10e Rencontres Bourgogne-Nature CENT ANS DE REMUE-MÉNAGE DANS LA NATURE › L’évolution des milieux

Cent ans d’activité de la Société naturaliste dijonnaise

Jean VALLADE*

Résumé L’histoire de l’Association naturaliste dijonnaise peut se partager en cinq périodes : 1913-1928 : La Société Bourguignonne d’Histoire Naturelle et de Préhistoire (SBHNP), ancêtre de l’actuelle Société des Sciences Naturelles de Bourgogne (SSNB), est fondée par X. AUBERT (1872- 1941) le 11 mars 1913. Le premier bulletin de la SBHNP (1913) fait état des diffi cultés de la création de cette première association naturaliste à dont l’activité est rapidement suspendue du fait de la guerre et ne reprendra qu’en 1920 pour s’interrompre en 1928. 1930-1945 : La SBHNP reprend son activité fi n 1930 et en 1931 est créé le Bulletin scientifi que de Bourgogne dont le Rédacteur-gérant, P. BUGNON (1886-1957) entend donner une audience nationale et internationale. Ce bulletin consacre la majeure partie de son contenu à des études régionales et à des articles scientifi ques « académiques » mais une part importante est également réservée aux comptes rendus des séances mensuelles et des excursions. 1946-1987 : En 1946, l’Association prend le nom de Société des Sciences Naturelles de Dijon (SSND) dont les statuts sont révisés et simplifi és. Le Bulletin scientifi que de Bourgogne privilégie la part consacrée aux articles scientifi ques. Les échos consacrés à la vie de la Société disparaissent presque totalement après 1968. En 1978, le Bulletin scientifi que de Bourgogne se présente sous la forme de deux fascicules annuels d’une cinquantaine de pages contenant uniquement des articles scientifi ques courts. 1988-2004 : La Société des Sciences Naturelles de Dijon (SSND) devient la Société des Sciences Naturelles de Bourgogne (SSNB) en 1988 pour être en harmonie avec le titre de sa revue qui ne change pas de nom. Dans le même temps, son siège social passe de la Faculté des sciences au Muséum de l’Arquebuse. La publication du bulletin s’interrompt entre 1998 et 2002 avec la mise en sommeil de l’Association. En 2002, la SSNB reprend de l’activité et édite deux fascicules annuels de 2002 à 2004. 2005-2013 : En 2005, la revue Bourgogne-Nature, fruit de la collaboration de la Société d’Histoire Naturelle d’Autun (SHNA) et de la SSNB, prend le relais du Bulletin scientifi que de Bourgogne dont le titre prend fi n avec le tome 52 de 2004. Faits marquants pour cette période : la modifi cation des statuts de la SSNB en mai 2011 et la création de l’Association fédérative Bourgogne-Nature (regroupant la SHNA, la SSNB, le Parc naturel régional du Morvan et le Conservatoire d’espaces naturels de Bourgogne) en août 2012. L’analyse des contenus des bulletins et en particulier la partie réservée aux comptes rendus des réunions mensuelles montre la pérennité des objectifs fondamentaux et de certaines activités traditionnelles, mais aussi permet d’illustrer l’évolution des mentalités et des techniques de recueil et de diffusion des connaissances naturalistes régionales.

Mots-clés : histoire, Associations naturalistes, Bourgogne, Bulletin scientifi que de Bourgogne.

* Président de la Société des Sciences Naturelles de Bourgogne (SSNB) 4 rue Gagnereaux - 21000 DIJON - [email protected]

C’est le 11 mars 1913 que se réunit, dans la salle des Sociétés de la ville de Dijon, l’Assemblée générale fondatrice de la « Société Bourguignonne d’Histoire Naturelle et de Préhistoire », ancêtre de notre actuelle Société des Sciences Naturelles de Bourgogne. On peut s’étonner que cette création soit aussi tardive comparée aux autres Sociétés natu- ralistes bourguignonnes 1 mais les tentatives antérieures pour créer à Dijon une Société des Sciences Naturelles n’ont pas abouti. Peut-être doit-on rechercher une explication à ces échecs dans le fait que « les curieux de la nature, les chercheurs de coquilles pétrifiées, les collectionneurs de papillons, de bestioles, les amateurs de plantes et de fleurs, font isolément leurs recherches, et goûtent souvent seuls la joie égoïste de savoir ! » 2.

1 La Société d’Histoire Naturelle et des amis du Musée d’Autun a été fondée en 1886 ; La Société Mycologique de la Côte-d’Or est créée en 1905. 2 Extrait du communiqué envoyé aux journaux locaux à l’issue de l’Assemblée Générale du 11 mars 1913, Bulletin de la Société Bourguignonne d’Histoire Naturelle et de Préhistoire, n° 1, juillet 1913.

