En Fance dan le aie, jai pa a ne ceaine manie de faie, ne ceaine manie de, jpene e a, a e eanci dan le hip-hop. EhC de gle de ie jai enie d die. Dan noe ie alo, en loccence. » Voir la troisième partie du documentaire « Le hip-h e l de l ia e deei. », consulté sur Youtube le 22 octobre 2015.

76 hustlers, des gangsters partageant une culture de rue qui sert encore de matrice à la pratique du a. O e l da le ae 1950 1970 le gag iaie leurs lois à tout le monde (Chang, op.cit.) mais ceux-ci cie deece e iflece cidable le ae aicai, d i a iea de lcie de ceai ee. A bie de gad, le ee le l de ce i ale dun aspect quelconque de la vie du quartier, laquelle vie se dlie ae le acii de bade iale, la ce e lage, le cie, le fe, la drogue, les jouissances sexuelles, etc. A écouter par exemple une musique comme Sang Fezi de Wiclef Jean et de Lauryn Hill, les pratiques sociales dont fait état les textes de rap dits « violents » semblent incontournables. Appartenir à un gang dans la ville de New York __ du moins au moment où le texte fut écrit __ est la chose la plus banale. La bande est présentée comme un haut lieu de protection pour ses membres : «Ki Ayisyen k ap di l mache nan New York san fizi/Mwen di mesye nou manti/Lè bum57 yo kenbe w yo devore w/Se lè w mouri polis vini »[«Quel Haïtien se vente de marcher dans les rues de New York sans un fusil ?/Je dis que vous mentez, messieurs/Lorsque les voyous te prennent, te dévorent/La police débarque seulement après ton trépas »] Ce eai e la fi le de decii de ce i e ae a ei d aie de New Yk ae le a de i, le je di e le ieaci i ee le bade iale e e e de jificai d fai de cheche e dfede e ca daae d eei. D c, il a e e e i ache de air avec cet ordre des choses : « ne pas marcher sans fusil ». Ce fragment de texte me semble très significatif de ce que représente, pour un jeune qui y évolue, la vie dans des quartiers comme Bronx, Brooklyn, Hale, Wa, da le ae 1970 e e au cours de la dernière décennie du XXe siècle. Ainsi, le rap en tant que haut-parleur (Milon, 2004) de ceux qui experimentent la vie de la rue, e de lie deei de ce i je ce ali idiee. Pie de ilece de toutes sortes f aie igae de cee die ali, elle e ae a daliee le ee de a e ee, iage, faae ie, afi, e dle daci iie reproduire dans des circonstances particulières. La prégnance de la street life transparaît dans les textes des rappeurs qui en sont à la fois de di. Ce i il i ecli ei de aaia e politiquement incorrects ; le monde dont ils parlent est fait de crimes, de sang, de drogue, de

57 Ici le aglai bum (qui signifie clochard, voyou) est éci el il e e gade sa signification dans le refrain qui est en créole haïtien. 77 coups bas, de vengeance, etc. Il peut être réel ou imaginaire. Ce monde particulier côtoie constamment le monde social, économique et politique mais avec ses propres règles et logiques de fonctionnement ; il e cfd a. Le a cie ce lie de jonction de ces multiples mondes aux modes de fonctionnement différents ; le rappeur réussit très bien ce voyage entre les divers mondes à travers lesquels il déploie sa vie. Ses propos peuvent facilement prêter à confusion dans la mesure où il ne prend pas le i de cie de el lie il ale. Ce justement là où il peut créer des malentendus, susciter le dégout et même la colère au sein de son auditoire. On admettra que si effectivement les rappeurs soutiennent des propos violents, cette violence pe e eiage e a e di de abiace de ie i li e de cdii de cai e deei. Ai ceai ae ale-t-ils de la vie des gangsters, des prisons, des pratiques criminelles profondément ancrées dans une réalité vécue quotidiennement par eux-e /e a dae ee aec i il aage le cdii deiece. Les rappeurs Snoop Dogg et 2Pac commence leur musique Street life avec des propos très significatifs : « Don le hi ee life ge a down » [Ne te laisse pas abattre par cette vie de rue] et « Don le hi ee life n o aond » [Ne te fais pas descendre dans cette vie de rue]. Ces mots ne sont pas anodins ; ils peuvent être appréhendés en tant que préceptes qui trouvent leur fdee da le lgie de dci de la ie da la e l c le ie de e faie abae ie el e a de ebe de gag ia. La street life est ce lieu potentiellement dangereux dans lequel il est tout à fait déconseillé de se conduire vaille que vaille. Une simple négligence peut conduire à la mort. Plus loin dans le même texte, ces rappeurs avancent des paroles qui, de manière très explicite, mettent en exergue la banalité avec laquelle sont exprimés des propos que l ai alifie de ile. « My competition, minimal so I live so, criminal minded/Nigga can you hear me wave yo' pistols in the sky []/They wonder why I'm hard to kill, hard to let it go/How can I have fear, on my peers, live on Death Row » [Ma cii, iiale e je i ce a, gada ei ciial/Ng, e eede vous saluer avec des coups de pistolets dans le ciel/Ils se demandent pourquoi je suis rude à tuer, rude à abandonner/Comment pourrais-je avoir peur, devant mes potes, live sur Death Row (Selon ma traduction)]

Ce bibe de dic f ch d lage eeble de ee i cibe faie llge de la vie dans les rues, une vie parsemée de pratiques souvent illicites entretenues par des gangsters. Le rap américain regorge de ce type de textes visant à célébrer la street life ainsi que

78 le de de ie e le cee i ae. Je e cie a eele Gangsta Rap Made Me Do It Lyrics de Ice Cube, C.R.E.A.M de Wu-Tang Clan, Real Gangstaz et The Start Of Your Ending (41st Side) et de Mobb Deep, Thug life de Snoop Dogg, 9 shots et Hustlers Ambition de 50 Cent, Hustler Musik de Lil' Wayne, etc. Il existe des textes qui semblent faire a de ee ilece. Je e aicliee aie laei ee ce Eye for an Eye de Mobb Deep : « Let me start from the beginning, at the top of the list/Know wha'mean, Hav, situation like this/Another war story from a thirsty young hustler/Won't trust ya, I'd rather bust ya, and leave your corpse/»[Laisse- moi partir du commencement, au début de la liste/Tu sais de quoi jparle/Une autre histoire de guerre ea d jee hle aiff/J e ciai a, j e dliai lt, et laisserais les flics découvrir ton cadavre] (selon ma traduction).

Dans le rap français, on peut également trouver beaucoup de textes de ce genre. Je peux par eele e fe de ee de Bba, l de ae faai le l ifle dans le gaga a. Ce li i a e le ci-dessous dans Mauvais Garçon : « Rafale de balles dans les amygdales, les faux négros me fuient Reflet de mon époque, moi et mon glock et mes potes Aucune confiance en leur justice et si le proc m'insulte Comme une vulgaire salope de film de uc Obligé d' tirer sur ce fils de pute J'veux une cellule individuelle, avant qu'on s'entretue La vie d' rue a fait de nous de dangereux individus Dis bonjour au mauvais garçon, regarde les flammes dans mon iris Que la nation brûle sous mes lyrics » Si je ae ce b de ee, ce e ae e afi die da eff aice adeaie, d i ai de e ci. Le il soutient participent e de la dai de fce hie e de ielligece sociale, qualités fondamentales à cultiver par un vrai gangster. Le hustler e el de débrouillard ; il sait comment mobiliser son capital social pour survivre voire régner dans cette ie de il e da le liie d eiie leel il fcie. Si ce hustler est un ae i ae ed e hle, il a faie e de ae ali

79 particulière : celle de pouvoir distiller un peu de poésie à travers la jonction de ses mots, le but étant de présenter quelque chose de potable artistiquement et musicalement. Mais la violence peut couler sans détour aux contours des paroles mi-chantées, dans le courant des flows du rappeur. Les paroles suivantes sont encore tirées de Eye for an Eye de Mobb Deep: If I'm out of town one of my crew'll take care of Si je suis en dehors de la ille, eln de ma ya bande occpea de oi The world is oursand your team's inferior [] Le monde est à nous et ton équipe est mdioce [] Kidnap your children make the situation Lenlemen de on enfan end la iaion scarier plus paniquante Life is a gamble, we scramble for money La vie est un jeu de hasard, on brouille les cae po aoi de lagen

Si, lidece, ce gee de ee e eege e ilece e ee, en saisir le sens, il me semble nécessaire de chercher à aller au-del de ce il donnent à écouter dans leur immédiateté et leur brutalité pour entendre58 ce il ejige de comprendre dans les rapports que détiennent les rappeurs avec leurs lieux et sources diiai. A bie de gad, le ee de ce gee cie e dali deei de ce i e i da la e da le ghe leel i j e de lie offrant un cadre de pratiques favorable au rap et à la culture hip-hop en tant que tels. En ce sens, les paroles dites « violentes » peuvent être saisies en tant que poésie de la street life, indépendamment du rapport que détiennent les « poètes » __ les auteurs des textes de rap, en lccece __ avec la réalité dont ils abordent les aspects les plus frappants. Pourquoi une telle exubérance de textes traitant des pratiques de gangsters et des hustlers, de la vie des rues sinon abde da leace blic de ei elaie a cee de gage évoluant dans les rouages de la street life ? Que signifie une telle propension à décrire le monde des hustlers dans ses mécanismes de fonctionnement e da ce il ffe ce ccai la fi ce i e f leiece e ce i il aa age e même carrément violent ? Certaines musiques consistent clairement en une apologie de la vie des gangsters ; elles sont de e dhe e ie de la ie de e de celle de ghe. Beac de

58Dans Démarche relationnelle, Alain Raoult établit une différence entre « écouter » et «entendre », où le second terme est bien plus que le simple fait de percevoir un message laide de leille. Considéré comme labiee de lce, entendre e le daee de lce alle a c, a l fd de ce qui se dit » (Raoult, 2004 : 112). E dae ee entendre ilie lide de chei de la chose écoutée dans sa profondeur et dans sa portée. 80 musiques du rappeur en sont de bons exemples. Je peux citer particulièrement Gangster, Criminelle league il chae aec Kaai lalb Autopsie Vol 4, R.A.S, Bad Boy Street, Illegal, Marche ou crève, Game Over, Kalash, Bâtiment C, etc. Dans Gangster, au troisième couplet, il débite : Sur scène ou dans la street, je suis à la hauteur Tueur né, j'suis le lleur-mé Fuck être avocat fuck être un docteur Je fus dealeur et voleur, je suis le bruit et l'odeur Grosse bagnole, mental espagnol, force et honneur Ils apprécient mes poèmes, demande à Benjamin Biolay A travers ses titres, ce rappeur très connu peint les décors du rap game en abordant les multiples aspects du monde de la rue et de celui des gangsters et en mettant en évidence la aie d la aie d a fle la ciiali. Le ae d gaga a eie comme si le lien rap/crime/argent facile allait de soi. Dans Game Over, Booba chante : «Le crime et la Z.I.K., c'est ça qui me plaît Chaque jour que Dieu fait, du cash c'est ça que je fais » Dans sa musique Avant de partir, il ae ele le deiece eelle, comme il chechai faie bila de sa vie. Dans ce cas, la rue apparait comme une constante ilcable i ie lie d cade de faee bigahie celi i e a fai leiece. « La rue m'a pris autant qu'elle m'a appris Une fabrique de cadavres, dramatique est le macadam Noire est ma ceinture, au premier plan, un vautour Un flingue, un 45 tours Ta clique fait du lèche-vitrine Pendant qu'on va chercher nos disques de platine » O beai da e gade facili i l deai cide ae e le ale ee da le ee d ae aiuant le gansta rap ou le rap beef comme de fai cce. Ceaie ie eble l ie aie laei laie faie a de e eiece effecie. Dae ilee de cai. Ce exemple, je voudrais citer un titre comme Smoke weed everyday de Snoop Dogg. Deux autres

81 exemples probants sont M anvi pran bal et Bad boy du rappeur haïtien, Izolan. Dans le premier titre, celui-ci a exprimé un souhait macabre, celui de recevoir des coups de feu.

Mwen twòp pou tè, m gengstè Je suis trop pour la terre, je suis un gangster M anvi pran bal Jai enie de aein pa de pojecile M twòp pou rap, m hardcore Je suis trop pour le rap, j suis hardcore M anvi pran bal Jai enie de aein pa de pojeciles M twòp pou yo, m wòklò Je suis trop pour eux, je suis insolent M anvi pran bal Jai enie de aein pa de pojecile Si w son w gengstè menm jan avè m Si e n gange comme moi An no di m ani pal bal Dion jai enie de aeint par des pojecile Cee ie a de dba da lii blie e a al Ila de propulsé en termes de popularité auprès du public local. Cette musique aura mis en évidence la manière dont un texte provoquant peut contribuer faie agee la lai d aie. Les rappeurs en sont conscients ; labdace de ie elea d gaga a e ce i aux Etats-Ui, e Face, e Hai da dae a e bablee lie la cciece le appeurs de ce lien. Plus on provoque, plus on fait parler de soi et plus on sera connu dans le game, comme le disent certains. Si ceai ee de a ie ilee faie de cai, dae ee accde l i a aie et actions de leurs auteurs. Certains morceaux de musique sont des le dhiie eelle le ae ee e eege le proximité avec des mondes criminels. A vrai dire, la pratique du rap côtoie le monde de la délinquance. En effet, que ce soit aux Etats-Unis, en France ou en Haïti, nombreux sont des rappeurs connus qui ont eu des démêlés avec la justice de leur pays et ont fréquenté le milieu carcéral. Je cite par exemple des rappeurs américains comme Gucci Mane, Max B, Tru Life, C- Mde, G.De, She i cda e eie deiee de infractions diverses, variables selon le cas : illgal dae fe, braquage, kidnapping, meurtre et trafic d'héroïne. Cette liste de rappeurs américains ayant fréquenté la prison est loin de ehaie. E Face, beac de ae galee fai leiece de la i. Je peux citer par exemple Lafouine, Booba, Mister You, Rohff, , Alibi Montana, , , Coco TKT, Guizmo, Ikbal, etc. La Justice française a condamné ces rappeurs pour

82 diverses infractions : braquage, cambriolage avec séquestration, vol avec violence, trafic de stupéfiants, fusillade, tentative de meurtre, association de malfaiteurs, etc. Le rappeur haïtien Top Tchuco a écopé de eie deiee il. Ce eele ici e il e eie lie effecif ee le aie ciielle e le ale ee a ceai ae da le ee il chae. A ai die, ce lie ete le principal argument de ceux qui voient dans le rap une pratique fondamentalement violente. Il existe une deuxième catégorie de textes qui, de par leur contenu et leur forme, semblent faie a d e aiclie de ilece, ai celle eece ledi d de abli. Ce le ee le ae ige ce leablihe gaie i, de a a fci, eble le eee. Le a e e l ce lie de ceai sociale ; ce ce i fai e lon soit plus communément porté à y voir une « musique engagée a ede le ecl ciie e ceie leli de ce ee. E effe, dei le années 1980, il existe des rappeurs et des groupes de rappeurs qui choisissent de se rebeller, du moins dans quelques- de le ee, ce ce il eie iacceable da la ci il le. T e, cee belli eie e de ee he. Aii e-t-on des textes de rap qui contiennent des propos politiquement incorrects se cristallisant en des expressions significatives comme « fuck the police » (« nique la police »), « Fight the power » (« combats le pouvoir ), ec. Ce e de ee ieai idalee afe lde de che e l eie iacceable. Ce e e liaie i deie : dans When the revolution comes, les Last Poets exprimaient clairement leur attente par rapport à une révolution qui apporterait des changements dans la société américaine. Ce type de violence __ si violence il y en a vraiment __ eie ae la bali de ce da de ee comme Fuck The Police de N.W.A, Fight The Power et Rebel Without a Pause de Public Enemy ou, dans le rap français, La rage et Désobéissance civile de Keny Arkana. Ces textes de rap, ce ce i ele d gaga a daille, ie egad ac e saisis dans leur portée et dans leur complexité. Car si dans leur manifestation vive ils donnent lie de ciie fde lage i veut que le rap soit une incitation à la haine et à la ilece, ce ee laie ce bie dae che la daie liie de ci dans lesquelles ils prennent forme. A condition de se dépouiller de tout prêt-à-penser sur le rap, on e ce dae messages que nous apporte cette variante musicale. Le rap ne constitue t-il pas également un

83 appel à la non-violence ? A ce ceai cea de a, je ee il a aie de a laffiaie. Ceai ee e l ai e ecli alifie de violents », de par leur titre ou le sujet traité sont en effet, à bien des égards, des alertes concernant les fai de la ie de e, ae de aie de ie eeee a de gage. L de exemples les plus convaincants est Gangsta's Paradise, une musique de Coolio qui a eu un grand cc da le ae 1990. Cee ie aie laei le cece de ilece perpétrées entre les gangsters : «They been spending most their lives living in the gangsta's paradise/We keep spending most our lives living in the gangsta's paradise » [Ils ont perdu leur vie en vivant dans le paradis des gangsters Nous perdons notre vie en vivant dans le paradis des gangsters »] (Selon ma traduction) Dans le efai, lae fai a de ccli laelle il iie le icia cce, les membres des gangs, à réfléchir. «Tell me why are we so blind to see/That the ones we hurt are you and me » [Dis-moi pourquoi nous ne pouvons pas comprendre/Que ceux que nous blessons sont toi et moi]

Sans une écoute attentive de ce qui se dit dans cette chanson, on pourrait tout simplement e ei a ie e ee e lae fai llge de la ie ee a le gage. Bie a contraire, ce texte cie e e de claie lae cheche e e ie de conscience sur les incidences néfastes de la vie des gangs aux Etats-Unis. Dans le rap, il existe plein de musiques dont le texte vise à décrire se qui se passe entre les hustlers et les bandes iale e ee de a de i, de aie e dieaci. Ce le ca a eele de Gunpowder deWyclef Jean où celui-ci rapporte des éléments de récits liés aux méfaits de la violence. Peu importe si le cas dont il fait état est réel ou fictif ; da cee ie laie e prôner la non-violence là où il y a des gens qui succombent sous les balles. « Don't you know that we can't stop the violence, [Ne savez-o pa e lon ne pe pa ae no la violence, non Because the war is not over Pace e la gee ne aea pa until you can feel love, peace, and hear silence Tan e o ne poe pa eni lamo, la But I smell gunpowder (Pow)» paix et écouter le silence Mais je sens de la poudre à canon (Pow)]

Ce texte vient comme un contre-exemple par rapport à ceux qui prônent le style de vie des gage de aie de ae. Ce la ee e le a e ai bie e

84 eiag ce lie il a e e d apologie de la non-violence », même si un artiste peut surfer sur les deux extrêmes. Ce type de textes montre que dans le rap on peut aller bien au- delà de la violence qui semble sauter aux oreilles des novices. Le rap peut être également appréhendé comme un lieu par excellece de ie de la ie de e, de ghe ; en témoigne par exemple une chanson comme Ghetto Gospel de Tupac. Il a ai de lh da le a. Je cie a eele lalb Première consultation du rappeur français Doc Ginéco. Autant dire que le a laie ce e eede dae che a-del de e l qualifie de « violents ».

3.1.2 Le rap ou la reproduction des clichés sexistes et misogynes A lhee acelle, la ie a cce e lace dae da lidie mondiale du divertissement e aie laei e aec cia e liie, d a ei provoquer ou attiser des polémiques autour de quelques questions de société. Les représentations e l a de la fee, la aie d le apeurs parlent de celle-ci dans les textes cie l de l ia je de dba ael e cee aie icale. Ce sujet est intimement lié au rapport que détient le rap avec la violence, une question que je viens je dabde. Le rap représente un véritable lieu où se laissent déceler un ensemble relativement cohérent de représentations que se font les rappeurs, ou plutôt les auteurs des textes, concernant la femme et les rapports sociaux de sexes dans une société. La figure de la femme elle e ee ae le ee de a accde a eeai ciale d f lbje le fee da le ci ceaie le achie eble ai la ie de e où prédominent des clichés sexistes. Dans beaucoup de sociétés, une attention particulière est accordée aux mécanismes sociaux de production de la femme telle que celle-ci se représente dans son rapport avec lhe : e he e fee, cela e ici a da le ge, ce e a d e dée naturelle. Les générations antérieures, dans leur potentiel de cialiai, fae le idiid de aie elle e ce-ci parviennent à incorporer le le dhe de fee l i cfe a aee de la ci. Ce ce que traduit la fameuse citation « On ne naît pas femme ; on le devient » de Simone de Beauvoir. Le ci ccideale aed de lge ae aa e elle ide ai ege e ie e le ei. Ce a i de de eff e de sacrifices que les femmes ont gagné quelques combats (Dugnat, 1999) dans leur lutte pour des sociétés plus justes et égalitaires où les

85 individus des deux sexes puissent être traités en égaux devant les lois et à travers les pratiques sociales. Malgré les acquis de cette lutte, dans les sociétés contemporaines les femmes cie ece faie lbje d eeble de eeai i le dfaie da le a elle diee aec le he. La ie a eee le de dali deei de ce eeai ciale i e cie a de la fee da a aec lhe. Da le id-clips, la présence des femmes quasi-dénudées est comme devenu un fait banal. Avoir un corps attrayant, porter des petites tenues, avoir la capacité à se déhancher et à se saccader les fesses cfe la iace hie d cea de a aaie ce de cie fondamentaux de sélection des femmes qui doivent figurer dans un vidéo-clip. Il faut admettre que ce fai e a eclif a id-clips du rap ; da dae cli elea dae gee musicaux, on peut faire le même constat. De nos jours, les images et scènes mises en avant dans certains vidéo-clips frisent la pornographie ; en tout cas la ligne de démarcation entre ces deux daie ai e le ice. Je ici le id-clips des morceaux tels que : Min m Jean59 dEa Jea, Men Em60 du groupe Zenglen, Adikte61 d ge Gabel e dAla Cavé, Bredjenn Paradise62 du rappeur haïtien DRZ, Ass like that et My band63 de Eminem, etc. Ce e de i e lge iall da leeaie aicai e i e eie galie da dae a. Je ee il eai ai de echeche da le a ecliee le ains de cette pratique à user des images du corps de la femme dans les vidéo-clips. Ce serait en quelque sorte li cae le hee l e de aae la fie, ilie e eei courante. Il me semble beaucoup plus pertinent de placer ce phénomène dans le contexte de lli de ci dee e ea e idece de face fdaea ce le id de echlgie de lifai e de la cicai, le de dieiee du corps de la femme dans la ci de cai e da lidie d dieiee, la e e liflece de la gahie, ec. E lagia le cade dbeai, l e prêter une plus grande attention à manière dont la femme est représentée non seulement dans le a ai galee da la ie e gal, da le cia, da le bliciaie, e

59Consulté le 16 avril 2016 dans le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=QInhuswEQsI 60 Consulté le 16 avril 2016 dans le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=P-52QPHnxXM 61 Consulté le 16 avril 2016 dans le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=jjZ1mDakT24 62 Consulté le 16 avril 2016 dans le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=ik5dB2hv8SU 63 Consulté le 16 avril 2016 dans le lien suivant :https://www.youtube.com/watch?v=Dm6hNnWYPP8 86 l aai e chei l ace de cee ei e lie aec le cee ci- cie, liie e clel de ci de. En observant de près le contenu des textes et des vidéo-clips y relatifs, on peut comprendre il a e iealiai aie d c de la fee. E a bje de construction sociale (Le Breton, 2008), ce corps est réifié pour servir à des fins dillai, debelliee diciai. Ce ce i aie le l e da le blici64 utilisant le corps de la femme pour agee le eiel daaci d di. Aii, da le cli il e ei de fe de moments de réjouissance individuelle ou collective, la présence de la femme est fréquente. Le rap regorge de ces vidéo-clips où le corps de la femme vient comme ornement dans la mise en ce d le de ie la american way of life dont on vente les aspects les plus alléchants : de lage fl, de ie de le, de c fii aie dd, de beille de champagne, etc. Il faudrait visionner par exemple des vidéo-clips comme Candy shop65 de 50 Ce e dOliia e faie e ide. Da cette mouvance de « rap pornographique » qui est apparue tôt aux Etats-Unis avec manifestement 2 Live Crew, un groupe dont la cecialiai d alb a iedi e 1990 bci (Jouvenet, 2006 : 25), le corps de la femme a toujours été mis en avant dans les vidéoclips. Ce aec le e iall e i da le a deei e caaciie eeielle de aiae laie __ le rap bling bling __ et tend non seulement à attirer dae ae da dae a ai ai dele de a die-influence avec dae gee ica. Da e ie id-clipée comme La familia du groupe haïtien Djakout Mizik, ce qui est mis en exergue, ce sont les mêmes choses que dans le rap bling bling : de largent, des femmes aux postérieurs redondants, des fêtes au quotidien, etc. Prononcés sur un

64Po en conaince, e lon e appelle pa eemple de cee giganee affiche pbliciaie place non loin de la place de Canapé-vert, à Port-au-Prince, en 2004. Cette affiche a mis en évidence les fesses ne dne femme en bikini i enai en main ne boeille de bie Peige. Limage a poo n el choc che de oganiaion fminie elle a fini pa mobilie lnegie nceaie po e mae a oge, l o elle ai, ne hae denion 40 me, dne phae foe : « Koko fanm pa machandiz. » (« Le ee de la femme ne pas une marchandise. »). A vrai dire, en Haïti, il y a beaucoup de publicités qui utilisent le corps de la femme pour attirer des clients. Je peux citer en eemple cee nome affiche monan la phoo dne jene femme i e présente sous sa casquette, le visage mi-couvert, les deux mains agrippées au rebord de son court sous-vêtement, comme si elle cherchait à le faire glisser jusque vers les pieds. Cette affiche publicitaire appartient à X-trême Rèd, une boisson énergisante produite par la compagnie Tropic S.A ; elle est placée dans plusieurs endroits à Port-au- Prince, au Cap-Haïtien, etc. 65Consulté le 16 avril 2016 dans le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=SRcnnId15BA

87 ton de rap, les quatre mots « Money, drink, sex everyday » (« de lage, de bi, d ee tous les jours ) e ce llie deie de ebe de cette famille qui déclarent miser beaucoup sur son banc arrière, e lccece le ge i iee le ge financièrement. Depuis la fin des années 1990, en Haïti, nombreux sont les groupes à tendance compas direct i achae jee liage de belle ie faie de ichee, de illa e de jlie fee diible da le cli, l e e l ai e beac de ce iage ie da dae a ffa eille cade de ie e celi i a da le ilie haie. Dans de tels vidéo-cli, le c de la fee e ce bje debelliee e de convoitise, ceci étant une stratégie pour vendre un produit qui peut être un single ou un album. Si les corps féminins sont régulièrement présents dans les video-cli, ce ede la musique désirable66. O e e faie e ide de lale d he de ificai d c de la fee ilee e bea leai d a blig blig ae le de. Hormis dans les vidéo-clips, il faut surtout écouter certains morceaux de rap pour se ede ce de lage e e faie ae de liage de la fee. Da ceai type de rap, le plus souvent le gangsta rap ou le rap bling bling, on parle en effet de la femme en des termes qui peuvent se révéler très choquants. Très souvent, la femme est désignée sous le vocable de « bitch » (salope) ou de « pute » dans le rap français. Il y a lieu de parler de dégradation ou de dénigrement de la femme. Ces termes grossiers se placent ça et là à travers les textes de ceux qui en font usage et tendent à devenir très banals dans leur emploi et dans leur portée, tellement ils sont fréquents. Parfois, ils peuvent servir de refrain. Le titre Move Bitch du rappeur américain Ludacris en témoigne. Ce fameux « Move bitch, get out the way !» (« Partez, salope ! ») a tant résonné dans un laps de temps et a eu un certain succès. Employés pour désigner une femme, les termes de ce type relève de la pratique du jive talk ou de shit talking existant parmi les communautés noires américaines ; ils peuvent parfois déboucher sur des obscénités très criantes (Lepoutre, 2001). Entendus pour la première fois, ce ee iacceable ai fce de c, il deiee ce adiible et, donc, un peu trop diaie che lae habi. Ce e-e l de

66Voir Karim Hammou dans une intervention sur le sujet « Le rap est-il toujours une contre-culture ? » dans un de lii Les Matins de France Culture. Consulté le 30 mars 2016 dans le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=P1X531_TNoM

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facteurs qui contribuent à un certain niveau de banalisation et à la perpétuation de cette pratique dans le rap. Les paroles exprimées ont presque toujours un lien avec la sexualité, comme si celle-ci constituait le pivot essentiel de tout ce qui viserait à défier à décence. Ainsi, le la fee e a aie de pute », elle représente un simple objet de satisfaction sexuelle soumis au désir et fanae de celi i eie :« J'ai pas changé, j'mange des grecs dans mes voitures de luxe/Sinon rien d'neuf dans ma vie, à part que je pèse/Toujours pas de petite amie, que des meufs que je baise » (Booba dans R.A.S). Dans Kalash, un morceau chanté par Booba et , ce dernier avance : « Elle pense que j'suis en train d'la doigter (hum hum)/J'lui mets mon gros doigt d'pied »

Je ai facilee aace lei dae eai de ce e ca le a egge de ce textes qui, concernant un aspect quelconque des rapports sexuels entre hommes et femmes, mettent à nu des représentations sociales de la virilité et de la féminité, les rapports sociaux de sexe, des fantasmes que suscite le corps féminin, etc. Ces bribes de textes ont pour point c dille f bie le fait que la femme soit considérée, du moins par celui qui eie da le ee, e a bje eel lliciable e ailable eci, a g de celui qui détient suffisamment de pouvoir pour en tirer tous les plaisirs possibles et imaginables. Là-de, je lhhe el laelle le ae e ai d souci de démontrer son pouvoir, ili il e da de lile je die-influences sur la scène et dans le ach ical e e, cai a, la eali e l de lieux réels et imaginaires où il fai leiece de ce i. O, il e aai iagie i vivre ce pouvoir en dehors des cadres sociaux, politiques et culturels qui contribuent à charpenter sa vie, sa vision du monde, ses pratiques les plus intimes. Il est donc possible que celui qui soutient de tels propos, fasse de ses aie eelle elle iagiaie, le de dali deei d i effectivement exercé ou souhaité ou encore inventé, tout en reconduisant des stéréotypes dans ses représentations de la femme et dans ses interactions. Ceai ee de a ille claiee e l e fae adeaie da a virilité __ et donc dans son être __ ie e aaa l de e e che i eent être a e, a , a cjie e aie gad-mère. Pour que cette opération soit ible, il fa e, alablee, e e, e , e cjie, e aie gad-mère et donc une « femme i ce e ige e a bje daachee ge. Pa

89 ailleurs, il faut et que tout acte sexuel __ même fantasmé __ bia i a e e gle sociales établie i a d di adeaie soit considéré et vécu comme un opprobre. Les racines de ce lien sont à rechercher dans les mécanismes de socialisation prévalant dans la société en question (Dubar, 2010). La femme est instrumentalisée, du moins dans le discours de celi ale, aida aii aeide ladeaie. Ce eacee ce i aie lsque Booba déclare que la meuf à ces « hommes » est bonne. Ce iflige e fface ce he e le ae ed le i de e ce le, acha ai bie e ce adeaie il e he de e faie prendre » sa « meuf dai e « meuf » qui se fait « niquer » par un autre. Ainsi se dessine à travers ce aage e e de clee d le dia, fi d ce dicai (Bdie, 1998) de ale, de aie de e de ee, de ii d de, de aiques liées à la construction des rapports de pouvoir entre les sexes dans une société donnée. Le rap, en a e aie ciale, e a ee de ce i e je ae le je de a de fce entre les femmes et les hommes dans une société donnée. Ainsi, il donne lieu à toutes sortes dbci lie la eali. E ca, ce ce e l e bee a eele da deux phrases de Booba tirées de Criminelle league, e ie il chae aec le ae Kaaris : « Oui monsieur le maire, j'suis à l'usine comme à la cuisine ça va vendre du ke-cra Ton père aurait dû se retirer de la chatte à ta mère avant de ché-cra». On retrouve ses obscénités également dans Sale pute67, une musique signée du rappeur : « T e je ne pain daalee de abe,une sale catin Un sale tapin o ce mo do cai e d baratin On enai pa la main on enlaai on embaai On verra comment tu fais la belle avec une jambe cassée On ea commen ce and je dboieai la mchoie Te je ne ie mie a place labaoi» Les propos de ce type e j ae e e iagiai offrir un texte répondant à une envie de dire ; on le voit bien : les auteurs poussent très loin les liie de ce i e ee iedi. Ce jee l il aiee aeide une

67Cette chanson a provoqué la réaction de Valie Lead, aciee ecaie dEa chage de la lidai failiale, i i e ae ilece lgad de fee da la ci faaie. Cee cha e diible sur Youtube (page consultée le 31 mars 2016). Voir le lien suivant : 90 finalité qui peut être celle de provoquer des instances __ personnes physiques ou morales __ eea le de cee e i eee lai da e ci d le ae e e pas mal. Le rappeur peut tout simplement vouloir aboutir à un texte qui soit inédit, original dans a ie. E effe, lOela68 a été interpellé par la presse française sur sa musique Sale pute, il a di li elee e, a ce ee, ce lgad de e ee e ae d a ai e haie ee. Da lae, ce ale __ aussi chae elle ie e __ répondent à une finalité artistique. Il a voulu aller plus loin. O, l lae a li, l le ale il ce chae. E entant une iage dgade de la fee, e be aie de ee d a blig blig daa l choquants que les mentalités concernant la femme et son rôle dans la société ont commencé à changer depuis plus de 40 ans, du moins dans les sociétés occidentales. Cependant, la lutte pour lgali e la jice ee le he e le fee da le de e li de alee aboutie. Un long chemin reste à parcourir. Les représentations sociales de la femme telles elle e laie dcele travers les textes relevant du rap bling bling ou du gangsta rap cie eele aifee de lale d aail i ee faie aei eille ilibe a iea de fe dieaci e de a cia eia ai le femmes et les hommes dans nos sociétés contemporaines. Là encore, la pratique du rap se révèle comme un thermomètre qui renseigne, pour ainsi dire, sur un aspect fondamental de la réalité ciale. Le a aa a a de faie ee de eiel heiie e, dc, dicie aail fleif il e l eie de cheche aii a clei l e de e ei elee a aie jdiciable e a clich eie il edi. La prise en compte de ce caractère heuristique du rap peut nous aider à éviter les écueils des idées reçues, des raccourcis et de la facilité. A vrai dire, le rap est une tendance icale i fai lbje de beac de i de e. Qe ce i le la de e dali pratie e ee deje cia, la ie a e de dba ai i ceie le egad e lclaiage de ciece haie e ciale. Ce da ce ci e jai voulu aborder les points les plus saillants du rap. Jusque-l, jai eté de traiter deux des plus

68Voir le débat « Faut-il censurer le Rap ? lii Hondelatte Dimanche, animée par le chanteur et journaliste Christophe Hondelatte et présentée sur « Numéro 23 », une chaîne de la TNT gratuite. Visionné sur Youtube le 31 mars 2016 dans le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=xzJYcWAZ07o

91 importants aspects de la pratique du rap : il agi de la ei de la ilece ae le ee e celle i ccee liage de la fee da le cha a. Ce de ea idiable étant mis en évidence, il e ee dice de ei ai iae : il agi l précisément de commenter une idée relativement partagée, celle qui met en doute la légitimité artistique et musicale du rap. Ce point de vue semble avoir la vie dure et mérite que je penche avant de pouvoir passer aux éléments de réflexion concernant différentes dimensions de la pratique du rap dans le champ des sciences humaines et sociales.

3.1.3 Le a face ee de a icai Si de j le a ialle da divers recoins du monde, sa légitimité en tant que musique ne va pourtant pas de soi ; il lui reste peut-être beaucoup à faire pour parvenir à garantir et à pérenniser son droit de cité dans le panorama des musiques du monde. Peut-e il arrivera jaai. Ce e ca la ii d eeble de dace i, a e analyse, semblent avoir un point de vue arrêté sur cette question. Mais les rappeurs pratiquants, selon toute évidence, font fi de cette critique ; leai de cee aie, laai elle cie che le lai de jee ae le de e a lace da lidie diale d disque en attestent. Heureusement pour le rap ! Les rappeurs pratiquants et leurs fans, les maisons de disques, les promoteurs ont de be ai e ji : chacun de son côté peut cie fie de ce il a de b da le a e di de eae acebe e accablantes qui visent celui-ci. Mais les jugements restent entiers. Sur quoi se fondent ces appréciations si sévères ? Quels en sont les principaux arguments ? Je vais juste évoquer quelques points de vue exprimés dans les débats entretenus dans la presse française69 pour tenter de eee a lece d de. Cee eai a a fce b de développer un argumentaire qui viserait à démontrer que le rap est une musique contrairement au point de vue de quelques intellectuels que je vais citer plus loin. Dans les lignes suivantes, je

69E checha Ybe de id ccea de dba a le a, je e ed ce il eie en France __ le deuxième pays hôte du rap après les Etats-Unis (Perrier, 2010) __ une base de données relativement grande sur cette question. En Haïti, il existe très peu de débats sur le rap, ce qui peut expliquer en partie le fait que je aie pas pu présenter des points de vue diellecel haie ce je. Du moins, les débats télévisés sur le rap haïtien ne sont pas logés en ligne. Le lecteur comprendra pourquoi je me réfère essentiellement à des propos soutenus par des personnalités françaises pour faire cette présentation. Ma maîtrise de la langue française plutôt que de laglai (expression parlée)en est une raison fondamentale. 92

aache ilee ee e ciie le clichés qui discréditent le rap et qui tendent à lui refuser le statut de « musique ». Les critiques qui visent le rap se réfèrent à un cadre théorique selon lequel une « bonne » ie e ce de ldie, d ee e de haie. De aie ls ou moins ilicie, il e fe galee e ceaie ccei i e cea de ie i ele che de caif, digial, didi, ce i le icie cai a ie ai de rien. Ils partagent également une conception suivant laquelle la musique est « agréable » à écouter70. Venons-e a diee ccei eie ele iellecel le a. Da e vidéo titrée Les détracteurs du rap71, Eric Zémour affirme que le rap est une sous-culture daalhabe ; le criminologue Xavier Reufer abonde dans le même sens en tirant une définition seulement à partir du terme gangsta rap : « Le rap est sous-culture criminelle américaine. » Dans la même vidéo, le philosophe Alain Finkielkraut, quant à lui, a avancé des phrases qui font référence à quelques composantes essentielles de la musique : « De manie gnale, il a n lien conbaniel d ap e de la iolence. Ce ne iolence dan le hme. Qe-ce que la musique ? Ce la mlodie. Il n a pl de mélodie. Il y a une vocifération monotone. Je réclame le droit de faire une critique esthétique et une critique politique du rap.»

Le eie ca e l e faie ccea ce ciai, ce elle eache d eeble dide ee sur le rap, sur ses pratiquants et ses fans : si je résume le point de vue de ces trois personnages, je peux dire que le rap est un bruit monotone, rythmé de violence, fait par et pour des analphabètes. Imaginons un instant que nous soyons devant une telle dfiii e dei ade da le cade de flei a de aiae elce de ie. Pbablee, l d e eiaie icfable. Ca cee ciai eacheai de de jg. O, ce e he des opinions émises par des intellectuels connus concernant le rap. Ceci est pour montrer à quel point il est difficile, même à ce iellecel c, de e dae de ide ee e l ee claiee le

70 Cee ccei accde afaiee bien avec une définition très popularisée où la musique se conçoit comme « la de cbie le de aie agable leille. » 71 Consultée le 18 avril 2016 dans le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=ByoL5w5pwyk

93 rap. Je souligne particulièrement la facilité avec laquelle est établi le lien violence/criminalité/rap. A bien y regarder, ces propos servent moins à aborder de manière igee le a e a bje clee, e e e dfiii ciie eie le mépris de leurs auteurs vis-à-vis de cette pratique. P Alai Sal, le a e ie e de la merde . Ce cilge e ai ei da Les détracteurs du rap (ibid.) : «Ce i minie le pl dan le paole d ap, ce pa le bali, ce la mdiocrité du truc. ». Ailleurs72, il a e dalle e l li da e considérations sur le rap : « Moi, ce i me gne dan le ap, je naime pa e la mie oi op encombe de mo. a mane de epiaion. Ce empli. Moi jaime bien, finalement, que la musique puisse respirer et que le texte ne prenne pas toute la place. » ; « Le rap, ce pa po moi. Dabod, jai pa lge. E pi, enie, je i n pe op cli po appcie a. Micalemen, ce faible. Mlodiemen, ce ae faible. Ce faible poétiquement par rapport à la poésie française. ». Ce ceaie ciee le gee d age i aie le fd e la fe des textes de rap (surcharge de mots, manque de respiration, faiblesse « poétique » et musicale) ai il chae a l la ei e a ddai de le ae. O eieda e el lae, le a e a fai le ge cli. Ce e de ceaie e ee a, alheeee, dai egad critique et impartial sur le rap, ce qui pourrait bien servir de point de départ à un travail réflexif visant à saisir la complexité de cette pratique musicale. Il rejoint en quelque sorte les clichés ordinaires portant sur le rap : médiocrité des textes, feee dei che le ae, de aide fae le a, ec. Ce dommage que des auteurs aussi reconnus et respectés ne puissent nous accorder la possibilité de dépasser les points de vue du sens commun sur le rap, lesquels points de vue sont très souvent ff de i e de eie eel i ede ige e de age dai. A la lece d ee iil Le rap n'est pas de la musique73, on peut observer un certain eff dageai aa le imples assertions concernant les manquements du rap en

72Vi leeie iil Alain Soral dissèque le Rap Français, consulté le 18 avril 2016 dans le lien suivant :https://www.youtube.com/watch?v=2XqJKYWrsho 73 Ce texte est publié par une personne identifiée sous le pseudonyme DearPear, intervenant dans un forum en lige e jai cl le 18 ail 2016. E fci de faiblee éthodologique majeure qui le caractérise (absence de références sérieuses), je ne peux nullement oser le ranger au rang des travaux rigoureux traitant du rap. 94

ee de icali. Lae ee de ei ii el laelle le a e a de la ai eeble l la ie. Il fde aiee dabd eeble de considérati la e, eie, il dgage e ide eelle le a. Il a de ae ie d il ie de ccli aielle li ea de i dai aale e dfii le a. Il agi de icie de liili de la, de a créativité, de la quête esthétique e, efi, celi de la cei de ace la i de liili. Ce e a e la cia gaie de die e de ilece afi dabi ie i i agréable à écouter, à admirer et à apprécier, la musique est à la fois une création, une représentation et un mode de communication. En ce sens, tout art a deux versants : son côté inutile (absence de but sinon la quête esthétique en soi) et sa dimension utilitaire (les usages en fait). Ainsi dans la pratique du rap se dégage une école artistique (le «rap artistique ») et une école sociale (le « rap social »). En ce qui a trait au rap artistique, une attention particulière est accordée à la rythmique, à lage de igiaux, au flow du rappeur, etc. Le rap « artistique » est resté fidèle aux valeurs originelles du rap et à ses influences hip-h. Ce e ie a eie. Qa a rap dit « social », il peut être assimilé à « un discours sur fond de métronome » ; il a une rythmique simplifiée, lourde et monotone ; le flow est inexistant. Le rap « social » rejette son appartenance à un genre musical et à l'art en général. Ce rap priorise sa dimension utilitaire en réduisant le plus possible l'aspect artistique et esthétique du genre dans le but de favoriser le eage il cibe hicle. Ai la fiali d gee e di-elle au message transmis l e dabi e cai aiie. Le a social e dc a de la ie ; ce l n moyen de communication utilisé à des fins de revendication sociale. Voilà qui résume le texte. Lae de ce ee a le ie de ee degage e aale la ei de la dimension artistique du rap, ne se contentant pas de relater de simples phrases calomnieuses vis- à-vis du rap. Cependant, la réflexion proposée comporte une faiblesse majeure, laquelle est ihee la hde daale de lae. Il cde ce i : dabd, il cide le a e « rap artistique » et « rap social », eie, il e ie e di le gee ical la

Je le cide dc icee ce aia ile cee eai. Piil a de représentations ccea laec ical d a, je ci il a ac ble e fe el dce e l e critiquer, à raison, pour son manque de rigueur. Voir le lien suivant : http://forums.euw.leagueoflegends.com/board/showthread.php?t=1447297

95 deuxième catégorie et conclut, enfin, au caractère non artistique du genre en général. La dci e flagae. Le aiee e daa l ille e la he e e ( Le ap ne pa de la mai eemble de la mie »). Cette faiblesse profonde le rend très peu convaincant. Par ailleurs, la scission opérée accage de abig ai- insurmontable : ce ede, e effe, abli e fie claiee définie entre le côté « artistique » et le côté non-artistique du rap ? Pl cie, e-ce qui permet de reconnaître les limites de la musicalité ou de la non-musicalité dans un morceau de rap ? Lae abli le icie de liili ce cie fdaeal de dfiii de la. O, e ai a j ce e da elle ee e e aiie e ile a ; on ne e a ede cae l el e e e aea de aiie, ile inutile. Peut- ei e le de Pica a ace fci ciale i ace ili politique ? Sinon, arrête-elle aa de aiie ce eie ed-il ses mérites daie eae, a g de lile age ael e de lieu ? En ai d fl i abli a de ce icie de liili e a e cie de dfiii de la, ieai de be da le ige de la facili, de la fae ii e de enfoncer encore plus à trop vouloir croire que la deai e dill de e fci chlgie, ciale, cie, ec. Il eble dc abde de li accche a eage d cea de a e e be ai de li elee a caace musical. Tout compte fait, je ee il e ilie de li dcae lehie d a de b cial e liie, dacie aec aiie e elce abece de fiali cicaielle. Ce e ele e e fee le e le caacère complexe de laiclai chee de diee cae de cee ie. Le dace d a, aicliee ce e jai ci a db de cee aie, eble glige aae ia e eia le i de e : ce e laciai de la ie e a a eie e aie de la aie de la bjecii haie. Ce le c de el, celi i fai ffice de ciie da e e effe e de chai, de g e di; il e e e e fer à des règles esthétiques, de nature arbitraires, pour cie jgee e iiee elicie e ilicie a a ce il acie. O, le fece, la ecei d bea, la caaci daciai, le gle esthétiques qui sous-ede le jgee de e de cci ciale ice la fae de iei da ilie a de aie e de dic i le

96 favorisent. Dans La distinction, le sociologue Pierre Bourdieu (1979) a mis au jour les deia cia de g. Il a ce de caaci e l ai cie « naturelles » ou « innées dacie cie a le biai d cdiiee cial rendu possible grâce à un processus complexe de socialisation. En matière des considérations dde ehie, le ieil adage des goûts et des couleurs ne se discutent pas » peut être mis de c cdii de cie le lie d l ale. Cee i clee de lie (Pa & Y, 2012) adi limpossibilité de penser un objet en dehors de tout contexte social. En dae ee, celi i jge e e aiie aie eeble de fece cialee cie e ige a le idiid, ce-à-dire des modèles esthétiques liés à des visions du monde, des conceptions du beau, des manières de sentir qui ne peuvent être extirpées du contexte social, culturel et politique dans lequel ceux-ci évoluent. En fait, tout au cours de notre parcours de vie, nous avons été amenés à développer des habitus (Dubar, op.cit.) liés à divers sphères de notre vie, plus clairement des dispositions générales du corps et de lei de aeiage d e dee ce iccie, e i cce à déterminer nos attitudes et comportements en situation. Par conséquent, nos goûts en matière de musique __ conçue en tant que domaine artistique consistant à agencer de manière rythmée et harmonieuse, des mots et une mélodie dans le but est de communiquer des sentiments, des messages, etc __ le, de aie dce e a dele je-là et notre sensibilité en dépend dans une certaine mesure. Si la musique exprime des contenus émotionnels suggestifs (Traïni, 2008), il y a des cadres sociaux dont les effets sur les individus servent de cdii ceaie leei de ce ce. L de cfece ie Laonalime. E ap ?, dans une présentation magistrale, Jérome Ducros74 a démontré que les compositeurs de musique tonale disposent un langage dont une bonne partie des règles est maîtrisée par le public, même si celui-ci est incapable de les ce. Da li, la caiace e die le blic de ce gle e de i a aail dicif d cie, ce-à-die le il résente. Il stipule :

74Cette conférence a eu lieu au Collège de France le 20 décembre 2012, dans le cadre de la chaire de création artistique de Karol Beffa. Visionnée le 20 avril 2016 dans le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=Yot1zZAUOZ4

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« Ce ne on donc pa ceain on i o dplaien e pa dae, ce on ceain on e o admee dan ceain conee e pa dan dae ; ce qui change la dimension de votre connaissance car alors intervient la notion du sens. »75 Cette citation qui contient une dimension musicologique essentielle peut bien cebalace lii de ce i ie da le a ale ee ce ee Piee Albe Caae (1999). Le ii le a aaente, finalement, à des idées fixes provenant très probablement des préjugés qui les empêchent de prendre le recul nécessaire pour comprendre le fait que leurs goûts en matière de musique, leur histoire, leurs expériences personnelles, leur éducation voire leur position sociale puissent les empêcher dai egad ac ccea le a. Dans cette analyse critique des opinions émises sur la légitimité musicale du rap, je voudrais faie de cidai aiclie. Peiee, il ie duer certaines aiclai d a e a eei clelle digie af-aicaie afi diie la prudence celui qui prétend tenir un discours sur cette pratique sociale difficilement cernable. Ce aec Rbe Sige (1999) da Fonctions sociales du blues que je vais lancer cette iiai. Ce ae e f eeble de aa aie i diffecie la musique européenne de la musique africaine. Selon lui, la musique américaine hérite certaines caractéristiques des traditions africaines. Contrairement à la vision africaine, dans la conception eee le da e alie ce di fii, fai e adi. Loin de chercher à créer un produit figé une fois pour toute, la musique africaine, pour sa part, vise à refléter le réel. Ce e ie agaie i le ce la ie e i gade cntact permanent avec le vécu ; elle e caacie a alie. Sel lae, ce la ai pour laquelle cette musique est presque toujours chantée ca le cha eie e fci de la daie de la ali i le de lie. Le ale de cha ee e a cee difie ie adae la ali. Il lige liace iale de leei chae da la ci aficaie caiee lhe ccideal i aa i ia le ile fai de chae, laefac i dcle de cee eei accaaa toute sa valeur. Cette conception musicale africaine a pour corolaire de faire passer au second la le c ehie de leei chae : une musique sera considérée « comme adéquate

75 Cette phrase débute vers 22 minutes et 15 secondes.

98 ou juste, plutôt que bonne ou belle, si elle a rempli sa fonction avec efficacité. » (Springer, 1999 : 11). Lae a aac ce de hae i importantes à souligner : « Il nous apparait donc très clairement que la musique africaine traditionnelle ne tend acnemen e la caion dn eie ehie admiable en deho de o conee. Dans ses formes collectives et individuelles, elle e ojo en conee e me éminemment en valeur les idées de fonctionnalité, de communication, de finalité. » (Springer, 1999 : 11). Avec cet auteur, je peux dire que la musique européenne, plus particulièrement dans sa version classiqe, e fai a ael a e cagie daciai e le a, e expression musicale provenant directement des traditions culturelles afro-américaines. Il ne agi dc a de e fe ehie. Ne i-nous pas, dès lors, de nous enfermer dans un piège épistémologique et éthique lorsque nous nous évertuons à vouloir à tout i jge de la bea d a ai d el dle -établi et dominant ? Pourrait-il eie e ie aficaie i l deai e ei a icie de liili dfii le da ? Un raisonnement fondé sur ce principe, peut-il nous permettre de saisir la portée et le sens de la chanson contestataire aux Etats-Unis dans les années 1960 (Delmas & Charles, 2005) et, plus largement, du gospel, d ble, d ja da lhiie i abdae de la musique noire américaine ? Un travail réflexif sur le rap exige une posture critique qui soit fde e gade ee dei, le e de la cii e lhili. Il fa afi changer de aie de lee de elle e ie e dfaie de iage e faie e regarder avec recueillement ce que de nouvelles réalités nous imposent de voir. Il ne faut pas avoir peur de changer de paire de lunettes ; e e i a fermés. Au contraire, il y a gros à gagner en termes de savoir et de savoir-être.

Deuxièmement, je veux revenir sur un aspect particulier du rap qui occasionne une ciie cee. Ce cie lide el laelle il a a de création dans le rap. On di e e le ae iee ie, cie de die ; plutôt de composer une musique originale, le DJ travaille avec des sons préalablement enregistrés. Leurs sons sont ic e bicl de e a, il a dc a digiali da le a76. Les rappeurs ne

76Cette critique du rap est rapportée par Oliie Cachi, l de ieei a d je Le rap est-il toujours une contre-culture ? » lii Les Matins de France Culture. Débat visionné en ligne le 30 mars 2016 dans le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=P1X531_TNoM 99 connaissent pas la musique __ référence faite au système de codification européenne (Keyes, 2004 : 5). Des idées de ce type suscitent tout un questionnement exprimant implicitement les de e l a la lgiii icale d a. Cee ei ie de abde. L encore, je vais convoquer un auteur dont la réflexion peut nous aider à avoir un regard critique et ac ccea cee ei. Il agi de Richad Shea (1991) da La la if il e llagiee e laciai de lehie i ccee la fi le cial e le liie. Il e e dfiii l dcaie de la e cheche dfede la lgiii ehie de la laie e aale lhie ce a de ie. Sel li, la de la ie e la cle laie ffe d fai de ideifi a bea-arts ; il fa e la i lib de cee ccei i llige de fe l laie deei clelle. Autrement dit, il propose un modèle fondé sur le rapprochement ee leiece et la théorie de la. Lae ci le a ce : « un art populaire post-moderne qui défie certaines conventions esthétiques les plus ancrées en nous, conventions qui appartiennent non seulement au modernisme comme style artistique et comme idéologie, mais à la doctrine philosophique de la modernité et à la différenciation aigüe elle inodi entre les sphères culturelles.» (Shusterman, 1991 :184) Le rap puise dans u ie de aia le l ai. Il aie de ce musicaux (morceaux de chansons populaires, de musique classique, les génériques de TV, les jingles des publicités et la musique électronique, etc) et de contenus non musicaux (fragments de discours, reportages télévisés et radiodiffusés, etc). Ce trait fondamental du rap a une signification esthétique fondamentale : « ce n dfi lanc lidal adiionnel doiginali e dnici i a longemp aei noe concepion de la. » (Shusterman, 1991 :190). Ce dfi face la ccei ccideale de la. Le a, e a eei aiie post-moderne, vient briser la dichotomie établie entre création originale et emprunt dérivé, laquelle dichotomie plonge ses racines dans le romantisme __ avec son culte du génie __ qui cidai e le e d aie deaie j e elle e eie a eali iglie (Shea, ibid.). Aii e i e lace ce dge i fai carrément de la nouveauté radicale leece e de la, ce i a clid a le modernisme.

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Tefi, il a lie de e deade il e eie e ale igiali da la dci de e da, ce-à-die il e ible de e de aliai aiiues eee de e, de e iflece da la ee laie, e a e ebe de ci, e e ede cie e da al acie. E ici eele li ce e l aelle la ache haie. E ie ale, lage de la ache haie e e i. E fai, ce e e de ie lgie d mélomane peut prévoir la fin au moment même où elle arrive ; a db de ache harmonique, on peut prévoir tout le reste du discours (le so i e je) j 8 ee laace (Dc, . ci.). A fce dce la e de ache haie ae divers morceaux de musique, un mélomane développe une habitude et une certaine capacité à les identifier et à en prévoir la fin. Une musique dont la composition comporte une marche harmonique est-elle pour autant dénuée de toute originalité ? Richard Shusterman a peut-être ai dbee e la ei de ligiali di e eee e ee de réappropriation et de transfiguration : « dans le post-modenime, il neie pa doigina inochable, mai elemen de empn dempn, de imlace de imlace ; lnegie caice pe e libe pour jouer avec les créations familières sans crainte de voir sa propre créativité démentie o pee elle ne podiai ne e oalemen oiginale. » [Richard Shusterman, 1991 : 190-191]. De ce point de vue, je prends le risque de concevoir le rap comme un courant musical qui vient ébranler, en quelque sorte, le dge de la ea adicale de la e le caace ac de e i e dcle. Le a, ce le hi-h daille, e ci e e déconstruisant et en se reconstruisant en permanence. Le rap donne lieu à toute une science du raffineme e de laagee de i ae de aia die. Il se ece e gade aie ai d dj eed, ffa aii de e fde aail de ecfigai daie de lacie e d fig. Lage d ale (échaille de ) e-il pas un art à part entière ? Ne-ce pas une meilleure manière de faire re-naître e de aile de die, de eiie le cea claie, de le eaaille, d aje dae igdie e afi de duire des sons inédits ? Sil alai la eie de aade e la ei de la lgiii aiie du rap, peut-être serait-on amené à mettre en évidence une des caractéristiques de celui-ci,

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lesquelles sont mentionnées par Richard Shusterman (1991 : 191) : « le plaii de la déconstructeur __ la bea aiiane il a dmembe e dobe de e ancienne po en ce de noelle, dmanele le familie e lenne po en faie quelque chose de différent et de stimulant. » Dans ce cadre-l, ligiali e a e icie abl e dacalie e la cei de la eee e fai ie a j. Le a aa dc a a de bille le conforts affectifs, esthétiques, intellectuels et idéologiques que ce ligiali. Ue fi de plus, il se manifeste dans son importance euristique face aux idées préconçues, aux raccourcis et préjugés de tout type auxquels il est confronté. Da le cade de ce aail, jai abd i aec de la pratique du rap qui donnent lie, e gal, leei de ide diaie ccea cee ie. Dabd, je e i ech le a a/ilece i e de aalgae. Eie, jai abd la ei eible de liage de la fee ae le ee de a. Jai efi e de e un regard critique sur quelques points de vue visant à discréditer le rap en tant que genre musical. Tout compte fait, dans les trois cas le rap se révèle dans sa valeur euristique, bien au-delà des appréhensions premières qui tendent à le réduire systématiquement à ses manifestations les plus décriées et, donc, à une pratique à mettre en quarantaine voire à la poubelle culturelle de lhiie, il en est. Concernant le rap, certaines critiques sont fondées ; dae li de le. Le dace ee badi lalgie de la ilece e la aie de ale de la femme, le tout associé à des paroles obscènes, pour honnir le rap. Ils trouvent des mots, des expressions, des images __ voire quelques faits relatifs à la vie privée de certains rappeurs __ qui puissent alimenter leur argument ; mais de là à réduire le rap à ses seules dimensions de violence et de dénigrement des femmes, on court le grand risque de nager dans la logique aveuglante de la facilité. Il faut prendre les propos des rappeurs seulement au premier degré, ce-à-dire sans analyse critique et sans recul réflexif, pour que les liens rap/violence, rap/misogynie soient toujours présents, réelles et généralisables.

En dépit de tout, le rap parvient à résister et dépasse les idées fixes qui visent à le déstabiliser, dans la mesure où il contribue à faire des révélations pertinentes sur la dynamique socio-politique des sociétés où il se pratique. Le rap est en effet un indicateur du social ; il peut être appréhendé comme une poétique de la vie des rues et des quartiers défavorisés et met en

102 eege le aail il ee faie e aie de la le lgali ee le he e le femmes dans les sociétés contemporaines. En ce sens, on a raison de considérer le rap comme une forme de poésie, de ceaie cial, daale liie, de ciie de la cle, l e ie (Rabaka, 2012). En ce qui a trait à la critique visant à lui refuser le statut de musique, le rap répond fort bien. De par ses pratiques de recomposition et de création, il constitue un défi esthétique pour ceux qui croient que le aiie di e adicalee original et intouchable. Ce courant musical nous invite à des réflexions profondes sur ses divers aspects ; aec e de diace ciie, eiel eiie e e dcel. Ce dc ce e je i ae, fialee, cae lie de e aale le ide eie auxquelles il donne lieu. Un pas est franchi, une fois analysées et écartées les idées reçues entourant la pratique du rap. Il est nécessaire de pousser plus loin mes analyses sur le rap. En effet, il reste encore beaucoup de chemins à emprunter et à parcourir aei. Le de e ede da le cade de cee he, ce dele le cci aae d la aie de la ie a e lbje je-l da le cha de ciece haie e ciale. Ce ce e je ai aborder dans la partie qui suit.

3.2 Au-delà des a priori : a ai a a c de ciece haie e sociales

La musique rap et le hip-hop en général font lbje de diee eeai, interprétations et réflexions ; e caice, il fa je eae labdae production qui existe par exemple aux Etats-Unis et en France sur ce sujet. Les réflexions fusent de partout, les unes étant plus pertinentes que les autres. Sans un minimum de recul critique, il serait sans doute très difficile e e iible de dgage cade de chei ile à clarifier, analyser e ie le he cee, ellee le dic i ae sont variés et parfois contradictoires. Je suis obligé de toujours sonder et situer tout discours de e de be da le ige de aalgae facile. T dabd, je e cie aicliee Lewis G. Craige (2009) dans The truth behind hip-hop, lie il ci, di-il, pour empêcher a jee aicai de e lie Saa. Sicrivant dans une perspective théologique, cet auteur reste persuadé que le hip-hop vient du diable. Selon lui, cette culture est satanique,

103 démoniaque, malsain et répugnant ; ce e be aelle, iiellee ie i détruit la nation américaine. Présentant ce point de vue théologique du hip-h, ce ee ici da e lie dage i e cifiee le a d a aec lglie la religion. Je cite par exemple Noise and spirit : the religious sensibilities of rap music dAh Pinn (2003), The gospel remix: Reaching the hip-hop generation de Ralph. C Watkins, Jason A. Barr Jr., Jamal Harrison Bryant, William H. Curtis et Otis Moss III (2007), From Jay-Z to Jesus :Reaching and Teaching young adults in the Black Church de Benjamin Stephens III and Ralph. C Watkins (2009), etc.

Dans la continuité de ces ouvrages, Emmett G et Price III a publié en 2012 The Black Church and Hip Hop Culture: Toward Bridging the Generational Divide, un livre collectif qui réunit des leaders, des penseurs, des prédicateurs, des universitaires et praticiens américains. Ce travail traite d ble de daccd gaiel a ei de lglie ie e cide de approches nouvelles pour restaurer la santé, la vitalité et un dialogue intergénérationnel entre la génération des Droits Civiques et la génération Hip-hop et, en conséquence, toutes les générations. Les contributeurs cherchent à :

« faire un bilan pour se débattre avec cette stimulante responsabilité consistant à proposer des commentaires opportuns, des analyses critiques et, dans certains cas, des stratégies pratiques visant le pardon, la guérison, la restauration et la réconciliation. » (p. xvi).

Ccie de liflece daie de la cle hi-hop sur les pensées traditionnelles et le aie de cie l aec lae a a-Unis et dans le monde, ce livre eed faie ael ccea le le hie de lglie face la diace internationale de la culture hip-hop et proposer des approches pratiques pour restituer la guérison, le dynamisme et un dialogue intergénérationnel là où il y a ce manque. Il cherche à ile, iie, ecage ce di dialge. E dae ee, le b c ii a le cibe e dicie lglise noire » à assumer sa responsabilité commune en vue de che dae ee e eillee ci. Lglie ie a lgece de e egage dans la vie des jeunes et des jeunes adultes qui composent la génération hip-hop. En 2013,

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Monica Miller publie Religion and Hip Hop et contribue ainsi à alimenter les réflexions qui se font sur la culture hip hop dans son rapport avec la religion.

Si je eie ce age da le cade de cee he, ce je faie a de ce intérêt avec lequel on aborde, du moins aux Etats-Unis, les relations entre le hip-h e lglie. Les réflexions qui en découlent conduisent, comme on vient de le voir, à des points de vue que je e aai accee. Je i if ai je e i a de. Je ne suis pas du tout en train de soutenir que tous les propos soutenus dans de tels travaux sont à rejeter. Ce serait trop caricatural et trop catégorique de ma part. Cependant, je me sens bien obligé de garder une distance par rapport à ces textes qui, pour la plupart, appréhendent le hip-hop et le rap en tant que problème à résoudre, une culture dont les chrétiens doivent se détourner coûte que coûte. La mission de beaucoup de ces auteurs est de toucher les adeptes du rap, leur apporter la guérison et la délivrance (Emmett G. Price III, op. cit.). Je e e e dae cagie de ee i ffe de aale i aiale e plus critiques. Il importe pour moi de faire le tour des travaux qui existent sur le rap et la culture hip hop ; pour établir ce panorama, encore une fois, je me réfère obligatoirement aux travaux réalisés dans les milieux anglo-saxon et francophone. Da Baice Sbea (2001), la cle hi-hop donne lieu à trois grands types de production littéraire en France. Le premier consiste en une analyse morphologique de productions artistiques suivant une approche poétique et musicologique. Le deuxième type de production est a de la ei ligie hiie de dicilie d hi-hop. Il se présente comme une sorte de récit historique autour des racines afro-américaines et de liaai de cae e Face. Le iie e la ae ciale d he rap, associant de manière caricaturale rap/délinquance/banlieue/immigration. Je pense que ce mode de classement peut me servir si je fais un état des lieux sur les travaux disponibles en ciece haie e ciale ccea le a. Tefi, il ie de e e e age ace il a bie dae cagie de ee i abdet divers autres aspects du hip-hop. Ici dans cette partie de la thèse, je garderai les trois catégories proposées par cet auteur e je ajeai de ae. Hi le aa ael jai dj fai fece, le icia ouvrages portant sur le rap vont donc être présentés selon cinq grands points. Deux éléments de cii ie da le cade de ce l : en premier lieu, je ne prétends pas présenter un

105 panorama exhaustif des travaux scientifiques portant sur le rap ; je me demande dans quelle mesure je pourrais y parvenir, cette pratique sociale occasionnant tellement de travaux de réflexion. En deuxième lieu, le classement de certains textes est peu ou prou arbitraire car aucun critère spécifique ne me permet de les situer clairement dans tel ou tel type de production littéraire au sujet du rap. Il existe en effet des ouvrages qui sont inclassables de par la diversité de ei il aie, il aie bie idee e clae lie bie. En ce qui a trait aux igie e legece d hi-hop, je veux particulièrement citer The rap attack de David Toop (1991), DoppinScience de William EricPerkins (1996), Hip hop Amneia : de Reiland Rabaka (op. cit.), A History of Hip-Hop: The Roots of Rap de Hatch Thomas (2006), etc.Ces auteurs sont unanimes à reconnaître le lien existant entre les traditions culturelles afro-aicaie e legece d hi-hop aux Etats-Unis. R. Rabaka (2013) examine la musique rap dans son rapport avec le mouvement des Droits Civique et la culture populaire. Par le biais de ce livre, il cherche à reconstruire, dans le contexte américain, un pont symbolique entre la génération Baby boomer et la génération hip-hop, entre le mouvement des Droits Civils et le mouvement hip-hop. Selon cet auteur, la musique populaire noire et la culture laie ie e icheible a e caiace de lhiie de mouvements sociaux et politiques menés par des Afro-Aicai. Ce i, cede le a e dae fe de musiques associées au hip-hop, il est important de procéder à une analyse critique portant à la fois sur les musiques afro-américaines et sur les mouvements afro-américains auxquels celles-ci ont servi de bandes-son. Ce livre aborde donc, principalement, la manière dont la musique populaire noire et la culture populaire noire, dans la-deuxième guerre mondiale, ont fréquemment servi de bande-son et reflété le mouvement social et politique des Afro-Américains. Un auteur comme Hugues Basin (op. cit.) abonde dans le e e lil ideifie de gad ee li ligie d a, ai ce il appelle la «négrité e la le lgali de di a Ea-Unis. Mellonee Burnim et & Pia Malb (2006) eie ia dioduire leurs lecteurs à la musique afro- américaine pour mieux expliciter ce que sont le hip hop et le rap. Ils prennent le soin de définir les diverses composantes du hip-h e icie legece de cee cle da le cee des difficiles conditions socio-économiques du Bronx et du Harlem dans les années 1960 et 1970. Franck Hoffmann (2006), quant à lui, présente le rap comme une musique populaire américaine aux côtés du Rhythm and Blues.

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Il existe aussi des textes qui, de par les détails et anale fi dae aie icale, eee dclaici le acie d a. Pa eele, daDJs & Toasters Jamaïcains: 1970-1979, E.Doumerc et Kroubo Dagnini (2015) ont cherché à établir le lien existant entre les expressions et pratiques de «Dj » et de «Toasting » et la musique jamaïcaine, notamment la culture du sound system (système mobile de sonorisation). Ils conçoivent le toasting comme un art pratiqué par un DJ où celui-ci improvise des paroles mi-parlées mi- chantées sur une base musicale faite de versions instrumentales du reggae. Les termes « toaster » et « igja (caci de laglai singer qui signifie «chanteur » et deejay) étaient parfois employés de façon interchangeable. Le singjay est un artiste vocal qui mélange des styles cha e a da e cea. Da ce ae, la aie d aig a eg a tournant des années 1940-1950 en Jamaïque avec les premiers sound systems. A cette époque, le DJ e faiai iie de ale idie cnclure un morceau offert par son sound system. Mais le toasting a vraiment connu son extension dans les années 1960-1970 avec legece d db e d iddi. E.Doumerc et Kroubo Dagnini (ibid.) met en évidence deux caractéristiques fondamentales de la pratique du Djing : liiai e le ceaie cial. Il f ee le ale d DJ da liiai e la d ceaie cial a XVIe icle jaacai, le de la dai de eie Aficai i da lle, ce-ci ayant entrainé avec eux des traditions musicales provenant directement du continent africain. Le commentaire social, en tant hiage de cha adiiel aficai, e dee e caaciie eeielle de la musique populaire jamaïcaine voire caribéenne. Les auteurs citent deux exemples de musiques populaires ayant cette caractéristique commune : le momento jamaïcain et le calypso trinidadien. Ils ont montré une ressemblance fondamentale entre ces genres musicaux et le rap : ce sont toutes des musiques qui décrivent les préoccupations quotidiennes des gens et ce, de manière métaphorique, humoristique et satirique. Avec de telles données empiriques, il est possible dabli lie ee la ie jaacaie e le a e aiclie. O ced ieux pourquoi il y a tant de rapprochement entre la culture musicale jamaïcaine et la culture hip-hop.

Da ce e de dide, Bruno Blum (2009) soutient que le rap est né en Jamaïque. Cet ae ace galee lhiie de la aie d DJig, e en Jamaïque ; da li, le a aiai de die iea dei le ae 1950. Lage aac e

107 dfed a lae cie de e le aie icale a deelle e construit le rap se sont incrustées bien longtemps dans la musique populaire jamaïcaine avant de eie e laie a de icie jaacai. Ce lie de B B constitue une sorte de plaidoyer en faveur de la Jamaïque, surtout pour sa grande contribution à la musique populaire mondiale.

