Les tourbières du plateau de (Malarce sur la Thines, Montselgues, Ardèche)

Relief, sols, eau et hommes 2004-2007

RAPPORT FINAL

Etude réalisée dans le cadre d’une convention entre le CREN Rhône-Alpes et l’ENS-lsh

Juillet 2008

PETRA

LES TOURBIERES DU PLATEAU DE MONTSELGUES

Relief, sols, eau et hommes

Fabrice Grégoire Ens-Lsh

Etude réalisée dans le cadre d’une convention entre le CREN Rhône-Alpes et l’Ens-Lsh Juillet 2008 Préambule

Le présent rapport s’insère dans la logique du programme de recherches sur les tourbières d’Ardèche entrepris dans le cadre plus général du programme Petra. Ce programme, présenté par l’Université de Lyon 2 (LRGE) et l’Université de Saint-Etienne (CRENAM) a été accepté par la région rhône-alpes au mois de juillet 2003. Il a fait l’objet de plusieurs rapports intermédiaires et d’un rapport final à l’automne 2006. Ce programme faisait également intervenir d’autres partenaires, comme les collectivités territoriales et le CREN Rhône-Alpes. C’est à ce titre qu’une convention a été signée entre l’Ens-Lsh et le CREN 06-27 pour l’étude des tourbières de Sagne Redonde () et de Montselgues.

Le présent rapport fait suite à deux rapports d’étape : - le premier correspondait à la mise en œuvre et au protocole de l’étude, ainsi qu’aux premiers résultats acquis au cours de l’année 2004, - le deuxième présentait les principaux acquis au niveau du fonctionnement des deux tourbières ainsi que le rapport de synthèse de l’atelier deux du programme Petra

La restitution de l’avancée de l’étude s’est également effectuée au cours de deux moments privilégiés : - des réunions au siège du Cren à Villeneuve de Berg, en compagnie des chargés de mission et d’étude en charge des différents sites, Laurence Jullian, Virginie Pierron et Benoit Pascault, - la participation aux réunions de comité de suivi des deux sites, chacune de celles-ci - la participation aux animations réalisées dans le cadre du Life « Tourbières et cavités à chauves-souris du Plateau de Montselgues ».

En accord avec le CREN, il a été décidé de fournir des rapports thématiques à partir du printemps 2007. Le rapport sur les aspects physiques des tourbières du plateau de Montselgues inaugure cette série de rapports. Il sera suivi par un rapport sur les aspects physiques de la tourbière de Sagne Redonde. A la fin de l’année 2008 sera rédigé le rapport final, qui apportera les compléments nécessaires à ces études et concluera également sur les aspects humains.

Introduction méthodologie

En arrivant sur le plateau arédchois, nous avons posé un regard neuf sur cette région, l’essentiel des prospections en matière de tourbière de l’Ens-Lsh s’étant déroulé dans le nord de la (Laonnois). C’est donc muni seulement de la carte au 1 :25.000ème et des indications de Bruno Coïc, directeur du CREN Rhône-Alpes qui avait initié notre démarche, que nous avons découvert les sites et leur environnement. Nous avons découvert deux types de paysage : celui des plateaux tourbeux du Haut-Vivarais et celui de l’Ardèche cévenole.

Dans l’un, aux confins volcaniques de la Margeride, la tourbe se manifeste un peu partout, dans les têtes de vallons, sur les dépressions du plateau, dans de larges vallées perchées par rapport à la vallée de la Loire. Ce sont des paysages très ouverts avec plusieurs plans. Sagne Redonde en est un bon exemple : un fond de vallée largement ouvert accentué par la rondeur des formes, que ce soit celle du cratère ou celle des versants au modelé typique des pays de granite, un plateau ondulé à perte de vue et, pour couronner le tout, le massif du Mezenc. Les tourbières représentent, dans ce paysage, de par leur superficie et les ruptures de pentes qu’elles introduisent dans l’allongement des versants, un élément remarquable. La place de l’humain est discrète. Sauf au cœur de l’été, on se sent très seul dés que l’on s’éloigne des quelques villages, la campagne semble largement à l’abandon, progressivement grignotée par les pins sylvestres. Les villages sont peu étendus, souvent cachés, et il n’y a pas beaucoup de monde dans les rues, sauf à .

Dans l’autre, le relief est beaucoup plus morcelé et la présence des tourbières est plus discrète. C’est grâce à la végétation qu’il est possible de les repérer, mais l’eau vive est ici beaucoup plus présente. Les perspectives sont plus changeantes, de vallée en épaulement, les routes n’en finissent pas de monter et de descendre. La vue porte tantôt jusqu’aux Alpes et au Mont Lozère, tantôt se trouve limitée au versant raide d’en face. Les tourbières du Plateau de Montselgues sont un bon exemple de cette discrétion : sur le plateau des Narcettes, c’est surtout la lande qui s’impose et seules les linaigrettes au printemps et la molinie sèche en hiver sont les repères colorés qui permettent d’identifier les secteurs de tourbières. Les autres tourbières sont perdues dans la forêt et leur quête un moment agréable. Les villages se voient de plus loin qu’en Margeride : Loubaresse sur son piton, les hameaux de Montselgues se détachent sur leur fond minéral et végétal.

On se reportera, pour la démarche suivie, au projet de recherches. Dans cette étude du fonctionnement des tourbières du plateau de Montselgues, nous avons essayé de répondre à plusieurs objectifs définis en commun avec le CREN. Il importait, dans cette étude, de trouver un compromis entre les exigences du programme Petra et celles du gestionnaire. Nous nous trouvons ici devant répodre à la demande de trois types d’acteurs : - les chercheurs ont pour but de faire progresser leurs connaissances dans le fonctionnement de ces ecosystèmes, dans la logique des recherches de chaque équipe ou dans le cadre de programmes regroupant plusieurs équipes, comme le PNRZH (Programme National de Recherches sur les Zones Humides), et cherchent à la fois à prolonger leurs réflexions, à confirmer leurs hypothèses, et pour cela à les tester sur de nouveaux sites, - le Conseil Régional a comme motivation de favoriser la recherche au niveau régional, ce qui le met dans la position de financeur de la recherche fondamentale, et de valoriser l’image de la région, - le gestionnaire, le CREN en l’occurrence, a besoin de réponses pour sa gestion sinon au quotidien, ou au moins à l’échelle quinquennale du plan de gestion, et, dans le même temps, il essaie de promouvoir le dialogue avec les chercheurs.

Il est ainsi possible à ces groupes d’acteurs de se retrouver sur des objectifs convergents. Celui de la recherche en est un, qu’il s’agisse de recherche fondamentale comme de recherche appliquée. Celui de la valorisation des territoires en est un autre. Dans ce cadre, le chercheur se définit comme un acteur à part entière du jeu d’acteurs local.

Le mode d’approche défini dans le cadre de cette étude sur ces sites ardéchois repose sur deux termes : - simplicité - régularité Plus précisément, nous voulions employer des moyens modestes, en accord avec les possibilités financières du gestionnaire et à l’investissement humain potentiel. Il n’a pas été envisagé, d’entrée, de développer des moyens lourds pour une étude fondamentale, mais plutôt de recourir à des solutions techniques et des protocoles simples pouvant éventuellement, et c’est un point important, être repris par le gestionnaire dans le cadre de sa gestion quotidienne s’il le juge nécessaire. De même, nous avons posé comme postulat qu’il fallait un long temps de présence sur le terrain, de suivre les phénomènes sur le moyen terme, à différentes saisons et d’effectuer de nombreuses observations, à l’instar des différents naturalistes qui se succèdent sur le terrain.

Sur le plateau de Monselgues, la question, vis-à-vis de l’étude présente, est fondamentalement celle des bonnes conditions en eau de la tourbière. Elle est soustendue par une autre question : celle de la fragilité du système, qui apparaît dans ce paysage déjà marqué par la proximité du domaine méditerranéen. Ces deux niveaux de question débouchent inévitablement sur les possibilités de gestion de l’eau.

Ces rubriques fourniront autant de chapitres de ce rapport dont l’unité doit être donnée par ce qu’il pourra apporter comme éléments de choix au gestionnaire. A partir de ce que nous aurons appris, il sera possible de définir quels sont les facteurs favorables ou défavorables à la genèse et à la pérennité des tourbières et quelle est la latitude d’intervention du gestionnaire en fonction des objectifs qu’il s’est fixé.

On pourrait également résumer notre propos par les interrogations suivantes : - Quels sont les facteurs qui sont responsables de l’état actuel des tourbières du plateau de Montselgues ? - Ces facteurs sont-ils à même de garantir la pérennité de ces milieux ? - Quelles améliorations le gestionnaire peut-il apporter ?

Nous partirons du principe, largement développé dans le PNRZH « tourbière » qu’une tourbière est le résultat de conditions hydrogéomorphologiques et de la présence d’espèces végétales susceptibles de produire de la tourbe.

Les conditions hydrogéomorphologiques rassemblent - des conditions géomorphologiques liées à un environnement geologique et pédologique et à des formes de relief favorables à la stagnation ou à la lente circulation de l’eau, induisant une baisse du taux d’oxygène favorable à l’accumulation, - des conditions hydrologiques se traduisant, au niveau du site étudié, par un bilan hydrologique positif, c’est-à-dire que les arrivées d’eau, par les précipitations ou par les eaux superficielles ou souterraines soient supérieures aux départs, que ce soit par l’évaporation ou par le drainage.

Ceci nous conduit à un plan « à tiroirs » pour définir au mieux ces conditions : - Approche topographique, - Approche géologique - Approche pédologique et remplissage tourbeux, - Approche climatologique, - Approche hydrologique, - Approche hydraulique - Approche de la qualité des eaux - Le rôle de la forêt - Aménagements hydrauliques - Nous terminerons par une conclusion générale et prospective vis-à-vis notamment de la demande du gestionnaire

Bien entendu, ces recherches ont un caractère limité, même si elles ont démarré depuis plusieurs années. Elles devront être complétées, enrichies par d’autres études et d’autres points de vue.

I Approche topographique : un plateau peu favorable à la genèse de tourbières

Les tourbières du plateau de Montselgues sont situées dans un contexte topographique précis, celui du plateau de la Cham de Monselgues, éperon orienté nord-sud entre les vallées de la Thine et de la Borne. Cet éperon se trouve à l’extrémité d’un lambeau de plateau qui se trouve en périphérie sud du Massif du Tanargue. La Cham de Montselgues est séparée du plateau de Teste Rouge par un petit ensellement situé à 1037 mètres qui marque la limite topographique de l’éperon

Figure 1 -Vue 3D de la cham de Montselgues

La Cham de Montselgues culmine à un peu plus de1058 mètres. Ce point culminant se trouve très au nord de la Cham et le plateau descend en pente douce sans perdre son caractère jusqu’à la Serre des Fonts, vers 900 mètres d’altitude. Une crête se maintient jusqu’à la Serre de la croix, mais le plateau est déjà largement disséqué. La pente est ensuite plus prononcée.

Au niveau du point culminant, le plateau a une forme générale convexe. La rupture de pente se situe, à ce niveau, aux environs de la côte 1000 mètres. Plus au sud, elle s’abaisse à un peu plus de 920 mètres. Cette rupture de pente est nette, souvent marquée par des abrupts (Ranc Gla, rochers des Nouyroux) au nord. On passe alors très rapidement de 1000 à 500 mètres en moins d’un kilomètre, ce qui implique une pente d’environ 30° avec des passages, en dehors même des corniches rocheuses à plus de 50°. Sur le plateau, au même endroit, la pente moyenne est de 50 mètres sur la même distance, ce qui donne une moyenne de 3°. A l’échelle de la carte topographique, ces pentes sont régulières et ne laissent pas entrevoir de sites favorables pour le développement de tourbières. Seul le site situé sous la Croix de Montas laisse augurer de conditions un peu plus favorables : sa forme évoque très vaguement un cirque topographique, avec présence d’un replat. Nous sommes cependant très loin du modelé des alvéoles granitiques ou a fortiori des maars. On note, outre la dissymétrie nord-sud évoquée plus haut, une légère dissymétrie est-ouest qui fait que le plateau a un plus long versant orienté à l’ouest, là où se trouve la majorité des tourbières. Nous nous intéresserons surtout aux tourbières principales, à savoir : - L’ensemble des Narcettes. - La tourbière de la Croix de Montas (dite aussi «Tourbière de la Cham de Chabreille ») - Les tourbières de la Croix d’Inassas (dite aussi « Tourbière de la Cham de la Vernède »). - Les tourbières des Granges de la Rouveyrette.

Il y a d’autres secteurs tourbeux ou au moins humides, mais leur inventaire précis est en cours dans le cadre de l’étude préalable du Life Tourbières du Plateau de Montselgues et ils ressemblent aux autres tourbières. On est en droit de penser que leur fonctionnement est identique.