92 Rev. sci. Bourgogne-Nature - 20-2014, 92-106 Cependant Xavier AUBERT (1872-1941) industriel dijonnais 3 et amoureux de la nature 4, a su trouver la bonne formule pour sortir de cette regrettable situation en s’adressant directement par lettre et contacts personnels aux naturalistes de la région dijonnaise. C’est ainsi qu’il a pu recueillir une quarantaine d’adhésions de principe puis organiser les deux réunions préparatoires, la pre- mière le 15 février 1913 à l’Hôtel de Ville de Dijon et la seconde le 19 février à la Faculté de Dijon qui ont permis de décider « du nom de baptême de la jeune société des sciences naturelles » et de la date de l’Assemblée générale constitutive. Les statuts de la nouvelle « Société Bourguignonne d’His- toire Naturelle et de Préhistoire (SBHNP) » sont adoptés lors de l’Assemblée générale du 11 mars 1913 et l’article 1er précise que le but de cette Société est « de développer l’étude des sciences naturelles et de préhistoire dans la région, d’en propager le goût, de créer une bibliothèque d’ouvrages spéciaux, d’organiser des excursions et des conférences et de provoquer des libéralités des- tinées à accroître et embellir les collections municipales. » Xavier AUBERT, promoteur de la Société, est élu Président. La Société est organisée en quatre sections chacune dirigée par un Vice-Président associé à un Secrétaire. Les sections correspondent aux quatre disciplines fondamentales : Géologie (V.-P. : L. COLLOT, professeur à la Faculté), Botanique (V.-P. : P. GENTY, directeur du Jardin botanique de Dijon), Zoologie (V.-P. : E. TOPSENT, professeur à la Faculté) et Préhistoire (V.-P. : M. DRIOTON, conservateur du Musée archéologique). L’administration est assurée par le Président, Photographie 1. Xavier AUBERT (1872-1941), X. AUBERT, par le Secrétaire général, M. MONNIN, inspecteur adjoint fondateur de la Société bourguignonne d’Histoire des eaux et forêts et par le trésorier M. DE SAINT-AULAIRE. naturelle et de Préhistoire (SBHNP) L’Assemblée générale décide également de la périodicité des excursions générales (toutes sections confondues) et particulières (par section). Onze auront lieu cette première année. La première, une excursion générale est effectuée le 13 avril 1913 à Gevrey et à la Combe Lavaux, la seconde le 4 mai à Mâlain et Baulme- la-Roche, la troisième le 6 juillet à Nuits-Saint-Georges. Deux autres excursions générales organisées le 26 octobre de Lantenay à Mâlain par Morcueil et La Chassagne et le 23 novembre dans les combes de et sont principalement consacrées à la récolte de champignons. Quant aux excursions particulières à chaque section, celles de Géologie ont eu lieu le 20 avril à Velars et au Mont-Afrique et le 13 novembre à , celle de Botanique le 22 mai à Messigny et Jouvence, celle de Zoologie le 15 juin à Saint-Jean-de- et enfin celles de Préhistoire le 17 juillet au Châtelet de Val-Suzon et le 7 décembre à Mâlain et Pralon. Pour chacune de ces excursions, un compte-rendu plus ou moins détaillé est publié dans le Bulletin de la Société Bourguignonne d’Histoire Naturelle et de Préhistoire et son supplément dont le no 1 paraît en juillet 1913 et le no 2 en avril 1914. L’Assemblée générale du 4 février 1914 se réunit dans le nou- veau local qui n’est autre que l’ancienne chapelle des États, dite des Condé, joyau architectural situé au sein du Palais des États, attribué par le Maire de Dijon à la jeune société naturaliste. Cette offre d‘un lieu aussi prestigieux méritait bien la reconnaissance de la Société qui décerna le titre de « membre d’honneur » à M. DUMONT, Photographie 2. Couverture du premier Bulletin de la SBHNP, juillet 1913. Maire de Dijon. Cette Assemblée générale fut l’occasion de faire le bilan d’une première année d’activité marquée notamment par une augmentation rapide des adhérents (140 au 31 décembre 1913),

3 Il prit la suite de son père, Albert AUBERT, qui créa une usine de produits condimentaires d’abord située rue des Moulins puis transférée en 1893 dans une vaste propriété de la rue du Havre. 4 Xavier AUBERT amateur d’archéologie et de préhistoire fut conservateur du Musée archéologique de Dijon pendant une vingtaine d’années et c’est sous sa direction que le Musée fut transféré dans l’ancien Dortoir des Bénédictins.

Cent ans d’activité de la Société naturaliste dijonnaise 93 la réalisation de nombreuses sorties « ayant réuni en moyenne chacune 24 membres », la tenue de réunions chaque mercredi, la publication d’un bulletin et l’établissement de liens avec plusieurs sociétés analogues. Les activités prévues pour la première partie de l’année 1914 sont consignées dans le bulletin no 2 : 4 excursions générales entre avril et juillet et une « grande excursion, de 2 jours, dans les Alpes Vaudoises » début juillet. Mais la déclaration de la guerre début août va entraîner la suspension de l’activité de la Société pendant plusieurs années. Elle ne renaîtra que le 27 mars 1920 sous l’impulsion de X. AUBERT qui confie alors la présidence à Alphonse MATHEY lequel assurera cette fonction jusqu’à sa mort en 1927. En 1921, la Société affiche 87 cotisations payées. Le bulletin no 3 paraît en 1922. Il rapporte notamment les comptes rendus des excursions réalisées cette année là à Mâlain et Prâlon (26 février), de Lantenay au Val-Suzon (12 mars), Le Creux du Souci (30 avril), Lavaux et Château-Renard (7 mai), Marsannay-Bout-du-Monde (28 mai), Arc-sur-Tille (4 juin), Val des Choux (juin). A partir de 1924, les quatre Vice-Présidents sont MM. E. CHAPUT, P. GENTY, E. HESSE, Dr EPERY et le secrétaire général est Ch. PFEIFFER. Le bulletin de la SBHNP est publié dans une nouvelle série à raison d’un fascicule mensuel à partir de juin 1924, soit sept fascicules (12e année, no 1 à 7) pour cette année 1924. Sont rassemblés dans ces bulletins les comptes rendus des réunions mensuelles et excursions mais aussi quelques articles scientifiques touchant à la biologie et à la physiologie, et des notices nécrologiques dont celle de l’Abbé Gustave FOURNIER, botaniste (1860-1924) 5, découvreur de Meconopsis cambrica (le Pavot du Pays de Galles) à Lusigny-sur-Ouche. C’est aussi dans plusieurs de ces fascicules que J. MAHEU et A. GILLET ont publié leur étude sur le volumineux herbier des Lichens de l’est de la Corse récoltés par H. ZSCHACKE en 1914, herbier dont nous avons rappelé l’étrange histoire dans un article récent de Bourgogne-Nature (VALLADE & MATHEY, 2012). Durant l’année 1925, le Bulletin de la SBHNP comporte 12 fascicules datés du 15 de chaque mois qui font état des réunions mensuelles de la Société, des conférences et des excursions (une dizaine, la plupart à proximité de Dijon). Parmi les articles scientifiques publiés, on retiendra une étude géologique et botanique de la vallée du Guil et de Saint- Véran (Queyras) par F. LENOBLE, une étude sur « la truffe et les truffières en Bourgogne » par D. FAIVELEY, un article concernant « le callovien et l’oxfordien des environs de Dijon » par H. POINSOT, des extraits de la « Flore analytique de la Côte-d’Or » de M. DE SAINT-AULAIRE et un récit de Jean LAGORGETTE sur le thème « Parlez-nous un peu de serpents » dans lequel l’auteur, après nous avoir narré les massacres de vipères qu’il a lui-même perpétrés, nous affirme que « c’est une sorte de devoir, quand on le peut sans danger excessif, de détruire les individus d’espèces dangereuses » ! C’est dans le fascicule 11 que se termine la publi- cation de MAHEU et GILLET sur les lichens corses. La liste s’arrête au lichen no 276 et restera incomplète malgré la suite annoncée qui ne paraîtra ni dans le fascicule 12 ni dans le 13, seul fascicule paru en 1926 lequel ne sera d’ailleurs publié qu’en 1928. Ce dernier numéro du Bulletin de la SBHNP marque le terme d’une première période, celle du Bulletin à la couverture rose saumon. Elle correspond à l’année du décès du Président de la Société, A. MATHEY en 1927. Aucun bulletin ne sera publié jusqu’en 1930, date d’un nouveau départ dans la vie de la SBHNP. La SBHNP et le Bulletin scientifique de Bourgogne de 1930 à 1945 C’est en effet le 9 décembre 1930 que la SBHNP reprend son activité lors d’une réu- nion dont le compte rendu sera adopté par l’Assemblée Générale de l’Association qui se tient le 13 janvier 1931 dans la salle de la commission des Antiquités, cour de Bar de l’Hôtel de ville de Dijon. Au début de cette nouvelle période, la SBHNP est présidée par X. AUBERT, le fondateur ; les quatre vice-présidents, correspondant aux quatre sections sont R. CIRY (Géologie-Paléontologie), P. GENTY (Botanique-Mycologie), E. HESSE (Zoologie) et le Dr EPERY (Préhistoire) ; le secrétaire est Gabriel BOURGEOIS (vétérinaire municipal), le trésorier Paul DE LEIRIS tandis que la rédaction et la gérance du Bulletin sont assurées par Pierre BUGNON, nouvellement arrivé à Dijon, Professeur de Botanique et Doyen de la Faculté des Sciences. Fait important, la revue change de nom et devient le « Bulletin scientifique de Bourgogne », titre qui sera conservé jusqu’en 2004. Le premier bulletin de cette nouvelle série est imprimé à Toulouse et contient des travaux scientifiques originaux,