Si le ee e je ie je de cie e laec hiie d hi-hop et du rap, dae e eche icialee leai ggahie de cee cle. Ce ce e fait par exemple Mickey Hess (2010) dans son guide régional de la pratique de cette culture aux Etats-Unis. Dans un travail précédent, cet auteur (Hess, 2007) a exploré les mécanismes de ie e de delee d a ce le de ie laie aicaie le l e vue (wanted music) à la fi e ee de ee e e a bje de cee. Il met aussi lacce la aie d le hiie la caie da le hi h edfiie le le d ae da lidie icale. Plus nombreux sont des travaux qui font état de leei diale d he. E effe, eeble dae e ael eaie lale d he hi-hop dans le monde dans un contexte de mondialisation caractérisé par une américanisation culturelle (Corinne Plantain, 2009, 2011). En analysant le hip-hop dans sa multi-dimensionnalité, Prince III (2006) a mis en exergue la manière dont cette culture est devenue la voix des jeunes et jeunes adultes sur le plan international en dehors des critères de ace, de clae, de gee, digie ehie, daffiliai liie, de iai cie. Sel li, la caaci d hi-hop à habilie, ecage e ebae de jee e e faie a leffe de echlgie e de chagee de lcie diale. E ce e, T Michell (2001) e intéressé à analyser des racines du hip-hop développées en dehors des Etats-Unis ; il f l de premiers auteurs à avoir contribué à combler un vide académique concernant ce sujet dans le contexte américain. Selon lui, le rap et le hip-hop en dehors des USA révèle la fabrique de cette musique populaire en tant que culture industrielle entretenue par des artistes locaux et leurs fans et demande du capitalisme global et de la domination culturelle américaine. Il a fait remarquer que le fl de la cai de la ie a a ei de lidie de la ie laie continue de procéder hégémoniquement des USA au reste du monde avec un petit flux presque négligeable dans la direction opposée.Ce livre explore les appropriations locales et régionales du

108 rap et du hip-hop dans leur contexte social, culturel et ethnique. AdamKrims (2000) a mis lacce la diace clelle e cie de lidie d a ae le de e e multiples effets culturels et politiques. Il souligne la grande expansion mondiale que connaît le rap depuis les années 1990 : « il est très rare de nos jours de trouver un pays dans le monde qui ne connaie pa ne fome de ap, de lhonoable e ophiie cne de ap en Fance a a-rap de Tananie e le ap inamien de la Hollande.» (Adam Krims, 2000 : 5). La musique rap change de visage dans différentes sociétés mais elle est présente partout sur la planète. Eric Charry (2012), pour sa part, a voulu rendre compte de cet essor planétaire du rap en circonscrivant son travail sur 9 pays du continent africain. Il offre un livre approfondi sur lhiie d a aficai. Si je deai cie le ee i f a de leai d a da chaque pays ou dans toutes les parties du monde, je ne pourrais peut-être pas en finir. Dans beac de a d de, l le a e ila e del, il a de aa scientifiques qui portent sur cet aspect de cette musique. La igificai ciale d a e l de aec le l travaillés de la culture hip-hop dans le champ des sciences humaines et sociales. En fait, ils sont nombreux les auteurs qui abde de ei cciale ccaie a le a el il e aie a ei de la dynamique politique et économique des sociétés. Je ne peux que citer quelques-uns de ces noms qui ont contribué à une meilleure compréhension de la place et du rôle de cette musique laie da la ci aicaie ce da dae ci. Da ce cade-là, je veux particulièrement aie laei d lece la cibi de Re Ticia (1994) i fai autorité dans le domaine. Dans son célèbre livre, Black noise, elle livre une réflexion en profondeur sur la manière dont les genres musicaux sont déterminés par les forces sociales, ce i ee de cede le iflece de la echlgie e de lcie da le développement des forces culturelles. Elle situe le rap et le hip-hop dans un lien direct avec le processus de désindustrialisation urbaine dans années 1970 aux États-Unis, le paysage urbain postindustriel des années 1980 et avec leur impact sur les communautés afro-américaines des e baie. Lae a le e ei fdaeale : e-ce que la culture hip hop e e-ce qui a contribué à son émergence ? (Tricia, 1994 : 26). Elle a pu déceler la relation qui existe, dans le contexte postindustriel, entre des changements substantiels au niveau des cdii cie, de lacc a lgee, de la dgahie, de ea de communication et la cai de cdii i i lhbidi clelle e le ce

109 sociopolitiques du lyric et de la music du hip hop. Le hip-hop a donc été construit par les forces du marché, des idées culturelles dominantes et le contexte urbain postindustriel. Selon elle, le hip-hop est une bataille que mène sans fin un pratiquant pour le statut, le prestige, la ecaiace d ge e, dc, eie.Ce dc lie de iei e de dfiii de i. Lae a e de de le ceaires tensions existant entre les cifici hiie de legece d hi-hop et les ponts de continuité entre cette culture et beac dae fe clelle e aie de Ni. Ce ai egad je le premiers stades du hip hop et ses relations avec des symboles et produits de la culture populaire et ses révisions concernant les pratiques culturelles des Afro-Américains, du moins. Quatorze ans après son premier ouvrage qui devient un classique dans le domaine, Rose Tricia (2008) a fait le tour des débats que suscite le hip-h. Ce aii elle a abli e de age avancés par les détracteurs et les défenseurs du hip-hop ; ces arguments constituent des forces diiai aa gad le hi-hop vivant comme une fce de caii, da, daffiai e de iace. Par rapport à la question qui constitue le sous-titre de son livre, elle propose une réponse : « Debates about hip hop have become a mean for defining poor, young black people and thus for interpreting the context and reasons for their clearly disadvantaged lives. This is what we talk about when we talk about hip hop77. » (Tricia, 2008: 5) Pour certains, le hip hop est un problème créé par les Afro-Américains, lequel encourage des rapports sexuels non-g e eee liali eelle, ifece la cle aicaie e la ci aicaie, fai lalgie de cie e de la ciiali e efle le dfciee clel de Ni e la cle de la ae E dae emes, le hip hop est principalement accusé de tous les maux. Certains détracteurs du hip-hop pensent que si l liie cee cle e le aai cee elle e, le jee Af- aicai e eille lcle, le acie e le dsavantages disparaitront. Quant aux défenseurs, ils soutiennent que les expressions du hip-hop commercialisé, en dépit de a gade ailai a lidie d die, de i e leei de eiece singulières des rappeurs ; elles reflètent la réalité dans le ghetto ; dans ce cas, les propos des

77« Les débats concernant le hip-hop sont devenus un moyen pour définir les pauvres, les jeunes Noirs et, de ce fait, pour interpréter le contexte e le ai elia le jdice il caie da le ie. Ce de cela que nous parlons, lorsque nous parlons de hip-hop. (Da a adci)

110 rappeurs sont le résultat de la pauvreté elle-même. Rose Tricia (ibid.) souligne le fait que les gad dia i fae ce dba e cie a lhiie d hi-h de aie ui pourrait permettre un traitement sérieux du sexisme, du racisme, des réseaux de pouvoir et des forces historiques réelles qui ont créé les ghettos. Quand les spécialistes sont invités à prendre la parole dans des tribunes médiatiques, ils sont le plus souvent incités à garder une position pro ou contre le hip-hop, ce qui les empêche de proposer un regard plus complexe sur les questions y elaie. Pa aille, le de aie le l ie da le aiea de edia illustrer des confli de dage ee ae, ce dchee le beefs entre rappeurs. Il est très difficile dans ce climat __ depuis que les gens attaquent et défendent le rap avec la même ferveur habituellement réservée à la religion ou au patriotisme __ de développer une pensée sérieuse (Tricia, 2008 : 6). Le ecei e l a ce le hi-hop ont été utilisées comme une évidence contre les communautés noires pauvres des zones urbaines elles- mêmes. Depuis les années 1980 a émergé aux Etats-Ui lide selon laquelle les Noirs et leur culture sont les causes de leurs conditions et statut ; le dba blic e e lacceai facile de leiece de ghe i e de lide i e e le Af-Américains en soient les créateurs. Ils sont pleiee eable d chi il f d deee. Re Ticia (ibid.) croit que les attaques contre la jeunesse noire américaine à travers le hip-hop maintiennent une injustice économique et raciste. Dans la documentation française, il existe un ensemble de textes qui visent à rendre compte de la nature sociale du phénomène rap. Je cite, entre autre, des titres comme Le rap ou la fureur de dire (Lapassade & Rousselot, op. cit), Rap, expression des lascars (Boucher, 1999), Quand le rap sort de sa bulle (Martin, 2010), Le rap underground de Kheira BELHADJ-ZIANE (2014), etc. Les trois premiers titres sont des exemples de travaux portant sur le rap en tant que moyen utilisé par des jeunes des quartiers populaires pour exprimer les problèmes et difficultés li le cdii deiece. Da le iie age ci, lae a d ie d alb cc de la aee faaie Dia, Dans ma bulle, pour mettre en évidence, à travers une analyse sociologique, la manière dont le rap considère et introduit les mutations sociales dans le débat public. Shaie Mli (2009) e iee ai e aale ace important mais jusque-là négligé dans les recherches portant sur la pratique du rap en France ; il agi de ce elle aelle les publics du rap ». En cherchant à répondre à la question « qui

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écoute du rap en France ? », cet auteur propose un examen de la structuration sociale du goût pour le rap et des modes de réception établis au sein des publics. Par ailleurs, il existe bon nombre de travaux de recherche qui approfondissent un ou lie aec cifie de la aie d a. Ce le ca a eele l ae chii ddie la elai eia ee la ie a e la cle (Rach, 2011), le rap et le cinéma américain (Donaldson, 2007), etc. Ainsi trouve-on, dans la documentation scientifique concernant le rap, des ouvrages intéressants dont le titre associe le rap ou la culture hip-hop à un autre domaine de réflexion comme la race (Kajikawa, 2015), le post-modernisme (Potter, 1995), le fiie (Ade, 2003), ec. Leeble de ce aa cibe faie a de lale de la aie d a da le ci elle ilae e e afdi la dimension sociale et politique. Il existe un ensemble de travaux de réflexion qui tentent de saisir la manière dont les politiques publiques se servent du hip-hop pour proposer des réponses aux problèmes sociaux, du moins pour apaiser les esprits dans les quartiers difficiles. Ces travaux contribuent à éclairer ce e l ai aele la liie d hi-hop ou du rap. Loïc Lafargue de Grangeneuve (2008) illustre fort bien cet angle de réflexion que comporte la pratique du rap. Il observe la manière dont les décideurs politiques font du hip-hop un véritable levier pour gérer ou résoudre quelques problèmes sociaux. Il a compris que les usages politiques du hip-hop reposent sur une certaine conception qui fait émerger cette culture des problèmes sociaux urbains, notamment de la violence dans les quartiers populaires. Aussi les pouvoirs publics misent-ils sur la culture hip- hop dont ils font « le support du traitement des problèmes sociaux, pcimen pace elle en est issue. » Lafargue de Grangeneuve (2008 : 12). Dans cet ouvrage qui a pour objectif de retracer la généalogie de la politique du hip-hop, de mettre au jour ses principaux acteurs, lae eaie lieai de la liie blic d fai lbje la cle hi-hop.Dans cette eecie, le aiee de ble cia bai cie l de icia hi des politiques publiques du hip-hop et celui-ci devient élément moteur du renouvellement et du rajeuiee de liage de la ille, le liie clelle a de l e l ie de lgie diage. Kai Ha (. ci.) fai cee e beai lil ie que les pouvoirs publics reprennent à leur compte la définition du rap, appréhendé comme eei de jee de baliee e e f leie daci le clae laie. Jean Calio (1998), dans une analyse critique du rap envisagé en tant que « réponse des

112 banlieues , a fai a d eeble de eeations sociales du rap et mentionné que le hip- h a dabd ii, dig e eci en France. Ce fut une condition nécessaire pour que les pouvoirs publics puissent penser à intégrer le hip-hop dans «la politique de la ville ». A vrai dire, à lhee de la dialiai, il existe plein de tentatives qui traduisent le désir de restructurer la ville par la musique (Laffanour Anne, 2003); la production des lieux alternatifs de rassemblement autour de nouvelles sources sonores et la diffusion dans des espaces urbains les fe icale le l hge e de eele. Aa daci i aliee e politique du hip-h, aec ia i ie laei de cheche e ciece humaines et sociales. Dans la littérature scientifique portant sur le rap, il existe des travaux qui ont pour objectif de saisir la complexité esthétique de ce courant musical. Certains auteurs cherchent carrément à prouver la puissance esthétique du rap ; ce le ca de Slai Beh (2013) aec son ouvrage Rap, Hip-Hop. 30 années en 150 albums. Cet auteur prend le contre-ied de lage el leel le a e a e ie e ee, d e c, de ideifie le cle :« Dans un Occident où musique est encore souvent synonyme de mélodie, il [le rap] semble être avant tout verbiage, discours. » [Berthot, 2013 : 7]. Ayant pour visée de présenter au public des chefs- de i a la dci aiie da le daie d a, ce ee e clae a c dae aa bie alimentés qui portent sur cette dimension de la musique en question. Parmi ces ouvrages, je peux citer Pour une esthétique du rap de Christian Bethune (2004), Check the Technique de Brian Coleman (2007), To the break of Dawn de William J. Cobb (2007), Le rap o laiana de la ime de Julien Barret (2008), Le rap français. Esthétique et poétique des textes de I-M Martinez (2008) set Book of Rhymes dAda Badle (2009), ec. Ce aa tentent de saisir le rap en tant que réalité poétique et esthétique. Enfin, parmi les travaux de recherche portant sur le rap, on peut identifier ceux qui comportent une dimension descriptive et pédagogique. La voix du rap dAh Pece (2007) et How to rap de Paul Edwards (2009) en sont deux bons exemples. Dans le premier, lae egage e aale deciie a de aie de faie de ae il cheche déterminer comment ceux-ci procèdent pour faire du rap, le but étant de rendre compte du style dieei e d le dadee ladie. Il e eae le e e explorant les formes de la chanson rap qui est à la fois une « pratique musicale » et une « pratique poétique . Ce aail accage d eje cilgie aje : « appréhender

113 les manières de faire des uns au sein de leurs pratiques, pour comprendre la relation instituée pa lepience diance e fome le die, ene le n e le ae, appe e auditeurs. » (Pecqueux, 2007 : 10). Le deuxième livre vise à expliquer comment faire du rap en parta de la chei a lae de ce e igifie faire du rap . E ce e, ce aail daggie i dcie, liei de lie, le cae d a, ce-à-dire, les textes, le beat, le flow, etc. Sans un travail palable dbeai e e compréhension de la manière dont les rappeurs pratiquants apprennent à faire du rap, il ne serait a ible lae de gge de hde daeiage de cee aie icale. Voilà, en gros, un bref état de la recherche en sciences humaines et sociales concernant la culture hip-hop et le rap en particulier. Je peux dire que ce dernier type de production intellectuelle sur le rap rencontre en quelque sorte ma préoccupation dans le cadre de ce travail de recherche i cie aii la clei de ce dafai e de subjectivation du rappeur pratiquant. A travers ces deux travaux que je viens juste de citer, je e accde e decii de cde ie e e a ace da la roduction de i a. Toutefois, en dépit de cette multiplicité de travaux contribuant à dessiner les contours du rap et du hip-hop, il existe des déficits à combler en matière de la recherche scientifique sur la ie a. L de aec d ap qui font appel à des réflexions critiques est le processus de construction des savoirs par les rappeurs pratiquants et le sens que ceux-ci accordent à leurs apprentissages en tant que sujets socio-hiie, ccie de e i e e aboi ce aeiage i fdaea. E ce jee l e je e ffi e dee cibi e alia cee he. A bie egade, deei ae a aed e e ced. Mai ce e a alla de i. A a caiace, la très grande majorité des rappeurs __ pour ne pas dire tous les rappeurs __ a lcle aede faie d rap. Mais ils ont développé des habiletés, des savoir-faie i f de de ae professionnels, certains ayant plus de tale e dae a e d blic habi la i d a. O, il e a d c de el de dele de ale e de cece e la aie. P aei, i ale cial i e fee l e suffisant. Si le de e e a e lee bea ai de ciel ble e aclae « rappeur » ou « rappeuse , ce e, e ali, ce a e i, eige eecice ca daciii de ai, de ai-faire et de savoir-être qui participe de ce processus

114 clee e le deei ae. Ce cie ce ce e jeed aale e saisir dans le cadre de cette thèse. Si Anthony Pecqueux (2007 : 10) a cherché à aborder la question « quelles sont les manières de faire, les méthodes employées par les rappeurs dans leurs pratiques chansonnières ? , leje de a flei e diffe. Cfe a b que je me fixe, cette question pourrait se formuler de la manière suivante : «que construisent les rappeurs en termes de savoirs, de savoir-faire et de savoir-e eda il f ce il f, suivant leur manière de faire ? . Ce e a la e e fleie. Da ce aail, jeed elee dcie le manières de faire » des rappeurs pratiquants mais aussi ahede la chei il de le dache, ede ce de le de de socialisation et de construction de soi en tant que sujets pratiquants évoluant dans le contexte socio-cie, liie e clel dHai. Icie dans la filiation épistémologique et méthodologique de la recherche biographique en sciences humaines et sociales, cette thèse offre a la chei de de dagecee de diee fe de ai aicia de la fabicai e de lauto-fabicai d ae aia. E dae ee, par ce travail je cherche à répondre à une lacune observée dans la littérature scientifique ccea le a : cede la aie d deie ae, ce-à-dire saisir le processus colee de cci e daiclai de ai fel e ifel i fai d idiid aia ae a eie, feiel cfi a e de e ai , l galee, a ei de la ca de aie i ablit autour de la musique rap. Ainsi la recherche biographique permet-elle de saisir le processus complexe dafai e de bjeciai ael e la aie d a. Cee ee he ie diecee a eiece de cee fiali. Jeed on seulement apporter une contribution à la compréhension de cet aspect de la musique rap, en tant que pratique sociale, mais en même temps combler un autre déficit de connaissances en matière de réflexion sur la pratique des musiques populaires en Haïti et sur le rapport de celles-ci avec la dynamique du social. Je comprends donc la nécessité de regarder de près ce qui se passe au sein des pratiques entretenues par les rappeurs haïtiens pour aboutir aux objectifs poursuivis. Néanmoins, avant de me pencher sur cet aspect fondamental du rap, il est important de dessiner le cadre social et politique dans lequel ces phénomènes ont lieu. Car il faut à tout lecteur au moins une idée claire de la dynamique socio-hiie dHai cede phénomène qui dele. Si, il li aea dia fe aii e

115 apprécier les horizons de sens que je dégage plus loin autour de la pratique du rap dans ce pays. Dans le chapitre qui suit, je pose des balises nécessaires à la compréhension de mes analyses et ieai a de ce e jai i ce aia la aie d a e Hai. Je cherche particulièrement à mettre en exergue des paramètres fondamentaux à considérer si l e ie le de cee he. Le chaitre suivant constitue donc le cadre contextuel de a he, faie age de eilgie acadie.

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Chapitre 4 : Haïti, le diagnostic de la défaillance

Aucune pratique sociale, pour être saisie, ne saurait être considérée en elle-même sans aucun lien avec le cadre spatio-temporel dans lequel elle émerge et se développe. Les phénomènes humains sont toujours socio-hiiee i. Ige ce fai, ce e ie de aale eeialie i, e, f e d dcalage flagrant avec la réalité. Il e dc ia, da le ca i ccee ici, dae de le de claificai e de cii ccea le lie d je ale e a cee flei le a haie. Si, comment pourrais-je parvenir à faire comprendre le sens profond et la portée de cette pratique musicale dans les milieux populaires urbains de Port-au-Prince, en majorité des quartiers très caie, lece leel lhiie, la ali ci-économique et les tumultes liie dHai age ce ? Serait-il possible de saisir le processus de bjeciai d idiid e lila alee d cade cial a ie e dlie ? En tout cas, ce que je tente de développer comme réflexion dans le cadre de cette thèse doit partir de la réalité globale qui sert de paysage dans lequel les principaux concernés biographient leur vie, configurent les événements de leur existence, donnent sens à leurs multiples expériences singulières en tant que sujets socio-historiques (Delory-Momberger, 2004). Dans ce présent chapitre, le lecteur est invité à prendre connaissance de la réalité haïtienne, dans ce que celle-ci a de caaciie, ce-à-die de aib ceible de distillés à travers le processus de socialisation et de biographisation de chaque individu, ce qui ne manque pas de participer au he cee de bjeciai de ace i iee. Da eie e, je présente la réalité haïtienne sous quelques-uns de ses aspects les plus déterminants, avec ce que cela eae ce eie che ce i e ale. Pl li, je ele ble i jale leiece de lai le l lable. Ce-ci constituent, en quelque sorte, les signes et symptômes à partir desquels un diagnostic morbide est établi concernant la situation du pays.

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4.1 Un discours morbide

« Nan dòmi m te ye m tandon w rele Jai e ai de di ad jeedi de lee Mwen tandon w kouri m tandon w plenyen Jeedi de bi e e claie Kouri reveye pou m wè sa k ap pase Je me réveillai bien vite pour voir ce qui se passait Yo di m se Ayiti k prèt pou l trepase O e di e ce Hai i e le i de ae Kouri lopital yo di m li pa p sove A lhial e di il e ia a Lè nouvèl la gaye tout moun tonbe rele » A lace de la elle le de e e lee (Jean Bernard Thomas, Ayiti)

La iai glbale dHai, lhee acelle, eble iie discours alarmant e dla, ce i b be dbeae aie face ecacle acabe d le effets immédiats entraîneraient la disparition de tous. Ce discours paraît sans équivoque. Avec empressement et résolution, le message est clairement exprimé : Hai e lagie ; il est important de procéder à sa réanimation. Le diagnostic est sans appel ; il e ee ede de ee i ie ie el gchi eda il e ece e. Gaillage de hai, de ece aelle e d aiie hiie e clel chèrement et fièrement acquis ! La dHai e iiee, elle ieda da e idei ai a liai. Elle e file lhi, da le e ba de Haïtiens qui constatent au jour le jour le dépérissement de leur vie collective au gré des péripéties de tous genres qui jalonnent leur existence. En lisant ces présentes lignes, qice a jaai i caiace de la daie politique de ce pays, ne détient aucune information concernant des faits minuscules relatifs à la ie e la ajee aie de la lai, e ai le eie de face de aee. Pa, ce ca aifee i eie iceae ie e faia caiace aec ce il a de cce da le cdii de ie de Haie, ai de e aiie e de aa de flei e de aec cifie d dliee de la vie sociale. Dès lors, les limites entre le el e liagiaie deiee fle. Le anecdotes et analyses inspirées de cette appréhension sont légion.

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Il e cieee a de i aec el achaee eie le aie i, bien évidemment, font montre de leur intérêt à abode la iai dHai. A la liie, e devenir très inquiétante la récurrence de leurs propos dont le premier objet est la description du délabrement et de la dégringolade du pays. Beaucoup de chansons comportent des mots qui font état de la « maladie dHai de aie deie. Le ia eai de Nou vle78 du chanteur Ansy Dérose : « Pei n malad, li koche/Fk no ba l lai/Ak paan konean/N a ee li/Si no kole tèt n a jwenn chimen » [Notre pays est malade, il est alité/Il nous faut lui donner la vie/Avec de la paience, de la connaiance/No le oigneon/Dan lnion no oeon ne oie] On peut le voir très bien : dans ce titre qui constitue une sorte de manifeste pour la dignité, à la fin des années 1980, da le cee de la-dictature des Duvalier en Haïti, ces paroles sont claiee eie. Ce a dlab i deade e i e chage a e fil e fille. Cee cha e e age ai eeble dae i abde la situation dHai e de aeil ee. Lae eele deai e je e cie ie de Bwa a mare, le titre carnavalesque du groupe Kdja lae 1998. « Se peyi m ki malad, o o/Se pa politik m ap fè anye !/Peyi a malad jis nan zo/Jou Bondye ede m mwen libere/M a pete chèn nan » [Ce a i e alade/Ce e a de la liie e je fai/Le a e alade ja /Le j Die aidea e libe/Je bieai la chae.] De toute évidence, au-delà du caractère poétique de ces paroles __ un pays qui est malade jusque dans ses os de pays ! __, lae a l aie laei de ladiie le ie de la question : du moins là-de, il ed e a faie de la liie. Ce e ae aie pour lui de die il e e ai de dcie e ali, de ale d he iceable d lbeai e ible celi i die e aei. Da ce ca, e démarcation de la politicaillerie est tout à fait nécessaire pour que soient pris au sérieux les commentaires concernant la iai d a. Ce e lae dci e ae, ia e i ce e ale de liicad, ce i il e eeiel de ede des précautions, de lancer une mise en garde : « Ce ne pa de la poliie e je fai. » Sinon cee ale ie de e a e ie ce elle e, ce-à-dire pour un élément de discours relatif à un fait indéniable ; du moins, ce risque est moindre avec une telle précision.

78Voir le lien suivant (page consultée le 3 juin 2016) : https://www.youtube.com/watch?v=hvljuiOpRBg

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Lae choisit comme refrain pour la chanson les propos qui suivent : «Peyi m malad sou do l kouche [Mon pays est malade, le dos allongé Ki doktè k ap geri maleng sa a pou mwen Quel docteur soignera cette plaie pour moi Peyi m malad sou do l kouche Mon pays est malade, le dos allongé Ki doktè k ap geri kansè sa a pou mwen » Quel docteur soignera ce cancer pour moi] Ce ille la gai de la iai dHai, elle elle aa a e de lae d ee. Cae la d a e laie e, de c, cace, ce vraiment aller loin dans la métaphore ; ce faie ee diagiai, adea-t-on. Pourtant, __ e il agi l de eaable cllii eaable ee alie e imagination __ lae ale de iaion dont il sait pertinemment que la majeure partie de e deiaaie cae ciellee le diee facee, ce il ai i bei de faie ei le dail ae e . Le deiaaie e e e propres expériences par rapport à la réalité haïtienne pour trouver les preuves et une jificai de e da la cha. Dae ae aace de le de description de la réalité qui servent de « symptômes de la aladie d a. Ce le cas par exemple du rappeur haïtien très peu connu, Ekyl-h qui chante dans Peyi m malad79: « Peyi m malad/Li gen pwoblèm sante/Li pa gen tèt ansanm/O ! Pa gen linite/Tout jounen bal ap tire/Moun mouri/Tristès anvayi/Pa ka gen souri/Wi li malad nan tout kò l/Nou refize kole zepòl /Se mal k ap domine » [Mon pa e malade/Il a de poblme de an/Il n a pa dnion/O ! Pa dni !/On entend des bruits de balles à longueur de journée/Les gens meurent/La tristesse nous envahit/Plus de place pour le sourire/Oi, il a mal pao/No efon dni no foce/Ce le mal i domine] A partir des exemples de ce type, on peut comprendre que les symptômes dont il est question sont des problèmes réels auxquels des hommes et des femmes sont confrontés dans leu ie idiee. Aii, le lae de ce ee di « Peyi m malad/Li gen pwoblèm sante », on peut y voir un pléonasme à condition de concevoir le « pays » comme une entité ficie aa ac lie aec la ie elle e e le ge. Lc « Li gen pwoblèm sante igifie e da ce a, il a bie de ge i a acc de i de a e lil e gadee bei. Da le eie de cha haiee,

79Voir le lien suivant (page consultée le 3 juin 2016) : https://www.youtube.com/watch?v=3D9f-pMfFVE

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be le ee i aicie labliee de ce e l ai cide comme un diagnostic de la maladie du pays ; il agi j de ble el ec a le ge da le difficile cdii deiece. Sil e ai e ce de ie obstacles à une vie bonne et heee, e ie haiable e ca, l e cede le fait que les « symptômes ideifi ie e lie diec aec leiece de lidiid i eie, e celi-ci soit touché jusque dans son intimité même. Dans ce cas, il paraît presque naturel de chercher à attribuer le problème du pays à une cause ou à un ensemble de causes. Certains artistes parviennent à nourrir un discours fataliste où ils interprètent la iai dHai ce le fi de alchace. Ce Ked, chae du groupe Flex, qui a fait ressortir ces propos dans la chanson titrée An devenn80 : « Èske se nou menm ki pa gen chans/Èske se nou menm ki betize/Tout sa nou fè tounen kont nou/Nou an devenn » [Est-ce no i naon pa de chance/E-ce nous qui avons bêtisé/Tout ce que nous avons fait retourne contre nous/Nous sommes en déveine.] Ce discours, qui peut se révéler très inhibiteur, rencontre un contre-discours mais celui- ci eie afi aec chalace. Ce ce-discours est constitué, par exemple, de i aaee ce ele ee c a Le fe Pae da morceau titré Pa dekouraje81 : «Vye frè fò w pa dezespere/Peyi a poko antere/Mwen konn soufrans la di se vre/Men move van va sispann soufle e » [Mon frère ne désespère pa/Le pa ne pa encoe ene/La offance e de, cee/Mai n jo il n aa pl de maai en]. A ce ce ale aec aei, e e ede ce e lae cheche encourager son destinataire, à lui inspirer la force de résister face à une situation très difficile. Mai il fa cide lage i e aac, ce-à-dire la raison pour laquelle on doit gade de lei : « Peyi a poko antere » (Le pa ne pa encoe ene). A bien y egade, il e agi l de aladie dans ce cas précis ; on est plutôt devant un « pays mort d leeee e ei ie el e. La ele le dei e l e i dea el ca le d fai e leeee e e a ai lie. Ce e aadal dilie e elle iage da e ie i e ie iie d courage à des gens qui éprouvent du désespoir à force de vivre dans de pénibles conditions.

80Voir le lien suivant (page consultée le 3 juin 2016) : 81 Voir le lien suivant (page consultée le 3 juin 2016) : https://www.youtube.com/watch?v=SDJrKSvue20

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Ce de cf e ch da dae eage despoir exprimés à travers la ie a dae e. Le lga Ayiti pa p mouri » (littéralement, Haïti ne mourra pas) est devenu finalement très récurrent en Haïti depuis la fin des années 1990. Son usage a été exacerbé surtout après le séisme du 12 janvier 2010 qui a fait beaucoup de victimes au sein de la population haïtienne. Avant 2010, on ne pouvait constater que quelques gravures dont le de l clbe a celle i eait la scène où, sur la surface des murs, à quelques endroits de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, des enfants nus, des blocs de béton sous le ied, iee e aie de eie e icea laide del il cie e certaine hauteur « Ayiti pa p peri », message composé de lettres dégoulinant petit à petit avant de che leffe de lai e de la ie. A jaie 2010, de eage de ce e ont multiplié ; à divers endroits sur les murs de la ville de Port-au-Prince, on peut lire « Ayiti pa p mouri », « Ayiti pa p peri », « Ayiti pou Kris, Kris pou Ayiti » (Haïti pour le Christ, le Chi Hai), de lga i affiche ilee, de cie i e fai a ee le d aie. La récurrence de ces slogans a entraîné des réactions et interrogations. Arly Larivièrre, un musicien haïtien qui passe de présentation sur la scène locale, dans une musique titrée Pays, Jeunesse, Futur82a soulevé une question non moins significative: « Chak jou m tande y ap di/Ayiti pa p peri/Ayiti pa p mouri/Di m kisa nou fè pou sa » [Chae jo jenend die/Hai ne périra pas/Haïti ne mourra pas/Dites-moi ce que vous faites pour empêcher cela]. Ces paroles de Larivière constituent, en quelque sorte, une prise de distance critique par rapport à des slogans consolants mais i deiee ee fce de d e ae. Pa cee musique, il est venu secouer le confort moral que tendent à procurer les slogans susmentionnés pour inviter celui qui écoute la chanson à une interrogation fondée sur les conditions de ibili de réanimation dHai. Reae il e j ei de lagie dHai. Lae e dicie a d . A caie, il e e idece la cei de faire quelque chose de peur que ce pays ne sombre effectivement. Il a a e la ie e de dei de de de P-au-Prince qui ie le caal de ce dic bide ccea le a. Dae e de dci e la aladie dHai, laelle aladie ed deei baale, d ins à travers les c de ce i ce cciee . Le ce de ce dic

82 Cee cha fige lalb Konpaide paru en 2014 sous le label de Fanfan mizik.

122 diide daa l aie e celi-ci se banalise et trouve de justification dans la dynamique de la vie quotidienne. Un simple tour sur intee e eee daccde ensemble de matériaux relatifs à cette vision selon laquelle Haïti est représentée comme un alade ali e e ibd. Ce ce d je e i ed ce e ba le ie clai e dciif d a dnt la première partie est mise en ligne83 : « Le pays est malade ». Dans ce pays mourant, presque tout est enclin à être malade. Ainsi est-il devenu très ca e Hai, da le lagage diaie, deede de hae i eiee a cee, comme si le ge i eie de la e e aie e e ce ee traduire leur vision des problèmes spécifiques auxquels le pays est confronté. A un moment, on ale de ldcai i e alade. De aie ai-permanente, on pointe du doigt les plaies du système politique haïtien84. Certains peuvent voir dans le fonctionnement du système politique, un vrai symptôme de la maladie du pays ; ce le ca a eele le le blg Le Monde du Sud/Elsie news, on lit « Notre île est une société malade, fascisante , ie de réflexion personnelle mise en ligne le 28 avril 2015 (article consulté en ligne le 10 juin 2016).A dae e, di e le e de a e alade, le e jdiciaie e malade85, le système agricole est malade, le système de transport est malade, etc. Autant dire que, dans les énoncés de ce type, la maladie devient une caractéristique essentielle de la dynamique du système social haïtien, un dénominateur commun à tous les sous-systèmes en fci. Daille, e le l hae ai chae a ce dic bide. Le président haïtien lui-même, Michel Martelly, eut à déclarer que le pays est très malade, au cours de cie de eie de clef de hicle eai a age d c de surveillance environnementale, le 25 juillet 2012, au palais national, selon le réseau 86 difai Haïti Press Network (HPN) .

83Voir le lien suivant (page consultée le 10 juin 2016) : http://www.caraibeexpress.com/la-une/article/le-pays-est-malade-1er-episode 84Il est vraiment frappant de lire un titre comme « La poliie haienne daee: piphnomne dne société malade » qui qualifie sans ambages la société haïtienne. Posté le 6 décembre 2015 sur le site www.lescacosnoirs.com par Dareus Erne, cet article est accessible à partir du lien suivant (page consultée le 10 juin 2016) : http://www.lescacosnoirs.com/la-politique-haitienne-desastreuse-epiphenomene-dune-societe- malade/ 85 Le 20 juin 2016, lors de la présentation de son fameux « Jounal 4 trè » présenté sur les antennes de la Radio Kiskeya, la journaliste Liliane Pierre-Paul a parlé du système judiciaire haie i, da elle, e malade et hospitalisé ». 86HPN, 25 Juillet 2012. 123

La aladie d a e afi e de elle e e i lige lide de e possibles répercutions physiques et psychiques sur les Haïtiens. Par exemple, dans un français pas trop correct, Louis (2011, p.123) écrit ce qui suit dans un livre dont le titre fait mention de la dbcle dHai : « Si Hai e malade ajodhi, a maladie doi e efle le visage de tous les Haïtiens quelque soit son milieu, sa classe sociale ou ses appartenances. » Judith Blanc, psychologue clinicienne, parle de « la crise haïtienne elle ee dahede e ee de chahlgie ai d aicle de ee elle a bli dans un journal local, Le Nouvelliste87, le 5 octobre 2015. Dans son article intitulé « Sommes- nous une société de malades mentaux ?, elle eed abde ce elle aelle la problématique de la santé mentale de la société en considérant, mentionne-t-elle, des aae dde ggahie, hiie, liie, cilgiue, éducatif, économique, clel, clgie, ec. Je lige e i je fai alli ce ee ici, ce i a eiece lgie, hie e hdlgie e ace il ale de la diei psychopathologique de la maladie dont on pense qui caractérise la société haïtienne ceaie. Ce cee ciai i a ee aei : « cette analyse psychosociologique du fonctionnement de notre pensée collective ambitionne donc de fournir un miroir, ou de proposer un nouvel angle de traitement dans le dba ocial lagonie pchie de laelle no peinon an oi. » Vil i e ee de i e la aladie dHai, elle e ee a ce i e ale, est multiple et multiforme. Si ce discours morbide e i ce da le lagage diaie, e cede il ie ai e lace iae da la aie de ace liie. Ce ce i fai e sur une banderole88 du regroupement Réflexions citoyennes, il est noté cette inscription très significative : « Le poliicien an cple on plong le pa dan labme. Paioe, réveillez-vous pour le sortir de là. . Je e aicliee aie laei lage, la récurrence et la banalisation du mot « abîme » dans des ceai cae e Hai. L des exemples le plus convaincants est peut-être cette blague très populaire dans les milieux pro-intellectuels où un homme politique haïtien (un sénateur ou parfois un député, selon le

87 Consulté en ligne le 10 juin 2016, cet article est accessible à partir du lien suivant : http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/150560/Sommes-nous-une-societe-de-malades- mentaux#sthash.LmlVVK8w.dpuf 88Ce message fut affiché da la e, lAee Chihe, e face de lca de lIi de Hae de de gei, de ciece liie (Iaghe) de lUiei dEa Hai. Je lai be le 9 ji 2016. 124 narrateur), dans un français incoec ai cheible, eeai deie dei par rapport à la marche du pays : « Mais où vons-nous dans ce pays ? Le pays va de bîme en bme, j labme final. . Da le ca de la badele, le ec a ee dabe parler de la d a e ai effe de alliee, ca be ce i aage lide el laelle le a e i a le liicie haie. Lae de ce eage a ci la cei dilie i i la hae de la difficile tâche de mobiliser les cie haie lhee acelle ce-ci sont tellement empêtrés dans des difficultés liées le cdii de ie il e ie faie e de e bilie e ae donner une leçon historique aux politicie alhe. O e ddi il fa de ale très fortes pour traduire la réalité haïtienne dans ses multiples facettes, pour remuer la cciece de Haie e le e e egagee. Die e le a e da labe, ce die il e da gffe fd, da a ciie e, dc, il e alade. Ce discours morbide semble se construire non seulement à travers le langage ordinaire et dans les pratiques politiques des acteurs, dans la presse nationale, mais également, et surtout, dans la presse internationale et dans les écrits à prétention de scientificité qui abordent le cas haïtien. Raymond Succar (2011 : 99) dans son livre Haïti : Héritage levantin ale d pays agonisant ». Par ailleurs, dans son article titré « Haïti dans la spirale du désespoir », paru dans le Mde dilaie d i dcbe 1997, Bernard Cassen a comparé Haïti à un bateau i cle. Il e f ca de a la Chabe de cece e didie dHai, constat qui, selon lae, faiai laii P-au-Prince, du moins au moment où il ciai laicle. Selee i hae ffiaie e le ca, i alaa, fût dressé : « Le tableau est déprimant et fait peur. La nation est malade. Haïti est abattue et emble e igne moi ap aoi noi an depoi. » Je pourrais multiplier des eele deai i da le e e. Je ai ae de deie aage les auteurs avancent des hypothèses explicatives au lieu de se contenter de décrire la maladie d a. Je ece de la lge de ce cea de ee e de ee hgahie e gaaicale il ceaie. Le eie eai ie d ee iil Pour une sociologie activiste et publique89 écrit par Lee Chance qui mentionne :

89Ce texte est accessible à partir du lien suivant (page consultée le 10 juin 2016) : http://www.tanbou.com/2008/SociologieActivistePublique.htm

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« Qelle e oi la lece e lon fae de la oci haienne ; quelque soit les prédispositions idologie e dicie e lon adope on ne pe pa nie e la oci haienne e malade. Un cancer est en train de ronger les fondations de cette société depuis plusieurs décades et ce qui oble le pl lanale eie e je i, ce labence dne dicie concie i permette à la fois une prise de conscience sur les maux dont souffre notre patient mais plus fondamenalemen ne pie de concience la nceaie mdicaion il fa inie. Labence de dico ne pa implemen n mane mai ce n mane ignificaif dne faiblesse de capacité des intellectuels de ce pa de pende en main la podcion dne hoie active. » La deie bibe de ee e i de lage Explique-moi Haïti de P. Pierre (2006, p.298). Celui-ci écrit : Hai e n pa malade, ceain dien il e agonian e il e minuit moins cinq. Cependan o ne pa ped e il e bien pi en chage, le malade pe eoe a iali. On pe en effe faie lhpohe e jici, oi e le paien nai pa di eacemen a médecin de quoi il souffrait, soit que les traitements successifs employés dans le passé résultaient de diagnostics erronés basés sur des pistes mal investiguées. Dans un tel cas, les compétences accoe a chee de lagonian doien o epende e agi aec pdence, en ilian la méthode appropriée sans se laisser distraire encore une fois par ceux-là dont les intérêts et privilèges ne seront nullement dérangés par la disparition du malade. Ces nantis doivent un jour en eni la conclion e le calcl coe e d n ien a mie e de laa ne pas la solution gagnante, même pour eux-mêmes. Il est donc indispensable que les Haïtiens empnen ce paage oblig d malade il elen emee le pa de noelle bae acceptables, en vue de rejoindre le peloton des nations dans la marche vers le développement. » Si les deux auteurs posent le même diagnostic, ils en évoquent des facteurs explicatifs lgee diffe. L le eie i le dfa de hie acie __ qui devrait être construite par les intellectuels __, le ecd i de hde dieei iaie, celles-ci étant entachées du biais de la distraction, laquelle distraction provient des nantis sans scrupule qui ne seraient pas dérangés par la « mort dHai. Il eede a i autre point : les maux dont souffre le pays sont mal diagnostiqués et il est nécessaire de lui proposer un traitement approprié. De telles interprétations font écho à de multiples travaux de réflexion qui portent sur la situation socio-cie e liie dHai dei a i a de icle. Ce travaux, de par le rayonnement international de leurs auteurs, contribuent à la construction du

126 discours morbide qui traverse les représentations concernant le pays. Ils servent de référence à e ee ieaiale i, fiade de c e deie e, ee fd da le sensationnalisme, se lance parfois dans la pornographie humanitaire (De Montclos, 2009). Très souvent, ce qui attire la presse internationale concernant Haïti, ce sont surtout la pauvreté et les séries de catastrophes naturelles et politiques que connaît ce pays ; les nouvelles et les débats gai e e a d fai aa lie elce aec le iie e le déclin de celui-ci (Gi, 2012). Si a fil d e liage de pays maudit » est associée à Haïti dans la presse internationale (Rainhorn, 2012), si la situation de ce pays y est presque j eiage e ee de agdie (Clbe, 2011), ce eeai accordent bien avec des discours tenus par des chercheurs en sciences humaines et sociales. Il est assez remarquable de constater le vocabulaire utilisé par des chercheurs pour ale de la iai dHai. Da lie Lan 501 : La conquête continue, écrit 501 ans après le débarquement de Christophe Colomb en Amérique,NoamChomsky (1994) inclut un chapitre titré « La agdie dHai . A ai d eeble de cidai hiie e géopolitiques, il a tenté de mettre en évidence les racines de ce e l e aele le drame haïtien », à une époque où le pouvoir politique était contrôlé par une junte militaire qui eai de fce leil, le 30 eebe 1991, ide ciiellee l. Ce c da a e de gae ceces sur les conditions de vie des populations haïtiennes forcées de ie leffe d ebag i a le Ea-Ui. Ce ae e a le el eiage la iai dHai e ee de dae. Daille, ce cee e e e lage de i d État failli » a été systématisé dans le lexique des sciences politiques et des relations internationales. En effet, Jan Verlin (2014) a montré par quelles pirouettes intellectuelles, depuis la première moitié des années 1990, Haïti a été construit et maintenu comme un Etat failli, sans nécessairement toujours répondre aux critères de définition de cette catégorie conceptuelle. Ajdhi, ce e a le cablaie i ae, el li, aie le ca dHai : ce a faible, défaillant, disloqué, une « république dysfonctionnelle , ec. A lhee acelle, il a e e hie de la dfaillace i ialle l il e ei de la haie. Jaed Diad (2006) i e Hai a effondré quasi-irrémédiablement. Je veux faire allusion aux réflexions consacrées à Haïti par André Corten (1998) qui considère Haïti comme un pays constitutivement faible. Pour lui (Corten, 2001 : 17) la dynamique sociale et politique de ce a de lie leiece d

127 mal liie il dfii ce laccepabili de la dhmaniaion, ce-à-dire la possibilité que la déshumanisation corresponde à une syntaxe de raisonnement collectif. ». Cet ae ale d cecle icie de la dlai i ialle e Hati. Des chercheurs et acteurs politiques haïtiens nourrissent aussi cette rhétorique de la dfaillace, ciba aii aliee le dic bide a dHai. Anne Lescot et sa collègue Florence Da Silva parlent de « pays en faillite » ; Sauveur Pierre-Etienne considère Hai ce a dee i a ch. Il ale e d « État fictif haïtien » (Pierre- Etienne, 2007 : 21). La acelle dHai e eiag e ee de drame » (Saint-Louis, 2006) et de « mal » (Laureus, 2013). Je ddi e ce dic bide Hai, il e e acie e jificai, ai die, da le cdii deiece de lai haiee, fai ai bie lbje de cci i ed li de fce e ei. Ce dics, qui constitue souvent age dai, e ei la fi de if e de cade de fece ligece de puissances étrangères dans les affaires haïtiennes (Verlin, op. cit.). Le caractère omniprésent et hégémonique de ce discours morbide peut le rendre aveuglant en ce sens que les acteurs liie e e de cheche ie d eci a ac ecl ciie e, dc, de ne pas pouvoir remarquer la manière dont il se construit et se reproduit dans leur langage et dans leurs pratiques. Aussi peut-il bien devenir très inhibiteur pour les acteurs haïtiens qui, une fois enfermés dans le carcan de leur « faillite » ou de leur « agonie », risquent de ne pas pouvoir se positionner comme de véritables sujets historiques pour développer leur pouvoir dagi afi deie de le cdii deiece le cae fde de cee maladie ». On connaît les conséquences psychologiques que peuvent avoir des paroles défaitistes et des prophéties auto-réalisatrices (Corneau, 2004 ; Duclos, 2004). Est-il hors propos si je fais allusion ici à ce que décrit Françoise Dolto dans ce qui est appelé le « complexe du homard » ? Vici ce elle ci da La cause des adolescents : « Po bien compende ce e le dnemen, la faiblee de ladolecen, empnon limage des homards et des langoustes qui perdent leur coquille: ils se cachent sous les rochers à ce moment-là, le temps de secréter leur nouvelle coquille pour acquérir des défenses. Mais si, pendant il on lnable, il eoivent des coups, ils sont blessés pour toujours, leur carapace recouvrira les cicatrices mais ne les effacera pas » (Dolto, 1997 : 17).

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Si je fai ael ce ae, ce ei e, a aalgie, le dic bide i ialle ar de la réalité haïtienne peut fragiliser les principaux acteurs concernés __ e lccece le Haie e-mêmes __ en les portant à nourrir et à intérioriser une vision alarmiste de leur situation et, par conséquent, une image négative et pessimiste de- mêmes, laquelle image contribuera, en retour, à les faire éprouver un sentiment diiace face le difficile cdii de ie. Ce eie diiace e entraîner une grande difficulté à devenir autonomes90 pour poser des actions de transformation qui soient à la hauteur des multiples défis auxquels on fait face dans la ci haiee. N a-t-il donc pas, dans ce discours morbide, un enjeu politique majeur laei dHai ? Comment dès lors poser la question du devenir sujet dans un espace social où se construit et se répand un tel discours ? Ces interrogations me semblent ffiae eiee ie e aale afdie. Mai aa d cde, jeie ia daccde e l gade aei ce i eirait de réels « symptômes d la ecaiace cibe labliee d diagic bide Hai. E dae ee, da la aie i i idiaee, jabde le fai i, da la réalité socio-cie e liie dHai, cituent les fondements essentiels du dic bide e je ie je dele.

4.2 Aux sources du diagnostic : des problèmes réels qui interpellent Comment peut- dcie le cade glbal de ie de Haie lhee acelle ? Qe-ce qui le caractérise ? Quels en sont les potentiels effets dans la vie quotidienne des gens ? Vil ele ei i e le icable le l cheche aii aec elce de la ie cllecie e Hai. Ce ei ie laei pour la ile e be ai e le e elle aelle cie le cade de fece, le i de da de e flei Hai. Qe e-il exactement ? De nos jours, celui qui cherche à prendre connaissance des données empiriques ccea Hai bea j ablea ieia e alaa. Sil e eie eai, il ie bablee de ch e e ea bablee de bee

90Delphine Thizy a j parler de iible eaie da le ca dHai. Vi Haïti ou la souveraineté impossible , ie de ae 2 elle a e e eebe 2003 lUiei Lie Lyon 2. 129 questions pour assouvir sa curiosité. Dressé devant lui, le tableau présentera une image clee fee ae la cle de la ae. Sil li de ee ccea Hai, l ece il a eae liece de i : la pauvreté. Il pourra donc se rendre compte à quel point cette notion a la vie de ad il agi dHai e de flei elaie la dynamique sociopolitique de ce pays. Si ce curieux est encore disposé à aller plus loin dans sa quête, très probablement encore, il se demandera pourquoi cette notion est si fréquente et cherchea ife daaage le fai. Sil clie ffiae le e d ecl, il pourra chercher à saisir la notion de pauvreté avec tout ce que celle-ci charrie en termes de clei e dabigi. Aec Sege Paga (2009 [1991]), il a etenir que la ae e e i i a ie, a difficl, da le ciece haie et sociales. En effet, cet auteur a souligné que les chercheurs en sciences humaines sont partis des définitions courantes pour établir des critère diicif de la ae, il achae mesurer le phénomène en établissant un fameux « seuil de pauvreté » et désignent donc les pauvres par des critères quantitatifs (Paugam, 2009 [1991]: 18-19). Conscients de tous les problèmes que posent ce type de cie, il e ee l i daccd la - satisfaction des besoins de subsistance comme condition fondamentale de définition de la pauvreté. Mais là encore il y a un obstacle à franchir : la pauvreté varie dans le temps et dans leace, el le dle deiece la da lhiie. De l, elle diffe el leiee, le habide clelle, le de de ie, ce i fai il e difficile de comparer la pauvreté dans des sociétés qui ne se trouvent pas aux mêmes modèles et niveaux de développement économique. En fouillant dans ce livre, le curieux pourra garder en mémoire que dans les sociétés modernes la pauvreté ne se définit pas en elle-même mais plutôt « par rapport au seuil de revenus qui augmentent avec lagmenaion de la ichee » (Paugam, 2009 [1991]:19). E fci de ce cidai, il ceda liace de diace ciie lil agi de ale de la ae d a, e i i elaie. Cee condition préalable étant e, il a al cheche ife de fai elaif la ali haiee. Sil e iablee, il ea ceaiee if e ahedea ele facee de la iai glbale dHai. Dei lie dceie, Hai fai leérience de profondes mutations qui, très manifestement, ont à la fois leurs indices et conséquences économiques, sociaux et politiques. En effet, de 1946 à nos jours, le pays se trouve confronté à un ensemble de bouleversements

130 multiformes qui ont des répercutions importantes et durables sur le cadre global de vie des populations. Des chercheurs y voient une crise multidimensionnelle, protéiforme et permanente (Chéry, 2005 ; Dilie, 2012). Ce e dceie li de e ile aehe historique dans la dynamique sociopolitique haïtienne ; elles auront été accompagnées de nombreux événements déterminants dans la compréhension des cadres et modes de vie qui ale da ce a lhee acelle. Si lae 1946 e ee ia, je ourrais tout aussi bien remonter à une période plus ancienne pour y repérer des événements deia e de chagee igificaif a c la ci haiee le la économique, social et politique. E 1946, il e di e Hai de vénements que certains dénomment, peut-être à tord, leei révolution de 1946 » ; celle-ci a a e lieai liie de lhiie cee dHai (Vlaie, 1988). Ea de i ce ce a a l j nos jours. Dans le contexte de la crise de 1946, un homme politique allait émerger sur la scène politique haïtienne : François Duvalier. Pendant trois environ décennies, soit de 1957 à 1986, celui-ci a instauré un pouvoir totalitaire dans ce pays. La terreur du régime des Duvalier aura eu de lourdes conséquences en Haïti sur plan social et économique. C. Rudel (1994) avance le nombre de trente milles (30.000) pour quantifier la totalité des Haïtiens assassinés sous le régime des Duvalier. Le pouvoir des Duvalier a eu des retombées durables sur le plan socio-économique. Bien que François Duvalier ait prétendu être le représentant authentique de la « population noire », faie fece a l ae, le gade aiai de ae dfaie pas été satifaie gie. Le cche ciale de cdii deiece difficile, aae e baie, e a Fai Dalie, aedaie e aliai de le iea de ie i aai a de e dgade a le aage en Haïti du cyclone daae, Hael, e 1954. Mai cee eace a __ e e ece __ e illi car le régime a seulement engendré une poignée de riches, la famille présidentielle et les cadres che e ifle, ha gad de lae, iie e ecaie dEa, Tontons macoutes zélés, etc (Pierre-Charles, 1973). Par la corruption généralisée, les extorsions, les dee de fd e le ie il aiaie, le ea d gie de Dalie fai e cituer un nouveau noyau de riches et renforcer les disparités entre les laissés- pour-ce e le ebe de llie cie i a j e le cle de

131 ladiiai blie. Sia J. Deid & D. Kile III (1988), la Cii internationale de juristes a estimé à 10 millions de dollars U.S par an les fonds soutirés du trésor public par les Duvalier et leurs alliés politiques. Ces fonds extorqués étaient déposés da de bae lage. Les richesses nationales ont été utilisées pour pérenniser le système répressif plutôt que pour financer un programme de développement socio-économique. M. Lundahl (1979) a montré comment la majorité des consommateurs haïtiens, les paysans pour la plupart, ont été touchés par les impôts directs perçus de manière disproportionnée sur les produits de première nécessité importés en Haïti (riz, farine de blé, poissons, savon, le kérosène, etc). Une politique deux poids et deux mesures a été appliquée, ce qui a favorisé les citoyens de conditions sociales plus aisées au détriment des pauvres. Par exemple, seulement 1100 personnes ont payé leurs impôts et les montants étaient tout à fait insignifiants entre 1970 et 1971 (Lundahl, ibid., pp. 391-393). Le gouvernement misait sur les taxes perçues directement sur les denrées die a le aa deie leai. Tj el Ldahl (ibid., . 97), la haie a le a le biai de li l de 40 % d ee i aai i a le paysans sur la production du café entre 1964 et 1971. Avec les mécanismes mises en place pour percevoir les impôts sur les produits agricoles, livrés à eux-mêmes dans la culture de la terre en utilisant un outillage rudimentaire, les paysans sont devenus de plus en plus pauvres et abandonnent de plus en plus la culture de la terre, leur principale source de revenu, pour agrandir les villes avec les constructions anarchiques ; de là découle le début de la grande bidonvilisation constatée de nos jours en Haïti, surtout à Port-au-Prince. Parmi ceux qui restaient dans leurs localité, chaque année cinq ille (5000) abad la cle de dee deai (caf, caca, ie, ec) a fi de ie (a, gh, haic, ec) da clia dabece de liie agicle (Anglade, 1982). La grande migration ayant eu lieu sous le gouvernement des Duvalier était à la fois interne et externe. En effet après 1957, de nombreux Haïtiens, fuyant la terreur et la misère qui les tenaillaient, ont laissé le pays à destination surtout des Etats unis dAie, aliea aii le phénomène des « boat people , ce-à-dire une immigration clandestine qui se fait par des bateaux très souvent de fortune. J.Dewind & D. Kinley III (1988 : 17) mentionnent le nombre de 550000 Haïtiens qui vivaient aux Etats i dAie ee 1957 e 1988 ; 75 % dee

132 eux y vivraient de façon illégale. Selon eux, déjà en 1980 plus de 230.000 Haïtiens vivaient da dae gi d de elle lAie laie, lEe, le ee de la caabe, lAfie, ec. Aa 1957, be cidable dHaie aaie aaille lage, surtout à Cuba et en République dominicaine dans des plantations de canne à sucre. Mais ce he de igai e cidablee acce a 1957. Cee aie igain externe était une solution envisagée surtout par des gens issus des masses défavorisées vivant dans les campagnes et dans des bidonvilles sans emploi ni aucune forme de protection sociale et qui sont, en plus de la précarité de leurs conditions de vie, assujettis à un pouvoir despotique. Nombreux sont ceux qui fuyaient le climat de violence, de persécution, de trahison et de méfiance généralisée qui régnait en Haïti ; de potentiels adversaires politiques du régime ont cai ligai fce. Beac diellecel haie, da ce clia de ee, aie fellee blig de ede leil, aec le ie de fii e i il aie la dcii d geee (Piee-Charles, op. cit.). Il y a donc eu une très grande fuite de cerveau, une perte énorme pour le pays. Da le ae 1960, la baie cidable de di dei leai e lacciee de la lai haiee cib eie le cdii de ie de plus pauvres91. En rapport avec ces deux facteurs, ont été enregistrés une faible ration alieaie de ceaie de illie de ee, lacclai de la daai de forêts au profit du commerce de bois de chauffe (utilisés par les blanchisseries, les boulangeries, le affieie aiaale) e de chab de bi dei e ili da les villes pour la préparation des cuissons, de nombreuses maladies (diarrhées, paludisme, hde, becle,) face e de a e efficace , le zone rurales, il y avait un médecin pour 10000 habitants, un très faible taux de scolarisation (17%) et un ceage de 90 % daalhabe (Rdel, . ci., . 65). Le iface de communications (réseaux de téléphone, routes,..) se dégradaient de plus en plus ; le PIB du a ai e baie cae. T ce idicae e bie dae cib de lie ce e l d aelle la cie de lcie haiee » (Dorvilier, op.cit.), he i e l difficilee urmontable en dépit des diverses mesures adoptées par les gouvernements qui se sont succédé depuis. Dans ce climat de « crise », de grandes

91IHSI (Institut haïtien de aiie e difaie). (1971).Recensement général de la population et de lhabia. Port-au-Prince : IHSI. 133 disparités persistent entre les populations des zones rurales et celles de la République de Port- au-Prince (Barthélemy, 1990), entre une oligarchie très riche et une grande masse très pauvre. Ce da ce cee ci-cie Hai f cla ce le a le l ae d continent américain, un pays enfoncé dans un état de sous-développement dont les racines sont multiples et profondes (Joachim, 1979). Ccie de ble li a cdii aielle deiece de cche le l pauvres de la population, Jean Claude Duvalier lors de son accession au pouvoir en 1971 à la suite du décès de son père e dclae il allai faie e révolution économique » qui deai ie ce il aelai la révolution politique » réalisée par son père. En fait, il cai ae je i Hai a le geee aicai abi a « révolution économique (Pierre-Charles, op.cit.) Ce projet avait un volet politique en ce sens il iai i e ceaie libération politique » dont devait faire preuve ladiiai Dalie afi die le ei ciale __ ce qui était favorable à une jificai de laide dea lii blie __ e gaie ladiiai blie haiee e ca e lace ceale de gaie daide eee chag dlabe une politique de développement pour Haïti en comptant sur la collaboration de la Banque Mdiale, de la Bae Ieaicaie de Delee, de lAgece aicaie de développement international (USAID), de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), de la Comii cie lAie Laie de Nai Unies (CEPAL). S le la cie, ce je iai ecage lieiee de caia aaia da liallai die de -traitance au sein des grandes agglomérations et à pi e agicle deai a liallai de elle plantations qui devaient être hautement productives (Mathurin, Mathurin & Zaugg, 1989). La ccei e leci de ce je ai bel e bie e accd aec le cce d Aide publique au développement » soutenu dans les relations internationales par les pays du Nord a la deie gee diale. Laide blie a delee chaie ai die de iai la fi dde al, haiaie, cie e agiue car, dans le cadre de la mondialisation économique qui allait se développer plus tard, elle a permis aux pays riches non seulement de maintenir et de développer le système des échanges internationaux, dagee la dedace de lai d Tie-monde face à beaucoup de produits de consommation, de bénéficier de certains privilèges militaires dans certaines anciennes

134 clie, ai ai dai e gaaie ce la e d cie e de e de e ceaie ailli dei face la misère des pauvres, après plus de trois siècles de suprématie occidentale (Dewind & Kinley III, op. cit., pp. 40-46 ; Latouche, 2005). Ce je ajai e ele e e lie daci __ posées par le gouvernement américain dans le cadre de sa coopération avec Haïti dès le milieu des années 1940 __ qui ont e e 1963. Il ccide aec lilaai e le delee geif de organisations dites non gouvernementales en Haïti, institutions qui, intervenant dans toute une panoplie de cha, fiie a abli le hgie e aie de lieei ciale e Hai, affaiblia aii de l e l le ce de la. Jea-Clade Dalie aa nullement réalisé la révolution annoncée ; au contraire le projet se ld a chec e grande partie lié à des détournements de fonds, ce qui a entraîné une certaine méfiance chez les gouvernements pourvoyeurs de fonds, ceux-ci a caic il eai l jdicie de ce de iace deci e de cle de iie haie e dacheie e bonne partie de leur aide extérieure à travers les ONG (Mathurin, Mathurin & Zaugg, op. cit., p. 50). Ce gouvernement a pris tout un ensemble de mesures économiques ayant renforcé le processus de dépendance dHai de laide eiee ; par exemple, les paysans haïtiens gade ece le ei de lliiai aie de cochons créoles __ une de leur principale source de revenus __ exigée par les gouvernements américain et canadien en 1983. La dedace dHai i-à-i de laide eee a fai e alifie. E e de , ici ele fai i, ea d a che, e lourdement dans la balance socio-cie acelle dHai ; ils constituent en quelque sorte le acie ceaie de difficile cdii deiece e caie le Haie de j (Ca, 2010). Ce fai de aae ia cide l cherche à comprendre pourquoi persiste le discours morbide sur Haïti, du moins la raison qui explique la pauvreté et la précarité si souvent évoquées pour qualifier les conditions deiece de la gade aji de la lai. Ce cidai hiie a ee, il e e ee e eche de itables symptômes, généralement repérés, i eee dabi a diagic bide d il e ei. E gade aie, ce di diagnostic se fonde sur la situation socio-cie acelle dHai i e laie elaiee représenter par des données empiriques.

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4.3 Le aiie de diai

« Jounen aprè jounen vi n ap debobinen Pou anyen nou la, nou la pou anyen (Wooly Saint-Louis, Kilè n ap di ase ? ) [Jouraprès jour nos vies dépérissent Pour rien nous sommes là, nous sommes là pour rien]

Si de j la iai acelle dHai e e cae celle d alade agonisant, __ au pire, à un cadavre en décomposition __, ce ace elle iie. Lale de cee iide eie e-être proportionnellement à la teneur des mots utilisés pour la traduire. Ce sentiment semble fondé, entre autres, sur un regard avisé concernant les faits émanant de la dynamique de vie de la quasi-totalité de la population haiee. Ce jee l ide de de i aie e i f e. Le renseignements statistiques concernant Haïti et les faits observés quotidiennement à travers le pays ne permettent-il a, effeciee, de cede la haie de ce i, de aie de ae, cibe labliee d diagic bide ? A ai die, Hai ffe e ecacle e dla. P e convaincre, il suffi de faie ele beai a de leiee hie d pays : une superficie quasi-entièrement dénudée ; des égouts à ciel ouvert ; des rues qui se transforment en marchés publics définitifs où se côtoient détaillants, camions, motocyclistes, piétons, à longueur de journée, le dc a e bd de a dde e de flae dea ale e aabde ; le ihie de ille agadia aachiee leffe de el ble de lgee ec a e fage iae de lai i e fai e acce, ec. Le ca de Caaa e de Jale, bidille c a d de Port-au-Prince après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, en est un exemple patent ; une simple vue de ces espaces peut beauc eeige le cdii deiece de grande partie de la population haïtienne. Ce tableau __ qui est susceptible de frapper fortement laei d beae e habi __ accde bie aec dae de elaie a conditi de ie de la gade aji de la lai. Jai dj eeble de

136 problèmes sociaux auxquels Haïti est confronté depuis les années 1940 ; i e bei ici d eei. Je e l cie ele-uns des problèmes les plus cruciaux qui frappent le a, a le ie de jaie 2010 i a fai eie e iai ci- économique déjà très difficile et fragile. Haïti figure parmi les pays offrant les pires conditions de vie, à en croire les données annuelles rendues disponibles par le Programme des nations-unies pour le développement (PNUD). En 2015, à la 163e place, Haïti fut classé parmi les pays ayant le plus faible indice de delee hai. Me i de ae e ae, le a e gage ele laces dans ce classement, il ne connaît aucun changement significatif. En principe, suivant la logique de ce claee dial, la lace e die a e le efle d cade glbal de ie il ffe e eia caaiee dae as du monde. On peut tout aussi bien se faie e ide d cade de ie de Haie i l ie ce de de dbeai tirées in situ, ce-à-dire dans la vie de tous les jours de la très grande majorité de la lai. Le de dbeations pourraient avoir un certain degré de concordance avec les chiffres par lesquels on tente de saisir des aspects spécifiques de la réalité du pays. Si les idice ie de cid aec beac de ecl, il e a i igificaif de lale de la dgadai de cdii de ie de Haie le l ae. Il eai e- être utile de se référer aux stratégies de survie employées par ceux-ci pour avoir une meilleure idée de la situation. En 2005, la Commission Economique pour lAie Laie e le Caabe a fi a dee cee ei ; ce dce a fai a de situation alarmante. Tout de suite après le tremblement de terre de janvier 2010, il y a eu, dans la presse internationale, un vif intérêt pour cet aspect de la vie des Haïtiens les plus pauvres. Pascal Priestley (2010) dans le documentaire La vie quand même92 a voulu rendre un témoignage vivant des comportements de survie adoptés par des Haïtiens quelques mois après le séisme. Avec Guillaume Gouet, qui se trouvait également en Haïti pendant le tremblement de ee, il a accd e aei ee a ae e a le ge afi de pouvoir résister face aux difficiles conditions créées dans les endroits les plus touchés par cet événement tragique. A la fin de son documentaire, Priestley parle de « comba oblan dne

92 Voir Pascal Priestley. (2010). « Chroniques de Haïti : la vie quand même », une production de TV5Monde. Juin. Consulté le 11 mai 2016 à partir du lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=7uUnv6byT6U

137 nation la foi bie e angemen e delle-mme, dn peple onnemen debo ». Plus récemment, en 2015, Alexandre Spalaicovitch et Guillaume Lhotellier ont abondé dans le même sens en abordant, cette fois-ci, un autre aspect, tout aussi important de la vie haïtienne : le transport en commun sur des trajets qui relient Port-au-Prince et des villes de province. En effet, dans leur documentaire93 titré Les routes de limpoible-Haïti, plus forte la vie, ils ee le iie ede a aage haie die de e ede d i lae ee P-au-Prince et certaines villes de province dont les routes sont en très mauvais état. Cette réalisai ici da e ie de dceaie ali da lie a de la planète sur les risques encourus par des milliers de personnes pour gagner leur vie au volant d hicle. Le i c i eie ee ce de dceaie, ce le fai de de fai ccea Hai ee de eele de cage da la dbille, ce-à-dire la capacité de mobiliser des énergies afin de mettre en place des stratégies pour pouvoir survivre. Ce dénominateur commun peut se résumer en cette phrase prononcée à 11 minutes 47 secondes dans Haïti, plus forte la vie : « En Haïti, débrouille rime avec survie.» Le réalisateur a vu juste. En effet, vu la très difficile situation socio-cie i ialle da ce a dei l d demi-siècle, une très importante partie de la population haïtienne est sommée de vivre dans la débrouille. Avec un taux de chômage variant entre 50% et 70 % pour une très grande lai acie a ei de lai jee eie 10 911 819 habitants (IHSI, 2016)94, la majorité des couches populaires rurales et urbaines se débrouille pour rester en vie. Il agi aie de le la ie beac didiid eie e de i manger. La preuve en est grande : dans une enquête menée sur les conditions de vie en Haïti en 2012, le ae de ie e l ce ble ccial e e ge. E effe, 63% de age dcla a c de ae deie eaie cda lee, il ai ai plusieurs de leurs membres aient passé au moins une nuit sans pouvoir assouvir leur faim, faute de moyens financiers. Une forte proportion des ménages (33%) affi a c d i aa cd lee, lie de le membres avaient passé une journée et une nuit sans manger (EMMUS V, 2012, p. 347). Cette étude aura révélé combien le problème de manque de nourriture est fréquent, en Haïti, dans les

93Visionné le 11 mai 2016 dans le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=E00NzAq2rsc 94 Vi le ie iee de lIi haie de aiie e difaie, www.ihsi.ht 138 milieux ruraux comme dans les quartiers populaires des zones urbaines. En fait, ces données efle lgece i caacie la ie e e e gade aie de la lai haiee dont les conditions de vie ne cessent de se dégrader depuis plusieurs décennies. La faim envahit beaucoup de ménages qui peinent à y répondre adéquatement. Elle se laisse très e dcele da le dic de beac didiid i de cche laie ale e baie. Pa eele, elle e faie cee da le eee a ele rappeurs haïtiens avec qui je me suis entretenu dans le cadre de cette étude. La question de la fai e e elee ie dle deiece eelle ai comme détail crucial qui, se rapportant à la vie difficile des gens des quartiers pauvres, sert très souvent de moif de ce diiai celi i ci e i chae de cha de d alie cial. En fait, ce manque de nourriture se traduit par exemple dans deux expressions si significatives et relativement répandues au sein des couches populaires haïtiennes, surtout dans les quartiers pauvres des villes : « Vivre par la foi » et « Manger par malheur, boire par accident. » Ces énoncés expriment de fort belle manière la situation de celui qui vit quasiment sans revenu, étant sans aucun emploi, à la merci de bons samaritains95. Ces gens-là déploient leur existence dans une proximité étroite avec la faim qui, étant très récurrente, finit par ialle da le ie de aie elaiee dable. O e aie a dea cee fai ; on cherche to ilee ie. Pi affle le, de e aie, e peut pas prévoir à quel moment de la journée on trouvera quelque chose à manger ? A quoi ça e alae ie, de aie gale, age e bie de accide i aie pas au quotidien, contrairement à ce que tout le monde aurait souhaité ? Sauf que, il faut le rappeler, en 2008, il y a eu une émeute de la faim en Haïti, événement à la suite duquel les parlementaires ont donné un vote de non confiance au premie iie dal, Jace Edad Alei. Ce a c de cee e ide e, da le cche laie, parlait de « Grangou klowòks » (une faim qui ronge les tripes, comme si elle aurait eu les mêmes effets que le chlore) pour désigner la faim qui tenaillait les gens les plus défavorisés.

95Par référence à la parabole du bon Samaritain (Luc 10, verset 25-37) J acai lhiie d homme en difficulté qui était pris en charge par son prochain, ce gentilé est utilisé dans le langage courant en Haïti où le christianisme occupe une place prépondérante. Au sens où il est utilisé, le samaritain est celui qui le a ec de ee e a da le bei. Il e e el da le iiage i i lage, ai de lge de e ile caiace, ebe de la faille, ebe de lglie, etc. 139

Il importe de préciser que la question de manque de nourriture au sein des couches laie de la lai haiee e a elle. E effe, a le a il a e, e Haïti, des périodes de disette suite à des catastrophes naturelles comme les cyclones Hazel (1954), Flora (1963), etc. La population haïtienne semble développer une certaine accoutumance par rapport au manque de nourriture. Il faudrait peut-être chercher à découvrir le lien existan ee cee accace e le fai dicle a efa haie le cage de ie face la fai. A ai die, e ceai ge ac efa e ecag leiche il a fai. Ce e i. Da le cche laie, il e uhaitable efa ie habie age de e ae de hee a age, de elle e il ie faie ee de iace l de e de ae. Ce i, e Hai, ce ffea de die el il a la e d efa i pleure pour du pain et du café ». Si les enquêtes statistiques négligent les effets de ce manque de nourriture chez les adle i e f leiece, ce tout à fait contraire dans le cas des enfants en bas âge. Le a dee EMMUS 5 (op.cit., pp. 163-169) fournit un ensemble de données relatives à lalieai de efa e Hai. Selon ce rapport, 22 % des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition chronique, 8 % en sont atteints sous la forme sévère ; 5 % souffrent de alii aige. Pai le efa de cee e ache dge, 11 % ee e insuffisance pondérale. O eai a de ffiae de aia aale i l deai die sérieusement la question de lalieai a ein des couches les plus pauvres de la lai haiee. L, je ilee le ae de ie ce ble ael b be de ee cfe a idie e Hai. Ce aie e question de survie. Ces gens qui sont dépourvus de presque tout, pour survivre, se lancent dans e e dacii. O e ede leele de leahiee de e da le ille par des détaillants de tout type de produits. Dae cicle ae le eci de ille pour collecter des objets usés (ventilateurs, fers à repasser, matelas, ustensiles en aluminium, bij, de ice de aie, ec) ae e eede. Pafi, ce a fd e de ile didice il eie de bje i die le emettre de gagner un peu dage. Il a galee ce i deiee de bicle de e e dbje. Il ffi dai ele che ede ee de .