Sur le terrain, le plateau apparaît nettement moins homogène que sur la carte topographique. Un relevé de terrain effectué montre que la forme convexe se décompose en réalité en une série de marches d’escalier qui portent chacune un niveau de tourbières. Sur le secteur des Narcettes, on peut les décomposer comme suit, en suivant un cheminement approximativement linéaire: - Une borne à 1058 mètres matérialise le sommet. En réalité, le sommet se trouve légèrement plus haut, à un peu plus de 1060 mètres. On note, lorsqu’on va vers le versant est, une petite corniche de quelques décimètres qui pourrait représenter la première marche. - Il n’y a pas de trace d’humidité permanente sur la crête, il peut y avoir cependant au moment des pluies des secteurs qui gardent un peu d’eau. - La tourbière « pédagogique » et la mare se situent à 1051 - 1052 mètres et marquent le premier niveau véritablement hydromorphique qui correspond à un niveau de source de débit très faible. Si, au niveau de cette tourbière, on ne trouve pas d’affleurement rocheux très net, on note, un peu plus loin, au-dessus de la tourbière SE, une petite corniche qui correspond en altitude à la position de la tourbière. C’est sans doute l’équivalent de la première marche décrite plus haut. - Le début de la descente vers la deuxième tourbière se situe vers 1050 mètres. - Tout au long de cette descente, on voit apparaître, jalonnée de sources qui se trouvent à des niveaux plus ou moins en altitude selon les saisons, les premières traces continues de sphaignes qui se prolongeront vers la Grande tourbière des Narcettes. - Ce n’est qu’au bas de cette pente qu’on se trouve dans la tourbière la plus développée du secteur des Narcettes, dite Grande Tourbière des Narcettes. L’altitude est de l’ordre de 1042 mètres, c’est-à- dire quelques mètres seulement en contrebas du premier niveau. C’est une deuxième marche. - La tourbière se trouve sur une pente légère et le milieu tourbeux fait place à un milieu de lande beaucoup plus sec vers 1038 mètres d’altitude. - Il y a alors un abrupt rocheux, qui a sans doute été une carrière à un moment ou à un autre qui mène vers un autre replat où se trouve un autre complexe de petites tourbières dont la principale a été nommée Tourbière basse des Narcettes. L’altitude est de 1036 mètres, les premières sources qui alimentent cette tourbière sont deux à trois mètres plus haut. C’est une troisième marche. - La circulation aérienne de l’eau entre les deux marches est irrégulière. Fréquemment, il n’y a pas d’écoulement. - A partir de ce niveau de la Tourbière basse des Narcettes, l’écoulement aérien est beaucoup plus pérenne, mais il ne concerne que les ruisseaux qui en viennent ; la branche qui vient de la Grande tourbière des Narcettes est le plus souvent à sec, il n’y a d’ailleurs pas de tracé. - En continuant notre descente, nous parcourons une légère pente où des petis secteurs de sphaignes existent encore. - Puis, les ruisseaux s’encaissent nettement, aussi bien la branche sud que la branche nord. Dans ces vallons, on rencontre des accumulations de sphaignes qui peuvent être respectables (jusqu’à un mètre) mais très localisées. La topographie de détail est extrêmement variée et les aménagements anthropiques y ont une grande part. - Vers l’altitude de 1000 mètres, on se trouve sur une zone extrêmement humide en toutes saisons qui avance quasiment en corniche au-dessus de la rupture de pente. - En-dessous, le ruisseau creuse une petite gorge dans l’abrupt qui mène à la vallée de la Borne en contrebas.

Ceci est le schéma de répartition des tourbières dans le secteur des Narcettes. Il est quasiment unique à l’échelle du plateau.

La tourbière de la Croix de Montas se développe sur un seul niveau. Les marches que l’on observe en versant ouest se marquent dans le paysage, elles sont beaucoup plus resserrées, mais on ne trouve de niveau de source qu’au bas du dernier abrupt, vers l’altitude de 1037 mètres. Un peu plus en aval, on trouve une autre zone humide qui ressemble à ce qu’on trouve en bas du secteur des Narcettes.

La Tourbière de la Croix d’Inassas se développe également sur un seul niveau, entre 990 et 970 mètres. Elle se développe sur une pente relativement douce. On trouve des dallages, mais pas de ressaut aussi nettement marqué. Nous sommes là déjà nettement plus bas en altitude, ce qui explique qu’on ne trouve plus ces reliefs.

Les Tourbières des Granges de la Rouveyrette sont également à assez basse altitude et sont litttéralement accrochées au début du versant qui descend sur la vallée de la Thines, profitant du moindre replat pour se développer sur une extension qui reste cependant modeste.

Figure 2 – répartition des principales tourbières sur le Plateau de Montselgues

Conclusion de la partie I

La topographie n’est dans l’ensemble pas un facteur favorable à l’installation et au développement de tourbières de grande dimension. Les replats d’une certaine taille sont strictement limités au secteur des Narcettes. Encore ceux-ci sont-ils affectés d’une pente d’ensemble légère qui est de l’ordre de 2 à 4%. Il n’y a pas de contre-pente visible et c’est très certainement la microtopographie qui peut rendre compte de la présence des tourbières. II -Approche géologique : le granite, le grès, l’argile et la tourbe.

C’est à partir des cartes géologiques et des prospections de terrain qu’a été réalisée cette approche. Bien évidemment, ces cartes, réalisées par des géologues spécialisés dans le métamorphisme ou le volcanisme, ne font pas mention de tourbe. Cependant, comme dans tout ce secteur, la mention de colluvions sur la feuille au 1 :50.000ème correspond en fait bien souvent à des tourbes.

Figure 3 - Le réseau de tourbières du plateau de Montselgues reporté sur la carte géologique de L’Argentière

La carte de l’Argentière décrit pour le plateau de Montselgues une réalité assez simple : une dalle de grès du Trias, quasiment horizontale, posée sur le granite de Borne, recèle un aquifère qui alimente le chapelet de tourbières, comme le représente la carte ci-dessous adaptée de la carte géologique. Cet aquifère alimente également un réseau de sources qui sont utiliseés pour l’alimentation en eau des villages.

Le granite de Borne est un granite calco-alcalin à grain grossier et homogène sur tout le soubassement du plateau.

Figure 4 - Bancs de granite de Borne au Ranc-Gla

Ce granite est imperméable dans son ensemble, mais il est abondamment fissuré. Ceci lui procure une pseudo perméabilité de surface qui diminue fortement avec la profondeur.

Le grès est beaucoup plus hétérogène. On y trouve des évaporites, des arkoses, des argilites. La distinction essentielle entre ces différentes variétés tient au ciment. Sur le terrain, il apparaît comme un grès à grains grossiers essentiellement quartzeux, au ciment coloré en rose qui traduit la présence d’oxydes de fer qui représente sans doute le ciment le plus important. La présence de reliefs en escalier rend compte de phénomènes d’érosion différentielle qui traduisent des alternances de niveaux alternativement durs et tendres. La présence d’éléments grossiers explique la forte porosité de ce matériau. Il est difficile, en raison de son hétérogénéité, de donner une valeur de la teneur en eau qu’il est susceptible d’emmagasiner ; les valeurs habituellement données pour ce type de grès sont de l’ordre de 10%. Il a ici une puissance d’environ 60 mètres, ce qui voudrait dire que la lame d’eau théorique serait de 6 mètres, ce qui est déjà appréciable, mais cette valeur est très théorique.

Figure 5 - Blocs de grès sur le plateau de Montselgues, en place (premier plan) et travaillés (arrière-plan )

Ce grès n’est qu’en apparence horizontal. Il est en fait légèrement basculé à la fois vers le sud, de l’ordre de 1 à 2° et vers l’ouest , de 1 à 2° également.

Deux localisations préférentielles des tourbières, par rapport au type de roches présentes apparraissent nettement : - le contact entre le grès et le granite, - sur le substrat de grès.

Dans le premier cas, il semble évident d’opposer le grès perméable, susceptible de servir de roche aquifère et le granite imperméable qui va bloquer la descente de l’eau et provoquer son accumulation.

Dans le deuxième cas, il faut poser deux hypothèses : - La première est que l’eau contenue dans le grès forme une nappe qui suit grossièrement la topographie, et épouse plus ou moins la forme convexe de la crête. Celle-ci, de par la présence de marches topographiques, vient à la rencontre de la surface topographique et détermine des niveaux de source. - La seconde est qu’il y a des discontinuités au sein de la masse de grès, ce qui rend compte, nous l’avons vu, de la formation de bancs plus ou moins durs.

Par ailleurs, la notion d’imperméabilité renvoie fréquemment à la présence d’argile. Notons tout de suite que, contrairement à beaucoup de tourbières, ici ce n’est pas la règle que les tourbières reposent sur un niveau d’argile. On ne trouve des traces argileuses que très localement sous la tourbière pédagogique, la Tourbière basse des Narcettes et la Tourbière d’Inassas. Il n’y en a ni sous la tourbière de Montas, la grande tourbière des Narcettes, les tourbières des Granges de la Rouveyrette. Lorsque nous parlons d’argile, il faut bien voir d’ailleurs qu’il ne s’agit pas d’une argile plastique composée uniquement d’élements de la classe texturale des argiles, mais d’un mélange de fractions grossières et fines, allant de petits graviers de quartz à une matrice fine qui évoque plus l’argile. Il est pas exemple très difficile de faire le test du boudin.

A Montselgues, il est fréquemment question d’argile. L’un des lieux-dits cadastraux s’appelle « Les Gleysolles », le site de la tourbière pédagogique était un ancien site d’extraction de l’argile, enfin les mares présentes semblent suffisamment imperméables pour qu’il y ait des éléments de la classe des argiles présents.

Nous avons relevé trois sites où on note de l’argile en place qui ressemble assez à ce qu’on trouve sous certaines tourbières :

Dans un talus routier, près des Granges de la Rouveyrette, entre le granite sous-jacent et le banc de grès, on trouve une argile bleuie, composée d’éléments fins et de beaucoup d’éléments grossiers.

Figure 6 - Argile à la base des bancs de grès (Granges des Rouveyrettes)

Au niveau de l’exutoire des Narcettes, on retrouve ce niveau qui est vraisemblablment le même.

Figure 7 – Arène argileuse au niveau de l’exutoire des Narcettes

Enfin , au niveau des Granges des Amourettes, on retrouve ce même niveau.

Figure 8 – Arène argileuse au-dessus du Ranc Gla

Nous avons dit la difficulté qu’il y a à faire le « test du boudin » sur ces affleurements.

Par ailleurs, des traces de présence d’argile apparaissent fréquemment sur la partie sommitale, se manifestant par des fentes de retrait.

Figure 9 - Dépôts de sables argileux aux Narcettes

Nous avons fait ici encore le test du boudin, en mouillant une noix de terre et en essayant de former un boudin. Nous obtenons une structure qui se tient, formée de blocs légèrement différenciés, friable, ce qui indique une faible teneur en argile, aux environs de 5%.

Figure 10 - Test du boudin sur la piste sommitale

Nous avons réédité ce test à plusieurs reprises, à la tourbière de Montas notamment : l’aspect est le même.

Figure 11 - Test du boudin à la tourbière de Montas

Cette argile n’est vraisemblablement pas en place partout : sur les hauteurs, il s’agit de produits de décomposition des grès qui migrent vers les positions topographiques susceptibles de les stocker.

Conclusion de la partie II

Le trait majeur de la géologie locale est ce contraste entre l’aquifère des grès et les roches imperméables granitiques sous jacentes, même si celle-ci est loin d’être absolue. La porosité élevée des grès leur confère un pouvoir important de stockage de l’eau. Les réserves correspondent à plusieurs années de pluviométrie. Le grès se présente sous forme de bancs qui donnent, par érosion différentielle, des replats structuraux qui sont susceptibles de favoriser un étagment des niveaux d’hydromorphie. L’arène argileuse ne semble jouer un rôle important qu’à la base des grès. De par sa composition minéralogique pauvre en argile véritable, elle n’est qu’un élément parmi d’autres pour la genèse de niveaux imperméables. III Approche pédologique : des sols tourbeux de faible épaisseur

Nous nous trouvons, dans le cas des tourbières du plateau de Montselgues, devant des petits objets qui sont, de par leurs caractéristiques, à la limite de la définition de la tourbière. Tout dépend de la définition qu’on adopte, mais beaucoup d’auteurs considérent qu’il faut 50 cm d’accumulation de tourbe pour qu’il y ait une tourbière (ce qui est sans doute excessif). Or, peu d’espaces tourbeux sur le plateau présentent cette caractéristique. On trouve souvent des profondeurs atteignent 60 centimètres aux Narcettes, mais sur quelques mètres carrés seulement. Ceci tient au fait que la topographie qui se trouve sous la tourbière est extrêmement accidentée, on y trouve des blocs de grès, et également sans doute d’anciens chenaux naturels ou creusés. Un bon exemple de cette irrégularité de la couverture tourbeuse est représenté par la tourbière de la Croix de Montas (figure 12) qui est sans nul doute ce qui correspond le mieux à une tourbière sur le plateau de Montselgues. Des transects de sondages ont permis d’apprécier les variations d’épaisseur. De ce fait, il est difficile d’établir une cartographie précise comme cela est en cours à Sagne Redonde, surtout sur les petites tourbières.

Figure 12 -Transects pédologiques dans la tourbière de la croix de Montas

On notera l’extrême irrégularité des épaisseurs de tourbe. Cette figure, qui reprend uniquement les épaisseurs, et non l’altitude, rend mal compte de la part des bombements de sphaigne par exemple. Cette irrégularité est autant due aux micro reliefs du sol qu’aux accidents du sol sous jacent ; lorsqu’on fait les sondages, la canne pédologique rencontre aussi bien de l’arène gréseuse grossière que des gros blocs. Il semble d’ailleurs qu’il y ait une certaine logique dans la répartition de ces blocs qui peuvent être d’origine anthropique.

Une série de sondages à la canne a été effectuée et a permis d’esquisser une répartition des épaisseurs de tourbe. Cette tourbière ne recèle que deux secteurs où la profondeur est supérieure à 50 centimètres, un qui correspond à des bombements de sphaignes dans la partie centrale, et un qui correspond, en ava,l à des accumulations dues à l’effet de barrage du bassin.