5 L’Abbé Gustave FOURNIER (1860-1924) ne doit pas être confondu avec l’Abbé Paul FOURNIER (1877-1964), auteur du célèbre ouvrage « Les quatre flores de la ».

94 Jean VALLADE Rev. sci. Bourgogne-Nature - 20-2014, 92-106 de brefs comptes rendus de séances (10 réunions en 1931), la liste des membres de la Société et une table des matières. Le rédacteur-gérant va s’efforcer de réaliser un Bulletin scientifique régional d’audience nationale et internationale. Dans ce but, est instauré un système d’échanges des Bulletins avec d’autres sociétés françaises et étrangères. Ainsi, en 1931, 165 sociétés (françaises et étrangères) reçoivent le Tome I du Bulletin scientifique de Bourgogne. On notera que les envois à l’étranger sont effectués sans frais de port grâce au « Service des échanges internationaux du Ministère de l’Éducation nationale ». Ce système d’échanges, qui permet de recevoir de nombreuses revues de Sociétés natu- ralistes françaises et de publications étrangères, va fonctionner jusque dans les années 1980.

Photographie 3. Pierre BUGNON (1886-1957), fondateur du Bulletin scientifi que de Bourgogne.

Photographie 4. Diplôme de Pierre BUGNON (1931).

La SBHNP compte 166 adhérents en 1931 et 170 en 1932. En juin 1932, la session extraordinaire de la Société botanique de France se tient à Dijon et mobilise bon nombre des sociétaires, tandis qu’en 1933 est célébré le centenaire du Jardin botanique de la ville de Dijon. Dans le Tome IV (1934) du Bulletin scientifique de Bourgogne, le secré- taire G. BOURGEOIS indique que « le bulletin, chaque année plus important, plus riche en travaux régionaux des diverses disciplines, a pris d’emblée et conserve un rang fort honorable parmi les périodiques des sociétés scientifiques de province […] ». Parmi les articles importants à caractère régional on citera : la flore mycologique de la Côte-d’Or (E. GIRARD, T. IV), une étude des stations hétérotopiques des environs de Dijon (P. GENTY, T. IV), la faune de la Saône moyenne (R. PARIS, T. IV), les espèces méditerranéennes de la flore de Bourgogne (F. LENOBLE, T. V), capture du pêcheur de nos eaux douces (pois- sons, batraciens, crustacés) (P. P ARIS, T. V), champignons comestibles et champignons inoffensifs (M. BARBIER, T. VI, VII, VIII), Flore des muscinées et bryogéographie de la Côte-d’Or (M. BIZOT et R. DHIEN, T. VI, VII), comment et pourquoi les oiseaux chantent (H. JOUARD, T. VI), Coléoptères de la Côte-d’Or (H. PATER, T. VI, VII), étude du callovien et de l’oxfordien des environs de Dijon (H. POINSOT, T. VIII), pour ne citer que les articles publiés entre 1931 et 1938 et qui témoignent de la diversité des domaines scientifiques abordés dans le bulletin bourguignon. Un seul bulletin (T. IX), désormais imprimé à Dijon (imprimerie Berthier), sera publié en 1940 et couvrira les années 1939-1940. Au cours de la séance du 10 octobre 1939, le président X. AUBERT « adresse à tous ses confrères mobilisés ses vœux les plus chaleureux » et, malgré la guerre, la société continuera à tenir ses séances mensuelles (le 2e dimanche du mois, à 10 h, à la Faculté des Sciences, rue Monge). Mais, en fait, la Société sera contrainte de suspendre son activité pendant 16 mois et ce n’est que le 14 octobre 1941 qu’elle peut reprendre une activité réduite « avec l’autorisation des Autorités d’occupation ». Le Président X. AUBERT meurt le 8 décembre 1941 et P. GENTY devient alors Président de la SBHNP (1942) suivi par P. DE LEIRIS (1943), A. GUILLAUME (1944) et M. BIZOT (1945). Dès le 13 octobre 1942, il est décidé de réduire les comptes rendus des séances