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Dans ce climat général, même une très grande frange des classes moyennes haïtiennes e a labi de la cai ace e le i dacha ae a de e die considérablement. De 1986 à 2016, le dollar américain a connu une très forte hausse au détriment de la monnaie haïtienne, la gourde, qui se déprécie constamment. De 5 gourdes pour un dollar U.S, on est passé à 62, 85 gourdes96. Le bond est vertigineux ; il a de sérieuses cece la ie de la lai d a i ie l il ee. Le i de tous les produits grimpent de manière définitive. La population haïtienne est finalement habituée à cette hausse indéfinie ; elle eble dei ae e eaece. La ie devient très chère même pour ceux qui ont un emploi rémunéré. Nombreux sont des emplois des secteurs public et privé qui sont en réalité des sous-emplois. Avec un salaire minimum de 350 gourdes97 (un peu plus de 5 dollars U.S) par jour, un ouvrier haïtien doit pouvoir répondre aux divers besoins des membres de sa famille. Les couches populaires des zones urbaines, dans leur vie idiee, a seulement à faire face à des problèmes de chômage, de sous-emploi et de leurs conséquences ; elles sont également confrontées à de sérieux problèmes de logement, surtout après le séisme de 2010. Chenet Jean-Baptiste (2014 : 74) parle de fde cie de lgee e Hai, laelle e caacie a habia caie e aachie, la diace de lgie effe de fi fde la i eie. Lacc lgee cie le de plus grandes préoccupations des citadins98. De plus, la plupart des logements sont des habitats ci e deh de e e a la haie. Pa ce, l e e l a un endroit où habiter, celui-ci ne procure pas un confort matériel adéquat. Par exemple, lors d eceee ali e 2003 a lIi haie de aiie e difaie, il a révélé que seulement 8.5 % des logements sont connectés au service public de distribution dea able. P ce aec le ae dea i i dans leur quartier, les habitants blig de ae lea de faie cmmune à leur domicile, lorsque cette li eie (Vedeil, 1999). Pafi, il e ede li la echeche de lea i e fait rare. Ce problème existe depuis de dceie a ei de ille haiee e a a chag. LEMMUS 5 (. ci., .12) a l e le eiie haie, seulement 7 %

96Voir le a de fece de la Bae de la Rblie dHai e dae d 25 ji 2016. 97 Il aa fall aede j jille 2017, a i d gad ee de biliai ce la résistance des entrepreuneurs, pour e lEa haie fie e ade ce a le alaie ii. 98 Voir Oxfam International dans « Haitians say jobs key to recovery», 30 mars 2010.

141 de age die de lea lace e e 34 % de age die e dlace l de 30 minutes pou e aiie. Lacc llecici e e ei iee e Hai. O ca la gale de habia de la ajee aie de aie ai ele hee dlecici a j. Sel le de de lEMMUS 5 (.ci., .16), glbalement, dans les milieux urbains 72% de age ee die de llecici al e ce eice e ee ci fi l ae da le e ale. P ce i ee die de llecici che e, le l gad ble ce lidiponibilité de ce service. Ordinairement, la majeure partie des hee de je cle a il ai de llecici la ai. Il e ca que tout un quartier reste plusieurs jours, voire une semaine ou deux sans électricité, pour des ai diee ce la dfeci d afae lecie, de aa de aai i de e idei, ec. Le l e, la ai de la ae de llecici da les maisons reste tout simplement non précisée. Il est très rare que les populations des quartiers les plus défavorisés exigent des explications de la part des responsables. Le grand manque dlecici cibe ede le ai ece l icfable. Lacc de i de a e l de idicae cl de la ali de ie de lai. O, il e e e, e Hai, be ce i ce acc. Le e de santé est constamment confronté à des problèmes qui affectent son fonctionnement et qui influencent la qualité des soins. Seulement les employés de la fonction publique et une frange de alai d ece i di de eice daace e aie de i de a. La grande majorité de ceux qui survivent à partir des activités informelles ne sont pas assurés et doivent, donc, mobiliser une part considérable de leur revenu pour se payer les soins de a lil alade. O il die ce che ae ai. Le a e bficie a j d eice de ali. LHial de lUiei dÉtat dHai, le l gad cee hialie d a, e souvent en état de non fonctionnement à cause des mouvements de grève enclenchés par le personnel soignant pour réclamer de meilleures conditions de travail. Les conséquences de telles situations sont connues de tous : des malades qui succombent, des femmes enceintes qui e e a de deci a e de le accchee, de ble i, il aiee ei, die e diige e dae cee hialie er des soins nécessaires, etc. La non-adéquation des services des centres hospitaliers publics, leur

142 dfciee, le ae de e ae le eice d cee i occasionnent souvent le déplacement des patients de Port-au-Prince vers des hôpitaux situés dans des villes de province (Mirbalais, Cange, La Chapelle, etc.), au prix des péripéties de toutes sortes. Le ide de e ecle ece galee de difficl accéder à des soins de santé. Un patient doit parfois parcourir des dizaines de kilomètres à pied d de alle da cee de a i, bie de fi, e e a ffi le i e ceie ca. Da laie-fond de ce pays en dehors, le malade qui ne peut pas se tenir ou la fee i di accche e a da bacad je e ledi les voitures peuvent rouler en direction du centre hospitalier le plus proche. En Haïti, le e de a ca de gae ble i ie de di e e de amélioration des soins à prodiguer aux usagers. Les problèmes de non-accessibilité des soins de santé, en raison de leur indisponibilité, de leur manque de qualité ou de leur coût, contribuent donc grandement à la dégradation du cadre de vie des Haïtiens vivant en Haïti, de celi de ae dfaie i a ae de e fiacie e ae le le de e ede da a age afi de e faie ige e ca de bei. Ce e fai ble aje ael la eie à proposer des solutions. Le ble de lici blie cie ia dfi la haïtien. Parmi ces problèmes, on peut citer le non-acc d be cidable defa e ge claie lici. A ai de de cllectées au cours du dernier recensement réalisé en Haïti (en 2003), lIi haie de aiie e difaie ce elee 61% dalhabi ai le 10 a e l. Piee Ece Fai (2010) aace le be de 500.000 comme la quanti defa haie e ge claie i ecl chae ae du système scolaire ; ce chiffre est en constante augmentation, selon lui. La majorité des écoles sont des institutions privées offrant un service payant. Les couches les plus pauvres des populations rurales et urbaines éprouvent de sérieuses difficultés à financer les études de leurs progénitures. Dans les zones rurales, les établissements scolaires se trouvent, dans beaucoup de cas, loin du lieu de résidence des élèves, ce qui peut entraîe d dcagee che lle comme chez son parent et, au final, des abandons. On voit comment le lieu de résidence et la situation socio-cie de ae d efa ee cie de face de blcage e decli celi-ci. Exclusion du système scolaire, véritable ascenseur social en Haïti,

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ai , e cece, ae, eje, iiibili ciale lge adle. Piee Ece François (ibid.), dans son ouvrage, a montré comment le système scolaire haïtien, à partir des inégalités des chances scolaires, contribue au renforcement des inégalités sociales en Haïti. En 2011, le gouvernement a adopté le programme de scolarisation universelle et obligatoire (PSUGO) qui, en principe, devait résoudre sur tout le territoire haïtien les problèmes de non-acc lici. Mai ce gae a a ellee aei le objectifs fixés. L de ige le l flaga de lchec de ce gae, ce la ece constante des enfants à travers les rues des grandes villes haïtiennes. Les moins âgés servent parfois de prétexte à leurs parents qui gagnent leur vie dans la mendicité. Les plus grands, soit des enfants de 5 ans et plus, vivent et grandissent dans les rues en faisant tout pour trouver de quoi survivre : dépoussiérage ou lavage de voitures, mendicité, vols, etc. A aucun moment de la ie eci d gae de claiai ieelle e bligaie, il a e de suspension des activités de ses enfants à travers les rues. Le programme PSUGO et lieein des organismes nationaux et étrangers qui prétendent lutter contre les problèmes de leface e Hai ce dc gad aade. Le ile fai dbee le comportement de quelques enfants des rues dans les endroits les plus achalandés, à Port-au- Pice, ce le ae de la e de Dela, le Caef de la e le Champs de mars, peut permettre de constater un signe important de ce paradoxe : des enfants des rues qui, à longueur de journée, proposent __ et imposent même parfois __ leur service aux cdce de hicle eai cac a eice de la celi de lUicef de gaiai geeeale a la eci de leface e Hai. U efa de 8 a i, fia d ebeillage, eie le ie e la cacae d hicle de lEa de lUicef, da lei de ecei 5 gde ! Qe-ce il a de l aadal e de igificaif da la blaie de la eci de leface e Hai ? Depuis les années 1990, la présence des enfants à travers les rues des plus grandes villes haïtiennes se fait de plus en plus inquiétante. Ces enfants qui font de la rue leur principal eace de ie. Il da la e ace il e e d ie-être que leur famille ne peut pas ou ne peut plus leur offrir (Lubin, 2007). A dire vrai, il existe un lien étroit entre les problèmes de divers ordres rencontrés par la famille et le phénomène des enfants des rues en

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Haïti ; e gade aie, ce ble dde économique et se manifestent dans un cee diabili liie, de cece de caahe aelle, ec. Le die ble e je ie de diecee li e iai de marasme économique et politique dans laquelle se trouve le pays. Le séisme de janvier 2010 a suscité de nouveaux espoirs en Haïti. Partout, dans les réunions internationales, dans les projets, dans les documents scientifiques, Haïti fut présenté comme un pays à reconstruire ou à refonder (Saint-Éloi & Trouillot, 2010). Le séisme fut une « une occasion unique pour un nouveau départ » (Aai, 2010). Pa le aail de ecci i deai eie, Hai deviendrait, cette fois-ci e e fi, a l iable la ae e liabilié seraient réduites. Par un projet de reconstruction de grande envergure, les Haïtiens devaient faie dHai a ege dici 2030 a la afai de la caahe99. Il a fallu construire sur des bases solides. Il a fallu aussi tenir compte des leçons du passé ie ee laei. P cela, le de eiie ccea Hai a c de la période pré-ie cide. Ce ce e cie Gérard-François Dumont (2010) à ae le ael il a fai de ele ae de la ae dHai aa le eblee de terre. Sie a ie, Hai a bfici d la de lidai ieaiale iceable. Ue cii iiaie la ecci dHai (CIRH) a fe. Co-présidée par le premie iie haie dal, Jea-Ma Belleie e lacie ide aicai, Bill Clinton, cette structure a été créée par Cheryl Mills, la conseillère et chef de cabinet de Hillary Clinton et ministre des Affaires étrangères des Etats-Unis (Fatton Jr, 2014). Elle avait pour bjecif de laifie e de ee e e de gae e je iiaie la ecci e le delee dHai de fa cde, efficace e efficiee, la suite du séisme du 12 janvier 2010. Cette commission devait non seulement élaborer et affiner des programmes de développement pour Haïti mais aussi évaluer les besoins et établir des ii e ee dieiee. Mai la lidai ieaiale e aifee a lebace de organisations internationales qui intervenaient en Haïti dans le contexte post-séisme. Les ONG eaie de de, le aie, a lile gece i haie leiece de

99 Voir Geee de la Rblie dHai, PDNA, Le gad chaie laei », mars 2010, p. 8.

145 sinistrés. A côté de la CIRH, elles devaient contribuer à offrir à la population haïtienne un meilleur cadre de vie, les autorités haïtiennes ayant été jugées trop corrompues pour endosser tous seuls une tâche si noble (Fatton Jr, ibid.). La surabondance des ONG internationales en Haïti dans le contexte post-séisme a bien cf lide el laelle Hai e e « république des ONG ». Cette république plonge ses racines dans les politiques néolibérales qui lui étaient appliquées bien avant le séisme (Revet, 2014). Tefi, le diiif e ie l ce une chimère. Gwo van, ti lapli100, dit-on en créole haïtien. La commission pour la reconstruction a dû très tôt tirer sa révérence, ada aa a renouvelé par le parlement haïtien. Beac dONG fachee débarquées sont parties. Celles qui restent ont été pour la plupart implantées en Haïti bien aa la caahe de jaie 2010. La ecci aa dc a lie. Le gaiai geeeale acce de cibe laffaibliee d a (Che, 2014). La commissio iiaie la ecci dHai e le ONG, aa e l de e fiacie e la haie li-e, fai e lae le geee haie da de affaie elaie laei de Haie. Aii le a e-il mis sous une tutelle masquée ; le gouvernement haïtien __ qui était déjà faible et inefficace __ a cédé sa souveraineté à la communauté internationale, incarnée par le CIRH, la Minustah101 (Mission des Nations-Unies la abiliai dHai) et les ONG (Fatton Jr, ibid.). E ce e, le ie d aicle ci par Christophe Wargny102 est très significatif : « Haïti entre Dieu et ONG ». Pa, le ee faie Hai a le ie de jaie 2010 a e ificai. Ca, el le de fournies par le rapport103 de le cial de lONU Hai e 2011, de ace haie e 99 % de laide -séisme. Selon Robert Fatton Jr104, « ne pa ignificaie de laide hmaniaie e de econcion eone

100 Pour une traduction littérale du créole au français, « u e ile i accage de très peu de pluies ». Cee fle adi lide d je d ae lale ai i, e ali, a a e e ai de résultats. 101 Cette mission militaire des Nations-Uie e ialle e Hai dei 2004 da le cee de le liie i abi lici d ide Jea Bead Aiide d i. 102Christophe Wargny. (2011). Haïti : entre Dieu et les ONG. Le Monde diplomatique. Mois de janvier. 103Office of the Special Envoy for Haiti, « Has Aid Changed ? Channeling Assistance to Haiti Before and After the Quake », juin 2011. 104P le ciai ie de laicle de ce ae, je e e idie le ages exactes parce que la version e jai le e a e PDF. Ceeda, je lige le i i, da le la d ee, ee eee de ee l facilee ledi d eaie le ciai.P cee ciai, i laicle de Robert Fatton Jr (ibid.), particulièrement le point intitulé « U gie da iefficace ».

146 même dans les pays donateurs. Par exemple, « plus de 75 % de fond de lUSAID on all des entrepreneurs privés à Washington D.C., dans le Maryland ou en Virginie ». Doit- aa ee e le ONG dace ili e Hai da le cee post-séisme ? Robert Fatton Jr (ibid.)105 commente : « Cee, Hai niai pa nceaiemen mie ajodhi an le ONG, pie celle- ci apportent des fonds dont le pays a désespérément besoin ainsi que des services médicaux e dae eice de bae. Mais cette situation génère un cycle délétère de corruption et de dépendance. » Le ciae haie Ral Peck (2012) a cac dceaie laiace ffee a la communauté internationale à Haïti par le biais des ONG. Le titre de sa réalisation est sans équivoque : il ale de assistance mortelle eie le effe cif de lafflece e de lieei de ONG e Hai a le eblee de ee. Ce aail aa i en évidence la manière dont ces organisations non gouvernementales sont parvenues à établir leur hégémonie en ce qui avait trait à des initiatives concernant les Haïtiens __ gouvernés comme gouvernants __ i, e, i lca. Tout compte fait, la réponse proposée face aux dégâts du séisme se sera révélée très iaifaiae (Bie, 2013). Ee e, le aae eie. Hai efce da la iale de la ae e dieiable dicde liie. O i a j le j ce toujours : dans la débrouille. Certains masquent les fissures de leur maison à coups de mortier e de eie. Dae, ige le deee e b a le eige de ai die da la-midi du 12 jaie 2010. La dbcle de ille e ige e spectacle de bidonvilles106. Lei de ie e li. Mai le ie d dae iie ece l. Deie gade caahe ee e Hai e 2010, lidie de choléra107 rappelle, par sa persistance et son cortège de morts, que le pays est sous la eace de catastrophe sanitaire.

105 P cee ciai, i laicle de Rbe Fa J (ibid.), aicliee le i iil «Une blie dONG ? ». 106 Ladiiai de Michel Maell e ee faie eide le aiee de Jalie, bidille situé à proximité de Pétion-ville, un quartier logeant des gens riches, dit-on. Cette initiative visait aieblablee, dfa dae aleaie, ebelli liage de ce aie i ige face de hel de Pétion-ville. 107 Nbe de le i e e lidie de chla a ioduite en Haïti en 2010 par de lda d cige alai de fce iee. A la fi de lae 2013, le bila de cee idie ai dj le 650 000 ca difeci e de 8300 . Vi laicle iil « Modes de gouvernement en 147

Ce da ce cee acel e le dic bide Hai ed chai e fe. Ce ai da ce cee e je ee de ie le ce de bjeciai de ae pratiquants qui expriment à leur manière ce qui mérie de di ccea le-ensemble en gal e, e aiclie, le ei de ci i le ieelle e a beae e cie haie. Ce diee de ccea Hai e ee e cie le lie d ils écrivent, seie, aie d a e je eeai de ie a flei. Il ee toutefois la question de savoir comment ces multiples difficultés matérielles sont vécues par les icia cce, e lccece le Haie, ce i le plus vulnérables. Cee ei ie e je aade aa de i aicle a flei spécifiquement autour du processus de subjectivation des rappeurs qui biographient leur existence dans un tel contexte socio-économique et politique. Le chapitre suivant permet de poser un autre jalon important en ce sens.

Haïti après le séisme de 2010 ». de Jorge Heine et Jan Verlin. Voir tous les détails dans les références bibliographiques complètes.

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Chapitre 5 : Le chi d i ccee

On peut comprendre le fait que la réalité qui donne lieu à ce diagnostic morbide détienne dae icidece da la vie de idiid. Pie leiece de ce-ci dle, le cdii bjecie i ee de lie degece e de cialliai de ce discours cadrent aussi les expériences singulières des individus, ont des effets sur leurs sentiments les pl iie, eae che e de diii de, le e i de aide il cie deaie. Je i aicliee ieell a le eie le pressentiment de déchéance exprimé par les individus qui évoluent en Haïti. Je me questionne sur le processus complexe de construction identitaire, notamment sur les conditions de possibilité du devenir sujet dans cet espace social. Aa dabde cee ei i fdaeale, il ie i de faie ele considératio la ci haiee ceaie. Da ce chaie, je ale cie eai dieai de cee ci e baa e aale le sentiments subjectifs et les stratégies des individus face à la situation socio-économique et pliie dHai. Ce chaie e e e de ee le aail de ie e cee e celi qui consiste à aborder la question de subjectivation des rappeurs haïtiens. Ce pont est tout à fait nécessaire dans la mesure où la présentation des données objectives disponibles sur Haïti ne suffit pas à rendre compte de la manière dont le rappeur pratiquant devient sujet. Encore faut-il, auparavant, mettre en évidence la façon dont les acteurs endurent les situations qui les portent à entrevoir la déchéance. Leae de agie il ee e e e de le eiece bjecie face ce alaie cial e e cdii de ibili d aail fleif a de la ei de bjeciai. Ce dc ce e je e e de dele da ce présent chapitre. Je e e blig de ae, ce e ci de ce delee, cde la cci d il hie e eea de ie egade ce i e ae da la société haïtienne au cours des trente dernières année e de cede le eiel effe da la eeai e le ace de-mêmes, leur rapport au social, leur pouvoir

149 dagi ie da le iiee liie. Ce il hie e fi lab, je cde eai dieation des cadres de socialisation, de la construction identitaire et du processus de subjectivation des individus qui évoluent dans la société haïtienne durant ces ee deie ae. Ce e jai ea dbache cie ce cade cheif, ce la aie d ce eace cial, da ce elle die ce e, aie façonner les individus de telle sorte que ceux-ci, dans leur profonde intimité, éprouve des sentiments peu ou prou inhibiteurs reflétant la situation générale du cadre de vie dans lequel ils évoluent. Cette observation a un poids considérable dans ma tentative de compréhension du processus de construction identitaire et de subjectivation des rappeurs pratiquants haïtiens. La réalité haïtienne actuelle, eu égard aux codii de ie de habia e aec ce elle ce ce eiel deffe de faee, e cie-t-elle pas un bel exemple de lide telle société, tels individus » ? Même si depuis Durkheim (1922, 1934), ceci tend à devenir un vieil adage émanant des sciences humaines et sociales, il est toujours nécessaire de questionner la dynamique des sociétés afin de pouvoir saisir le sens que les individus attribuent à leurs conditions et à leurs expériences. Puisque les conditions de socialisation ne sont pas données une fois pour toutes dans une société, il est alors pertinent de toujours y revenir l ee de cede le eie le l bjecif a le idiid, sujets conscients de leur existence. Voyons, à travers ce chapitre, quel outil conceptuel me ee daeide ce bjecif.

5.1 D hie : de bigahie ce cagie aaie

«To comme la oche foide e appaemmen an ie, jai enfoi en moi de souvenirs issus des matériaux qui mon mole. Temp e Lie on e le mo dire. »(Zora Neale Hurston, Des pas dans la poussière)

Dans son autobiographie, Zora Neale Hurston (2006) dresse un tableau concernant des modes de vie qui prévalaient dans sa ville natale, Eatonville (en Flide), e a ei dae communautés afro-américaines durant la première moitié du XXe siècle. Elle illustre la pauvreté des Afro-Américains, le racisme, les lignes de partage entre races, nationalités, classes sociales ou religions, etc. A travers, ses souvenirs, elle met en évidence des faits et événements qui

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eee de e faie e eeai de lei de ce e elaiee liai : des femmes noires accroupies autour du Trou St-Jean, lavant leur linge et pêchant ; des hommes qui allaient défricher, bâtir ou planter des orangeraies ; des scènes de jalousie entre hommes et femmes ; des bagarres dans les couples ; ace de fe lcle ; des enfants du village qui aeaie a c le able de lilicai e i jaie cache-cri, poule-ma-poule, cache-cache ; des contes discréditant les Nègres, etc. Elle parle de quelque chose qui faisait sa joie : « Efa, jadai ce flai blache, chae, dae, ai a le accde e importance particulière. Il y en avait dans tout le quartier. (Hurston, 2006 :19). Elle évoque aussi a faci lil dci, efa, e de fle de jai d Ca, i bee da son quartier, se vendaient à un dollar la pièce à New York. Certains habitants de son village refusèrent de croire une chose pareille. Son autobiographie regorge de lieux, de faits, dee e dhabide i cae le dc d e i e eege : elle représente des hommes installés sur des caisses et des bancs qui donnaient de blagues sur la véranda du agai de Je Clake, le c e le e d illage ; de lea ie de la e ; le pain à lessive Octavon qui gardait les enfants propres ; des sacs de farine de maïs blanchis utilisés comme serviettes de bain pour la famille afin que celles achetées au magasin restent douces et propres pour les invités ; de vieux journaux empilés qui faisaient office de papier hygiénique pour la famille; les feuilles du vieux catalogue Sears-Roebuck pour les invités ordinaires et, pour les hôtes de marque, le papier des patrons de robe (sa mère était couturière) qui était jugé plus doux. Les parents de Zora avaient de quoi se procurer du papier hygiénique ; ils ne eaie a e achee, ce . Za eie da egie i e afois en idece lag de Af-Américains des années 1940. En 2008, Annie Ernaux fait paraître une autobiographie Les années mettant en évidence des bribes de vies, des événements, des tendances, des pratiques, des objets, des croyances et représentatio e la ci faaie de laa ai de la-guerre jusque da le ae 2000. Elle a faie dbbie le e, d i le e elle a c, ae lalage de diee h cae de e eiece e eie personnels, des faits et événements concernant la vie de sa famille, de son quartier, de la ville de Paris, de la France, ec. Elle ale de ide de ae, de lage d ai, de leie de la blici e de lEglie, de la igidi de grammes et disciplines scolaires, de la valorisation du travail du e de faille, d a e d le de la fee, d de Beli, de la gee dAlgie, de

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g de la decie, de ie e ei de iii adiielle, de la libation de , de la ille caceie, de ee de jeee, de la ci de consommation, de Mai 68, etc. Elle met également en exergue des faits aussi minuscules que révélateurs : des casseroles noircies et démantelées, des cuvettes émaillées dont on se servait à la ai d e de eface, leeillee dea de iei i deaie alie le confort domestique (machine à laver, téléviseur, frigo), la monotonie au niveau des diaci de lefa, le ab eel, le bei da de adlece, le g musicaux, la passion pour le premier amour, la tristesse provoquée par la guerre, le désir de lire de ciai dee, lei da le acace, lehie e a la ie a bac, le aage lâge adulte, les conceptions du loisir, de la vie de mère, les débats sur la rentabilité du travail de la femme, la recherche du plaisir, les conversations autour des goûts de consommation, la nostalgie des temps, etc. Tout ceci est ordonné et présenté de telle sorte que le déroulement des temps en question puisse être accompagné de sentiments et émotions éprouvés par les individus concernés. A partir de ces deux exemples, on peut observer que les auteurs portent dans leur être tout entier la marque des temps, contextes et circonstances qui ont servi de lieux dans lesquels le ie e dle. A lie ce e abigahie, e ei lei de e, iai, ee e fai i e cfig de aie aiclie da la ie dont lhiie e ace. Ce he clee e cee de ieelle e e e lee ensemble de questions. Comment les sociétés humaines dans leurs caractéristiques inhérentes, leurs nuances les plus subtiles et leurs allures particulières, parviennent-elles à se refléter dans les singularités individuelles ? Qe-ce qui fait que des vies singulières puissent figurer plus ou moins fidèlement les contextes socio-historiques dans lesquels elles se déploient ? On est là, en présece de de ei ccea le de face de e ali clee, ai la concordance qui existe entre les particularités individuelles __ e ee deiece igificaie, de ii d de, de eie, de aie de, de ee e dagi, de présentation et de représentation de soi, etc.__ e lahe glbale de la daie de le- ensemble, y compris la dimension écologique de celle-ci, stricto sensu. A mon humble avis, ces iegai ie de cide i l eed cee la aie d le ali objectives atteignent les individus dans leur profonde subjectivité. Même un apprenti-chercheur

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e cede liace d el bje __ e lccece, le fai e la ie d idiid soit teintée par la réalité globale qui cadre son existence __ dans les sciences humaines et ciale. Ce bje e ece l ia lil e ei daale de aie dace le ce de cci ideiaie. Je dai ee de ser quelques éléments de réponse à ces questions combien importantes pour la suite de ma réflexion. Face à une telle problématique, il me semble raisonnable de recourir à des notions qui ont fait et qui continuent encore de faire leur preuve dans la comprhei e lelicai de phénomènes sociaux. Dans cette tentative de réponse, je procède à un examen critique de deux notions très usitées dans la littérature des sciences humaines et sociales, à savoir la « socialisation e l « ordre social ». Il agi elee de le cide da le ce e da le eel a llcidai de ei lee ai ai de reconnaître leur limite. La notion « dde bigahie » me paraît plus appropriée et oppérationnelle lorsque je tente de répondre à ces interrogations. Progressivement, le lecteur pourra prendre connaissance des éléments de contenus que charrie ce terme.

5.2 Ancrage théorique La eie i e l e e cede ce he clee les idiid e la ae de le e e lie de ie, ce bablee celle de cialiai i a fai lbje de bee e de iee flei e ciece haie e sociales. La notion de socialisation fait référence à un processus complee daiai de e, de ale, de le, de icie daci a idiid a ei de ge cia ael il aaie. La eali d efa e ci geiee a ligai e licai de aie dagi, de ee, de diii de, e à des milieux sociaux dans lesquels celui-ci gadi e aed deei ce dae idiid i de gai aiee. Dei le aa dEile Dkhei (1922, op.cit.), le travail de conformation exercé par les groupes sociaux sur les jeunes enfants a été mis en avant. A la suite de cet auteur qui est considéré comme le père de la sociologie faaie, dae ee e i la che de deie la aie d le e humains deiee idiid, ce-à-die de le d e cial cifie, lesquels éléments sont à la fois semblables et uniques, dans une certaine mesure. La question

153 de cialiai a ci li de be cheche i diessantes ie daale. Clade Dba (2010, . ci.) a e e he de diee hie elaie. Il le a clae e i ge. Dabd il eie e ache e alifie de fonctionnaliste, celle selon laquelle la socialisation est conçue comme un processus dicai de dle de cee e ge cial d. Da cee eie gade ache, e clae la de Piee Bdie (.ci.) i a ii le ce dicai a les individus des habitus propres à leurs conditions sociales. Le cce dhabitus se définit comme un système de dispositions durables et transposables , le die l claiee, de fe aeiage efi da lidiid e i deviennent de iable icie daci le celi e e iai il di agi agi (Die, 2012). E dae ee, lidiid ige icciee de aie dagi, de ii d de, de aie de e ilie cial e on comportement est déterminé par ses apprentissages inconnus ou oubliés. Selon la deuxième gade ache die clalie, ce le e caie i e je. Saf e ce la culture qui y est reconnue comme le facteur fondamental du processus de modelage de lidiid. E e cialia, idiid aed eeble de dle de cee ad e ai a ei de ci de. Sel cee ache d le icia représentants sont des anthropologues américains comme Magareth Mead, Ruth Bénedict, Ralph Linton et le psychanalyste Abram Kardiner (Mesure & Savidan, 2006), la formation des eali idiidelle le de icai geie de la cle de la ci dans laquelle on évolue ; les cultures forment ce qui est désigné sous le terme de personnalité de base. La troisième approche considère la socialisation comme une construction à laquelle aicie lidiid li-e. Si le de eie ee lacce le id d déterminisme social dans la construction des individus, cette troisième approche souligne liace de ieaci ciale da ce ce clee. Lidiid e ace conscient qui participe à sa propre socialisation. Georges Herbert Mead ([1934] 2006), tenant de lieaciie blie, e l de ae i cib bi dle cohérent autour de la socialisation et de la construction de soi. La socialisation est envisagée ce ce ieacif lidei de lidiid, c la fi cme un être social e iglie, e fae a ce dalai flchie e de caai ciale a ei de ieaci cie aec le ge i lee.

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Le concept de socialisation, à travers ces différentes approches, permet de comprendre la manière dont un milieu social parvient à façonner ses membres au point où ceux-ci parviennent clie e c de e, ale, ii d de, icie daci, dèles de comportements, etc. Par ce mécanisme, les individus deviennent des êtres intégrés à leur milieu cial e clel daaeace, el eeble daee lie la echeche d minimum de cohésion sociale.

Si ce concept si cher aux chercheurs et professionnels des sciences humaines et sociales peut aider à comprendre comment une société parvient à fabriquer des individus ia le balie elle e e lace e ide de, il e ee a aa de saisir la manière dont les temps et les circonstances contribuent à faire des individus ce il . E dae ee, le cce de cialiai e ee a de aii da le complexité les mécanismes qui concourent à faire ressembler, pour ainsi dire, les individus à la réalité sociale qui cadre leur existence matérielle et qui détermine leur conscience, pour reprendre la formule de Karl Marx (cité par Lallement, 1996). Lorsque, en recourant au concept de socialisation, on explique le devenir individuel par les mécanismes liés exclusivement à la construction des rapports humains, on ddaige, a e e ede ce, le ae aec ai ia d ce a leel lidiid deie ce il e. Ca, e l de le ciali, lidiid hai e ilie igifia, porteur de temporalités et de trace eeielle, dee deiece igificaie de son rapport à un univers infiniment plus grand que le monde social. Ainsi suis-je amené à comprendre que ce qui se passe au fond du rapport individu/société, plus précisément les mécanismes sa cee e bale a c de laiclai daie de elai ee le individus et leurs environnements matériel, psychique et social ne saurait se résumer à des ae . D la cei de j gade e diace face a cagie de pensée, du moins de prêter attention à leurs limites dans la compréhension des phénomènes humains.

Les individus humains, dans leur devenir biographique, reflètent plus ou moins exactement les contextes socio-historiques et culturels, les temps et circonstances dans lesquelles ils évoluent ; la compréhension de ce fait anthropologique majeur peut se révéler réticente à obéir à un cadre réflexif construit exclusivement autour du concept de socialisation. Une élaboration intellectuelle fondée sur la noti d « ordre biographique », telle que je

155 tenterai de la construire plus loin, me paraît plus appropriée à une réflexion qui viserait à analyser et interpréter ce fait. Pour comprendre cette notion, il faut considérer le fait que le devenir individuel soi ce clee la de laiclai de effe de socialisation, des expériences les plus singulières, du sens subjectif attribué à celles-ci, le tout e dla a ei d eiee hie da leel iee lie eeble de fai, dee e de a i de ae ae leiece de chac. Dans le champ de la psychologie environnementale, Mosser & Weiss (2003) ont souligné le fai e leiee i ha ece de e e didei, a delà de ses incidences diece lidiid. Leiee hie da leel l e e de igificai e e ae a de igifie i e. D liace de considération de cet élément essentiel dans notre chei de la aie de, de lhiie e de la dfiii de i de idiid, e cia e iglie. Le acie ilgie e hie de la i dde bigahie e ie da le illage de travaux réalisés dans le cade de lache bigahie e ciece haie e ciale ; elle efce galee da le aadige de la clei, cade fleif che a aa Edga Mi (1990). Le de caaciie eeielle de lache bigahie réside da liace accde lle eel e a ce ciale da laale d ac de ie d idiid. Ce ce e iee Shae Chaeg e ses collègues (2012 :13) en affirmant ce qui suit :

« Inscrit dans différents unie ocia (on le appelle champ, epace, iniion, monde o ae), le deeni biogaphie dn indiid e ne configaion complee de temporalités croisées, plus ou moins nombreuses et interdépendantes, faites de périodes de stabilités (néanmoins rythmées par des routines) et de changements relativement prévisibles (espérés ou redoutés). »

Pa aille, lache bigahie e caacie a if i aii lecheee d c e d aiclie, de lidiidel e du collectif, à cerner le processus par lequel les individus donnent sens aux multiples événements et expériences de leur existence (Delory- Momberger, op. cit.).

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Quant au paradigme de la complexité, il offre un cadre heuristique permettant de prêter attenti a caace difficilee aiiable e liiibili de le hai ; il e e gade ce le ible eee e l ie li die la chei e/ lelicai de he a ael hai de lis, à des causes uniques. Les principes énoncés par Edgar Morin (op.cit.) constituent des jalons qui me eee de ie e e aale e lie aec la i d « ordre biographique » tout e faia leff de gade e diace ciie de er de sombrer dans le piège des raccourcis et des prêt-à-penser qui, généralement, procurent le confort de la facilité. Avec cet ae, je ie e le deei bigahie idiidel, ce lidiid li-même, est à la fois unique et divers, en ce sen il le ia ee icea aicla de le de e cdii deiece, hiie eelle, a leiee physique, ses expériences les plus intimes, etc.

5.3 Eléments de définition

Ces préalables étant posés, il est utile de se pencher particulièrement sur le contenu de cee i. Lde bigahie dige e abiace gale de ie i, e cia constamment à partir de la synthèse et de la configuration cohérente de tous les aspects de la vie individuelle et collective et, intervenant subtilement dans toutes les dimensions de la vie, ie lie d cade glbal da leel dle leiece de idiid. Lde biographique combine tous les faits et événements, toutes les pratiques et représentations, tous les comportements, croyances et attitudes qui sont de mise dans un environnement social ; il ialle ce e de icable e aeale e ce i ccee la ie de individus. Il teint la vie de chacun des individ i le. Le de caaciie fdaeale e die cee abiace de ie, ce elle e ci leee e e présente comme un méta-cee e abai, accag de a dei, de edace ccdae d linfluence se manifeste dans presque tous les domaines de la vie sociale : la liie, la cle, la, ldcai, la blici ie la eligi. E dae termes, dans la vie sociale beaucoup de phénomènes se manifestent selon des propensions propres à un ordre biographique; très souvent, les effets de celui-ci se font remarquer, suivant

157 leur ressemblance, au niveau des attitudes et comportements, de la qualité de fonctionnement des institutions, des orientations que prennent les choix des acteurs dans des domaines distincts. Un ordre biographique a ses répercutions concordantes au niveau social, politique, idlgie, hie, ec. Si e ffiae daei, e eae la cedace eia ee legece de la ie rabòday __ très souvent envisagée ce le ige d dcli cial108__ e laggaai de la misère, les manquements au iea de lffe de acii clelle de ali109, le manque de structures offrant une formation de qualité dans le domaine de la, la faciliai a lage de ea cia de e de iibili, la diace d ide eff e la e de lage facile, laccei ecaclaie de eage ibable a affaie liie, ec. Laaii de elle aiae icale e de aie elaie ai a ible e Hai da le années 1940-1950. Car à cette époque prévalaient dans ce pays un contrôle social strict, une autre mouvance intellectuelle et culturelle, plus de difficultés pour faire de la musique, etc. Da de bigahie, le eace hie aeble de eali lile, le le aiel le l cce e le a idlgie, a dei e sentiments pour faire émerger une atmosphère particulière, fluide, intégrale et lidieielle i e ad e ialle leee e de aie dae a ei d eace cial, cha aii le idiid la fi ile e clleciee. Lde biographique ne se réduit ni à un contexte socio-économique ni à un contexte politique et culturel mais articule tous les contextes pour devenir un climat pluriel et globalisant dans lequel les existences individuelles, les pratiques, les comportements les plus disparates puisent le iali. Lrdre biographique est donc, par-dessus tous les contextes, toutes les situations e cicace, clia gal de ie i ge da eace cial d, accde de manière relativement parfaite aux visions du monde, pensées, pratiques, sentiments, aspirations et représentations de soi des individus.

108 A a caiace, ace de cieifie iee e e iee cee edace icale i laie lhee actuelle en Haïti. Toutefois, celle-ci e lbje de beac dii eelle, e acerbes, exprimées surtout sur internet. Je cite ici « Le Rabòda o lecellence de lincle », texte publié le 7 jaie 2017 la age facebk de lAt au Singulier Pluriel. 109 La programmation essentielle du ministère haïtien de la cle ee lgaiai d caaal ael. Le Théâtre National, lieu par excellence de promotion et de divulgation de la culture fonctionne au ralenti depuis plusieurs années. A Port-au-Prince, pas même une salle de cinéma ne fonctionne depuis 8 ans. Ces faits coïncident avec la généralisation des programmations « Ti sourit , e dacii de lii ce e alia da de quartiers populaires autour des aiai de DJ, de chaia de fball, ec. Dae acii d e type sont souvent vues et dénoncées comme des scènes de débauche impliquant des mineurs dénommés bredjenn. 158

Il ne faut surtout pas envisager de la même manière « ordre biographique » et « ordre social », cette dernière notion répondant à des impératifs de sécurité, de tranquillité et de stabili a ei d c cial. Peda lge, lde cial a ci je de préoccupation pour la philosophie politique et la sociologie. Le sens de cette notion se traduit à travers cette question de Georg Simmel (cité par Padioleau, 1986) : « e-ce qui rend la société possible ? . Sia la ccei de Tha Hbbe (ci a Thie, 2010) lde cial dcle d ace liie ccl ee le ebe de ci liie. Il abli e e aiie a la fce caigae de la Liaha ; ce ce a i, el Max Weber (1921), détient le monopole de la violence physique. Jean Padioleau (op.cit.) a souligné la possibilité de répartir les courants sociologiques suivant les propositions delicai il f e a aec la ei de lde cial. Il a ci Talc Pa (Padioleau, 1986 : 27) i la diace de lde da e cllecii le d fai que les individus partagent en commun des valeurs, des normes et des règles communes liées à leurs rôles. Le marxisme, pour sa part, évoque le rôle de la domination dans les rapports de classes et dans les relations de pouvoir. O e eae e le diee cidai lde cial, ai ace elle ie tre, ne suffisent pas à nous permettre de saisir la vivacité de la vie collective. Le cce dde cial e ee a de aii e le ace d e eache la dynamique de la vie sociale. Celle-ci est une réalité conflictuelle, mouvante, fluctuante dont émergent des faits et événements qui la renouvellent sans cesse, pendant que cette même réalité garde une certaine constance qui la fait apparaître comme stable. Lde bigahie e e di dc a lde cial. E a abiace gale de ie, lde bigahie icl lde cial cleifie la ali de ie i de lie leiece haie da e e diei. Pa eele, labiace glbale de vie qui règne en Haïti résulte, entre autres, des combats politiques, des conflits terriens, de la gade diai ciale, de jg de cle, de laalhabie, de la dgadai cae de cdii de ie e de lilibe i ge ee ce aae e bie dae ece. Pa le fai e il iee e ce, da a dfiii, de dali deei de bjecii acie a dliee de la ie cllecie, lde bigahie ffe eille cade daale face a ai aide de eace cia et aux effets parfois à peine perceptibles de la vie collective.

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5.4 La cci d de bigahie Le ec a ee d «ordre » peut masquer les modes de construction et dabliee de abiace de ie i ie de aae cmme un phénomène toujours homogène et homogénéisant. En fait, il serait plus correct de parler de cette notion au pluriel l a iglie. Ca e ci ffe a le e de bigahie a e toujours. Il faudrait peut-être prêter une aei ee a caie dabliee d de bigahie cede ce fai. Labiace de ie i ge a ei d c cial e e cci la de laiclai ee eiee de e e conditions de vie, des multiples rapports, des conflits, des actions, interactions des eeai eeee a le idiid e de eie lgad de-mêmes et de la réalité dans laquelle ils évoluent. A bien des égards, les paramètres d de bigahie cece e cbie là où il y a des êtres humains, ceux-ci existant toujours dans un rapport au monde. Ainsi est-il fai ible dbee cee abiace gale de ie da aie, e communauté, une ville, etc. Dans ce quartier, dans cette communauté ou au sein de cette ville se construit un ordre biographique qui rythme la vie des individus concernés. Dans les zones ale e da le aie laie de ille haiee, il eie a le e clia de vie, e il agi d e a. Aa gadi da le ilie al, adle e bablee e de ei deface diffe de celi i a gadi da e ille. Certaines préoccupations, certains motifs de tristesse et de joie de la jeune Zora Neale Hurston e diffeciaie bablee de celle dae efa i iaie la e e da une grande ville comme New York où de fle de jai d Ca acheaie dlla la pièce. Glbalee, lde bigaphique se systématise et devient une atmosphère commune lie aie, ille e ca, j e ade da e ci de ; plus il e galie, l il deie aie. Ce jee ce ce de aiai de labiace de ie i li cfe le i d de, ce-à-dire quelque chose de subtile mais de cohérent qui sert de dénominateur commun au déploiement des existences idiidelle. Pl de bigahie e ad a ei de ci, l il tend à être

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alia. Je ddi e la ie d idiid e dle de elle e elle e ie a cfle de lie de bigahie d le l eei ee lace e aicle, dialectiquement ou plus ou moins harmonieusement, au sein du plus global. Ai hgiae elle ie aae, labiace de ie i ge a ei d eace cial e a able e e a jaai le da la ee il eie e permanence de nouveaux paramètres qui apparaissent et qui influencent les représentations, pratiques et sentiments des individus. Edgar Morin (2014) utilise la notion « émergence » pour faire référence à un phénomène tout à fait nouveau qui surgit dans les actions et interactions sociales et auquel e aedai a, a eele la lage e la cle. Aah Aed (2002 : 810), ale de la e che lelle lige limpiibili inhene la créativité des hommes, à leur faculté de créer quelque chose de tellement nouveau que peonne naai p le poi ». La i d « émergence » joue un rôle fondamental dans la chei de lde bigahie. E effe, ce i de ie la daie ciale, i ed ible laaii e la diaii de de bigahie, ce sont les multiples et cae egece aa de lli de la ie cllecie. U ee i ia ce le ie d 12 jaie 2010 e-il pas, en Haïti, un paramètre important du climat de vie qui y règne actuellement ? Je pourrais également poser la question en ce qui a trait aux diverses catastrophes naturelles que les Haïtiens ont connues, notamment depuis les années 2000. Les faits dépendant des actions humaines sont tout aussi bien des données participant à la ie e lace dn ordre biographique qui pénètre et travaille les individus de sorte que ceux-ci portent du plus profond de leur être ses marques, sa sonorité, ses souvenirs, etc. Ee de bigahie e le diee egece il aicle, il eite un rapport de récursivité au morinien du terme. Pour le dire autrement, un ordre biographique donne lieu à des émergences qui, en retour, sont configurées dans le processus de sa construction. La vie sociale évolue à travers des émergences qui laissent le lace dae émergences. De même, un ordre biographique disparaît progressivement pour céder la place à ae i adie leee. Piil e dele e abli de aie lee e progressive, un ordre biographique ne disparaît pas totalement pour faire place au suivant ; au contraire, deux ou plusieurs ordres biographiques se rencontrent durant une période relativement longue, apportant ainsi des nuances significatives au climat régnant au sein du vivre-ensemble. Pendant que le peie e dclie, lae e dile a f e ee. A

161 ceai e, il e ece, e fae, echee e e cfige faie ege e abiace elle. Ce il agiai de leffe d fd echa, recourir à un terme cinématographique : e iage ee ce fige ai efface bilee e, eda e leffe e e bale, e ae iage affiche leee j éclipser totalement la première. Ce phénomène rend difficile la tâche de fixer les limites eelle eace de abiace de ie, ceai he a e eie pendant longtemps. Plus la période considérée est longue, plus il est possible de situer les liie d de bigahie. Liee e ai ai, ce-à-die il e daa l difficile dabli le be eelle d de bigahie e la ide cide e ce. A la ie de caiace de de de ie de lefa da la ci de dadle (Ai, 1973) e le le dhiie de aie dcaie lgad de le e de étudiants (Prairat, 1994) au cours de la période médiévale, on peut plus ou moins facilement ideifie le ai diicif de lde bigahie i alai e Face a a celi qui y a émeg le e-moderne. Globalement, il est relativement facile de diffecie labiace de ie i gai a ei de ce e a a Me-âge de celle qui y régnait à la Renaissance, au siècle des Lumières, etc. Par contre, il sera plus difficile de dcele le ai caaciie de lde bigahie i abli da cee e ci dei le ae 1980 j j. En fait, il existe des mutations constantes au sein des sociétés, des pratiques entretenues par de idiid de e gai ai i diaaie aec le e leffe de legece dae aie. E Hai, il e e bable e de jee e la fi des années 1990 utilisent des lettres, à la manière des anciens, pour échanger des mots da. E effe, ce jee gadi da e ide il a e da le de e a a de aide e gade aace da le daie de la lhie bile d lage a aifi. Le jee alhabi del lhabitude de communiquer par des SMS et, actuellement, à partir de tous les réseaux sociaux auxquels ils accèdent. Dès lors, on comprend le fai e idiid e e i-chemin entre deux ordres biographiques simultanément, que dans son parcours de vie il soit au prises avec les influences de plusieurs pratiques et tendances.

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Voilà un puissant outil théorique permettant de cerner la manière dont les sociétés, dans leurs mouvances et leurs nuances les plus subtiles marquent les individus de leur sceau en fonction des temps et circonstances qui rythment leur dynamique. Il sert de boussole pour ie iee aail de flei d lbjecif e deaie la ei de subjectivation dans un contexte social aiclie. Ce uoi jai jg ceaie d ae, laace, de le de cii e de claificai, de elle e e je ie faire ressortir, plus loin, le lien existant entre les principales tendances caractéristiques de la société haïtienne actuelle et la dimension de subjectivation de la pratique du rap. Avant dabli ce lie, il ie de egade de l ce die edace. Il agi, e ali, de gille de lece ie e cede le icia ai de la ci haiee et leurs potentiels effets sur le devenir des individus. Dans ce qui va être développé à travers les lige iae, lacce ea i ele caaciie e l e reconnaître à la société haïtienne actuelle en observant et en analysant les moyens mis en e a le idiid dea la iai difficile i ie da le a. Je ee de limiter mes propos à quelques phénomènes observés dans ce pays sur une période de trois décennies, soit de 1986 à 2016.

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Chapitre 6 : La société haïtienne : e ie d de bigahie dccea

« Kou m tande pwoblèm peyi m, m santi m dezole » (Le groupe Koudjay) [Qad jeed ale de ble de a, je e e afflig]

Pcdee, jai e eeble de fai ccea la iai dHai. Si ce de eee a lece de e faie e ide de la iai gale dHai lhee nous sommes, leurs incidences sur les pratiques de vie des individus restent à explorer. Certaines questions demeurent pendantes. Comment les individus, par exemple, se positionnent-il, e a ace ae, face cee iai e alifie de chaotique ? Comment conçoivent-il le aei el labiace gale de ie i prédomine actuellement dans ce pays ? Quels enjeux sociétaux et politiques accompagnent les stratégies adoptées par les individus pour mener __ ou pour chercher à mener __ une vie juste, be e belle ? Aa diegai il ee afdi i ln veut déblayer le terrain avant de pouvoir aborder la question du devenir sujet dans le contexte en question. Partant des éléments contextuels déjà évoqués au chapitre quatre et en faisant référence au contenu de la i dde bigahie, je i arivé au moment où je dois approfondir ces questions. Dans cette partie, je me penche sur trois traits principaux de la société haïtienne ceaie. Je e ale cie de ce il cie daele leiece de labad, imaginaire de paace e la dci d i ffa. Pai a dae, ces traits constituent trois tendances fondamentales caractérisant un ordre biographique que l e eiage e ee de de, de daiee ie de he, e gad la manière d le idiid ie la iai gale dHai. Qelle eillee e eeai dbee ce caaciie i celle i cie jee egad le aide, cee e le lgie daci de idiid ? Ces tendance ie de

164 analysées. Dans les parties suivantes, je vais tenter de le faire. Nécessitant chacun un travail aie dafdiee, le i ai e je ie de eie e ae, e il eeiee e ie interrelation entre eux.

6.1 Leiece de abad

A observer les modes de relations établies entre une très grande proportion de la population haiee e la haie, e parler, da e lage ee, d he dabad, compris au e d diee de gea da le ii de laificai d bie- être collectif, les individus étant ainsi renvoyés à eux-mêmes pour se débrouiller afin de ie, dfa de i ee e ie haiable. Labad e eed a double sens de liaci de lidiffece de lEa haie e de la iai dgadae i e dcle, ce-à-dire celle dans laquelle vivent la majeure partie de la population haïtienne. Comme François Dubet (1994 : 92) leed, le ee deience réfère à la fois aux activités des idiid, le caaci ciie e e diace il ee ede a a e- e. Jelie le ee d « eiece de labad » pour désigner à la fois les modes de pratiques, de savoir-résiste i e e a de ge aei ie da le cee de diai lidieielle de le cdii deiece, le ce de la se révélant indifférentes ou impuissantes, et la manière dont ils perçoivent et éprouvent émotionnellement leur vie dans cette condition. Précédemment, Lenz Jn-François (2011) a fait age de cee i da le cade de e aale a de la cci ideiaie d groupe de jeunes vivant au Bel-Air, un quartier populaire de Port-au-Prince. Je pense que cette i e adie ce e ie dae cagie ciale da le a aec la haïtien.

Il fa cide die fai e aie abli e Hai cede leiece de labad. Da cee cidai, lacciee ca de la lai e aea a daie aei. Mai ce le eeai e aide lie lageai de la lai i ieelle le l. Dei le XIXe siècle, il existe dans ce pays une valorisation de la procréation. Cette valorisation se laisse déceler surtout à travers de adage i, da le aie de ie, deiee de iable icie daci. Je e

165 citer des proverbes comme « Pitit se baton vyeyès. » (Les enfants sont des « bâtons de vieillesse ».), « Bourik fè pitit pou do l poze. (E a e be de e, le ce se reposer un jour.), « Se Bondye ki bay pitit. » (Les enfants sont des dons divins.), « Pitit se richès malere. » (Les enfants constituent la richesse des pauvres.), etc. Jouant un rôle da da la ie de ge e Hai, lglie __ sous ses diverses dénominations (catholique, pentecôtiste, baptiste, adventiste, témoins de Jéhovah, etc.) __ contribue grandement à cette valorisation en ea, a de fidle, lide el laelle efa e d dii cfi la bieeillace d ae e, , e iedia le aie de cacei le l ce ce lage de eaif, la ligae de e, laee, ec. Da ce clia, beac defa aie a e le gie e génitrices puissent répondre adéquatement à leurs besoins les plus élémentaires.

O, e aie de liie de lai, la haie e dile ac je deergure. Entre temps, les naissances arrivent à flots continus au point où, selon une jeci de lai bae le eceee gal ali a lIi haie de aiie e difaie (.ci.), e 2015, Hai cie 10 911 819 habitants pour une superficie de 27750 km2, soient 393 habitants par km2, un indice synthétique de fécondité de 4 enfants par femme (en milieu rural) et de 3 enfants par femme (en milieu urbain). Cette même population se compose de 52 % de femmes et les jeunes de moins de 21 ans représentent plus de a ii. La haie, a le biai de e fciaie, di ce aec ce aae e e dffi cade de ie ada la lai.

Ce jee a iea de e i deaie e posées face à ces faits que l e bee le he dabad. Dj, la haie eie de e eia de aie didei. Nbe de efa i aie, gadie, deiee adle a dce didei i isse faire état de leur appartenance à la nationalité haïtienne. Le Ge dai a aai & fgi (GARR) fai aail de laide e le diigea de le ble cia i eie e aie de la ciil e Hai. Beaucoup de parents, surtout ceux qui habitent les zones rurales, obtiennent un acte de naissance pour leur enfant au prix de nombreuses péripéties. Cet enfant devenu adulte, au moment où il doit régler quelques questions administratives, fait souvent face à des agents de la fci blie i li f ai e ace de aiace e a alable ca a

166 eegi lle a. Ce ce e-l il di eeede de dache e faie enregistrer dans le registre des archives nationales : contacter un avocat pour obtenir un « jugement i ie facilie le ee d ce dbei de aie didei. Da ce e de dide, e bee il e elaiee difficile Haie dbei de aie dideité, sauf à ceux qui ont des contacts suffisamment bien placés pour leur faciliter la tâche. Obtenir de simples papiers comme un document contenant le numéro didei ficale, ibe, e ae de ae e iable cae-tête. Cela peut prende de hee lie. Il e dc ide e la haie e ee a tous ses ressortissants de bénéficier des services de qualité. Ceux-ci sont obligés de composer aec ce fai i e accea le eice el il ffe, i e dba volontairement, faute de temps ou de moyens financiers, en attendant le jour où ils auront aie lbligai dede le iie e cela ce dai de aie fficiel da ce pays.

Si au niveau des services fournis par la haie e cae e le eia haie ai aec ae flaga de cidai, ce le non-acc de aaage cia i cie lidicae fdaeal de leiece de labad. E effe, e Hai, il eie a de e de eci ciale le monde. Les employés de la fonction publique et de certaines entreprises privées peuvent bficie de eice daace aladie e de ei a la eaie. Mai ce e daaages est réservé à une très mince frange de la population haïtienne. Une étude commanditée par le Bureau international du travail en Haïti a révélé que seulement 3.3% de la population haïtienne bénéficie du système de protection sociale qui existe dans le pays (Mathieu, 2000). Cette donnée prouve que les dictons précités correspondent à une certaine forme de réalisme dans le contexte socio-économique et politique du pays:ne pouvant plus travailler à cause de sa vieillesse, une personne va être prise en charge par ses enfants ; si elle e a a, elle e ee a dae ebe de a faille. Cee, il a e de ei le eai, e caie daiace ciale le l di e de asiles communaux » pour les vieillards pauve. Mai, ce la cee de, e de ee ligible bficie de ce aide. O ee ceie face ce e daide, le l ie ce de la e d i de eie cei e Hai. Cbie -

167 ils, ceux qui, étant retraités, parviennent à vivre convenablement de la pension dont ils bénéficient ? Un fait est donc certain : e Hai, le ce de la e e f a aie sentir auprès des personnes âgées surtout dans les zones rurales où les paysans passent leur vie sans avoir un emploi formel. Un paysan ou même un citadin qui habite dans des quartiers pauvres, dans sa lutte quotidienne pour la survie de sa famille, ne peut donc que placer son espérance dans sa progéniture qui, selon lui, le délivrera de la ie j il e a la ibili. Ce i beac de ae haie effce de cei de sacrifices pour leurs enfants ; da le ahei, la ie de lefa igifie la le également. Il faut surtout analyser le train de vie des populations les plus vulnérables pour cede le dali deei de le dlaiee a le iace aie. Pie, e ali, la e aie a ce ffiae de cdii ceaie permettre aux citoyens de vivre et de se réaliser, ceux-ci empruntent diverses voies pour y parvenir. Ainsi peut- cae leli d eeble de agie eae de ie dans ce pays. Lidiffece de gea, il fa le eae, e aifee de manière générale, face e le fe de dgadai e ca le a. Hi labece de gae daiace ia le faille, le delee e la ei dae he e révèlent comme les signes du détachement des hommes et femmes politiques du pays. Ici je ae aicliee a diee fe dieiee e caie de eace publics comme des terrains restés libres et les rues des villes depuis plusieurs décennies. En effet, faute de logements sociaux adéquats, les périphéries des villes sont envahies par des lai e e d edi habie. Pi da le eeble, le cci i e réalisent de manière anarchique donnent à voir des maisonnettes empilées les unes sur les autres, le ge e laia galee cli elaiee i accde le demeure. A certains endroits des bidonvilles comme Cité Soleil, Cité-Lescot, Grand-Ravine, Belle-Ai, Sli, Decah , il e ca dbee le acheet qui existe entre e hai, aia, ile didice, ae dea ae. Da le ach blic, le di de e e ale da de aaie cdii dhgie ; ace iace aie ieie chage cee de. Le

168 marché de la Première Avenue, quartier de la commune de Port-au-Prince peut particulièrement en témoigner. Les dirigeants du pays sont bel et bien au courant de ces situations-l i bee a gad eff. Il a, ee ale, ac je deege de la a de la haïtien qui viserait à résoudre le problème de logement dans le pays. Devant une telle espérance, les plus pauvres continuent de vivre leur vie tranquillement entre des murs de bétons, pour les plus capables, et des taudis souvent recouverts de tôles rouillés et trouillés. Eee ae, dae e cee de le deee e dee, fai de bche e de cartons, au vu et au su des dirigeants haïtiens. A Port-au-Pice, Me lHial e Jalie deux exemples flagrants de bidonvilles qui se sont développés de manière accélérée depuis la fin des années 1980 aalllee a dfil d gad be de geee il a e a c de cee e période. Couvrant une très grande partie de la chaîne de montagnes, ces deux bidonvilles se rencontrent pour offrir un tableau présentant des maisons incroyablement entassées. Il a a e le ihie de ille haiee i ie ieie ; les rues cie galee de lie l eut constater de fortes concentrations de populations. Ue ele diffece ie ceeda : i le ille agadie e e afe e de gade agglai aachiee cie, ce lge le lai, le donner un endroit où se reposer la nuit. Tandis que, pendant la journée, à ces mêmes individus, les rues des villes servent de cadre pour commercer, brasser, se mettre en mouvement afin de trouver de quoi continuer à vivre, lors même que ce soit une vie au rabais dans cette île aux mille problèmes, pour paraphraser Evelyne Trouillot (2010 : 7) dans son roman La mémoire aux abois. Lieiee de ce eace blic e la fi idicae e e cece d dee de ai haiee. En tant que lieu habité (Magne, 2012), espace fondamental du changement social et aial, eiie de liai aielle e ciale (Agi & Fa, 2010), le ille haiee, da ce deie dceie, deee de lie dacage e de figuration de la misère de populations urbaines. Elles connaissent de constantes mutations dans leurs formes matérielles et sociales ; le die de dieiee elle ece contribuent à leur constante re-configuration. Mis à part la transformation des trottoirs en marchés publics quasi-permanents, trois pratiques particulières peuvent être envisagées comme

169 leei de afai e bie le e da le ille haiee, ae Port-au-Prince, surtout pendant les deux dernières décennies : le commerce ambulant, labliee e le de acii de bfche110 i ie ce ie a entière, les services de taxis motos. A bien observer, les rues haïtiennes, surtout les plus achalandées, sont des espaces multifonctionnels servant parfois de terrain de football ou de basketball __ lors des moments daccalie __, deace de je (di, cae, ec), de ie bee, cclee, bicyclettes, voitures, camions et piétons, ces derniers ne trouvant pas nécessairement de i ache. Beac de e ffe a cee ibili, e ca; celle i lffe e eahie a de acii ceciale. Da el cee, le rues deviennent des espaces de combats et de négociation entre conducteurs, commerçants, ae e i, le gle de la ciclai laia e le lace dae règles implicites créées entre ces usagers. Il faudrait observer ce qui se passe dans une rue très fréquentée de Port-au-Pice e caice. Hi de edia (adle, efa), observateur rencontrera probablement des marchands ambulants qui, faisant des va-et-vient entre des véhicules qui roulent, offrent des produits divers : produits destinés à une consommation rapide (biscuits, bonbons, gommes à mâcher, boissons gazeuses, bidons ou ei ache dea, ec), di deeie le hicle, de lee de leil, ie de il ili leeie de ai e de cours (pinces coupantes pour débrancher le abe). Le cdce dabile blig de ce aec la ece de ce marchands ambulants qui sie dans cet espace public comme les enfants des rues le font depuis les années 1990. Dans les années 1990, à Port-au-Prince, il y avait des bèfchenn isolés qui encourageaient les passagers à monter dans un tap-tap111 ou dans un bus. Il paraissait même biae de le i e ai de cie. Ceai badad aaie e iie le ci : « Delmas, Delmas, Delmas ! », « Léogâne, Léogâne, Léogane ! », « Ayopò yo !!!! ». On peut e ede ce e, ajdhi, cee aie ie ce ai ie de e da le gade ille haiee. Cee acii ice dai da la dnamique quotidienne

110Ce cle haïtien qui désigne celui qui crie pour attirer des passagers vers un véhicule privé de transport en commun. 111Véhicule en forme de pick- d laie e aag de de bac aallle e de ie, le tap- tap est couramment utilisé en Haïti à des fins de transport en commun.

170 de e. Ce e l e biaeie. Cee aie e galie geiee devenir un gagne-ai de be jee de ee acli, ai leel dacie enfants des rues. Le travail du bèfchenn ne consiste pas nécessairement à renseigner les passagers sur la destination des véhicules de transport en commun __ les usagers étant habitués aux circuits __ ai l le ecage e. Ce e ele e, e fe de marketing de rue. Le véhicule une fois rempli, le conducteur paye le bèfchenn au prix du trajet ; il li de a gal celi aage di ae. Pafi, le cdce a a de chi : pour garer dans un point afin de trouver des passagers, il faut accepter le service du bèfchenn même si, visiblement, celui-ci e a de gade ili da le chagee d hicle. Il eai iea il ai de aa de echeche e ciece humaines et sociales qui examinent en profondeur cette pratique de rue en Haïti. Il existe une autre pratique de rue qui constitue une conséquence ou une réponse face à leiece de labad e Hai : le développement fulgurant à Port-au-Prince, des services de taxis-motos depuis la fin des années 2000. Bien des années avant, il y avait une certaine habide lage de cclee da ele ille ce le Ca-Haïtien, les Cayes, les Gonaïves, Jérémie, etc. A Port-au-Pice, la ciclai de cclee ai ae ja début des années 2000. Mais vers le milieu de cette décennie, timidement, le nombre de motocyclettes ont commencé à augmenter en raison du développement des services de taxis , aie aaee facile de de de ble debeillage da lie communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Actuellement, les rues de la ville regorgent de ses taxis motos garés à tord et à travers des recoins les plus improbables ; ils circulent entre voitures et camions, transportant bébés, jeunes et vieillards. Parallèlement, il y a des motocyclettes offrant un service privé à ceux qui en ont le désir et les moyens nécessaires. La circulation des motocyclettes à Port-au-Prince donne du fil à retordre aux autorités haïtienne ace elle ccaie de gad ble de ci. E effet, par le fait même que beaucoup de motards conduisent mal, ils mettent leur vie et celle de leurs clients en danger. Le service de circulation routière de la Police nationale prend parfois des mesures pour réduire les risques de dangers liés à la conduite des motocyclettes en Haïti. Mais le problème reste entier. Le plus souvent, les débats concernant la circulation de ces véhicules se réaniment da le dia ie de ca daaia ci a de idiid cicla cclee.

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Ce le deie ble de ci e e lage de ce hicle, d i P-au- Prince. Ce diffee aie d je ie de faie a cibe cfige lde biographique existant dans les milieux urbains ; entre autres, elles constituent des indices de leiece de labad d aee le a de la haie aec e gade proportion de la population haïtienne, celle qui vit dans la misère les zones rurales et dans divers quartiers pauvres des zones urbaines. A bien des égards, ces stratégies de survie cadrent bie aec lga i ed ie e a ai icie de ie e Hai dei la fin des années 1990 : « nager pour sortir ». Cee eei e daa l igificaie elle eai ee la fi de ae 1990 de Re Pal, al chef da, face lee clicai de la iai dHai. Elle a ie eie da le lagage ca. Comme on peut le remarquer, « nager pour sortir e e fige de le eia liage d afage; ce e ae aie de e e iai de il dea le dachee e liaci de ai de la. Cee fle igifie que les individus sont renvoyés à eux-e e le e daci afi de i de cee situation extrêmement difficile. Ce dc e ijci deae i efce la deabiliai de la e e e elle e e leei. Nager pour sortir » suppose, en effet, des lgie de la dbille a c d cba a quotidien pour résister. La débrouillardise rime bien avec un néologisme, brase (lie bae), i fii a ie da le lagage ca e da la daie de ie de beac didiid da le aie populaires (Jean-François, op.cit.). Cette expression peut être envisagée comme une porte ouverte sur diverses formes de stratégies de survie. Ainsi peut-elle impliquer la recherche de igai da ladiiai blie afi de i se défendre car dans ce difficile contexte socio-cie il e l bligaie dai a lace (De Galejac & Leei, 2008), de la gade , dfa, de lee ; i ce la dchace de lidiid. Dae i a deli eae de e dbille a ei e des structures de la, e a e aallle le eice a age die de deei l aidee il e le eaie il adeaie diecee de age de la fci publique. Pour sortir, ace e galee aer sur un politicien puissant qui lui permet de jouir de certains avantages matériels, financiers et/ou sociaux. Aussi la politique devient-

172 elle de l e l l de hi de dliace e Hai ; ce e aie de e ee labi de la fai e de la ae da le cee de la aie de liie d ee (Baa, 1989). Ce dc lie de aliai de i e ee de je fiacie e de bili ciale lace, e checha cae clide ea de elations et de pouvoir, veut assurer le plus possible les moyens de sa vie dans un contexte de rareté, de labili e diiibili. Hi la aie de la dbille, le lai ade dautres réponses face à leur abandon. En matière de sécurité publique, par exemple, tout un ensemble de mesures sont adoptées pour se protéger contre les assauts de toutes sortes lors des moments de crises. On peut constater que la plupart des murs de clôture des maisons des zones dites résidentielles sont co de age de babel e l dai e hae i eche de i le c, voire parfois les maisons. Ainsi la ville devient-elle comme un camp militaire, barricadée et repliée sur elle-même. Ces mesures de sécurité se sont progressivement développées depuis la fi de ae 1980 e ccide aec la e ieiee d clia dici da le ille, a he de cfli liie, d badiie, de leacebai d kidaig ( partir de 2004), etc. Les habitants de certains quartiers populaires de Port-au-Prince sont habi lgaiai de ce il aelle de brigad vililans » (brigade de vigilance) pour se défendre contre des gens armés qui y semaient le trouble au cours de la nuit surtout entre la fin des années 1980 et le milieu des années 1990. Vil, e g, ele fai e aie e l e e ce ige de ce e jaelle e eiece de labad e Hai. Ce de aie de ie i surviennent à la fois comme expressions et corollaie de lidiffece e de liaci de gea. Elle cie allie le ae l la haie deai ieei e de aci cce afi dae de li. Pl il a de ae, l il a des propositions de réponse par la population. Quand une population se trouve devant un e jdiciaie i a d al ede e jice effecie, il e lgie elle i eclie à adopter des mesures pour se protéger. Très souvent, ces mesures ne cadrent pas avec ce que prescrivent les lois de ce pays. Ainsi se retrouve-t-on dans une situation chaotique qui entraîne un climat quasi-gal dici e diceide. Je ai ede de eele da autre domaine-cl ce ldcai. Je ai dc a epéré toutes les pratiques mises e e Hai e lie aec leiece de labad. Le iai e ffie

173 cbe eiiee ce fai i cie l de aae ia de lde bigahie alide e Hai lhee acelle. Parallèlement à cette expérience dabad, il existe un phénomène connexe, complexe, tout aussi important à considérer pour comprendre labiace de ie i a e Hai lhee acelle. Ce ce e je ai dele de suite dans les lignes suivantes.