Figure 13 – Epaisseurs de tourbe à la Tourbière de la Croix de Montas

Dans la tourbière SE des Narcettes, on rencontre également des épaisseurs de cet ordre, mais là aussi très irrégulières. Les épaisseurs les plus importantes se rencontrent au niveau de la ligne de sources et le long des rus en cours de comblement. L’origine anthropique de ceux-ci étant probable, il est probable également que ces épaisseurs de tourbe sont venues combler un espace creusé.

Figure 14 – Epaisseurs de tourbe à la Tourbière principale des Narcettes

Figure 15 – Carte des épaisseurs de tourbe à la Tourbière basse des Narcettes

Dans le cas de la Tourbière basse des Narcettes, les secteurs d’épaisseur notable sont extrêmement réduits et limités à deux endroits, en particulier dans le bassin qui avait été aménagé pour traiter le grès dans l’ancienne carrière

De quoi est constituée ce que nous appelons tourbe ? Plusieurs sondages ont été effectués. Ils montrent que nous sommes loin du modèle classique tourbe fibrique sur le dessus, tourbe saprique en profondeur. On peut même se demander si nous avons ici, réellement, de la tourbe. Dans la plupart des cas, c’est-à-dire sur la plupart des surfaces, on se trouve plus face à un stade précoce d’évolution du matériau où ce sont les racines de sphaignes, la plupart encore vivantes, qui forment l’essentiel de l’épaisseur. Nous n’avons trouvé de stade véritablement saprique qu’en très faible épaisseur à la tourbière pédagogique et à la tourbière basse des Narcettes.

Figure 16 – Principaux types de profils pédologiques sur les tourbières du Plateau de Montselgues

Conclusion de la partie III

Les sols des tourbières du Plateau de Montselgues sont des histosols faiblement développés en épaisseurs et peu évolués vis-à-vis du processus de turbification. Leur caractère actuel est sans aucun doute récent même s’il y a toujours eu des sphaignes sur ce plateau. Leur dynamique semble forte puisqu’elles semblent fossiliser des ouvrages qui ont été édifiés ou ont servi jusqu’à la fin du XIXè siècle. Il serait opportun de fixer un protocole de suivi de cette dynamique.

IV - Approche Climatique : un climat bien arrosé avec une irrégularité toute méditerranéenne

Nous avons vu, dans un chapitre précédent, que les conditions géologiques, géomorphologiques et pédologiques n’étaient pas des plus favorables à la formation ou au maintien de tourbières. Le paramètre essentiel reste, puisque ce sont des milieux hydromorphes, le paramètre eau. Nous nous poserons donc de savoir quelle est la disponibilité en eau de ce milieu, d’une part ce qu’il en est des précipitations et, d’autre part, ce qu’il en est du bilan hydrique, c’est-à- dire de la réelle disponibilité en eau à toutes les saisons. Nous ferons dans un premier temps la somme des connaissances sur la nature des précipitations à partir des données régionales et des données locales, aussi bien que des données acquises par nos propres soins.

Les données de référence disponibles au moment où débute cette étude sont celles de la station de Loubaresse, à 8 kms au nord nord-est de Montselgues. La distance n’est pas considérable et, en plaine, nous aurions pu nous contenter de ces valeurs. Pour la température, les altitudes étant comparables, on peut s’attendre à ne pas voir de grosses différences, d’autant que nous ne sommes pas dans le cas d’une topographie en creux comme celle de Sagne Redonde. Il n’en va pas du tout de même pour les précipitations.

Mazan lÕabbaye Lanarce

Loubaresse

Centre dˇpartemental Mˇtˇorolgique Montselgues

LÕAigoual

Figure 17 – Localisation des stations météorologiques

Figure 18 - Le poste météorologique de Loubaresse

La caractéristique première du plateau ardéchois est la très grande hétérogénité des précipitations dont témoigne le carton pluviométrique de la carte de végétation du Puy (figure 19).

Figure 19 - Carton pluviothermique de l’Ardèche (Carte de végétation du Puy)

Ce carton est assez ancien et il utilise les données normales connues au moment de l’établissement de la carte (1951) d’après les travaux de Bénévent et les données de l’ONM. S’il demande à être actualisé, les caractères généraux qu’il présente n’ont guère changé. Deux caractéristiques remarquables sautent aux yeux :` - D’une part la très grande hétérogénéité des précipitations puisqu’on passe en quelques kilomètres de 900 mm de précipitations annuelles à Langogne à plus de 2000 mm au niveau du plateau à Loubaresse alors que la distance à vol d’oiseau ne dépasse pas 20 kilomètres; Le Puy ne recueille que 660 mm. Dans la basse vallée de l’Ardèche, les précipitations sont un peu plus élevées que sur la Margeride, mais, là encore, l’écart ne s’explique pas seulement par l’effet orographique. - D’autre part, l’alignement des excès pluviométriques suit la ligne de crête du Plateau Ardéchois qui, selon le modèle cévenol, marque un effet de blocage pour les précipitations apportées par les masses d’air humides venant du Golfe du Lion lors des types de temps de sud-est fréquents à l’automne. Sur le plan des températures, on voit apparaître la diminution classique de celles-ci avec l’altitude ainsi que des pôles de froid qui peuvent être dues à des conditions locales, comme à Sagne Redonde où la topographie en creux genère de fortes inversions de température.

Transect langogne Loubaresse

2500 14

12 Précipitations 2000 annuelles 10 moyennes 1500 8 Altitude

1000 6 4 Températures 500 annuelles 2 moyennes 0 0 Aubenas Langogne Loubaresse postes météorologiques

Figure 20 - Orographie, précipitations et températures

Cette opposition de versant n’est pas la seule à régir la répartition des précipitations. On observe également une diminution des précipitations selon l’éloignement de la Méditerranée, comme en témoigne les données de précipitations et températures de l’année 2006.

Ardèche - pluviométrie 2006 Précipitations Stations altitude (mm) Le Beage 1225 1 094 Cros de Georand 1020 1 233 1220 1 030 Le Lac d'Issarlés 1050 1 052 Lanarce 1265 965 Mazan l'Abbaye 1240 1 173 Saint-Etienne de Lugdares 1035 1 462 480 1 796 550 1 691 Loubaresse 1220 2 025 Mayres 610 2 024 Montpezat sous Bauzon 564 1 602 Sablières 540 2 162 Saint-Laurent les Bains 800 1 432 920 2 446 560 1 871

Tableau 1 - Données pluviométriques sur le plateau ardéchois en 2006

Les températures suivent, elles, un schéma plus classique avec une baisse en fonction de l’altitude. Le changement de versant entraîne un gradient plus fort du côté méditerranéen.

Loubaresse a longtemps figuré comme un record pour la région Rhône-Alpes avec des totaux de précipitations généralement supérieurs à 2000 mm. Si la position du village, sur un ensellement entre deux vallées qui coulent l’une vers l’Atlantique et l’autre vers la Méditerranée peut sembler unique, il n’en reste pas moins vrai que nous sommes au cœur d’un secteur géographique où les précipitation ssont extrêmement abondantes. Toujours en se réfèrant à l’année 2006, on note que tous les postes exposés au sud-est obtiennent des valeurs supérieures à 2000 mm et l’altitude n’est pas le seul facteur explicatif puisque la station qui a les plus forts totaux, La Souche, se trouve à seulement 920 mm.

On entend souvent dire que c’est le Mont Aigoual (exaequo avec le Ballon d’Alsace) qui présenterait les plus forts totaux annuels de précipitations à l’échelle du territoire métropolitain, bien que certaines extrapolations situeraient ce point de maximum vers le Plomb du Cantal. Il est certain que la valeur de plus de 4.000 mm en 1996 constitue certainement un record à l’Aigoual mais, si on regarde les choses sur le long terme, les valeurs moyennes (sur la période 1949-1999) sont très comparables :

Données 1949-1999 Loubaresse Mont Aigoual

Moyenne annuelle des températures 7,1 4,6 °C Précipitations annuelles moyennes 2109,5 2213,3 mm

Tableau 2 – Données climatologiques comparées Loubaresse MontAigoual

Si l’on examine les valeurs des autres stations proches, notamment La Souche, où les valeurs sont régulièrement plus élevées qu’à Loubaresse, on voit que nous sommes très proches, voire supérieurs aux valeurs de l’Aigoual. Par ailleurs, de nombreux indices (Paul, 1968) laissent penser que, sur le Massif du Tanargue, les précipitations pourraient être encore plus élevées, ce qui constituerait réellement là un record absolu à l’échelle de la France, record qu’il sera peut-être possible d’établir si nos projets d’implantation de stations climatologiques sur ce site se précisent. La principale difficulté pour apprécier ces valeurs est que, selon les périodes de référence, la très forte variabilité interannuelle rend les comparaisons difficiles. A titre d’exemple, les valeurs de référence actuelles de Météo-France (normale 1971-2000) donnent les valeurs suivantes pour Loubaresse avec une température moyenne annuelle guère changée (aux erreurs d’arrondi près), mais un total pluviométrique inférieur de plus de 100 mm :

Jan fev Mars Avril Mai Juin Juil Août Sept Oct Nov Dec Année Moyenne des minima -2,5 -2,4 -0,8 0,8 5 8,1 11,1 11,3 8,3 4,9 0,5 -1,2 3,5 Moyenne des maxima 3,4 3,7 6 8,3 12,8 16,7 20,6 20,3 16,2 11,3 6,5 4,5 10,8 Moyenne 0,5 0,7 2,6 4,6 8,9 12,4 15,9 15,8 12,3 8,1 3,5 1,7 7,2 Précipitations 208,9 134,5 112,3 180,2 183,1 106 59,6 93,2 213,9 307,1 253,8 215,5 2068

Tableau 3 - Valeurs mensuelles normales (période 1971-2000) de la station de Loubaresse

Le diagramme ombrothermique de Loubaresse met bien en évidence le caractère cévenol des précipitations avec un maximum de précipitations aux mois d’octobre et novembre. On notera que le mois le plus « sec », Juillet, recueille encore près de 60 mm de précipitations, on est loin des 20 ou 30 mm recueillis à Marseille par exemple ; bien évidemment, ces précipitations d’été sont fortement liées aux orages donc très irrégulières.

Caractˇristiques pluvio thermiques Loubaresse

mois 25 350

20 300

250 15 Prˇcipitations mensuelles moyennes 200 Minima mensuels moyens 10 150 Maxima mensuels moyens 5 100 prˇcipitations(mm)

0 50

-5 0 Mai Juin Avril Ao˛t Mars Juillet Fˇvrier Janvier Octobre Novembre Dˇcembre Septembre

Figure 21 – Diagramme ombro thermique du poste de Loubaresse

On peut se poser légitimement, dans ces conditions de grande variabilité spatiale, si cette référence est valable pour le site de Montselgues.

Nous avons donc essayé de combler cette lacune en installant une station climatologique à Montselgues. Elle se compose d’un pluviomètre, d’une sonde de température disposée sous un abri météorologique miniature, et d’un enregistreur automatique qui met en mémoire, à intervalles variables, les mesures de précipitations et de température

Figure 22 Vue du poste climatologique de Montselgues

L’ensemble a été installé à la fin du mois d’avril 2005 et nous avons pu effectuer les premiers relevés à la fin du mois de mai . Il est prévu que les relevés pourront être effectués, à des fins pédagogiques, par l’école de Montselgues ou des groupes en stage au Gîte de la Fage.

Figure 23 - Localisation de la station météorologique de Montselgues sur carte au 1 :25.000

Figure 24 - Localisation de la station météorologique de Montselgues sur photographie aérienne

Les relevés sont effectués par nos soins de manière régulière et communiqués aussi bien au Gîte de La Fage qu’à la Mairie de Montselgues. L’absence de matériel disponible sur place n’a pas permis aux personnes qui le désiraient d’effectuer le relevé eux-mêmes.

Le pluviomètre a malheureusement subi une série de pannes insidieuses (le pluviomètre marchait correctement en présence de l’opérateur) et intermittentes qui l’ont empêché de fonctionner pendant plusieurs mois. Ce n’est qu’à partir du mois de juillet 2006 que l’ensemble a pu fonctionner correctement. Dés décembre 2005, nous avions installé un totalisateur relié au pluviomètre qui a permis d’avoir dés cette date de bonnes indications au pas de temps hebdomadaire. Une nouvelle panne, plus sérieuse, que nous attribuons à la foudre, a endommagé l’enregistreur en juillet 2007. Un nouvel équipement a été installé au mois d’avril 2008 et dispose d’une solution de secours.

Montselgues - Climatologie du mois de mai 2005

25 30

25 20

20 15 Prˇcipitations 15 Minima tempˇrature de l'air Maxima tempˇrature de l'air 10 10 Prˇcipitations (en mm) 5 5

0 0 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 Mai 2005

Figure 25 - Climatologie du mois de mai 2005 à Montselgues

Le relevé des températures a pu se faire normalement de mai 2005 à juillet 2007. Les courbes montrent que la température est en moyenne plus élevée à Montselgues qu’à Loubaresse L’écart moyen mensuel varie de 0.3°C à 0.9°C.