Cent ans d’activité de la Société naturaliste dijonnaise 95 mensuelles au bénéfice de travaux originaux afin que le « Bulletin scientifique de Bourgogne conserve sa valeur scientifique et qu’il mérite encore l’importante subvention de la Caisse nationale de la Recherche scientifique. » Il est vrai que dans les années 1930, près du tiers du Bulletin était consacré à ces séances mensuelles. Lors de la séance du 10 octobre 1944, le compte rendu pré- cise que « A. GUILLAUME, dans une vibrante allocution, célèbre la libération de notre région. Après avoir rappelé les dures épreuves que nous avons subies pendant l’occupation allemande, il rend hommage à ceux qui nous ont délivrés et souhaite en terminant que notre Société puisse reprendre dans la liberté recouvrée, une activité plus complète ». Le Tome X du Bulletin ne verra le jour qu’en 1945. Au cours de l’Assemblée générale du 9 janvier 1945, le secrétaire Claude ARNAL précise que « les évènements militaires qui se sont déroulés dans notre région ont fortement ralenti l’activité de notre Société. Les publications ont été complètement suspendues en 1944 ; les excursions ont été très réduites par suite du manque de moyens de transport. » RAF G François

Photographie 5. Paul GENTY (1861-1955) Directeur du Jardin botanique de Dijon, Vice- Président de la section Botanique et Président de la SBHNP en 1942.

Photographie 6. Insigne de la SBHNP.

Photographie 7. Sortie zoologique au printemps 1945 : A gauche le Prof. R. DENIS (1893-1969) fumant sa pipe, puis P. VIETTE (1921-2011) coiffé d’un béret, J.-E. LOISEAU (1921-2008) tenant un fi let à papillons et, tout à fait à droite, Mlle Denise COQUILLAT, future Mme GUILLEMOT, que nous remercions pour nous avoir communiqué cette photo historique.

96 Jean VALLADE Rev. sci. Bourgogne-Nature - 20-2014, 92-106 La Société des Sciences Naturelles de Dijon de 1946 à 1988 Après l’Assemblée générale ordinaire du 8 janvier 1946, l’Assemblée générale extraordinaire, qui se réunit le 30 janvier de la même année, décide d’une révision des statuts de la Société allant dans le sens de la simplification. L’Association prend le nom de « Société des Sciences Naturelles de Dijon » (SSND) dont le bureau est réduit à cinq membres. Par ailleurs, les « sections » en tant qu’organismes statutaires sont supprimées, de même que les différentes catégories de sociétaires, tous étant considérés comme « membres actifs ». Le nouveau bureau de la SSND est composé de Gabriel BOURGEOIS (Président), Robert DENIS (Vice-Président), Claude ARNAL (Secrétaire), André THERRIAT (Trésorier) et Jean CHAUDONNERET (Bibliothécaire). En 1947, R. DENIS succède à G. BOURGEOIS à la présidence et les réunions mensuelles reprennent leur rythme normal. En 1948, par souci d’économie, il est décidé de ne plus publier in extenso les comptes rendus de ces séances mensuelles dans le Bulletin scientifique de Bourgogne et ce sont les quotidiens régionaux qui acceptent de les insérer régulièrement dans leurs colonnes, ce qui est aussi une façon de populariser l’activité de la SSND. Ces insertions mensuelles dans la presse régionale se poursuivront au moins jusqu’en 1954. Cette année 1954 est marquée par le VIIIe Congrès international Photographie 8. Gabriel BOURGEOIS (1896- de Botanique qui se tient à Paris ; la SSND y est officiellement 1967), Secrétaire puis Président de la SSND en 1946 et 1947. représentée par M. BIZOT tandis que l’excursion du Congrés s’effectue dans notre région sous la conduite de François BUGNON. En 1956, une nouvelle formule pour les comptes rendus des séances mensuelles est adoptée : « les résumés des communi- cations originales seront plus étendues, de façon à laisser une trace suffisante pour que les chercheurs trouvent, plus tard, des documents précis […] Il convient de faire de nos publications de véritables archives régionales des sciences naturelles.» C’est un petit retour en arrière pour mieux valoriser le contenu souvent intéressant de ces réunions mensuelles. En octobre 1957, le siège de la SSND est transféré dans les locaux de la nouvelle Faculté des Sciences (Bd Gabriel). Le secrétaire du compte rendu de l’activité pour 1957 (H. TINTANT) justifie ce transfert par les arguments suivants : « Si notre Société a décidé de garder son sort lié à celui de la Faculté des sciences, malgré la distance – plus apparente que réelle d’ailleurs, en notre société motorisée – c’est qu’elle en retire des avantages certains : collaboration d’un personnel spécialisé, participation d’étudiants, et maintenant, locaux pratiques dont le matériel scientifique va se développant… ». 1957 est aussi l’année de la création du Centre d’Études ornithologiques de Bourgogne (CEOB) placé sous la présidence d’honneur de M. G. DE VOGUË bien connu pour ses travaux sur l’avifaune locale et notamment pour son « Inventaire Photographie 9. François BUGNON (1925-1998), Secrétaire puis Président de la SSND en 1965 et des oiseaux de la Côte-d’Or » paru dans le Bulletin scientifique de 1966. Bourgogne (Tome XI, 1946-1947). L’année 1961 correspond au trentième anniversaire du Bulletin scientifique de Bourgogne dont le bilan est effectué par Pierre RAT devenu rédacteur– gérant. P. RAT indique à cette occasion que « la collection de notre bulletin constitue déjà un important recueil de documentation régionale… » ; il souligne également l’importance de « la collaboration de l’Université, dont la recherche est le métier… » cette collaboration constituant de fait une garantie de crédibilité scientifique. Il rend hommage à Pierre BUGNON (1886-1957), créateur du bulletin, qui « assuma avec une constance extrême, de 1931 à 1954, les soucis d’animateur et les tâches de gérant, malgré ses lourdes charges de Professeur de Botanique puis de Doyen de la Faculté des Sciences. » Une table des travaux originaux contenus dans les tomes I à XX (1931-1961) est à cette occasion publiée dans le tome XX.