6.2 Un imaginaire de partance

« Yo pa t menm gen yon destinasyon Yo sou dlo, sou kont vag, sou kont van Nèg sa yo te gen yon sèl vizyon : Kite Ayiti fè kap yo pran van pou y ale » (Bélo, Istwa dwòl) [Il naaien mme pa ne deinaion Ils étaient sur la mer, à la merci des vagues et du vent Ce ga naaien ne ele iion : Quitter Haïti, mettre du vent dans leur voile pour partir]

Le de cece de la diai cae de cdii de ie e Hai, ce de porter de nombreux individus à chercher, de manière effrénée, un autre espace de vie qui puisse leur garantir une certaine sérénité. Il se trouve que, aux yeux de la majeure partie de la population, ce sont les pays étrangers qui offrent ce cadre de vie autre. Devant leur situation ciale e cie i difficile, ai deie le de l iae i il ie ade da le ie. Aii liace de laille e e-t-elle amplifiée : coûte que coûte, il faut trouver un autre edi ie. Laille deie, e ele e, incontournable horizon de délivrance dans cette situation de sauve-qui-e. Ce leeble des attitudes, des représentations et des choix des individus en lien avec ce phénomène digai e je ce aale leei d « imaginaire de la partance ». Ma flei e fde de aia cie, ci de de dbeai de la ie quotidienne, des textes de musique, des articles de presse, des recherches empiriques menées en sciences humaines et sociales, etc. A vrai dire, depuis la première moitié du XXe icle, Hai je le le d ia réservoir de main-de dae a de la Caabe, ae Cba e la République Dominicaine, dans le cee de diai aicaie da la gi (Piee-

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Charles, op. cit., p. 51-56). Ue eie age dig deaie ede ile le fce de aail da de ie de dci d la ie e e ai chee a le Ea-Unis dAérique. A partir du début des années 1970, un phénomène important a émergé : le débarquement des boat people haïtiens sur les côtes de la Floride (Icart, 1987). Dans le langage courant, cet anglicisme est utilisé pour désigner des voyageurs clandestins qui empruntent des embarcations de fortune à la recherche de meilleurs endroits pour vivre. Depuis plusieurs décennies, ce type de voyage est devenu une activité récurrente en Haïti. Da le cle haie cee aie aelle kanntè. Ce e aie qui rencontre une certaine généralisation en Haïti ; son intensité varie épisodiquement, en fonction du climat cie e liie i ge da le a da cee d. E a acii illicite et clandestine, il est très difficile de dénombrer avec exactitude le nombre de personnes i lai Hai a cee ie. Mai e ale e ee daiai : au milieu de lae 1981, le Seice aicai diigai e de aaliai eiai 45.000 le be dHaie i étaient arrivés aux États-Unis par voie illégale (Dewind & Kinley III, Op.cit, p. 11). On connaît les endroits où se dirigent ces bateaux de fortune. Les voyageurs visent les côtes des Etats-Unis ou des États de la Caraïbe comme le Bahamas, les îles Turks et Caïcos, le Porto-Rico, les îles Vierges, etc. Depuis les années 1980, il existe une certaine sensibilisation qui vise à décourager les intéressés à prendre cette voie pour quitter le pays. Cette sensibilisation se fait, entre autres, à travers des textes de musique populaire écrits par des artistes interpellés par la question. Le caractère extrêmement dangereux et risqué de ce voyage est souvent mis en exergue : manque de résistance et surcharge des bateaux, précarité des conditions de voyage (manque de provisions, absence de gilets de aeage, ec), abece de gaaie de aie ledi visé,etc. Canter112ee le de eie ie aia de ce ie. Elle cie de i convaincants : « Ou di w ale Miami/Ou pa konn si w ap rive/Ou kite timoun grangou/pou w ale peye kanntè/Lè w rive nan fon lanmè/kapitèn lage w nan dlo » [Tu dis que tu vas à Miami/Tu ne

112 Musique chantée par Ti Manno avec son groupe Gemini All Stars. Cette musique a été ajoutée dans une compilation réalisée en France en 2014 par le label AD Music. 175

sais pas si tu y arriveras/Tu laisses des enfants affamés/Pour aller payer le kanntè/Loin sur les eaux/Le capitaine te jette à la mer] Dans une annonce circulant de manière quasi-permanente sur les ondes de la radio La voix de lAie e Hai, il e claiee dceill a adie haie de e ie de age cladei ee daccde a eiie américain. Il ffi je de ee a cdii de age de aage faia leiece d kanntè cede le ie il ece e ilia ce e aeide dae ee. A dfa de i faie ale de ge i e fai leiece, e e ei la cece de afage113 de petits bateaux transportant des Haïtiens vers des îles de la Caraïbe ou vers les États-Unis. Les nouvelles concernant de naufrages qui font des morts et des disparus relèvent désormai de lde de fai die e Hai. E a e cladei, e e a le eiie aicai, a a de gaaie a i deee el e . O e e ei ece de fle diiga cladei haïtiens interceptés par la marine américaine et gardés à la base Guantanamo dans les années 1990 l de la ide de lebag i Hai a le Ea-Ui dAie. Beaucoup de ces clandestins ont été déportés en Haïti, le gouvernement américain les ayant jugé alifi ai laiai de ee a Ea-Unis (Dewind & Kinley III, op.cit, pp. 11-15) Celui qui se lance dans un projet de kanntè ai il je ile face, ce-à-die il risque de mourir en cherchant à rentrer par cette voie au pays visé. Il semble exister une ceaie cciece d dage eia e e ce de aie le e la ee ie sa vie pour la gagner au lieu de rester les bras croisés et de mourir dans la misère. Dans Istwa dwòl, le chanteur Bélo exprime bien ce comportement extrême, mortifère à la limite. Il reporte

113Le 29 aout 2014, la journaliste Nancy Roc a rapporté que, selon une source de la marine dominicaine, un e 23 dia db ie a afage a lage de P Ric d baea i aai de clandestins Haïtiens et Dominicains vers Porto Rico. Voir le lien http://nancyroc.com/naufrage-au-large-de-porto- rico(Page consultée le 7 novembre 2014). Le 26 novembre 2013, le réseau Tout Haïti a relayé une information de Radi Caada el laelle il a 10 e 30 dia l d afage d baea de boat people haïtiens au large de Bahamas. Voir le lien http://www.touthaiti.com/les-caraibes/2977-10-morts-et-30-disparus-lors-du- naufrage-d-un-bateau-de-boat-people-haitien-au-large-de-bahamas (page consultée le 7 novembre 2014). Le 28 jille 2009, le ea 24 Hee a a le ifai de lAgece Face Pee ccea la mort de 2 personnes et la disparition de 85 autres lors du naufrage d'un bateau qui transportait environ 200 émigrants haïtiens au large des îles Turks et Caïcos. Voir le lien http://archives.24heures.ch/actu/monde/tragique- naufrage-nombreux-boat-people-haitiens-portes-disparus-2009-07-28 (page consultée le 7 novembre 2014). La liste de ces cas de naufrage est très longue.

176 le de l de eage d il ace la aee le ea, da kanntè en péril : « Gen youn ki di pase pou l ta tounen/Li ta pito lage kò l bay reken/Li jèn li nan peyi l li gen de men, chak jou solèy la leve li jwenn li pa p fè anyen. » [Ln dene e affime a lieu de retourner dans son pays/il préférerait se jeter aux dents des requins/Il est jeune, il est dans son pays, il possède ses deux mains/Il reste chae jo ne ien faie] Ce cee e ide i eie da le ee d e S Ca, Kilè n ap di ase, chanté par Wooly Saint-Louis : « Pito reken vale m tan pousyè kouvri m jouktan li antere m Pito m kontre lanmò nan chache wout lavi » [Mieux vaut être englouti par un ein e de ecoe de poie j e enterré. Mieux va encone la mo en chechan la oe de la ie] Ce de eai de ee e j beac dHaie alle das leurs sacrifices pour atteindre un autre pays qui leur offre de meilleures conditions de vie et, également, à quel point ils peuvent être amenés à détester la situation dans laquelle ils évoluent. De manière évidente, Haïti y est représenté comme un espace à fuir à tout prix. Le a e daille dig ce efe ae de ceai cae, de ee de ie e de e liaie. P dcie la iai, le ge Mae a aac le i ie da l Chanjman, lequel est devenu un classique : « Gen sa ki eseye sove pou wè si vi yo ta chanje/Gen sa ki pran kanntè/Anpil anpil nan yo moi nan fon lanm/Gen a ki ie ki di Bni oi lenel ! M kite tè mizè sa a. M kite tè lanf a a. » [Il y a ceux qui essayent de se sauver afin de connaître un changement de ie/Il a ce i pennen de kann/Beacop dene e meen a fond de la mer/Ceux qui y parviennent disent : Bni oi lenel ! Jai i cee ee de mie. Jai i cee ee denfe. »] Dans son roman Bèbè Golgota, Pierre Michel Chéry (2009 :11) prête ce même type de a eage icial Rigal Gail da e caai ee la iai dHai et la détresse des voyageurs sur le petit bateau dans lequel il se troai lil chechai se diriger vers le Bahamas: « Si gen moun ki te kwè lanfè pi dous pase Ayiti, yo pral aprann apre Ayiti gen lanfè toujou. » [Sil a de gen i penaien e lenfe ai mie Hai, il appendon il eie dae enfers.]

177

Qelle iee de ie laie, de aicle de ee, de e liaie e dae e de ce, ce de ille le lie eia ee la ie i i e Hai e la ei gale e ligai. Elles portent sur liigai cladeie da dae a. Mais il existe également, en Haïti, une tendance généralisée vers une émigration aie e lgale. E effe, i beac dHaie ie le ie da de age clandestins, de nombreux autres __ en quantité peut-être plus importante __ parviennent à ee lgalee de eiie age, ce-à-dire en ayant obtenu un visa à cette fin. Puisque le besoin de quitter Haïti se généralise, un visa devient comme une clé magique qui, d i da le eeai de l d, ee di le e de la ie. Une carte de résidence dans un pays comme les Etats-Unis, la France, le Canada est ee a ceai ce le ige ae de ie cie. Ce quoi en créole haïtien dyaspora ( aif i ide da a age) icae da liagiaie populaire, la figure de la réussite économique. Ainsi, les ambassades de beaucoup de pays eie cae de deade de ia dee le l. Si pendant longtemps la plupart des demandeurs, lors des rendez-vous, se massaient particulièrement devant les ambassades des Etats-Unis, du canada et de la France, depuis la fin des années 2000, on e cae de fe afflece dea labaade d Bil e Hai. A lhee acelle, liigai de Haie da de a ce le Bil, le Chili e lEae e e lei e. Il e ca de e de ge i f de ie e lace ede dae i de ches ayant déjà une résidence légale dans ces pays. Découlant de cet empressement à quitter Haïti, cette grande désertion frappe les cciece. Bl, aie i e aicliee ieell a cee ei, leie en des mots simples dans Istwa dwòl, cea ael jai dj fai fece da le lignes antérieures : « Peyizan ale/Sitaden ale/Komèsan ale/Atizan y ale/Pwofesè ale/Moun anwo ale/Nèg geto ale/Miien o fin ale e /Aa i ao ale/Se pei a k ap kae/Nèg sa yo pa gen chwa.» [Des paysans partent/Des citadins partent/Des commerçants partent/Les artisans paen/De pofee paen/De gen den ha paen/De gen de gheo paen/Le micien on aimen pai/Mme de oiea paenCe le pa i e

178 détruit/Ces gars-l non pa de choi.]. Dans une autre musique, Kote moun yo, ce même aie eie e de ee i f ee de cece affecie de cee grande désertion : « Kote moun yo o ?/Mwen pa wè moun yo o!/Kote moun ki te enpòtan nan kè m ?/M pa wè imon ki e gandi a m » [Où sont-ils ? Je ne les vois plus/Où sont ceux que je portais dan mon c ?/Je ne oi pa ce i on gandi aec moi] A ai, ce i eie da ce deie fage de ee, ce ide occai a labece de e che i ai. E fai, da el clia de dei, il e lgie de aede ce il ai ceai effiee de lie affecif entre certains individus, leur présence-ensemble devenant éphémère et aléatoire, dans certaines conditions. Il faudrait seulement mentionner ici, à titre de recul, que les réseaux sociaux permettent de garder des liens très vifs entre les amis, les camarades, les membres de faille, ec. Mai a a ceaiee la possibilité de maintenir les mêmes relations avec les mêmes intensités. Quand des familles entières cherchent à fuir un pays __ certaines y réussissant très bien __ aed alee ce e, da aei a lointain, un ami, un proche ou une connaissance parte définitivement. Après des mois ou e de j dabece, e fai e deade i a lage . Da le cche laie le l ae, be ce i e d fai e el dcide de eei ie e Hai a j lage, il ae e la ee e ei a a fce d ee, elle a effeciee la possibilité de demeurer légalement dans ce pays étranger. Ce e l e ddie de cela, ce e b be dHaie i ie acellee e Hai ee elee ace il a ece la ibili de ai. Beac dee e aede le ai dfiiiee. Dae cheche partir en faisant des alliances réelles ou fictives avec des personnes ayant une nationalité age Haie i ide lgalee lage. B be de ca, eia leur chance limitée pour obtenir un visa, adoptent la voie de la prière. Lors des séances de prière dans des églises protestantes à Port-au-Prince, il est très courant de constater que beaucoup de Chrétiens, passeport à la main, implorent le secours divin pour obtenir la chance dai ia e fi e ede-vous dans une ambassade. Ce type de prière i de galee ele ie e diig a lfficia i fai e de

179 ai a aicia. U ia be, ca e ee a ei de lglie témoigner de ce bienfait divin, remercier Dieu e ecage dae ge ee da la fi. Se fai bee facilee da de glie eecie e Hai. Ce dage il ai a de de aiie daille i aie eeige daaage liagiaie de partance en Haïti. O aai d de ee e le if i ei e Hai ligai e exclusivement lié à des facteurs économiques. Au contraire, les raisons qui portent les individus à déserter le pays sont multiples. Il faut remarquer que ahe dici multidimensionnelle englobe les situations de précarité et de misère qui porte les individus à quitter le pays. Les persécutions politiques, les climats intermittents de terreur généralisée, le banditisme, les crimes organisés, lii e dae aee de laaeil jdiciaie haie, labece le ae daaage cia, la faiblee d e de a e le aee de eice daace, , ee ae, de aec ia de ce clia diécurité généralisé qui décourage les individus. Sous la dictature des Duvalier par eele, beac diellecel, de feiel e de cade blig, de fce de circonstances, de quitter le territoire haïtien (Diederich, 2005). Mais actuellement, nous sommes e ece d ae cee ci-politique. Cee ici lidieielle accage d eie diceide i envahit les acteurs, même ceux qui sont les mieux positionnés socialement et économiquement. Ainsi, vivre dans un pays étranger devient de plus en plus un idéal partagé. Pauvre ou riche, on ne peut pas être sûr de pouvoir continuer à vivre dans ce pays, les cdii de ci a a fai ie. Me aec eie eel de réussite économique et social, on ne peut pas être rassuré. On a toujours une préoccupation qui persiste ; elle peut être liée à un besoin de loisir, par exemple. On se pose la question de son avenir et de celui de sa progéniture, du train où se déroule la chose liie. Ce dc un constat que tout observateur peut faire : de j, liagiaie de aace die en Haïti ; il aei idiid, de aie de ae. Il eie a eele partir de cette question incontournable que chacun se pose à un moment ou à un autre du déroulement de sa vie en Haïti : partir ou rester ? Assurément, cette question ne se pose pas de la même manière pour tout individu ; a de, elle a a la e cece e la

180 même nécessité pour tous. Elle ne rencontre pas les mêmes réponses chez tous et toujours. Mai elle ee ilcable da lde bigahie i a acellee e Hai. Pie le bei de ai e elaiee ea e eahi daaage didiid, un « visa » gagne en valeur pour tous, riches ou pauvres. Il est essentiel, en effet, de pouvoir se rendre quelque part ailleurs, Haïti évoluant dans une insécurité dont on est presque caic elle e iable. Ce i i da le ia da la cae de idece d a age a ee e c, e i gage a ie l i dcee e Hai. Ce e cl eea de chae, d i eda certain temps, lorsque le pays est chaud, comme on dit dans une expression très courante en Haïti. De e fa, ligai fige ai le eillee i ccea le aei ; plus d e eee le ie aille, e il ie ece a a. Hi la iai de ae il effce de fi, beac dHaie cheche pouvoir bénéficier des soins de santé, à résider sereinement dans un pays plus sécuritaire en termes de justice et de cadre de vie, etc. Aussi constate-t-on un mécanisme essentiel au fondement du phénomène de diei d jai al da le lige cdee : les individus éprouvent des grandes difficultés à se projeter, sur le long terme, dans un avenir figuré au pays à déserter. Ce da ce cade il fa ie a eele cee ei répandue e Hai de fee (ce ai e affaie dhe) ie de clae moyennes haïtiennes à accoucher dans un pays étranger __ ea ia dee le sol visé __ afi de eee le gie dai e ae aiali e dc, pense-t- e ca, de gaaie aei l aa. Ce e ei de ci i doit se poser de manière sérieuse en Haïti. Nai, e il e galie, liagiaie de aace e di a ae le eie daaeace e daachee idiid e e face a. Lailleurs est incontournable certes __ ne serait-ce e ee de la lace il cce da le eiee ccea laei d idiid. Mai e di de ble de type, il existe, dans cette réalité haïtienne si complexe, des ressorts qui accrochent les individus, une sorte de cie ideiaie a aie e ce i f leiece de vivre ailleurs. U ceai be didiid ee aach le as, y demeurent e e aa la ibili de ide lage ; ce sont ceux qui se donnent des raisons

181 pour toujours devoir lutter afin de rester dans leur pays. Il y a en eux un irréductible qui les portent à vouloir rester en Haïti, même si, aux ye de l d, cee dcii e eble inconséquente et mortifère. E ele lige, ici e eai de liagiaie de la aace i prédomine actuellement en Haïti. Fait important à considérer, cet imaginaire se combine de manière cohéee dae de e aicie aii la cfigai de lde biographique qui existe en Haïti. Je tente, à présent, de présenter une autre tendance dominante de ce même ordre biographique dans lequel prennent sens les comportements, expériences et les sentiments des individus ; il agi de ce e je e de la production d'une identité en souffrance.

6.3 La dci d i ffa

« A chaque moment du temps, à côté de ce que les gens considèrent comme naturel de faire et de die, c de ce il e peci de pene, il a oe le choe leelle la oci fai ilence e ne ai pa elle le fai, oan a mal-être solitaire ceux et celles qui ressentent ces choses sans pouvoir les nommer. » (Annie Ernaux)114

Dans le champ des sciences humaines et sociales, il existe une abondante revue de littérature permettant de rendre compte de la manière dont les contextes socio-historiques et culturels, les institutions établies par et entre les hommes et les femmes, les situations et eecibe fabriquer les individus qui, de leur part, détiennent la capacité de participer à leur propre façonnement et de donner sens à leurs expériences singulières. Au chaie cde, jai el i la i de ocialisation est utile pour traduire ce phénomène de production des individus et pour en éclaircir les mécanismes. Même avec ses limites théoriques, ce concept permet de comprendre que les environnements socio- économiques et politiques et, de manière générale, les conditions objectives dans lesquelles se dlie leiece idiidelle e cllecie e a a a aec le ii d

114 Cet extrait est tiré de Les années, à la page 105. 182 monde des individus, leurs manières de penser et de se représenter leur existence. Le principe hologrammatique évoqué par Edgar Morin (op.cit.) permet de discerner des nuances là où la cialiai failli da la chei de caie a leel le ebe d c cial, da le aie de e de ei, deiee e de caaciie et des mutations profondes de celui-ci e ide de. Ce aii la clei d el he __ condition nécessaire mais non suffisante pour penser le processus de subjectivation dans le milieu social en question __ e jai c irtant de construire la notion dde bigahie. Que les situations sociales conditionnent les expériences les plus intimes, voilà un fait i a ieell e fie aei, l i aiee, de attitudes et comporteme de Haie la e Hai lage e a aec lli d ie-eeble. P ai e daei, je i ae faie de beai e eea de dcele ele iciale edace de lde bigahiue i a lie e Hai. E aie de a dei, de diii affecie e de eie che le idiid cce a la iai gale dHai e lli de la ali, je ie il a ibili de ale de la dci e de leiece de fface aage. Le ee deiece ele al de lde d eei e de l. Je ee de ede ce de cee fface da la ee aie. Je cie deble e cette expérience de la souffrance, à la fois en tant que résultante et dimension constitutive de lde bigahie e c acellee e Hai, cde de liicai de fai e iai de la ali haiee, de leiece de labad e de liagiaie de la aace e jai dci l ha. De le de cii ie ce de alable ceaie la chei de elle fface. Dabd, je lige e celle-ci ne se situe nulle part dans les modèles dominants de classification des pathologies mentales dont le plus célèbre étant le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), un document de fece da le de eie. Ce e de dle hie, e effe, de adii cieifie e cliie fde eff dbjeciai de lhai a e de cle eiea l ed eie, ee, claifie le e de ie el patient. Les maladies y répondent à des étiologies et nosographies types ; des méthodes de traitement sont prévues pour chaque type de maladies. Je me démarque de cette conception

183

ahlgiae de la fface haie. Lhe a e clee e imprévisible, aucun document, si détaillé soit-il, ne saurait contenir toutes les formes de sa souffrance. Je e diige l e cade hie i, aheda le hai ce un sujet socio-historique capable de réfléchir sur ce qui lui arrive, permet de saisir la fface haie e a expression de conflits intrapsychiques, de difficultés existentielles, de malaises liés à des situations problématiques. » (Gaulejac, 2009). La fface d je ale e dc a e ahlgie ; mais elle émerge plutôt parmi un ceai be didiid i ea e ieell de aie iee par des faits et réalités déclenchant chez eux une affliction partagée puisque, dans leurs représentations, lde de che deai e ee aee, ce-à-die de elle aie il eaie satisfaits et éprouveraient un plein confort identitaire en appréciant la marche de leur pays. Ensuite, cette forme de souffrance semble détenir des racines anciennes qui remontent au XIXe siècle haïtien et peut-être même à une période plus lointaine. Michel Hector (2012 : 239) soutient, en effet, que parmi les Africains déportés à Saint-Dige, il e ie, progressivement, un peuplement unique ayant en commun « un destin de souffrances et de luttes pour la liberté ». Dans son long poème Les dix hommes noirs, Etzer Vilaire [1901]115 (2011), met en éidece lhiie de ele jee Haie i eaie ede-vous nocturne pour se prononcer ensemble sur « leur sombre existence » ; ces jeunes en avaient ae de la de dlabee dHai e de la ie. Il f la la ie a abais il eaie da cee de ie e dagiai liie. E lia La famille des Pitite-Caille de Justin Lhérison [1905](2007), ne peut- a lie e iee de la de dégradation du pays et surtout à la manière des politiciens de le de diige le a de se concurrencer en vue de prendre le contrôle du pouvoir politique ? Deux ouvrages retiennent particulièrement mon attention en ce qui a trait au sentiment daee e ciai la iai glbale dHai e la fin du XIXe siècle. Ce sont Leffo dans le mal dAe Fii (1862) e Les causes de nos malheurs dEdd Pal (1882). Ce age ieaie e aale afdie da le cade d aail fleif i viserait à mettre en lumière la manière d eeble dee ia, de le

115Da la ei e jai cle e d le fece cle de a iea de la bibliographie générale de cette thèse, il e ci e ce Gege Slai i, e 1901, a ecag lae publier son premier recueil de poème (voir la page 8). Il est donc très probable que ce texte ait été écrit vers la fin de la dceie 1890 le d XXe siècle. E ca, lde bigahie i a ii lae (il e e 1872), aura été celle qui prévalait dans le pays vers la fin du XIXe siècle. 184 politiques, de difficiles conjonctures ont été vécus en Haïti, du moins par ces auteurs, à la fin du XIXe icle. Mai li e a l ; il se situe plutôt au niveau des modalités subjectives de lexpression des diverses mouvances socio-cie e liie il a ee e Hai ee 1986 e 2016, iealle aicliee iae cide i l eed die he cial i ae. Cee ide e daa l deiae elle ccide aec le delee ecaclaie d a haie, he i ieelle da le cadre de cette thèse. Ces deux conditions étant posées, je peux maintenant passer aux éléments de précisions méthodologiques que nécessite une élaboration autour de la souffrance qui découle de la daie ciliie dHai. Slig e ce le dbeai i e e lce de ele ie laie eie d alie cial. Mai cee souffrance, tendant vers une certaine généralisation, ne se confine pas seulement dans les textes de musiques ; elle eie ae de a, de ii adidiffe télédiffusées, sur Facebook, ce puissant réseau social qui prolonge la vie intime des individus (Tie, 2011) ece ai de ie e ci de e eiece eelle l de conversations ordinaires et surtout au cours des entretiens menés auprès de quelques personnes rencontrées dans le cadre de ce présent travail de thèse. Dan le cee de cee de, e fece ce e jai dj del ccea la daie ciale haiee, jelie le ee de soi souffrant » pour désigner une diei ciie d idiid hai i, e e ecaia e a Hatien ou en e dfiia e lie aec le a e ei, e eie clee dafflici, de ceai, de cle, de dgde dcagee ie de he lil e cf de fai e de iai ea e eege, de aie de ae, la gai de problèmes existentiels auxquels on est confronté dans cet espace social. Devant un événement bla e iai dceae, lidiid ed ede e fface allia plusieurs autres sentiments qui le mettent dans un état relativement profond et plus ou moins durable de gêne, de confusion, de désarroi, de tristesse, etc. Cette souffrance peut prendre la fe d dei ie de deace e a lidiid lil e i efce dans cette insondable détresse sociale dont parle Natacha Giafferi-Dombre (2007 : 9-21) da le ca dHai, e ci i, el elle, iie ii e gace. Elle se laisse

185 exprimer par exemple à travers ces quelques phrases tirées de Pou Ayiti116, une musique connue du public haïtien depuis les années 2000 : « Ayiti si w wè jodi m vini/ Se sijè w ke m chwazi/Se paske m ap soufri/Si w wè ke melodi ke w ap tande yo on jan tris/Se konsa mwen santi m/Mwen la devan w cheri/M ape gade w k ap depafini/Mwen pa ka menm itil/Chagren tristès met ak remò/Pou yo fini ak lavi m/Alò m pran pli m pou ekri w » [Hai, i me oi ajodhi/Choii on je/Ce pace e je offe/Si oi e la mlodie e coe e ie/Ce comme a e je me sens/Je suis là devant toi/Je te regarde en train de dépérir/Je ne peux même pas être utile/Chagrin, tristesse se mélangent au remords/Pour achever ma vie/Alors je prends un lo po cie. »] On peut le remarquer, par cet acte cathartique que constitue lcie, lae adee Haïti, à la fois source et objet de sa souffrance : il aimerait voir son pays sous un autre jour et, e e e, iia, il dle la de celi-ci. Ce eie diiace efce daaage la fface il e fce de cae la dchace de a. Dea ce claiee ei, je ced il e le lie eia ee la affecif de lidiid e a cciece de iai cce i ale da lie dù il ie e dfiii de ce il e. E fai, ce ace e le dlee de la ie ciale haiee egge de iai alarmantes, de problèmes cruciaux, de faits divers choquants et de comportements insolites à la liie, a c de leiece de labad, e e efce e eiel deffe de chagi a iea idiidel. O, el lde bigahie e c, ce ace e le potentiels dynamiques de cette société __ en termes de sa capacité à affliger __ eece aec récurece e dabili e le effe ede e ade e ialle de aie elaiee eiae che le idiid, ce i e a a lie aec la cci identitaire de ceux-ci. Ainsi tendent à se systématiser au niveau subjectif les conséquences afflictives des faits et événements découlant du déroulement de la vie dans cet espace social. Le caractère commun de cette souffrance se fonde sur cet effet de systématisation. Dans un texte portant sur un sujet connexe, le philosophe haïie Edel Did (2012) ale de communauté de souffrance partagée par des Haïtiens dans le contexte du séisme de janvier

116Cette musique peut être écoutée directement sur Youtube à partir du lien suivant (page consultée le 3 juin 2016) : https://www.youtube.com/watch?v=k67fCTgOCqo 186

2010. Cet auteur met en évidence, entre autres, la grande solitude et la détresse du peuple face a haie i affiche a liiace e licece de e eea; il e dcle e gade fiace face a iii liie e adiiaie. Pa lage de la i de ca de fface, la dali cllecie de leiece de iai dlee e ie a j. Lidiid e a el e eie de al-être face la de diai de la iai de a ; dae le de ce e système social expérimentent des états affectifs et émotionnels similaires en lien avec ce que le pays offre comme réalité objective. Si le social se laisse envisager comme une « dimension ciie de lidei idiidelle » (Chebel, 1986 : 149), dans ses traits distinctifs, il ne saurait ne pas atteindre les individus dans leur subjectivité. Par conséquent, quand une société porte ses membres à se confronter quasi-constamment à des situations et faits accablants sans e la le d chagee e e ie lhi, le eie gaif i e dcle sont vécus sous un mode à la fois singulier et collectif. Malgré son caractère intime, la aiabili de iei e la diei de e fe deei, la fface de individus se répand dans une large mesure. Dès lors, elle se révèle dans sa dimension ideiaie. Le i i ffe e e cci ciale la de liflece clee des actions et interactions entre les individus eux-mêmes. Avec Marc-Henry Soulet (ibid., pp.9-11), je peux soutenir que la souffrance engendrée par les faits relatifs à la réalité haïtienne e de ae ciale e ce e elle ie igie da e eiece ciale iglie et dans des rapports sociaux spécifiques. Selon cet auteur, la souffrance sociale est inhérente à la vie sociale bien que des pathologies sociales vécues par les individus puissent trouver un cadre propice dans telles configurations sociales plutôt que dans telles autres. Il conçoit la souffrance sociale comme « lepeion de fagili indiidelle ne de leigence ociale daonomie e de aliaion de oi dan ne configaion ociale i noffe pa la garantie de supports institutionnels et de protections formelles. » (Soulet, 2007 : 11). Ce a niveau des déterminants socio-hiie e l di cheche la différence entre les diverses dali de leiece de la fface ciale ce a de idiid de de ci distinctes. La i de fface, elle e je leiage, e di a ge le diffee fe daee e a de Haïtiens dans des situations disparates mais qui sont liées à la gal d a. A caie, elle le eglbe e le aicle e ce e e faie

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ei. Elle eacie da la ie idiee ce a de idiid da le chai, la galère à consentir pour obtenir un service minimal, les manques de toutes sortes, les modes de aiee d e lbje, ae le ecacle ffe a le liicie, ec. Le l a la ibili daccde leei de cee fe de souffrance, on peut se rendre ce el i e bile lile e aiable. Elle eie a eele ae labaee, leee e le eie diiace ei a Ehe117 sur sa age facebk ace elle ei cie ia 7 i a la dae dii de celui-ci. Esther dénonce le service au rabais fourni en Haïti par la poste, institution publique, ce elle ai e ee ce la d eice ffe a dae iace aie (llecici dHai, Diea, le Achie Naiale, le eice diigai e digai, le iie de la jice, ec), lia dae Haie. Ce face de fai jg la e l e de fl de eage eia li de le ae. Pa eele, da cee agi de a liie affaie c de lga le e claa d arrière petits fils » de Dessalines, le fondateur de la haie, e le ae d arrière petits fils » de Pétion, le 18 novembre 2013, Greg a publié ces propos sur sa page facebook : « Jodi a, revòlt, kòlè, degou, tout melanje ansanm pouse m pale. M twouve li sal, pou moun ki degize yo an politisyen pran plezi nan detwi peyi sa. Pil madigra mal maske, san jèn, sòt kon panyen pèsi, san fwa ni lwa, pran non EWO nou yo (Dessalines ak Pétion) pou yo fè peyi sa fè bak a vitès TGV! » [Ajodhi, ma ole, ma cole, mon dgo, o e mélange et me pousse à parler. Je trouve malsain de se déguiser en politiciens et de tirer du plaisir dans la destruction de ce pays. Des bouffons, sans gène, des sots, sans foi ni loi, brandissent le nom de nos héros (Dessalines et Pétion) pour faire effondrer ce pays à la iee dn TGV.] Si Greg exprime clairement sa colère et son dégoût, face à la montée des tensions liie dea de iai bleeae, dae eie le bei de e ee labi gage e de ailli dei. Da da d 13 novembre 2012, Weberg a pal de faige dei, de eai de ee de la i d e e de gade eie dai chae a clia de ilece i gai

117Bien que leurs propos soient red blic ce ea cial, je e gade de le lidei de personnes (celle mentionnée sur facebook) dont les posts sont rapportés ici. Esther a publié ce message le 11 décembre 2013. 188

Port-au-Prince depuis plusieurs jours dans un contexte de manifestations des étudiants de lUiei da dHai clae jice le caaade Daal D'Hai, assassiné par balle à la faculté de droit et des sciences économiques. Quant à lui, Benito exprime son aversion pour les politiciens de son pays : le lundi 12 janvier 2015, il a écrit sur sa page facebook : « à entendre les politiciens de ce pays, je ne peux m'empêcher d'avoir envie de vomir !!! ». Orlando, pour sa part, semble avoir une position arrêtée par rapport à la situation du pays. Il a en effet affirmé ce point de vue sur sa page facebook le 3 janvier 2013 : « Antouka! Si nou pa kouri parapò ak sa k ap pase nan peyi a se paske nou idyo! » [En tout cas ! Si no ne fon pa face ce i e pae dan ce pa, ce e no sommes des idiots. Mai dae ee le ardemment pour ne pas succomber aux effe de la dle ale e e le ble dHai. Bb le di claiee da il a bli le 28 ebe 2013 : « Mwen pran yon piki ki ansetezi m kont tout poblèm peyi a, sinon doulè moral ap touye m. » [Je pend ne pie i manehie cone o le poblme d pa, inon je serai tué de douleur morale.] Mettant à nu la souffrance de leurs auteurs, ce type de propos fait écho à des points de e e a de ee aec i jai réalisé des entretiens au cours de la réalisation de ce aail. Le 1 a 2014, l d eeie aec Gil, ce jee ae de Caef a affirmé ce qui suit : « les politiciens minent le pays par des vols de fonds publics et des querelles entre e. En pl, il on ojo la adio po adoe. Je ncoe pa de noelle, celle- ci sont trop énervantes ; jcoe je de miion de adio i mamen. Ce on le mme noelle i e pen la adio Rien na jamai chang. Pafoi, jai fanchemen enie dalle loin de ce pa po e labi de oe noelle concenan ce i pae. » A ai de ce bibe de ee, e eae e eiece cie de frustrations tend à enfermer ces individus dans une attitude de fuite, de résignation, de déni et de ecee, ec. F e dcce face laide de liicie d a, aa a a de le eae, ceai idiid ade e agie de baaliai e dexil dans la distraction comme le jeune rappeur. On peut aussi penser que, face à des frustrations en série, les attitudes de dépaysement peuvent empêcher aux individus de se

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iie ce de je de le hiie, ce-à-die de egage da de aci daciai e de afai de le cdii deiece. Checha fi dénier la réalité insupportable __ le verbe « dénier » est utilisé ici dans son sens psychanalytique __, ils risquent de se blottir quelque part, nourrissant en eux la souffrance eae cee iai. O ai e ee e ia Hai, ce-à-dire en résidant dans un ae a, idiid e e, e fi e, labi de cee fe de fface sociale engendrée par des faits et siai blaie. Li e fa. Le idiid emportent au fond de leur être cette souffrance qui se nourrit à leur contact avec faits et iai de le a digie. Le fface ed la fe de douleur pays une expression très sigificaie chiie a Silia Bleicha (2003) ce ie d age ia ccea la ie de Agei da le ae 2000. Via lage, beac dHaiens continuent de garder une proximité avec la réalité de leur pays, laquelle proximité se trouvant amplement renforcée non seulement par le maintien des contacts avec des proches e a becail ai galee a lage de echlgie de lifai e de la cicai. E effe, lhee acelle, gce liee, il e possible à un Haïtien ia e Aie d Nd e Ee de ife de ce i e ae da a e temps réel, au même moment que ceux qui vivent en Haïti. Sur les réseaux sociaux circulent ordinairement des copies de documents officiels, des dche, de id, de h, i, de aie eaielle, ife le ieae de ce i e ae e Hai. Chac a la ibili de blie ce il e a age facebk ce eee, ec. Da le climat de cette relaie facili de la cicai, chac a la ibili de bie if de elle dHai, il i la lae. Aec l gad acc liee, idiid ida da ie el a e e a ca de ce i e ae dans un quartier de Port-au-Prince ou dans une section communale reculée avant ou sans que cette nouvelle soit connue des gens vivant dans ce même quartier ou dans cette même section communale. Or, les faits qui attristent résultent de cette réalité haïtienne avec laquelle on garde le cac. O e dc cede e, e i lidiid le e da e ae réalité socio-économique et politique et en dépit de ses nouvelles et pressantes préoccupations, par rapport à la marche de son pays, sa souffrance peut bien persister. Cette souffrance est de

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ae e aie chae fi il e e fai, ee ie e e i li aelle e a a al. Cee fface e e lidiid a fd de e e lien avec la ali de a ed afi la fe de cfi, d cfli iachie, d dchiee i efce che li eie de al-être eideciible. Da da de 12 cbe 2013, a age facebk, Bb blie un message qui peut exprimer cette confusion : « Lè w nan lòt peyi nostalji vle touye w, ou rive nan peyi w fristrasyon vle kokobe w.» [Qand e lange mee de noalgie, ai dans ton pays les frustrations te paralysent.] Qil agie d mal du pays ou des déceptions la de la daie de ce e a, e i leei d alaie ideiaie ica da lli de a de lidiid aec la ci da laelle eacie hiie. Sa fface e en ce sens pesante et pénible ; il e e dfai e difficilement et partiellement. Se dfiia e e ecaia e a Haie, la fface e e idiid ia lage e, a aille, dae cade ege : elle résulte des ieaci ciale eeee aec de ee aa dae aiali. E effe, cee fface acie chae fi e lidiid e dea e iai, fai e i le cfe lide il e d a a va mal. Dans sa vie quotidienne, à travers ses relations et interactions, il existe des comportements banals et subtils qui sont susceptibles de provoquer sa souffrance identitaire. Ce peut être une simple conversation concernant un aspect quelconque de la ali haiee, e ei d ai de caiace li deada de elle dHai, ec. Pie liage e lidiid ci de li-même, dans son eie de cifici, e aai e dai de la eeai il e fai de la société dans laquelle il plonge ses racines identitaires (Jean-Ye & al, 2004) e, ccie de la de dégradation de son pays où il se passe constamment des choses difficiles à supporter, il se développe chez lui une susceptibilité qui le fragilie e i le e ffi daaage. Aii prête-t-il une attention soutenue à la manière dont on lui parle. Je pense à cet étudiant haïtien qui est venu à Paris en 2013 pour préparer son diplôme de master 2. Il raconte son malaise profond et continu devant la sincère sympathie de ses collègues étudiants qui lui parlaient, lui deadaie de elle de a. Ce i li caai l de fface, el li, ce de le eie de faie ii ce eia de ce a ae aa connu un tremblement de terre dévastateur et qui offre souvent des spectacles désolants sur le plan

191 politique. Il a pris du temps pour observer que dans les cours, il prend toujours le soin de cie il cai ee e Hai, ce i, el li, eblai e l d. Ce dia la affi : dans un autre cadre social, à travers les échanges avec des age, ce i cae la fface d eia haie e eie a j aec méchanceté ou une intentionnalité malveillante. Certes, certains individus peuvent évoquer un lie fai e li la iai dHai e e de aie ie de dabilie un interlocuteur haïtien. Je cite cette étudiante haïtienne résidant à Saint-Denis à qui son copain étranger a dit : « Ah ! Tiens ! Tu as un comédien comme président.» Elle a interprété ces e a e ile ca elle cidai dj ce age le fai e ele soit amené à accepter pour président de la république un ancien musicien qui débitait des bci a e a de le de. Laccei de ce vulgaire comédien » à la présidence, comme elle le répétait, est déjà un objet de souffrance pour elle. Mai e lielce age e ai a i e ile aci ou réaction de sa part peut entraîner une souffrance profonde ; il ne saurait le comprendre tellement, à ses yeux, un mot, une question, ou une attitude de sincère sympathie paraît normal. Pourtant une simple parole de sa part peut se manifester comme un ciseau dans une plaie. Quant à lui, lielce haie e cf ce i ile ai i aie la dle fde efie e li, da idei e a e eia dHai, ce a a milles problèmes. Cette souffrance dans lidei e ede la fe de he e a lidiid e a il ie de ce a iia a de ii. Le l deie ccie de la ae de a, e l gage a ie lage da de cdii caie encore, le l e blig de faie aail e l aai a fai da a digie, e bablee de la he. Cee he aaille daa l lidiid e le a digie fai lbje de igaiai de aaie presse dans les dia ieaia. Nbli a e le Haie e le a ide ce de eable de lidie d Sida a a-Unis, accusation qui a été accueillie comme une évidence dans les milieux scientifiques (Farmer, 1996). Cette maladie sexuellement transmissible a été préalablement désignée de « 4 H », abréviation du nom des quatre groupes que les scientifiques croyaient en être les responsables : Homosexuels, Héroïnomanes, Hémophiles et Haïtiens. Par ailleurs, remarq e le de aie le l cae de

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ale dHai, ce de die e ce a e le l ae de lAie e l de l ae a de. Ce alificaif e lidiid ciea, fadea e da les interactions sociales; dans les médias internationaux, il marche de pair avec des reportages, des images de la désolation qui alimentent une sorte de pornographie humanitaire (De Montclos, 2009). Vincent de Gaulejac (2008) a montré comment la pauvreté et la précarité peu constituer de ce de la he i e caie leeble de leiece d idiid hai. Da le ca de cee he e a lidiid e lie aec la e la daie de a, il agi de iae ideiaie le cce e efee da eie difii a ei de e ieaci aec de ge aa dae aiali. Ce le soutient cet auteur (de Gaulejac, 2008 : 67), la he de lidiid e idicible ace e parler conduirait à mettre à j de che iaable e a ie de i-même désavoué. Le je e aag ee le bei de die ce il e, deie ce il ee, e la caie de djg. Da le ca de Haie ia lage, i cee he __ et la souffrance qui en découle __ e iaable aec le age, elle eie facilee ee Haie. Lelle e ace da ce e Did aelle e ca de souffrance, elle donne souvent lieu à des multiples récits mettant en exergue la diverses aie de ffi e a e e de ali haiee dlable. Si la aiali e a ice, elle di a ae d l ie ce aal ed leffe de cie de i i ace a ae e dgadai ciale e l dai cache » (Cyrulnik, 2010 : 31). Ceai affie e ae le he e le ege de Haie ; dae affiche e ii iige. P ee dchae cee fface, ceai Haie e aalisent et essaient de se dépouiller de tout ce qui peut révéler leur provenance (langue, accent, coutumes, etc). Mai da dae ca, il ade de agie ideiaie (Caillei e al, 1999 ; Leon & S, 2001) e e de e il caable. Ce dia i ffai de lage eai de faie ii e a Haie e effc dai la ei bie la fi de ses études de master. Il lui a fallu un peu de temps pour comprendre son obsession à toujours e il etournera dans son pays une fois ses études terminées : cai e-être un moyen de affie e a e je, de e cage dhabie Hai l e e ce ace paraît incompréhensible pour certains. Erving Goffman (cité par Leon & Snow, op. cit.) a le

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ie dai i e idece la aie d le e hai ilie de e e la igaiai d il f lbje e iai dieaci ciale. Mai le agie ideiaie eie a la fface de lidiid. Pa eele, la ali haiee, la daie de a ieidiidel i e l aele lHaie e a a al ; ce ael e fai e aie cee fface da lidei. Reste à savoir comment on peu deei je a ei de elle ci i e cie de die de la fface che e ebe. A deie chaie, jeaie de de cee ei e ia la flei a de ce e l aelle musique engagée » en Haïti. Mais aa d aie, il fa able fi de le de cii ccea le cade méthodologique de cette thèse.

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Deuxième partie : Démarche

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Chapitre 7 : Précisions méthodologiques

Tout travail de recherche scientifique a e elaie eege e ce e il di aifaie eeble deigece. Ai lii il ie e, ac a de echeche ne saurait être un simple exercice spéculatif de cogitation ; encore faut-il y décrire, de manière cohérente, la dache e l a ade ee e acii e, , abi a la e l ee de faie ali. Aa die e e echeche ei de cieifici, le ei dde hdlgie cie i eeiel. Ce ce i ee lece deaie a li-même les conditions de réalisation du travail de réflexion qui lui est présenté. Partant de ce principe épistémologique incontournable, je tiens à faire état, dans le présent chapitre, de la manière dont mes activités de recherche se sont dle, d db la fi de cee he. Je fai leff de ee de dail ia i ee eeige le lece le diii e jai ie aeide e bjecif de echeche i articulent autour de mon intérêt à comprendre la manière dont un rappeur est dee ce il e, ce-à-dire un sujet conscient évoluant dans cette pratique musicale au sein de laquelle il a développé des savoirs et compétences qui font de lui un connaisseur à part entière, un pratiquant chevronné. Je tente également de saisir le processus par lequel le rappeur devient ce sujet autonome de sa pratique dans le contexte socio-économique et politique dHai da ce ee deie ae, leel cee dont nous venons juste de voir quelques caractéristiques importantes. Ce chapitre est reparti en quatre grands points. Dans un premier temps, je fais ressortir des précisions relatives à ce que je peux appeler mon « terrain » de recherche ; a, jabde la question si cruciale de la construction des matériaux empiriques. Une fois précisés ces deux points importants, je présente mon propre regard réflexif sur moi-e e lie aec le chei e jai ac afi dabi ce a de recherche qui ed la fe de he de dca. Ce e ae i e le importante dans un travail de recherche car avec Georges Devereux (1980) je peux dire que le chercheur en sciences humaines et sociales est émotionnellement impliqué dans son matériau, ce qui entraîne chez lui une angoisse inévitable. Il est donc important, selon cet auteur, que le chercheur rende compte de son engagement personnel dans son matériau. Dans le cadre de

196 cee he je ci ia dade cee e i e eet de jeter un regard sur moi- e e a beae, de e e aei l ee a aie de cde pour proposer ces éléments de compréhension sur la pratique du rap en Haïti. Ce moment autoréflexif étant souligné, je passe à une autre partie décisive, celle qui consiste à présenter la dache ade aale le aia i i. Il agi de cie claiee, liei d lece, la aie d je i i abi a die éléments de compréheni e jai ideifi e i la dici.

7.1 Définition du «terrain de de

Le de ei esentielles que je me suis posée tout de suite après la validation de je de echeche, ce de ai e aec i eeei our rassembler les aia d il e fa afi de alie aail. Face cee ei cciale, jai ali à quel point mon terrain est grand __ iil e ei de ee die aec de la aie d a e Hai. Ce ce e e jai cec e e l gade aei leai e la diei de la aie d a e Hai. E effe, la cle hi- hop se répand dans plusieurs villes haïtiennes ; il faut donc se méfier de la tendance de plus d cfie la pratique du rap haïtien dans les limites de la région métropolitaine de Port- au-Pice. Ea ccie de legee ec a la cle hi-hop chez des lai de jee da de ille de ice, le l e e de cede la pratique du rap en Haïti, il est logique de se demander dans quelles villes ou dans quels aie di ciccie la echeche i a a le e ceaie de aci tous les recoins concernés. Da ca, jai ie ci la cei de délimiter les lieux de mon enquête dans la zone métropolitaine de Port-au-Pice. Plie ai elie ce chi. Dabd, jai lii a ae de ece. Naa a e ae de fiacee118 pour ce aail, jai blig de faie avec mes propres moyens. Il a donc été très difficile pour moi de mener mes investigations dans plusieurs départements ; caai iible. Eie, jai été aussi contraint par le temps. Mener des observations et des entretiens dans plusieurs

118Je tiens à préciser ici que da le cade d aeaia ee lUiei dEa dHai __ où je travaille comme chargé de cours __ e lAgece Uieiaie de la Fachie, jai bfici d complément de bourse » évalué à un montant de 5000 euros. Ajouté à des billets dai e jai e d eca de lUiei da dHai, ce fiacee a ile. Je fie de lccai e eecie ce institutions. 197 endri, cela a a elee c fiacie ; ce sont en effet des activités qui exigent énormément de temps de la part du chercheur. Or, le temps de réalisation de la thèse est limité : e ci ae dde aie ee le acii de recherche proprement dites (recherches documentaires, lectures, collectes de matériaux, va et vient entre Port-au-Prince et Pai, ec) e dae bligai feielle e failiale. Efi, laffiliai hic- méthodologique et épistémologiqe de cee he aec lache bigahie e ciece haie e ciale, jai e il ai a bligaie de ci gad be dedi i flchi la diei da-formation et de subjectivation de la pratique du a e Hai. Sacha e ce i ie da cee dache ce e a le ci de bjecii bei a le gad be ai l la aie d le idiid f signifier les situations et événements de leur existence (Delory-Momberger, 2012), jai ci e je ai ie aail dee, le ciccie da ele ce de la grande agglomération de Port-au-Prince. Cette approche théorique me donne la possibilité de i ee e aa e dabi de ie de compréhension, lors même que mes ece liie. A aie cidai, jai ae ee ieee a choix que je devais faire quant aux quartiers dans lesquels je devais mener mes entretiens et a ae il fallai ecrer. Il y en a tellement en Haïti ! Fallait-il sélectionner plusieurs quartiers pour pouvoir ensuite faire des comparaisons ? Devais-je, au contraire, choisir un seul quartier où mener systématiquement des activités de collecte de données en utilisant des techniques variées et complémentaires (observations et entretiens de recherche bigahie) e e de aeble de aia i ie e eee dafdi le lien quartier/socialisation/processus de subjectivation ? Jai e dacie ce deux stratégies. E effe, jai e il ai ceaie de eeei aec de ae aia ia da de aie diffe. Di a db de la aie eiie de aail je ai pas pensé à la zone de résidence des artistes qi deaie ede a de. U ai a i e cac aec f d a, el i a ali ie de licece e anthropo-cilgie le a haie. Cee ee a facili le cac aec de ae débutants et confirmés avec qui elle a une certaine relation pour les avoir déjà rencontrés dans le cade de la aliai de ie. Ce aii e jai cec abli de cac et à réaliser des entretiens avec des rappeurs débutants et ceux qui ont une certaine notoriété en Hai. Jai ec, ce ade-là, des artistes provenant de plusieurs quartiers populaires des

198 communes avoisinantes de Port-au-Prince : Delmas, Carrefour et Croix-des Bouquets. Au fur e ee, liace d aie aiclie cme Carrefour-feuille en matière de rap a retenu mon attention. En discutant avec deux collègues, ceux-ci fai ee a a que pourrait apporter à ma réflexion un travail empirique bien alimenté autour du parcours bigahie d ceai be de jee aie aa gadi da le e aie. Ce surtout à ce moment-l e jai dcid de e eche beac l Caef-feuille, ancien quartier de Port-au-Prince, pour écouter des rappeurs ayant grandi ou vivant encore dans la zone, parallèlement à mes va-et-ie da dae aie ee de eeie a dae ae. La zone de Carrefour-feuille a une réputation en matière de rap ; ce ia réservoir de rappeurs. Beaucoup de rappeurs connus sur la scène haïtienne proviennent de cette zone. Des rappeurs comme F-ner, Me-Stair, Bricks, Misyonè, pour ne citer que ceux-là, y évoluent. Le quartier de Bas-peu-de chose, particulièrement la rue Nicolas, fait partie de Carrefour-Feuille. Cette rue et tout le quartier en général, sont devenus célèbres grâce à la popularité du groupe Barikad Crew l dei la fi de ae 2000 ce l de plus populaires groupes de rap en Haïti. Par le passé, plusieurs autres artistes haïtiens très populaires évoluaient dans cette même zone, ce qui fait que, dans le discours des rappeurs avec qui je me suis entretenu, Carrefour-feille die la ai d eace faable legece de aie de e. Le de icie ce D, Webe Sic, Rald Baiegead (R Baiegead), Saba Za, Ll Baab, dEdd Fai, celi du sculpteur Préphète Dufaut et du journaliste Gasner Raymond est revenu souvent dans les entretiens menés auprès des rappeurs. Carrefour-feuille détient donc une importance capitale e ce i a ai la aie d a e Hai. Ce i, e ciccia aail dans la zone métropolitaine de Port-au-Pice, jai accd e aei aiclie cee e da laelle jai ali de eeie aec cinq rappeurs ayant grandi ou habitant encore da la e. A c de ce eeie, jai ca la edace de ae ee le ei de lhiie de Caef-feille e ea lacce le chagee a c cette zone du te de le eface j. De ai dde eieeal e cial e ce fe de fai e de ege. Il e e lide de eeei aec he de 58 a habia cee e dei a aiace j ésent. Ce he e l ce b i de chagee e ca ce eace dei

199 le ae 1970 j j. Leeie e jai e aec li a claia e ce e il a ei de ie ie la algie e la dcein des rappeurs rencontrés face à la dgadai de leace hie e de la ie Caef-feuille. Tout compte fait, les différents rappeurs avec qui je me suis entretenu dans le cadre de cette thèse forment un regroupement diversifié à plusieurs points de vue. Parmi eux, il y a des débutants et ceux qui ont fait leur preuve et qui passent de présentation sur la scène haïtienne. Ceai ie Dela, dae Caef, Caef-feuille, Croix-des-bouquets, Turgeau ou à Canapé-vert, etc. Ils sont âgés entre 24 et 40 ans. Majoritairement, ils sont de sexe acli. Si jai ec elee de aee da le cade de ce aail, cela elie a le fai e, e Hai, la aie d a ee die a le he. O connaît très peu de femmes qui ont pu gagner une notoriété en Haïti dans le domaine du rap. Une exception rare reste incontestablement Princess Eud qui a fait une expérience relativement longue avec le groupe Mystic 703 et qui continue sa carrière artistique malgré la dissolution de ce ge. De l, jai ali i eeie aec ae jee fa afi de i ie saisir les modalités de réception du rap et la manière dont se construit le goût du mélomane pour cette variante musicale. Voici, en quelques lignes, le le de cii e jeie ceaie dae quant aux lieux de déroulement de ma recherche. Finalement, on aura compris que mes activités de collecte des données concernent quelques recoins de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, ce i fai il fable de cide cee he ce e de le a dans quelques quartiers populaires de Port-au-Prince. Ceci étant dit, je peux passer aux détails elaif la aie d je i i i le aia idiesables pour mes aale. Cee ei e de iace aiclie ca elle ccee le aie eeielle leelle aie la flei e. Elle ee le de iciale ccai de cheche, ce i il ite toujours de bien définir ses bjecif d llabai de a blaie de echeche. Ce e-être en fonction de liace de la ali de de eceilli e le cialie e hdlgie insistent autant sur la démarche et les techie ade da le cade de echeche de type qualitatif (Albarello, 2003 ; Miles & Huberman, 2003). Passons tout de suite aux précisions liées à la phase de collecte des données empiriques.

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7.2 La construction des matériaux empiriques

Dès llabai de je de he, je e ai dj la ei de ai i allai e fde e aale i e la diei dafai e de subjectivation du rap haïtien. Je me suis rendu compte que les matériaux à réunir sont de ce diee e bee. E effe, il agie de e die a le ae (musiques, vidéos, performances sur scène, etc.), des entretiens accordés par ceux-ci à des dia, de aicle de ee le ccea, ... le ce dinformations ne manquent pas le l e e ddie aec de ce he clee. O e ede conscience de la diversité des sources de données sur le rap à condition de rester ouverts et de prêter attention aux nombreuses informations qui nous parviennent concernant ce genre musical en particulier ou la culture hip-h e gal. Dae ce cee de matériaux peuvent également être consultées ; il agi a eele de dceaie la musique, le hip-hop ou sur tout autre aspect du phénomène étudié. Dans ces présentes lignes, je ee ele dail li a diee ce de de e jai ilie e, , la aie d je i i le aeble.

7.2.1 Des matériaux divers et innombrables E cida lhgi e lebace de ifai ccea la aie d a, jai ea aail a e clai gale de lile ce de de y relatives. Où trouver ces données à consulter ? Cette question ne se posait presque pas, tant liee e aa ce e bae de de eiee i ee de ede caiace de leia. Ce i la la de cea de ie, de idcli, de documentaires et des films auxquels je fais référence dans ce document, je précise surtout les lie iee i eee de le cle e lige. Il e difficile de cle ce aia da le ei igiale, ce-à-dire en faisant tourner les CD originaux sur lesquels ils sont gravés et dont les pochettes contiennent les informations et références complètes. Ainsi le réseau social Youtube a été pour moi une très importante source de de. Ce ea ffe le aaage de lge e abdace de ie (a

201 images ai e aec le ee), de id, de fil, de dceaie, dieie, de dba, aa a aec le die aec de la cle hi-hop et de la pratique du rap en aiclie. Jai de dce ae e ile il me serait difficile de cle ai-ce cee ae ibili ffee gaiee a Ybe. Pai a dae exemples, je peux citer ces rares vidéos où le pionnier du rap haïtien, Master Dji, animait des séances de compétitions entre de jeunes DJ haïtiens à la fin des années 1980 ou ces précieux documentaires sur les débuts de la culture hip-hop à New York, sur les Last Poets dans leurs e, ec. Ccie de libable ai de aia eia le die aec de question i iee da le cade de ce aail, je e i di il fallai cde de aie hdie de e de ede da cee hae i cciale de dfichage de leia. Il fallai dc bie cece e bie aace. La eie chose à faire ai de e ee ce d a. Pl jcai, l jai dce de ie e je aai jaai eede, de id je-là non visionnées, des artistes très connus que jigai, ec. Jai c d a haie, d a faai e d a aicai. Jai ii de documentaires portant sur le rap, la culture hip-hop, la musique noire aux États-Ui, lhiie des Afro-Aicai, ec. E iia e id Ybe, jai la ibili de cle dae de diers types (musique, vidéoclips, documentaires, conférences, interviews, etc.) portant sur le même sujet ; ce aii e jai accde eeble de dce i ei de ife daaage de he elaif aail de recherche. Jai e beac de fai e de dail i alie a caiace le rap, la culture hip-hop, des expériences personnelles faites par les artistes, etc. Dans ce type de domaine, il est difficile de savoir quand les données consultées sont suffisantes ; cela a pas été une préoccupation non plus. Je me suis seulement mis à rechercher, à fouiller dans les aale de liee e de aia ceible de ife, de e fe e de aide aliee a flei. Je ne me suis jamais demandé quand il fallait arrêter ce aail de fille, je ai fai e cheche, cheche e cheche. A ceai e, le vidéos visionnées ont commencé à réapparaître dans les listes proposées par Youtube et des informations déjà eie da le e e e da dae. Ce e ce moment-l e jai cec e ede ce de ele claiciee d je dispose concernant ma quête de savoir sur le rap, la culture hip-hop, etc. Le critère de

202 saturation d ale da le ciece haie e ciale e l alable da le echeche de ie e de id de e e Ybe. Mai eiai leie de j cheche ele che diea e de ea i i e lie aec mes ccai. O aea jaai de dci de che i eeige i, ilee, aje ce e l deai dj ce ifai ceaie llcidai de ceaie ei. Ce i jai ci e cntinue encore mes echeche e l fii, e i, ceai e, je e i ed ce e le informations réunies, à partir de ce travail précis de visionnage de vidéos sur Youtube, me eee alee daace aec la flei, da la ee elle claie de aspects spécifiques du phénomène étudié. Il faut aussi mentionner que pour certaines vidéos consultées (documentaires, cfece, dba lie, ec) jai cd e claificai e e eacii. Ce aail a ei dalle l ie l de la hae de daci de la he. Je ai a retranscrit tout ce qui se dit dans des vidéos entières mais plutôt ce qui a le plus attiré mon attention. Quand je note une ou plusieurs phrases pertinentes sur leelle jai ei ceaie de eei, jai ei galee el e (ie e ecde) celle-ci commencent. Ajoutée dans le texte, cette information précise peut aider un lecteur intéressé à gage d e il e ifie da le dcument cité. En raison de cette grande quantité et de la diversité des donnés empiriques servant de matières premières à cette thèse, on peut se deade ce jai fai e a ede. Ce gaie e cee alie de matériaux ? Je propose tout de suite une réponse à cette question importante.

7.2.2 Le ja dieigai : un brouillon du quotidien Sa e echie aie, il e eai a ible dabi ce aail de claee, de eacii, daale stématique portant sur les matériaux rassemblés progressivement. Je serais peut-être noyé et perdu dans ce gigantesque flot de matières audio et audio-ielle ae leel jai c de che ile lalieai de a flei. Cette technique aie, je lai aie e ae 2 lUiei Pai 13 : elle aelle le jal dieigai. E fai, ce dce da leel e a f e ee e de manière méthodique des préoccupations intellectuelles, des résumés de lecture, des faits be, de le de dbaile de aale e flei a

203

lie je. E ca, ce la ccei e jai dgage de cee iae echie à partir de la lecture de La pratique du Journal de Remi Hess (2010) et en prenant part à des activités portant sur cette thématique119. M jal dieigai e le bill de e e acii iellecelle, ce là où je note des faits de la vie quotidienne, des idées qui me passent par la tête en écoutant une chanson, en visionnant une vidéo, en conversant avec un ami sur une facette quelconque de ma he, ec. J e ai de de le ee e je li, le fil e je egade, de dclaai e jeed la adi la lii, ec. Le jal dieigai e ci a j le j. A chae fi e j eie e ifai, fai, e ide, je ed le i de e la dae, ce i fai a ceai e, je e ie e cheminement e ce i a ai a aail e je fai. E dae ee, ce il e ee de constater mes avancements, mes temps morts et hésitations. E cda de la e, il e lgie de aede dce lie i e construit à la mesure de he de aail. Ce effeciee e i aie ie jal dieigai e le bill da leel je de . Pl le dce e lie, i il e facile de ee ; il deie dc bligaie de lde de elle sorte que je puisse rapidement revenir sur une partie quelconque. Pour bien organiser ce dce, il e ai de le diie e lie he ega chac lie je aiclie e jaliee gadellee. Pa eele, da jal dieigai, il a des parties qui concernent le rap et la culture hip-hop, le contexte socio-cie dHai, de de lece hie ccea lidei, la bjeciai, le a ie/ci, ec. Dae ci de jal dieigai ciee de de dceaie, de cfece, de dba, daicle de ee, daicle cieifie aec des indications importantes à préciser dans le souci de donner les références complètes pour ces types de documents : le lie iee, la dae de clai, ec. Dae bie

119Par exemple, le ldi 28 ebe 2011, de 9h30 17h30, jai aici e je dactivités gaie lUiei Pai 8 a le labaie de echeche EXPERICE a de la pratique du journal de recherche. Cette initiative a i de fee diei ce Michel Manson, Remi Hess, Christine Delory-Momberger, Didier Moreau et des doctorants. Au fil de diffee eai, jai ci ce je peux utiliser la technique du journal dans la vie quotidienne, dans des situations banales mais qui sont « parlantes » en termes de données à collecter sur différents aspects des interactions humaines. Si je peux faire fece cee acii gaie 5 a de cela, ce gce jal dieigai i a da le j e. Je cie ece de le ei da le cade de a he e j e de fai, ide, éoccupations sur lesquels je reviendrai dans mes futurs travaux de recherche. 204 portent spécifiquement sur des messages (déclarations, sentiments, etc) exprimés systématiquement et rendus publics par quelques personnes sur leur page facebook. Celles-ci sont de ai de caiace aec i jai lhabide de dice d ceai be de sujets. Pour les besoins de ma recherche, je me suis mis à noter, dans un coin de mon journal dieigai, de eage ei a ce ee le age facebook en lien avec de che d a lhabide de dice. Je e galee le ceaie i suivent les « postes e je aegade. Jai fai fece ce aia la deie partie du chapitre 6. A un certain moment, lorsque mon grand journal atteignit la barre de 400 pages à interligne simple, il a été nécessaire de tenir un journal particulier pour mon travail de thèse. Caiee dae ee i eie l aaage de ei le jal au stylo dans des carnets, je tiens le mien directement sur ordinateur, ce qui me donne beaucoup de possibilités lorsque je reviens ultérieurement sur mon texte. En effet, avec un ee ci ldiae, je e cige de fae dhgahe, aje de ide, ettre en cle, e ialie e ga, cie/clle, gaie le dce eie, ce i e a ible aec ee fig le age d cahie. Cela e ee dalle l ie da e analyses au moment de la rédaction. Puisque tout est classé suivant des thématiques, il est facile de eei de aia dj ele a da le jal dieigai développer une argumentation, soutenir une idée, etc. Paalllee lalieai cae de jal dieigai, jai eaci à part, dans un document spécifique, un ensemble de chansons du rap haïtien pour lesquelles je ai a e le ee ci. P dae cea de a faai e aicai jai facilee le ee r des sites spécialisés. Mais a fallu un temps spécial pour vérifier la concordance entre les paroles entendues dans les chansons et les phrases notées. On aa ci il a a j e afaie cedace ee le de, le ae utilisant souvent de néologismes, des emprunts, des tournures de phrase qui donnent du fil à retordre même à des mélomanes de ce courant musical. Ainsi, cet exercice requiert une grande attention aux mots prononcés et ceux qui sont mentionnés dans les textes. Pour les chansons en cle e e faai, ce l facile dce e de ifie le ci. Qad ce e aglai, cela a i l de e ca je e aie a laglai aa e le cle e le français, deux langues officielles reconnues par la constitution haïtienne de 1987. Je

205 ced ie laglai ci l e laglai al. Mai aec ci, jce ie e cha de a chae e aglai. Sagia d ee de a cha e aglai, il a fall e ce lie fi i ie aii laiclai de , ci aida. Ce aii e jai dci ceaie ee da ele retranscriptions trouvées sur internet. Pour les besoins de mes analyses, certains extraits de textes écrits en créole et en anglais ont été traduits en français par mes soins. La majeure partie des fragments de texte sont e fai e adci. Sil agi de adci faie a el dae __ ce qui est très rarement le cas __, je le précise immédiatement entre parenthèses ou dans une note de bas de age. Ce eecice de adci d cle de laglai a faai a a difficile ca jai e ceaie aie de laglai ci. E cee ccai, diciaie faais-anglais a i cag ile. Ce ee algie de die e le ciai ie de ee de a ci e faai a adi. Le eai ci da le c du texte sont mentionnés en italique et leurs traductions en français suivent immédiatement, à liie de de cche. Ceaie bibe de ee e, le hae le e a arrangés les uns au-de de ae, el il aie e ci la cha chae. Cette préseai e chiie lil agi de c eai e a a de ble dgaiai le ee. Dae a ce il aie de hae d ee en prose, les vers sont alignés mais ils sont séparés par des barres obliques. Cela permet de ie ge la ie e fe d dce i ciedai deace ide i le lg extraits devaient tous se présenter normalement comme dans un texte de musique. A côté des les extraits tirés des textes de musique (rap ou autres), le de deeie cie de aia eeiel e aale. Da le lige i ie, jeie ceaie de présenter quelques éléments de précision concernant les conditions de réalisation des entretiens e jai e a de jets rencontrés.

7.2.3 Les entretiens La aliai de eeie a llie hae d ce de cci de aia. Jai cec ae le acii alie a c de cee ae a la lece d ceai be de ee et la prise de connaissance de divers autres matériaux empiriques (musiques, documentaires, débats télévisés, etc). La consultation de ces premières

206 sources de données relatives à la revue de littérature sur le rap et la culture hip-h a alimenté en infai ceible de aide ie fle e ccai de echeche. Ce e effe ce eie aail de dfichee i a ei de aii ensemble de questions préliminaires sur le rap ; ces acquisitions constituent le point de départ de toute réflexivité sur cette musique et sur la culture dont elle est une composante fdaeale. Ce ai de le de ai aci l de ce eie e daeiage i ia e le ei ee de la eiece. Ceaies interrogations de départ se sont révélées très futiles ou inappropriées à mesure que les contours du phénomène rap/hip-h claiciaie gce a lece e ae acii de ie de connaissance auxquelles je me suis livré. Ce travail de fouille e faia eiceae et, ne perdant pas de vue mes objectifs de recherche et le cadre épistémologique et hdlgie da leel ici cee he, ceai e d ce de la echeche, jai eae e acii deeie a de ae aia. E fci de lece e jai faie alablee e, a ce, de ifai e précisions que je détiens progressivement sur le rap en général, je pouvais poser de meilleures questions et mieux sie e ccai. A ce ade, jai ideifie le aae le plus importants sur lesquels je devais accentuer mes conversations avec les sujets rencontrés. Ce ce e ci e jai cec ee e eie ie deeie auprès des rappeurs pratiquants, artistes chevronnés et débutants. Ces premiers entretiens ont e a gide lab laace. Jai e il ai eie degage de conversations avec les rappeurs afin de prendre connaissance de leurs points de vue sur les diffe aec de la aie d a e Hai lage. Il e fallai a liie le ei e l deai abde i iee le e de cce ; utilisé dès le début de la phase de réalisation des entretiens, un guide pourrait avoir pour effet de prédéterminer ce qui doit être abordé et, donc, de négliger des facettes importantes de la pratique du rap. Menés sans guide préalablement élaboré, les premiers entretiens ont été des conversations très ouvertes dans lesquelles nous avons abordé la culture hip-hop et le rap dans ee le aec. Ce e aaage de ece, d le db de la hae empirique, à la fois des rappeurs amateurs __ ceux qui cherchent vraiment une voie pour débuter leur carrière __ e ce i dj ec. Ca le le difai ea de ce eeie eee dai e eillee ide d ce a leel le

207 rappeur devient cet artiste compétent qui se fait reconnaître dans la communauté de pratique se cia a de la ie a. Leiece de dba e e ce iche difai aale ie aii le deei ae da e diei dafai e de cci ideiaie. Les premiers entretiens aec le ae de gade ili da la ee il ai ceai be de che le eeai e ie les pratiquants concernant le rap haïtien et sur les conditions de possibilité de la pratique de cee ie e Hai. Ce e a cee eie ae de cllece de de a de ceai ee aec ele ae aia e jai e labe gide deeie dei e ili, a bei, l de ae ie dchage aec dae rappeurs. Mais je tiens à mentionner que dans le cadre de cette thèse, auprès des rappeurs ec jai e de eeie de echeche bigahie i ed galee e allure semi-diecie. Ce la aie de mener un entretien qui fait que celui-ci soit directif, semi-directif ou non directif. En fait, lors de mes échanges avec les concernés, avec ou a gide deeie, jai ea de je elaif de aec cifie de le ie, leur expérience dans le rap, à leur méthode de travail, etc. Le sujet prend son temps pour abde le je ce b li eble e jieie lil eie a e. Me interventions consistent à clarifier et préciser des questions, à enchaîner avec une autre idée ou llicie de dail eie, de le de claificai de la a de lielce. Sia a aie de ee le eeie, jai fai ael de icie e echie c dans le domaine de la recherche en sciences humaines et sociales (Bertaux, 2010). Lielce e ai bie e e de ei, e deade de claifie ceaie che. Jai fai leff de e ei aee d gide deeie. Mai il ai ceaie de llabe e de i e dache l d dlee de eeie. Le gide deeie ced de he elaif chac de aec e je e abde aec le ae. Sia la aie d il e ci, dabd chage la eai d sujet en y insistant notamment sur ses origines familiales, sa situation socio-économique, son ac claie. Eie, jiie lielce ale de e eiece da le a, a hde dafai. Efi, jegage aec li de dici le aport que détient le a aec la ci, la liie, le dia, ec. E fi de ce, le gide deeie a ffiae e e eee dele le diee facee de la aie d a

208 avec les sujets rencontrés. Malgré cette ouverture, je ne suis jamais resté attaché à ce guide car jai e il fallai j laie la ibili lielce de die de che e l ne saurait prévoir. Les entretiens semi-structurés ont donc pris la forme de conversations libres au cours desquelles on parlait de tout ce qui concerne la pratique du rap en Haïti et des ei cee ce je. Le gide deeie a ad e ceaie ace il a ei dabde le e he aec le de, e i chae eretien a eu sa e e e a daie aiclie. Lage d gide deeie a e ele e ei de i de ifai e le e ei, ce i a amplement facilité dans mes analyses. Jai ali de eeiens collectifs avec les rappeurs du groupe Règleman Afè Popilè. P ce eeie de ge, jai cd de la e aie : on discute autour des thèmes i ccee lhiie e le eiece iglie de ae, le egad le pratie icale, le hde de aail, ec. Mai il a ele diffece, agia d eeie de ge : les participants abordent les mêmes questions et expriment parfois le daccd ele ei. Leeie de ge a laaage de ai eace de dba ee aicia, ce i ee a cheche decleche de cfai dide i ie facilie a chei de la aie d a. Nai, le entretiens de groupe demandent plus de temps pour la simple et bonne raison que les participants sont conviés à répondre aux mêmes questions et que chacun a le droit de donner des opinions par rapport aux points des vue exprimés. Mes entretiens se sont réalisés entre août 2013 et juillet 2016. Au al, je ai e 21 entretiens; le plus court dure 47 minutes et le plus long 4 heures et 45 minutes. La durée ee d eeie e de 2 hee e 12 ie. La de d eeie aie e fci d eeble de aae el e la dinibilité ou la disposition du rappeur, sa manière de dele e i de e, la ali de chage, labiace d e, ec. Ce ae i a fi de hee eeei aec a a la e diibili e celi i a ie ga e i aedai lhee de ede-vous pour discuter des choses il a jaai e li de dice ccea le a. Cela iflece le e i ea accd lchage e l a aec lielce. A db d eeie, je e e préoccupais pas de savoir combien de temps cela allait durer ; jai ci e je deai eee leeie de ie c acha e le je ec e iee la

209 ceai ie elle e, il e eeai le bei. Mi, je aai e des questions importantes soient abordées afin de discuter de tous les aspects de ma préoccupation de recherche. En général, les rappeurs rencontrés ne se souciaient pas du temps qui passait ; en fonction des objectifs fixés, il est tr ae e je aie a ache eeie entamé. Jeie ia dae, e, ele le cii e a aec le cdii de aliai de eeie. Aa de eeei aec aicia, premier contact a été établi aec li. Se, je e i fai aide d cllge ee e contact avec le sujet. Dans beaucoup de cas, les rappeurs que je rencontre sont des personnes e jai la ibili de ce ; il est alors plus facile de les aborder, leur expliquer mon aail e de llicie le cllabai. L d eie cac aec la ee, je consacre un peu de temps à lui faire part de mon projet ; cela nécessite une petite introduction de e e lielce ie e bie if de on rattachement institutionnel, de ce e je i ce b, ec. Il e de ei il e a eie. Le claificai e précisions une fois apportées face aux questions et préoccupations du rappeur, on est prêt à entamer notre premier entretien ; da la aje aie de ca, le eie eeie e e a déroulé dès le premier contact. Au début du premier entretien, je fais un bref rappel des objectifs de mon travail, je précise derechef le cadre dans lequel se réalise celui-ci. Ce le moment de rappeler que ce qui ressort de nos échanges servira strictement dans le cadre de mes aale. Ce ai le e de dice de ce i e cibe ee le je e confiance afin que son consentement soit tout à fait libre et éclai. Je fie elie la ai laelle jeegie laide d dicahe, iable i de nos longues conversations. Le eeie e dl da diffe e dedi. Da ceai ca, ce dans une salle non occupée ou dans un coin relativement tranquille de la faculté des sciences haie de lUiei da dHai e l e i cee a d a. A de ccai, cee eiece e e la facl dehlgie de cee même université. Da beac dae ca, ce che le je li-même que je me suis rendu pour faire le même travail. Dans ce cas, ce dernier me reçoit dans un recoin de sa maison ou de sa cour, un edi i e e labi de bi e des va et vient dérangeants. A plusieurs eie, jai e da di de dci. De ae ae e da ci

210 un peu réservé de leur quartier de résidence. Globalement, les entretiens se sont déroulés sans perturbations majeures ; des dispositions ont été prises à cet effet. Mais dans quelques rares ca, il e c, alg , de iai ccaia de c dagee : lii de ee i adeai l dee , la eie d lhe able de lielce, ec. Lelle eaie, ce iai ie ge e e ciaie a de iable bacle la fialiai de leeie. Qele ae ec lie fi. Cela a d lccai de eei sur nombre de questions dj dbae aec e l de ece aiee. Ce eecice ia a leel jai faie de dificai a aia cllec el le de cce. Da la recherche biographique, il est hautement considérable de soumettre à un sujet les matériaux i ee d de lie eeie e l a es avec lui. Nathalie Heinich (1999 : 33-37) a e fai de cee ee lae lie abi la ei blie d ee obtenu à partir d eeie. Jai e cide ce icie da le cade de aail de he. Nai, il e a a j ible de le eece. E effe, jai ec de gad bacle i ech de j aei. E eie lie, jai d faie face lidiibili de aes qui sont souvent très mobiles, egag il da diverses activités à travers le pays. Quand on travaille avec des personnes qui bougent souvent, a ace gaaie e l e le ectrer plusieurs fois pour le même motif. Aussi, ai-je pu mener seulement un entretien auprès de la plupart des rappeurs rencontrés. Au total, ils sont 7 rappeurs (dont un groupe de quatre membres) avec qui je me suis entretenu au moins 2 fois. En deuxième lie, il e ble de e. E fai, e a e dca de lUiei Pai 13, chae ae je deai e faie icie e ede a eeble dacii de labaie de echeche. Je deai a ce faie a de ceaie ece lUiei Pai 13. O, eai de echeche e e e Hai. Jai dû donc partager le temps de la recherche entre Paris et Port-au-Prince pour mener à bien mes acii. De ce fai, il a difficile de uver du temps pour mener plusieurs entretiens aec le e ee. Jai d ce aec la iai e ea de faie ce aail de eii aec ele ae l facile dacc. Da ce aail de eii, je ai pas tout rédigé (reaci) laace eie deade a ae de lie le dce e de faie de eae, ce dae cheche le f galee. Aa de ece un rappeur une deuxième fois ou une troisième fois __ ce ce f le ca l dee

211 eux __ jce la bade e d eie eeie e l a e alablee e je e certaines choses sur lesquelles je lui demande de réagir. Ce peut bien être un point de vue, une expérience racontée, etc. Je fais un rappel de ce dont on a discuté auparavant, présente ce que je ced glbalee de ce i e ei e liie e ce ael e e i de e. Ce aii e jai faie ele ecificai iee da ce e jai eed e de eeie aie. Je aai e-être pas assez de temps pour faire cette restitution si tous les entretiens devaient être transcrits préalablement et si je devais passer le ee a ae. Ce dc aec le 7 je ci-dessus mentionnés que jai ee de faie ce aail de eii de ce e l dicai l d eie eeie. Vil e g ele cii dde hdlgie i ccee ce aail de he. S ce la, e a di. Le lecteur peut être intére ai i le ae e jai ec, elle e jai ade l da ce aail fleif e je lie a d a haie, ce jai cd aie e aale le de cllece a de e informateurs. Ce sont là des questions légitimes auxquelles il faut répondre. Je propose des éléments de réponse dans le chapitre suivant.