Températures moyennes mensuelles Montselgues et Loubaresse

20 15 10 Montselgues °C 5 Loubaresse 0 -5 juil-05 oct-05 nov-05 juin-05 mai-05 déc-05 août-05 sept-05 année 2005

Figure 26 Températures comparées Montselgues et Loubaresse

La connaissance des précipitations reste cependant fondamentale. Le maire de Montselgues, Joël Fournier, nous a mis en contact avec son oncle, M. Marc Fournier, qui effectue des relevés en amateur au hameau du Petit Paris. Nous avons utilisé des graphiques élaborés par un ingénieur de l’EDF à partir de ses données personnelles et compilé ses relevés pour les années récentes (2004 et 2005) (figure 27). Il apparaît que le total pluviométrique à Montselgues, tout en restant respectable, est cependant inférieur d’environ 25% à celui de Loubaresse. Ces données seront confirmées par les données de la station automatique dés que nous aurons suffisamemnt de valeurs à comparer.

Figure 27- Précipitations comparées Montselgues et Loubaresse

Le pluviomètre de Montselgues a refonctionné correctement de décembre 2005 à juillet 2007. Une nouvelle panne, vraisemblablement due à la foudre qui frappe durement tous les équipements sensibles du plateau (réseau téléphonique notamment) et qui a également touché les autres stations automatiques que nous avions installée sur le plateau, nous a obligés à renouveler l’équipement qui est de nouveau opérationnel depuis le début du mois d’Avril 2008. Les premières estimations des écarts entre les relevés de Montselgues et ceux de Loubaresse se sont trouvés confirmées ; il semble que le chiffre le plus adéquat soit que les précipitations à Montselgues par rapport à Loubaresse représentent 70% de cette valeur de référence régionale. Il semble également qu’il y ait un gradient entre la station du Petit Paris et le plateau de Montselgues. Une étude ultérieure sera menée dés que nous aurons une période de référence suffisamment longue pour effectuer un affinage statistiquement validé.

Nous avons également effectué une étude des températures et précipitations du poste de Loubaresse sur le long terme. Pour ne pas alourdir le chapitre climatologique, nous l’avons reporté en annexe.

Conclusion de la partie IV

Le climat de Montselgues est très proche de celui de la station de référence de Loubaresse, le plus vieux poste du département en dehors du CDM. Cela implique une forte irrégularité saisonnière et interannuelle et un régime typiquement cévenol de répartition des précipitations. La différence la plus notable tient au total des précipitations qui est moins important sur le plateau de Montselgues de 25 à 30% tout en restant fort respectable par rapport à l’ensemble du plateau ardéchois. Le facteur eau, du moins celle qui est apportée par le ciel, n’est donc pas un facteur limitant pour les tourbières. V- Approche hydrologique : un bilan toujours positif mais variable

Nous avons tenté d’établir un bilan hydrologique au niveau du bassin versant du plateau des Narcettes. Ce bilan aura plusieurs objectifs : - déterminer la valeur du bilan hydrique (P-Etr), une tourbière ne pouvant théoriquement exister que dans le cas où il y a un bilan excédentaire P>Etr (ou alors il faut trouver une explication complémentaire) - évaluer les quantités d'eau susceptibles de sortir du BV (c'est l'utilisation principale), ce qui permet de voir s'il y a un contrôle possible du niveau des eaux, - apprécier le déficit estival, plus ou moins compatible avec l'évolution des tourbières. Nous aborderons dans le même temps la question des températures qui, si elles n’ont pas une influence aussi forte que les précipitations, sont un élément des potentialités d’évaporation et, de plus, peuvent avoir des conséquences sur les écosystèmes.

Nous avons fait des calculs de bilan hydrique selon la méthode de Thornwaite (Péguy, 1970), en utilisant une réserve théorique de 50 mm, valeur qui, compte tenu de la granulométrie des sols, semble la plus adaptée, pour les sept dernières années à partir des données suivantes : - ETP calculée par Météo-France à Mazan l’Abbaye, seule valeur disponible sur le plateau, vraisembalablement sousestimée par rapport à celle de Montselgues. - Précipitations estimées par comparaison à celles de Loubaresse sur l’ensemble de la période.

Nous présentons les graphiques des valeurs mensuelles des années correspondant à la période d’études (2004 à 2008) plus les années 2001 à 2003 dont l’histoire est fondamentale pour comprendre la dynamique de l’eau. Elles soulignent la période de sécheresse estivale et les épisodes cévenols de l’automne, bien plus prononcés qu’à Sagne Redonde.

Bilan hydrique mensuel 2001  Montselgues

500

400

300 ETP Prˇcipitations 200 ETR Dˇficit 100 Drainage

0 Juil Oct Mai Fev Dec Nov Juin Avril Aout Sept Janv -100 Mars mois

Figure 28 – Bilan hydrique mensuel 2001 à Montselgues

L’année 2001 est une année humide, comme elle l’a été dans toute la France en général et comme l’a été également 2002. Cela a été oublié rapidement dés 2003 puis lors des années suivantes relativement sèches. Cette année présente un déficit estival modéré et surtout assez régulier. Le drainage, c’est-à-dire l’alimentation en eau de la nappe est effectif quasiment tous les mois de l’année sauf en juin et août.

Bilan hydrique mensuel 2002  Montselgues

500

400

300 ETP Prˇcipitations 200 ETR Dˇficit 100 Drainage

0

Mai Juil Oct -100 Janv Fev Mars Avril Juin Aout Sept Nov Dec mois

Figure 29 – Bilan hydrique mensuel 2002 à Montselgues

L’année 2002 est une année humide caractérisée par des précipitations fortes en automne. C’est l’année la plus humide de celles que nous étudions dans le cadre de ce rapport. On verra en annaexe une étude faite sur le temps long. Le déficit estival est limité aux mois de juillet et d’août.

Bilan hydrique mensuel 2003  Montselgues

600

500

400 ETP 300 Prˇcipitations 200 ETR Dˇficit 100 Drainage 0 Juil Oct Mai Fev Dec Nov Juin

-100 Avril Aout Sept Janv Mars mois

Figure 30 – Bilan hydrique mensuel 2003 à Montselgues

L’année 2003 représente un paradoxe : l’année est normale au point de vue de la pluviométrie. En revanche, on observe un déficit cumulé élevé dés le mois de mai. Le mois d’août caniculaire n’est responsable que d’une partie de ce déficit. En revanche, dés le mois de septembre, la pluie revient.

Bilan hydrique mensuel 2004  Montselgues

500

400

300 ETP Prˇcipitations 200 ETR Dˇficit 100 Drainage

0

Mai Juil Oct -100 Janv Fev Mars Avril Juin Aout Sept Nov Dec mois

Figure 31 – Bilan hydrique mensuel 2004 à Montselgues

L’année 2004 réédite un peu ce scénario avec un déficit d’été marqué dans le cadre d’une pluviométrie voisine de la normale.

Bilan hydrique mensuel 2005  Montselgues

500

400

300 ETP Prˇcipitations 200 ETR Dˇficit 100 Drainage

0

Mai Juil Oct -100 Janv Fev Mars Avril Juin Aout Sept Nov Dec mois

Figure 32 – Bilan hydrique mensuel 2005 à Montselgues

Il en est de même pour l’année 2005 où on trouve quatre mois déficitaires successifs dans le cadre d’une année peu pluvieuse. C’esr là que, d’après les observations, on observe le minimum de niveau de l’eau dans les tourbières depuis 2004.

Bilan hydrique mensuel 2006 

500

400

300 ETP Precipitations 200 ETR Deficit 100 Drainage

0 Juil Oct Fev Mai Dec Nov Juin Janv Avril Sept Aout -100 Mars mois

Figure 33 – Bilan hydrique mensuel 2006 à Montselgues

L’année 2006 marque une rupture puisque le déficit est faible et se marque seulement au mois de juin et de juillet. Les précipitations particulièrement importantes de fin d’année sont susceptibles de recharger efficacement les nappes.

Bilan hydrique mensuel 2007 à Montselgues

300

250

200 ETP 150 Precipitations ETR 100 Deficit Drainage 50

0

l n l t ri ui ut ec anv Fev ars Mai ui J ep Oct D -50J M Av J Ao S Nov mois

Figure 34 – Bilan hydrique mensuel 2007 à Montselgues

L’année 2007 est l’année qui est théoriquement l’année qui devrait être la plus déficitaire puisque c’est celle, pour toute la période étudiée, où les précipitations sont les plus élevées et où le drainage est le plus faible. Il conviendra de voir si cela s’est traduit dans le niveau des nappes et, partant, celui des tourbières.

Valeurs bilan hydrique Montselgues (en mm) Année Précipitations ETP ETR Drainage 2001 1256 682 551 705 2002 1599 688 580 1019 2003 1568 872 420 1148 2004 1396 792 523 873 2005 1006 829 438 568 2006 1518 840 491 1027 2007 925 827 531 394 2008 Moyenne 1324 790 505 819

Tableau 4 – Valeurs du bilan hydrique pour les sept dernières années à Montselgues

Montselgues Valeurs du bilan hydrique

1800 1600 1400

1200 Précipitations 1000 ETP 800 ETR 600 Drainage 400 200 0 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 années 2001-2007

Figure 35 - Valeurs du bilan hydrique pour les sept dernières années à Montselgues

Le tableau 4 et la figure 35, qui en est issue, devraient laisser présager une baisse notable des niveaux d’eau puisque depuis 2001, la tendance est à une moindre pluviosité et à un ebaisse du drainage.

Conclusion de la partie V

Les outils dont nous disposons sur le Plateau de Montselgues semblent suffisants, malgré leur imprécision (mais combien de sites disposent-ils d’une station climatologique), pour déterminer les conditions hydriques au niveau des ensembles tourbeux. L’irrégularité climatique que l’on pouvait soupçonner compte tenu de la position géographique du Plateau de Montselgues se confirme. Nous avons eu l’occasion, depuis que nous parcourons cet espace, de connaître des conditions climatologiques très variées : à l’année 2003, chaude et déficitaire au plan hydrique et aux années qui l’ont suivi, également déficitaires, s’opposent des années plus humides, 2001 et 2002 que nous n’avons pu suivre sur le terrain et surtout 2006. Dans ce contexte bien établi, nous pouvons nous demander comment ont réagi les eaux de surface et les eaux de nappe qui alimentent les tourbières. VI Approche hydraulique : un réseau intermittent

Sur le plateau de Montselgues, nous avons repéré deux sites pour des mesures de débit, un à l’exutoire des Narcettes, en un lieu, certes très mal calibré, mais où l’ensemble des eaux du bassin versant sont forcées de passer, l’autre à la tourbière de la Croix de Montas car il est intéressant de voir, l’hypothèse étant que toutes ces tourbières sont alimentées par le même aquifère, si les variations de débit sont corrélées. Nous n’avons pas, pour le moment, suffisamment de données pour mener à bien ce travail de correlation ; ceci sera fait ultérieurement, dans le cadre du suivi à long terme de ce site. Les premières mesures n’ont pu être effectuées qu’au mois de décembre 2004 a pu être faite, puisqu’au mois de juillet, il n’y avait, en raison du manque d’eau, aucun écoulement en dehors du bassin versant : Mesure du 7 décembre aux Narcettes: 17,2 litres/seconde Mesure du 7 décembre à la Croix de Montas : 3,9 litres/seconde

Les caractéristiques des sites, aussi bien à n’ont pas permis d’installer un équipement permanent. Nous avons donc effectué des mesures ponctuelles, une par mois, delon le protocole adopté lors du GHZH « Tourbières » (Laplace-Dolonde, 2001). Nous avons débuté cette série de mesures en juillet 2004, pour y constater qu’il n’y avait pas de sortie d’eau à l’exutoire. Nous avons poursuivi les relevés jusqu’au mois de juillet 2008 et il sdevraient se pousuivre encore quelques années. La séquence montre une extrême irrégularité des débits (figure 36). Nous avons mis en regard de la figure, les variations piézométriques . On se trouve devant un système sans inertie.

Exutoire du bassin versant des Narcettes - débits (relevés mensuels) et relevé piézométrique sur la tourbière principale

35 0,16

0,14 30

0,12 25

0,10 20 Niveau piézométrique 0,08 Débit exutoire 15 (m3/sec.) 0,06

10 0,04 débit àdébit l'exutoire Narcettesdes 5 0,02

0 0,00 20/07/04 20/09/04 20/11/04 20/01/05 20/03/05 20/05/05 20/07/05 20/09/05 20/11/05 20/01/06 20/03/06 20/05/06 20/07/06 20/09/06 20/11/06 20/01/07 20/03/07 20/05/07 20/07/07 20/09/07 20/11/07 20/01/08 20/03/08 20/05/08 dates des relevés

Figure 36 Mesures de débit aux Narcettes

Si l’on rapporte le débit moyen relevé au surplus hydrologique ou drainage théorique résultant du bilan précipitations – ETR, nous avons, pour les quatre années de mesure, une moyenne de 17,5 litres par seconde. La moyenne des relevés s’établit à 15,7 litres par seconde, ce qui, compte tenu des difficultés de mesure, est tout à fait correct. On note également que, depuis le point zéro que constitue l’absence d’écoulement du mois de juillet 2004, les débits ne semblent pas traduire un fléchissement marqué. Il semble au contraire qu’ils aient acquis une certaine régularité.

