Fiches D'auteurs
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FICHES D’AUTEURS Hiver 2019 Ce document regroupe, dans un format adapté à l’impression, les 27 fiches de la section LIRE de la trousse poétique numérique Tout à coup – la poésie. Les fiches présentent l’univers de poètes québécois : leur poésie, leur vision de la chose, leur parcours, leurs inspirations. Les poèmes, tous inédits, ont été composés spécialement pour Tout à coup – la poésie dans l’objectif d’allumer des regards poétiques chez les jeunes du secondaire. POÈTES Virginie Beauregard D. Mireille Gagné Guy Marchamps Geneviève Boudreau David Goudreault Hélène Matte Simon Boulerice Véronique Grenier Geneviève Morin Carole David Marie-Paule Grimaldi Judy Quinn Roger Des Roches Pierre Labrie Charles Sagalane Charles Dionne Thomas Langlois Chloé Savoie-Bernard Alexandre Dostie Daniel Leblanc-Poirier Mathieu Simoneau Toino Dumas Éric LeBlanc Rosalie Trudel Isabelle Forest André Marceau Maude Veilleux Virginie Beauregard D. tu es chien qui ne se laisse pas couper les griffes ta dent semble capable de tout et j’ai cru que tes respirations étaient des coups de feu VIRGINIE BEAUREGARD les gens sont les gyrophares D. qui calfeutrent mes oreilles Tout en frayant avec les arts à mesure que les choses s’empilent visuels et la musique, Virginie la tempête tombe sur notre abri Beauregard D. entame une démarche d’écriture en 2005. Dès j’ai trouvé un de tes cheveux le départ, ses poèmes sont j’ai cru à une brèche de lumière présentés sous diverses formes, notamment au théâtre de Quat’Sous dans la pièce Dans les qui perçait les strates de l’océan charbons (Loui Maufette). Ils sont repris au théâtre à différentes déjà plein de brillants indestructibles occasions. Virginie Beauregard D. participe à plusieurs événements off ou notoires au Québec et à l’international. Elle a accotée sur le comptoir de la cuisine fait paraître des textes dans différentes anthologies et revues j’ai pensé devenir un voilier littéraires (Estuaire, Moebius, Nouveau Projet, etc.). sur le fjord En 2010, elle lance un premier recueil, Les heures se trompent de j’accoste sur des berges en sucre but (l’Écrou). Bachelière en histoire de l’art et en éducation, elle publie le recueil D’une main sauvage (l’Écrou) au printemps 2014. tout se mange C’est avec ce second livre que Virginie Beauregard D. est finaliste dans l’explosion du prix Émile-Nelligan 2015. Elle est aussi lauréate du prix de poésie Jean-Lafrenière–Zénob 2016 décerné par le public du du temps qui nous arrose Festival International de la Poésie de Trois-Rivières. Son prochain recueil, Les derniers coureurs, sera publié à l’automne 2018, le froid est une mâchoire agréable toujours à l’Écrou. un bandit qui dévalise la peau sous le linge Sa vision de la poésie La poésie est un instant, une fuite et un approfondissement des tu m’as mordue choses, des sentiments et de leurs raisons. La poésie détourne les j’ai crié notions d’enchaînement et de narration auxquelles nous nous continuons à courir sur les vertèbres habituent les histoires. Travailler sur un poème est pour moi un acte circulaire, sinon d’une forme indéterminée. Il rappelle les du monde mouvements des yeux d’un peintre sur un tableau. Soudain émerge une justesse, plus humble que la vérité. Et là est atteint un sommet qui évite l’affaissement, s’écrit une suite au monde. Le poème justifie des détails et leur donne l’importance stratosphérique qui leur revient. Le silence, le blanc, le plein, la cohérence, la volonté s’articulent dans le poème. Loin de l’argument qui utilise les mots. La poésie les laisse être une matière libre. Le mot est un sens, un état, une couleur, un rythme. La poésie sert de remède à la médiocrité, à l’hypocrisie, même à la mortalité. J’ai déjà dit que la poésie était un chien qui léchait une crème glacée tombée sur le trottoir. C’est parce que chaque chose vaut d’être vue et de devenir poème. toutacouplapoesie.ca | maisondelalitterature.qc.ca | institutcanadien.qc.ca Virginie Beauregard D. VIRGINIE AIME Connu sous le nom de capitaine ARGUMENT Alexandre lors de la Seconde Guerre mondiale, René Char dirige des Comment vivre sans inconnu devant soi? actions de résistance pour lutter contre l’invasion nazie. Il développe Les hommes d’aujourd’hui veulent que le poème une poésie de révolte et de liberté soit à l’image de leur vie, faite de si peu d’égards, qui combat la complaisance. Avec de si peu d’espace et brûlée d’intolérance. lui, le poème ne peut être qu’une plainte ou une complainte. Il Parce qu’il ne leur est plus loisible d’agir consiste en un territoire autonome qui avance dans le sombre suprêmement, dans cette préoccupation fatale et le clair avec une lucidité humaine et