212

Chapitre 8 : Processus de mise en sens

Ce ifai a cie, il ie aiea deaie ce e jai fai de les matériaux rassemblés. Comment ai-je procédé pour me servir de cette base de données si dee e jai cie ? Avant de fournir des détails concernant cette question, il importe, à mon avis, de faire deux détours nécessaires. Il agi dabd de ee ccicee le rappeurs rencontrés afin de permettre au lecteur de se faire une meilleure idée de leur profil et, deiee, de e egad ciie lae de cee he, e lccece i- e. Jeie t à fait important de permettre au lecteur de prendre connaissance du cheiee de a flei, dai e difai le a e je die aec le a e bje dde e aiclie e, l galee, eai dde. Ce ce d il a agi da la aie i i la eai de ae aa aici cee de.

8.1 Profil des sujets rencontrés

Da cee ee aie, je ee ele fil ai le ae e jai rencontrés. Je pourrais tout aussi bien présenter toutes les personnes, surtout des rappeurs débutants et fans du rap, avec qui je me suis entretenu dans le cadre de cette étude. Mais la liste en serait peut-être trop longue et lassante. Je pourrais également ajouter en annexes tous les entretiens retranscrits sans en omettre le moindre détail. Là encore, la longueur des textes obtenus serait très probablement ennuyante. Il a fallu faire un choix. Comme plusieurs rappeurs peuvent avoir des points communs au niveau de leur profil, cela a e facili la che de ee la aji a lie de , le b a de eee a lece de i e représenter un peu le profil des personnes ayant pris part à mes entretiens. En fait, il y a des rappeurs débutants et ceux qui sont très expérimentés, ceux qui cherchent leur voie de réussite et ceux qui ont plus ou moins réussi, du moins en termes de leur renommée ; dae ee pouvoir gagner leur vie dans la pratique du rap. Voici, dans les lignes suivantes, les rappeurs présentés

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Ray-G Il aelle Raald Re ; il a 36 a. S daie e Ra-G Mafia. Il est né à Carrefour-feuille, dans une sous-dliiai de Bd. Il a jaai i cee e. Il a été élevé par une mère de conditions sociales très modestes, dans une fratrie comprenant trois enfants dont deux garçons et une fille. Sa mère est très courageuse et très exigeante. En a e bejai, il eie ai le ei g de a e, de fe e de a . Il a achevé ses études secondaires et détient une formation en communication. Ray-G a commencé iidee faie d a dei ladlecece. Caiee dae jee, il a a dbjeci de la a de a e lil ceai cace e a a. Sa mère tentait seulement de lui faire comprendre que chaque chose a son temps. Il pouvait faire ce qui lui plaisait mais à une seule condition : il aai ede e de a ie, faire en sorte de toujours obtenir de très bonnes notes aux examens scolaires. Ray-G e e eece ce ca ca cai li e gaaie de i aie aillee a. P deei le ae il e ajdhi, il a le de fe, de a e de aie. Lil faiai e eie a e a e ae, il bficiai de aide fiacie e de ge de aie cacaie d e lce e lecage. Ce gce ce il e dee ce ae c. Il e ebe d groupe C-Projects (le « C » étant une abréviation de Carrefour-feuille), lequel a cessé ses activités depuis quelques années. Il a fait ses premières expériences avec des groupes peu connus ; ce aec C-Pjec il a ec l de i. F eclusivement de rappeurs résidant à Carrefour-feuille, ce groupe avait pour objectif de représenter ce quartier en matière de rap. Les membres de ce groupe ont gagné une certaine reconnaissance en Haïti. En effet, avec le titre carnavalesque Nou libere sorti en 2008, ils furent classés « révélation de lae . U el ie e ai ae de ei gaifia ce jee ae : a bli la h d ge Ticke Magaie, le agaie le l laie dHai. A dires de Ray-G, cait très encourageant pour le groupe. Il considérait cet exploit comme « une gloire » à gérer. Le 13 décembre 2008, C-Projects a sorti un album qui fut classé « le meilleur de lae Le ge a fai e e aiale. Pai a dae, cee eérience aura grandement marqué Ray-G Mafia.

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27 Son pseudonyme est 27. Il est né à Bizon, grand quartier de la commune de carrefour. Il habite encore ce quartier. Il a étudié les sciences administratives et enseigne actuellement lifaie da e école secondaire. Il a fait des études en théâtre et a quelques eiece e a e cdie. Se ae aie e aec li ai laciaie pour ses bons résultats scolaires. Ils ne voulaient pas que 27 écoute du rap car ils y voyaient une musique vile pratiquée par des délinquants. Mais 27 était plus attiré par le rap que par les autres types de musiques écoutées à la maison. Décelant dans le rap un vibe (ibai) il e trouvait pas ailleurs, tout jeune il se cachait sous les lits pour pouvoir lier connaissance avec de ae aicai laide de balade a e faie e. La e de 27 aai il aiai d a ; elle a fii a accee il ce cee ie. E ca de rappeurs et des groupes de rappeurs comme Mobb Deep, Coulio, Method Man, pour ne citer que ceux-l, 27 a l alle l li cede lhiie e le e d a. Ai a-t-il cdi aede laglai, lie le a e la cle hi-hop, à côtoyer des rappeurs haïtiens pour mieux développer ses connaissances dans le domaine. A un certain moment, il se mettait à écouter du rap français afin de pouvoir faire des comparaisons et se faire une eillee ide de ce e l aelle le rap conscient ». En même temps, il développait ses cece e aie d fee le, d fl, de lcie de ee de a, ec. Dei 2010, 27 e ec ce l de ae haie i le l li le a de contestation. Il est sans doute le rappeur le plus influent de son groupe, Wòklò (mot créole qui signifie « rebelle »), qui a sorti des morceaux à forte dimension de contestation comme Mwen wè 120, Lonje dwèt sou yo121, etc. Ces deux morceaux ont valu aux membres du groupe de subir des menaces et des intimidations ; ce daille i 27 a a l e ai nom soit révélé. Ce rappeur se reconnaît en tant que la voix des sans voix ; il veut que son rap iie j de cdii de ie de ge ia da le aie ae faie résonner des paroles contestataires.

120Voir le lien suivant (page consultée le 20 août 2016) : https://www.youtube.com/watch?v=MoPHgn3i1OM 121Voir le lien suivant (page consultée le 20 aout 2016) : https://www.youtube.com/watch?v=RJCebgjqE2E 215

Doc Filah Doc Filah est un rappeur expérimenté, très connu sur la scène musicale haïtienne. Il est membre fondateur du groupe Magic Click au sein duquel il évolue depuis 24 ans. Il a 40 ans et il est médecin de formation. Fil d iie e de iiice, lici iaie de Doc Filah a été faite en majeure partie à la maison. Il a fréquenté un établissement scolaire au e il deai ae ceifica dde iaie. Se ae aie s ouverts, il aie ac icie ce e le fil aie de la ie, ele i le genre. Son père, musicien, lui a même montré à jouer de la flûte. Ce rappeur déclare avoir une longue pratique de lecture. Il a fait ses premières lectures dans des livres de contes de feu que lui offraient ses parents. Il lisait beaucoup de collections de livres. Pour ses études secondaires, il a fréquenté une école de renom à Port-au-Prince ; ce ce ade-l il a aie commencé à faire la connaissance du hip-hop et du rap à partir des discussions entre amis, des lectures de magazines que lui envoyaient des proches qui résident aux Etats-Unis. Dans son aie, ee ai, il e eai ce d a aicai. Pace il ceai peu laglai, Dc Filah ai ecei e ie, e hilhie e de la ahie da le a. Il ai ai a le he de cee ie. Ce aii il e i fille da le a, ce daaage e aie cee musique en tentant de teinter ses textes de ceaie de de ie. Dei l, Dc Filah e acif da le a. Il e reconnu pour ses textes qui ont le plus souvent un petit côté métaphysique.

Dog G Jean Edel Valcourt, dit Dog G, est né à Port-de-paix en 1982 dans une fratrie de sept efa d il e la. T jee, il a dce la cle hi-hop et le rap en regardant la télévision, en faisant rouler des cassettes audio et en visionnant des cassettes vidéo que ramenait son père des Etats-Unis. Aidé de son père qui était enseignant de mathématiques et journaliste, très tôt Dog G a commencé à animer des émissions de rap dans une station de radio située dans sa ville natale. Après ses études secondaires, il est entré à Port-au-Prince pour avoir une formation professionnelle et universitaire. Mais les moyens financiers lui manquaient alee. Il e dc diig e la adidiffi. Dabd il a aaill ce ee e de, eie il a cec cce la fci daiae de ii de a la adi

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Plae Cle, e ai ce le. Il a ec gad cc aec émission « Rapwoche » débutée en 2003. Il a aussi intégré le groupe Rockfam en tant que rappeur. En grande partie, Dog G doit a i ce ge i e dee l de l populaires en matière de rap en Haïti. Il a eu quelques succès en solo après ses expériences au sein de Rockfam. Dog G se considère plus comme un entrepreneur que comme un rappeur. Daille, a ei de Rckfa, il ieai beac l faie de la i le ge chae. L d eeie e jai e aec li, il e dclae il a jaai e eie de ae c ai l eeee. Se icia odèles sont Jay-Zee, Puff Daddy, Fifty Cent, Booba, etc. En matière de flow, il aime le style du rappeur américain Snoop Dog car, selon lui, celui-ci est cool, il ne précipite pas sur le beat. Le choix de son sobriquet témoigne de son appréciation pour Sno Dg. Ajdhi le ae haie Dog G est un entrepreneur à part entière ; il a une compagnie Pi wo Corporation i cce de ce il a a aec le dia, ce le deig gahie, leegiee e studio, la production de vidéos, etc. Ce label produit de jeunes artistes. Dog G travaille également en tant que journaliste. Sur la chaine 2, il anime Beat 509 une émission culturelle visant à faire la promotion du hip-hop en Haïti.

Renaud Read e a ae c. Jai lhabitude de le côtoyer dans le milieu ieiaie e aai a ee il a de cece da le a. E aea e jai e ai de faie e he le a haie, il a cec dice aec i e, a la ie, il a fai ce de ie il a liei de i da alb. Read a 31 ans. Il a une fai e hilhie, lcle Nale Siee. Il a fai ae e philosophie et critique contemporaine de la culture. Il donne des cours au niveau de la licence à lUiei dEa dHai. Read e di j traversé » par le rap. Il se sent travaillé par ce le. Aa de faie aie d ge, il a i lhabide dcie, de ce de musiques rap, de faire du free style. Il a un grand frère qui ramenait à la maison des cassettes vierges sur lesquelles il chantait. Renaud les remplissait de chansons rap. Il a trouvé sa confirmation en tant que rappeur, un jour, après une partie de free style avec un de ses cousins, ae aa lhabitude de fréquenter Doc Filah. En effet, il a épaté son cousin qui ne aai a il aiai d a. Cee eiece la a e il a caic il a d

217 talent pour le rap. Il a intégré Force Alpha, un groupe de rap fondé par son cousin. Selon lui, ce e le ae 2001-2002 a eg e li e ai ilee le a, ai d eecice da-beai lil ai eegie e eai le ce. Il ai aii e cae dae ae c e espectés. Même si Renaud est occupé dae acii feielle, il cie de eece a a e i le je de faie i alb i cieda de ie de ccieiai laei de la jeee haïtienne.

K-Libr K-Libr, de ai Valke Dei, e a de l de ae haie le l connus et respectés. Il est né à Port-au-Pice e 1981, d e cie e de e commerçante, au quartier populaire Bel-Air. Il a passé son enfance à Carrefour dans une famille nombreuse confrontée à de très difficiles conditions socio-économiques. K-Libr se deade j ce e ae i eee e fe e de faire des études universitaires. Il a fait ses études secondaires dans de très difficiles conditions a lce Aleade Pi. Ce a lce il a cec eece ale de ae lors des battles de fee le ee le eda le e de cai. Ce galee a ei de ce eace il a cec affie e e dfaie de la ii da laquelle il était astreint par son père autoritaire. Très jeune, K-Libr développait un bon rapport avec la musique. Il était soliste dans une chale dglie e, la ai, il ai cin de son père qui jouait de la guitare. En 1994, K-Libr est tombé amoureux du rap en écoutant le rappeur Tupac Shakur. Heureusement, d lge de 11 a, il ceai aede laglai, ce i li eeai de cede un peu ce que disait Tupac. L d eeie e jai e aec li, il a a e expérience déterminante dans sa carrière : j, il e cl dce Only God can juge me, une musique de Tupac, après que son père lui ait administré une raclée pour une raison il e ceai a. Il ideifiai a a ce i e diai da cee ie. Ce cee ide il a ci e eie ee ael il a d e echici a, ce-à-dire il le a i chae fi de hae faie de je de sonorité. A cette même époque, K-Libr écoutait des rappeurs français et les pionniers du rap haïtien. En 1999, avec des collègues il a fondé Mystic 703, un groupe de rap qui a connu un grand succès en Haïti.

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Dei, il e i ce ae de eom en Haïti. Le groupe a 3 albums à son actif dont un inédit. Mystic 703 leur a ouvert des portes sur la scène internationale. K-Libr a fait un alb e d aec cllge Oaga. E dei lae 2012, il a da e caie solo. A un certain moe de a caie, il e cid ce feiel de la musique car 90 % de son budget provenait de sa pratique musicale. Il a pu avoir son propre studio de production et travaille comme rappeur, producteur, beatmaker, arrangeur et compositeur. K-Libr est surtout reconnu pour sa manière particulière de lier ses études universitaires à sa pratique artistique. En fait, il a une formation en sociologie, une licence en sciences sociales (École normale supérieure) et un niveau de master en géographie. Ses textes vont dans le e de ciie ciale il e e idece de cee e aide i cie de gad a leiece cllecie de Haie. Aec lalb Apostat qui est sorti en juillet 2016, il a mis fin à sa carrière de rappeur.

Optimiste Optimiste est un jeune de 24 ans ; il vit chez sa tante à Carrefour-feuille depuis 9 ans. Son pseudonyme traduit sa foi inébranlable et son courage devant les vicissitudes de la vie. S e e dcd lil aai 8 i. A lge de 14 a, il a ed a e. Le dc de a e a cli a iai e celle de a aie ; ils sont été pris en charge par une tante bienveillante mais qui peine à répondre aux besoins de sa famille en raison de ses grandes difficultés fiacie, a a eli. T jee, Oiie cai d a. Dei lge de 8 ans, il voulait devenir comme Dade, ce rappeur de Barikad Crew ; il e i dele un amour pour le rap. Avant de venir à Carrefour-feuille, il faisait déjà paie d ge de rap formé des amis de son quartier de résidence à Route Frère. Il était très influent dans le groupe. Oiie ee il e le a e li-e, ce comme injecté dans son sang ». Résidant à Carrefour-feuille, il lui est très difficile de trouver les frais de transport pour aller assister aux répétitions de son groupe à Route Frère. Il a donc dû abandonner le groupe. Ce qui li a ei de j cie aie le a, ce le fee le. Il ci, iie e e prae deelle battles. Ce a lce Jea-Jacques Dessalines, son école, il a e a cfiai l de cc de fee le ie-classes. Ceux qui appréciaient

219 ses improvisations faisaient circuler son nom au lycée. On est venu avec un jeune rappeur pour un concours de free style avec lui. Devant son public, il a été humilié. On le passa en dérision. Il e he. Cee hiliai la aaille beac l. Ce cee, a lycée il a été reconnu comme le meilleur rappeur en matière de free style, ayant bel et bien aic le cce, e celi i la j hili. Da aie, il a e ai quelques exploits. Optimiste nourrit de grandes ambitions dans le domaine du rap.

Burning Burning e e aee de 26 a. Le je lai ece e 2015, elle aaillai sur un projet en solo avec le label Piwo Records. Elle a grandi auprès de son père, musicien qui lai a c de aie de e ce Edd Fai, D Ka, ec. Cest son père qui lui a appris à faire du rap. Burning a toujours aimé la musique, le rap particulièrement, ai elle e eai a elle deiedai e aee ece. Ca, ee-elle, le rap est e affaie de ghe. O, elle a a gadi da les ghettos ; elle a passé une bonne partie de sa vie à Thomassin, quartier résidentiel de Pétion-ille. A ee elle gadiai, elle cai de ai la da de ghe. Ce aii elle a cec fee de quartiers très pauvres, à prendre connaissance des modes de vie des gens qui y habitent. Burning fut élevée parmi un ensemble de personnes qui faisaient du rap mais elle aai a eie de e lace da la aie de cee ie. Tefi, lccai de certains spectacle da cle elle chaai afi de ee de a, elle a aciai ce elle faiai. Le blic ai ce. Cela e ai lie eie. Elle e die e cela ai ede e ae ale, elle ai faie mieux. Burning paraît un peu indécise face à sa carrière dans le rap. Au cours de notre entretien, elle a soutenu e le a e ce eli elle. E effe, a e de ecdaie elle a a assez de moyens pour financer ses études. Comme elle peut faire du rap, en attendant de rejoindre sa mère aux USA où elle peut faire des études, elle consacre son temps au rap. En dae ee, elle ee de i ce e le a e li de. Elle e ilee i comment son talent pour le rap peut lui être utile. Mon entretien avec Burning aura été nécessaire pour comprendre à quel point il est difficile à une femme de se faire un nom dans le rap haïtien.

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Règleman Afè Polilè Règleman Afè Popilè (Règlement des affaires populaires) est un groupe de rap formé de quatre étudiants préparant une licence en sociologie à la faculté des sciences humaines de lUiei da dHai. Fd e 2012, ce ge a bjecif de mener une bataille qui i cie a le jee. Pl groupe, Règleman Afè Popilè est un projet politique et aiie i eed ilie dae e ce le la, le he, la dae e la eie faie aail de ccieiai e Hai. Le ge eed fille da lhiie d peuple haïtien pour considérer toutes les expériences historiques de celui-ci. Dans leurs musiques, ces rappeurs se proposent de prendre en compte particulièrement les conditions deiece de 4 cagie ciale : les petits détaillants, les paysans, les ouvriers, les fee. Il cie le a ce leei d laia agiali i accage de l de die e ali e ie e aia. Ce caal ae leel di la ci ce e l ced de la ali e l i. P e, le a est un prétexte. Les rappeurs de ce groupe se positionnent clairement dans un cadre théorique développé par le chercheur haïtien, Jean Casimir, sur les conflits de classes __ opposition créole-bossal __ qui ont traversé la formation sociale haïtienne depuis la période coloniale j j. Sel e, le a di créole e celi i e aie a ei de aice coloniale de pouvoir. Cela sous-entend que ce rap charrie un ordre de discours colonial qui a survécu e Hai a la diaii de ladiiai cliale. Le rap créole reste donc clial. Il a eeble de che e l e e a ee de ce a. Ce i Rglea Af Pil eedie a liie. Ce ge e clae d ap haïtien mais qui charrie un ordre de discours bossal. Règleman Afè Popilè est donc un discours critique à la fois sur le rap et sur la société haïtienne. Ses membres prétendent proposer une autre manière de faire du rap en Haïti.

Queen Sisi Sulitane Louis, alias Queen Sisi, est une rappeuse qui se cherche. Elle a 28 ans. Elle est laa-deie de faie de 7 efa d 5 ga e 2 fille. Elle e e P-Magot mais elle a grandi à Port-au-Prince. Son père et sa mère étant décédés, depuis de nombreuses années, Queen Sisi est accueillie par une tante qui vit dans la commune de Carrefour. Elle

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étudie les sciences juridiques actuellement, parallèlement à ses efforts pour se faire un nom dans le rap. D jee ge, Qee Sii eai lhabitude de chanter du R&B ; elle rêvait de deei e a ce Selea, e chaee elle adiai a. Elle lai dc deei une musicienne professionnelle. Avec des amis, elle a fondé un petit groupe de rap dans son quartier. Ses collègues lui demandaient de chanter des parties de chansons ayant un air de R&B. Mai elle aiai le a e ca beac de ie e e eaia ele. U j, e di, e cllge li dead de eae 8 mesures , ce elle faiai facilee. Elle la fai a ee, d el c. Se cllge aie a. Cee eiece la ecage alle de laa da la aie d a. Elle a cli l da le a, acha elle e dele e ale sir dans ce domaine. Queen Sii ee e dce i ie lale da le a. Elle ee faie a e e faie ale delle. Elle e deei e eie da le a haie, d le chi de pseudonyme. Cependant en fonction de ses expériences dans le milieu, Queen Sisi est consciente des multiples obstacles que rencontre un jeune rappeur haïtien avant de réussir.

Master Beef

Master Beef est le pseudonyme choisi par le rappeur Ayamé Pascal qui estime avoir trop enduré dans sa vie de combattant pour ne pas adopter ce sobriquet. Il a eu une enfance malheureuse car ses parents biologiques ne pouvaient pas assumer leurs responsabilités envers li. S e e a e e a lil aai 2 a. A 3 a, e la cfi e ae. Il a a beac dae che cee ae aeelle i le aiai ce i e ie. Mae Beef ie e eface ai de aai g, e cai e de chagrin, de tristesse et de désespoir. Il qualifie son enfance de misérable. Il a 29 ans. Il a commencé à faire du rap à 16 ans, après avoir quitté Tabarre (chez sa tante) pour aller vivre auprès de sa mère à Carrefour-feille. Il lai aa da la beakdace a ei d groupe appelé Thousand X. Ce sont des amis qui lui ont appris à danser. Parallèlement, il avait lhabide de chae d R&B. Il ai j de deei chae i dae ce. Mai il a d abade la dae a e face il a ee l de ace deaee. Il e ie e le a. Il a cec cie de ee, aicie a

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Rap forum122 pour développer ses connaissances en matière du rap en particulier et du hip-hop e gal. Il aai lhabide de efe a Ra F, iable lieu dans lequel il a trouvé des encouragements pour se lancer en tant que rappeur. Comme sur la plupart des rappeurs que jai ec, le eie ge de a haie e e iflece iceable Mae Beef i e effc de dele beac dhabile da le daie. Il cai non seulement des rappeurs haïtiens mais également des rappeurs français et américains. La l gade cfiai de Mae Beef, il la ee da le daie d fee le. Il e dee très performant en la matière. En 2009, il était sacré champion dans un concours de free style réalisé dans le cadre des animations nocturnes menées dans la zone de carrefour-feille. Cai une victoire très encourageante. Master Beef a une grande confiance en ses talents. Mais il reste un rappeur évoluant underground. Il a des expériences en studio mais ses productions e ce ca il fai face beac dbacle e faie cae. Il cie ad e dee ace il cide le a ce e chance à saisir pour « prendre de lla , ce-à-dire pour sortir de la misère.

K. O K.O a 38 ans. Il a passé les 7 premières années de sa vie au Bel-Air, grand quartier populaire de Port-au-Prince. Après, il est allé vivre à Carrefour-Feuille, plus précisément à Fort-ecedi. Aa gadi a d e aiaie e e e de belle-mère impitoyable, K.O raconte que son enfance a été un vrai « tracas ». Au cours de notre entretien il a le a de eface jale de c, dije, dhiliai e de ie. Il a c e e de iai a c de eface. Ce e ai de il a bi dans sa vie, raconte-t-il, il a chii le bie K.O (Kla Oie)[Cla de Opprimés] pour défendre ceux qui ie da la ie e da lecli ciale, ce ce f le ca pour lui. Avec sa belle-mère, la maison familiale lui paraissait comme un enfer. K.O a établi son premier contact avec le rap en fréquentant des bus de transport public à Carrefour-feuille. Les bus lui ont imposé le rap dans les années 1988-1989. Trois bus ont particulièrement attiré son attention : Idalgo, Machiavel et Immaculé Conception. Les

122Rap Forum est une initiative consistant en des rencontres régulières réalisées, entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, dans un espace situé à la rue Magloire Ambroise entre rappeurs, DJ, beatmakers, danseurs et autres personnes intéressées à la culture hip hop en vue de discuter, de partager des savoirs et de promouvoir des talents. 223 conducteurs y roulaient du rap américain. Il y avait surtout les beats qui attiraient son attention. Même si K.O ne comprenait pas les paroles qui étaient en anglais, il écoutait les beats et secouait la tête. Il ne faisait pas de logique ; il les aimait tout simplement. Il a un grand frère qui les aimait aussi et vers une époque, ils se mettaient à imiter les artistes. Il y avait les Fat Boys qui faisaient des sons à partir de leur bouche. En reproduisant des sons, des amis ont cec acie ce e faiaie K.O e gad fe. Mai ce MC Hae que K.O appréciait le plus. En 1995, K.O a formé son premier groupe de rap, Super fly full stars. Parce que le rap américain était dominant à cette époque, les rappeurs haïtiens chechaie die de che e aglai. Ce i il a chii ce . Ce aii e ce rappeur a débuté dans le rap. Il a dû travailler durement une technicité qui a fait de lui un rappeur important aux yeux de son auditoire. Selon ses propos, en classe de 3e secondaire, au lycée Alexandre Pétion, on le connaissait déjà comme un bon rappeur. Il a ci aie le a e ca beac dae ae, e cia de ee e en travaillant son flow ; il fréquentait également le Rap forum pour agrandir ses relations dans le champ et pour apprendre plus de choses sur le rap et la culture hip-hop. Da e ee, K.O cheche ecage le jee alle lcle, fi la ciiali, faie de aif, e le ce lde de che, ec. U dce e a lui proposer un encadrement financier à condition de faire de musiques festives, des musiques qui parlent de jolies nanas, etc. Il a fait un choix : il a d e ce ai a a préoccupation. K.O est un rappeur qui a une certaine notoriété parmi ceux qui évoluent dans ldegd. A db, il avait de grandes attentes par rapport au rap mais il a rencontré une déception : a e eje i le c facaie de e ee ee il pratique une musique importée. Actuellement, K.O est moins actif dans le rap. Il estime ne pas avoir grand chose à regretter car, à son goût, il a fait un rap dévergondé, au sens figuré du ee, ce-à-dire un rap qui a balayé le système socio-économique et politique haïtien. Il a refusé de choisir le rap comme lieu de business. Il appréhende le rap comme son « petit refuge à lui , le el lie il e die e faie ce il e. Ce e iilgi exprimer sa position par rapport à la scène politique et __ par le passé __ à sa situation familiale.

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Misyonè

Malaïko Sénéchal, autrement nommé Misyonè, est un rappeur très connu en Haïti. Il a été dabd iflec a le iie d a haie d Mae Dji e le ebe d ge Masters. Adolescent, il écoutait du rap en cachette car sa grand-mère __ chez qui il vivait __ ne lai a il ade cee ie jge ile e ilee. T , Mi a del g aiclie le a ceaaie. Il a f eie ge iil Fied school. Ce groupe allait changer de nom pour devenir NGS (Nèg Geto Salomon). NGS a eu son propre studio ; cai NGS ecdig di. E 2007, Mi a i le ge e cace beac l laiai adi. E fai, aa ii e fai e aiai radio-télé, il a voulu faire des eiece e a aiae dii a le hi- h. Il eie ai beac l de che ffi a a haie e a aiae. Depuis, lors il anime des émissions radiodiffusées portant sur le rap haïtien. Il travaille dans une ai de adi e da e chae de lii. Il a a alaie eel. Il de e eice e chage de de hee daiai e fai aii aail iel eea a blic dce d a. Depuis novembre 2014, Misyonè a repris son micro de rappeur, constatant trop de vides à combler dans le rap haïtien. Selon lui, le rap haïtien a perdu en qualité ; la plupart des ae haie e f e aie le e je. Il a aaill je dalb le rara __ genre de musique traditionnelle haïtienne __ est mélangé au rap. Son projet est baptisé Rarap ; il e ali la fe de iae Bilolo dans laquelle Misyonè a voulu faire la promotion de la culture haïtienne. Ce rappeur expérimenté est un vrai témoin des li a ce le a haie. Jee e ce eai, bie elle ie be, ee lecteur de se faire une idée du profil des rappeurs qui ont contribué à faire de cette étude une réussite. Avec eux, jai dic d eeble de ei e il e e ei de ifai qui constituent des matériaux précieux analysés dans le cadre de cette réflexion. Avec ceux que je ai a e, ce aie eee le ace cl de ce aail de recherche. Mais il existe un autre acteur tout aussi important dont la vision du monde, la situation sociale, le positionnement ont un rôle fondamental à jouer dans tout le processus de construction des

225 données rassemblées et des interprétations qui en dcle. Ce ae ace ia e ae e le dca i a ali ce aail. Jeie ai ia de aade e ilicai da le ce de aliai de cee he. Il e agi llee de me présenter comme je viens de le faire pour les rappeurs cités plus haut, mais plutôt de jeter egad ciie le cheiee de la flei e je e e ea deaie mon rapport avec mon objet de recherche.

8.2 Posture autoréflexive

Invités à me questionner, eux aussi, sur un ou plusieurs aspects de mon étude si cela les intéressait, lors de mes entretiens, les rappeurs rencontrés exprimaient pour leur part une elaie cii a la e e lbjecif de aail. Le de ei le plus récurrentes auxquelles je devais répondre à chaque fois concerne ma motivation à faire une he de dca le a. Jai e ieell, galee la fi de eeie, cie ce i a li faie ce aail ur le rap haïtien. La plupart des sujets rencontrés ont voulu découvrir et comprendre mon intérêt dans une telle entreprise. Cette question semble légitime, eu égard au manque de travaux scientifiques sur le rap haïtien. Si la plupart des rappeurs rencontr acceilli aec eai lide de he de dca le a haie e e eeie ecage da le ilie, ce e aie ace e, le e, cee ie e ei a e Hai laei elle ie. U aail de echeche de cee eege le eble daa l ia e ile e le a e aiil, en Haïti, dans les représentations sociales, à une musique de peu de valeur qui ne saurait être pratiquée par des « gens de bien ». Cette représentation qui veut que le rap ou la culture hip- h e gal i laaage de jee dlia ecli la ilece e la dbache e daille e da la ajee aie de e eeie aec le ae. E fai, beac de parents interdisent à leu efa dce d a, aga e ce e ie i e conduire un jeune à dévier du « droit chemin », à commettre des actes répréhensibles. Il paraît dc lgie e li d cheche le a ie cie a de cii e dehiae. Cee ei di le a e eble fdaeale dans un travail de réflexion concernant le processus de construction de sens autour du rap haïtien. A bien des gad, lie ai eeede cee echeche r la musique rap. La

226 première est relativement évidente : le rap représente un intérêt heuristique ; le devenir rappeur e ce clee i ie de aii. Celi-ci le d aail icea de construction, de déconstruction et de reconstruction des formes de savoirs informels qui font d ae aia feiel a eie. A ae a aie, lidiid dele de cece e de ai deiece e el ce ade ee parvenir à maîtriser. Il agi l d i ccial le labaie de echeche EXPERICE dont les travaux portent sur les apprentissages qui se font dans la vie quotidienne, da le lie ci ieiellee acceilli de acii daeiage. Cet intérêt euristique étant démontré, mon projet de recherche a été validé par ma directrice de echeche, le labaie EXPERICE e lcle dcale. Mai ce i aifee ache de ai aec dae i, e i e idece, exigent une attention plus soutenue à mes expériences. En effet, hormis mon intention de cede le eiel deffe dafai e de bjeciai d a, dae ai li faie e he le a. Il aa fall e de ecl pour le dci. Je e ee lacce je de icie ce bile i, de de li, a e aail de cee eege le a. E fai, d lge de 10 a, jai ai je de la giae ie e bervant quelques de mes cousins qui aaie aec ce ie. Dei, jai del g aiclie la ie e ci eece la aie de la giae, ie de dileci. A ceai e, jai ii de c de musique, question de développer mes connaissances dans ce cha. Jai ele eiece ce icie da e glie eecie e aec e chorale haïtienne pratiquant la musique Gospel. Ces modestes et enrichissantes expériences me poussent à toujours vouloir acquérir plus de connaissances en musique. Je suis particulièrement ie lehiclgie ce dicilie cieifie i ieee, ee ae, a a clee eia ee la ie e ci (Rice, 2014). Jaccde une attention particulière à cette grande richesse musicale qui a séduit Alan Lomax lors de sa visite en Haïti en 1936-1937 (Denis-Ca, 2009). Jai ai dele i aiclie le cha de aail cllecif, le bade de aa, des pratiques musicales très courantes en Haïti, dans les zones rurales et dans les villes. A db de cee he, je ai a ae daei a l de j ee accch la ie, jai e-être trop occupé à fouiller dans les annales du rap et du hip-

227 h ede caiace de leia e dfiche le haie cee. E flchia bie, ce aail le a haie d bie ci dai ied da le domaine de la musique en tant que cherche. Tadi e je ale, je e ed ce el point mes articles sont orientés vers une réflexivité autour de la portée et du sens des musiques populaires dans le contexte socio-cie e liie dHai a c de ee deie années. La musique est pour moi une fenêtre privilégiée pour poser un regard critique sur le a idiid/ci, laiclai de die e de ai aicia d ce de cci de laie, la bjeciai da le aie icale, etc. Voilà une bonne manière de concilier les intérêts académiques, euristiques et professionnels. Da ce e fleif, il e fai ia de iege a aec le rap, abordé moins en tant que champ de préoccupation intellectuelle que comme pratique icale elaiee cee e Hai. N la , cee ie fai lbje de beac de i, de jg e de accci e Hai ce da dae a. Il e a conséquent très difficile de comprendre la pratique de cette musique sans un effort constant de diace ciie. Il e ffi a de e cee dee de ii -à-porter sur le rap ; encore faut-il chercher à en prendre connaissance. Le premier pas de ce processus est sans de lace i cie ce d a. Adlece, jaai lhabide dce le eie ae haie. J 1999, je ai cie le de la aji de ge de a i évoluaient en Haïti. Je fredonnais les chansons qui, très souvent, avaient un air de ragamuffin. Dès les années 2000, je maintenais peu de contact avec le rap. Mon attrait pour celui-ci e aei aec leffacee geif la ce icale de eie ge de a da cee d gad dcli de cee ie. Ce e e e la fi de lae 2008 e jai cec iidee ee de lie aec le a. E effe, ce e-l, jai ei la nécessité de prêter une plus grande attention à ce qui se passait dans le monde du rap haïtien face au regai di a ci cee ie a la agie de i ae e d icie d ge Baikad Ce i, dei l, e abli ce l de ge de a le l laie e Hai. Ce ce e-là que je me suis rendu compte de la ichee d a haie, de la abdace de ie e jigai je-l. Jai cec dgage a e chei de cee ie i e cee de faie lbje des critiques les plus acerbes. Mon regard de musicien amateur me pee dacie la ali de e, de diige de cea i le la de le haie e ce i

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eli de cachie. Jai diffecie, de i de e eel, le cea réécouter sans cesse et ceux qui provoquent la faige e leee. E dfiiie, ce e de eee aa ceaie legece de e ccai iellecelle concernant la pratique de cette musique en Haïti. Tout au long de ce travail de recherche, je me suis considéré comme iga i die ife le a e le hi-hop. En ce sens, cee he a i e ble ccai daeiage ; ce qui en résulte en termes de ce a ci da eecice ca de ee, ie a j lavance. Ce la la de ae ee le ecae, agia de ai eieiel ci geiee da liceai, e a ccie de ce e l aed. P a a, jai ai a al de che ae cee cci da lic. Je aai il aai beac aede, je e i li ce eecice eichia de dcee e daeiage ca. Jai ei de be a de laii e ca de la musique et en visionnant de vidéo-clips réalisés avec adresse. Ainsi, mon rapport avec le rap en est sorti élargi. Je ne saurais négliger, dans cette partie de la thèse, le rapport que je détiens avec Haïti, le « terrain » de la recherche. De ce rapport découle mon positionnement vis-à-vis de mon objet e a chei, e a e cial iglie, d cade ceel da leel la flei ie e. Aii, je e eie a e dace e a Haie appelé à inscrire une réflexion dans le contexte socio-cie e liie dHai e dc ale de la ie ha leiece de i iae de la lai ccee. A chaie 6, jai fai a d ce de dci d i ffa. E fai, e a Haie je e i a labi de cee fe de alaie. La fface ciale i e dcie e ce eellee a celi i e ale. Cee fface da lidei e aifee aicliee la fe de ccai eelle a curs de la rédaction de cette thèse. Comment, en effet, décrire cette misère dense qui sévit en Haïti à des lece ia da de a iche, de lece i, bablee, jaai e faie leiece d dee ? Ce que je décris et tente de comprendre comme réalité, est-il cheible de lece aa jaai cf aeille cdii deiece ? Si oui, dans quelle mesure ? Ne risque-je a diie la ii ? Comment garder la juste ee, ce-à-dire décrire pour faire comprendre sans rentrer dans les tréfonds des détails de la vie quotidienne des gens dont la situation est rapportée ? Ma aie dgaie e

229 diee le iai de ie (e Hai) e e elai aec la chei e je dégage e a Haie i fait leiece de ce iai de aie de ae. Car avec Devereux (1980, op.cit.), je peux dire que le chercheur est émotionnellement ili da le aia daale ; ce fai idiable d il fa tenir compte dans le processus de production de connaissances en sciences humaines et sociales. La considération de ce fait exige, en conséquence, une méthodologie et une épistémologie appropriées, une ache aiclie d a ee lbjecii et la subjectivité. Dans le cas qui me concerne, la recherche biographique e le fai ceable la chei de diverses questions liées à mon objet de recherche. Cette approche offre la possibilité de dépasser le cadre logico-formel e le dle caie de lilgie claie (Feai cité par Pineau, 1993). Cee ibili de daee le de liace aiclie accordée à la manière dont les individus donnent sens aux pratiques et événements de leur existence, a ce degagee eel d cheche da aia, a fai e la réalité puisse être déformée par la présence de celui-ci (Devereux, op. cit., p.29). Guidé par un eeble de cidai dde ilgie e hdlgie elea de lache biographique, dans les lignes qui suivent je vais fournir quelques précisions relatives à la aie d je i i aale e iee le aia e jai cllece.

8.3 Mhde daae

Da le cade d aail de recherche en sciences humaines et sociales, la tâche ultime d cheche, ce daale le aia i a diii aliee la flei il eed e a de bje. Qie chace de aie d aail ali te sur des aspects spécifiques comme le cadre contextuel et théorique, la méthodologie utilisée, ec., il ae jaai de dele aale e aa ce fil cdce a ei de echeche e le le de dici il e eege. Aee di, le aail daale ael ale le cheche e eecice icea de flei, de ie e lie ee le diverses données empiriques et théoriques rendues disponibles lequel exercice vise à avancer e ii delicai /e de chei ccea lbje eai. Ceci a eed, le i daale e dieai iiee lie, il e dc ai de chercher à tout prix à en faire deux moments distincts.

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Je di cie e a e daalyse se fonde sur un ensemble de positionnements épistémologiques et méthodologiques établis en sciences humaines et sociales, plus ice da de ache de e aliaif. Le diee lece e jai faie e ce champ sous-tendent ma démarche daale ; il cie de ble i gid da le ce clee de aiee e dieai de die aia ci. E ce e, jai ce ife de gad dba ilgie i le concernant la production des savoirs en sciences humaines et sociales. Je suis également obligé de e iie ie je ie a flei da lache bigahie, aadige i accde la ii a de de cii de lidiid ce e cial ingulier et à la manière dont celui-ci fait signifier les situations et évenements de son existence (Delory- Momberger, 2003). La recherche biographique se situe par rapport aux divers débats portant sur les rationnalités scientifiques et accorde une importance capitale à quelques principes qui lui servent de fondements. Pour le dire de manière plus précise, elle se positionne à travers un dba i aa lgiee cli ee la caiace de lidiidel e la ciece d fai humain (2004, Gaston Granger cité par Legrand), entre le nomothétique (primauté au principe de galiai) e lidigahie (ii a fai iglie e idiidel). Se ia da lieface d iglie e d cllecif, la echeche bigahie ee de aii les particularités individuelles, sachant que les individus, dans leur processus de biographisation, intériorisent le social. Sur cette base, elle prend des précautions pour échapper au « double ige d dgaie iealie (ce le Se e i i aleai ae lidiid) e d elaiie eieiel (ce idiid e diai a e de ce il di) » (Soëtard, 2004 : 132). Elle effce ai de iedie la facili de ceide affie, ce il e ei dans toutes les sciences (Nordon, 1990). Un chercheur qui se réclame de cette approche est tenu, comme tout autre, de faire preuve de rigueur dans ses analyses et interprétations (Lahire, 1996 ; Olivier de Sardan, 2008). Ce sont donc particulièrement ces conditions qui sous-tendent ma posture réflexive et méthodologique dans le cadre de cette thèse. Ce cii a ae, ccee ce jai cd aale e iee le aia i de e eeie. Je e i ii d dle par Christine Delory-Momberger (2014 : 85-92) leel a aci, ici, dae icie théoriques et consignes méthodologiques proposés par différents chercheurs (Shutz, 1987 ;

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Paillé, 2006 ; Christian & Denis, 2008 ; Bertaux, 2010, op.cit.). Tout en mobilisant des travaux de réflexion proposés autour des aspects méthodologiques de la recherche biographique, dans une recherche menée auprès des jeunes femmes habitant dans trois grandes villes de France et dAlleage, Chiie Del-Momberger propoe ae cagie daale de dci bigahie. Elle e lacce le fe d dic, le cha daci, le motifs récurrents ou topoi (du grec, topos qui signifie lieu commun) et la gestion biographique des topoi. Bien que ce modle daale i li diecee e echeche cifie, il e e ili da dae cade eiie. Jai fai ada e ile de e ei aale le dci bigahie de ae e jai ec. Da eie e, jai e le différentes formes de discours (descriptif, explicatif, évaluatif et narratif) auxquelles recourent e ifae eie le cagie. A, jai chech ele le cha daci i e e a le ae da le aie dafai. La lgie de cha daci ideifie a Chiie Del-Momberger (ibid. : 90-91) e le iae da cee dache. Cfe ce dle daale, jai eie ideifi le motifs les plus récurrents et la manière dont mes informateurs les articulent dans leur récit deiece. Aii ai-je pu repérer plusieurs topos, ce-à-dire « des lieux communs qui hmaien e oganien lacion d ci e i agien dan le ci comme des lieux de econnaiance e de clef dinepaion d c mai don le naae ne pa focmen conscient » (Delory-Mbege, ibid., . 91). Ee ae, je e ale d topos du « talent », de celui du feeling, du travail sur soi, de la compétence, de la performance, de défi, de la réussite, etc. A cee eie hae daale, il a ceaie de cde ae aail de cagiai jai ideifi le aiclai idiidelle a a a if cents. D l, jai abli de lie ee le cifici idiidelle e le lie c, ce i a ei de deie le c de die le de flei leel je deai ee lacce e fci de chae aec ia de mon objet de recherche. Comme le suggèrent Alami, Desjeux & Garabuau-Moussaoui (2009 :17), jai el la diei de occurrences que recouvre la pratique du rap pour ensuite les systématiser dans mes analyses. Ce ae dfiie le ee d occurrence » par « le ca de leiece de aie d e » lié à un objet de recherche. Les points à développer ont été identifiés en

232 fci de ccece cae. Jai i le i de fle le ie e a aec ce il a cessaire de mettre en évidence et suivant les besoins de mon argumentation. Qui dit formulation de titres pour des sujets à dele, di aail dieai, ce-à-dire un exercice complexe de mise en sens, une proposition de compréhension, ou encore une aie de lie de lile le d de be. O e ea a da le lie de ecee e i die e ee dieai ccea de ccece bee l de aale de dci bigahie. Tout au moins, il existe des auteurs qui permettent à un jeune chercheur de réussir à proposer quelques éléments dieai. Piee Paill (. ci., .99-123) e e . Se flei de gade ili. Il ci lieai cme suit: « attribution de sens, le sens étant à son tour un contexte de compréhension, celle-ci venant leience loe de lien ene le choe o le nemen deiennen iible e/o familiers, et/ou prévisibles, et/ou logiques, et/ou plausibles, et/ou fonctionnels. » (Paillé, op.cit., p.100). Dans la même veine, la notion de compréhension désigne « une construction symbolique qui fait sens dans la mesure où elle répond à un certain nombre de conditions de vérités pour lindiid o le gope et pour la situation concernée. » (Paillé, ibid.). Avec cet auteur, je ced e lace ieaif cie dc dgage de hi de chei a d bje. E ce e, le cheche ee e ieai ai a dae i pourraient être proposées. Celle-ci se veut valide, plausible, cohérente, audacieuse ou consensuelle. Dans ce cadre-l, le cheche e ii affachi de e illi de i. Ce même auteur a une phrase qui pourrait servir à titre de conclusion ici : « On pe die alo e la bea e la ige de lene de eain iennen dan la lcidi e dan la anpaence de lanale i a lhonne de donne oi a poe, ses repères, ses méthodes, les contextes de son travail, de ses observations et de ses interprétations. » (Paillé, op. cit., p.120). De el dc l icif aei cheche i, ce cheche eie daille, ie e ieai a de aec clee de son objet de recherche. Tout ceci étant dit, essayons de voir ce que les rappeurs et fans du rap nous permettent comprendre autour de la pratique de ce genre musical dans le contexte socio-

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cie, liie e clel dHai. Ce de cela il ea eion dans la partie suivante.

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Troisième partie : Compréhension

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Chapitre 9 : Le devenir rappeur

« Pa leve yon maten pran chodyè w, pou ou fè manje [Tu te lèves un beau matin, tu prends tes ustensiles et tu San w pa janmen gade lè manman w ape sezone décides de cuisiner Ou ka bay kay la dife Sans avoir jamais observé ta maman assaisonner Ou ka bay tout moun dyare » [Zenglen, Do it right] Tu peux mettre du feu à la maison, faire attraper de la diarrhée à tout le monde. ]

Da le cade de cee he, le de ei eeielle aelle je cheche e de le de e, ce de deie la aie d idiid deie ae a eie, ce-à-dire un pratiquant de rap qui détient des compétences effectives e la aie. Il ae ide e ie i e e, d j a ledeai, e clae rappeur ni même fan de rap. « On ne naît pas rappeur : on le devient ! », pourrais-je affirmer, en imitant la formule célèbre de Simone de Beauvoir (1976 :15). Etre un rappeur pratiquant ou lae d a, ce l aail icea de faee de i, ee geif i e alie gce liei de lidiid da eironnement propice. Deei fa de a /ae ele de ei de g ical, dhabide dce, de le de ie, diflece ciale, ec. Sil e elaiee facile de cae e le ae détient un certain nombre de compétences qui eee de le diige eee d profane, la construction de celles-ci ee lcide. Je iee aicliee a de dlabai de ai e de ai-faie aicia de ce e jaelle le devenir rappeur , ce-à-dire le processus dynamique et complexe par lequel un individu apprend à construire et à articuler des savoirs et des savoir-faire formels et informels dans le champ de la pratique du rap et, par-l e, ce ceai ie de a le cece il a su y développer. Ce chapitre traite de ce phénomène si crucial dans la pratique de la musique rap. Jabde aicliee le eiel effe de cialiai d a, a diei da- formation, les processus connexes de construction de savoirs et de biographisation de soi à travers la pratique de cette variante musicale et la mise en récit de soi et des expériences de

236 fai d je aea e a il e dfii ce ae aia. Ce chaie contient donc quatre points qui f ael ceai be de cidai dde hie. Ce dabd a ele le effe de cialiai i accage la pratique du rap dans le milieu haïtien.

9.1 Le rap, un lieu de socialisation

Que la culture hip-hop ou le ra e aiclie accage d eiel effe de cialiai, il fai idiable d laale ai aide claie le c d phénomène complexe ci-dessus dénommé le « devenir rappeur ». Si ce processus est relativement difficile à saisir et requiert, par conséquent, une posture méthodologique spécifique, il ne reste pas moins vrai que cette culture urbaine exerce des influences sur un nombre considérable de jeunes Haïtiens depuis la fin des années 1980. En témoignent la présence cae d a da de ii de adi de lii, laaii de e autre de groupes de rappeurs sur la scène musicale haïtienne, la dominance des airs de rap qui, eda ceai e, deiee laie j ce e dares opus viennent ie le ce de iable de chaie. D i, ce l de ige iible de leiece d a e Hai. Mai, e die, cee présence exige des observations beaucoup plus systématiques. Dans un traail deae lli de la pratique du rap en Haïti, la question de socialisation par et dans les pratiques qui se mettent e lace a de ce le ical ee e fee iilgie. Ce e e ei transversale en ce sens quelle dbche cae dae aec-clés du rap comme les die e daeiage ael celi-ci donne lieu, le savoir-rapper par exemple, la cci de laae d a e d ae aia, le dali de cei de ce e de ie, ec. Eiage le a ce lie de cialiai, ce d e c e attention à des mécanismes de construction du mélomane et du rappeur pratiquant, à leur a la ie a aii le lile aeiage adi il le da un milieu où celle-ci ie e, de aie de ae, de fce de g. Ceci étant dit, il me paraît important de revenir sur la notion de socialisation afin de cie la igificai elle ed a ei de lcte et de la pratique du rap. Car cette notion a suscité un vif intérêt chez les spécialistes en sciences humaines et sociales et a fait appel à diverses approches théoriques ; la compréhension de la mise en branle de ce processus

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ae le a e a alla de i. Je lige e, ici, je e ci a ceaie dee fd da le dba hie d a alee fai lbje la i de cialiai, le b poursuivi étant juste de la mobiliser pour exprimer la compréhension que je suis amené à dégager des mécanismes de construction de la pratique du rap par des sujets apprenants, que ceux-ci ie de aae de ae feiel. D l, je a de dfiii basique mais plus ou moins acceptable où la socialisation est envisagée __ par le ministère __ français de ldcai aiale, de la jeee e de la ie aciaie (2011 : 1) comme

« poce pa leel [lenfan] appopie, ae le ineacion il noe aec e proches, les normes, valeurs et rôles qui régissent le fonctionnement de la vie en société. » Lage d ee de cialiai cie de flei a la cci de la eali idiidelle, laelle cci e faia a liiiai licai de ii d de, de habide, de aie de ee e dagi socialement situées. Ainsi le terme de socialisation est-il e diclcai, daiilai, digai de dle de cdie, a fiali lie a de eee lidiid de deei ebe a eie d ge cial d. Au-delà de la diversité des facteurs évoqués pour expliquer les mécanismes qui sous- ede le ce de cialiai, eieda e le ge daaeace de lidiid, ses conditions sociale, e eiece ae liflece gadee, le fae e le préparent à devenir un être conforme aux attentes de son milieu social. On peut retenir cette idée fondamentale à condition de relativiser le poids du « conditionnement inconscient » eeceai le ge cial lidiid. Da ce e de dide, il fadai gade une distance critique par rapport à toute approche qui viserait à homogénéiser le processus de socialisation, comme si celui-ci était uniforme partout et toujo. Ce ce iea e e ie la de lache ieaciie blie i e lacce le id de ieaci ciale e le le acif de lidiid da a e cialiai. George Herbert Mead (op. cit.), a souligné liace d je clee ee la bjecii de lidiid e iage ciale da la cci de a eali. Le ea de lache ieaciie blie le ie dai i e idece la fi le le dace e je lidiid e liace de lali da la dfiii e celi-ci se construit de lui- même en permanence.

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Le ec a cce de cialiai da le cade de e aale lce la aie d a ici a c de ce dba. Ca il e ible dbee de caie iilaie da le ce de fabicai de laae d a d ae. Mais dans le cas qui nous concerne, e cii ie a au sens du concept de socialisation : il e llee ei dexaminer les effets socialisateurs d ilie cial aiclie le lae d a le ae aia. Il agi l i daale le a e ce ace dele aec la ie a e le de de construction de ce rapport. Aii, ce le a li-même qui est considéré comme lieu de cialiai, ce-à-dire une pratique sociale qui façonne ses adhérents à sa manière en même e elle e cae fabie a ce-ci. En réalité, une proximité et une familiarité avec le rap entraînent une relative incorporation des manières dce, de ei e de vivre cette musique. Autrement dit, la socialisation dans le rap consiste en une iiiai a laae le ae aia de gee igificaif, de dispositions de, de e dce, de g e de aie dacie i f de li idiid ecaiable a a ce le ical. Ce a ce de cialiai mélomane du rap parvient à construire progressivement un mode de savoir-écouter qui lui permet de reconnaître un « bon morceau de rap e de e le laii. Pale de socialisation en ce sens-l, ce dc ee e idece leffe de faee eece la ie a laae le aia i ade, aail de elaie cfai qui sert de facteur fondamental à une réception favorable de cette variante musicale. Ces précisions définitionnelles étant apportées, je peux à présent me pencher sur les mécanismes de cette forme particulière de socialisation en partant des matériaux construits autour du rap haïtien. En fait, actuellement dans les villes haïtiennes, surtout à Port-au-Prince, il est quasi-impossible de ne pas avoir de contact avec la musique rap. En effet, il existe dans ces villes, ce que Vincent Rouzé (2002) appelle un accompagnement musical journalier : partout dans les recoins des villes, fortuitement ou plus ou moins régulièrement, on tombe sur des morceaux de musique accueillant tout passant avec très souvent une relative largesse en termes de décibels. On peut facilement observer que dans beaucoup de bars, de restaurants, de al de ciffe, de bie, il a e ceaie edace ee e de ie, ei de ee de la gaie e daie des potentiels clients. Or, pour être à la mode il faut rouler des opus en vogue, faire entendre un peu de rap.

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Les véhicules qui assurent le transport public (bus, camionnettes, motocyclettes, etc) restent un lieu où le rap se fait quasi-omniprésent, particulièrement à Port-au-Prince. Les bus de a blic daille l de eie dia i diff le a da la caiale haiee. Si l ce faie a eele da b e caiee assurant le trajet de Carrefour-feuille/Centre-ville ou Post-Marchand/Carrefour-de lA, on peut facilement se rendre compte à quel point le rap est présent de nos jours auprès des passagers qui fréquentent ces zones. En Haïti, la musique rap se répand surtout dans des émissions radiodiffusées et ldiffe, ce i fai elle gage e adiece haee cidable a ei de la lai. A lhee acelle, ce le ical e ee l e affaie de jee ca il ee da le habide dce de beac de gens. Le rappeur G-Boby a voulu décrire ce fait lorsque, dans Pou rap123, il écrivait : « Moun yo pa p chante pou yo pa chante rap/Granmoun, timoun, yo tout lage nan rap » [Le gen ne chaneon pa il ne chanen pas du rap/Les adultes comme les enfants, ils se tournent vers le rap]. Si, en Haïti, le rap attire jee e i jee, ce ace e cee ie a ie da le aage ical e da leiee idie de ge. Me le dace cie, alg e, de le côtoye da leiee abia. On peut comprendre que, devant une telle présence du rap dans le milieu haïtien, be ie ce i dele e fe dce ie a le g cee ie, e e cea a de ile ce passive imposée par les situations de leiee idie. Le icie Pierre Schaeffer (cité par Rouzé, ibid., p.127) identifie deux modalités distinctes selon lesquelles on perçoit un événement sonore en situation : l« ouïr-entendre e l«écouter-entendre. Da la eie fe dce, le la ie, bie il e ie e ig, ae l i aidee da le ilie e le lidiid. Da cee fe de ecei aelle e glbaliae, une musique tie lie d simple rendu mécanique de notre système auditif . A liee, l«écouter-entendre» est un « processus conscient et volontaire qui conduit à la comphenion de llmen onoe . Mie a le aee e g d idiid, ce cette ecde fe dce i dbche diee aie icale fae professionnelles.

123 G-Boby. (2009). Pou rap in Pale Cho, RKM Recordz, Port-au-Prince. 240

Il e a ce lgie dabli de lie ee l«écouter-entendre» et le potentiel de socialisation qui accompagne la musique. Autrement dit, là où il y aurait une grande difficulté à étudier les effets de façonnement exercés sur des individus par un style musical diffusé rarement et exclusivement dans la rue, il serait relativement facile de saisir ces mêmes effets si ce style musical entrait dan le habide dce de cce. Da le ca du rap par exemple, il est beaucoup plus envisageable de chercher à saisir la relation complexe eia ee le aie dce dele a de lae e le dali de construction de leur g ce le ical. Ce i da le aale i ie je e fe de le de dic ea de je i caie e aie de a, ce i, a ci de dlecai, chii dige ce le ical das le habide dbeai e dce. En abordant les influences socialisatrices du rap, on ne peut ne pas se poser la question de savoir comment un individu quelconque parvient à développer un goût prononcé pour cette variante musicale. Comment pae d idiid labda, alee age a a, mélomane avisé voire un rappeur professionnel ? Lle de e aac a le ae e jai ec a da le e de iei da eiee id de a. Ce ce eprime par exemple le jeune rappeur Jeeffson lors de notre entretien qui a eu lieu chez le lui, à Carrefour-Feuille le 1er août 2014 : « Depi 2003, jai commenc me baigne dans une ambiance de rap.» Il me semble que cette immersion soit une condition première da le ce de fabicai de laae. Ce i jai i aa dacce la ece d a da leiee abia de eci de P-au-Prince. Mais il ne suffit a de lg de ied la e da bai de a pour devenir fan du rap et, encore moins, rappeur professionnel ; le cidai la diici ee l «ouïr-entendre » et l «écouter-entendre » prouvent le contraire. Encore faudrait-il e lidiid e ei i porté à se rapprocher et à habie a a. Le cialie de la chlgie ciale ie da le face de ii e de failiai de fdee icia de laaci interpersonnelle (Cox, 2001 ; Coon & Mitterer, 2008). Les éléments de savoirs construits sur cee ei cifie alable da la chei d a idiid dele aec le ical. A ai die, ce ace e lidiid e e a a i cicle a e l da eiee il fii a e e attention particulière, par

241 retenir quelque chose qui le captive dans cette variante musicale. Le rappeur K.O a bien mis ce caie e idece lil ace ce il a cec e diige e le a : « Le b mon impo le ap dan le années 1988-1989. Trois bus ont particulièrement attiré mon attention : Idalgo, Machiavel et Immaculé Conception. Ces bus étaient très beaux. On y roulait des musiques. Il y avait les beats qui attiraient mon attention. Les paroles étaient en anglais ; elles ne mineaien pa. Jcoai je le bea e je ecoai la e. A lpoe le mie de See Be aien en oge. Je ne faisais pas de logique ; je les aimais tout simplement. » A fce dle da e ii aec le a, dele e aie dce favorable à la construction de son goût et de ses préférences quant à la grande diversité de styles, de rythmes, de flows, i accage cee ie. Aii K.O a-t-il été attiré par le rythme du rap dès ses premiers contacts avec cette variante musicale. Si les premiers contacts de K.O avec le rap ont été rendus possibles grâce à des bus de a blic, ae ce Re G, ce le aie i a ei de lie de rencontre. A vrai dire, nombreux sont des rappeurs qui ont appris à connaître le rap en bea le cee dae jee de le aie i-à-vis de la musique rap. Depuis le début des années 1990, beaucoup de quartiers populaires de Port-au-Prince ont toujours entretenu un rapport étroit avec le rap. Ils servent de lieu de reproduction et de perpétuation du a ace il habi e ai (Mage, . ci.) a de ee i ade de ce style musical particulier. En effet, dans beaucoup de quartiers de Port-au-Prince __ et dans dae ille haiee __, il e ca dbee de jee i e ee ae ae, lace de dfi, e le ale. Ceai edie le he ai de leurs codes vocaux ou en battant des mains ou encore en faa de bje. Dae chae de bibe de a dj c dbie de il ie de le e eie. Si l e aei a de de e-production du rap dans certains quartiers populaires, il est possible de constate e cee ie abli ce e de certains jeunes : on est des adolescents, on développe un style vestimentaire proche du hip-hop, ade a a ! Ta dadlece i de ilie laie bai e ea dans le rap ! Il fadai fille da lhiie de bidille de P-au-Prince par exemple pour découvrir combien de groupes de rap se sont formés, combien ont eu le temps de se faire une notoriété de ruelle ou de quartier. Le nombre en serait probablement énorme. Car le rap

242 exerce une grande influence dans ces quartiers habités par des jeunes qui souhaitent se faire i j la lii, gage iibili e age, cfe a eeai il se font des rappeurs vedettes évoluant en Haïti ou à lage. Aii, beac dadlece du quartier auront tendance à manifester, comme leurs pairs, un penchant pour le rap. Leur aai le a eie a le consommation de cee ie, laei il e à la vie privée des rappe c, leie de ceai de deei de ae ie, ec. Ce le aie, lcle cie ceai jee eace de ece aec le a. E effe, la alle de clae, e labece deeiga, la c de ecai e s souvent un espace favorable à des concours de rap entre élèves. Presque tous les rappeurs que jai ec da le cade de cee de ec ai travaillés par des concours de free style organisés plus ou moins régulièrement entre élèves. Lcle e edi l ba la ee le bac, l fai gliee de cc de fee le, vient avec de nouveaux lyrics, de nouveaux flows pour se faire un nom. Beaucoup de jeunes adolescents ont eu à faire des prestations de rap dea le caaade de lcle ecdaie. Le ae Mozo du groupe Règleman Afè Popilè rapporte : « Le banc a le pemie inmen aec leel jai en conac. Il a de ga i on de véritables spécialistes ; ils battent vraiment bien la mesure dessus. Le lycée Firmin a vu passer beaucoup de rappeurs : Mèdes, Dejavou, etc. Ces rappeurs ont eu une influence sur nous. Ils performaient souvent au lycée lors des activités récréatives. Il y avait très souvent (chaque vendredi) des parties de fee le. Ce dan ne elle ambiance e jai gandi a lce. » On peut comprendre à quel point, dans une ambiance scolaire animée de défis entre pairs, un adolescent peut être enclin à développer une passion pour le rap. Les concours de free style ieidiidel e ieclae aaee de iable ee i ifle amplement sur le rapport du jeune au rap. Il e fa a ee e, da leace claie, le le ie développer un penchant pour le rap. Ce i alle ja b da le a, ce sont ceux-l e i ee a, de aie de ae, de aie de fee le, qui assistent à des prestations de rappeurs connus lors des activités réalisées dans leur quartier ou ailleurs, qui pratiquent du rap chez eux. A ses débuts, le rappeur Andy consacrait du temps alle da de edi fe a de ae. L d eeie e jai e aec li, il a al de la failiai il a dele aec le a da on quartier du temps de son adolescence : 243

« des groupes de rap jouaient souvent au centre sportif Dadadou dans des festivals. Il y avait dan la one de Ba Delma n appe appel Spacai. Dae appe, comme ce d gope Masters par exemple, fréquentaient aussi la zone. Il y avait donc une ambiance favorable au deloppemen d ap dan la one. De pl, jaai lhabide de fene le aie Ba-peu- chose, le ghetto Gérard Gourgue, les programmes de basketball de la rue Lamartinière, Kay Anou. Là, on côtoyait beaucoup de monde. » Ces exemples permettent de comprendre que plusieurs facteurs participent du processus complexe de socialisation qui se joue dans le rap ; je ai ale d instance » ou d agent » de socialisation pour utiliser un langage correct. Que ce soit dans le quartier ou à lcle, le a e le ge de ai eece e iflece cidable laae a e le ae aia. O le i bie da le ca dAd : hormis ses fréquentations des milie gai e abiace cie a de la i a, Sacai e bie dae rappeurs __ il ai bie ede de dle __ l iflec. Ce ce e rappeur qui, avec quelques amis tout aussi enthousiasmés, allait former un petit groupe de rap de aie, ei de eece e de cheche e ie da ce gee ical. D db, lhiie d a haie a ae a he de rassemblement de rappeurs et de fans du rap autour des figures de proue qui avaient la réputation de posséder suffisamment de talents et de compétence pour faire avancer la musique a. Cela a daille cec aec Mae Dji, le icial iie d a haie, i réunissait autour de lui des artistes comme Supa Dénot, Elie Rack, Frantzy Jamaican, BOP, Top Adlerman ; ils cherchaient tous à hisser le rap sur la scène musicale haïtienne. Au milieu des années 2000, le rappeur K-Tafalk du groupe Barikad Crew a été considéré par certains comme un père autour duquel devaient se i dae ae faie aace ce il appellent très souvent le « mouvement rap créole . Aee di, da lhiie a haie il y a toujours eu chez les rappeurs et supporters ce souci de maintenir une sorte de confrérie construite autour de la cause du rap dit « créole » qui doit être promu en Haïti, selon le souhait de l d. Si j e, da le dic de beac de ae haie e de fa, le rap est représenté comme un mouvement, il est peut-e ible dtablir un lien entre ce dit mouvement et ce souci de rassemblement dont ont toujours fait montre rappeurs avérés et jee fa de a. Mai li e a l ; il est plutôt dans ceci : cette forme de réunion a d ae » a des effets rassua, ecagea e iiiaie. Ce

244 haut lieu de partage de savoirs, de savoir-faire, de savoir-e e deiece ee le ai, entre rappeurs confirmés et rappeurs en herbe. Il permet à des jeunes intéressés de se familiariser avec le milieu rap, de trouver leur baptême de feu et de prendre confiance en eux- mêmes pour se lancer eux aussi dans le rap. Ainsi le rap haïtien peut-il continuer de se perpétuer. L de l clbe ee de aeblee de ae e Hai, ft ASRAP qui a pris naissance au début des années 2000, à une période où le rap connaissait un certain déclin face à la dominance du compas direct, cette musique nationale haïtienne. Ce type de mouvements a des effets structurants pour le rap en ce sens quil ee a ie de mieux organiser et unir leur force en vue de dessiner de nouvelles perspectives en ce qui a trait à cette pratique sociale. Par ailleurs, ces mouvements de rassemblement permettent à des jeunes rappeurs de se faire une place parmi les aînés et de grandir. Ils participent grandement au processus de façonnement du jeune qui désire devenir un rappeur. Le cas du rappeur 27 du ge Wkl e e eele ae ai a dae. T ei, il ceai fréquenter les tena d ee de aeblee de ae d Kazèn, il feai ce il e le ghetto Kay Yvette , lie l ai ece beaucoup de rappeurs considérés comme de grands MC : K-Tafalk, Jimmy O, Yakouza, etc. Dans ses représeai dal, i l lai faie d a, deai alle ce edi i e ai d cllge L Defa, Caef. Cai lie de ece. Il chai de c lcle alle ce de ae ce ghe. Il lai passer du temps en compagnie des rappeurs qui ont fait leur preuve. Là, il a fait la connaissance de F-Ner, un ae c. Ce la eie ee e 27 a cace ai Cd de ie a e ge le. Peu de temps après, il a rencontré le rappeur Tragik qui lui a permis de rencontrer dae ae. Tagik ai ebe dASRAP, il aai ge aec le ae Ji O. A lccai de aieaie, il gaiai che li e fe i iai beac de M C. Là, on faiai d fee le, e galai, ec. Ce l e 27 a fai la caiace de rappeurs comme 2kondane, K-Libr, etc. De là, il a commencé à discuter avec K-Libr. Un jour K-Lib, Oaga e dae ae faiaie d fee le, ce i eeillai le jeune ae 27 i e cai a e eille. A cee e ide, il liai de che le a faai. Il eie e le a faai dci bie ce e ce e le a. Il a cec i

245 le rap comme un phénomène social, à mieux comprendre la nature et la fonction de ce style musical. Le jeune rappeur 27 échangeait des idées avec K-Libr ; ils discutaient beaucoup a d a. Il a ai dic aec Tagik e aec dae ae ei ce. Ce aii e, el li, il a développé sa compréhension de la réalité du rap. Vil bel eele de leffe de faee eece le feai d milieu rap sur un adepte, celui-ci étant enclin à devenir lui-même un rappeur. Le rappeur 27 a su se faire un nom dans le domaine du rap en Haïti ; il a gagné une reconnaissance grâce à son influence au sein du groupe Wòklò qui, depuis 2011, habitue son public avec des musiques de dénonciation et de contestation. Je voudrais mentionner, dans le cadre de ce développement, un autre lieu de cialiai i a j le da da la eiai d a haie. Ce ce ha lieu de rencontre entre pratiquants amateurs du rap communément dénommé « Rap forum ». Une histoire de ce lieu a été racontée par le rappeur Master Beef lors de notre entretien. Le Rap forum consistait en une rencontre régulière entre des rappeurs, des Dj, des beaake, de dae e dae ee iee la cle hi-hop, chaque vendredi après midi à la rue Magloire Ambroise. Leace ai eig ; il ne pouvait pas recevoir beaucoup de monde. Il y avait tellement de monde que certains restaient dehors. Des rappeurs parcouraient des distances relativement longues (Léogâne, la plaine du Cul-de-sac, etc.) pour venir au rap forum. A liie, il aai di. Ce lie de dcee de ale. Ce lie le jee ae aie efe. Ce dc lie de formation. Il y avait un animateur à chaque rencontre. On faisait des débats, des séances de formation sur la culture hip hop. On organisait des concours pour lesquels on utilisait les lca dEldad (de alle de cia ie Place Jie) ca leace habiel e ai a cei le de. Ce l e Mae Beef a fai a eie performance en public. Ce l il a e ic la eie fi. Ce aie lie de fai pour les MC. Beaucoup de rappeurs ont fréquenté la communauté que constituait le rap forum. Les rappeurs développaient des relations chaleureuses entre eux car ils se familiarisaient au rap forum. Le rap forum était pour une cause : la promotion du rap haïtien.