Cette irrégularité des débits pose un certain nombre de questions que nous avons déjà abordées dans le premier rapport : - Tout d’abord, les tourbières, et ce n’est pas étonnant compte tenu de leur faible étendue, ne jouent aucun rôle tampon. - Ensuite, ces milieux sont soumis à des conditions d’écoulement qui ne semblent pas compatibles avec ce qu’on connaît d’ordinaire pour une tourbière. Il y a là un phénomène qui demande des explications complémentaires

Nous nous sommes surtout concentrés sur le débit à l’exutoire qui donne une image globale de la tourbière et de son bassin versant. En revanche, cette indication ne renseigne pas sur le comportement de détail ni sur les trajets de l’eau au travers des différents compartiments du bassin versant. Ce point est d’importance car, dans le contexte spécifique du réseau de tourbières du plateau de Montselgues, nous nous trouvons face à de petites tourbières séparées les unes des autres par des espaces très secs.

Nous avons donc décidé de mener une campagne de mesure des écoulements à l’intérieur du bassin-versant des Narcettes, à tous les endroits où cela était possible et où on se trouve à un point particulier du réseau. Ces positions sont, à partir de l’exutoire : - l’exutoire, - les deux émissaires qui collectent les eaux des deux parties nord et sud du bassin versant juste avant leur confluence, - la sortie de la tourbière qui s’est développée dans l’ancienne carrière, - les deux sorties de la grande tourbière, - la sortie de la tourbière pédagogique, - nous avons essayé de mesurer le débit à la sortie de la mare qui sert d’abreuvoir, mais ce débit est trop faible pour être mesuré.

Parrallèlement, nous avons fait le même type de mesure au niveau de la tourbière de Montas, sur la Cham de Chabreille, à l’entrée et à la sortie de l’eau sur la tourbière. L’alimentation de la tourbière est assurée par une source au débit relativement régulier et qui varie saisonnièrement. La mesure en sortie est effectuée à l’exutoire principal constitué du seuil d’antrée dans le bassin, et à un exutoire secondaire, une petite rigole qui court dans la forêt.

Les mesures ont été faites au moulinet le 26 avril 2007. Cette date a été choisie pour deux raisons : - nous sommes théoriquement à une époque où les nappes sont rechargées et où les écoulements sont établis, - il n’avait pas plu depuis une bonne semaine et les ruissellements de surface ont donc été évacués depuis longtemps. Les modes découlement sur le site de Montselgues ne sont pas favorables à une bonne précision des mesures : les cours d’eau dans lesquels nous opérons sont des petits filets qui courent dans les espaces ouverts, l’exutoire est encombré de rochers qui donnnent un flux peu linéaire. Cependant, la répétition des mesures dans des conditions identiques donne des valeurs similaires, ce qui laisse à penser que ces valeurs sont exploitables. Le tableau 1 donne les valeurs relevées. Il s’agît de valeurs instantanées mais, en raison des conditions, elles sont très représentatives de ce qu’il se passe une bonne partie de l’année. C’est surtout lors des périodes extrêmes (fortes précipitations ou fonte d’une part, sécheresse estivale) que ce schéma n’est pas valable. En revanche, au printemps, lors du démarrage de la saison végétative, il semble tout à fait utilisable. C’est au mois de juillet que les débits deviennent très faibles.

Lieu débit (m3.sec-1)

Narcettes exutoire 0,01083 Emissaire nord 0,00247 Emissaire Sud 0,00241 Exutoire carrière 0,00085 Sortie Grande Narcette 1 0,00087 Sortie Grande Narcette 2 0,00115 Sortie tourbière pédagogique 0,00025 Montas source 0,00091 Montas amont bassin 0,00064 Montas filet latéral 0,00027

Tableau 5 - Débits instantanés relevés le 26 avil 2007

Ces mesures ont été complétées par des observations sur les zones de sources, les écoulements intermittents ou pérennes.

De ces mesures et observations, nous avons élaboré deux représentations cartographiques, une par tourbière ou ensemble de tourbières (figure 37 : Les Narcettes figure 38 : la Croix de Montas/ Cham de Chabreille)

Sur les Narcettes, Le premier enseignement global, déjà issu des observtaions de terrain, est que nous sommes dans des conditions où l’infiltration est l’un des élements forts de la circulation de l’eau. Ceci concerne tout l’ensemble des tourbières des Narcettes, aussi bien à l’amont de l apremière tourbière qu’au dessous de la grande tourbière. Dans le détail, on voit que les écoulements superficiels représentent peu par rapport aux écoulements souterrains. L’exemple le plus frappant se situe avant l’exutoire : les deux émissaires représentent au total 4,8 litres par seconde de débit. Or, en quelques dizaines de mètres, ce total va doubler puisqu’on se retrouve, à l’exutoire, avec un débit de 10 l/s, uniquement grâce aux apports souterrains qui créent, juste avant la rupture de pente qui conduit au versant raide situé sous le plateau, une zone très hydromorphe. Les deux filets qui sortent de la grande tourbière s’infiltrent en général assez rapidement. On retrouve leurs valeurs quasiment à l’identique à l’émissaire sud. Ce n’est pas le cas de l’eau qui sort de la carrière. Les valeurs des deux émissaires sont les mêmes ; elles rendent compte d’un bon partage des drainages dans l’espace des Narcettes.

Figure 37

La situation est beaucoup plus simple sur la tourbière de Montas, elle serait un peu plus complexe si nous avions pris en compte la zone humide qui se trouve à l’aval qui est, à notre avis, la réplique de la zone humide que l’on trouve juste au-dessus de l’exutoire des Narcettes.

Figure 38 Sur la tourbière de Montas, nous avons peu de données, deux points de mesure, mais elles rendent compte d’un fait essentiel : les valeurs d’entrée et de sortie de la tourbière sont équilibrées. Il est évident qu’il peut y avoir d’autres arrivées d’eau, mais elles sont compensées par d’autres sorties et, de toutes manières, elles sont sans doute beaucoup plus faibles. Au dessus de la zone de source, les eaux de pluie s’infiltrent directement et en permanence, même lors de précipitations importantes. Au dessous du bassin, l’infiltration est de nouveau forte et l’écoulement aérien s’interrompt très vite au printemps.

Conclusion de la partie VI

L’étude des débits à l’exutoire des Narcettes montre que ces tourbières sont soumises à des conditions d’écoulement qui semblent peu compatibles avec leur existence. L’étude des débits de détail montre bien l’alernance de phases d’écoulement aérien et d’infiltration. A l’échelle de ces petits bassins versants, les quantités infiltrées sont loin d’être négligeables : en aval de la grande tourbière des Narcettes, elles représentent 20% de l’écoulement total. Sauf tout à fait en contrebas du site, lorsque l’arène argileuse limite l’infiltration, c’est le phénomène dominant. On peut se demander alors comment il se fait que ces tourbières puissent se maintenir, d’autant que très peu d’entre elles, et les plus petites uniquement, reposent sur l’arène argileuse. Notre hypothèse d’un débordement de la nappe semble alors se confirmer.

Figure 39 – Etat de l’eau et circulation sur leplateau de Montselgues

L’autre conclusion est que la part très réduite des écoulements aériens rend difficile la maîtrise des niveaux d’eau. On rejoint là une des conclusions de l’étude des aménagements hydrauliques anciens : là où il y en a, c’est qu’il est possible d’en faire, c’est-à-dire de restaurer ceux qui existent déjà. Là où il n’y en a pas, c’est qu’ils sont vraisemblablement très peu efficaces. Un bon exemple d’aménagement hydraulique efficace est celui du bassin de la tourbière de Montas : il suffit, si on veut faire remonter le niveau des eaux dans la partie basse de la tourbière, de renforcer l’effet de seuil au niveau du bassin. A contrario, au niveau de la grande tourbière des Narcettes, les ambitions doivent être plus limitées. VII Approche piézométrique : des niveaux en hausse récente

Afin de mieux suivre le débit de cette nappe qui est tout à fait primordiale pour l’équilibre en eau des tourbières, nous avons installé, au contact entre la ligne de sources et la tourbière des Narcettes, un enregistreur. Le dispositif de mesure du niveau de l’eau a été installé le 17 juillet 2005 sur la tourbière sud des Narcettes (figure 40). Il s’agit en fait d’un limnimètre, relevé d’abord de manière manuelle puis automatisé à partir du 4 octobre 2005 (Appareil Thalimèdes de chez OTT).

Figure 40 - Le limnimètre automatique installé dans la tourbière sud des Narcettes

Deux modes de relevés ont été utilisés : - chaque mois, un relevé manuel sur l’extérieur du tube (l’enregistreur rendant impossible un relevé à l’intérieur de celui-ci), - toutes les six heures, l’enregistreur scrute le niveau de l’eau et le note dans sa mémoire interne

Nous présentons ci-après une première série de relevés sur une période de dix mois. Deux références pluviométriques sont utilisées : - pour les relevés au pas de temps mensuel, le total relevé à la station de Montselgues (estimation à partir des données de Loubaresse en début de période) (figure 33), - pour l’enregistreur, des totaux pluviométriques décadaires (figure 34).

Le niveau de référence est une moyenne du fond de la mare dans lequel est placé le limnimètre. Il sera impératif de recaler topographiquement ce point. Variations limnimétriques tourbière des Narcettes

0,25 250

0,2 200

0,15 150 pluviométrie du mois niveau

niveau 0,1 100

0,05 50 Précipitations Précipitations (mm)

0 0 17/07/2006 08/09/2005 04/10/2005 08/11/2005 05/01/2006 03/03/2006 11/05/2006 dates des relevés

Fig. 41 Variations limnimétriques – relevé manuel

Variations limnimétriques Site des Narcettes

0,35 180

160 0,3

140

0,25 120

0,2 100 Précipitations Niveaux niveau niveau 80 0,15

60 précipitations décadaires (mm précipitations décadaires 0,1 (

données pluie 40 mars -mai encore 0,05 indisponibles 20

0 0 04/10/2005 09/10/2005 14/10/2005 19/10/2005 24/10/2005 29/10/2005 03/11/2005 08/11/2005 13/11/2005 18/11/2005 23/11/2005 28/11/2005 03/12/2005 08/12/2005 13/12/2005 18/12/2005 23/12/2005 28/12/2005 02/01/2006 07/01/2006 12/01/2006 17/01/2006 22/01/2006 27/01/2006 01/02/2006 06/02/2006 11/02/2006 16/02/2006 21/02/2006 26/02/2006 03/03/2006 08/03/2006 13/03/2006 18/03/2006 23/03/2006 28/03/2006 02/04/2006 07/04/2006 12/04/2006 17/04/2006 22/04/2006 27/04/2006 02/05/2006 07/05/2006 dates

Figure 42 Variations limnimétriques enregistrées au pas de temps de 6 heures

Les deux graphiques ne donnent pas les mêmes renseignements. La figure 41 permet de saisir l’ensemble des mouvements. On note en particulier la vigoureuse remontée de la nappe en début d’automne, puis une grande stabilité jusqu’au printemps.

La figure 42 met en relief des variations extrêmement rapides en fonction des évènements climatiques qui échappent complètement au relevé manuel. Il apparaît également des phases hivernales de niveau relativement bas qui correspondent sans doute au gel de la tourbière.

Ces premiers relevés devront être poursuivis pour permettre de répondre à un certain nombre d’autres questions telles que le rôle-tampon de la nappe des grès. Il faudra pour cela disposer de données pluviométriques au même pas de temps que les données de l’enregistreur linmimétrique. Nous comptons également mettre en évidence les effets de recharge et de décharge de la nappe. Ce travail reste à mener.

Ce point de mesure est historiquement le premier du réseau du plateau prévu dans le cadre de Life « Tourbières du Plateau de Montselgues ».

La logique de ce réseau était de comparer le rythme des variations de niveau des nappes des différentes tourbières, il a ainsi été équipé trois autres tourbières (Montas, Inassas, Rouveyrettes), L’installation s’est faite au moment où les nappes étaient relativement basses pour être sûr d’avoir une garde suffisante et ne pas se retrouver avec des piézomètres « secs » dans quelques mois. Il a été employé des tubes de 100 mm de diamètre Ils ont été installés en compagnie de Joël Fournier, maire de Montselgues, le 26 juillet 2006. Lors des sondages, il a été noté la présence d’arène argileuse très localisée à Inassas et à la Tourbière basse des Narcettes. En revanche, celle-ci est absente sur les autres sites, on a de l’arène simple.

Figure 43 - Joël Fournier à la tourbière de la Croix d’Inassas

Cinq piézomètres ont été installés : - un aux Narcettes, dans la tourbière basse (Na2) - deux à la Croix de Montas (Mo1 et Mo2) - un à la croix d’Inassa, dans un fossé, il s’agît plus d’un limnimètre, - un sur les gorges de la Rouveyrette.

Figure 44 - Localisation de l’ensemble du réseau de mesures sur la carte topographique au 1 :25.000

Figure 45 - Localisation de l’ensemble du réseau de mesures sur la photographie aérienne

Figure 46 - Localisation des piézomètres du secteur nord du plateau sur carte topographique au 1 :25.000

Figure 47 - Localisation des piézomètres du secteur nord du plateau sur photographie aérienne

Figure 48 - Localisation des piézomètres du secteur sud du plateau sur carte topographique au 1 :25.000

Figure 49 - Localisation des piézomètres du secteur sud du plateau sur photographie aérienne

Dans un premier temps, pour bien voir les différences de réaction des différents postes aux évènements climatiques, il a été décidé d’effectuer un relevé hebdomadaire. Nous sommes passés ensuite à un relevé mensuel.