Cent ans d’activité de la Société naturaliste dijonnaise 97 On notera que les années 1960 sont marquées par des réunions mensuelles moins régulières souvent rempla- cées par des « causeries » sur des thèmes variés et la projection de diapositives couleurs et, fait nouveau, de films naturalistes 6. Les réunions mensuelles et les comptes rendus qui en résument les contenus se poursuivent jusqu’en 1966 (tome XXIV). A partir de 1967-1968 (tome XXV) ne subsiste en fin d’ouvrage qu’une « bibliographie bour- Photographie 10. Pierre RAT (1921-2010), Photographie 11. Jean PAGÈS (1925-2009), guignonne » ; la quasi- Rédacteur-gérant du Bulletin scientifi que de Secrétaire puis Président de la SSNB de 1988 à Bourgogne après 1958. 1997. totalité du bulletin est alors réservée à des articles scientifiques, souvent volumineux (publication des thèses de Hubert DULIEU (Tomes XXV et XXVI) et de Jeannine MONIN (Tome XXVI) ou l’article d’André CLAIR sur la pollution de la Saône et de sa nappe alluviale qui occupe la totalité du Tome XXVII (1970)). Les tomes XXVIII (1971-72), XXIX (1973-74) et XXX (1975-77) poursuivront dans cette voie. Pendant toute cette période, il n’est plus fait référence à la vie de la Société : seule la page 2 de couverture mentionne la composition du Bureau et celle du Conseil d’Administration, indications qui disparaîtront d’ailleurs à partir de 1995. En 1978, une nouvelle étape est franchie par la SSND et son Bulletin scientifique de Bourgogne. Bernard FROCHOT succède à Jean BARBIER à la présidence de la Société. André BRUNAUD en est le Vice-Président, Jean PAGÈS le Secrétaire (assisté de Roger BESSIS et Jean CHALINE, Secrétaires-adjoints), A. PÉCHINOT le Trésorier, F. BUGNON le Bibliothécaire. On notera que le Rédacteur-gérant du Bulletin est remplacé par une commission du Bulletin scientifique de Bourgogne composée de F. BUGNON, J. CHAUDONNERET, L. COUREL, J.-P. HENRY et P. RAT et que des Délégués aux problèmes de la protection de la nature sont désignés : F. BUGNON, Dr C. FERRY et B. FROCHOT. Avec le tome 31 (1978), le Bulletin scientifique de Bourgogne change de format et de couverture (rose saumon). Chaque Bulletin annuel se présente alors sous la forme de deux fascicules d’une cinquantaine de pages et contient des articles scientifiques courts (3 à 10 pages). La Société des Sciences Naturelles de Bourgogne de 1988 à 2004 Le 16 mars 1988, l’Assemblée générale de l’Association décide de transformer la SSND en SSNB (Société des Sciences Naturelles de Bourgogne) vraisemblablement pour être en harmonie avec le titre de son périodique qui conserve le nom de Bulletin scientifique de Bourgogne et du fait également du changement d’appellation de l’Université de Dijon qui devient Université de Bourgogne. Ce changement d’intitulé ne modifiera pas sensiblement l’organisation et le fonctionnement de l’Association dont les adhérents sont pour l’essentiel de Dijon et de sa région tandis que son activité reste principalement centrée sur Dijon et la Côte-d’Or. Dans le même temps, le siège social de la Société passe de la Faculté des Sciences au Muséum de l’Arquebuse. Le Bulletin scientifique de Bourgogne conserve sa formule adoptée en 1978 (deux fascicules d’une cinquantaine de pages chaque année), seule la couverture change de couleur, passant du rose au vert. Mais, pendant cette période un certain essoufflement se fait sentir marqué par la parution à partir de 1991 d’un seul fascicule par an. Une première interruption se produit en 1993, le Bulletin « ordinaire » est alors remplacé par la publication du tome I de la « Nouvelle Flore de Bourgogne » (F. BUGNON et col.) qui paraît sous la forme d’un numéro hors série du Bulletin. Puis une nouvelle interruption de l’édition du Bulletin,

6 Par exemple le 10 mars 1964, François Graf présente un film sonore en couleurs (100 m, 10 minutes), qu’il a lui-même réalisé, sur le Crapaud accoucheur.