A bien des égards, ce type de lieux de rencontre entre adeptes de la culture hip-hop joue un rôle prépondérant dans le développement de la pratique du rap en Haïti. En effet, la

246 tendance des fans, des professionnels de la musique et des rappeurs pratiquants à se réunir pour faire avancer le rap a pour effet de contribuer à la consolidation des talents et acquis, de promouvoir ce style muical e de cie laai de eiel adiae. Da le fai, e bee il eie e ca de aie i e ci a de la ie rap en Haïti. Cette communauté regroupe des rappeurs, des DJ, des beatmakers, des ingénieurs du son, des animateurs de radio ou de télévision et des fans du rap. Au sein de cette communauté de pratique, circulent un ensemble de savoirs, de savoir-faire, de représentations ce aage ccea la ie, de e dce, de manières dacie, ec. La cii de cee ca faie le aage de cece e savoirs plus ou moins formels entre rappeurs et mélomanes du rap, ce qui contribue à liiiai de ceaie eeai ce d ai apper et de la saveur du rap. Ce e fece de ale cicla a ei de cee ca de aie, a a à ce qui est déterminé comme « belle ie, e la cece d ae e jge, cea de ie e aci. Ainsi est-il ca, e Hai, deede ale de bon rap » par opposition à des morceaux de musique qui, estime-t-on, ne méritent pas cette alificai. De e, ia la eeai e l e fai d ai-rapper, le fan ordinaire distingue un « rappeur compétent » de celui qui prétend faire du rap sans en avoir les talents nécessaires. Dans ses appréciations, il peut citer le nom de ceux qui représentent pour lui les meilleurs rappeurs haïtiens en fondant son argument sur un certain nombre de critères : le flow du rappeur, la qualité de ses textes, ses habiletés à faire des jeux de mots, sa eface ce, iea dde, ec. Ce fa diaie e ai bie ideifie les rappeurs qui sont, en Haïti, les moins talentueux parmi ceux qui sont connus. Dans le dic de beac de lae d a e jai la chace de ce e Hai, il e difficile voire impossible de déterminer le rappeur haïtien le plus habile. Néanmoins, la figure du « rappeur incompétent » est incarnée par Papi, ce prétendu rappeur qui a sorti le titre Bye Bye Nicole. Ce i e e ci ce leele afai d ie a » gagne paradoxalement en popularité parce que le flow de Papi suscite beaucoup de curiosité et de moquerie. Si Papi ae le ae idicle da le ilie haie, ce ace e a aie de rapper paraît peu ordinaire ; son flow ne répond pas aux normes et modèles implicitement intériorisés par les membres de la communauté de pratique qui se forme autour du rap. Comme

247 il rencontre un certain succès en termes de popularité, selon une certaine représentation, il ae ie e l dicae la fige d ae idicle. Lie de ce i disant rappeur semble se confirmer surtout à partir de son deuxième opus Oh Bondye sorti en 2014. En fait, ceux qui prennent Papi pour un imposteur sont habitués à écouter des rappeurs haie e age d le fl e le le de de cie de dfiii d ae compétent, selon les repreai, e e dle il ig ccea le compétences à développer en matière de rap. Les valeurs véhiculées au sein de la communauté de pratique qui se forme autour du rap ee de cade de fece e degece d g r le rap. En fait, au sein de cette die ca e ie le cdii de cei faable de la musique rap par e adee e le ae aia. Da le cade de cee he, jai ae e eche e leffe de faciation du rap et sur la manière dont le fan ou le rappeur construit le goût pour le rap. Nous pouvons admettre que si le rap a su se pérenniser et a ec a degee e Hai, ce ace il cie f eiel daaci, ce qui a été exploré par Molinero (2009, op.cit.) dans le contexte français. En réalité, ce style ical da e diee dali deei cie ce i e aie lae, laie, le e j ladiai. Le de ae aiats et des fans que jai ec da le cade de ce aail de he ee ige de ce eiel effe de dci e e eece le a. Ce e ce e e jilie le ee de feeling pour traduire cet état ou ce sentiment de délectation que procure un morceau de musique __ le rap dans le cas qui nous concerne __ celi i lce. Le ee de feelig e l ce ae le dic de ae e fa de a aec i jai ali de eeie. Ce e raison de sa cece e de liace il ed da le ci deiece de ee ece e jai ei je de eede ce ee da e flei, e ea de llabe e fci de ce i laccage ce eibili, cee, eiece iglie. Ce il cie de e feeling » se fonde sur des éléments de contenu sonore qui, dans un morceau de musique, interpelle celui qui écoute dans ses eibili e da a aie dacie e le e e de eiments complexes de jie, de diaci, ec. Cee flei le feelig d a ici da la lige hie de aa aie ali de ei cee ce le g, laachee

248

(Hei, 2004, 2006, 2009), laciai, lamateurisme (Molinero, op. cit.), lieiee ical (Hammou, 2007), etc. Le feelig e de lde d eei, de l. Il eie a eele ae ce eai i d eeie e jai e aec le ae Read : « T , jai ojo ae pa ne gande enibili po le ap. Je me en aaill pa le le mme. Jai limpeion e je i m pa n moemen de paion pour le rap. La passion violente allait venir vers 2001-2002. » Pour sa part, le rappeur K.O a affirmé : « Ce o le on de Mc Hamme i maiai. Jcoai beacop de ap. Un ami ma offe de caee de ap : BZB e DJ Magic Mike. Jen aimai aimen le rythmiques. Je me retrouvais dans le rap » Le ae aia le lae d a ilie e dae eei che de ce sentiment de plaisir éprouvé en savourant un morceau de rap ; l de ee le l expressifs du feeling est celui de vibe (ibai), e e degie eadiaie i aie celi i ce i chae d a. Ii eie le gee il fai e aa, Rey-G e lacce ladvènement de ce il ee : « Ça vient tout naturellement. Quand tu bouges, tu trouves du vibe, une sensation qui te pénètre. De l, l e ahede le terme de feeling ce eai fe, if la eideciible i aie le lae le ae e ai dce de chae e cha. Ce e e dehiae vouloir écouter cette musique-l, aie ce gee ical, accche, ec. Lle déclencheur de cette vibration peut être la hie de cha, une mélodie, un simple son particulier, comme on peut le voir plus haut da leai de K.O. Cette vibration, ce feeling e ai bie ceible daaae dea le je de , la aie d le mots sont déposés sur la mesure, la qualité de la voix de celui qui chante, etc. Le feeling est purement subjectif et donc relatif ; il varie selon les dispositions individuelles, les circonstances, les situations objectives, etc. Devant un même morceau de musique, un individu peut éprouver un feeling à géométrie variable qui peut osciller entre joie et euphorie, entre un simple amusement et une grande réjouissance. Ceci a di, il e liible de cede e chac e a ce eie de plaisir face à une sonorité rap, de même que devenir admirateur du rap ne va pas de soi. Cela demande une relative proximité avec le rap, ce qui se trouve favorisé par un processus de socialisation dont on vient juste de faire état. Reste à savoir comment les rappeurs pratiquants

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ee, a-delà de la vibration éprouvée, pour construire des savoirs dans le ce champ de aie. Ce cee ei fdaeale e je ai abde da la aie i i.

9.2 La construction du rappeur pratiquant : articulation de savoirs

à travers une pratique complexe

« Ce en fogean on deien fogeon » (Proverbe français)

Comment peut- ideifie ae aia ? Qe-ce qui caractérise un artiste digne de ce nom ? Sil e aae elaiee facile lae d a d ondre __ ecai il ie de eci de cie bjecif __, la réponse à proposer à cee ei e a aa e idece. D i e-on admettre que, pour reconnaître un rappeur, le critère le plus pertinent à considérer est peut-être les éléments de compétence que celui-ci doit démontrer dans la pratique du rap. En effet, on ne peut distinguer véritablement un rappeur que grâce aux savoirs et savoir-faie il a del e d il di faire preuve en rapport avec la pratique du rap. Ce ee algie. A bie de gad, la e de ae accage d eeble de caiace e de cece i , la lge, abli ce e a ei de la aie d a. D ae i e resece aed il ie aie accde ele fd ical, el le e fl e. Mai le ae a a e fl aaille. P faie d a, il faut pouvoir acquérir et harmoniser diverses habiletés. Sans prede lehaii e, e dehors de tout souci de classement, je voudrais ici inventorier quelques capacités essentielles à développer par quiconque se veut un rappeur à part entière, en me référant aux propos soutenus a le je e jai ecrés. Premièrement, le rappeur pratiquant doit maîtriser un certain nombre de techniques récitatives qui lui permettent de garder un peu de constance dans sa manière de déposer des mots sur la base musicale de son choix. On en revient à la question de flow, une composante iae de lidei d ae. Celui qui sait rapper connaît bien la mesure ; il sait

250 comment faire pour ne pas être en dehors de la mesure du fond musical sur lequel il rappe. Il peut contrôler sa vitesse et son intonation pour ree e accd aec le bea. Il a de ladee ceaie cle la ee eda il chae. Qad e habile, aae a tous les beats de la même manière ; on tient plutôt compte de la particularité de chaque beat pour glisser son flow. Deuxièmement, en tant que rappeur un individu doit pouvoir développer les habiletés linguistiques que requiert cette pratique musicale. Ainsi doit-il, dans ses textes, montrer sa caaci ilie egie e ag aiclie, leel accde lie linguistique voire stylistique de la culture hip-hop en général. Un texte de rap contient très souvent des tournures, des images et des termes exprimés conformément à une certaine vogue qui fait penser à la jeunesse. Troisièmement, le ae di aie e ceaie ali ie, ce-à-die il di i faie e de ie, eci lage d eeble de fige de le da ce il ae afi de de e cle aiie e . P le ae Master Beef, « la musique est un art ; elle ne se fait pas sans poésie. Il faut que ce soit beau peu importe que ce soit du rap ou pas. » Tous les sujets rencontrés dans le cadre de cette étude partagent ce i de e. Da e, le de iciale caaciie d bon rappeur » est cette capacité à rimer ses textes, à faire des calembours et des multi syllabiques, à évoquer des métaphores et à jongler avec des images pour exprimer un message. Cette capacité contribue grandement à faire la force d ae e le diige eee de e hlge. Ca a bout de quelques temps, pour avoir rappé dans quelques morceaux de musique connus du gad blic, le le d ae e cie e il e e ec a fl, la forme de ee, le he il abde, ec. Qaiee, le ae e a aie di ai e ee e ce, ce-à-dire aaille a eai de i, efe de elle e il ie e e ale e cie li d blic. O aai d al iagie ae i e e a efe dea blic i eei laei eda ceai e a le il cade e a la aie d il ale e le ical il a a diosition. Ciiee, ae di i iie, ce-à-die chae de aie iaede ie el je, e acapella ou avec un accompagnement musical. Liiai cie e che iae laelle di dtrer sa capacité ;

251 elle exige de la part du sujet les compétences précitées puisque lors même que celui-ci est llici chae a il i aed, il di caice a fl, cablaie, a fce ie, ec. Ce i le free style est un exercice incontournable dans lequel la plupart des rappeurs rencontrés ont développé une compétence surtout au moment où ils devaient trouver une confirmation et une reconnaissance dans leur pratique. Liiai eie e aai. Le ae K.O e e ce il ci e e i ccea liiai : « Tu ne peux pas faire du free style avec une tête vide. » On doit apprendre à faire des rimes riches. Dans une battle, pour impressionner un adversaire, il faut e le ae ai beac de cablaie e ce il di di éclater. Ses figures de style doivent être impressionnantes, il doit pouvoir faire des punchs line. Ce i di bie aie le dail elaif liiai. De l, le fee le deade e l caie le bea e e l e aie ; cela demande une grande capacité à exercer son imagination pendant le déroulement du fond musical. Dans la pratique du rap, le free style semble un carrefour incontournable : le rappeur, dans un ici et maintenant, doit montrer sa caaci abde ie el je iie ce i e e da eage immédiat. Il doit surtout éviter de reprendre des lyrics dj c ie ce il ie je de dire penda il iie. Il e di a de liei de de d bouillon réchauffé de e de dci, de a e dii. E icie, ae e di a éviter de faire des improvisations ; devant un adversaire ou non, il doit montre il e faie du free style, question de gagner ou de garder son respect. Sinon, lorsque son incapacité est avérée, il perd de son prestige. Voilà, brièvement, quelques éléments de savoir-faie e l e facilee ideifie chez le rappeur pratiquant. Celui-ci di dele ece a dae cece ! Mais tenons-, lia, celle e je ie je de ee e abd le caie de construction de ces formes de savoirs au sein de cette pratique musicale. On peut dès lors se deade ce le ae ee dele ce cece i f de ce il , ce-à-die de ai feiel da le daie. Il a a die e ii aec le a, ceaie cdii, e faie n individu devienne un mélomane. Ce même mélomane peut même devenir un rappeur amateur. Karim Hammou (2007) e fe de aa elaiee ce ale d aage de laae d a a ae aae. O, ce le ae aae i a e rofessionnaliser pour devenir ce

252 rappeur dont les compétences sont avérées dans ce champ de pratique. Tout grand rappeur a été, à un moment donné de son parcours biographique, rappeur amateur. Ce processus mérite de di. A i cde, jai abd cee ei e iilgia lagle de la cialiai. Il e aa ai eie de labde le la de llabai de savoirs et des savoir-faire. Pour apprendre à rapper, il semble que la condition sine qua non soit un amour développé pour ce genre musical. Autrement dit, le point de départ de cette forme daeiage e e-être le feeling éprouvé par le sujet apprenant (Dumazedier, cité par Carré & al, 2010) i, ai dehiae, a cheche lagi de caiaces y elaie. Il ie de cie a ie abd e celi i aed e a fce conscient de tout ce qui se joue dans ce processus complexe dans lequel il est engagé. Cela ne e llee die il e e ed a ce il aed : bien au contraire, il a la volonté daede, il e aei ce il acie ce elle caiace e e ede e diace fleie a a ce il aed. Il agi iablee d je apprenant. Ce que je tente de précie, ce e le ce de cee fe daeiage e tellement dense, tellement imprévisible et incertain que le sujet ne saurait être totalement ccie de ce il accle ce caiace e cece da cha de pratique. Ce eacee e ce e ee e, a eele, le ae Re G e ei a difficl cee lede de caiace il a acie e di : On ne pa ojo concien de o ce e lon append en dio . Ce alable pour les aeiage e l fai e di deegiee ai galee da lie l apprend en dehors de tout dispositif construit préalablement à cet effet. Face à ce fait, je suis e de fle lhhe de liie ai-infranchissable de tout travail réflexif dieaie de caiace e die idiid da cha de aie il aed par lui-e. Da ce aail da-alai, il e de aciii e lidiid e e a gad eff e dae, l bile, i l eable e iai, ce- à-dire lorsque celui-ci, en pleine action, est en position de les mobiliser. En y regardant de près, e be a de aeiage d ae aia e ceible de blie, du moins enfuie quelque part ; il les mobilisera au besoin, en plein exercice de ses talents. Il y a là ele che de lde de lhabi, cce i che Piee Bdie (.ci.). Je ale

253 dhabi iil agi de ai ic, daentissages presque devenus inconscients mais qui sont mobilisables, qui tiennent lieu de dispositions durables et transposables.

Si les savoirs et savoir-faire acquis par le rappeur pratiquant se construisent dans liceai, e gade a, ce ace e ce e aiclie daeiage e alie en dehors de tout cadre formel préalablement conçu pour atteindre des objectifs précis (Bge & Ula, 2009). Da ce ce daeiage ifel, le ae e e a c de aere intellectuelle particulière ; face à ses hésitations et, en poursuivant son but, il doit composer avec ses errements et tâtonnements. Les connaissances à acquérir ne sont pas un déjà là ; elles sont plutôt une route à prendre, un idéal à atteindre, lequel idéal ne se ia a lhi il e e a fai e cie laace. Ce e ce e e l e cede cee ide d ae Ad selon laquelle « on ne finit jamais dappende appe. Da ce e de dide, je peux dire que les savoirs acquis dans ce processus complexe sont des émergences, du moins pour le rappeur apprenti, dans le sens morinien124 d ee, ce-à-die de elle caiace e cece acie celui-ci e aelle il e e a tout à fait attendu. Il faut toutefois remarquer que les savoirs et compétences à construire par un rappeur se précisent progressivement, en raison du développement de la pratique du rap : en fait, petit à petit et fortuitement, au cours de ces trente dernie ae, e i e lace ceai c de caiace e aie de a, ael le ae e fe die le e. E ele e, ce e fece à ce qui est déjà établi comme habiletés à développer dans le rap que le rappeur novice cherche e fe, e ea dle de a il eie e e. Ce di c de connaissances continue de se mettre en place, se re-construit en permanence à partir des techniques, des habiletés, des styles développés par les rappeurs pratiquants selon les tendances i e ccde de ide e ae. Chae ae accde de aie iglie a divers savoirs plus ou moins établis dans ce champ de pratique. Cette accession est à envisager comme un processus de découee geie. E e, je e die e laei ae, da aee iellecelle, fai cae leiece de dble découverte : il acquiert des savoirs et savoir-faire établis avant lui par ses aînés et invente, lui

124Morin, E. (2014). La pensée complexe. Cicai ee lccai de la cfece de lancement de la chaire Edgar Morin de la complexité. 11 mars, Essec business school, Paris, France. 254 aussi, ses pe echie, leelle bablee aicle a c de caiace eia e la aie. Ce de e de dcee echee ; il eie a ceaie de daaii ee elle. Ceci a di, e de egade de plus près les mécanismes de construction des savoirs qui font du rappeur amateur un professionnel légitime au sein de la communauté de pratique dans laquelle il évolue. Voyons à présent ce que fait concrètement un rappeur pour développer ses compétences. A ai de le deiece eelle ie e eege a le je l de eeie, je e cede e laciii de ai e ai-faire au sein de la pratique du rap est un processus complexe qui articule plusieurs moments. Ici le terme de « moment e ili da le e leed Rei He (ci a Dad, 2012 : 198), ce- à-dire « un espace-emp limi mai olide, e lhomme inei dne ignificaion paiclie, o il fai eie pa oppoiion dautres moments, espaces-temps investis dae ignificaion ». Dans le cas qui nous concerne, en partant de cette définition, le « moment » peut être entendu non pas dans le sens temporel et linéaire du terme mais plutôt en a e he cifie daci i aicie de la ie e lace de aie da- formation du sujet apprenant. Les moments coexistent donc ensemble et sont interdépendants. Je mobilise cette notion pour parler de la construction des compétences du rappeur pratiquant, parce que celui-ci ade ilae eeble deecice aie i, gce leur diversification, lui permettent de développer des savoirs et savoir-faire effectifs dans le champ en question. Pour le dire de manière plus précise, dans son apprentiage laei rappeur articule plusieurs espaces-temps consacrés chacun à des activités variées mais connexes : une écoute particulièrement attentionnée, des répétitions systématiques, des séances diiai d fl de ae-modèles, des exercices diiai, de eaee la dcie, ec. Ce -l le che eeielle aelle di aele ae a cours de son auto-fai, e i chac a a e aie dagece le e de a ie daei. Di e ce acie e l de i de da de aail daeiage d a. Laei e e dabd à écouter du rap, avec une attention particulière sur ce que font dae ae i li aaie efa. Il ce e ce de orceaux choisis. Sur des opus qui répondent à son goût __ e dc i laie __ il tente de scander des propos en même temps que celui qui rappe. De là, il commence à développer son propre rapport avec

255 les rimes, le rythme, les figures de style, etc. Imli da ce ce daeiage, chac ed de la aie il eie la l adae aei b : pouvoir ae. U ae ce Dg G ace e db il écoutait des rappeurs américains et essayait de dire des choses en créole sur les musiques qui roulaient, en tentant de le faire exactement de la même manière que ceux qui chantaient. Renaud, pour sa part, prenait lhabide de chae de cea de a il cai e de eli le caee iege e son grand frère ramenait à la maison. Par de tels moyens, le rappeur en herbe apprend à dci ie de echie, cede laiclai de flows aux mesures ou dae cae de fd ica. Il aed galee ce aper en battant lui-même la mesure, de ses mains voire de ses pieds, sur des objets disponibles dans son environnement immédiat : bac, e able, e chaie, le ca de ie, , ec. Il suffit de trouver un niveau de vibe nécessaire dans un ici et maintenant, seul ou devant un elce blic. Ce eecice i cfe e ceaie aiace celi i ade. P ai de la aifaia, il fa de fd, ce-à-dire maintenir un entraînement assidu. Heureusemen e ce e deaee e e faie ie , e le je ie ile i ae e flows, accorder ses mots à une ee d il eaie dai le cle da a e. Aa die e afi il e e a nécessaire dai fd ical aaille fl. Ce eecice e e faie e douche, dans un véhicule de transport public, en marchant dans la rue, etc. Par exemple, pour le rappeur 27 la dche e le eille lie il e eece a fee tyle. Il eae iie ie el je eda e le fd ieal. Pa le a, il aai le de ie de Fif Ce e faiai de iiai de aec ses propres mots et suivant son style. Dans s iagiai, ce ce il affai Fif Cent dans un face-à-face. Le jeune rappeur Jeffson fai d fee le il le e faia leff de eece le je ai da cee ie. Leaee i cie ae n fond sonore instrumental constitue, pour be de ae, eecice f eichia da la ee il ee laei de e i e ace, de bee e ai de efe ce aia a eie. A c d el aail, le jet se voit carrément en tant que rappeur ; d i, leecice le prépare à se considérer comme tel. Dans le cas du rappeur 27, le free style a occupé une place prépondérante ; e ae ce i, e e, cai la cece iciale

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dévelope, e il eca e tous les « bons rappeurs » ne maîtrisent pas nécessairement le free style. Selon lui, « le free style est une grande compétence, une capacité à improviser sur un sujet sans rien écrire, sans connaître le sujet avant. Un sujet auquel on ne aendai pa. Qand fai oen de eecice, e pl laie dan ne paie de fee le face à un adversaire réel. Ce il agi d eecice diiai, laei eca il aa de e, l de eaements, des déchets da ce il ae ai e cela li ee daede faie de ie, aie je a aai, dele e eiel ligiie, habie e aie efaie, ec. Ce e deai-erreurs, de tâtonnement répétitifs, de doute et de petites satisfactions galee. Le ae Read e fiai, a e de e eegiee, ale a a dae ae il cai : « A db, je me enai loin de en eme de niveau dans le rap. Parfois je conaai e je ediai le mme choe. Pafoi jhiai. Ce on de choe e je faisais de façon vague, sans respect pour les mesures car je ne connaissais pas les principes d ap. A f e mee e jcoais du rap, je développais une routine ». Comparativement aux années 1980-1990, il est de nos jours plus facile à un apprenti de travailler à partir de ses enregistrements, grâce au développement et à la massification des technologies __ le téléphone portable est par exemple un appareil multifonctionnel. Cette elaie facili ee a le aia. Ai d ceai vibe, celui-ci sauvegarde des rimes ou flows qui lui passent par la tête ; il a eei, dae e corrige e cle aail. Leegiee ee a je aea de a-évaluer. Il peut estimer que sa voix est trop aigüe ou trop grave, que ses mots tombent en dehors de la mesure, que son flow ie de aaill da el el e, ec. Le rappeur 27 recourt à une comparaison très significative pour expliquer le bien fondé de sa stratégie : « Ce comme i append aie de je aan dalle a eamen. Aan le eamen, on append faie de de de ee. Si nappend pa le faie, ne foi a eamen, ne poa pa faie ce on e demande de faie. T pe faie la conclion aan dinodie. Mai si tu fais des pratiques chez toi, tu auras la capacité de faire des improvisations [devant un adversaire] et de rester dans le sujet.» L e cede i leaee a fee le cce i gad le da la formation du rappeur 27 : ce e __ ce e be a de ae e jai 257 rencontrés __ ce deie e li, a tout début de sa carrière, à une bataille pour la reconnaissance auprès de ses pairs dans son école, dans son quartier, etc. Cette bataille consistait en des concours de free style par lesquels devait passer une confirmation de soi devant les spectateurs qui sont eux-mêmes des amateurs de rap ou, très souvent, de potentiels ae cce. Il la li-même affirmé dans une partie de récit exprimée avec une certaine dose de fierté : « Je participais à des concours de free style dans mon école. Je suis devenu le meilleur de oe lcole. Le meille de mon aie ai. On faiai eni de appe lcole pour des concours avec moi. Là je me voyais comme rappeur. Jciai, fenai dae appe econn. Il commenaien me connae.» E l de lce acie, de liiai de ae-dle e de liiai, il eie i ae gad e de laeiage d a : lcie, lelai e la performance. Je veux présenter respectivement ces trois importants moments de lafai d ae. Lcie de ee de a e l de e fdaea de la ie de laei rappeur. Elle ie a db de la fai d ae aia, le celi-ci i la cei dalle a-delà de iiai e de liiai de e dle. A ce ade, il i leie de eie e cia de ee, de ce ele che digial ; il e e i le, affie ce ae. Il ci ia a diii, il soit inspiré de quelque chose. Il peut écrire immédiatement des idées qui lui viennent pendant il ee e ilece il aed e le faie. Il se rend compte de la cei il a ae feiel de i cie ie el e ie el je. Il ced e le ee di de ceaie eigece : par eele, il e faie leff de ee da le je ai, chii le, faie ei e echici a, ce-à-dire scander les mots et mettre en évidence des jeux de sonorité qui ie accde a fd ical chii. Ce eecice e a a de i. Da le dic de ae ec, il e e caai i e le cee : ce ce i el i ade lcie de ee de a eai e ie dciai. Il aed beac de che, e cie a ii d de liie de e ee. Il e e a e eee dcie ie ce, il li fa eece le icie y relatifs. Il faut il flchie, il di ae la chece d ee ; il doit donc se mettre au travail. Le texte

258 de laei ae le d gibillage l i cheible ee ee afai. Da ce e de dide, je voudrais citer un extrait du récit que le rappeur K-Lib a fai de e eiece iglie e aie de lcie d a : « A db, jciai de ee i naaien ien oi aec le ap. A lpoe jcoai d ap. Le appe e jcoutais utilisaient beaucoup de guimic (Yoh ! An an !...). T ad, jai appi e cai de onomaope A lpoe, il aai n le appel méguédém », une sorte de bégaiement volontaire que le rappeur utilisait en chantant. Mais un peu plus tard, je réalisais e je deai ime me chanon. Ce en faian de conco de fee le a lce e je me i rendu compte que mes paroles, quoi que plus consistantes, ne pouvaient susciter autant dappladiemen e celle dae concen. Ceux-ci disaient des paroles qui avaient des ie de onoi (ce leffe de la ime). Je me i end compe e je naai pa de ime. Jai appris à rimer. Je me suis mis à écouter des rappeurs qui rimaient leurs chansons. » A partir de cet extrai, e bie eae il e ffi a de i cie de ee intéressants, en termes de contenu, pour faire du rap ; encore faudrait-il e l ie de une forme et un style appropriés à ses mots. Si le flow se trouve dans la répétition, quant à la i de d ae, elle e deie a e de lcie d ee. Le ae ec da le cade de cee de laie cede e lcie de ee de rap requiert une compétence spécifique qui est à construire. Master Beef a mis du temps ede d ecl a a de ee il ciai e db da le a : « Jai nl a db. Je commenai cie de ee e je penai po de meeille. Après des années, je me suis rend compe e ce ee naien pa d o la hae. Il n aai pa aimen de ee, en fai. On ciai ce e lon appelai de flava e lon deai die pa c ; arrivé dans un « face to face » avec un autre rappeur on devait débiter des « flava e lon aai mmoi an cheche aoi i le paole coepondaien la personne, à la circonstance, etc. Le « flava » est un flow très piqué. On écrivait des choses sur des pages entières, sans règles ; on naai pa aimen de je. A lene de la page, on ciai « flava » comme titre et le texte suivait. » Eu égard à ces éléments de récit rapportés par mes interlocuteurs autour de leur auto- formation lors de nos entretiens, on peut comprendre que la capacité à écrire un texte de rap en « bonne et due forme le d ce daeiage elaiee lg le cce effce de aie ce il ed de gle l i ilicie établies au sein de la communauté de pratique dans laquelle il le. P ce e jai

259 rencontrés, les principes du rap sont primordiaux. Leur argument est clair : l e bie avoir un bon sujet sans savoir comment écrire la chanson ; l e ai b beat sans pouvoir faire une musique agréable. Tout rappeur digne de ce nom, surtout lors de ses balbutiements, a été confronté à la question de savoir comment bien écrire chanson. Car on peut avoir bea cie, ai die ee i e e e ie e a che aie. Ce ee i a e di e cela deade e e echici e l e aie a fil d e, e fci d aail aid deaee. E la e cee ei eeielle e aie d idiid ae. E ca e ie, laei ae peut parfois chercher à écrire un texte pied pour pied ou/et vers pour vers. Pour un même fond sonore il aboutit à un texte autre mais semblable en termes de sonorité. Au fur et à mesure, il va apercevoir les décalages existant entre le texte sur lequel il aie e ce il produit. Décalage au niveau des sujets traités, du sens des propos et surtout au niveau des langues qui sont parfois différentes (on écrit un texte en créole sur une sonorité anglaise, par eele). Da e elle fe diiai, le souci principal étant de rimer son texte, laei ae ie dabi ie i ; on comprend pourquoi, après un certain temps de pratique, sa maturité aidant, il se rend compte que ses premiers textes aie a tout à fait « à la hauteur ». Le ae K.O ace e cie, il deai e lie de il iai a ie el ebe ie el adjecif faie de hae. Ce faia, il aboutissait à une poésie « surréaliste », selon ses propres , il idi da a. P aede cie de ee de a, le je a bei d ii. Ce i e aei aiclie de ee ci a dae e le iae cee ae, ce ce le ca la construction du flow. Le rappeur apprenti choisit qui il e ce el le, a ii d a, idal, le eage il e hicle, ec. Sil e e cla a iee iie eilee e dle, il e e inspirer __ au niveau des thèmes traités, du style, du flow, du positionnement politique __ die de ee igia. Aii e cie ei ei la fece d ae a a e de a il e aie. Pa eele, il ed dle de aeurs qui font du hardcore, il ceda a la ie il a l faie i de bae de mesures.

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Le e de lcie e iche e aeiage. Le je aed cie e respectant la mesure ; pour ce faire, il écoute des cha e eaa de dgage contrôle juste. Il apprend à maîtriser la mesure (dans leur discours125, ils parlent plutôt de « barres ), e ei aje ee. A e db, Read aai e a lhabide deede ale de la eure. Mais progressivement il parvient à en dégager une compréhension à partir de laquelle il organisera ses textes. A un certain moment de son aeiage d a, ce a dae ae cfi, il e facilee cie a aucun support musical : « maintenant, je peux écrire 16 barres sans avoir un beat. Je peux cie n ee e, ap, je laje n bea.» Avec une certaine maîtrise de la mesure (caaci de chae le bea, d de le fl, ec.), le ae aea deie caable de ae de la jee de ce e a ieal. Mai la plupart ils semblent préférer écrire pendant que roule un support instrumental en présence duquel ils ressentent un feeling qui les anime. Certains rappeurs reconnaissent que le souci de respecter la mesure peut faire que leurs ee ede e fde e e ali ace il ee ee lie j finaliser un texte ; les temps morts représentent un facteur de démobilisation qui ne manque a difle la ali d ee. Ce i le facilie la che, ce lhabide e le cece il dele da leecice de liiai. Ca, el e, ad on peut faire du free style, on a déjà une bonne base. Quand on écrit, cela pere dai des idées-fleuve, ce qui est nécessaire voire indispensable à tout rappeur pratiquant. Parce e l a lhabide diie, cela ee de aaille iagiai eda e l ci, dai cha diagiai/iiai uvert. Par ailleurs, le free style donne un premier atout : avoir une certaine maîtrise du rythme, des mots, des figures de le. Laei a al a de difficl cie. Il fa die e le e de lcie e e lage celi de liiai i el e l e e abli e fie ee ee le de. E effe, e celi i ci ce eda il cheche eie. Il e e a ede fl i lui monte à la tête. Il essaie de lcie de leegie ie le eaaille e laje a ical il aa chii. Le fl e adei aa eda le e de lcie d ee, el lhabide d ae e ei. T ceci a di,

125Je cite particulièrement ce fameux opus titré « 48 bars » chanté par K-Libr. 261 passons à présent à un autre moment très important dans le processus de construction du ae. Ce celi de lelai. Ce e jaelle exploration cie e eiie da lafai du rappeur apprenant. Elle consiste en une quête relativement systématique de connaissances sur la culture hip-h e gal e le a e aiclie. Laei ed cciece de tout un monde à découvrir ; il se met à lire, à poser des questions, à fouiller dans le répertoire du rap pour acquérir des savoirs et savoir-faire qui puissent faire de lui un professionnel à part entière. Dans cette quête de connaissances, le sujet fouille partout : dans des dictionnaires, des magasines, sur internet, en suivant des émissions radiodiffusées et télédiffusées, etc. Il compte beaucoup sur des personnes ressources pour acquérir des connaissances concernant sa pratique. Par exemple Doc Filah comptait sur des proches qui lui dénichaient constamment des informations sur le rap américain au début des années 1990; ce aii il a fai la connaissance de trois grands magasines traitant du rap : Source, Vibe et XXL. Très tôt dans sa caie, le ae 27 e ie lhiici d a ; il voulait saisir plusieurs facettes de cette musique qui lui paraissait fascinante. Il se posait des questions, en discutait avec des aînés ; ce e dchage e e e ce daeiage. Il e eeig le a faai. Il biai dc cae la ali d a », ce qui aura été déterminant dans iiee e da le e de a il chii de faie, ce-à-dire un rap dit «conscient » véhiculant un message de contestation et de revendication sociale. Très souvent, ce a c de cee e de ai e le ae e devenir parvient à saisir des termes et techniques qui lui étaient jusque-là mal connus ou méconnus : il développe une meilleure compréhension des notions rapologiques telles que les punch lines, les multisyllabiques, underground, etc. Ce moment euristique e ccial da le deei ae e ce e il ee lidiid daede, de cige e ee, de dele e chei conforme à ce qui circule comme savoirs et savoir-faire au sein de la communauté de pratique qui se forme autour du rap. Il participe également de la posture du rappeur pratiquant dans la mesure où celui-ci se construit à partir de ses multiples apprentissages et réapprentissages dans le cha e ei. L ece, leele d ae 27 e ba : ce rappeur se conçoit e a aie i, la da la ci haiee, di cie, faie de ee le jee, le ele, le ae dfaie, ec. E ai de cee ii il a de li- même, il développe un penchant pour un « rap knowledge », selon son propos, pour lequel il

262 dele e lece, ife cae de lacali liie, e da le tréfonds des bidonvilles des quartiers populaires de Port-au-Pice iie de ali à décrire et à dénoncer en chanson. On peut bien observer son choix, du moins à partir des il a i j e. Ce travail euristique détient un caractère transversal car il alimente et renforce les ae e de lafai de laei ae. E effe, ele i leecice ael ade le je aea, il e ee j da e e iceae de ai et de savoir-faire qui puissent effectivement faire de lui un rappeur compétent. Il acquiert des connaissances sur tous les aspects de la pratique du rap. K-Lib, l de ae haie le plus respectés, eut à travailler des albums entiers, à discuter avec des rappeurs qui réfléchissaient sur le rap, à approfondir ses compétences en matière de la versification. Ayant senti la cei de ai ce elie ce il ca, ceai e de apprentissage, ce même rappeur a commencé à lire des auteurs qui écrivent sur le rap. Il accède, par là même, à un discours théorique sur la pratique dans laquelle il évolue. Plus tard, il a participé à des conférences, à des débats portant sur le rap. Là, il a commencé à se voir non l elee ce ae aia ai ai e a e el i die certaines connaissances théoriques sur le rap. Ce ci daccde de le hie ci le a e la cle hi-hop bee che la ai-totalité des rappeurs rencontrés dans le cadre de ce travail de thèse. Il traduit le désir, chez les apprentis et les rappeurs confirmés, de pouvoir garder une posture fleie a de le aie. Le aia e ai bie e i e a je capable de réfléchir sur le rap, un connaisseur qui détient un bagage théorique sur ce genre musical ; il veut être celui qui e ei dic lhiici d hi-hop et du rap, les liens existant entre les composantes de la culture hip-hop, sur la technicité, la poésie et la musicalité du rap, etc. Bref, il veut se voir en tant que professionnel qui puisse dégager une chei d a, i i ile laacee de ce gee ical. Ce le fi ee de ecae labe, le ae iable e e e ideifi e gce a connaissances et compétences dont il peut faire montre par rapport à la pratique du rap. Encore faut-il il ie caice blic de a la aie d il a ee e idece e savoirs et savoir-faie. D la cei li daede performer, une tâche qui

263 constitue un autre moment essentiel de son auto-formation. Apportons quelques éléments de cii ccea ce e ai ia de la ie de laei ae.

Le e efaif cie e aail ca de aai de laea e e dbei de la atisfaisants dans une situation réelle ou éventuelle où il doit e e cece e aie de a. Ce e aicle eeble deecice i préparent pour des épreuves dont la réussite confère au sujet un sentiment de confirmation ou de consolidai de e ale de ae. Aa die e ce dea blic, i eei puisse-t-il être, que le rappeur fait ses preuves pour gagner le respect qui lui revient. Tous les rappeurs développent une conscience de cette réalité incontournable. Ce i, parallèlement à leurs efforts pour maîtriser des savoirs et savoir-faire, ils cherchent aussi à construire une forme de savoir-être qui puisse répondre à des attentes nourries au sein de la communauté du hip-hop. Ils travaillent leur look en tentant de porter des vêtements appropriés, incorporent un gestuel et un style langagier particuliers, etc. Le moment performatif relève de la présentation de soi : le ae bee, e eille da a aie de aae a blic, il ae de toujours faire profil haut dans ses manifestations devant son public. Le terme de « performance » fait écho à des éléments théoriques développés dans le cha de ciece haie e ciale a de lidei idiidelle (Adle & Te, 1991) ; il e iee li la diei blie d i, ce-à-dire la facette que lidiid ee de li-e e iai dieaci ciale. Il e ici el da le e hal d ee da la ee lidiid e fai e e ee e cène dans une eai de i dea blic. Le aale dEig Gffa (1990) e le pertinentes pour comprendre ce souci du rappeur de vouloir maîtriser son public : aucun artiste ne veut pas perdre la face dans la mise en exergue de ses talents. En exerçant son rôle de ae, laie e i eece cle li-même et sur son assistance pour i e e ale. O, cela aed. Da afai, le ae e e à niveau afin de pouvoir capter laei de blic, laie, le caice a a aie de efe. L ced bie e ce e cece i eige l e aie de la technicité rap. En effet, en plus de savoir improviser, bien écrire et scander ses mots sur une base musicale conformément à des règles implicitement établies au sein de cette communauté de pratique, il faut pouvoir se tenir devant un public, gérer celui-ci afi de e ce e l vaut dans le rap. Ainsi le rappeur doit-il ece eeble de tâches sur scène : tenir un 264 micro, garder une posture corporelle appropriée, avoir un gestuel conforme, se maîtriser dans e i, ale e chae e blic, ieagi aec laiace, ec. Ce e e de aie geie e laei arvient à acquérir ces compétences si nécessaires. En témoigne le rappeur Rey G : « A f e mee, jai appi ne pa e imide, ge le pblic. Aefoi cai d de eni le mico. Mai mainenan ce ne pl ien po moi. » L cend donc à quel point le moment performatif est capital dans le processus dafai d ae. Laale de de de cci de ai e ai-faire dans la pratique du rap peut être située dans un cadre interprétatif bien établi en sciences humaines et sociales. En effet, il existe un ensemble de travaux scientifiques qui, depuis les années 1960, contribuent à éclairer le c de aie dafai, daeiage ifel, daeiage a long de la vie, de formation des adultes, etc (Guglielmino, 2002). Une réflexion sur les caie daciii de caiace e de cece da le a e e ancrage théorique intéressant. Car, en y regardant de près, le devenir rappeur se base, entre autres, s ce ci dlabai de ai deiece, i fdaeale travaillée dans ce champ de réflexion. Dans ce cadre-l, agia de la i d expérience », deux définitions retiennent particulièrement mon attention. La première a été proposée dans Expérience et Education de John Dewey (1968 : 11) où cet auteur a écrit la phrase suivante : « cee connaiance pope chacn, e daille iniable, bien e dieemen doe, connaiance don le lmen implien e e pénètrent, portent les affections et les negie de le ian, imlen e deminen lacion, ce ce il fa appele expérience ». Ce Jea-Marie Barbier (2011 : 165) qui en a proposé la seconde : « enemble dinfomaion, de connaiance, daide acie pa n indiid a co de on eience pa lobeaion ponane de la ali e de e paie, le o intégré à sa personnalité » Il faut bien remarquer que, da ce de dfiii, expérience e « connaissance diee a diededace. E effe, leiece ae a e ceaie igai d eeble difai lie leiee hie, socio-clel e dcaif da leel le idiid. Da ce e de dide,

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jeed a ai deiece , eeble de eeai, de ale, difai de caiace felle e ifelle, dhabide daci intériorisées de manière plus ou moins consciente par un individu au cours de son parcours bigahie leelle ceible de ie e e da de iai cifie. E fai, le ai deiece de ae de ae e i e e a iea de leecice de le ale, cfe a e ilicites véhiculées au sein de la communauté de pratique dans laquelle ils évoluent. La notion de « ai deiece die a diec aec dae ee el les savoirs informels ou savoirs non-formels. Dans une note de synthèse basée sur divers aa de echeche fache e aglhe a la i d « informel » dans le cha de ldcai, G. Bge & H. Bille (2007) ideifi ele caaciie de ldcai ifelle : observation, soutien et aide, participation et gidage. Cee fe daeiage eie de iai ae a labece dieiali dcaie e diiialiai ciale. Lide iciale i e - ede a leli de ce ee, ce e lidiidu humain apprend quotidiennement surtout à partir des multiples situations se présentant de façon plus ou moins régulière dans son eiee cial idia (faille, ai, ii,) e da e acii le l diaie. E ali, ce ce e e daeiage i e e e lace da la aie d a. De ae ifelle, laeiage i je le e e deeigee assuré par les rappeurs-modèles indirectement ou directement __ grâce à des échanges entre pairs __ sur le rap en particulier ou la culture hip-hop en général. Se réalisant en dehors de tout eace ci e aede, cee fe daeiage ced ligai par un individu, de façon plus ou moins consciente, de tout un ensemble de manières de faire, de ie, de e dce, de de deei, he dig le ee daeiage de la ie idiee (Bge & Ula, . ci.). A bie de cidai, l autoformation » paraît comme le terme le plus approprié adie e i e je da laeiage d a. Le aie deaee ie e e a le aei ae ee e de le dclaiage hie da la littérature portant sur ce terme qui a gagné en intérêt. Philippe Carré et ses collègues (2010) ont ali aail afdi ccea la i dafai ; il fai leff de

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ee de aie daille le caaciie de cee fe daeiage il définissent comme : « ne paie ociale dan laelle eece n deg de maie dan e on pope apprentissage et sa formation : son choix, sa conduite, son évaluation, quelque soit le contexte où elle se déploie : à visée formative (éducation formelle et non formelle) ou en co dacii (dcaion infomelle) » (Carré, Moisan & Poisson, 2010 : 19). Ce ae diige lafai, le fai daede a i-même, et lhfai (fai laci dai), icie leur travail dans la continuité des réflexions qui ont longtemps été menées avant eux par des penseurs illustres ; ils remontent aux hie de ldcai i ee de ce a aadige de lafai. Paa de revue de littérature plurielle, ils dégagent cinq (5) grandes perspectives (complémentaires) de lafai. Da la eie eecie, lafai e ce e ee dadidaie (d gec : autos = soi-même, et didaskein = eeige), ce-à-dire apprendre par soi-même. Lafai ed aii le e d a-enseignement qui se réalise sans laide d age d diiif dcaif fel. Sel la deie eecie, lafai fe e e da-réflexivité et de construction identitaire (anthroge), lia de la bildung allemande, selon une approche phénoménologique che de labigahie (Ca, Mia & Pi, 2010 : 14-15). La troisième perspective est sociologique ; en soulignant la dimension « apprenante » des regroupements ou des gaiai, elle ie lide d aeiage cllabaif e celle de lgaiai apprenante. A travers les groupes et les organisations, les sujets sociaux accèdent à des formes daeiage ae. Le ee dafai, eln une approche pédagogique, da le cha de la fai ee, eie a fai daede e labece d fae. Ce da cee eecie e le ee de digieie daggie » prend tout son sens : on vise à optimiser des disposiif i ie eee de je daede a eux-mêmes. Ainsi utilise-t- le ee d afai accompagnée ». Selon la cinquième ache, la i dafai fai fece, da cade ci-cognitif, à « un ensemble de dimensions psychologiques caractéristiques de la conduite de sa formation par lappenan li-(ou elle) même et de son autodirection » (Carré, Moisan & Poisson, 2010 : 15). Ce ae eiee ae iciale caaciie de lafai : la connaissance par soi-même, la connaissance avec et par les autres, la connaissance de soi et la connaissance

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a le diiif idiidali deeigee e de fai. E gad ce caaciie, lafai e e ce la fi e a e connaissance par et de soi-e, a leiece, e caiace a le ae ; elle a une dimension existentielle et sociale. Ces quelques jalons théoriques me permettent de poser un regard poussé et nuancé sur laeiage d a ; ils servent de cadre approprié pour mieux saisir ce qui se joue dans la aie d a. Da le age cdee, jai i e idece ce e fai ccee ae aie la de ae, ce i a aace de dail li a divers e de ie daei ae. Jai fai ei de agie idiidelle daeiage d a. O, a c de ce dafai, laei ae e efee a da de cl die de caiaces dans sa pratique. On vient juste de le voir : « autoformation » signifie apprendre par soi-même et avec les autres. En me fa a eiece de fai de ae e aee e jai ece, je ci il fa ai bie ee lacce le fai il aee eeble. Pe-être serait- il pertinent ici de rappeler la belle formule de Paulo Freire ([1974] 2001 : 62] : « Personne nde peonne, peonne ne de el, le homme den enemble pa linemdiaire du monde. Da le ca d a, il a aie lie de ale de e d « apprendre ensemble , aii die, il fa ahede a ceaiee ce un apprentissage se réalisant en mode collectif (classe, équipe, etc.) mais plutôt en tant que caiace acie a le biai dchage diec idiec, e eiel , ee de ace i iee, bee, iie, e la da cha de aie cifie. Le ae aed a el ace il accde a diace lbeai e liiai de e dle de a e, dae a, e ai d fai il ece laide de ses confrères pour acquérir des savoirs et savoir-faie ci a dae a ei de la pratique du rap. Cette fameuse phrase du rappeur Dog G a ainsi toute son importance : « Jai appris à écouter des rappeurs parmi les plus forts et cherché à faire comme eux. » Mais il ne agi a elee de cheche faie ce ae e l e, cheche assi de laide a dae ae e l cie. Ce dige cee edace la e de connaissances et de savoir-faie e jai del la i delai. O e bjece il e agi a d aeiage e de collectif dans la mesure ce laei i ee dele a li-même les connaissances et compétences liées à

268 la pratique du rap, auprès de ses homologues ou de toute autre personne susceptible de le eeige. Pa, i l e aein aux divers échanges qui se réalisent au sein de cette ca de aie, dea leiece de ai deiece i labe e circulent entre les acteurs. Comme personne ne peut prétendre tout connaître dans ce monde vaste, fluctuant et imprévisible, lors des échanges entre pairs, celui qui se renseigne sur telle technique du rap découvre en même temps, par des échanges entre pairs, telle autre technique il a li eae. Il enseigne e aed la fi. Ccie de limportance de cee fe deaide ee ae, Jeff e ele cllge e ee e aale la echici de cea il chiie de aaille eeble. Il aee e de echie il dce e ca datres rappeurs, à en discuter largement. Tel collègue connaît des choses que les autres ne connaissent pas, il les partage avec e. T e, la dici ee ai a d cea de a e lccai de découvrir ou de clarifier des notions et des techniques connues de quelques-uns et ignorées de ae. Ne agi-il a l d aeiage e de cllecif ? Lorsque, par exemple, la jeune rappeuse Queen Sisi et quelques-uns de ses amis, tout enthousiasmés, se mettent à échanger de SMS a d ee ili de echie fachee dcee, e- die il e cie ie eeble e ee de caiace d a ? Le rappeur Ad eca leffe de fai » exercé sur les pratiquants par la communauté de pratique qui se forme : « Ce pai de noe confonaion a ein de la paie d ap e no aon appi ce que nous connaissons : savoir écrire, faire un flow, trouver son vibe, faire des pieds, les termes techniques. La pratique du rap conie ne oe dcole o il a n enemble de aoi i ciclen ene no. Ce ae no epience e no aon appi développer nos savoirs. » A bie de gad, je e die e, agia de la aie d a, l aed jaais seul. Le devenir rappeur est un mouvement constant daeiage e de aeiage. O a e liiai e l de e eeiel de cee fe daeiage : laei rappeur imite un rappeur qui, lui, en a imité un autre pour se construire. Dans le monde du rap, il existe un ensemble de savoirs et savoir-faire qui restent disponibles et auxquels tout apprenti se réfère pour se former. Chaque rappeur côtoie ce monde de connaissances et y construit ses aeiage a e de daggie de ligai (Pi & Dee, 2002), ce-

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à-dire un « bain pédagogique » qui alimente et forme les valeurs, normes et références le sujet apprenant en termes de connaissances à acquérir et de compétences à développer. Ce dit bain pédaggie, e e e lace gce laci de ace i fge e eiee de savoirs contribuant à alimenter la pratique du rap. E flchia le ce dafai d ae, il e fai i ie de abd : ce e laeiage d a aicle ai ifel e ai fel. Il e fa a ee e laei ae ci e e caiace da lifel » ace e aeiage a bili ac diiif de fai. Cee, il agi d ai de e eieiel. Mai le caiace eagaie le d ce clee daeiage aicla dae e deiece. E effe, la cle claie (Cheel, 1998) i e geiee ialle dans nos sociétés ne peut manquer diflece le ae fe daeiage e f le idiid. Leiece claie est un élément important à considérer dans la construction des rappeurs. Globalement, elle ie ce icable da ci ceaie, ce i fai il e difficilee cceable ae e ie lie e cie. Aec Bead Lahie (2008), je peux avancer que dans les sociétés contemporaines prédomine une raison scolaire où, pour reprendre son poin de e, lcle eli la fci de eille liliai cece d lagage, faie e lle ige a ai e fleif celi-ci. Selon cet auteur, lcle cdi lle une socialisation scripturale à la fois explicite, systématique, intensive et durable » (Lahire, 2008 : 12). On comprend donc le fait que les savoirs acquis par le ae lcle cce e lace dae da ce il labe a ei d a. T le je e jai ec e ccie, daille. Il ee lacce des apprentissages qui, provenant du milieu scolaire, deviennent indispensables dans la fai d ae : savoir lire et écrire, avoir un vocabulaire riche, avoir une certaine maîtrise de la versification, bie cae le fige de le, ai la caaci daale ee, dei e e de caiace, ec. E dae ee, faie d a eige iea iellecel e acadie ada. U e lg, ce eai i d eeie e jai eu avec le jeune rappeur Jeffson semble bien résumer cette idée :

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« Po faie d ap, il fa aoi aan o n bon niea dincion. Pa eemple, i ne fai pas la classe de troisième secondaire, de seconde ou de rhétorique126, e-ce que tu vas comprendre dans la versification, dans les rimes plates, les rimes croisées, les rimes pauvres, les rimes riches, les rimes suffisantes, etc ? Que vas-tu connaître dans les métaphores, les enjambemen, dan le compaaion, ? Or, un rappeur doit connaître tout ça. Il faut les maie. Il e donc difficile eln i na pa fai ce clae de n bon rappeur, un rappeur complet. Cependan, on pe oe de bon appe i non pa fai ce clae. Mai ce sont ceux qui se sont formés, des autodidactes qui ont consenti de grands efforts pour travailler. » O e eie ece la ei de lafai i e le e gad ec face de fe de ai fali hicl ae lcle. A ai dire, étant de la lace de ce ai da la cialiai de lidiid clai e, ie la pratique du rap mobilise amplement le langage, celui qui les maîtrise a un avantage énorme lil aie cee ie. Se ee la fe chace de ea ace il sont susceptibles de répondre à des critères validés dans sa communauté de pratique et, plus globalement, dans la société où il évolue, laquelle société favorise la raison scolaire. Un texte ee ee, il i e e e e, e cie aed. La cialiai claie de de a i e la ei de lcie. Elle aicie de caiace gale, de lgie daci e de la ii d de d ae. Ce i el le sujets rencontrés, plus une personne est cultivée, plus elle a des atouts pour produire un rap de ali, cdii, bie idee, elle ie aifaie a cdii sine qua non gia le deei ae. Pcdee, jai alee e ce conditions ; il e a ceaie d eei. Le ae 27 le ie iee : « po faie d ap, il fa aoi de connaiance e la capaci dobee, de faie de analyses sur les conditions de vie des gens. Il faut avoir la capacité de connaître quel aiemen n e hmain deai aoi. T doi pooi anale o apo cie, pour faire du rap ». Je ddi e le ai e ai-faire construits dans le rap passent par une articulation des éléments de la culture scolaire et ceux provenant des expériences du rappeur. Il e agi llee d ile aeblage de caiace cllece de e a ; on

126Dans le système scolaire haie lle ae 7 a a iea ecdaie, ces classes correspondent respectivement à la 4e, 5e et 6e ae dde ecdaie. 271 e l e ece d aail icea de ie e c, dagecee e de configuration auquel lidiid ale labe e caiace e cece. A lia de ciece ciale (Wallie, 2009), la aie d a e e a e ile superposition de divers types de savoirs les uns sur les autres ; au contraire, ceux-ci articulent entre eux, se renouvellent incessamment dans leurs contenus et dans leurs formes. Chae ae a e e eiece da ce aail daiclai. Sel le ci il fai de a fai de ae, ce da le a e K-Libr allait vraiment comprendre ce il aai ai lcle ecdaie la eificai. A ceai e de li da a aie, il e e de e, de fable e de ice claie il a ai a c lcle. Ce ce e il a cec cede la différence existant entre la poésie classique et la poésie du rap. Cela lui a permis de soigner ses textes. Ce aia eiie accde ce e Philie Bgea e e cllge (2013), dans un autre contexte, attribuent à la fabrique des savoirs. Ces auteurs se réfèrent, en effe, a aail de Fai Ca (2010) lige laiclai, e Ee, dei le de dial, de cle de leiie e cle de la faliai des eeigee. Pale de laeiage d a e de ede e ce ce de cle, diffee e ee dache ai cleaie. Le ce de cci de ai a ei d a aa e le fel e lifel e sont pas tout à fait cli ce aai edace le cie. Il echee de elle e il permettent la circulation des savoirs communicants (Bonnet, Bonnet & Raichvarg, 2010) au sein de la communauté de pratique voire chez le rappeu. Chae aei fai leff daiile e dagece ce ai deei ae ec e eec. Ree cie el eje ce ce clee daeiage eee la cci identitaire des sujets apprenants. Je compte aborder succinctement cette question dans la partie suivante.

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9.3 La ai de ae e e dfi de i

O la da le age cdee : ce qui porte un mélomane à vouloir à tout prix cace e aie le a, ce g cee ie. Jilie le ee de feeling pour nommer cet enthousiasme, ce vif élan que le mélomane ou le rappeur pratiquant e cee ie i laie, le bilie, leflae. Ce feeling a pour effet de favoriser un rapport daachee del a lidiid face cee ie il affecie. Pl ce aachee ede, l la le a eacie. Liee e ai ai. A ceai e de lli de ce a daachee, ce g le a va e e e e aie ai i eea lidiid cce. A cdii de dei ceai ale, de e ccie e de e e de iai, celi-ci va vouloir devenir lui-même un rappeur qui puisse mobiliser dae lae d a. A c d rapport affectif que développe le mélomane avec sa musique il y a donc, dans beaucoup de cas, un glissement cidable : de la ai le a a faie ege e ai de rappeur. Cette « ai de ialle geiement chez le pratiquant et joue un rôle e da le deei ae, da la ee ce ce i aie le je aea, i le e li e dae accli. Elle e de fce agiae i bilie laei ae, ce le ae agei daille, e le e j eei la age de efa caice adiie. Ce ce aec i ia de laeiage d a e de la cci ideiaie che le ae aia e je ce aborder des les lignes suivantes. Lehiae ea a e da le a e -tendu par au moins deux facteurs fondamentaux. Primo, ce genre musical a su gagner un poids considérable dans le quotidien des jeunes Haïtiens depuis les années 1990. Il est devenu ce e de i ie surtout dans les villes haïtiennes, bon gré malgré, chez des enfants, des adolescents et des adle aa gadi da dc e le a a gag e iace. Ajdhi encore, ce genre musical est représenté comme une affaire de jeunesse : on est jeunes, on est « récents », selon un terme actuellement en vogue en Haïti, donc on écoute ou/et pratique du rap. Cela se passe comme si, pour beaucoup, la pratique du rap était un rite de passage avant

273 daccde ceai iea de ai. Da ce clia, e lgiee aede ce il ai de jee i dele a le a e e ie ai deei rappeurs. Secundo, ces jeunes qui se délectent a cee d a ai e e de recaiace e de eie. E fai, le l e ce la ide de ladlecece ege cee ie ai aie le a. O, ce e ide de delee hai la ei ideiaie e e aec iiace, e fci d esemble de bleeee dde hilgie, cgiif, affecif, elaiel, ec (Bee, 1997 ; Berger, 2000). Dei le clbe aail dEik (1972), ladlecece e ece ce e période cruciale de vie ; cee ache dge accage de grands enjeux identitaires. En e de dfiii de i, ladlece cheche e cae e eaa de e iglaie. O, le de fiali iie a idiid da cee e ideiaie, ce dabi e ii ige de lui-même où il se sente reconnu et valorisé dans ce il e e da ce il fai (Caillei & Al, . ci.). Sel Abaha Mal ([1956] 2011), le bei de ecaiace e deie e fdaeal che le hai. Ce ia pour un jeune pratiquant de rap. Il cherche à se faire une place dans cette communauté de pratique, à se faire respecter et valoriser, en plus de chercher une visibilité. Le rap lui offre jee la ibili de ie e daeide ce b ai cdii diei cee aie aec c, ce-à-dire de se laisser traverser pour en éprouver le plaisir. Pie, lgiee, le deei ae ae a laeiage d a, le je ece de bacle il di bligaiee e. Il est conscient de la nécessité dai la aie de la de ae e de le e dea blic. Il eca il di faire sa preuve pour mériter le respect de ses pairs, dans son quartier, dans son école, etc. Aee di, le je ai il se livre à une bataille pour le respect, la dignité et la gloire. A travers la revue de littérature existant sur le rap ou sur la culture hip-hop en général, plusieurs ae ie da le a e le a eci lhe (Laaade & Rel, op. cit. ; Blondeau & Hanak, 2008). Dans cette lutte constante pour son respect, le rappeur doit pouvoir se convaincre et se surpasser pour apprendre. Ce i jilie la i de défi de soi » pour désigner ce pari dans lequel un sujet se cai lie, egage feee ie e de fiali cce ayant rapport à un ou plusieurs aspects sa vie, en se livrant corps et âme à un travail assidu qui doit, selon lui, aboutir à une transformation de soi. Le défi de soi peut être entendu comme un

274 impératif catégorique : « surpasse-toi, deviens meilleur et rends-toi toujours digne de respect et deie. Pace il ieelle lidiid da a leie e eie bjecii, ce ce impératif même qui constitue défi « de soi », le challenge dont la réussite confère un sentiment de digi, de aifaci e daccliee de i. A e t de sa vie, le même sujet peut avoir plusieurs défis de soi, dépendamment des moments (au sens où Remi Hess entend ce terme) auxel il accde ii da a ie. Aii, il ciedai ie de ale d « un » défi au lieu « du dfi. Mai da le ca i ccee, jci le dfi iil e question précisément du processus de construction de soi à travers une pratique spécifique : le rap haïtien. A c de e elai e ieaci ciale, ce le je li-même qui se « construit » le dfi elee, e fci de e beai de fai, de ieai il fai de e expériences singulière, d lie il e abli aec idei e ia la aie d il dcide de ede gage le ai da leel il egage. E ea de elee dfi de i, le je ee dabd li-même, se replie pour travailler des aspects particuliers de a ie e e jee eie, aec a ci deai. Da le ca d a, le defi de i e dabd defi de caiace e de aie de la de rapper. Rey G recourt à un exemple patent il ie d daie de liformatique : « Le ap, ce comme linfomaie. Constamment il y a de nouveaux logiciels qui apparaissent, il faut toujours être up to date. Quand on travaille dans un studio, on doit connaître certaines techniques : installer des programmes, aller dans la poubelle pour récupérer des fichiers, conserver des fichiers sur des discs externes, faire un beat, etc. ». P elee ce defi de caiace, le je di bligaiee e ee lee. Très peu convaincant dans ses balbutiements, le rappeur K-Libr était obligé de se retrancher chez lui, pendant un certain temps, pour se mettre au travail. Il a dû travailler plusieurs albums de a e e caic il e e caable. Da ce aail iaiel, il a ideifi de faiblesses à surmonter, des peurs à affronter, ceci dans le souci de répondre aux moqueries des camarades de son quartier qui refusaient de le prendre pour un rappeur à part entière. Son eie gad b ai de e ce ca il aai d ale. K-Lib e rendu compte du fruit de ses efforts lorsque, dans son quartier, on commençait à le prendre au ie. Mai ee e il a e faie e ai da cle e da dae aie. Ce difficile de deei he che i !

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Si le deveni ae accage d dfi de caiace, la bjecii de laea e e egage da e aie ee d il di i la e alie. Il a de eie de i, ce-à-die e dedae d egad il e li-même et de la manière dont il appréhende le challenge, il peut se dévaloriser ou se croire capable de prouver e ale e de ie (Adle & Te, . ci ; Branden, 1995). En fait, ce défi accage d ie de dhe ; le sujet doit à tout pri e e alable. Ce ce i aie le Mae Beef, l de a eie eiece e di deegiee, a fai e a de liei ligie d il e aai a ce le mesures. Il a sa raison à lui : « Tu ne oblig de laie le gen oi a faiblee ». Quant à Read, l de eie eegiee e di, il e ei chae e, dit-il; il a l faie e be eai dea ligie d i e ai ae. Po elee le dfi de i, le ae di e caice dabd de e eiali, de e acquis ; puis il doit pouvoir convaincre son auditoire, ce qui exige de lui une discipline de soi, de eff e aie, habie aail iense et systématique. Le defi de i e e ijci e le je ie li-même : devenir meilleur sinon le eille. Ce aec fce il e lie. Cee fce eie da la age aec laelle il endosse sa responsabilité envers lui-même e le aail il fai li-même. Ce travail sur i e fai aec d caace. L d e eeie, Jeff a c cee hae significative : «Jaime loon me o-estime, ça me donne de la rage de vaincre ». A partir des éléments de récit collectés auprès de mes informateurs, il est possible de toujours observer leiece d ee dcleche de fee dcii de la a d je i bie aaille deei eille. Lee dcleche e e importe quoi, mais ce j fai haee igificaif d dcle la li d je i e dcide eece e e diie e eiali. Ce e e e ile ele che il vit comme telle. K-Libr a été surtout animé par ce vif désir de prouver ses talents à des jeunes de aie i le aaie e dii lil ai e eie eai da le a. Ce peut être également des encouragements voire des applaudissements inattendus rencontrés à la ie de dai l de aie de fee le. Le ae K.O, Mae Beef, Re G, Burning et Queen Sisi en ont longuement témoigné. Tous les rappeurs qui ont connu une certaine réussite ont peut-être des expériences significatives à mettre en mots en rapport avec le dfi il e e-mêmes lancés.

276

Paalllee a ai il e lie a a a caiace e ai-faire dont il doit faire preuve dans le rap, le pratiquant doit répondre à diverses autres injonctions. Satisfaire ses parents __ ou des substituts parentaux voire des proches qui comptent sur lui __ à partir de e la claie, ce le de eie ijci il e ece da a ie de ae. Il eble be le ae haie i acceeaient pas que leurs enfants pratiquent le rap. Cette supposition se fonde sur la récurrence des témoignages de dabai a a le ae e jai ec. Da le eeai ciale de beaucoup de parents haïtiens, une carrière de rae a ie diea. Ce i ils sont nombreux à vouloir interdire à leurs enfants de pratiquer le rap. Mais devant liiace d jee, ae e cde ceaie cdii. Da ce ca, ce condition sine qua non, le jeune doit donner des résultats scolaires satisfaisants. Certains ae le igifie claiee le efa, dae liie de aie l i ilicie. Ce ca e acie ee le ae e deei e ae, lil e a eec, e e ligie de ie cfli a ei de faille. Le ae rencontrés dans le cadre de ce travail de thèse cherchent à répondre adéquatement à cette injonction pour ne pas donner raison à ceux qui pensent que le rap est une pratique méprisable, un refuge des analphabètes, une routine privilégiée des délinquants. Le defi de soi articule plusieurs injonctions. Chacun a sa propre manière de percevoir ou de se faire des injonctions, suivant sa vision du monde, son rapport au rap, ses expériences et espérances dans cette pratique musicale. Il y a des injonctions communes et celles qui sont e de je iglie. Hi celle e jai ee je-là, on peut en identifier au moins trois. Premièrement, le rappeur pratiquant est sommé de construire et de gérer sa ai. E effe, da a aec le blic il ai e l aed de li il ai e conduite impeccable. Il doit soigner son apparence afin de toujours faire bonne présentation. Il y a un côté performatif dans cette injonction : un rappeur doit pouvoir toujours soigner son iage blie e faie be ee. E dae ee, il di de e eigece de conformation de soi pour plaire à son public et à lui-e e a il e dendant de celui- ci. E a esclave » du public, pour emprunter un terme à Rey G, le rappeur doit pouvoir faie laii a blic da ce il di ; ce la deie ijci i li e faie. Il la e fa ace il e fai cede dans ses messages, fait des musiques entraînantes e, lil e ce, il a le dei de caie e de ai aiace. P de

277 cette exigence, le sujet en question doit vraiment avoir du talent et des expériences appropriées. Sa polai ded de la aie d il d ce de eigece. Sil ece d succès dans ses prestations, là encore il doit faire en sorte de gérer la gloire qui en découle. Car la gloire peut le rendre paresseux et la paresse ne peut que le conduire vers une régression certaine et pernicieuse pour sa popularité. Tiiee, ae e i e deee de i da ce il fai, ce-à-dire il di aeide e bjecif da leecice de a aie. Ce le bjecif ii ne a j le e iil aie d je ae, la ie da le a est très relative et subjective. Mais il faut dire que selon une conception pécuniaire qui domine lidie diale d a e de la ie e gal lhee acelle, la ie d artiste se mesure au montant de son compte en banque. En parlant de réussite, on pense par eele a illiaie d a aicai i gag eec e i ace il su faire fructifier leurs talents comme la Caba (2012) da fae documentaire. Ce modèle de succès se révèle également dominant en Haïti. Ainsi, dans les représentations, les rappeurs haïtiens à succès sont ceux qui sont les plus en vue, ceux qui ont la chance de trouver quelques contrats de publicité auprès des sponsors. De leur côté, les rappeurs haïtiens les plus connus alimentent cette représentation de la réussite dans le rap, iil le da ilie de ie il a a iablee e idie musicale. Qe l ge I swear to God »127 d ae Ila dae id-clips du même type dans lesquelles des rappeurs haïtiens, imitant servilement leurs homologues américains, montrent une vie de luxe, arrosée de champagne, avec dans le décor des voitures de grande marque, des billets qui voltigent et, bien sûr, des corps de femmes eeiee dd. Viable cae ! Certains rappeurs haïtiens se conçoivent carrément comme des businessmen i a di lchec. Beac ee une ie aielle ai de le aie, e il ccie de li de bacle fachi aeide ce bjecif. Da a lidie icale e achiie, e ie aielle fde ecliee leecice de son art de musicien e aie lee. Le ie e f gad de ede da cee ie e e laia entraîner dans des compromissions nuisibles pour sa réputation. En cherchant le succès, un artiste peut hypothéquer sa réputation par exemple en se laissant fourvoyer dans les méandres

127Voir lien suivant (consulté le 20 août 2017) : https://m.youtube.com/watch?v=2aV2NqWW4x8 278 de la politique haïtienne. Il est courant de trouver des artistes qui se livrent ostensiblement, ea e e dage, da de caage lecale a c de liicie la réputation douteuse128. Ce i je ale d ie de perversion , ce-à-dire le danger encouru par un artiste reconnu et respecté __ pour la qualité et la portée de e __ de ilie da de aci e ii fai caie ce il hicule et, par là même, de perdre son crédit auprès de son public. Un artiste dit «engagé » peut être perverti a e aecei ; cela aie afi a faaie e abece daciie, a manque de prudence, de réflexivité ou de distance critique par rapport aux événements et cicace. Laie e i, ja b, le ci de ee fidle alli i a chag de ii e/ di i fai ilee ebla de dfede e cae commune. Dans ce cas, il commet lee de gade allgeace. Pa aille, ce e aie e e , li ai, chage de ii e di e alla j ade de cee il dai ca il a cd dea le c e li ae e ie caie et iable. Il chage dc fil dale e ee labi de la labili e de la ie. La eei de laie e daa l flagae il ai , a le a, message de dénonciation ou/et de revendication auquel beaucoup ont cru et adhéré. Ce cidai eee de cede e lijci de ie e le l difficile il aa: le ae di réussir dans la dignité et avec honnêteté ». Elle se fait encore plus pressente pour des femmes désireuses de se créer une voie à travers le rap haïtien. Ca e l de ede de cai e a be da le ige ece le homologues masculins, elles doivent lutter contre les propositions indécentes129 des mâles dominants du sece. Le de aee ece fai a d eeble deiece i e el i il e difficile e fee dege da le de d a e Hai. Ce de e a labi d achie, de a de i e de domination i aee la ci haiee. Ce le de ai i elie le fai il ai e de aee ce da le ilie haie.