cinglante. de se détruire par son semblable, parce que leur inerte richesse les freine et les enchaîne, les Je n’ai presque jamais écrit de poème sur la poésie. J’ai tendance à vouloir sortir sur le balcon si j’écoute ou si je lis des hommes d’aujourd’hui, l’instinct affaibli, textes qui racontent la gloire de la poésie. Pourtant, Char parle perdent, tout en se gardant vivants, jusqu’à la du poème. À travers lui, chaque chose et chaque mot sont poussière de leur nom. posés et appréciés pour sa valeur intrinsèque. Cette humanité me réjouit. Avec René Char, la brindille raconte l’infini. Le texte Né de l’appel du devenir et de l’angoisse de la est un corridor pour y accéder. rétention, le poème, s’élevant de son puits de boue et d’étoiles, témoignera presque C’est un grand artisan qui fait du bien et qui ne ment pas. Sa silencieusement, qu’il n’était rien en lui qui quête refuse la hiérarchie et les regroupements opportunistes. n’existât vraiment ailleurs, dans ce rebelle et Ce n’est pas pour rien qu’Albert Camus disait que Char était le solitaire monde des contradictions. plus grand poète alors vivant. Malgré sa mort, je crois que nous n’avons pas à nous priver de son éclairage et de sa force. Extrait du Poème pulvérisé toutacouplapoesie.ca | maisondelalitterature.qc.ca | institutcanadien.qc.ca Virginie Beauregard D. L’énergumène magnifique Joyce […] Mansour vient d’Égypte et Vous ne connaissez pas mon visage de nuit d’Angleterre. Elle écrit pourtant en Mes yeux tels des chevaux fous d’espace français et défonce les rayons du Ma bouche bariolée de sang inconnu surréalisme parisien. Elle fait la Ma peau révolution dans chaque vers et rend Mes doigts poteaux indicateurs perlés de plaisir caduques les idées folles de la misogynie et du racisme. Guideront vos cils vers mes oreilles mes omoplates Elle avance sans obstacle en nous convainquant que les Vers la campagne ouverte de ma chair obstacles à la liberté sont des inventions farfelues, autant que Les gradins de mes côtes se resserrent à l’idée la bienséance, les rôles sociaux et les archétypes. Demeure le Que votre voix pourrait remplir ma gorge plaisir. Elle invente le monde qu’elle désire. Elle parle du corps Que vos yeux pourraient sourire et le désire à même qu’elle déconstruit le langage, dans une Vous ne connaissez pas la pâleur de mes danse facile et absolue avec les mots comme matière, cette épaules matière qu’elle monte à cru, comme un gaucho d’Argentine. La nuit Je l’aime parce qu’elle est foncièrement libre, parce que son Quand les flammes hallucinantes des surréalisme excitant nous permet l’espoir et le plaisir. Ses cauchemars réclament poèmes donnent de l’oxygène à celui qui les lit et permettent le silence le recul et la dérision face à la société et sa rudesse. Elle sait et que les murs mous de la réalité s’étreignent construire le rêve et le poème. Vous ne savez pas que les parfums de mes journées meurent sur ma langue Quand viennent les malins aux couteaux flottants Que seul reste mon amour hautain Quand je m’enfonce dans la boue de la nuit […] Extrait de « Pericoloso sporgersi », Rapaces toutacouplapoesie.ca | maisondelalitterature.qc.ca | institutcanadien.qc.ca Geneviève Boudreau LOIN DU SOUFFLE DU LOUP Seule J’entends la pulsation des arbres Je dégivre lentement nos tendresses Je suis sève et chute Tandis que tu me récites Et grognement Une histoire étrangère L’amour gronde Quand je le retiens Par la peau du cou D’un geste vif j’émiette Nos ombres enchevêtrées *** Le goût de l’arbre Au fond de la gorge GENEVIÈVE BOUDREAU J’effrite le bruit des pierres Originaire des Îles-de-la- L’odeur de tes mots Madeleine, Geneviève Boudreau habite à Québec. Elle détient une Le jour est court maîtrise en études littéraires, J’ai tissé tes absences pour laquelle elle a obtenu la De fils désordonnés bourse Hector de Saint-Denys Garneau, volet essai (2008). Elle Comme une fourrure de carcajou enseigne la littérature au collégial. Elle est l’auteure des *** recueils Acquiescer au désordre (L’Hexagone, 2012), qui a reçu le Prix du premier recueil de Je recolle poèmes de la Fondation pour la poésie, et Le regard est une Entêtée et légère longue montée (L’Hexagone, 2015). Elle a participé à plusieurs Les pelures d’une saison morte lectures publiques et spectacles littéraires, au Québec et en France. Ses textes sont notamment parus dans les Le paysage montre patte blanche revues Estuaire, Exit, Les Écrits et Bacchanales. C’est l’automne Tes baisers tombent Sa vision de la poésie Et les cimes incendiées La poésie sauve du silence les instants du quotidien qui forment Racontent notre disparition l’essentiel de nos vies et qui pourtant s’effacent aussitôt advenus, emportés par leur propre mouvement de disparition.