Les premiers relevés ont eu lieu en août 2006, après que les niveaux se soient stabilisés, et ils s’effectuent toujours à l’heure actuelle. Nous disposons ainsi d’une série de mesures qui s’étale sur trois ans pour le premier piézomètre et deux ans pour les autres. Ceci est notoirement insuffisant pour rendre compte convenablement des différences de réactions entre les différentes tourbières. Il faudra le faire lorsque nous aurons un historique plus conséquent. Il apparaît cependant un fait d’ensemble tout à fait notable : les niveaux d’eau sont partout à la hausse. Cette hausse peut se décomposer en deux phases : une hausse massive à l’automne 2006 qui marque la fin d’une période de sécheresse relative qui débute à l’été 2003, puis une hausse plus lente à partir de l’hiver 2006. On peut s’étonner que l’année 2007 qui est celle où le drainage a été le plus bas se traduise par une remontée continue des niveaux . Deux élements ont pu jouer en la faveur d’une remise en eau des sites : - l’impact de l’année 2006, année à la pluviométrie abondante mais pas exceptionnelle, - une bonne répartition des précipitations au cours de l’année.

Ceci voudrait dire qu’une seule année pluvieuse est capable, malgré une succession d’années déficitaires (2003, 2004 et 2005) de restaurer la situation hydraulique du site. Piˇzom¸tres Montselgues juillet 2005 - juillet 2008

700 40

600 30

Pluie 500 20 Na1 Na2 In1 Mo1 400 10 Mo2 Ro1 Linˇaire (Na2) 300 0 Linˇaire (Na1) Linˇaire (In1) Linˇaire (Mo1) niveau piˇzomˇtrique 'cm) piˇzomˇtrique niveau 200 -10 Linˇaire (Mo2) Linˇaire (Ro1)

100 -20

0 -30 08/11/05 11/05/06 11/08/06 10/11/06 30/11/07 17/07/05 21/09/05 02/02/06 18/07/06 01/09/06 22/09/06 13/10/06 07/12/06 26/01/07 09/03/07 20/04/07 05/06/07 26/06/07 31/07/07 07/09/07 19/10/07 13/02/08 09/04/08 15/07/08 dates des relevˇs - Figure 50 Piézomètres du Plateau de Montselgues – Relevés 2005-2008

Conclusion de la partie VII

Le réseau de piézomètres qui a été installé sur le site du plateau de Montselgues n’a pas encore donné toute la mesure de ses enseignements : il sera le moment venuun instrument de suivi des impacts des différents aménagements qui pourraient être faits sur ce site, notamment les aménagements hydrauliques. Les premiers résultats montrent néanmoins que les tourbières disposent d’éléments de robustesse. Il a suffi d’une année de pluviométrie importante pour recharger les nappes. Il conviendra de voir si ce phénomène est unique ou si, comme nous le supposons, il est un élément récurrent de la vie des tourbières. Une étude sur les variations hydriques sur le long terme est jointe en annexe, elle peut nous permettre de nous inscrire dans le long terme.

VIII Approche sur la qualité des eaux : des eaux acides et pauvres

Lorsque nous avons débuté nos investigations, nous envisagions de procéder à des analyses d’eau avec deux objectifs : - déterminer un mode d’alimentation commun des tourbières, partant du principe que des qualités d’eau communes indiqueraient une origine commune, - déceler d’éventuelles variations saisonnières.

Nous nous sommes limités à des paramètres simples, pH et conductivité, qui sont amplement suffisants pour avoir une première approche, nous réservant la possibilité de procéder à des analyses plus complètes en cas de besoin : c’est ce qu’a fait le CREN lorsqu’a ét ésuspecté la présence de cyanobactéries dans certains points d’eau de la tourbière des Narcettes. Les relevés ont été effectués à l’aide d’un matériel de terrain électronique classique : pHmètre et conductimètre électroniques. Quatre campagnes ont été effectuées à des saisons différentes, de 2004 à 2007. Les points de mesure ont, autant que possible, été conservés, mais il a fallu parfois, en fonction des localisations d’eau libre, se déplacer de quelques mètres entre deux campagnes de mesures. Nous présentons ci-après deux tableaux de résultats simplifiés.

Plusieurs enseignements ont été tirés de ces campagnes de mesures : - Nous nous trouvons devant des eaux généralement acides, extrêmement oligotrophes : le pH est aux alentours de 5.5, les conductivités tournent autour de 24 µs.cm-1 en été et 19 µs.cm-1 en hiver. Ces valeurs, particulièrement la conductivité, sont des valeurs très basses, indiquant une eau très faiblement chargée : quelques milligrammes de silice, 4 mg de calcium tout au plus. - Il y a une variation saisonnière, mais celle-ci n’a été observée que pendant les années sèches qui ont suivi l’année 2003 ; elle se traduit par des pics de conductivité dans l’eau libre correspondant à un début de minéralisation. Dés les premières pluies d’automne, la valeur de la conductivité retombe aux valeurs hivernales qui sont très homogènes. - L’homogénéité des valeurs ne renseigne pas à coup sûr sur l’unicité de l’alimentation en eau : les valeurs relevées sont classiques sur le plateau ardéchois.

Relevés pH et conductivité sur le Plateau de Montselgues

Température pH Conductivité Point de mesure °C µs.cm-1 Relevés du 20 juillet 2004

Mare sommitale 29,2 5.5 23 Drain mare sommitale 26,5 6 27 Tourbière pédagogique 1 26,7 5.5 23 Tourbière intermédiaire des Narcettes1 17,9 5.6 25 Tourbière intermédiaire des Narcettes1 profondeur 15,2 5.6 45 Grande Narcettes 31,1 5.8 19 Grande Narcettes profondeur 25,3 5.4 51 Tourbière basse des Narcettes 21,1 5.7 19 Exutoire Narcettes 11 5.6 17 Montas amont 11,3 5.2 21 Montas mare amont 30 5.7 17 Montas flaque aval 21,2 5.7 23 Montas exutoire 18,8 6.1 24 Inassas exutoire tourbière 28,8 5.4 22 Rouveyrettes 1 17 5.4 17 Rouveyrettes 2 20,8 5.3 18

Relevés du 21 février 2007

Tourbière pédagogique 1 12,6 5.5 24 Grande Narcettes 9,5 5.2 25 Tourbière basse des Narcettes 10,2 5.2 13 Exutoire Narcettes 7,6 5.4 16 Montas amont 7,4 5.6 21 Montas exutoire 5,1 5.6 17 Vernède ru 6 5.6 15 Inassas Piézo 6,2 5.6 17 Rouveyrettes 1 5,9 5.3 20 Rouveyrettes 2 8 5.6 21 Rouveyrettes 3 7,5 5.2 19 Rouveyrettes 4 7,1 5.2 19

Tableau 6 – Relevés de conductivité sur le plateau de Montselgues

Conclusion de la partie VIII

L’analyse sommaire des eaux réalisée en plusieurs campagnes sur le Plateau de Montselgues donne le tableau d’une qualité tout à fait compatible avec l’existence de tourbières oligotrophes, sauf lors d’épisodes estivaux, avec des eaux très peu chargées. Ce n’est pas un critère qui permet de déterminer à coup sûr si l’ensemble des tourbières est alimenté par la même nappe mais d’autres indices, notamment géomorphologiques, vont dans ce sens. IX Le rôle de la forêt : un champ d’étude peu abordé

Ce chapître sera très succint par rapport aux autres car nous avons effectué peu de mesures sur ce phénomène. Lorsque nous sommes arrivés sur le Plateau de Montselgues, nous étions dans la perception d’une forêt interceptant de grosses quantités d’eau au niveau des couronnes. Des mesures avaient été faites sur ce sujet en Laonnois et montraient qu’un couvert forestier de résineux dense était capable de prélever jusqu’à 75% des précipitations. Or, ces données avaient été établies dans un contexte de climat océanique, avec peu de pluies intenses. Les observations de terrain réalisées sur le plateau montrent deux choses : - en tout premier lieu, les couverts forestiers sont loin d’être homogènes et les couverts très denses de plantations serrées sont loin de couvrir de grandes superficies, - surtout, nous avons eu l’occasion de séjourner sur le terrain lors de pluies fortes et continues, les fameux épisodes cévenols : on observe que, sur les landes, le ruissellement est important alors que, sous forêt, il est quasiment inexistant, c’est alors l’infiltration qui est privilégiée.

Ce rôle négatif de la forêt sur l’alimentation en eau doit donc être pondéré.

X- Les aménagements hydrauliques : un élément fondamental pour les tourbières

Des conclusions précédentes, il apparaît que les caractères locaux ne sont pas a priori les plus favorables à l’existence de tourbières : - la topographie ne présente pas de formes en creux susceptibles de former de petits bassins versants élémentaires, on est au contraire face à une topoographie d’ensemble convexe, - la géologie se compose o d’un grès aquifère où la nappe est de faible épaisseur (quelques mètres) sur la partie sommitale, o d’un socle granitique largement fissuré, o entre les deux, des couches d’arène avec une fraction argileuse pauvre (5 à 10%) qui peut localement en partie compenser la perméabilité ou la fissuration des roches, - le climat du site, s’il est a priori favorable au développement de milieux tourbeux, avec des températures relativement basses (moyenne annuelle de 8°C) et des précipitations abondantes (1500 mm annuels), présente l’inconvénient majeur de l’irrégularité saisonnière et interannuelle, l’influence méditerranéenne se traduisant par une sécheresse d’été marquée et par des précipitations automnales abondantes, les fameux épisodes cévenols, les années « sèches » succédant à des années plus humides.

Cependant, la récurrence du phénomène d’accumulation tourbeuse sur de petites surfaces montre qu’il y a un certain nombre de phénomènes locaux qui sont à même de favoriser leur génèse. Nous en avons idéntifié deux : - la concentration des eaux par la topographie, - les modifications apportées à l’hydraulique par les sociétés qui ont vécu sur ces espaces.

Il faut bien réaliser que, si les tourbières demandent un bilan hydrologique largement positif, la disponibilité en eau a toujours été un problème sur ces hauteurs, particulièrement dans le cas d’une économie rurale fortement consommatrice d’eau pour les usages domestiques (il y a dix fois plus d’habitants à Montselgues au XIXè siècle qu’aujourd’hui), pour les usages artisanaux (on fabrique énormément de produits du quotidien sur place) et surtout pour l’abreuvement des bêtes, l’activité essentielle du village. Ajoutons à cela la nécessité de disposer de lieux pour l’élevage du poisson, indispensable en pays catholique, les fameux viviers qui ont, semble-t-il, donné leur nom au Vivarais. Pour compenser l’irrégularité des précipitations, les paysans de l’époque ont fait comme tout paysan, ils ont aménagé des retenues d’eau au débouché de chaque source.

Nous avons commencé à prendre conscience de l’importance de ces aménagements sur les lors des premières reconnaissances. En deux sites, la maçonnerie est extrêmement apparente (tourbière basse des Narcettes, tourbière de la Croix deMontas). Cependant, au fur et à mesure des parcours du plateau, il nous est apparu qu’à chaque site tourbeux correspondait un aménagement hydraulique. Celui-ci peut être de plusieurs types que nous essaierons de décrire. Peut-on en conclure que, en l’absence de ces aménagement, il n’y aurait pas de tourbières sur le plateau ? Elles auraient certainement un extension différente, mais la dynamique turfigène est tellement importante qu’on peut penser que le fait tourbeux est depuis longtemps établi.

Dans cette partie du document, nous avons essayé de localiser les principaux aménagements repérés sur le terrain et nous essaierons d’en estimer l’usage. Il s’en faut que nous puissions rendre compte de la diversité et de l’abondance des traces laissées par les sociétés rurales sur ce plateau autrefois densément occupé. Il convient surtout, au-delà de ce regard sur le passé, de voir quel parti peut tirer le gestionnaire de cet inventaire.

Nous les regrouperons Les principaux aménagements par sites. Il y en a quatre principaux : - le site des Narcettes, - le site de la Cham de Chabreille (Montas), - le site de la Cham de laVernède-Inassas, - le site des Granges de la Rouveyrette,

Chacun de ces sites semble avoir une personnalité en ce qui concerne les aménagements hydrauliques.

Pour chacun de ces sites, regroupés sur la même figure lorsque la taille le permet, nous présentons : - une carte de localisation des principaux éléments repérés avec un nom renvoyant à une table de leurs coordonnées géographiques, - une carte synthétique avec une esquisse de typologie des éléments hydrauliques,

Le site des Narcettes est le plus complet au point de vue de l’étagement des tourbières. On en trouve, liées à des niveaux de sources, quasiment de l’altitude sommitale jusqu’à la rupture de pente qui marque la vallée de la Borne.