128 Par exemple lors des élections présidentielles haïtiennes de 2011, Izolan, membre du groupe de rap Baikad Ce e affiché ouvertement avec Mirlande H. Manigat ; il a voulu inciter les gens à voter pour cette candidate, unique femme de cette course électorale, en répétant le slogan alors très répandu : « Ban m manman m ! » (Littéralement, « donnez-moi ma maman » !). L d eeie e jai e aec li le 6 fie 2015, le ae Dg G a affi e lie de caage Jde Clei, cadida bie lac l de ce e élections, a contacté quelques rappeurs du groupe Rockfam (rival de Barikad Crew) pour un contrat de participation à sa campagne électorale. 129 En référence à Proposition indécente, un film ali e 1992 a lAicai Adrian Lyne. 279

Jai ec de ae ic d gad blic ai i e le eie dai i da le a, e fci de ce il e fi ce bjecif. Ce ae e clae le l e d a di conscient » ; pour eux, leur réussite reste liée à leur eie dili vis-à-vis de la société haïtienne parce que, arguent-ils, ils ont fait passer des messages importants, géré leur dignité malgré vents et marrées et sont restés cohérents et congruents dans leur position. On le voit donc bien : le défi de soi est véritablement une épreuve dans laquelle le rappeur est constamment engagé et dont il est sommé de sortir victorieux. Il comporte le risque d dchiee e de la dchace de lidiid i ed la face, il e e a. O e relève jamais complètement ce defi. On a beau faire ses preuves en matière des savoirs et savoir-faire dans le rap ; mais il y aura toujours des précautions à prendre pour garder son honneur. Celui qui relève ce défi de soi détient une confirmation de ses potentiels et éprouve un sentiment de réalisation de soi, la sagesse de poursuivre son parcours de rappeur aguerri. Cela lui donne la force de témoigner, de faire récit de son parcours biographique. Tentons, à e, dele le dali de ie e ci de eiece igificaie d je da la pratique du rap.

9.4 Rci dato-formation : e a e ie daci

« Racone ne epience ne pa en effe elemen ne manie de communiquer : ce dabod e conie oi-même en sujet conscient de cette expérience. » (Serge Tisseron)

En tant que sujet aea, le ae a bei de cede ce il fai, ee e di autour de cette pratique musicale. Il a également besoin de saisir les mécanismes par lesquels il a ci le ai e cece il a aci e eea a aie. E dautres termes, le rappeur pratiquant a le souci de donner du sens à sa pratique, à ses stratégies daeiage e a la be, ce-à-dire ce qui fait effectivement de lui un rappeur à part entière, un « professionnel » reconnu et respecté pour ses talents. En fait, en sa qualité de aicie, il eca la cei de cede ie de dcie la aie d il e i __ ed ece __ dele de caiace e ale dige d ae i

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se respecte. Il faut die e le ae e a j ccie de ce bei de e ou, du i, il e a e aei cie. Pa, il e bie da e e eaee de sens ; il cheche e elicie ce il fai afi de cie dicours sur sa aie. Ce dic e dabd li-même et, ensuite, pour ses interlocuteurs. Ce discours doit être clair, logique, cohérent, convaincant voire enchanteur à la fois pour le deiae e le deiaaie. Sil e lie cae à une quête de sens autour de sa aie, ce i e ee, ai eie de cle ce il fai e a e aia. Ce le de fci e eli ce aail dlcidai i li permet non seulement de cede le ace e gee il e a c de ce de construction de soi en tant que rappeur mais également de se faire comprendre auprès de ceux qui sont intéressés à sa démarche. Sinon, il se perd ; il devient difficile de garder une continuité e e chece da ce il fai, ie de aii e e lgie daci a ce aail dlcidai. La ei d e e le ae accde e aie daeiage e aa cruciale et mérite une place considérable dans le cade de cee flei. Je ee de eche e faia leff de la ie da le eie hie de la echeche bigahie en sciences humaines et sociales. Brièvement, dans les lignes suivantes je propose quelques éléments de réflexion autour de cette question. O e e deade ce ce aail dlcidai e ed ible. Ce il agi le ae de de d e a aie dafai e, cede ce processus, on ne peut que considérer le récit que celui-ci fait de son expérience. Ce choix elie a liace e ed le ce de bigahiai de i da le deei individuel. Christine Delory-Mbege (2004) dfii la bigahiai ce licii de eiece de lidiid das « des schémas temporels orientés qui organisent mentalement ses gestes, ses comportements, ses actions, selon une logique de configuration narrative. »130. Pour elle, il existe un fait biographique premier qui se traduit par cette « capacité anthropologique selon laquelle les hommes perçoivent leur vie et ordonnent leur

130Christine Delory-Momberger, « Biographie, socialisation, formation », L'orientation scolaire et professionnelle [En ligne], 33/4 | 2004, document 4, mis en ligne le 28 septembre 2009, consulté le 30 janvier 2014. URL : http://osp.revues.org/251 ; DOI : 10.4000/osp.251 Voir la partie titrée « Le biogaphie, ne cagoie de lepience ».

281 eiece da le ee de raison narrative ». Ainsi le biographique prend-il le sens de cagie de leiece eea lidiid, dige, de ce, diee les situations et les événements de son vécu, dans les conditions de son inscription socio- historique. Autant dire que la mise en récit de soi occupe un rôle prépondérant dans notre aie de dfii e a e cial iglie. Icia e éflexions dans la continuité des travaux du philosophe Paul Ricoeur (1983), Christine Delory-Momberger131 e e deade il e ai e ie a ci, ellee celi-ci est prégnant dans les opérations de configurations de soi. Cette prédominance se traduit par la formule selon laquelle « nous ne faisons pas le récit de notre vie parce que nous avons une histoire ; mais au contraire, nous avons une histoire parce que nous faisons le récit de notre vie. » (Delory- Momberger, 2004, op.cit.). Ainsi e cie liace d ci : il ee lidiid de se représenter son existence dans le temps, de percevoir ses expériences à travers une histoire ou e lilici dhiie, de afe le événements, les actions et les personnes de sa vie en épisodes, en intrigues et en personnages, etc. Dans ce cadre réflexif, Christine Delory- Momberger (2014 : 21) e e i i e le de gade ili, lil agi de saisir la manière dont les individus font signifier les situations, événements et pratiques de leur existence ; elle désigne par « travail biographique », « lacii podie pa lindiid pour donner une cohérence et un sens aux événements de sa vie ». Et ce travail biographique passe par le récit qui est un lieu de mise en forme ou de formation de soi, un lieu daeiage e l de e deei adia da le lagage de la réalité des faits. Ce flei cie cade hie che i e ee dafdi laale d ce de ie e e de eiece daeiage e de cci de i che le ae aia. Si leiece cjie de i e d de cial ed fe dans le récit de soi, il est donc possible de saisir la manière dont un rappeur construit du sens a de a aie de fai e le ieai il fai de eiece igificaie de a ie daei /e de professionnel . Le de fci eeielle d ci e fai le je a de a aie, cet de parvenir à une réflexivité sur le processus de construction de ses savoirs et savoir-faire dans le rap, de retracer la démarche empruntée pour y parvenir. Les entretiens réalisés avec les rappeurs rencontrés dans le cadre de cette thèse se

131A ce sujet,voir spécifiquement le chapitre 1 de La condition biographique (texte déjà cité, p. 25). 282 sont révélés un lieu propice à ce travail de réflexivité. Les rappeurs pratiquants reconnaissent le fai il e ie a j ccie de ce il aee da le a ; ce dc a aail de e i il e eche ce il fai aei. D le le d e de ecl e je eeie aec ielce ie. Le récit que fait le sujet apprenant lui permet non seulement de décrire sa méthode daeiage ai ai __ et finalement __ dabi à sa propre « théorie » sur les mécanismes de construction des savoirs et savoir-faie d a. Laiclai de cee die « théorie e ible gce la ie e iige i ialle a c e d ci e fai lidiid de ce de fai ae la aie d a. La i diige ele a Pal Ric a al e iace. E a e icie gaiae d ci (Abel & Pe, 2009), elle ae laiclai chee de fai, de iai e expérience iglie d je el e lgie aaie. E dae ee, le ae aia de eeble de fai, daci, deiece igificaie, daecde, i cie le aia ceaie labliee d ci il fait de sa formation. E fai, chae ae a ci eel de ac da-formation. Il agence le acelle de ce ci de elle e e e deiaaie ie cede ce il raconte, saisir les tours et détours de son pce dafai. Il e e lie die aec de ce daeiage, dedae de la ae de lliciai i li adee. S ci cie a de fai, de gee ia e daecde significatives ! Pour ne a cae de ageai, je ai e ei el fragment de récit, toutefois relativement long, tiré de mes entretiens avec le rappeur Renaud. « Un jour, un rappeur connu et un Dj performaient dans une activité. Ils épataient les gens. Cai eaodinaie. Jai ojo compi e je pe alle loin e mme faie mie, pe- e. Mai ce nai pa ne paion iolene po le ap. La paion iolene allai eni e 2001- 2002. A cee poe jaai la poibili de menregistrer sur des cassettes. Les bandes sonores on fai n dclic. Je me meai mobee. Je me demandai i jai nael, commen jai pa appo dae appe e jcoai. Je me enai loin de en eme de niea dan le rap. Pafoi je conaai e je ediai le mme choe. Pafoi jhiai. Ce on de choe que je faisais de façon vague, sans respect pour les mesures car je ne connaissais pas les principes d ap. A f e mee e jcoai d ap, je deloppais une routine. Ce qui fait que je pouvais respecter les mesures sans nécessairement chercher à le faire en connaissance de cause. Je ne savais pas ce que veut dire un « 16 barres , ni la fin dne bae, ni e off bea. A db je

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ne mineai pa connae o a. Il agiai je po moi dcoe n mocea e de chanter dessus. Mon frère ramenait aussi des versions instrumentales sur lesquelles je rappais. Qand jai commenc, jai ci n ee e je chanai pafoi. Po moi, cee mie naai ien oi aec le ap. Ce nai pa focmen le ee en oi mai pl la faon de chane. Jai commenc aimen cie de choe concenan le ap en 2007. L jai commenc cie mee. Jcoai de chanon e essayais de dégager un contrôle juste. Maintenant, je pe cie 16 bae an aoi n bea. Je pe cie n ee e, ap, je laje n bea. Je connai ce choe, pace ne poe je liai, foillai, je chechai aoi de connaisance le ap. S le ne, je conlai le ocablaie d ap. Mai jai maii le conle de bae o el. Peonne ne me la mon. Jenendai pale de 16 bae e je me posais une question sur ça : Ce oi n 16 bae ?. Jcoai de mie e jai chech o el aoi commen je pe le mee. Comme ce im, ce pl facile po moi. E jeaie de le compe dan la ime. Un appe na pa beoin de beacop. Sil oe elemen la mesure, il peut rapper. Ce pooi and n appe chane, il fai ojo n moemen de la tête. Ce mouvement participe au contrôle de la mesure. Il lui permet de garder le rythme en chanan. Ce ne pa il conle le hme popemen di ; il contrôle son flow sur la mesure. Ça te permet de rester connecté au quick. A force de rapper, ce mouvement devient automatique. Dhabide, je conle le bae e jai. Jci mon ee pa. Ce pooi je e faie lepience dcie me ee le bea, ce-à-die en imaginan le bea pendan e jci. Pafoi, dpendammen d feeling on ie d ibe, le bea pe enaine e el flo. Il e poe (e condiionne mme) aoi el flo. Le flo, ce la manie de appe. On donne ne phrase plie appe, on aa plie flo. Le ibe, ce le moemen il a dan la mie e chane. Ce la foce i accompagne cee mie. On pe aoi n ap hadcoe, n ap ho, ec. Je diai e ce le c abai d empo. Le tempo participe du vibe. Le tempo influence/détermine le flow et le vibe. Il faut une harmonie entre le tempo et le flow. Un rappeur peut avoir plusieurs flow pour un même texte, une même musique. » En dépit de sa longueur, ce fragment de récit ne dit pas tout, bien évidemment, de laeiage i e je ae la aie d a. T a i, il eeige ele aec de ce ce clee dafai da le a : liflece de ai, liiiai la aie d a, la e daeiage ade, le agie deaee, de ei e e e laei ae a db de a caie, e hiai, e aci, la hie il labe a de a aie, ec. Ce i aie le plus mon attentio da le ci e fai le aia de a fai, ce a aie

284 de ee de le lile eiece il a faie e le laii il ie ace ac. Ce adie ce fai e jeie ceable dilier la notion de ie daci i ai e dfii ce dic aia e a je __ ou un groupe de sujets __ où celui-ci met en évidence la manière dont il a développé des habiletés, connaissances et expériences à travers une activité ou une pratique dans laquelle il a évolué (ou le ece). La ie daci e e ie e de a aie/e acii le je fai leff de ee ci i e e caia, lequel récit se construit de telle e il rocure au narrateur un plaisir de raconter. Celui-ci ae eace ce il a fai fai ece da a aie e il ed le i de le die de belle aie, el li, afi dechae le deiaaie. E a e dic e aie, la ie daci e concerner tous les aspects du récit qui lui donne lieu : personnages impliqués, décors, contextes e cicace, agie daci, dfaie, icie, aliai, ec. Dans cette poétique daci, le aae ee eeble de lgede, de ae, de eie hiie i cce cie le ee dei eei li d aaaie. O e eie la ei de la ie e iige i che Pal Ric da labai hie. Le recour a ee de ie daci e di e ie faie -estimer la valeur d ci e fai le ae de e aie dafai. La eai e gade, e effe, de minimiser la portée de ce dont le sujet fait état dans son récit de pratique, les limites entre le el e liagiaie a fle. Alessandro Leiduan (2014) a présenté une approche lgie d ci il ie lide el laelle il eie ace hiie eiee réelle ou imaginaire. Son argument tient : « La ali on appelle faia, en effe, ceci de pcifie, elle ne dj pl l and on la acone, elle ne pe, donc, e eie poeioi, pai de ce i i delle a momen o elle a dj dipa (le ace) o partir de ce que peuvent nous en dire ceux qui ont assisté directement à son déroulement (les témoignages). » Alessandro Leiduan (2014 :2). Ce principe épistémologique fait écho à des débats engagés dans les sciences humaines et sociales. Il y va de la véraci de abigahie132, ce-à- die ci ecif, e e, e el fai de a e eiece (Lejee, 1971, cité par Lecarme & Lecarme-Tabe, 1997). O a e ai la e de idlgie

132A ce sujet, le titre du numéro 9 de la revue Les mots de la vie- Revue sur le surréalisme est très expressif : « Labigahie : du désir au mensonge ». Ce numéro est coordonné par Renée Ventresque et paru aux Edii LHaaa e 1996. 285 anti-autobiographique dans le milieu intellectuel français (Lecarme & Lecarme-Tabone, ibid.). Piee Bdie (1986), da aicle iil lilli bigahie , a aib lhiie de vie à une notion du sens commun. Il a évoqué le poids des déterminismes sociaux dans les modalit de ie e ci de i. Ye Cl (1989) e aa cee i fd épistémologique et soutient que cette illusion biographique dont parle Bourdieu est, elle aussi, e illi. Ca, el Cl, da lache cilgie de ci de vie __ celle proposée par Pierre Bourdieu __ il a e caiace de leiece de plusieurs agents dans une vie et plusieurs histoires de vie possibles pour chaque agent » (Clot, 1989 : 1). A travers ce dba, ce la ei d a bjecivité/subjectivité dans les récits de vie qui se pose. P e iie, Nahalie Giff (2002) e lide d ace de ici e citant Philippe Lejeune qui parle de « pacte autobiographique ». Elle précise le contenu de ce pacte : Lae aure son lecteur de sa bonne foi et prétend pouvoir apporter la preuve, eiee a ee, de a inci. En eo, le lece e en dadhe a dico de lae e pi de ne pa le emee pepellemen en cae. » (Gouiffès, 2002 : 37). Ce point de vue est valable non seulement pour des textes autobiographiques mais galee le ci je fai de ee e eiece de a ie e iai deeie aec ielce. Ce cidai ede ce elle ale, ce-à-die elle die constituer des balises qui nous empêchent de sombrer dans des dérives épistémologiques, lil agi de flchi de ci de aie ce ce le ca de aail le a. Mai l a adee e ce ai d ci il fai de a aie e l e véritablement penser les modes de construction des savoirs et savoir-faire du rappeur. Selon i, le ci de aie i e ci a de eiece dafai da le ap doit être considéré comme un lieu où le sujet tente de donner du sens à sa pratique. Dès lors, ie e liicai d el e de liagiaie da le ci ie ce i iee ce justement ce processus de mise en sens. Le philosophe Cornelius Castoriadis (1975 : 7) a e dfiii aielle de la i dlcidai : « Ce e jappelle lcidaion e le aail pa leel le homme eaien de pene ce il fon e de aoi ce il penen. » Le récit que fait le rappeur de sa pratique est, à vrai dire, un lieu où se met en bale ce aail dlcidai. Ce e hiie i, a e d aia, a la eie de ace, elicie a lae li-même et comprise par le narrataire. Ainsi, on est

286 obligé de prendre ce récit pour une vérité biographique, selon la formule de Paule Plouvier et

André Breton (1996 : 101), ce-à-dire « accepter que la signification imposée par le sujet à e pope ace ai ne i dpoe en li e lcie a dcoerte » Dans le cas qui e ccee ici, ce le ci i a dce cee vérité déposée » dans le rappeur apprenant. Il est donc possible de saisir le récit de pratique du rappeur non pas parce que son histoire est « vraie il a bjeciee de liace ai e a il igifie quelque chose (Plouvier & Breton, 1996 : 102). Je dai lige le lie eia ee ce aail dlcidai ael ale le ae aia e le e delai d jai fai ei cdemment. Les deux ont pour point commun une quête de connaissances et de sens ; ils sont dans un rapport de complémentarité. Néanmoins, ils sont différents à quelques égards : i le e delai consiste en une quête de connaissances sur tous les aspects de la culture du hip hop en général e d a e aiclie, le aail dlcidai e eecice de fleii ia cie d e a de a aie daeiage da le a. D l, le ei e le ae se pose changen de egie el il cheche ele lie de ai ci da a d a elicie a dache dafai. A e e delai, il se demande « quelles savoir-faire, quelles connaissances théoriques sont construits autour du rap ? . E e a ce e de ei, le je eed ife de dic aa d le a fai lbje ie cae ie aie cee aie icale. Da ce exercice de construction de sens autour de sa pratique, les interrogations du rappeur prennent la forme suivante : « que puis-je comprendre/expliquer de ma propre manière de procéder pour apprendre à rapper ? Le b ii a le je, ce de dcele le caie de construction de ses savoirs et savoir-faie de d e a aie. Ce e de réflexivité, de retour sur soi où le sujet se concentre sur lui-e, e agie daci e daeiage ae a aie. On aura donc compris que le récit du rappeur pratiquant a trois grandes fonctions. Peiee, il ie ede ce de hde dafai d je, de a- pédagogie, pour ainsi dire, en vue de se construire comme rappeur à part entière. Deuxièmement, par son récit le sujet se donne une histoire en tant que celle-ci constitue la ee lie de ac de fai, le igage de ee d la ie constitue un motif de fierté pour lui. Le ci ie ce ef leie e le je

287 construit de lui-même en ta e ae aia. Ce i la ie daci cce e lace i iae da ci de fai. Tiiee, ce a le ci e lidiid affie ce je ccie de e aie e eiece ; il porte une histie d il e le el cie la ae. Il agi de ci dafai il attribue un sens aux divers événements et expériences de sa vie de sujet apprenant et retrace de manière cohérente, et avec enthousiasme, le chemin parcouru pour en arriver au point où il est. Si la ie e ci de a aie dafai da le a e e aie de e cie e a e je, il eie, a aille, diffee aie de affie e e iie comme rappeur-sujet. Tentons, à tae deie chaie, deaie l e fde la question de subjectivation au sein de la musique rap.

Chapitre 10 : Le rap : une voie alternative de subjectivation

« Fò n pale mezanmi Fò n pale e Ou ! Ou ! Men si n pa pale n a toufe » (Masters, Fò n pale) [Il faut nous exprimer, chers amis Il faut nous exprimer Sinon, nous serons étouffés]

Nbe ce i ie da le a e deei de esages et/ou des sentiments, un médium de prédilection pour des jeunes pratiquants qui, souvent, veulent dce de fe dijice ciale eece le die (Laaade & Rel, op. cit. ; Tricia, op. cit. ; Boucher, op.cit.). Ainsi appréhendé, le rap est comme un lieu de iiee liie lidiid ee de hicle de ale de dciai de contestation tout en présentant, par ce même moyen, sa vision du monde social dans lequel il évolue. Dans beaucoup de pays, on accde de liace cee ccei d a e ai de ligie ciale de e aia e de lage e l e a fai da de aie défavorisés. Mais cette interprétation du rap semble un fourretout qui peut bien masquer des spécificités et des différences significatives liées à chacun des contextes locaux dans lesquels cee ie e aie. E a e e deei, i le a chaie la ii d monde, la fureur de dire et la souffrance de ses pratiquants, les réalités qui animent et poussent

288 ceux-ci li adie le gief e le a iel e a le e. Ce pourquoi, étant développé au niveau local, aucun rap ne doit être considéré comme une simple alaai iie d ae a, l e e l cae leiece de diee fe diiai. Se aia da a elce, chae a e diffe. Ca le messages et sentiments exprimés à travers ce genre musical tirent leur origine et leur sens dans un ordre biographique particulier. Dans le contexte français, des chercheurs (Mabilon-Bonfils, 2014) ont montré que les créations populaires en général et la musique en particulier mettent en idece ceaie ei ideiaie (aialie, eie daaeace, ec.). A lia de ce aale, je ie e le a haie e lie de cai laie da le cee cial, liie e clel dHai, ce i cie a cifici a a dae a del aille. A chaie 2, jai eaminé quelques éléments de singularité d a haie. Da ce deie chaie, je iee aicliee la aie d le ae aia ieie ce lie de cai affie e a e je a eie, ce-à-dire des acteurs conscients qui, depuis le début des années 1990, investissent la ce liie haiee die ce i, le e, ie de di le dlee de la vie collective. Dans ce cadre-là, le rap est envisagé comme une voie alternative de bjeciai, ce-à-dire un moyen par lequel des individus, traditionnellement négligés, aiee iei la ce liie, le aie, eie le affaie d pays. Ainsi le rap devient-il un couloir privilégié pour accéder à la scène politique afin de affie e a ace ccie i cee ce i, da lde de che, e lidigai. Ce ce d il a e ei da ce chaie. Da eie e, il e eble eie dae ele précisions socio-historiques autour du lieu à partir duquel le ae haie eie la ie cllecie e Hai. Il agi dabd de eie le contestations et revendications des rappeurs haïtiens dans le contexte social et politique de leur pays. Ensuite, je tâcherai de rendre compte de la résonance biographique du rap haïtien, ce qui ea ii de flei a de la ei de bjeciai ae le a haie. Efi, je ee de dcie ce e l aelle, e tord, « rap conscient » et « musique engagée , ec. Ne-ce pas une bonne occasion de questionner la fonction politique du rap haïtien ?

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10.1 La passerelle rap, un lieu de liberté

Si l e aii le igificai e le eje du rap dans la société haïtienne, il est important de prêter une attention soutenue à certaines caractéristiques sociodémographiques des rappeurs pratiquants : âge, origine géographique, lieu de résidence, etc. On peut se demander qui pratique le rap en Haïti. Pour répondre à cette question, on ne peut ne pas observer des déterminants communs à la quasi-totalité des rappeurs évoluant en Haïti, du moins aux plus connus : il digie ciale dee, habie, la la, de quartiers populaie cid ce de iable ghe , el leei de Franco Lawman et de Love Federo, « la vie a toutes les couleurs mais elle ne peut pas être rose »133. Comme les rappeurs rencontrés dans le cadre de cette étude évoluent tous à Port-au-Prince, les cie digie ggahie e de lie de idece e le ece l eie, e égards au sens que ceux-ci prennent dans la dynamique socio-hiie dHai e gal e, e aiclie, el le de daiai de leace physique de la capitale haïtienne et le eeai ciale i e dcle. Le je ec e ide eae concernant le lieu de résidence des rappeurs pratiquants, un indicateur très révélateur de la classe sociale voire des cdii deiece de habia de P-au-Prince. En effet, pour eux le rappeur authentique est celui qui connaît suffisamment la réalité des quartiers pauvres, lai ce, e i ie de bibe de i ee e cha. E ce e, Jim affirme :

« Ne remarques-tu pas que les rappeurs haïtiens viennent tous des quartiers pauvres ? As-tu jamais vu, en Haïti, un fils de bourgeois qui fait du rap ? Non. Car le fils du bourgeois ne vit pas dans la misère ; il ne connaît pas cette réalité. Dans son rap, pourra-t- il pale de la ie dan le gheo ? O, le ap ce laffaie de gheo134. ».

133Voir le lien suivant (consulté le 23 mai 2017) :https://www.youtube.com/watch?v=tnFDMdvzIH4

134 Eai de l de e entretiens avec Jim, un rappeur de Carrefour. 290

Cette conception du rap __ une musique des gens vivant dans des ghettos __ découle de la compréhension développée par nombre de rappeurs et de fans a de ligie d a ; ils prennent le rap pour une musique contestataire qui dénonce la misère et les injustices sociales que subissent les catégories les plus défavorisées. A vrai dire, ils trouvent une bonne raison à ne pas penser le contraire, puie da lhiie d a haie ce de jee i des couches défavorisées qui se font connaître en tant que rappeurs. Il est très difficile de e, e Hai, de aia d a i iee d ilie ai.

Ce fai ieelle et un détour socio-historique est nécessaire pour tenter de le saisir. Il eie, e fai, e ee de liae elaiee abdae faia a d fd cliage dans la société haïtienne depuis le 19e siècle (Barthélemy, op.cit.). Un rapport ville/campagne e iall a die de caagad (Caii, 2001). Dei le clbe aail de lahlge Gad Bahle (1990), le ee de pays en dehors » est souvent employé pour désigner les zones rurales quasi-totalement délaissées où les populations sont cfe ae i e abece diface de bae (cle, hial, e de cdci dea able, dlecici, ec.). Le aa de ce e dcie la ali Haïti se présente comme deux pays distincts : d c il a le de de aa i cai clie la ee edie le ie (Baie, 1985) e, de lae, il a celi de ciadi i bficie d ii de eice de lÉtat. Ce sont les citadins les mieux placés socialement qui accèdent aux plus hautes fonctions politiques. Quant à eux, les habitants de e ale f lbje d eje de la a de la haie e adiiellee exclus de la gestion de la chose politique (Jean-Jacques, 2003). En témoignent les codes ruraux adoptés sous les gouvernements de Jean-Pierre Boyer (1818-1843), de Fabre Géfrard (1863) et de François Duvalier (1957-1986)135. Ces codes avaient pour fonction de contraindre les paysans à rester dans les zones rurales pour produire des denrées destinées à la consommation lcale e leai. T e aci la fige d ae, le aa di ee a place. Des mesures structurelles contribuent à la dévalorisation et la stigmatisation de ceux qui proviennent des zones rurales136. Dans le théâtre haïtien, le paysan est souvent présenté comme un inculte qui parle mal, ses apparences sont négligées ; il est donc ridicule. Les comédiens les

135 Voir à ce sujet Petit-Frère Roger. (1992). Collection « LES GRANDS DOCUMENTS » - No. 1 Code rural de Boyer 1826. Port-au-Prince : Achie Naiale dHai/Mai H. Decha. 136 Par exemple, la marque distinctive « paysan » est notée da lace de aiace de Haie qui sont nés dans les zones rurales. 291 plus populaires se servent de cette image du paysan, associée souvent à celle de la personne âgée, pour se construire une popularité auprès des Haïtiens137. Toutefois, le paysan utilise des tactiques pour permettre à sa progéniture de connaître une certaine mobilité sociale dans le milieu urbain138. Aussi la ville de Port-au-Prince a-t-elle particulièrement attiré des masses paysannes au cours de la deuxième moitié du 20e siècle. Sel Ca (2010), ce aai elie a la ie e lace diae iface e la cceai de leeiel de ladiiation publique au sein de cette ville au cours de la ide de lccai aicaie dHai (1915-1934). A partir des années 1970, avec la dgadai cae de cdii de ie de ae e lacciee ci de la population haïtienne, on a observé un exode massif de populations rurales vers les villes. Depuis, la bidonvilisation de Port-au-Pice accle e fe ei dgahie (Noel, 2012). Ce ae le ilie laie bai alie a des gens du dehors que le rap haïtien se pérennise, ce qui fait ressortir la dimension spatiale des inégalités (Backouche et al, 2011) qui teintent les rapports entretenus par les habitants de la zone métropolitaine de Port-au- Prince. Le rappeur 27 est conscient de cette inégalité ; il eie e ce ee : « comme moi, tu sais que depuis longtemps il y a à Port-au-Pince de gen den ha, le iche, e ce den ba, ce-à-die le pae. Moi, jai le pami le pae. Je ne connais que la réalité des pauvres ; ce ce i me e de oce dinpiaion. Comme beacop dae appe haien, je chane la ie de ce i ien dan la mie a ein de aie pae. Ce ne faon de faie connae dae ce i e pae dans la vie des déshérités. » Te ce cidai eee de i da le a e de ie e de réalité quotidiennement vécue, celle des milieux populaires très pauvres, dans un ordre bigahie dccea. Elle cie i diea aae daale

137 O e e fe e e ce Lavi nan bouk la de Papa Pyè, diffusée par la télévision nationale dans les années 1980 et aux personnages représentés par des comédiens populaires comme Tonton Bicha, Jesifra, Tonton Dezirab, Tonton Nò, Demele, etc. 138 A travers le roman Zoune chez sa Ninnaine et le texte auto-biographique Zig Lavi, on peut observer la mise en place en Haïti, depuis le 19e siècle, des relations de solidarité entre paysans et citadins où ceux-ci reçoivent chez eux de efa ea de e ale, le facilia aii lacc lcle e ille. Cee forme de solidarité débouche très souvent sur le phénomène de domesticité caractérisé par la maltraitance faite aux enfants concernés.

292 pour réfléchir sur le sens que revêt la pratique du rap en Haïti, dans le contexte social et politique de ce pays durant ces 30 dernières années. A bien y regarder, il y a lieu de considérer le rap haïtien comme egie de ale politique. Dans les faits, la musique rap a émergé en Haïti comme une forme alternative de participation politique. Pour appuyer ce point de vue, je veux particulièrement souligner le id d le hiie aje : la coïncidence entre la fin de la dictature des Duvalier e laaii e Hai de de gee ica ea de lie de eedicai, e lccece le a e la musique racine »139. Dans la littérature portant sur le régime des Duvalier, de 1957 à 1986, certains faits se répètent constamment : pauvreté extrême, dilapidation des biens publics dans un climat de corruption généralisée, prééminence de la ee ie, eiee abiaie, eci ledi de a liie, disparition ou eci blie dadeaie, eil fc, ec (Piee-Charles, 1973, op. cit. ; Mathurin A et al, op. cit.) ; Lemoine, 1996). Pendant trois décennies, un climat de terreur a g e Hai. O deai e gade de ciie le geee eie dtre poursuivi, exilé ou carrément tué. Le régime a ainsi instauré une répression systématique et généralisée entrainant un climat de méfiance dans les interactions quotidiennes et un certain reniement au ei de la lai haiee. Pa labliee de ce climat de terreur, les masses rurales et baie aie aeie ilece daa l iia e la (Hb, 1979 ; Trouillot, 1986). Dans ce contexte politique, la parole des dirigés a été contenue voire accaparée140 pour servir à des fins de propagande. Leffdee de la daie de Dalie __ le 7 février 1986 __ a occasionné une réappropriation de la parole. Pour parler de la fin de la dictature, la population haïtienne a utilisé des slogans comme « deuxième indépendance » et «baboukèt la tonbe141», lesquels e el i la che de ce geee a igificaie da lhiie cee dHai. La dae d 7 fie e e deee ee icable da le ageda

139 Étant devenue très populaire en Haïti depuis le début des années 1990, cette musique urbaine puise son fondement dans les rythmes traditionnels haïtiens ; le eage elle hicle ce e fe dimension de dénonciation et de positionnement politique.

140Je peux citer en exemple la musique Duvalier pou toutan de laie Ne Jea-Baptiste. Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=nSGjLTlDxtM&hd=1 141Littéralement, « la bride est tombée ». Cette expression signifie que tout Haïtien a recouvré son droit à eie libee de che i ccee la liie d a.

293 politiques. Occasionné par la chute du gie, le aage de parole réprimée à une parole libérée e la cece idiae d eeee de a, f-il éphémère et illie, e fae de lai lge fce ee ileciee. Cee libai de la parole est une cdii ceaie leei de aiai de ae laie, j e e d ie-e, a l de de icle daciai d ld fadea de leclaage. Elle ed ible le eedicai de dcaie, da de doit, de jice ciale e daliai de cdii de ie, lesquelles revendications sont portées par la société civile depuis la fin des années 1980. Avec le départ de Jean Claude Duvalier, se dessine donc une ère politique particulière en Haïti : on parle de transition démocratique (Dumas, 1997). Cette démocratie, tant souhaitée dans le discours politique, est très souvent perçue et évoquée dans sa dimension de droit à la libe deei. Di eie e ii, aiai e eedicaions mais galee eie a e de la, fai de cciece e li ea de la ilece ceaaie de lei (Ca et al, 1968) et un canal permettant de se mettre en scène. Aussi le rap et la musique racine décrivent-ils les conditions matérielles de vie des Haïtiens les plus pauvres ; ils déplorent des problèmes de société et dénoncent des attitudes politiques et des mécanismes structurels qui empêchent à la majeure partie de la polulation de connaître un mieux-être. Ce e ce e e le rap se révèle une expérience et une pratique de liberté par lesquelles les rappeurs parviennent à investir une scène politique traditionnellement contrôlée par les acteurs les plus nantis socialement et économiquement. Il peut être aussi appréhendé ce a de la iace. Ce eace de libe e lie liie le je ici ses actions dans une logique de contre-pouvoir (Dississa, 2009) face à des régimes hostiles à lide de leie libe deei. Aii le rap réussit-il ai ai lge il arrive à se défaire du contrôle des régimes politiques. De ce point de vue, le rap haïtien est considéré comme un couloir privilégié permettant à des individus-sujets de faire irruption sur la scène politie. Ce dc e ie aleaie de bjeciai le ae haie trouver un mieux-être et une signifiance politique.

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Beaucoup de rappeurs haïtiens manifestent leur désir de se faire respecter142dans un contexte social où ils sont enclins à être pris pour des déviants, des gens violents et vils. Cette eeai e efce daa l e, da la gade aji, il habie de aie pauvres qui sont en grande partie considérés comme des « zones de non-droit ». Ce a a a jg e i il bie da la ci haiee e l di aii leurs réclamations en termes de respect de leur dignité. Axel Honneth (2002) conçoit la vie en ci ce e elai fde la le leiece. Tout individu éprouve et exprime plus ou moins implicitement le besoin de se faire connaître et reconnaître en tant e hai i a e digi e he dfede. O, da e ci haiee de carences où prédominent toutes sortes de préjugés et une disparité sociale criante, la plupart des rappeurs sont confrontés à des formes de mépris qui menacent de ruiner leur identité. Car le e d i, ce de blee le je dan limage poiie il on p aci de-mêmes dan lchange inebjecif, aan mme de le aeinde dan le libe dacion o de le poe n pjdice maiel (Honneth, 2002 : 161). Les expériences cie de i cial ee eae dc che lidiid-sujet une estime de soi dégrade (Real, 2004). L ced dc i de ae haie achae eie de ble decli ciale, de jg, de igaiai d il icie. Le le ie, ee ae, faie i de liisibilité sociale (Châtel, 2007) e affie e a e dige de eec e deie. Si le a e e ale liie, il eacie da e ali d il ie ce, a fe e a ai de. Da le cee haien, la pérennité de ce genre musical ded de acage da la ie idiee de lai i cie de lacceilli avec entrain. Pour être toujours valide et valable, cette parole politique trouve, bien évidemment, une approbation parmi fans et pratiquants, voire auprès des personnes qui y prêtent tout simplement une certaine attention. Pour ce faire, il doit nécessairement exister, parmi son public potentiel, une ou des conditions favorables à son approbation et, donc, à sa ciai. Ce i je fle lhhe de la ace bigahie d a afi

142 Dans Non chèf les rappeurs du groupe Nouvelle Generation Squad (NGS) décrivent les abus perpétrés par des policiers haïtiens au détriment des jeunes ayant un style vestimentaire jugé inadéquat. Ils dénoncent les préjugés, les traitements deux poids et deux mesures, les brutalités policières, les humiliations que ceux-ci font bi de jee il ae de aie illgale e abiaie. Ce ae clae d eec de la a de policiers qui doivent les considérer comme des citoyens à part entière. Voir le lien suivant (consulté le 28 août 2017) : https://m.youtube.com/watch?v=ALQg1XTMcnSo 295 de proposer une piste de compréhension à la question de savoir ce qui, dans cette musique, lie rappeurs, fans et/ou public potentiel. Cette résonance biographique est à analyser comme un dénominateur commun, un lieu dans lequel les principaux acteurs en question (rappeurs, fans et blic eiel) e ecaie eeble e d la aie d a ie if, e ai de ce que sont les conditions objectives dans lesquelles il dlie le eiece. Ce ce aspect si important de la pratique du rap que je compte aborder dans la partie suivante.

10.2 Lacage e a ace bigahie d a haie

Pou yo N ap chane po o e po no » (Masters, Chanjman) [Pour eux No chanon po e e po no]

Si l e e aei la daie ciale haiee, a iciale aci e préoccupations qui sont liées au déroulement de la vie collective, il faut peut-être accorder beaucoup plus de considération au domaine de la musique. Cette proposition semble encore l eiee e gad la gade fi icale e l e cae e Hai dei la fi de ae 1980. Je a de lide e cee dci icale, ce e de abdace e de a diei, cie e ce iae de aia daale d social ; elle peut permettre de jeter un éclairage sur les modalités selon lesquelles les hommes et les femmes biographient leur existence dans la société haïtienne au cours de la période considérée. Il serait intéressant de chercher à mettre en exergue les facteurs expliquant cette exubérance de production musicale en Haïti ; mais li e a l. Il e l da ceci : la ie ee e fee iilgie, e ie dacc leae de die aec de la dynamique sociale haïtienne ; elle est à même de révéler les pratiques et modes de vie, les valeurs et les enje li a dliee de leiece idiidelle e cllecie da ce a a c de 3 deie dceie. Ce jee cee ie e je e ele ee de saisir la résonance biographique du rap dans la société haïtienne. Car une musique est très souvent une parole située ; elle ed e da la ie d idiid d ge didiid

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évoluant dans un contexte socio-historique et culturel donné et concerne une collectivité. Se dela a ei de ci de, ie quelle pratique musicale est susceptible de dévoiler des aspects particuliers de la vie des individus concernés. Par exemple, je pourrais tenter de construire une réflexion sur le compas direct, sur la musique vaudou ainsi que sur les musiques dites « évangéliques » en Haïti au cours de la période en question. Si la musique, comme la poésie, est imbriquée dans une histoire et peut constituer leei liie d egagee (Belalimat, 2003), cee hiie e celle d ge didiidus qui, évoluant ensemble dans des conditions objectives, ont des expériences à mettre en récit. Et la musique vient comme un important canal par lequel des hommes et des femmes expriment leurs sentiments et des messages sur diverses facettes de leur vie idiidelle e cllecie. U eeble de ei ie d l e l ee de aii la ie ce dali deei e de ie e ci de i : en quoi et comment la musique met-elle une société en récit ? De manière plus spécifique, si les individus humains e hiie e ace il ace le ie, e liee (Del-Momberger, op.cit.), comment la musique participe-t-elle d ce de cii de lhiie de la société haïtienne, du moins au cours des 30 dernières années ? Pour proposer des éléments de réponse à cette question, une considération sur la résonance biographique de la musique rap en aiclie ae icable. Le ee de ace bigahie ai e dfii ce liace la signification que revêt un objet, un fait, un élément de récit ou une aie ciale da la ie d idiid d ge didiid, e celi-ci soit en ii dbeae, de deiaaie dace icial. Ue aie ciale e dans la ie d cce ace elle e de cdii faable egece e développement. Ceci étant dit, que peut-on dire de la résonance biographique du rap haïtien ? Je soutiens que le rappeur porte à la fois une parole pour lui-même et une parole de collectivité. Ce point de vue nous questionne sur la manière dont les mots et les expériences subjectives d idiid ale d c cllecif. Pe-on envisager une parole singulière sous une modalité collective ? Lidiid hai a a ae il, le ce de idiidai e de a subjectivation ne peut être saisi en dehors de tout contexte socio-historique et culturel. Dans le champ des sciences humaines et sociales, il existe une abondance de travaux de réflexion qui ont montré que le soi est une construction complexe et dynamique, en perpétuelles interactions

297 avec autrui (Adler & Towne, op. cit. ; Kaufmann, 2001). Dans Qui est je ?, Vincent de Galejac ci lidiid ce le di de hiie i cristallise les facteurs socio- historiques et intrapsychiques participant du processus de sa socialisation et de sa ealiai. Sel ce ae, lidiid e la fi licaai de a ci e être totalement singulier, à nul autre pareil, à la fois semblable à tous ceux qui partagent sa condition et différent de tous les autres, à la fois pur produit du contexte socio-historique dans leel il ege e e a d leiece e icaable, e cai eaee. (Gaulejac, 2009, p. 10). En considérant cette relation dialectique de coproduction qui relie lidiid e la ci, l ced e la ale d ae, a liiee ie, ieelle e ilie bigahiee la fi laie e deiaaie. La ale d ae ie de ie. Il ale d lie ; il e cf e ali ciale i ccee e cge. E e cia iceae e e ia a idiid i participent de sa construction, cette réalité inspire des paroles qui concernent à la fois lciae li-e e dae idiid aagea le e cdii deiece (Spurk, 2010). Pour approfondir ce point de vue, on peut se demander pour qui chante un ae e i il adee dans ses chansons. Il y a là deux questions importantes. Plusieurs postures sont à identifier. Selon un premier angle de vue, je peux dire que le rappeur chante pour lui-même. Il chante pour lui-e lil cheche ai bei de parler. Il peut exprimer sa joie ou sa colère, son échec ou sa satisfaction, son amour ou son désamour, ses aventures et mésaventures, ses hésitations ou sa ferme résolution, etc. Par exemple, il peut chanter pour se remonter le moral, chasser un malaise, soulager sa souffrance. Laie Bl a ei e eei ce Si m pa pale m a toufe » (Si je ne parle pas, je eai ff.) a laelle il adi lide d lagee dcla de lace de ale. Lffee d il agi ici e ece l igificaif i l ee e fig : un individu qui se blottit dans une misère matérielle, se résigne à encaisser toutes sortes de coups de la vie, peut finir par sombrer dans la déchéance. Ainsi est-il asphyxié des problèmes engendrés par et dans ses conditions objectives de vie. Parler devient donc un exutoire par leel lidiid eiie ce i le acae e bea la ali da laelle il e lg. Le rappeur chante pour lui-e ca il dgage ei de ce il i comme réalité dlee e. T e, chae ae accage d effe haee cathartique. Parler est thérapeutique, reconnaît- e elai daide. Consciemment ou non,

298 celui qui chante pour lui-e e fai eie de esages et sentiments en rapport avec e beai de ali, de e cdii de ie. Ce i, da le cade de cee thèse, je soutiens que le rap est, en Haïti, plus e dali deei de la fface e ie egage, ce-à-dire celle qui accompagne de véritables mouvements de revendications et de transformations sociales. Le fai de ae ee lidiid de e lage de fface e de dce le cae de celle-ci, comme si le rap avait la même mission que les pratiques sociales visant à aider les individus à recouvrer leur plein épanouissement (Le Bossé, 2007).

Suivant un second point de vue, je peux dire que le rappeur chante pour des gens avec lesquels il est en relation. Deux cas de figure peuvent se présenter : il chante soit pour des gens il ca bie ce il e ca a ai i aage, e ele e, e cdii. Le ae Dc Filah a l, a c d eeie aec i, e da a musique titrée Gastwonomi lanmou, il e fai e eede de il aai di de femmes avec lesquelles il a eu une relation amoureuse. Ainsi, seulement les concernées ee eae il agi de ale i le aie adee e chace delle e mieux situer la pale i li e deie da ce cea de ie. Nai, il e a toujours nécessaire de connaître une personne pour chanter pour elle. En effet, un chanteur e ace leiece de ae ee a aa la cae. Pa ailleurs, parler « pour » une personne ou un groupe de personnes peut vouloir signifier « défendre » sa cae, e ce e a fae. Ce ce e ede faie le ae haie i cherchent à décrire les conditions de vie des gens les plus pauvres. Deux autres postures sont à cide le l eaie de deie i adee le eage d a : le rappeur peut parler de iai de ee ; il peut également parler avec un destinataire. Ce e a ceaiee la e e. Il chage dielce chae fi. Qel i aie a ceaaie, il ale afi ce il eie e le dominants ; dae e il ale a di, ce-à-dire à ceux qui sont des exploités à ses yeux. Finalee, la aee Big eble ai ai lelle ie e « laie chae i, li e ». Elle poursuit : « Moi qui suis une artiste, pafoi and jcoe la mie dn ae aie, je en e ce ma ie il chante. Ce comme il palai de moi. Ce paeil po ne ae peonne. »

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Leeble de ce cidai e e ale de ca deiece et de sens où le rappeur décrit des réalités, exprime des messages et sentiments qui concernent également ses congénères. Dans un article publié sur la résonance biographique du rap (Lizaire, 2014)143, je ai fai ei dace fece ele la i de ca deiece e de e, aa je-là découvert aucun auteur qui en parle. Mai da e lece liee e e aicia e je dde, je i b de ae i ili de ee che de ce e igifie ici ca deiece e de e. A chaie 6, jai ei le d hilophe haïtien E. Dorismond (op. cit., p.213) qui a utilisé le terme de communauté de souffrance. Marie-Louis Martinez (2002 : 117) parle de « communauté de sens ». Quant à lui, Ahmed Boubeker (2003), dans un livre sur liigai aghbie, a el le terme de « ca deiece » dans le sous- ie. Si je eie ce ici, ce je e e dae ae, aa i, ili ce e ee da dae cee. Mai la i de ca deiece et de sens, telle ilie ici da le cade de a flei, e a e ile jaii de ces termes. Précisément, elle doit être comprise comme un lieu où se reconnaissent des gens i, e faia leiece de iai iilaie e e aagea de cdii deiece eblable, e de le de i da ce lie ae aia mettent en évidence dans leurs chansons. Par leurs messages, les rappeurs pointent du doigt le c idie de ae i aie a eie hae i, il f e le cordes expérientielles qui nouent les divers éléments de leur parcours biographique. Leai ia e i de l Tout se may (Rien que du bluff ) du groupe Rockfam : Mesye lekandida men di m kijan w pral aranje w/Pou w ka reyalize bèl pwomès w ap plede fè nou yo/Gad nan figi nou w ap wè dezespwa delala/Se chomaj lavichè avèk lamizè k ap touye frè nou yo (Monsieur le candidat, dites-moi comment vous comptez vous y prendre/Pour accomplir vos interminables promesses/Regardez nos visages, vous verrez le désespoir/Le chômage, la cherté de la vie et la misère détruisent nos frères) Ces propos doivent être placés dans leur contexte : ils proviennent de rappeurs confrontés à la réalité socio-économique et politique de la société haïtienne actuelle où beaucoup de jeunes vivent péniblement des situations de chômage et de dénuement qui provoquent très souvent de la deace. Il cie ai leei d deai de ae gadiae de ge

143Je reprends ici une bonne partie de cet article. 300 qui semblent être instrumentalisés dans le jeu politique des gouvernants ou des aspirants gouvernants. Le rappeur avance donc des vérités sur les conditions objectives qui cadrent son existence et celle de ses congénères; ces vérités sont socialement situées, quotidiennement vécues et collectivement partagées. Elles sont valables prioritairement pour les individus concernés par les conditions et situations dont elles résultent et servent de fondement à une ca deiece e de e laelle le a e individuellement et collectivement eace dch bigahie. L ced dc e ce e di ae da e cha ccee existence et le cadre spatio-temporel dans lequel celle-ci se déploie en constantes interrelations et interaction aec la ie dae ee aagea de de li e cdii ci- hiie. Ce jee adie le e e ee le cllecif le ci idiidel e la i d ch bigahie e le ile. Ce ee s-eed lide d eeiee igificaif da la ie d idiid d ge didiid de ce qui est susceptible de le convoquer sur et à un moment donné de son parcours biographique. De durée très variable, ce retentissement est foncti de lale de ce i le cie e de eje e cicace i laccage. Lch bigahie e e dfii comme la résonance e ee de c /e de iilai deiece suscitée par un objet, un geste, une action, une réaction, un lieu, un événement, ou encore un récit, une aie ciale da la ie d idiid d ge didiid e ii dbeae, dace, dielce de deiaaie. Lidiid e da ce bje, ce geste, cette parole il i le fai ee daiee geiee e plusieurs de ses expériences passées ou présentes ; il en tire des éléments qui font sens pour lui suivant sa condition, sa situation, son histoire, ses expériences, ses projets, voire son existence e eie. Face a ci leiece dai, lidiid le ge e ai liei e ce e aie de a ie i e ee e ce de li e ça parle. Sel la iai de cicai, ie i e ieelle ie i biographiquement : un son, une musique, une danse, une blague, une conversation, un mot, une eei, dc, e e celle, eage, ec. Lch bigahie e caacie a lii da la cciece acelle de iai deiece d la eai e cie a la ecei e laiai de el bje eie. Lidiid e eca da ce i e ee li, da ce i e di da ce i e fai ; il

301 y lit une partie de sa vie, si infime soit-elle. Ce ce il ai da fil eel il se voit dans des scènes et des épisodes spécifiques. De ce point de vue, une chanson peut rappeler beaucoup de choses à une personne. Ce ce i aie a eele l a liei de eie de f eie e ca e cha de a jeee. Me il agi d effe de ace i a lie ici e aiea, lch bigahie aicle a de fai elaif a a de lidiid, celui-ci a e dhiie, de eibili e de projets. La i dch bigahie e eble eiee ace elle ee de aii la fois la signification sociale et politique des messages portés par le rap et les liens qui relient le rappeur à son public potentiel. En principe, un rappeur est un habitant à part entière du pays da leel il le ; il e a cee eaill a e ali ciale clee i lieelle aa feiel d cial. Pie a ie e e déploie pas de manière isolée, il en aage e cdii aec dae d leiece e aee e aaille a le e effets de contexte. Ceci étant dit, il importe à présent de se demander comment un rappeur eie e a e je de e à travers sa pratique. Je propose des éléments de réponse à cee ei e aala, da la aie i i, le diffee dali deei de i du sujet pratiquant.

10.3 Les figures du rappeur-sujet

A travers les différents discours qui se rapportent au rap, on peut repérer une typologie assez variable : un rap peut être festif, bling bling, égotrip, conscient, etc. Dans le rap festif, on aie daee, de e de laii e l ie da le clb dea blic /e aux c de e ai, ce aiei leiece de iie. Le a bling bling est lie deei eaie , da de id-clips extravagants ou, du moins, dans des textes, le rappeur met en évidence ses bijoux en or, le plus souvent des chaines, et des parquets de bille de dlla, iable ble de ichee cie. Qa a a gi, il eie de eage i ie faie llge de celi i chae. Le ae eble li e e ce li le eille s égards ; il parle de ses talents, de ses exploits, de ses be fa, da ci de e faie ali a d blic. Il e a ae de e da ce e de a de de ae e ee lalha e lga d a.

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Novice ou aguerri, tout rappeur semble vouloir faire valoir une espèce de droit à pousser sa daeie l il leed, afi e deh de e cidai le b e. Tel ae affie, a eele, il e le eille de eille, a elee quelques mois de promotion de sa première mixtape. Tel autre enregistre son tout premier morceau et prétend être le « papa » du rap haïtien. Toute cette pédanterie répond à la finalité de se valoriser devant ses pairs, de lancer ou de relever des défis, de ie ai la ca des rappeurs et de réclamer du respect en tant que rappeur pratiquant. Quant au rap dit « conscient », il consiste en une sorte de réalisme social ; il décrit et dénonce ce qui, dans lde de che, cie de eaes au bien-être collectif. Ce type de rap est beaucoup plus valorisé dans les discours portant sur la fonction sociale de ce genre musical. Il est dia e da le aa cieifie i e beac l daei e de considération au détriment des autres variantes de rap. Mais le terme de « rap conscient » ie de ei e cii. Qelle jificai accage ce alificaif ? Eie-t-il un rap qui serait « inconscient » ? Si i, e-ce qui le caractériserait ? Pourquoi le rap dit « conscient » est-il le plus valorisé dans les représentations et discours savants se rapportant à ce gee ical ? Ce eiee e e le ile da la ee , e labda avec un peu de recul critique, il nous permet de prêter attention au risque qui existe, pour celui i flchi cee aie icale, de be da le ige de ii dcice, de faie de aalgae e de e cee de ache facile. A bien analyser, cette catégorie (rap conscie) ie d jgee de ale i ed à réduire le rap à sa dimension de description et de contestation sociale, sous-estimant ainsi e ai de a i aie dae he ce la aliai de i, la, la richesse, le divertissement, les expériences banales de la vie quotidienne, etc. Ce point de vue, pour le moins péremptoire, ne peut manquer de nous induire en erreur. Il est en effet trop facile de penser que celui qui offre un rap contestataire est un individu conscient contrairement à celui qui chante sa joie de vivre, son amour pour les clubs, son plaisir à admirer des choses futiles de la vie, à la manière du rappeur haïtien Izolan144 i fai llge de e aie de baskets. Il y a là une vision manichéenne qui ne permet pas de comprendre grand-chose dans le rapport que le rappeur développe avec la musique ni dans son positionnement en tant

144Ecouter Bèl Tenis à partir du lien suivant (consulté le 20 août 2017) : https://m.youtube.com/watch?v=kcVLnJvePdQ 303

idiid l i ae. Aci a a, le alificaif conscient » est trop vague et arbitraire. Il ne nous permet pas touj de ie ae. V e ce ai de decii de la ali ciale e ce alificaif eble dei e jifie e e celle- ci, dans sa complexité, a des dimensions qui ne sont pas nécessairement manifestes, personne ne saurait préede ae e ai, e e, e chei claie de ce il dci, dce clae. Te cciece de ele che e bablee e icciece de ae che. Ce d l diige le a ccie de craire sans tomber dans une classification arbitraire ? Peut-on vraiment dire que le rappeur qui parle de e ee ef, de e bille e e de iilge il e ie da la ie cae soit un individu dénué de toute conscience critique ? Galee, da e alb le ae effce de dieifie e he e de faie ele ie da lie aiae de a. Da ce ca, ie l e tient à la contestation sociale comme critère de reconnaissance du rap conscient, on a beaucoup de al deie ad ce aia e ccie a. Daille, le blic e ca a ceaiee le bile i deie le chi d ee de ie. Pafi rappeur scande un texte écrit par un auteur inconnu du public. Devant un tel cas, on peut se demander qui est « conscient , i a e il ai lie de ale de cciece. De plus, un texte de rap a très souvent plusieurs co-ae i a fce la même vision du monde, le même point de vue sur la réalité. Dès lors, il devient quasi- iible de deie el ae e l ccie e dae. V e e, ee de a ie laie le blic, ce-à-dire à véhiculer des messages qui puissent répondre aux goûts et attentes de celui-ci, e e a ae e ce i eie adie eacee le iiee de lae d chae i e ilee li chercher à captiver son auditoire. O e dc i el i lage d alificaif de « conscient » est truffé de difficl. Ce i jeie ia de ede e diace ciie a a ce ee. Cee cai e eea de ie dfii a e da la eecie de meilleure compréhension de la manière dont le rappeur pratiquant peut investir le rap, ahed ai ce lie de bjeciai, affie e a e ae, capable de se positionner et de choisir sa voie pour faire signifier son positionnement.

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Contrairement à cette idée arrêtée sur le rap, je propose de considérer tout type de rap ce lie le aia e affie ce le je de ale il e e a e dhiie, daffec, de di e de je. E dae ee, e e cscient da la ceai ce da laee. Ee ccie e l e ei de claiace, de chi e de iiee e affaie de he ai ae e cea de ie. Ce i de e ie de a ; ce i, aa deaie le diffee aie de je ae la aie d a, je bilie eeble de aa de flei diible e ciece haie e ciale a de ce il cie daele ce de bjeciai. Les réflexions relatives à la notion de « sujet icie da e adii de ee che de cilgie de laci ; elles concernent la question de la construction identitaire, un objet transversal en sciences humaines et sociales, et marchent de pair avec divers points de e i ec e cei faable da lhiie de la ee ciale e Ee e e Aie d Nd. O e ie la ei de lidiid-je da lache cilgie de lidei, laelle ache icrivant dans la lignée théorique et idéologique du marxisme. Selon cette approche, lidei idiidelle e e eeai de i fae a lidlgie diae da e ci de (Lab, 1976, ci a Dba, . ci.). Ce e idei alie e illi didei. Ca lidei le de liiiai de la place que les groupes minoritaires ou les couches sociales les plus défavorisées occupent dans les rapports de production ou dans les relations de pouvoir (Lallement, op.ci.,). Le di, ce-à-dire les éléments des couches sociales défavorisées, cie le lace da le e cial de elle e il e eie a liflece des déterminismes sociaux sur leurs destinées individuelles. Au contraire, ils justifient la diciiai e leliai il bie ce i elle aie la cece de le e ae de caaci de chace (Dba, . ci.). Alie, lidei i e le eae e le eli i, la agiali, lauto-culpabilisation, en fonction du fait que lidiid e eie a le cadici e le a de i i aee la ci da laelle il le. La aie idei ege ai de ie de cciece de contradictions sociale. P deei ace de lhiie, lidiid di cee daccee lidei i li e aige e ie a le e cial.

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Cee ache a gadee cib cae lidiid-acteur comme un dissident, el i eece a cciece critique pour observer le poids des déterminismes sociaux deei idiidel. Elle accde eeble de flei icia da le cha de cilgie de e cflicelle le ee cia iee lie dbje central. Selon ce point de vue, le devenir sujet passe par des actions collectives et des ee cia i libe le idiid d i aliaie. E cia e force de résistance, ces individus se positionnent comme des êtres autonomes, capables de vivre, de penser et de parler en tant que porteurs de droit, des êtres libres et responsables qui ee le dei e ai. Da le de fache, Alai Taie e l de cilge i gadee cib la ie e lace de éritable pensée sur les mouvements sociaux, un cadre réflexif permettant de saisir la notion de sujet. Cet auteur reconnaît que depuis la rédaction de Critique de la modernité (Touraine, 1992), un de ses livres majeurs, il a compris que son projet principal avait été de remplacer une sociologie du système cial a e cilgie de lace (Taie &Khosrokhavar, 2000 : 7) : « A lie deplie le condie en foncion de la place e de in de ace dans le système, je cherche à les évaluer au contraire comme des actes de création ou de decion de la capaci dacion aonome de ace.» Plus loin, il avance quelques éléments de définition du concept de sujet : « Je me suis dabd ba eda ee a dfede lide dacteur, ai ajdhi il e eble beac l eie diie lide de je, ca e ace e da la ee l e cie i-e ce je de a e ie e de e ace. Il e ia dalle a c de che, la notion centrale celle du sujet. » (Touraine &Khosrokhavar, 2000 : 113). Il eie lie i ee la i didiid e celle de je : « Le je, ce le en o dan lindiid e i peme ce indiid de ace. Le je e la conscience du di, d aail de lindiid po e n ace, po ie a ie. » (Touraine &Khosrokhavar, 2000 : 120). Da ce aail, le je e dabd cid ce e i est dans le refus et dans la résistance ; il se définit par sa capacité à éloigner les forces qui eace de lcae. Le je deie i e cladei da e ci aliaie est fait pour le détruire et le nier. Dans ce cadre de pensée, il existe une relation étroite entre le devenir sujet et les mee cia. Le cdii de iai, de i e deliai bi e __

306 mais pas toujours directement __ à la conscience du sujet qui, éprouvant un sentiment dijice, e e e cle, ed e eabili e dfede cre un système qui lcae aiellee, bliee e iiiellee. Aii ee cial se définit-il comme « rappel à soi e la libe caice dn ace i le cone a déshumanisation, son exploitation, sa dépendance. » (Touraine & Khosrokhavar, 2000 : 168). La révolte ou le combat est inhérente à la condition de sujet. Celui-ci se constitue par diaciai, dciai e eai. Ce i, jee, le je icae la fige d dissident. Les auteurs reconnaise e idiid ge didiid e e li la deade de ec e a e je a eie e e chac e deei je, l e il e cic da le age d e aliaie e caa. Ladee d je ae a e ie de cciece de iai de diai e dae iflece cjcelle hiie (Chebel, . ci.). Cependant, il ne faut surtout pas nous éloigner des expériences personnelles de lidiid ca le je affie elee a de aci cllecie e de mouvements sociaux mais également par leur autonomie, leur désir de vivre leur vie en êtres libres et responsables (Dubet & Wieviorka, 1995). Car la construction du sujet ne saurait accli elee da e a la le ce le aaeil de diai. Aii le je e conçoit-il comme « le di de n indiid, de ce ne hioie peonnelle, de donne n en lenemble de epience de la ie indiidelle. Vivre sa vie, trouver en elle une référence i claie le compoemen paiclie pl e lappaenance ne cagoie ociale ou à une communauté de croyances. » (Dubet & Wieviorka, 1995 : 29). Le sujet est celui qui se crée une place libre et cherche en même temps à abattre les systèmes i laccable. Il dcle d ael de lidiid li-e, de a l de ace, ce-à-die de afe eiee ede leace il e aifee. Da eai dahlgie olitique, François Laplantine (2007 : 8) lige lide selon laquelle le je e a e ai faie e iai e e deei. Le je di adei ae le dalie ee la diai e la libe, leie e liie, le politique et le psychologique. Le sujet émerge en se démarquant de sa dépendance par rapport à la culture dans laquelle il naît.

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Parmi les auteurs qui ont alimenté les réflexions portant sur le concept du sujet, Vincent de Gaulejac (2009) a fait un travail très remarquable. Il définit la subjectivation comme un processus par lequel « un individu prend conscience de lui-même et tente de se construire comme n e inglie capable de pene, de die, de affime ». Il a surtout souligné la nécessité de considérer le sujet comme élément de médiation entre deux registres contradictoires et inséparables : « le de lhe » et « le de la ci ». Il précise : « Il fa pai de leience de ce de fen incononable, de deminan por compende pa el poce lindiid e la foi lincanaion de a oci e n être totalement singulier, à nul autre pareil, à la fois semblable à tous ceux qui partagent sa condition et différent de tous les autres, à la fois pur produit du contexte socio-historique dan leel il mege e n e pa don leience e incompaable, en caion permanente. » (De Gaulejac 2009 :10). Selon ce même auteur, aucun individu ne naît sujet mais chacun détient une potentialité, un ressort psychique qui le pousse à le devenir. Cette potentialité peut être mise e aa, ihibe caie e fci de cee da leel le lidiid. Le sujet est ce e fai lidiid de li-même ; il advient comme mouvement, comme tentative jaai dfiiiee abie, e eea e cae lidei i li e aige (Gaulejac 2009 : 52). Il e dfii da liei de i, ai de ce il e. Ce ae e cadre réflexif opérationnel qui permet de mieux situer le concept de sujet ; il y établit une typologie : il parle du sujet social, sujet existentiel, sujet réflexif et sujet acteur. Le sujet cial fai fece ce i, da la cii de lidiid, ele de lie cial, culturel, économique, institutionnel, relationnel, etc. De même, le sujet existentiel est une diei elaie lie de linconscient, des pulsions, du désir, des fantasmes, de liagiaie, ec. Ce le je dia, cf a di de lae i cibe le produie e/ lajei (De Gaulejac 2009 : 25). Le je fleif eie registre cognitif ; ce celi i ee, flchi e cdii, dele e ceaie maîtrise de son rapport au monde et porte une parole sur divers aspects de son existence. Efi, le je ace e celi i e de aci cce e e daeide de b ci. Il e de ace, il e le dce de a ie. E dae ee, le je ace fai de a ie e e, eede cee belle formule à propos de laquelle Michel Fabre (2004) nous a proposé une réflexion bien ficelée.

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La réflexion que je propose concernant le rappeur-je e lige a de ce jal théoriques. Au contraire, ceux-ci cadrent mes analyses sur les différentes modalités daffiai de i d je ae la aie d a. E gad a diee cidai théoriques ci-dessus mises en évidence, je comprends que le rappeur pratiquant peut être sujet de diverses manières. Je tente de le montrer en axant mes analyses sur des textes de rap et des de deeie cllec a de ae da le cade de ce aail de he. Jaccde e aei aiclie a dali deei de i ae le ee de a e a objectifs poursuivis par les rappeurs en cherchant leur voie dans le rap. Les matériaux recueillis me permettent de dégager trois profiles de sujet dans le rap haïtien : le hble, lie e le dciae. Dee de je, je dai ae de le de précisions. Premièrement, les deux premiers termes ne sont pas du tout utilisés ici dans leur sens péjoratif. Deiee, il eie a ceaiee e liie ache ee ce diffe e de rappeurs-sujets ; il e ecle a alee. T e, lie affiche de caractéristiques du hâbleur ou du dénonciateur. A des moments différents, un rappeur peut se présenter comme un hâbleur, un opportuniste ou un dénonciateur. Il est très difficile de trouver des rappeurs qui présee de caaciie d el e. Vici ele aiclai e l e ecae chac de e de je la da le a. Le hble e celi i a de cee de e ee e aa da e ee, e id- clips ou à travers dae iai de la ie cae. Il ale de e ale e a, de e expériences fructueuses, de ses aventures amoureuses ou de ses prouesses machistes, de ce qui lui procure du plaisir, de sa maîtrise des règles de la rue ou du ghetto, etc. Il est parfois un jouisseur qui fait étalage de ses exploits dans le rap, dans les clubs ou dans des boîtes de nuit. Le hâbleur met en évidence tout ce qui, selon lui, peut le rendre visible suivant la dynamique et les tendances du marché du rap. Il choisit parfois des titres choquants, tient des propos osés il eie caia, ehibe de ae de ee, de ie e dae bje da le souci de paraître et de faire du hit. La figure du hâbleur répond à un mode de subjectivation très fragile ace il e facilee bacle da laliai, da e e de fichie i leche de egade sa réalité en face, de considérer des paramètres-cl de e cdii deiece. Ceai ee i, ai, leei de aliai, de illi de i. Mai il a a e cee aie diee la e d hble. Celi-ci se présente également comme le

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je de ale il e li-e e a e ebe de ci haiee de caece. Na a ee, cee ale le le da e faae e iagiai. E ce là où il est possible de saisir la manière dont il se constitue comme sujet à part entière. Car le hâbleur peut tout aussi bien parvenir à développer une certaine conscience de la réalité globale dans laquelle il évolue et à faire des choix quant à sa manière de se positionner dans la pratique du rap. Prenons un exemple : en évoluant dans la pauvreté, certains rappeurs haïtiens achae iie de hlge age e ant dans leurs vidéo-clips des maisons e ie de le, de lie de bille e, de fee eeiee e le disposition. Conformément à cette image, dans I swear to God, le rappeur Izolan affirme, avec fee aace, il deieda illiaie da a ae l hie die il existe une industrie musicale. Contraste ! Le sociologue Thomas Sauvadet (47mn 47s ; 53mn45s), dans Les clippeurs145, un documentaire réalisé par Dimitri Danvidé et Thomas Romain, interprète ce fait en termes de fantasme de la richesse où le rappeur surjoue son côté iil cee e e didigi. Pa ce caie iccie, le hble aii e icie a ie aielle e laffiche i e leede e le i. Se iques ou ses vidéo-cli li eee de e jee e de e i da e ie il haie e la iee adi il le da e ci-économique où tout semble le contraindre à la ae e liiibili ciale. Il e iie comme sujet au moins dans ses projections. Ce je d di i e cf la dlee ali de ae, de blcage146 echa de illi dHaie de e le ie, de ie da de cdii adéquates. Le sujet se projette dès l da lie il e faie ce e, da la ali, il a a le e de faie. Ce da cee jeci e il affiche ce je dia, caable de igifie ce il haie li-e e a il e da e e permanente de bien-être. Lie e celi i, a e d a, cheche faie ele che de a ie. Il e ed ce de ce il e li-e, il e eeee da je daei d la réussite est intimement liée à sa pratique de rape, da cee dabad cial. E dae ee, lie ai il e gage ele che e eea da le a ; sa pratique artistique est un tremplin pour accéder à une certaine réussite matérielle très

145 Voir le lien suivant (consulté 29 octobre 2015) : https://www.youtube.com/watch?v=5F97q6IfJPI 146 A ce sujet, l Blokis du chanteur Wanito est peut-être le titre le plus expressif et descriptif de ce climat de blcage de e e i eae laiee idiidel e cllecif da la ci haiee. 310 hypothétique mais envisageable. Certains pratiquants se conçoivent plus comme des eeee e a e ae. Il cheche de e de ie ae la aie de ce style musical très prisé. Ils font un rap qui soit « commercial , ce-à-dire ce rap-là qui, répondant aux exigences du marché, connaît une divulgation relativement grande grâce aux médias. Les entrepreneurs du rap veulent aussi devenir des producteurs ou managers épaulant de jee ae. Le a e le e ai lie l e checher sa réussite matérielle, à condition de comprendre les logiques du secteur. Pour réussir, cet entrepreneur va chercher à maintenir un rapport cordial et marchand avec les acteurs des médias (radios et télévisions) afin de faire rouler ses musiques et vidéos ; dabd il di a e ce-ci peuvent juger sinon attrayant et entraînant du moins non embarrassant. Ensuite, il se décide e de e dage de aiae147 de radio ou/et de télévision pour que ses musiques ou ses vidéo-cli ae l fee e dae. Pa l e, il gage en popularité. Plus il est célèbre, plus il a la chance de dénicher des contrats de publicité ou de c a de he fee liie e al de lai. Al, il ca une ceaie ie. Le ci de ce dle de ae, ce de j faire du hit » pour « péter plafond », selon des expressions très courantes dans le monde du rap haïtien. Nbe de jee i e lace da le a ace il eent y récolter, eux aussi, une certaine réussite. Ils écoutent la radio, visionnent les vidéo-clips, voient des images de la réussite __ prétendue ou réelle __ de quelques aînés ; ils pensent pouvoir un jour rencontrer d cc ai. Il if decouragement à cela : ils constatent que des rappeurs issus des quartiers pauvres, comme eux, sont devenus de vraies superstars en Haïti, des professionnels du show-business qui sont présents à la radio et à la télévision. Même si dans la grande majorité de ca cee ie de ae haie e aaee e illie, elle influence des jeunes fans qui pensent pouvoir connaître du succès à leur tour. Albert Bandura

147 Sur le marché musical haïtien, il semble que pour obtenir une gade diffi d cea de ie, d alb d id-cli, la agie la l cae i de de de lage de aiae dii i e gade ce. O ae faie le a ie e id, i le eine à cae e diffi aie l e elle eai de ali. Pee le ae ec da le cade de cee he lig cee ei cciale i e le ce e de le ccai majeures. Rey G est même ame ale de le dage e diflece : laie le ge i a le l dage e diflece i e , alb e id-clips tourner à longueur de journée sur les stations de radio et les chaines de télévision les plus populaire. Le aiae edace cfie ce fai le l cide e, da la-idi d aedi 12 a 2016, a c de ii diffe le de de la adi Caabe FM, laiae iie le blic e delace e ae alle acheter un album alors fachee i d ae Fa. Il ie e i le blic ache a lalb, il e a e de leece ee da a ie ei aie lii. 311

(cité par Hansenne, 2007 : 161) a lig liace de ce il aelle le enforcements icaia da laeiage a beai e iiai : quand on observe un individu qui se fait récompenser pour un comportement, on a tendance à vouloir adopter ce même comportement. On peut observer ce même mécanisme dans le rapport eeiee le fa avec les vedettes du rap. Pour beaucoup de jeunes évoluant dans des quartiers pauvres des ille haiee, da cee de gade cai e dabad cial, le a e aae comme une porte de sortie. Cette vision du a e efce daaage lil bee e des rappeurs ont effectivement rencontré un certain succès. Les rappeurs « à succès » se font cae e ecae, e de , gage e dage, la ibili de age ltranger, etc. Nombreux sont des jeunes qui voient dans le rap ou dans la musique en général un moyen de trouver un visa pour quitter Haïti, dans un contexte de misère où prédomine un imaginaire de partance. Il faudrait peut-être écouter le groupe Anbasad Camp dans New York où il exprime une réalité : « M gen manman m New York/M gen papa m New York/M gen tout fanmi m New York/Mwen pa nan gem nan pou viza. (Ma mère, mon père, tous les membres de ma famille vivent à New York. Je ne fais pas de rap pour avoir un visa.). Lage de ce ae e clai : comme tous les membres de sa famille, il a la possibilité de vivre à New York ; pas la peine de faire du rap pour chercher à obtenir un visa américain comme certains le font souvent. Un visa est ici le symbole a ecellece d débouché obtenu au moyen du rap, dans un ordre biographique affligeant où partir se présente ce le de eillee i e ee eiage de jee Haie. Doit-on considérer comme un non-je lidiid i d au profile du rappeur ie, ce-à-dire celui qui pratique le rap pour trouver de quoi améliorer ses conditions matérielles ? Cee ei ie de abde ieee. Ca la edace e gade de cide le ae i e clae dn rap-bie ce el i fai le je d marché musical __ ou du système capitaliste en général __, ce qui enlève toute possibilité pour ce ace dade e e ciie ae a ie. Ce i de e ie de vision réductrice l ed cide ce -engengée, conformiste voire complice toute musique jugée non contestataire. Mais celui qui se sert du rap pour chercher une réussite matérielle est un individu qui se ed ce de e difficile cdii deience et qui tente de faire quelque chose de sa

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ie, de le e a ccbe le id de la ie ia da leace ci- économique où il évolue. Certes, le rappeur opportuniste peut être contraint de répondre à une logique mercantile, e il e da le age d ach ical achiie la réussite matérielle est vraiment peu probable. Il peut même être porté à ne pas pouvoir saisir la manière dont le système politique haïtien le contraint à la précarité et, donc, à entrer dans des ci ie da de cii i leche de ae. Ceeda, di- die aa e ce ae bi alee e cdii, e a ace cciece e ne met aucune stratégie en place pour échapper à la brutalité de ce système écrasant ? Ne peut- on pas y voir également un sujet acteur qui, conscient de ses choix, cherche à transformer ses conditions ? La question de subjectivation à travers le rap exige beaucoup plus de prudence e le ee ; pour être bie e, elle ie aail icea de ecl e daale.