98 Jean VALLADE Rev. sci. Bourgogne-Nature - 20-2014, 92-106 plus durable, correspond à une période d’entrée en somnolence de la SSNB après le décès de F. BUGNON le 15 novembre 1998. Aucun Bulletin ne sera publié pendant une période de quatre ans (1998-2002). Sous l’impulsion d’un petit groupe de naturalistes, une Assemblée générale est convo- quée le 6 novembre 2001 par Gérard FERRIÈRE, Conservateur du Muséum de Dijon, pour relancer l’activité de la Société et prioritairement la publication du Bulletin scientifique de Bourgogne. Un nouveau Bureau est mis en place présidé par Bernard FROCHOT et composé statutairement de quatre autres membres : Philippe DARGE (Vice-Président), Monique PROST (Secrétaire) Yves MIGNOTTE (Trésorier) et Jean DELANCE (Bibliothécaire). La réunion du 15 janvier 2002 désigne un comité de rédaction composé d’une quinzaine de personnes et prévoit le contenu du nouveau Bulletin scientifique de Bourgogne qui comportera une cin- quantaine de pages publiées sous un format A4. La SSNB reprend ainsi un nouveau souffle à partir de 2002 et édite le tome 50 (fascicules 1 et 2) qui sera suivi des tomes 51 (fasci- cules 1 et 2) en 2003 et 52 (fascicules 1 et 2) en 2004. Lors d’une rencontre entre Bernard FROCHOT, Président de la SSNB et Henri GAUTHERIN, Président de la SHNA, il est envisagé un « mariage » entre les sociétés naturalistes de Dijon et Autun pour l’édition en commun d’une revue vraiment bourguignonne. Au cours de la réunion de la SSNB du 9 novembre 2004, Daniel SIRUGUE, Conseiller d’administration de la SHNA et du PnrM, avance le projet d’une revue qui pourrait s’intituler « Bourgogne-Nature » et qui paraîtrait à raison de deux numéros par an avec possibilité de numéros hors série, spécifiques. Ce projet est accepté par la SSNB qui décide que la nouvelle revue « Bourgogne-Nature » prendra le relais du « Bulletin scientifique de Bourgogne » dont le titre prend donc fin avec le tome 52 (2004). La SSNB de 2005 à 2013 Depuis 2005, la SSNB poursuit une activité régulière représentée par 7 à 10 sorties-terrain chaque année, des conférences publiques, des participations à des inventaires régionaux, des articles pour la revue Bourgogne-Nature, une participation aux Rencontres annuelles Bourgogne-Nature, une collaboration au site Bourgogne-Nature : www.bourgogne-nature.fr . Des secteurs d’études quelque peu délaissés depuis plusieurs décennies (mousses, lichens) trouvent des adeptes qui relancent prospections et inventaires dans notre région. Ces acti- vités font l’objet de comptes rendus écrits conservés par le Président et le Secrétaire de l’Association. De même « la vie de la Société » se retrouve dans les comptes rendus des Assemblées générales (annuelles) et des Conseils d’Administration (au moins deux par an) qui sont systématiquement archivés par le Président et le Secrétaire. En l’absence de bulletin propre à la SSNB, ces documents constituent les seuls témoignages écrits et consultables de la vie de l’Association. Fait marquant de cette période, le 31 mai 2011, une Assemblée générale extraordinaire procède à une modification des statuts lesquels précisent désormais de façon explicite les fonctions dévolues à l’Assemblée générale annuelle, au Conseil d’Administration et au Bureau du Conseil. A l’occasion de cette réunion, et suite à la démission de trois membres du Bureau (Bernard FROCHOT, Philippe DARGE et Yves MIGNOTTE), l’A.G. procède à l’élec- tion d’un nouveau Bureau et d’un nouveau Conseil d’Administration. Depuis cette date, le Bureau est composé de Jean VALLADE (Président), Vincent GODREAU (Vice-Président), Louis MATHEY (Secrétaire), Monique PROST (Secrétaire-adjointe) et Isabelle OTTONE (Trésorière). Créée en 2005, grâce à une collaboration de la SSNB et de la SHNA, avec le soutien actif du Parc naturel régional du Morvan et la forte implication de Daniel SIRUGUE, la revue « Bourgogne-Nature » devient la première revue scientifique naturaliste véritablement bourguignonne. Depuis 2012, sa réalisation et sa gestion sont assurées par l’Association fédérative Bourgogne-Nature qui regroupe la SSNB, la SHNA, le Parc naturel régional du Morvan (PnrM) et le Conservatoire d’espaces naturels de Bourgogne (CENB). Le siège social de cette nouvelle Association se situe à la Maison du Parc à Saint-Brisson. La création de la revue scientifique Bourgogne-Nature constitue une rupture décisive avec le passé : publiée en format 17 x 24 avec une abondante iconographie en couleurs et des rubriques diversifiées, elle entend mettre les sciences naturelles à la portée d’un large public (son tirage est de 1 500 exemplaires par numéro) et constituer l’outil principal permettant de pérenniser les données naturalistes récoltées par de nombreux acteurs de Bourgogne. Depuis 2005, 17 numéros sont parus dont un sur deux, désormais, publie les comptes rendus des « Rencontres annuelles Bourgogne-nature » dont nous célébrons ici le dixième anniversaire !

Cent ans d’activité de la Société naturaliste dijonnaise 99 *****

Analyse sommaire du contenu du Bulletin de la SBHNP (1913-1925) et du Bulletin scientifique de Bourgogne (1931-2004) Les 23 fascicules du Bulletin de la SBHNP publiés de façon irrégulière entre 1913 et 1925 rassemblent 417 pages dont 284 sont consacrées à des études naturalistes dans notre région et des comptes rendus de séances et d’excursions effectuées dans la région dijon- naise. Les 133 autres pages concernent des études naturalistes effectuées hors Bourgogne ou des articles scientifiques originaux. Pour le Bulletin scientifique de Bourgogne on distinguera deux périodes : 1931-1977 : Au cours de ces 47 années, 30 tomes du Bulletin paraîtront, rassemblant un total de plus de 6 500 pages dont environ 2 500 pages de données naturalistes concer- nant la région Bourgogne, 2 700 pages de données extra-bourguignonnes et d’articles scientifiques originaux « académiques » ; près de 1 000 pages sont réservées aux comptes rendus des séances mensuelles de la Société et 350 pages au Bulletin annuel de la Société mycologique de la Côte-d’Or. 1978-2004 : Au cours de ces 27 années, le volume du Bulletin est réduit et ne ras- semble au total que 1 825 pages dont 1068 pages de données naturalistes concernant la région Bourgogne, 714 pages de données extra-bourguignonnes et d’articles scientifiques originaux « académiques » et seulement 43 pages consacrées aux comptes rendus et à une « bibliographie bourguignonne » épisodique. Le survol que nous nous proposons d’effectuer des quelque 8 700 pages ainsi produites entre 1913 et 2004 fera l’objet de trois parties distinctes : la première fera succinctement allusion aux « articles scientifiques originaux issus de la recherche fondamentale », la seconde évoquera les principales contributions à la connaissance de la flore, de la faune et de la géo- logie en Bourgogne (et plus spécialement en Côte-d’Or), mais nous développerons surtout la troisième partie qui sera consacrée aux comptes rendus des séances mensuelles de la Société. C’est en effet dans ces pages, principalement publiées entre 1913 et 1968, que l’on trouve les principaux éléments susceptibles de nous renseigner sur « la vie de l’association » depuis cent ans, mais aussi sur l’évolution de la nature dans notre région, des progrès des connaissances et des moyens de leur diffusion, des changements des mentalités et du rôle des sociétés naturalistes dans le recueil des données naturalistes et leur diffusion à un large public de scolaires, d’universitaires et de naturalistes amateurs et professionnels.