Nous y trouvons les élements suivants, de haut en bas (figure 51 et 52)

- Un ensemble composé de la tourbière pédagogique et de la mare qui la domine. On peut émettre l’hypothèse que la tourbière, légèrement en creux et de faible épaisseur de tourbe, reposant sur un peu d’arène argileuse, est une ancienne mare, ou le trou formé par l’extraction des matériaux nécessaires à l’édification de la mare qui se trouve au-dessus. - La grande tourbière des Narcettes. Celle-ci a fait vraisemblablement d’un aménagement important à des fins piscicoles. Cela nous a été dit lors de la journée natura 2000 où une personne nous a parlé de poissons dans cette partie du site, partant du principe qu’ils remontaient le ruisseau. Ceci n’est pas possible, il est donc facile de déduire qu’ils étaient entreposés là à des fins d’élevage. De plus, lors des prospections pédologiques, nous avons clairement identifié des secteurs surcreusés dans les rus correspondant à autant de bassins, armés de roches en place ou rapportées (figure 53)

Figure 51 Types d’aménagements hydrauliques sur le secteur des Narcettes-Montas-Chabreille

Figure 52 Localisation des principaux aménagements hydrauliques Tourbière des Narcettes

Figure 53 Profondeur des rus de la Grande tourbière des Narcettes

- Plus en contrebas, on trouve les restes d’une ancienne carrière qui a du fournir les pierres de construction des hameaux proches. On trouve, aux endroits les plus profonds, un peu d’arène argileuse, mais elle n’a pas du être exploitée car trop localisée. Après la période d’extraction, une digue très identifiable, de blocs de grès et de terre a été édifiée. Le bassin ainsi formé a été envahi par les sphaignes qui ont donné la tourbe. - A partir de cet endroit, l’écoulement est le plus souvent pérenne et les petits ouvrages d’hydraulique vont se succéder de plus en plus rapidement. Ce sont tantôt de grands bassins aujourd’hui vides, tantôt de petites mares avec, à chaque fois, les traces des anciennes diguettes qui leur ont donné naissance. - C’est juste avant la rupture de pente qu’on trouve l’aménagement le plus important : le ru a été canalisé pour pouvoir laisser la place à un replat qui était fort probablement cultivé, bénéficiant d’un apport régulier d’eau. - Il y a certainement d’autres aménagements, mais ils sont plus diffus. Il y a encore un travail d’archéologie du paysage important à faire sur ce site. -

Figure 54 Zone humide en amont de l’exutoire en dessous de la tourbière des Narcettes (photo F. Grégoire)

Le site de la tourbière de Montas- Chabreille est double. Le compartiment amont se trouve juste sous la corniche de grès, le compartiment aval juste en rebord de plateau.

L’impression que donne le compartiment amont est celle d’une tourbière bien inscrite dans son cadre topographique. On y trouve d’amont en aval : - Des mares implantées au niveau des sources. - En travers de la tourbière, on note un alignement de blocs aujourd’hui fossilisés par les sphaignes. Formaient-ils une ancienne limite et ont-ils pu favoriser la rétention des eaux ? - En contrebas se trouve un bassin. Je l’ai longtemps appelé « abreuvoir », mais il peut très bien s’agir d’un bassin pour les poissons. Curieusement, il a plus tendance à s’atterrir qu’à être envahi par les sphaignes.

Le compartiment aval se trouve 500 mètres plus loin environ en suivant le talweg parfois sec qui s’écoule du compartiment amont. Il se compose de : - Une première zone humide qui semble assez tourbeuse et qui est actuellement livrée à l’érosion régressive, preuve qu’elle est liée à un aménagement ancien aujourd’hui disparu. - Au niveau du pont qui traverse cette zone ciommence une béalière qui va alimenter la maison toute proche. - Au delà de la route, se trouve le reste d’un bassin en cours de comblement végétal ; ce bassin est en partie fermé par les restes d’une digue (Figure 55)

Figure 55 Principaux aménagements du secteur Montas Chabreille

Figure 56 Petit barrage démantelé sur la tourbière aval de Chabreille (photo F. Grégoire)

Le site de la tourbière de la Croix d’Inassas semble ne pas pouvoir se prêter à des ouvrages notables. De plus, la présence de grands drains récents fausse la perception du paysage. Pourtant lorsqu’on parcourt le site, on ne peut manquer d’être frappé par le nombre d’excavations qui ressemblent à de petits bassins que nous avons là aussi, attribué à des abreuvoirs ou à des viviers. Il n’a pas été possible d’identifier quelques chose qui ressemble à un barrage. Des recherches plus minutieuses sont à entreprendre dans ce secteur.

Le secteur des Granges des Rouveyrettes est équipé en ouvrages hydrauliques qui sont tous à peu près du même type et se répètent au long de la corniche qui domine les Granges. La figure 58 en recense quatre, dont les numéros d’ordre ne correspondent pas à la nomenclature CREN, mais il faut considérer qu’il s’agit d’un ensemble. Selon M. Faure de Montselgues, ces ouvrages ont été construits pour servir de réservoir d’alimentation de cultures dans la vallée de la Thine. Il se peut qu’ils aient eu d’autres fonctions, comme celles qui ont été décrites plus haut.

L’architecture se présente ainsi

- On observe que l’amont est largement recreusé par rapport à ce qui serait une pente classique de corniche. On peut penser que le but est là d’accéder le plus possible à l’eau et d’empêcher celle-ci de s’infiltrer trop rapidement. Il y a également parfois la présence d’un chemin. - On observe ensuite des mares creusées soit assez près de la corniche, elles sont là le plus souvent envahies par les sphaignes, soit plus en aval, et elles sont en meilleur état, sans qu’on connaisse précisément leur état d’entretien. - Enfin, on trouve la digue, souvent très large (plusieurs dizaines de mètres) et formant un talus de un à deux mètres de hauteur, en bois et terre ou en pierre et terre.

Figure 57 Mare en arrière de diguette dans les granges des Rouveyrettes (photo F. Grégoire)

Le bon état de conservation de la plupart de ces ouvrages peut avoir plusieurs significations : - Ils ont été bien construits et ont bien résisté aux injures du temps. - Ils n’ont pas subi de démantèlement. Le barrage en bois des Rouveyrettes 1 a vraisembalablement été détruit pour laisser plus de place au paturage. - Ils ont été entretenus, c’est le cas des mares qui sont toujours utilisées.

Figure 58 Tourbières d’Inassas et des Rouveyrettes

Figure 59 – Localisation des principaux ouvrages hydrauliques du secteur Inassas Rouveyrettes

Il nous semble qu’il y a deux questions à se poser à propos de ces ouvrages : - Quel est leur âge et cet âge est-il en relation avec l’âge des tourbières sur lesquels ils ont une influence ? - Quelle est leur pérennité ?

A la première question, il n’est pas possible de répondre avec grande précision, mais on peut supputer que ces ouvrages étaient pleinement fonctionnels au moment du pic démographique et d’activité sur le plateau, ce qui nous ramène au milieu du XIXè siècle. On peut supposer qu’à cette époque, les épaisseurs et le développement de la tourbe devaient être nettement plus faibles qu’aujourd’hui et ce pour deux raisons : - la fréquentation était très certainement plus importante qu’aujourd’hui et les sources d’approvisionnement en eau maintenues plus ouvertes pour répondre à la forte demande d’une population surnuméraire, - beaucoup de ces aménagements sont aujourd’hui fossilisés sous une épaisse couche de sphaignes. Il n’y a pas eu à notre connaissance de datation effectuée sur les tourbières du Plateau de Montselgues. La nature et la faible épaisseur du matériau ne s’y prêtent pas. Il serait peut-être possible d’en effectuer sur des secteurs très précis où nous avons pu déceler un faciès saprique. Encore ne serions-nous renseignés que sur les premières phases d’accumulation.

La pérennité de ces ouvrages est certainement variable, mais, dans l’ensemble, lorsqu’ils sont en pierre, ils sont encore en bon état, sauf lorsqu’il y a eu un changement d’usage qui a conditionné leur démantèlement. En contrebas des Narcettes par exemple, on peut penser qu’il y a eu beaucoup de retenues qui ont été effacées.

On peut ensuite se demander s’il est possible, eu égard aux services rendus à l’extension des tourbières, s’il est possible de s’en servir pour créer de nouveaux milieux tourbeux dans le cadre par exemple d’une mise en réseau des petites tourbières spécifiques de ce site. La réponse que nous pouvons donner est que, s’il avait été possible de mettre d’autres retenues, les paysans du siècle dernier, soumis au besoin d’utiliser toutes les ressources disponibles, les auraient faites. La faisabilité d’ouvrages comparables en d’autres sites est donc vraisemblablement faible.

On peut enfin se demander s’il est possible de renforcer les ouvrages existants pour conserver la dynamique de turbification. C’est sans doute possible, à la grande tourbière des Narcettes par exemple, où l’altitude des sphaignes est sans doute à la limite supérieure théorique du plan d’eau. C’est également le cas à Rouveyrette 1.

Conclusion de la partie X

Lorsque nous parcourions ces espaces pour la première fois voici bientôt cinq ans, nous ne pensions pas rencontrer, sur ce qui semblaient être des tourbières de source, de telles traces de la présence des sociétés rurales sur le plateau de Montselgues. Peu à peu a émergé devant nos yeux le travail des hommes, la manière dont ils ont aménégé un espace qui n’était pas des plus faciles à vivre. Les traces de la gestion des eaux sont aussi visibles, lorsqu’on sait les identifier, que les traces d’habitation. Comme elles, certaines sentent que l’abandon a été brutal, sans que, par exemple, comme cela s’est toujours fait dans le monde rural, on récupère les pierres des maisons abandonnées. Au fur et à mesure de nos pérégrinations, nous avosn eu l’impression de pouvoir imaginer les paysans au travail dans ce paysage largement façonné de main d’homme.

Ce petit essai sur la rencontre des sites tourbeux et des travaux d’aménagements de l’ espace classiques en milieu méditerranéen montre combien la gestion des tourbières, entreprise dans une perspective patrimoniale, peut rejoindre la mise à jour d’autres types de patrimoine.

Conclusion générale – Prospective

De ce que nous avons étudié, il apparaît des facteurs de force et de faiblesse pour la pérennité des tourbières du Plateau de Montselgues qui, de par leur faible épaisseur et leur petit développement, apparaîssent comme des entités fragiles au premier examen.

La topographie est le premier facteur de faiblesse : Le site du plateau de Montselgues est caractéristique de ces topographies qui se prête mal à la genèse de tourbières. Il s’agît d’un éperon où, entre les gorges, le relief le plus marquant est une série de marches d’escalier correspondant à des couches gréseuses. Sans aménagements, les surfaces, déjà réduites, se compteraient en dizaines de mètres carrés. Le second facteur de faiblesse est l’irrégularité des précipitations : il est tombé près de 1500 mm pendant l’année 1986, la moitié l’année suivante et c’est une situation récurrente. On trouvera en annexe 2 une étude sur les variatiosn climatiques à long terme sur le plateau du Vivarais.

Les facteurs de force ne manquent pas pourtant. Le premier est que nous sommes dans une région où, malgré l’irrégularité des précipitations, celles-ci sont tout à fait confortables et le bilan hydrologique est toujours positif, de 400 à 1200 mm sur les années récentes. Le deuxième est la présence d’un aquifère gréseux constitué par les grès du Trias : sa capacité de stockage semble bonne puisque les précipitations de 2006 ont suffisamment rechargé la nappe pour que, malgré le déficit pluviométrique de l’année 2007, les niveaux d’eau sont en progression continue depuis l’automne 1985. La troisième et la plus importante à notre avis est que le site a depuis longtemps été aménagé pour répondre aux difficultés de la rétention de l’eau sur le plateau. Des générations de paysans accrochés à ce milieu peu favorable aux cultures l’ont façonné pour que la pisciculture, l’abreuvement des bêtes, l’alimentation en eau des humains et le travail des artisans soient possibles. Les ouvrages édifiés parsèment le paysage et chaque site tourbeux est lié à un de ces aménagements. Le quatrième et aussi important est que la qualité des eaux, le type de végétation présent sont tout à fait compatibles avec une dynamique importante d’extension des tourbières acides.

Pour le gestionnaire, il importe de tirer parti de ces facteurs de force et de faiblesse. Il en est sur lesquels il n’a aucune prise, le climat ou la géologie par exemple. Les seuls sur lequel il peut agîr sont l’état de surface du sol, par exemple pour favoriser l’infiltration, et la gsetion hydraulique. L’expérience montre que, partout où cette gestion a une quelconque efficacité, des ouvrages ont été construits. C’est donc sur le schéma existant qu’il faut élaborer le plan de gestion. C’est ce qui est en cours dans le cadre du Life Plateau de Montselgues.

Une autre perspective concerne le travail du chercheur : Il y a encore beaucoup de points à approfondir sur le Plateau de Montselgues, que ce soit dans l’évolution des tourbières qui semble rapide que sur la connaissance de l’histoire plus ou moins récente de ces milieux.

Eléments bibliographiques

Cahiers de Mémoire d’Ardèche et du temps présent, Archives départementales de l’Ardèche (mai 2006)

BRGM, Carte géologique de l’Argentière au 1 :50.000é

Fonds de carte IGN sur Photo explorer (Bayo)

Péguy, Ch.P., 1970, Précis de Climatologie , 463 p. Archéologie du paysage du marais de Cessières, F. Grégoire (décembre 2006)

Laplace-Dolonde, A., 2001, Tourbières de France, Projet N°16 du PNRZH, 104 p. + annexes

Cubizolle, H. (sous la direction de), 2007 , Fonctions hydriques et économiques des tourbières rhône-alpines, Rapport fina l, Université de Saint-Etienne. 68 p.

Pierron, V., 2003, Réseau de tourbières du plateau de Montselgues. Communes de Montselgues et Malarce-sur-la-Thines (07). Diagnostic écologique . 16p. + 6 cartes Conservatoire Rhône-Alpes des Espaces Naturels ; Bron, Natura 2000

Paul, P., 1968, Le Climat du Vivarais, Monographie de la Météorologie Nationale n°65

Grégoire, F. Canivé, J., 2007, Pédagogie et Tourisme dans les tourbières, les aspects climatiques, Actes du 20 ème Colloque de l’Association Internationale de Climatologie, Tunis 2007 pp. 283-288

Scneltzer, A., Evocation d’un paysage rural au milieu du XVIIè siècle : Montselgues, Revue du Vivarais

Annexe 1

Le 27 juin 2008

Temps longs et temps courts de l’étude du climat des tourbières : Le cas du plateau de Montselgues et du site de Sagne Redonde (commune de Lanarce)

Dans le cadre de l’étude des tourbières du plateau de Montselgues et de celle de Sagne Redonde (commune de Lanarce) sur le plateau ardéchois, nous nous sommes posés dans un premier temps la question de la répartition spatiale des précipitations et de l’évaluation des principitaions sur les sites eux-mêmes. Ce point a été assez bien éclairci dans le cadre d’études précédentes (Enjeux de l’eau à Montselgues et Rapport intermédiaire sur le site de Sagne Redonde) et permet d’avoir une idée des écarts entre les précipitations arrivant sur les tourbières et les valeurs de référence de Météo-France.