Le dciae e celi i, el lde bigahie ala l il le, e de pénibles faits et réalités à dévoiler et à condamner. Il prend ce qui lui est insupportable et le met en chanson de telle sorte que les problèmes vécus au quotidien puissent être portés aux oreilles de ceux qui devraient les résoudre. Le dénonciateur se présente comme un observateur avisé, un citoyen sensible à la « bonne marche » de la société où il déploie son existence. Ainsi touche-t-il e de ei. A a aie, il abde de ble li ldcai, la a, leli, la jice ciale, a lii, leiee, ec. Da le a haie, le dénonciateur aborde des qei ihee la daie liie de ci i a de cesse de générer désastres et frustrations. Sa musique est communément qualifiée de « rap conscient da le lagage ca. Le dciae eee la fige d diide iil e lacce le ble g a le e liie aii e le agiee néfastes des acteurs148. Ce le de ai leelle le a ceaaie cce e place prépondérante dans la littérature scientifique portant sur ce genre musical, au détriment des autres types de rap qui semblent être relégués au second plan. Il est en effet plus facile de cide ce ace ccie celi i cee de aec d fciee d système socio-politique engendrant pauvreté, précarité, inégalité et inexistence sociale,

148 Le groupe Wòklò offre un parfait exemple de cette mise lide ae ie Lonje dwèt sou yodans lequel il fustige ceux qui sont responsables, selon lui, de a dHai. Vi le lie ia (cl le 19 a 2017): https://m.youtube.com/watch?v=RJCebgjqE2E 313 colère149 et desespoir. Ainsi ce genre musical a-t-il tendance à être considéré en des termes qui le ache d ee cial, celi-ci étant « lexpression des populations situées du mauvais côté des rapports de force » (Mathieu, 2004 : 20). Il est un moyen par lequel les sans i e f eede, ha ale i fai e le iciide de leiece de l faibles (Milon, 2004). Le dénonciateur incarne la figure du sujet reflexif dans la mesure où il observe ses conditions objectives et médite sur diverses facettes de la re-production des problèmes qui affectent le bien-être collectif. Il e difficile deie de ee face ce dle de bjeciai, ellee le dénonciateur paraît réfractaire et catégorique dans ses textes. Pourtant, le risque est grand de se tromper concernant le sujet-dciae. Paicliee, de cidai ie le l ee diege ce e cifie de ae-sujet. Primo, à certains moments le dénonciateur peut tout aussi bien se fourvoyer dans ses actions, il peut manquer de clairvoyance ou ne pas pouvoir bien discerner les aspects importants de la réalité ou des ble il dce. Il e e cee de dce icee da liei de garder sa réputation de « rappeur conscient . A chaie cde (i le i 9.3), jai lig le dage il a ae de e laie eei da a aie. E effe, e dénonçant, il peut entrer dans des compromis qui le rendent moins autonomes dans son iiee, d le ie de ajei a lie de ee je libe. Ael ca, le rappeur ne parvient pas à être conscient de son assujettissement ni, encore moins, à en faire une analyse. Il devient un non-sujet qui se laisse dominer dans sa pratique. Secundo, il est même trop facile de faire des amalgames ou/et des raccourcis qui empêchent de réflechir ieee le eje e igificai d a da la ci haiee. Le des simplifications les plus courantes consiste à toujours prendre le rap dit « conscient » pour une ie egage e, dc, li cfie e ii il e aie a ae : enclencher un mouvement de changement social en Haïti. Dans le dernier point qui va suivre, je ai abde ce achee eie e e ae lece de ce e l e complaît très souvent à appeler « musique engagée » en Haïti.

149A ce , l Pèp la fache du groupe mystic 703 est très expressif. Voir le lien suivant (consulté le 19 août 2017): https://m.youtube.com/watch?v=L8fjJEP-0wk 314

10.4 Engagement ou dégagement ? Autour de la fonction politique du rap haïtien

« Ce beacop moin inian de pale d maai emp en chanan. » (Michel Sardou, En chantant).

A lchelle ieaiale, le a di conscient » a suscité un grand intérêt dans les milieux iellecel e acadie ace e, ee ae, il e aa ce le ece de ale igificaie ccea le cdii deiece de e aia, da die contextes socio-historiques et politiques. Cette variante de rap semble révéler trop de vérités sur la dynamique biographique des rappeurs et des fans de rap pour ne pas être prise au ie. Ce i il fai lbje de aei aiclie dei i dceie. Lorsquil e a eliciee alifi de conscient », ce rap est désigné, de manère plus ou moins implicite, comme une musique engagée qui aurait une fonction hautement politique dans les sociétés où il se développe. Dominant dans la littérature scientifique relative à ce gee ical, ce i de e fai lbje, dei ele ae, de ciie i e contribuer à alimenter les débats. Mahia Cade (2013) e l de ae i e de aae ce agle de e et, donc, au confort intellectuel procuré par celui-ci, dans son texte polémique Leffoable imposture du rap. Lae dce dic -jacent, faussement révolutionnaire, qui accompagne le rap en particulier ou, plus largement, la culture urbaine dont resort ce genre musical. Ce dit discours consiste à penser que « le hip-hop peut changer les choses ». Selon Cade, li de e ie liaie, ce ed e le cie e le faie croire, le rap, depuis son émergence, ne fait que détourner les colères et revendications des jee dfai e le a da lidie de dieiee. Il a lig legece

315 du go-go150 ce e ie liaie i a ie clie a leablihe américain. Entre le go-go et le rap, il y a une différence idéologique fondamentale. Soutenu par la force des réseaux de la gauche branchée new yorkaise, le rap, économiquement viable sur le plan musical, a été promu au détriment du go-go. Mathias Cardet (2013 : 66) fustige le rap qui, selon lui, cdi la-hificai e la iciiai eelle de jeee immigrée (en France) : « A final, e de manie onoie, ce bien lidologie d fic i oia icoiee, lagen an llmen indipenable laccompliemen du having fun dans ne oci modene. Le ap deenan poeniellemen loil le pl efficace de la conversion au matérialisme libertaire le plus crasse. ». Da le a il dce le achie, laaiee d lagage e de la ee, lalgie de la culture du ghetto où prédomine le culte des armes, de la violence, de la consommation de la drogue, de la prison, etc. Lie d a eie claiee ae ce eai : Le rap est « laboiemen dn poce aan db en 1963. Soi laccompliemen dn maime libeaie e olionnaie i de la collion doganiaion noie contestataires avec la gauche marcusienne. Coop hioiemen pa leablihmen e la mafia new yorkaise, porté par une élite libéralo-libertaire, bénéficiant du génie musical de e ancien, le ap a, ie leofflemen de la Blaploiaion, pende le elai e achever une révolution idéologique. Un ultralibéralisme du pauvre derrière lequel se cache lindie d dieiemen. Une émancipation conduisant à vouloir sa part de gâteau. Et non le die. Il na donc jamai don pa le Gand Mchan Capial. Il e le Gand Mchan Capial. Dap en haillon. D cop, ce e le ap a deeni ne e la suite logique de ce processus. » (Cardet, 2013 :72-73). Cardet soutient donc que le rap aboutit à une « déconscientisation » politique à travers lalgie de llalibalie e de lidiidalie. Li de i lide de ee e le egad de Mahia Cade le ap et sur la culture hip-hop soit forcément dénué de tout préjugé et de toute aversion envers ce genre musical ! Mais, du moins, reconnaissons que cet auteur a le mérite de nous inviter à être prudent quant à

150Le go-go est un autre courant musical qui, puisant ses racines dans la marche de Washington de 1963, a été créé par les Afro-Américains (Cardet, 2013 : 60-62).

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e aie deiage le a ; ses points de vue peuvent bien nous inciter à prendre du recul pour apercevoir et questionner nos idées arrêtées concernant la fonction politique du rap. Peellee, jae e la ie de caiace de ide de ce ae151 a reconsidérer ma manière de i le a e afdi e lece ce e l aelle ordinairement une musique engagée pour ensuite mieux me positionner dans mon travail de eflei. Da ce eecice fleif, je ai a eche diege la diei degagement du rap : à quelles conditions peut-on parler de « musique engagée » ? Le rap haïtien, remplit-il ces conditions ? Ce aii le e de ie die engagée » en Haïti, eu égard à ses critères de reconnaissance __ el il ee e décelés à travers le discours et la pratique des acteurs __ dans le contexte socio-économique, politique et culturel dHai a c de i deie dceie cle ? Ce eiee iee e jeie ceaie de le lace da cadage théorique connu en sciences humaines et sociales. En effet, une réflexion concernant une musique « engagée e aai faie lcie de i de e dj bie a da le cha de la cilgie de laci cllecie. E cida el fai, jai ci la cei de cle ce i eie e ee dlabai hie la ei de legagee ae la e gal e la ie e aiclie afi de ie ie e idées par rapport aux divers discours (savants) qui se sont établis en la matière. Chemin faisant, il a ebl ceaie de ee e aale elee e aiae d a haie, e lccece celi i, lcalee, e alifi de conscient », mais également la « musique racine », sachant que ces deux genres musicaux __ bien évidemment, aux côtés dae dci152 musicales difficilement classables __ cie la bae de ce e l est si souvent enclin à désiger comme une « musique engagée da lHai de la 1986.

151Je lige, e aa, e l e iie Ybe eeble de cfece e dieie données par Mathias Carde a je de lie d a. Je cie aicliee cee eai e l peut visionner à partir du lien suivant (consulté le 6 janvier 2016) : https://www.youtube.com/watch?v=4U_hFAOn8qY et cette interview accordée à Meta TV sous le titre de « Le rap game et la dissidence passés à la loupe » le31 octobre 2014. Cette interview est accessible à partir du lien suivant (consulté le 7 janvier 2015) :https://www.youtube.com/watch?v=umCmwPueqOw 152 En Haïti, au cours des quatre dernières décennies, beaucoup de musiciens __ dont les productions sont souvent considérées comme des « musiques engagées » de par le contenu de leurs messages __ ont gagné une grande renommée. Par exemple, on peut citer Ti Manno, Manno Charlemagne, Les Frères Parent, Beethova Obas, Emeline Michelle, John Stev Brunache, Bob Bovano, Farah Juste, et, plus récemment, Bélo, Jean Jean Woosvelt, ec. Le e aaiee i a a i la ie acie ai elle icie da e eecie de decii e de bai de de deiece et des comportements faable la gee d eie de mal-être partagé. 317

Cette posture me permet de poser un regard plus nuancé sur la production musicale haïtienne de cette période et de dégager une piste de compréhension suffisamment oppérationnelle pour saisir le sens de la musique contestataire en Haïti. Dans cette posture réflexive, jaccde e gade iace a iciale caaciie de lde bigahie i a actuellement en Haïti et base mes analyses sur le contenu des textes de musique pour mieux appuyer mon point de vue. Dans une revue de littérature portant sur la « musique engagée » ou « musique militante , il a cce i e le ce, ce celi de ee cial. O établit un lien clair : une musique dite « engagée » est conçue comme une dimension iae d mouvement social car elle devrait traduire les revendications et aspirations d ge de lie ge didiid a de aci ccee e e de réussir un projet politique commun ; la ie egage ici da le cade de celi-ci et devient le so i accage laci de idiid cce da le le le changement. Pour les besoins de mes analyses, je vais tenter de regarder de près les critères permettant de ecae ee cial i, ce la i daci cllecie, peut être ahed e a action concertée de un ou plusieurs groupes cherchant à faire triompher des fins partagées » (Fillieule & Péchu, 1993 : 9). On peut identifier trois cae fdaeale d ee cial (Mahie, . ci., .17-24). Dabd, il a e diei cllecie. O aai d al cede idiid il e eda ilia dcleche e e li el e le chage e cial il eie dle. U ee cial e l laaage de groupes organisés qui, ralliés autour de cae ce, dfiie de agie eee e cllecii de ihe. Ce i daille le ee de mouvement social e d action collective » sont utilisés de manière interchangeable. Ensuite, tout mouvement social se fonde a d cfli. Lae cie : « le eco lacion collecie compoe en effe ne dimenion conflicelle, ne elaion doppoiion, danagonime e de confonaion aec n adeaie pl ou moins claiemen idenifi (le paon de el enepie o le capialime en gnal, el leade poliie o le acime, ec) »

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(Mahie, ibid., .24). U ee cial iee efi e le chagee cial. Le acteurs qui mènent un mee cial eedie la afai d de d il ne sont pas satisfaits ou cherchent à préserver celui dans lequel ils évoluent en luttant contre ce qui menace de le dégrader. Ces critères étant identifiés, on se demande si le rap haïtien peut être envisagé en tant que mouvement social. Pour mieux alimenter la réponse, ne serait-il pas pertinent de considérer le point de vue des rappeurs pratiquants eux-mêmes ccea ce il ee i désigner comme un rap engagé ? Da leeble, on peut déceler dans le discours des rappeurs pratiquants une vision de legagee l i cfe ce i abli da le eflei a laci cllecie. U a egag e ci ce il de chagee cial. Ce « rap social ace il est orienté vers la politique à but non lucratif. Par le biais de ce rap, fai ae de eage e l e de aci cibe faie adei chagee da la acel de che. Il hicle le eedications et aspirations de ses pratiquants ; il e il ilie da la le ce lijice ciale, la ci, la dliace, la dgadai de leiee, la aaie gei de affaie dHai. A e d a egag, de aeurs prennent position pour se faire suivre par des gens qui se aeble a de ble cae. Pa l e, le ae deie age iceable d laci faie eeble de chagee a bfice de . C de la e, le rap engagé exprime son penchant pour le bien-e cllecif. Ce, d i, ce il a de c da la ii dele a de ae ec a d a i eai engagé, une musique qui devrait servir à défendre la cause des plus pauvres. Le rappeur 27 qui e clae d a egag, ideifie e cdii sine qua non de legagee : « pour faie d ap, il fa aoi de connaiance, la capaci dobee, de faie de anale les conditions de vie des gens. Il faut avoir la capacité de connaître quel traitement un être humain devrait avoir. » Ce i aa dcie e cha, ce ae ed lhabide de e fafile dans le tréfonds de plusieurs quartiers précaires de Port-au-Prince, de visiter les marchés dans des zones défavorisées pour faire des observations lui permettant de mieux déterminer le contenu des messages à véhiculer.

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A lia de aale de Lae (2009) a de la egag da le cee québécois, je peux dire que les rappeurs haïtiens abordent le rap selon deux grandes ieai. De a, le a egag deai ai e diei ciliie, ce-à-dire il deai ede la fe de aifeai da leace blic, ee de alliee i bilie le l dindividus possible, dans un élan critique et subversif, dont lbjecif icial cieai e e ie de cciece e e eabiliai des acteurs (Lamoureux, 2009 : 130). D le ec fe la i de rap conscient » dans le discours des rappeurs haïtiens. Le rap conscient aurait pour fonction de décrire et de dénoncer ce qui entrave le bien-être collectif, de réclamer un mieux-être pour les citoyens. Selon cette conception, le rap engagé est appréhendé comme un moyen de lutte visant à apporter des changements au niveau des institutions étatiques en Haïti. Dae a, legagee a la ie a ce e diei eelle lace di faie ee de eec de ale de la ee, daheici, de cngruence ou/et de cohérence entre ses sensibilités sociales et sa pratique artistique. Lamoureux (ibid.) a lig e la le ciale e liie e a ce i ie da cee ccei de legagee. Se aale ec de le de confirmation dans le discours des ae haie e jai ec. A ae ce il eie, e effe, il laie cede e la aie d a egag eige de la a de lace e igi e e concordance entre les valeurs. Le rappeur « conscient » ou « engagé » est celui qui garde sa ii. Il e di a e de dcalage ee ce il e e cee. Ce l dfi aje il di ee j elee de e de ede la face. Sil laie dénoter une contradiction entre sa pensée, sa parole et son action, il passe carrément pour un imposteur. Ève Lamoureux (2009 : 131) a ii laiclai de i cae icable de legagee d aie : « pene ce e lon di ; dire ce e lon pense ; faie ce e lon di. Dan le ca conaie, lengagemen e anfome en langage [i] men. » Il a efi le de diffece ee le ca ela a laee de la conception des artistes québécois concea la i de legagee e celle de ae e jai ec da le ilie haie. Si le eie cie la egag i da a dimension personnelle ou sociopolitique, tous les rappeurs haïtiens le voient selon ces deux perspectives. Tous présentent une vision cohérente de ce que pourrait être un rap engagé en

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Haïti. Mais tous ne prétendent pas pratiquer ce rap-là. Ils disent comment devrait être le rap engagé sans pour autant débattre autour de la pratique effective de ce type de rap en Haïti. La ei de la aie d a egag e Hai e le clee a c de e entretiens. Adressée à celui qui prétend faire un rap engagé en Haïti, elle peut susciter de la clabiliai, eie diefficaci, lcation des obstacles de tous genres empêchant au rap de déboucher sur un changement social en Haïti, un résultat tant souhaité. A la lece de lage de Lae (2009 : 132-134), jai ee quelques caractéristiques propres à un art engagé. Premièrement, on peut y dénoter une mise e aa de la bjecii de laie, ef de la eali153 et un intérêt artistique qui ne e e a a diei ehie de la. E e, laie e di a ilee être attentif à lui-e. Il di iee la ci, a ge i lee e abde de ei i lieelle. Deiee, la egag e lace e deee de dfede une certaine perspective sur le monde, de définir sa conception du politique. Troisièmement, legagee d aie ded, ee ae, de aide, de aei, de ee a ae, ec. Qaiee, la ilia egag cai lace allie cllecif de elle e il ie avoir une influence effective. Ceci étant dit, revenons-e la blaie clee de legagee a le a da le cee haie. E cida die cie de dfiii de laci cllecie, ne peut nullement affirmer que le rap haïtien, dans toute son histoire, soit associé à un quelconque mouvement social. Si les rappeurs, les adeptes du rap et certains professionnels de la presse parlent souvent de « mouvement rap », la nature de celui-ci reste à préciser. Le rap haie a cib, j de, ace aci cllecie ccee e e d chagee da le cdii deiece de ge. E dae ee, le ae di « conscients » ne se sont jamais engagés dans un mouvement collectif, sur la base des intérêts en c, e de aci cce da leace blic afi de e, e Hai, chagee da lde de che. Cee, ce chagee e hai, cla154 voire parfois espéré. Du moins dans quelques textes de musique, certains rappeurs haïtiens expriment leur désir de voir un pays différent, où les Haïtiens puissent enfin mener une vie

153 Ce ce que traduit, par exemple, cette phrase devenue célèbre de en featuring avec Ekoué, Monsieur R, & Aketo dans Menace de mort :« Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position ? » 154 L laie du groupe Masters, Chanjman, en est un exemple classique. 321 convenable. Toutefois les souhaits et les beaux rêves ne sufissent pas ; le changement social ne bie a ceaiee c de beats et de flows facaie, i bie i il ie, l e il ciee e fe de de be iei, de l, de cage e deee. Ece fa-il savoir identifier ceux avec qui on est en conflit et pouvoir allier force et stratégie dans la poursuite de ce but si difficile à atteindre Dans les lignes ci-de, jai lig liace de la diei cflicelle d ee cial. O, il e difficile dideifie, e Hai, de agie d cfli impliquant les rae e eda e egag, daa e ce-ci restent dispersés idéologiquement et politiquement. Pris de manière isolée, un rappeur peut bien être en conflit avec un protagoniste quelconque. Mais doit-on penser que ce type de conflit, si sérieux il ie e, ai ffiae deege dcleche e aci cllecie ia agi la acel de che ? A ae le ee d a e l e alifie de ceaaie, il e ible de ecae ladeaie dig a celi i dce. Ce il prend pour ses ennemis sont clairement identifiés mais restent des entités un peu abstraites contre lesquelles il devient plus difficile de lutter. Le plus souvent, le rappeur contestataire scande des propos aversifs contre l « État haïtien », « les politiciens haïtiens », la « bourgeoisie », « la communauté internationale , ec. L d eeie aec i, le ae K.O a ei eie de ece de liicie le ijie. Ce je peine plus concret que le désir du poète haïtien Georges Castera155 de caillae la haie. Très rares sont les textes où les rappeurs identifient précisément des acteurs pris pour des adversaires politiques. Je peux citer deux textes du groupe Wòklò, Mwen wè et Lonje dwèt sou yo, à travers lesquels les personnalités connues sont carrément identifiées comme responsables d eeble de ble ael fai face la ajee aie de la lai haiee. Il faut donc le dire clairement : se fourvoie celui qui, se prétendant être un militant, ne connaît pas ses alliés ou ne peut pas regarder ses adversaires en face. En est-il , daille ? Leeble de ce cidai cibe e e le a haie eie ee e idece a diei degagee, e a e cee i eie lide d mouvement social concerté qui implique des acteurs soudés idéologiquement et cherchant à remporter une victoire qui puisse avoir des retombées positives sur leurs conditions deiece. Caiee ce e l e cie, fae de ecl ciie, le a haie e

155 Castera. (1978). Biswit Leta. New York : INIP. 322

eli a ece le cdii ceaie la ie e bale de iable aci daciai. Cee, a iea idiidel il e bie ai ee dei, clairvoyance, posture critique, positionnement, volonté, dévouement, conviction, bref, tout le leie d ice di de iliace. E effe, ceai ae haie eie e véritable propension à se positionner de manière critique et authentique par rapport à la cadence de la société haïtienne. Mais, peut-on dire, « Ce ne pa pace e bandi n dapea e, po moi, a appelle engagement156. . Ace li e bie ecliee c d « Abas ! », de « Vive ! », de « Nique ta mère ! » ni de « Nique la mère [ou la grand-e] de la ! ». Certains rappeurs haïtiens qui prétendent être « engagés ee bie ei dic aaee beif. Liee de militant » est très souvent un faire valoir dans un pays où la misère matérielle se donne en spectacle. Ainsi faire du rap « engagé » devient-il un style comme tous les autres. On est dès lors en ece d egagee la acae, le i dia aie ilia e faia e je rôle au sens théatral du terme. Il e a ae de e e alb de a de i aie de la, de la fe, de beef ee ae ia, dae i ale de c bas entre hommes et femmes et, pour y ajouter une couleur « engagée », de la misère, du chômage e de laaice de liicie haie. Doit- eede a l e le a haie, iil a je-là tenté aucune action cllecie deege, e ce ace diei degagee liie ? Li e faut ! Si l e e ideifie aucun projet sociopolitique à travers le rap haïtien dans sa variante dite « consciente , l e, ai, dcele iiee ciie che quelques rappeurs par rapport à la dynamique sociale haïtienne. A mon avis cette posture critique, tr e lie li iliae (Cherfi & Monin, 2004), constitue une donnée iae d il fa ei ce aii le e de legagee ae la ie e Haïti au cours des trois dernières décennies. En interrogeant le sens et la fonction de la musique dite « engagée da ce a, e i leei de die agle de e ccea la ali haiee. Le de fci d a di conscient » se révèle clairement : celui-ci reste un lieu où se dessine la dynamique du social et constitue une piste à ele i l e aii la aie d le Haie bigahie eeble le eiece. Daille, ce ale ie e ie ed e da la ie d idiid d

156 Eai deeie a a e Lae (. cit., p.132-133). 323 ge didiid la das un contexte socio-historique et culturel donné et concerne e cllecii. Cee hae dYe Chale Zaka (2004 : 5) a ici tout son sens : « Ce ne donc pa n haad i o le apec de la ie elaionnelle on li a chant : rapport à soi, rapport au autres, rapport à Dieu. ». Cet auteur (ibid. p.4) soutient que la musique révèle « beacop pl de choe on ne coi, beacop pl de choe on nen peoi immdiaemen le e, le paion e le appo ocia. ». Dans le cee haie, e cie e eele l Biografi mwen du chanteur Wanito où celui-ci, en mettant sa vie en récit, expose certaines pratiques de vie qui sont de ie da la ca il a gadi. O ced dc aec labdae dcion musicale constatée en Haïti au cours des trente dernières années, les préoccupations liées aux cdii deiece de idiid e ee a ee cache. Jee, cee ie e l alifie d « engagée ie lie de fee stratégique qui donne une vue sur la dynamique socio-cie e liie dHai. Ce pourquoi elle mérite une considération particulière. A condition, bien sûr, de garder un esprit suffisamment ouvert pour prêter attention à la musique comme pratique sociale hautement significative. Car étant très souvent une parole à la fois singulière et collective, aucune chanson ne saurait être socialement ou politiquement insignifiante. Une musique est un élément de dic de ci e e e elle e type particulier de discours sur celle-ci. La musique reproduit à sa manière le groupe social ou la société qui la produit. Ce rapport de co-production est tout à fait en rapport avec mes analyses concernant la signification sociale et politique de la musique haïtienne contestataire en général et du rap haïtien en particulier. Le a haie e la ie acie iee de e aice eieielle, ce-à- die la ali ciale, cie, liie e clelle dHai. Ce de gee icaux ont un point commun : ils sont des lieux de contestation sociale et de revendications identitaires. Dans les deux cas, la musique constitue un lieu de positionnement pour des acteurs i ele dce ce il a de fa e de la da le e de lde cial. Paalllee dae le de ie, le a e la ie acie iie de la ali dHai deie le ce e la fe de eage hicle, le cee ci- économique, culturel et politique du pays servant de cadre référentiel et communicationnel à ceux-ci. D l, e a a e, afi, ce di de la ilece ceaaie de lei (Ca e al., ibid.), la ie e ee ce lie liel lee

324 des problématiques cruciales pour la société et où sont mis en évidence divers enjeux liés au déroulement de la vie collective. En effet, interpellés par des questions de société autant que les cialie d cial, ceai aie ee e ie de le dobservations et deiece iglie i ie le igificai d lie il dlie le eiece aux côtés de leurs congénères. A travers une musique, dénoncer un problème, fût-il banal, prôner une valeur, raconter son aventure ou sa mésavee, ce che a de ali e diaie aae igifia e faie lbje daei. A leur manière, les musiciens exhibent la société dans ses potentiels créatifs, dans les multiples formes de relati e dieaci e dia e ei e da de petites histoires qui en constituent la trame. Ainsi la musique représente-t-elle le de dali de ie e ci de la ie ciale. L ced dc le fai e leace ci-économique et politique dHai i cfig a la aai ae la ie, ae la ie acie e le a, dei la fi de ae 1980. Vil le de fci eeielle de ce gee musicaux en Haïti. Cependant, si le rap et la musique racine persistent à critiquer et à dénoncer le fonctionnement des institutions publiques et privées en Haïti, les choix, attitudes et comportements préjudiciables des dirigeants politiques et leurs conséquences pernicieuses sur le vivre-ensemble, ce e a ceaiee faie ege ae de dgaiai ciale, dae ieai liie dae dle de cee ade. Aee di, ce ciie e dciai e icie a fce da la perspecie d eeee direct de la acel de che. Elle aiee a d tout, en tout cas. Bien au contraire, à travers ces musiques les acteurs se contentent de décrire les situations qui leur paraissent insoutenables et de dénoncer les multiples problèmes auxquels cfe le lai. Ce ce i eble cfe e ece de supériorité » à la ie ceaaie haiee da le egad de laale d cial, a die de autres styles musicaux qui abordent préférablement des thèmes plus politiquement corrects ce le elai aee, le feii, ec. O, le iai e ble e l dce e Hai eie e agae. Ce ce e adi a eele ca i ide dans la vie courante, lequel constat est repris dans Pwoblèm mwen du chanteur Top Adlerman157 : « Anyen pa janm chanje [Rie a jaai chag]. D c, la ie e

157 Top Adlerman. (2004). Pwoblèm mwen. Watcha Kraze m. Kreyol Music. 325 l alifie e d engagée » est plutôt devenue une musique de lamentation, à force que ses auteurs persistent à ne rien faire sinon que décrire les problèmes qui empêchent à la aji de Haie de ie da de cdii adae. Jeed a ie de lamentation, un genre ou un style musical __ ou une variante de celui-ci __ qui demeure le lieu deei de gief e a iel d idiid d ge didiid aifai de e cdii aielle e ciale. P cede ce d il agi, il fadai e e aei ee le d chae haien, Béken, qui a consacré sa carrière artistique à chanter ses mésaventures dans la misère. De même peut-on considérer le contenu de ee de ie die engagée » en Haïti au cours des trois dernières décennies. On y dénote une propension à décrie aae, eide le cha e che, a e d iche, le fai d de liie. Aii cee ie deie-elle une complainte che a aie i leeiee, e i de beae ai e iee de la dgadai dHai. Elle ee de ace eibili de ee de le a affligeants que produit la société haïtienne dans ses modes de re-production. A travers certaines musiques, cette société est décrite en des caractéristiques pénibles : la stagnation, le eie fd de diee cllecif e de dlai. Da le cee de libération de la parole en Haïti, des acteurs sociaux se complaisent à décrire les mêmes réalités, à dénoncer les mêmes problèmes. Le se de cee ie ie de ieg. E effe, i da le cee de aii dcaie la ie de laeai abi ac chagee da lde de che, e efi e elle eli e fci da la ie de ceux qui la aie e laffecie. Lgiee, a ei e lie a le elle je a ei de la société haïtienne. A quoi sert cette musique, au-delà de son rôle avant-gardiste consistant à décrier les mauvais choix et comportements des élie haiee, aie laei le dage de die de i gee leiece de Haie ? Que révèle-t-elle sur ses pratiquants et destinataires ? Lhhe de la ace bigahie de cee ie e une importante piste à ele. E ce le la de eage hicl a le aie e de eie ei de aie cee face la iai gale dHai e l e aii la fci de la ie de laeai elle elle e aie e alieée dans ce a. Laale d ceai be de ee de ie e de de deeie recueillies auprès des rappeurs et fans de rap me permettent de soutenir que cette musique de

326 laeai a fci iciale deie la fface de ses auteurs qui éprouvent un mal-e dea de fai accabla e die e de ble il e f e cae, da, e Hai. Ce e fface aage ie ce aie chae la fois pour eux-mêmes et pour leurs congénères avec qui ils partagent de pénibles conditions deiece da ce a. La ie de laeai e le de dali deei de la fface egede a la daie ciale haiee cfee lde bigahie déconcertant qui prévaut actuellement dans ce pays. Ce constat fait écho à des analyses dAh Pece (2007 : 24) pour qui le rap se présente comme le de fe ceaie deei d dei. La ie de laeai ie lie d e deei des états émotionnels entraînés chez le chanteur __ d i, che lae d texte __ a la cciece il a de la iai de dcide e de aae ala da ce a il haie i le e le g cial e cie. Sa fction est plus cathartique que politique. A défaut de poser des actions concrètes pour transformer ces lgbe cdii deiece, le chae chae. Aii e-il donner un peu de tranquillité a cciece e laie dgage e aie laee que les faits, situations et circonstances lui infligent pendant que se déploie son existence en Haïti. Michel Ragon (voir Cassou & al., 1968 : 33) a el le ee d « art tranquilisant d art-fauteuil » pour désigner un art contestataire qui, loil e c a le e caialie, deie ile bje de cai ehie. Da le e de dide, Jeh Heat & Andrew Potter (2005) utilisent le terme de « révolte consommée ». Michel Ragon (ibid.) a fait référence à Henri Maie, ce eie i ai d a dilibe e de tranquillité, sans sujet inquiétant ou cca, ce a i i lifia, cala cbal, ele che daalge beau fauteuil qui le délasse des fatigues physiques. Dans la musique de lamentation, il y a un e ce c aillia. Elle ee lace elee dabde de ble el sans nécessairement se soucier de participer à leur solution __ ce qui exigerait de sa part de acifice da le e dun véritable engagement __ ai ai de e lage d fd alaie i le de eie clee diiace, de ed, de he, dafflici, de faige e de ceai dea la eiace e laggaai de iai et compoee il dce. Ce beac i iia de ale d aai e en chantant, comme nous le dit Michel Sardou.

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Beaucoup de textes de rap et de musique racine laissent dénoter une description aie de la de dlabee dHai e eie de dei. E ca particulièrement des titres comme Bagay dwòl du groupe Original Rap Staff158, Fò n pale de Masters159, Depa volontè du groupe Chandèl160, Giyon djòl bòkyè de Boukman Eksperyans161 et Vote m du groupe Rockfam162, e bee la edace de ae faie a d pays assombri et caractérisé surtout par une misère de plus en plus implacable. Du point de vue des auteurs, cette misère sert de fond à un ordre politique désastreux où les gens les plus pauvres, réifiés et instrumentalisés, servent à des fins de propagande et utilisés comme « vote » dans ce pays dont tout le programme politique est comme réduit à une question électorale. Dépossédées à travers le jeu politique, les masses populaires contribuent à faire accéder au i de liicie i e f e eichi a la ci a ei de la dans le mépris total des valeurs et principes soutenus par la constitution haïtienne. Cette situation conduit les acteurs à faire un constat affligeant qui tend à saper chez eux toute velléité degagee, de d de i da le cade d aail de afai ciale : ils se sentent de e a. Ce eie eie claiee da de ie ce Pèp la twonpe163et Se pa pou sa n te batay164 des Frères Parent, Ti Limyè165 du groupe 2 Kondane, etc. Ce e ee e idece la dcei cee de ae laie chae fi, dans leur élan, celles-ci cibe laccei d ge de liicie a i. Se pa pou sa n te batay cie beac deele de c ba d j icie le masses défavorisées après avoir été usées, tout enthousiasmées et confiantes, par des politiciens sur la base de promesses de changement jamais tenues : « Se pa pou sa n te uni/Desann bale lari/Se paske nou te konprann se pouvwa n k ap tabli/Koudeta nou reziste nou pa vle pè mouri/Se paske n te espere vye lavi t ap fini. » [Ce ne pa po a e no no omme ni/Po decende balae la e/Ce pace e no aion c e cai noe pooi i allai abli/A cop da no aon i/No naon pa ol aoi pe de la mo/Ce pace e no aon ep e la mie ceeai]

158 Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=Q7ni-EN_cRE (page consultée le 20 octobre 2014). 159 Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=dyqDWsz5dTI (page consultée le 20 octobre 2014). 160 Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=I7VLaxL5OOI (page consultée le 20 octobre 2014). 161 Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=rNJihCbletA (page consultée le 20 octobre 2014). 162 Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=nR7fwCmpPcc (page consultée le 5 novembre 2014). 163 Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=50uOLBPcEqk (page consultée le 5 novembre 2014). 164 Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=sn1Ul8pvH0M (page consultée le 5 novembre 2014). 165 Voir le lien https://www.youtube.com/watch?v=2zFdxIgFPuY (page consultée le 5 novembre 2014). 328

Leiece cie de e e de fai eaie très souvent un sentiment de dlai che beac didiid e ed le efee da e aide de igai, de déni et/ou de renoncement, etc. Elle suscite chez des acteurs des réactions qui tendent à les lige de e eeie degagee e daciai. L d eeie e jai e avec lui à Carrefour en 2014, un jeune fan de rap a affirmé ce qui suit : « Les politiciens minent le pays par des vols de fonds publics et des querelles entre eux. En plus, ils sont toujours à la adio po adoe. Je ncoe pa de noelle, celle-ci sont trop énervantes ; jcoe je de miion de adio i mamen. Ce on le mme noelle i e pen la adio Rien na jamai chang. Pafoi, jai fanchemen enie dalle loin de ce pays pour être labi de oe noelle concenan ce i pae. » Ce eie la fai de ce jee e afflici face laide de diigea liie. Ce li, beac didiid ade e agie de baaliai e dexil dans la distraction ; dae, a caie, e efgie da lie ce la ie166, où ils e de ai dee. Il e clai e de elle aci ee cie de eae laciai idiidelle e cllective dans la mesure où elles risquent deche le idiid de e iie ce de je hiie, ce-à-dire des êtres caable de egage da de aci de afai de le cdii deiece. Ai longtemps que persisteront en Haïti les situations et problèmes qui rendent la vie dure à la population, il y aura peut-être toujours des voies pour chansonner les politiciens, soupirer la misère et le désarroi. Ainsi la musique de lamentation restera-t-elle un lieu de gémissement pour ceux qui, exposés quotidiennement à de pénibles faits et situations, prennent la parole pour exprimer le sentiment de mal-être qui en découle. « Si m pa pale, m a toufe167 », dit le proverbe haïtien.

166La prière occupe une place grandissante dans ce pays où la population est souvent confrontée à divers types de catastrophes. Après le tremblement de terre de 2010, chaque 12 janvier une journée de jeûne est organisée à travers divers endroits du territoire national. De nos jours, on assiste à une multiplication des églises protestantes à Port-au-Prince et une grande affluence de fidèles dans les cérémonies quotidiennes. 167Si je ne parle pas, je serai étouffé. 329

Conclusion générale

Composante musicale de la culture hip-h, le a ici da ac biographique séculaire, e lccece celi de Af-Américains. Ce parcours est rythmé deiece haee igificaie cee cagie ciale a a-Unis : laachee be de illi didiid de le ilie habiel de ie, la aee de lAlaie, leclaage, la dhaiai, la ggai aciale, lijice ciale, ec. Pal Gilroy (2010) désigne par Atlantique noir, un espace transnational en constante transformation, aicle la fi de le clel aficai, ee, aicai e caibe. Ce eace aaial e de fdee lidei de deceda de d aficai, e idei ie de diei idcible. Faite de mixité et de création permanente, lhiie de Af-Américains se trame sans cesse au sein de cet espace pluriel en lien avec des dynamiques socio-économiques, politiques et culturelles spécifiques. Des genres musicaux ce le eg irituals, le blues, le gospel music, le jazz,...témoignent de la résistance des descendants de déportés africains en Amérique, de leur dynamisme et de leur potentiel de créativité. Le rap résulte de cette inventivité qui, à chaque fois, les font apporter du nouveau à ai de lacie, de ligial e ca aec le dj l. Ayant émergé aux États-Unis, cette pratique musicale a des racines anciennes et nombreuses (Lapassade & Rousselot, op.cit. ; Vettorato, 2008). A la fin des années 1970, elle e acie dautres pratiques culturelles fraîchement apparues aux États-Unis (breakdance, grafitti, beat boxing ). Les conditions étaient alors réunies pour que résonne, dans divers recoins du monde, cette sonorité nouvelle et perrenne. Le rap a connu une extension extraordinaire sur toute la planète depuis le début des années 1990. Tony Mitchel (op.cit.) a employé le terme de « global noise » pour traduire ce phénomène. Dans la même veine, Ann Graham Gaines & Reggie Majors (2009) citent un article du National Geographic qui parle de « hip hop planet ». Ce son global accage d le de ie, le hi-hop, adopté partout à ae le de. S eai diale cicide aec la dialiai de lcie e des valeurs culturelles (Rocío A-B et al, 2010 ; Chaubet, 2013).

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Mais en tant que sonorité planétaire, le rap ne reste pas le même partout et toujours ; au caie, il aie da le e e da leace e fci de cee ci-historiques et clel il e a iea lcal. Ca e effe, i le a ie lie d canal utilisé le plus souvent par des jeunes pour se prononcer sur des aspects particuliers de leur existence individuelle et collective, les préoccupations varient selon la réalité de ceux qui eie. Dès lors, pour être saisi dans ses modes de re-production, tout rap nécessite un regard soutenu e ceali. Ce fai e beac de cheche cide da le aa de flei. Ce ce a eele de aeurs comme Mwenda Ntarangui (2009), Paul Khalil Saucier (2011) et Msia Kibona Clark & Mickie Mwanzia Koster (2014) concernant le rap africain. Heike Raphael-Hernandez (2004), Sina A. Nitzsche & Walter Grünzweig (2013) et Griffith Rollefson (2017) ont analys liflece de la cle hi-hop en Europe, aec acce aiclie la ace de lidei clelle de Af-descendants auprès des Européens. Quant à George Torres (2013), Tanya L Saunders. (2015) et Melissa Castillo-Garsow & Jason Nichols (2016), ils se sont penchés sur la pratique du hop-hop en Aie laie e da la Caabe. Da dae gi e a d de, il a lie de e un regard particulier sur cette musique à résonnance planétaire. En Haïti, le début de leai d a a cicid aec he de libai de la ale, leel f ccai a la che d gie dicaial i aa d 29 a. E effe, i le a a eg e Hai dei le db de ae 1980, il a fall aede l dne décennie pour y observer un véritable développement de cette pratique musicale, du moins dans ses traces enregistrées. Ce décalage contribue à mettre en évidence le lien étroit existant ee leai a ece ce gee ical e Hai e le contexte politique dans lequel celui-ci se développe : ce da le cade de lge aii dcaie caacie par des mobilisations et revendications populaires (amélioration des conditions de vie, justice sociale, transparence au niveau de ladiiai blie, di la ale, aiciai la che liie) e le a e del ialle da le dc e de ille ie, acellee, de caage haiee. Ce daille da ce e cee e e deloppée la musique racine, un genre musical local qui, comme le rap, décrit et dénonce des problèmes auxquels la majeure partie de la population haïtienne est confrontée depuis plusieurs décennies.

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Dei le ae 1990, aie laaiion constante des rappeurs et de groupes de rap sur la scène musicale haïtienne. Ayant gagné leur part de popularité, certains ont disparu pour ne laisser que des chansons et le souvenir des ambiances agrémentées de lyrics, de beat et de fl. Dae ae e de ge de a cie daaae e de diaae. Mai la pratique du rap persiste en Haïti ; cee ie cie de e faie de fa i adonnent avec engouement. Ce jee ce ehiae i a fa a cii e a li flchi le a haie. Cee he de dca a lcai de e eche e eie iegai ccea cee ie e de faie ege dae i e eble l eiee. Jai fai leffort de répondre à la question de savoir quels éléments contextuels favorisent le développement du rap en Haïti et, donc, de proposer des pistes daale ccea legee de ae aia e de fa de a ce gee musical. Mais je me i ech la diei dafai e de bjeciai du rap haïtien en inscrivant mes propos dans la lignée théorique et épistémologique de la recherche biographique en éducation. Ma principale préoccupation a été de penser le processus clee d deei ae e aa de aale aie de de cie i acceible. La ei i a ei de fil cdce da cee aee iellecelle a de deie ce aed le ae ae la pratique du rap et de saisir la manière dont il parvient à construire ses apprentissages en lien avec sa construction en tant que sujet aea. Da a e de e, jai faie ege ele ie de flei a dae aec iants du rap haïtien dans son rapport au social ou/et au processus de biographisation des rappeurs pratiquants. Mais cette réflexion concerne aussi, da e ceaie ee, le eiece igificaie de adee d a e dae ee i as grand-chose à voir avec la culture hip-hop et le rap mais qui partagent le cdii deiece de ae. Laale de die aia cllec __ textes de musique, vidéo-clips, interviews daie, dba le a, de deeie, ec __ me permet de distinguer deux types de discours concernant le rap et la culture hip-h. De a, da dic diaie e construit à partir des clichés, des prénotions et des raccourcis, le hip-hop est appréhendé comme une sous-cle daalhabe e le a ce e cifai i e aai e prise pour une musique à part entière. Les détracteurs du rap recourent à des arguments fondés

332 principalement sur des propos violents et sexistes soutenus par des rappeurs. Si certains faits cce aliee de ciie acebe lgad d a e d hi-hop, pour être saisies dans leur complexité, ces pratiques sociales exigent une posture critique qui ne cadre pas avec la reproduction des prêt-à-ee. Ce e démarquer de cette vision réductrice que des cheche, dae a, effce dae ae egad ce bje de flei. Il cibe aii aliee dic aa i e geiee i e lace a de lilici daec de la cle hi-hop et de la pratique du rap dans divers contextes socio-économiques, politiques et culturels. Se construisant à partir des travaux scientifiques qui continuent de se réaliser autour des ces pratiques sociales, ce discours savant sert de point de départ à la reflexion proposée ici. P aii la e e le e d a da le cee glbal dHai a c de 30 dernières années, un détour socio-hiie e a ceaie. A ae ce d, die aec de la ali haiee e eee dlabe cade fleif a de la i d« ordre biographique ». Se construisant constamment à partir de la synthèse et de la configuration cohérente de tous les aspects de la vie collective et, intervenant subtilement dans diffee diei de la ie idiidelle, lde bigahie ie lie de ahe gale de ie i eie de aie aiclie leiece de idiid. Cbia le aspects socio-économique, politique, culturel du vivre-ensemble à des faits, lieux et pratiques de ie, eee igificaif, eeai e a affecif, lde bigahie e l e tant que climat pluriel, fluide, transversal dans lequel les existences individuelles, les comportements les plus disparates puisent leur vitalité. Cette notion permet de comprendre pourquoi les individus humains, dans leur parcours biographique, reflètent plus ou moins exactement les contextes socio-historiques et culturels, les environnements, les temps et circonstances dans lesquelles ils évoluent. Ce préalable théorico-cceel e fi , il a d l ible de faie certaines considérations sur la société haïtienne contemporaine, plus précisément sur ses potentiels effets de faee de idiid. Da ce aail daale, jai accd e aei aiclie leiece d dic bide a dHai, leel e fde le ca de diai cae de la ali de ie da ce a dei lies décennies. Quelques observations de la réalité haïtienne, des representations et sentiments qui e dcle e eee de ale d de bigahie dccea caaci

333 pa leiece de labad, imaginaire de partance et la pdci d i ffa. Le processus de biographisation et de subjectivation des individus ne saurait être dissocié de ces trois grandes caractéristiques de la société haïtienne contemporaine. Voilà une donnée eeielle cide i l e aisir la manière dont les rappeurs haïtiens se construisent en tant que sujets à part entière dans cet espace social. Les matériaux réunis me permettent de comprendre que le devenir rappeur est un ce clee daiclai de ai, de savoir-faire et de savoir-être par lequel un sujet apprenant se construit en tant que professionnel à part entière. Son professionnalisme se dfii l i iliciee el le e ablie a ei de ca de pratique qui se met en place autour de la pratique du rap. Cette communauté se forme de ae aia, de DJ, de lae d a, daiae de adi /e de lii e dae ee iee a a la cle hi-hop en général. En son sein circule un corps de connaissances alimenté incessamment par des rappeurs singuliers à partir des echie e che elle il ae a a. Ce e fece ce crps de caiace e abli le cie de diici d ae ce d ae i serait médiocre. De nature très subjective, ces critères se partagent implicitement entre rappeurs pratiquants, fans de rap, etc. P deei ae ce, lidiid di aifaie e cdii nécessaire mais non suffisante : développer une proximité étroite avec la sonorité du rap. En effet, une familiarité avec le rap entraîne une relative incorporation des manières dce, de sentir et de vivre cette musique. La socialisation dans le rap consiste donc en une intériorisation a laae le ae aia de gee igificaif, de diii de, de e dce, de g e de aie dacie i f de li idiid reconnaissable par rapport à ce style musical. Cette socialisai e de cdii degece d feeling éprouvé par le mélomane dans la délectation de cette musique. Mai le ae aea di eece aiee dae che. Da ce dafai, il aicle a i i e, ce-à-dire six espaces-temps iei dacii cifie daeiage : lce acie, liiai de ae- dle, liiai, lcie, lelai e la eface. Naa a e strictement temporel et linéaire, ces moe daeiage agec a laea i achae elee dfi de caiace e de cece. Il e ai cf dfi

334 de i da la ee il e de de lijci de j de le eille de lui-même, sinon devenir meilleur, pour pouvoir gagner et garder son respect et son estime parmi ses homologues. Il e fa a ccei ce eecice daeiage ce ele che de calculé, une activité dont le rappeur est toujours conscient. Ces savoirs et savoir-faire se cie la la da lic e da liceai ie ce type particulier daeiage e alie e deh de cade fel alablee c aeide de bjecif ci. Da ce ce dapprentissage informel, le rappeur est dans une aventure intellectuelle particulière ; face à ses hésitations et en poursuivant son but, il doit composer avec ses tâtonnements et errements. Les connaissances à acquérir ne sont pas un déjà là ; elles sont plutôt un idéal à atteindre. Cet idéal ne peut pas tout à fait se pointer à lhi ca il e e a e cie alee laace. Parallèlement aux apprentissages que le sujet fait par lui-même dans son entraînement personnel, il existe des formes de savoirs et savoir-faire construits mutuellement entre cllge a de chage i a de aec cifie de la aie d a. Ce un apprendre-ensemble dans lequel les acteurs acquièrent et construisent des connaissances qui ice a ai dj diible a ei de la ca de aie. A c de ce dafai, le ae aia aicle eeble de caiace aie fellee celle il acie a ie. P être plus précis, je peux dire il acie de aie chee de le de la cle claie ce i iee de ses expériences pratiques. Il se livre à un travail incessant de mise en commun, dagecee e de cfigai de e caiace e eiece affiche e rappeur compétent. En tant que sujet apprenant, le rappeur pratiquant cherche à donner du sens à sa pratique, e agie daeiage e a la il bie. Il a bei dexpliciter sa pratique dafai. Mai il e a j ccie de ce bei. Ce i a de e aie daeiage, il i dic il e clai, lgie, che, convaincant voire enchanteur à la fois pour lui-même et pour son deiaaie. Ce adie ce fai e jai ili la i de ie daci. Le dic il ie ccea a aie li ee elee dlcide e aci e gee a c d ce

335 de construction de soi en tant que rappeur mais également de se faire comprendre auprès de ceux qui sont intéressés à sa démarche.

En considérant quelques paramètres socio-démographiques concernant les rappeurs pratiquants en lien avec des déterminants socio-historiques, on peut voir dans le rap haïtien une voie alternative de subjectivation. En effet, cette pratique musicale est, en Haïti, une passerelle qui permet à des individus issus des couches populaires pauvres __ traditionnellement reléguées au second rang dans les affaires politiques __ de faire irruption sur la scène politique pour eie de ei elaie la gei de la che blie. E ce e, le a e un haut-parleur servant à transmettre les points de vue et états émotionels des rappeurs praia, e i efe de deee da liiibili ciale e i cheche dc gagner une signifiance politique. Ils portent à la fois une parole pour eux-mêmes et pour leurs cge aec leel il aage de ible cdii deience en Haïti. Les ae f aie igae de ca deiece e de e il egag aec dae idiid aagea ce e cdii, ce i fai e le eiece iglie il ee e ci da le chas puissent avoir un écho biographique ai le deiaaie. La i de ace bigahie e le ce ia il cceel i ee de aii la e ciale, lacage e le e d a haïtien. On a souvent tendance à établir une typologie de rap et à en valoriser une variante dénommée « rap conscient » au détriment de toutes les autres. Selon un point de vue très répandu, celui qui pratique le rap dit « conscient » serait un acteur sensible au tempo politique de leace cial il le ; idalee, il haie e ablie de cdii deiece acceable. T e ci ce i celi i e aie a ce a di « concient e a dige de cid e a e je. Da cee he, jai i le contre-ied de cee ide e ae le a e e je da la ceai comme dans le show business da laee. Ca e ae-sujet est moins une affaire de « thèmes traités da e ee e question de clairvoyance, de choix et de positionnement. Le terme de « rap conscient » sonne creux finalement ; il est vague, arbitraire et each de dabig. Ce aleaie, a ele cidai hie fondées sur des réflexions ablie e ciece haie e ciale, jai e gille de

336 lece eea dideifie i fige d ae-je. Il agi d hble, de lie e d dénonciateur. Loin de tout usage péjoratif, le choix de ces dénominations se base sur les finalités poursuivies par les rappeurs en investissant cette pratique musicale plurielle. Le hâbleur cherche à se mettre en valeur, à faire du hit. Il fait étalage de ses talents et atouts, de sa maîtrise des règles de la rue ou du ghetto, de ses exploits dans le rap, dans les clubs ou dans des boîtes de nuit, bref, de tout ce qui, selon lui, peut le rendre visible suivant la dynamique et les tendances du marché du rap. Il choisit parfois des titres choquants, tient des il eie caia, ehibe de ae de ee, de ie e dae objets dans le souci de paraître. Certes, le hableur peut avoir du mal à regarder sa réalité en face. Mai il affie ce le je de ale il e li-même en tant que ebe de ci haiee de caece. Il e dc je, e eai-ce que dans ses projections, fantasmes et imaginations, dans son desir de saisir sa victoire sur un système socio-politique eble le caide la ae e lieitence sociale. Quant à lie, il cheche faie ele che de a ie a e d a. Da cee dabad cial, il fai de la aie d a eli accde e ceaie réussite matérielle. En ce sens, le rap est pour lui une porte qui peut déboucher sur un business, de ca de blici, ia e a age, ec. Lie e bel e bie ccie de e difficile cdii deiece ; il cherche une réussite matérielle pour ne pas succomber au poids de la pauvreté qui sévit là où il évolue. Le dciae icae la fige d diide ace il dile e cdae le fai d e ci-cie e liie caa. Ce je-acteur qui dénonce les problèmes confrontés par la la de e cge. Ce aec e elaie facili e l acie la fige d diide de legagee, ce i celi-ci était strictement réservé aux rappeurs dits « conscients ». Dans le cadre de cette thèse, cette représentation est déconstruite. Après maintes considérations critiques sur le « rap conscient », je me suis référé à des éléments hie lab da le cha de la cilgie de laci cllecie aale la diei degagee de la ie acie e d a haïtien. Contrairement à une idée largement répandue en Haïti, ces deux genres musicaux peinent à montrer leur dimension degagee, e ce e il accag aucun mouvement cial deege. Ils se révèlent plutôt comme des musiques de lamentation qui se contentent de décrire et de dénoncer

337 des problèmes auxquels on est confronté. Toutefois la pratique de ces musiques de lamentation en Haïti au cours des 30 dernières années est très significative. Ces musiques ont une portée plus cathartique e liie. Elle cie, e effe, de dali deei de la souffrance de leurs auteurs __ e de celle e a dae ebe de le ca deiece e de e __ dans un ordre biographique déconcertant. Ainsi le rap sert-il de lieu deei de lafflici i accable de Haie face a ca de la dgadai cae de le cdii deiece. De e idece, le ae haie e e jaai egag da ee cial deege eeser des réalités accablantes dans leelle il le. Le e iciale fci deie le eie clee diaifaci, de dee, diide, diiace e e de he face aux multiples constats déplorables qil f cae e bea la daie ciale, cie e liie de le a. Chae le ee dc, a i, deie le fface e de gade e ceaie ailli dei __ ils font quelque chose tout de même ! __ à défa de egage iablee da de aci daciai cllecie. Je ecai e cee he ce ele liie. Dabd, il eai iea dce de ae haie e fa de a la da dae edi travers le pays. O, cee de e ciccie icee da le liie ggahie de la e métropolitaine de Port-au-Pice. Malheeee, je ai e i le e i le e fiacie ceaie cdie a echeche a de plus grande quantité de rappeurs pratiquants et de fans de rap à travers un plus large éventail de quartiers. Cette limite majeure fait que je ne peux nullement prétendre comprendre le rap haïtien dans ces différentes dali deei. Ce i e dveloppé dans le cadre de cette thèse de doctorat est donc iiaiee alable ce e celle e jai ec. Ensuite, je me suis entretenu exclusivement avec des rappeurs pratiquants et des fans de a, ce i fai e je ai a ele le aie daeiage eeee a dae feiel d a. E fai, e Hai le DJ e le beatmakers constituent une catégorie florissante de professionnels du rap. Leur autoformation et pratique professionnelle sont des objets de réflexion intéressants au même titre que le processus de biographisation du ae. Mai da le cade de cee he je ai a le de la ale le aail. E ali, il eai eie daale le aie daeiage de ce acteurs

338 incontournables dans la pratique du rap. Leur autoformation et leur pratique professionnelle ee dc e eaie da dae aa de echeche.

Efi, da cee flei je ai a e beac de aa cieifie de gade eege le a haie. Ce e difficl i a dbch e ae liie, e ce sens que, vu la rareté des travaux scientifiques dans le domaine, ce travail de réflexion ed la fe de cci iellecelle i e alie da liceai. A lia d rappeur apprenant qui élabore ses savoirs et savoir-faire dans une cadre informel où apprendre e chei ic aci, je e i li eecice ca daale e dieai de aia dinibles comme si presque tout était à penser concernant le rap haïtien. Et mon travail a abouti à ces pistes de réflexion en jachère qui appellent des travaux de recherche de plus grande envergure. Cette thèse met en lumière beaucoup de voies non encore explorées concernant le rap haïtien. A mon sens, les pistes à sillonner peuvent présenter un interêt euristique connexe à dae cha de aie. Pa eele, l ai cheche dgage de eecie dde daggie ai de la aie dafai de ae aea a fi de e dcaif ceai. Pa aille, a ce aail jiie le ae e, de aie gale, de aie i le die e eche le dali de cei de la engagé e Hai. Qce-t-on par exemple dans un morceau de rap dit « conscient », le fond sonore, le flow du rappeur ou forcément le message exprimé dans le texte ? Comment reçoit-on et conçoit-on les messages exprimés ? Le blic haie e-il pas habitué finalement à des cea de ie e dae e de i dcie la difficile ali ci- économique et politique du pays en mettant à nu les problèmes qui entravent le bien-être collectif ? Devant un tel fait, comment et à quelles conditions la musique peut-elle effectivement parvenir à jouer un rôle de catalyseur dans des mouvements de mobilisation et daciai cllecie e Hai ? Aii e e, idiecee, la ei de lefficaci de la musique engagée dans ce pays.

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Lexique

Battle Ce terme signifie « combat » en anglais. Dans le rap, une battle ou un « clash » est une joute verbale sur fond musical ou en a capella da laelle de ae affe e iia des parties de rap devant un public spectateur qui sert de témoin ou de juge. Le perdant est celi i iie al i e idicli e dabili dea ladeaie. Beat Un beat est une pulsation qui rythme le fond sonore sur lequel sont déposées les paroles scandées du rappeur. Beatmaker Un beatmaker est un créateur qui conçoit et compose des fonds musicaux destinés à accompagner un texte de rap scandé. Beef Simulacre de conflit ou conflit réel nourri entre deux ou plusieurs rappeurs, entre deux groupes de a. Lil e el, ce cfli e dbche de bagae ee adeaie. Bèfchenn Dans le créole haïtien, un bèfchenn est un individu de sexe masculin qui fait partie du personnel de service des camions transportant des marchandises le plus souvent sur des routes de ice. Il aage e lie le achadie, fai de ae lee de ae, le cas échéant. Depuis les années 1990, à travers les villes, dans les points de stationnement de véhicules de transport en commun, on trouve des jeunes garçons qui font une espèce de akeig de e afi dicie le aage e da el hicle l e da el autre. Ces jeunes-là sont aussi nommés bèfchenn. Break

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En anglais, le mot « break » signifie rupture, cassure. Dans un morceau de musique, le break fait référence à une pause très brève qui entraîne une rupture au niveau du rythme et de la progression. Breakdance Un style de danse sportive très acrobatique qui, ayant émergé à New York dans les années 1970, est associé à la culture hip-hop. Les termes de « break dance », « break dancing » et de « breaking ili l la lace de lae. Break dancer Un break dancer est un pratiquant du breakdance. Crew Ue ce e e bade dai fe de ae, de DJ, de graffeurs, etc. Le terme de crew e liale de gang , e i ilie ale d ge de ciiel. Dinepa Dieci aiale de lea able e de laaiiee DJ Ce terme signifie « Dic Jcke. U DJ e elun qui maîtrise des techniques de ailai de dic die de effe e ceible daie e aiace. Featuring Le mot featuring est un anglicisme qui, dérivant du verbe « to feat » qui signifie « figurer »/ paraître dans, mentie la aiciai d chae da cea de ie da alb a c d cllge. Ce ee e e elac a de abiai (Fea, F,)

Feeling Très récurrent à travers le discours des rappeurs haïtiens et des fans de rap, ce terme désigne a eie de dlecai e ce cea de ie celi i lce ou à celui qui le chante. Proche de la notion de « vibe , le feelig e de lde d eei e de l ; il est donc très subjectif. Il se fonde sur des éléments de contenu sonore qui ieelle celi i ce da e eibili e da a aie dacie e le e éprouver des sentiments complexes de joie, de distraction, etc.

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Flow Le flow est la manière de scander ses propos sur le fond musical, surtout en rapport avec laagee hie. Ce e cadece aiclie i ed e ce le dbi d ae, a aie de he ce il di, ec. Free style Ce terme est employé pour faire référence à la pratique qui consiste pour un MC ou un rappeur de faire des improvisations rap sur un fond musical ou en a capella, seul ou face à un autre MC. Gangsta rap Le gaga a e e aiae de a le ae fai llge de la ie de e da le ghettos ; il utilise des mots crus souvent choquants et violents. Hardcore Ce terme est un adjectif qui qualifie un style de rap. Un rap hardcore est costaud dans son texte, dans le flow du rappeur, dans sa puissance rythmique, etc. Hip-hop Ayant pris naissance aux Etats-Ui dAie eie e ade dialee, le hip-h e e cle baie clee i e ce d gee ical (le a) e e pratique musicale connexe (le DJing), des styles de danses, un art graphique (le graffiti) et un art vocal (le beat boxing). Le hip-h accage de le de ie i a de dimensions langagière, vestimentaire, etc. Kanntè Ce d cle haie i dige baea de fe aa de manière clandestine des gens qui laie le a cheche abli da autre pays à la recherche de meilleures conditions de vie. Le terme est souvent ili ai dige cee aie diigai illgale. Lyrics Le lic le ale de cha. MC

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U MC e ae de cie, aiae. A db de la aie d a, ce le M C qui animait les ambiances en disant des propos à caractère poétique sur les fonds musicaux choisis par le DJ. Mixtape Une mixtape est une compilation de plusieur cha d aie de lie aie. Multi-syllabique Technique de versification qui consiste à rimer les syllabes. New school Ce terme est employé pour désigner une nouvelle génération de rappeurs pratiquants ou, de manière plus générale, de nouveaux artistes dans le milieu hip-hop. Post U e ele che e l blie lie ea cia. Ce e e court message de quelques mots, une photo, une vidéo, un article quelconque, etc. Punchline Terme dérivant du mot anglais « punch » qui signifie coup de poing. Dans le rap, il désigne des ie de hae ecae, e hae chc faie de ahe e de je de ironiques et acerbes. Old school Dans le rap et dans la culture hip-hop en général, le terme « old school igifie laciee i la eie gai daie. Ragamuffin Le ragamuffin est une variante musicale proche du rap qui mélange le reggae et le dancehall. En Jamaïque, parmi les jeunes issus de quartiers populaires, le terme désigne également un état dei. Rap Le rap peut se définir comme un style musical caractérisé par un texte scandé, mi-parlé et mi- cha fd e i li e daccagee. Ce gee ical e iiee li à la culture hip-hop. Sample E Aglai, le ale igifie chaill. Da le a, ale e fage de son puisé quelque part et qui est retravaillé par un beatmaker ou, plus généralement un

363 igie d , e die e elle ie. Laaeil ilié à cet effet aelle ale e la aie cedae e de alig. Scratch Le scratch est un effet sonore spécial produit par un DJ en manipulant de manière rapide et he, e aa e e aie, dic de ile. Le DJ bie leffet désiré en modifiant manuellement la vitesse de lecture, le volume du son, etc. Souvent on utilise le terme de « scratching » pour nommer le procédé en question. Sound system Système de sonorisation appelé encore disco mobile utilisé pour animer des fêtes en plein air ou dans des salles. Tag U ag e la igae d gahe.

Tap-tap Véhicule en forme de pick- d laie e aag de ie e de de bac parallèles servant de sièges. Le tap-tap est couramment utilisé en Haïti, surtout dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, dans le secteur du transport en commun. Toast Long poème narratif composé de couplets rythmés et dits de manière humoristique. Vibe Ce aglai i igifie ambiance », « atmosphère ». Dans le discours des rappeurs, le mot vibe fait référence à des vibrations, une énergie qui anime celui qui chante. Vibe est ai le d agaie aicai i aie d hi-hop et de la musique noire américaine.

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Annexe 1 : Gide deeie A- En guise de canevas168 deeie aec e ae

U eele didci l d eeie Bj. Meci de de iiai. Ce je ai di l de e ceai, je aelle Evenson Lizaire, je mène actuellement un travail de recherche autour de la pratique du rap en Haïti, dans le cadre de he de dca e je ae lUiei Pai 13, e Face. Je iee a eiece e f le ae haie a ei de le aie aiie. Ce i es là en ce moment. Nous allons échanger autour de toi, de ton parcours dans le rap, de ton regard sur cette musique, de ton apprentissage, de tes diverses expériences, dans cette pratique, etc. Dans ce cadre-l, il aie de e a abde aujodhi, e laifie e ae ece afi dafdi e eiece da le a.

Aspects à considérer Points importants à prioriser Parcours de vie du rappeur Les moments importants de son parcours biographique, ses . lieux de vie, sa formation académique, ses expériences igificaie, lli de eage cial, ec. Son évolution dans le rap Rapport avec la musique rap, expériences significatives, . dali dce, db da le a, le ai i l poussé à pratiquer le rap, ses réalisations dans le rap, etc. Son apprentissage du rap Sagie daeiage, aci cce posées par le . rappeur pour maîie la de ae, egad il a de e compétences, etc. La ii/ccei il a du rap Sa chei de ligie e de la fci d a, lace . de a de ii aec dae ae, la ii il a de lui-e e a e ae, le lie il abli ee le a e la ali ciale, la liie, ec Son projet La aie le ae de e jee da laei, ce il . fait et souhaite faire de son talent et du rap en général, etc.

168 Vu les objectifs poursuivis et la quali de de e jai chech cllece, je aai pas pu prévoir, dans les détails, tous les points à aborder avec les rappeurs lors de nos entretiens. Je me suis servi de ce petit document afin de ne pas perdre de vue les aspects-cl de leiece daeiage d ae. De l, il a permis dele le e aec chez tous le ae ec. Mai je aedais à ce que chaque sujet apporte des détails importants de ses expériences singulières. 365

B- E gie de caea deeie aec e ae d a

U eele didci l d eeie Salu. Meci de ici e chage a de e eiece e a aec la ie a. Je veux faire un petit rappel pour toi concernant mon travail et son contexte, tu pourras toujours me poser des ei ie el e de e ceai il ee de che claifie. Ce je ai di, allons nous entretenir autour du rap haïtien, une pratique musicale sur laquelle je mène un travail de recherche acellee, aail acadie e je di ee e ei lUniversité Paris 13, en France, pour obtenir dile de dca e ciece de ldcai. Da le cade de ce aail, je iee la fi a ae aia e a fa de a. Ce i jai l e ece e a e lae du rap. Mets-i laie. N all ale ccea eiece aec le a, e habide dce, a je de ce qui fait ton plaisir ou ton déplaisir en écoutant du rap. Je compte passer un moment relativement long dans cet échange avec toi. A la fi de cee ee ceai, il ee de aec ece abd, planifierons une autre rencontre durant laquelle on pourra les approfondir.

Aspects à considérer Points importants à prioriser Présentation et parcours de vie du fan « Qui est cette personne ? », les moments importants de son parcours biographique, ses lieux de vie, expériences significatives, lli de eage cial, ec. Lli de a aec le a Rapport avec la musique rap, son début dans lce d a, expériences significatives, ses rappeurs préférés, sa participation ou non à des spectacles de rap, etc. La ii/ccei il a d a Sa chei de ligie e de la aie d a, a aec les rappeurs pratiquants, la ii il a de li-même en tant que fan, le lie il abli ee le a e la ali ciale, la liie,, ec Modalités de réception du rap Se aie dce de cee ie, la aie d il sélectionne ses morceaux préférés, ce qui fait son plaisir et/ou son dlaii da lce d a, a aie de ecaie bon » morceau de rap ou un « vrai » rappeur, etc.

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Annexe 2 : Extraits deeie Vu le caractère confidentiel de certains propos exprimés par des participants lors de nos rencontres, ce eai deeie e a bli. Ils ont été fournis seulement aux ebe d j da le cade de lalai de cee he.

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