1. Articles scientifiques originaux issus de la recherche fondamentale Nous avons fait allusion à plusieurs reprises à des publications originales issues d’une « recherche fondamentale, dite académique » : A titre d’exemples, dans le domaine végétal on citera l’insertion de 3 thèses d’État (C. ARNAL, J. MONIN et H. DULIEU) et de nombreuses publications de morphologie végétale (P. et F. BUGNON et leurs élèves) ; de même dans le domaine animal, la rédaction de nombreux travaux sur les insectes, les crustacés, les oiseaux dont les auteurs principaux sont J. CHAUDONNERET, J.-R. DENIS, F. GRAF, H. JOUARD, J. PAGÈS, J. ROY) et dans le domaine de la géologie et paléontologie la publication des travaux originaux de l’Ecole dijonnaise souvent réalisés hors de la Bourgogne (E. CHAPUT, R. CIRY, H. TINTANT, P. RAT et leurs élèves). Un tableau précis de ces publications a été réalisé en 1961 (Tome XX) et il serait souhaitable de le compléter par une analyse des bulletins publiés entre 1962 et 2004 (Tomes 21 à 52) ce qui ne peut être fait dans le cadre de cet article. Nous renvoyons donc le lecteur intéressé par ces travaux à la consultation de la collection complète du Bulletin scientifique de Bourgogne 7.

2. Données naturalistes régionales Le Bulletin scientifique de Bourgogne constitue un recueil remarquable des données naturalistes régionales et plus spécialement de la Côte-d’Or pour l’ensemble des sciences de la vie et de la terre. Sans être exhaustif, on citera quelques gros dossiers tels que : « La flore mycologique de la Côte-d’Or » (E. GIRARD,1934), « Les champignons pathogènes avec les plantes hôtes et les lieux de récolte » (Colette MUGNIER, 1966), « Les lichens de la

7 La collection complète du Bulletin scientifique de Bourgogne est consultable à la BU sciences et à la Bibliothèque municipale de Dijon. La SSNB possède également cette collection dans sa bibliothèque située actuellement en sous-sol de la Faculté Gabriel-sciences dans la salle des « Herbiers ».

100 Jean VALLADE Rev. sci. Bourgogne-Nature - 20-2014, 92-106 Côte d’Or » (P. GENTY, 1933 et plusieurs notes de F. BUGNON, 1958 à 1962), « Les flores des Hépatiques et Muscinées de la Côte-d’Or » (M. BIZOT et R. DHIEN, de 1936 à 1952), Les études phytosociologiques et écologiques des pelouses xérophiles des collines calcaires (M. BIDAULT et J.-M. ROYER, 1960, 1966), « les groupements forestiers sub-montagnards de Bourgogne » et les « Alliances phytosociologiques » (J.-C. RAMEAU, J.-M. ROYER, F. BUGNON, A. BRUNAUD, « Les Coléoptères de la Côte-d’Or » (H. PATER, 1936-1937, P. LEBLANC, 1987), « Les Hyménoptères de la Côte-d’Or » (H. CHEVIN, J. BARBIER, Monique PROST, 1975, 1987, 1997), « les Lépidoptères » (R. ESSAYAN, 1984, A. ROGUENANT et C. DUFAY, 1990), « la faune entomologique de Bourgogne » (Ph. DARGE, 2002, 2004), les crustacés cavernicoles de la Bourgogne (G. MAGNIEZ, J.-P. HENRY), « l’inventaire des oiseaux de la Côte-d’Or » (G. DE VOGUË, 1946), « La faune de la Saône moyenne » (P. PARIS, 1931 à 1935). A ces données du monde vivant il faut ajouter de très nombreux articles concernant la géologie et la paléontologie côte-d’oriennes et plus largement bourguignonnes rédigés par les ensei- gnants-chercheurs et chercheurs dijonnais (M. AMIOT, A. BONNOT, J. CHALINE, E. CHAPUT, R. CIRY, L. COUREL, J. DELANCE, J.-L. DOMMERGUES, P. LARCHER, B. LAURIN, D. MARCHAND, J.-C. MENOT, H. POINSOT, J.J. PUISSÉGUR, P. RAT, J. THIERRY, H. TINTANT …). L’ensemble de ces publications permet d’avoir une image « géologique » détaillée de la région dijonnaise et plus largement de la Bourgogne.

3. Les séances mensuelles et la vie de l’Association naturaliste dijonnaise La vie de l’Association est scandée jusqu’à la fin des années 1960 par ses « séances men- suelles » dont les comptes rendus sont publiés plus ou moins complètement dans le Bulletin (voir précédemment). Ces réunions sont l’occasion d’aborder des sujets très diversifiés que nous nous proposons d’illustrer par quelques exemples dont certains marquent le maintien des objectifs formulés et des activités pratiquées il y a un siècle, d’autres indiquent des évènements particuliers et des changements dans la nature tandis que plusieurs témoignent d’une évolution qui touche les connaissances et les mentalités.

3.1. Le maintien des objectifs affichés dès 1913 par l’Association et les liens tissés très tôt avec d’autres sociétés naturalistes L’article 1er des statuts adoptés en 1913, cité au début de ce texte indique que la SBHNP a pour but de développer l’étude des Sciences naturelles et de Préhistoire dans la région, d’en propager le goût […] d’organiser des excursions et des conférences… ». Les statuts révisés en 1946 puis en 2011 reprennent la plupart de ces objectifs 8. Nous avons souligné en introduction la difficulté rencontrée par son fondateur pour créer une association naturaliste à Dijon dont le fonctionnement a été en outre rapidement perturbé du fait de la première guerre mondiale. Toutefois, la SBHNP a su établir très tôt des liens privilégiés avec d’autres associations naturalistes, en premier lieu avec la Société Mycologique de la Côte-d’Or (SMCO), son aînée de huit ans. La collaboration entre les deux associations se concrétise par l’insertion du Bulletin annuel de la SMCO dans le Bulletin scientifique de Bourgogne de 1934 à 1965. Par ailleurs, lors de son Assemblée générale du 13 février 1938, la Société d’étude des Sciences naturelles de la Haute-Marne décide de se rattacher à la SBHNP et, moyennant un arrangement financier, l’association haut-marnaise a la possibilité de publier articles, comptes rendus des séances et autres manifestations dans le Bulletin scientifique de Bourgogne. Cette collaboration prendra effet avec le tome VIII (1938) et se poursuivra avec le tome IX (1939-1940) qui paraît en mai 1941. Ce lien fort entre les deux associations persiste encore aujourd’hui (sorties communes, projet de Parc national des forêts de Champagne et Bourgogne). A la même époque, un projet de collaboration avec la Société d’Histoire Naturelle d’Autun est également envisagé et lors d’une rencontre des Présidents des deux Sociétés, MM. AUBERT (SBHNP) et le Comte DE PRUNELÉ (SHNA), il est envisagé une collaboration semblable à celle qui a été établie avec