Un autre point important pour inscrire la gestion des tourbières dans le long terme est de caractériser au point de vue climatique la période dans laquelle nous vivons. Le recul du gestionnaire sur les sites sur lesquels il travaille est de l’ordre de dix ans, sans véritable suivi climatique jusqu’à ces dernières années. Comment s’insère cette période dans un temps plus long qui est celui des tourbières ?

Dans un premier temps, et en attendant que des études plus historiques soient véritablement menées, nous nous limiterons à une période récente où nous pourrons utiliser des données classiques en climatologie, issues du réseau Météo-France. Nous avons la chance de disposer, à proximité des sites que nous suivons, de deux des stations les plus anciennes d’Ardèche, Issanlas, qui dispose de relevés pluviométriques et de températures en continu depuis 1952 (sauf les températures pour deux mois de 1984) et surtout Loubaresse, en service depuis 1947, dont la longue série est malheureusement interrompue de 1952 à 1954. Il serait éventuellement possible de compléter ces données par calage avec d’autres séries de stations proches, mais il y en a très peu à proximité, peut-être avec le Mont Aigoual qui partage une longue période avec notre sation de référence ; ceci pourrait être fait dans le cas d’une recherche plus régionale mais dépasse le simple cas de cette étude. On notera qu’il existe peu d’endroits en France où l’on dispose de données sur une aussi longue période, qui plus est dans un site (Loubaresse) dont les caractéristiques n’ont pas bougé depuis l’origine. L’expression « Station rurale » trouve ici sa pleine acception. Le site d’Issanlas, en réalité le hameau de Mezérac, a lui connu quelques légères modifications et l’abri a été très légèrement déplacé. La mesure n’en reste pas moins de bonne qualité. Elle est dans les deux cas quasiment une affaire de famille.

Nous ne disposons malheureusement pas de données d’évaporation fournies par Météo-France sur une aussi longue période. Elles sont calculées depuis 1970 sur le site de Mazan l’Abbaye qui est le seul site de référence sur tout le plateau ardéchois. Nous envisageons de les utiliser pour les années récentes. Une série de calculs au pas de temps mensuel a déjà été réalisé et utilisé dans plusieurs rapports pour les années 2001 à 2005. Ces données seront complétées, mais elles sont insuffisantes pour rendre compte du temps vraiment long.

Mazan lÕabbaye Lanarce

Loubaresse

Centre dˇpartemental Mˇtˇorolgique Montselgues

LÕAigoual

Figure 1 – Localisation des stations météorologiques

Méthodologie

A partir des données brutes fournies par Météo-France, nous avons d’abord transposé les résultats en tenant compte de valeurs de corrections stationnelles déduites de nos observations de terrain. Ces corrections sont les suivantes : - Le site de Sagne redonde est le site le plus froid équipé sur le plateau : par rapport au site d’Issanlas, qui est déjà le site le plus froid du réseau Météo-France d’Ardèche, les températures annuelles y sont inférieures d’environ 1°C. Nous emploierons donc les valeurs d’Issanlas diminuées de 1°C. - Les précipitations à Sagne Redonde sont tout à fait comparables à celles relevées à Issanlas, nous conserverons donc les valeurs fournies par Météo-France. - Les précipitations releéves à Montselgues depuis 2002 représentent en moyenne 75% de celles relevées à Loubaresse, c’est cette correction que nous appliquerons. - Les températures relevées à Montselgues depuis deux ans sont environ 0,5 °C plus élevées que celles de Loubaresse, nous appliquerons également cette correction.

Pour pouvoir appréhender le facteur évaporation et avoir une évaluation du bilan hydrique et en l’absence de données sur la longue période, nous avons utilisé la formule de Coutagne qui permet, à partir de données de précipitations et de température de déterminer directement l’Evapotranspiration réelle (Etr) pour un sol moyen. Dans le cas de précipitations abondantes, ce qui est le cas ici puisque Issanlas a une moyenne annuelle de 1100 mm et Loubaresse plutôt 2100 mm, nous pouvons utiliser une formule simplifiée qui s’écrit Etr=0,2+0,035 T où T est la température moyenne annuelle. le résultat est exprimé en mètres, il faut, pour avoir le résultat en millimètres, évidemment multiplier le résultat par 1000. Cette formule est l’une des plus simples que l’on puisse utiliser. Elle a été établie de manière empirique à partir d’un échantillon de 500 bassins versants. Nous avons donc évalué l’Etr pour les années de la période de référence, puis calculé le surplus hydrologique par différence entre le total des précipitations de l’année et l’Etr.

Toutes ces valeurs ont été portées sur trois types de graphiques pour chaque station : - un graphique représentant les variations de température moyenne annuelle - un graphique représentant les variations de précipitations annuelles - un graphique représentant l’Etr, les précipitations et le surplus hydrologique En outre, nous avons porté sur ces graphiques la moyenne mobile pour températures et précipitations ainsi qu’une courbe de tendance en mode polynomial d’ordre 5 afin d’obtenir un résultat lissé. Les courbes sont présentées et commentées ci-après.

Températures Sagne Redonde

Température annuelles Sagne Redonde

8,0

7,0

6,0

5,0

t ann 4,0 T mob 5 Polynomial (t ann)

3,0

2,0

1,0

0,0

2 4 0 2 4 6 8 0 2 8 0 2 4 6 8 0 6 8 0 2 4 6 5 5 6 7 7 8 8 9 0 0 96 96 96 98 98 98 99 00 00 19 19 1956 1958 196 1 1 1 19 19 19 1974 1976 197 1 1 1 19 19 19 1992 1994 199 1 2 2 20 20 1952 à 2007

Fig.2 Températures annuelles moyennes reconstituées à sagne Redonde

La première chose qui apparaît est que nous sommes ici dans un cycle. Les températures augmentent jusque dans les années 60, puis baissent jusqu’au milieu des années 70, remontent plus vigoureusement jusqu’aux années 2000 et marquent de nouveau une baisse, notée à l’échelle globale mais qui reste évidemment à confirmer. La tendance est loin d’être linéaire et, dans le cadre d’une gestion qui prendrait en compte le facteur température, l’hypothèse d’un réchauffement inexorable ne doit pas être la seule prise en compte.

Précipitations Sagne Redonde

Sagne Redonde précipitations 1952-2007

1800,0

1600,0

1400,0

1200,0

1000,0 P ann P ann mob 5 Moyenne 800,0 Polynomial (P ann)

600,0

400,0

200,0

. 1952 1952 1954 1956 1958 1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 Moyenne années

Fig. 3 Précipitations annuelles reconstituées à Sagne Redonde

On représente classiquement les précipitations sous forme d’histogrammes car il s’agît de quantités finies. Pour une étude chronologique, et pour la représentation de plusieurs facteurs, ces graphiques « en batons » deviennent rapidement illisibles, aussi employons-nous une représentation par courbes. La variabilité des précipitations est forte puisqu’elles vont de moins de 700 à 1600 mm. Cependant, un total annuel de près de 700 mm, dans cette ambiance froide de la montagne ardéchoise, est tout à fait respectable. Sur la période de référence (55 ans) l’analyse polynomiale met ici aussi en évidence des cycles qui semblent indiquer que la fin de période est comparable au début de celle-ci. Il apparaît aussi nettement de petits cycles dans lesquels, sauf à la fin des années 1980, une année déficitaire se présente généralmeent isolée. Les dernières années sont globalement déficitaires, mais de peu.

Bilan Hydrique Sagne Redonde

Issanlas Sagne - Etr et surplus hydrologique

1800

1600

1400

1200

ETR Coutagne mm 1000 P mm Surplus hydrologique mm 800 Polynomial (Surplus hydrologique mm)

600

400

200

0 1952 1952 1955 1958 1961 1964 1967 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 années

Fig.4 Etr et surplus hydrologique reconstitués sur le site de Sagne Redonde

L’Etr est une valeur qui varie relativement peu car elle est fortement dépendante de l’apport radiatif qui, lui, dépend largement de paramètres astronomiques qui sont stables. C’est donc la variable précipitations qui va conditionner en premier lieu l’état du surplus hydrologique. Celui-ci est toujours extrêmement généreux puisqu’il va d’un peu plus de 200 mm à plus de 1200 mm. 200 mm est une valeur qui est largement suffisante pour garantir la pérennité de tourbières de plaine. Il n’y a donc que peu de soucis à avoir pour l’alimentation des bassins versants. Là aussi, on note que la fin de période présente un déficit hydrologique voisin de celui du début.

Températures Montselgues

Montselgues températures moyennes annuelles 1947-2007

10

9

8

7

6 T moy °C Monts 5 Moy mob 5 ans °C Polynomial (T moy °C Monts) 4

3

2

1

0 1947 1950 1953 1956 1959 1962 1965 1968 1971 1974 1977 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 2007

Fig. 5 Températures annuelles moyennes à Montselgues reconstituées

Sous la réserve faite précédemment des deux années manquantes, il apparaît que les années que nous vivons depuis environ 10 ans ne sont en rien anormales par rapport à la période de 60 ans que nous venons de vivre. Si nous avions disposé de la même longeur de série pour Issanlas, il est probable que nous aurions trouvé une allure comparable. La décennie 40 est, à l’échelle globale, une décennie chaude (maximum de température au Groenland), faisant elle-même suite à une décennie 30 également chaude (maximum de température aux Etats-Unis). Il est évidemment difficile d’analyser un cycle qui n’est pas terminé, mais on peut dire que la question température n’est pas un souci actuel pour le gestionnaire.

Précipitations Montselgues

Précipitations Montselgues 1947-2007

3000,0

2500,0

2000,0

P ann Monts 1500,0 Moy mob 5 ans Polynomial (P ann Monts)

1000,0

500,0

.

7 0 6 9 5 8 1 4 0 3 9 2 5 8 4 7 4 5 7 8 9 0 95 95 96 97 98 98 99 00 19 1 1953 19 1 1962 1 196 19 1 1977 19 1 1986 1 199 19 1 2001 20 2 années

Fig. 6 Précipitations annuelles reconstituées Montselgues 1947-2007

La variation interannuelle est très forte sur ce site déjà marqué par l’influence méditerranéenne puisqu’on va de 800 mm à près de 2600 mm. Les années très pluvieuses se répartissent tout au long de la période. Seules les dernières années semblent connaître une plus grande fréquence des déficits, mais cela reste très mesuré. Comme pour la station d’Issanlas, la période débute et se termine sur des épisodes plus secs. La question de la disponibilité en eau, au vu de ce graphique, pourrait se poser si l’on ne tenait pas compte du bilan hydrique.

Bilan hydrique Montselgues

Montselgues Etr et surplus hydrologique

4000

3500

3000

2500 Etr Coutagne mm P mm 2000 Surplus hydrologique mm Polynomial (Surplus hydrologique mm) 1500

1000

500

0 1947 1950 1953 1956 1959 1962 1965 1968 1971 1974 1977 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 2007 années

Fig. 7 Etr et bilan hydrique à Montselgues

Le surplus hydrologique est aussi variable que les précipitations, ce qui est normal compte tenu de l’importance de celles-ci dans le calcul. Comme pour Sagne Redonde, la courbe laisse apparaître un début et une fin de période plus secs que le milieu de celle-ci. Il s’en faut cependant que le surplus hydrologique soit faible : l’année où il a été le plus faible est l’année 1985 où il frôlait les 400 mm, c’est-à-dire deux fois plus qu’à Issanlas.

Conclusion partielle

Il convient, comme pour toute série climatologique d’en cerner les limites. On le voit en comparant les séries d’Issanlas et celles de Loubaresse, le fait de ne pas disposer de la même longueur de la période de référence introduit des biais. Ceci est quasiment insoluble, les séries fiables ont un historique relativement court par rapport aux phénomènes climatologiques. Cependant, une période de plus de 50 ans commence à apporter des enseignements intéressants. La première conclusion est que, bien loin d’être inscrit dans une tendance univoque, l’histoire récente des tourbièrtes que nous étudions s’insère dans des cycles. Ces cycles ont été d’ailleurs décrits récemment dans la littérature. Il est surtout frappant de constater qu’il semble y avoir une covariation entre températures et précipitations. Nous avons commencé la période de référence par une période sèche et chaude et semblons la terminer de la même manière. Cela peut avoir une influence sur la bonne alimentation des tourbières mais, dans le contexte précis de la montagne ardéchoise, les marges sont tellement larges qu’il est peu probable que l’effet en soit perceptible. Il est probable en revanche que, si une analyse plus fine était menée au pas de temps mensuel, étant donnée l’irrégularité du climat des Cévennes, une tendance au niveau de la répartition des précipitations au cours de l’année pourrait être plus lourde d’effets.

Réalisé avec le soutien de :

dans le cadre des Espaces Naturels Sensibles Programme européen Life Nature N°LIFE05NAT/F/000135 sur le site Natura 2000 FR78201660.

Le programme est coordonné par :