8 Art. 1er des statuts de 1946 : « La Société des Sciences Naturelles de Dijon a pour objet l’étude des Sciences naturelles, particulièrement dans le cadre de la région, et le goût de ces sciences. Elle a son siège à Dijon. Sa durée est illimitée. » Art. 1er des statuts de 2011 : « La Société des Sciences Naturelles de Bourgogne (SSNB) a pour but : 1° l’étude des sciences naturelles particulièrement dans le cadre de la région, 2° la diffusion des connaissances et l’aide à l’initiation ou au perfectionnement de ses membres dans tous les domaines qui relèvent des sciences de la nature. Sa durée est illimitée. Elle a son siège à Dijon au Muséum-Jardin des Sciences. »

Cent ans d’activité de la Société naturaliste dijonnaise 101 la Société de Haute-Marne. Mais ce projet n’aboutira pas et il faudra attendre 2005 pour que ce rapprochement se concrétise avec la parution de la revue Bourgogne-Nature. On doit souligner également les liens forts, plusieurs fois rappelés et justifiés dans ce texte, de l’Association naturaliste avec l’Institution universitaire. Cette collaboration à béné- fices réciproques entre les deux partenaires a été récemment réaffirmée par la signature en octobre 2011 d’une convention entre la SSNB et l’Université de Bourgogne. Cette collaboration avec plusieurs partenaires régionaux a été encore renforcée récem- ment par la création de l’Association fédérative Bourgogne-Nature qui rassemble quatre composantes (SSNB, SHNA, PnrM, CenB). Cette volonté de mise en commun du Savoir et de sa diffusion apparaît donc comme un point fort et permanent de la vie de la Société naturaliste dijonnaise.

3.2. Des évènements marquants et datés : tremblement de terre et perturba- tions climatiques, présence et passages inhabituels d’oiseaux, arrivée de plantes envahissantes. Dans le Tome XIII (1950-1951), E. BERGER rapporte quelques observations sur le séisme ressenti le 13 mai 1949 dans le massif du Morvan : « la secousse, perceptible à la façon d’une violente trépidation, a été ressentie comme une vibration dans le sens vertical » par l’ensemble de la population du village d’Anost en Saône-et-Loire, épicentre de ce séisme qui a provoqué « un bruit sourd et violent, croissant pendant une seconde et décroissant pendant deux secondes… » . D’après le Professeur J. ROTHÉ, directeur de l’Institut de Physique du Globe à Strasbourg, ce séisme pourrait être mis « en rapprochement avec le tassement du carbonifère coincé entre deux massifs granitiques. » Il serait intéressant de savoir si ces explications satisfont les sismologues actuels… Une autre perturbation, cette fois climatique, concerne l’hiver rigoureux de 1928-1929 qui a eu « des conséquences fâcheuses pour les végétaux ». Cette rigueur hivernale s’est reproduite en 1955-1956 (- 26,8° au sol le 14 février 1956 !) ce qui est l’occasion pour H. POINSOT (Tome XVII, 1956) d’effectuer une comparaison avec les observations de P. GENTY (T.I, 1931). H. POINSOT remarque avec intérêt qu’au Jardin botanique, « des plantes de nos pays qui avaient commencé à se développer stimulées par la douceur anormale de janvier ont péri alors que des plantes méridionales, restées en sommeil hivernal, ont supporté le froid sans dommage. » De même, quelques effets de la sécheresse et de la canicule de l’été 2003 sur la vigne et la végétation ont été mentionnés sur deux pages dans le tome 52 (2004) du bulletin. Observations inhabituelles d’oiseaux : Le Président P. GENTY indique au cours de la séance du 10 mars 1942 avoir observé le passage de « Jaseurs de Bohême » à la fin de février 1942 à Dijon : « Plusieurs centaines de ces oiseaux ont séjourné pendant quelques jours au Jardin de l’Arquebuse et dans les environs. Pareil fait ne s’était pas produit depuis l’hiver 1913-1914. » Plus récemment, il est fait mention d’une irruption de jaseurs boréaux (Bombycilla garrulus) en Bourgogne au cours de l’hiver 2004-2005 (cf. art. de S. MEZANI, Bourgogne-Nature no 2, 2005). A. PÉCHINOT signale le 8 septembre 1942 qu’une quarantaine de cigognes ont passé la nuit du 30 au 31 août 1942 sur le toit de l’église de Ruffey-lès- Echirey et sur les arbres entourant l’édifice. Le 9 décembre 1952, M. ROBERJOT indique qu’un cormoran a été tué près de Velars tandis qu’à la même séance, le Dr C. FERRY annonce qu’un sterne arctique (première capture en Côte-d’Or) a subi le même sort sur l’étang de Grosbois. B. FROCHOT signale le 9 janvier 1965 la présence de la chouette de Tengmalm en Châtillonnais dans des bois de chênes et de hêtres. En fait, il est précisé qu’il ne s’agit pas vraiment d’une « station nouvelle » puisque la présence de cette espèce avait été déjà notée au siècle dernier dans les bois de , du Châtillonnais et de l’Arrière Côte. Enfin, P. BROSSAULT indique que la cigogne noire niche en Bourgogne depuis 1992 (t. 50, 2002). Le recueil de telles informations est aujourd’hui systématiquement poursuivi et facilité par l’existence d’une base de données « Bourgogne base Fauna » consultable sur le site www.bourgogne-nature.fr, à la rubrique « inventaire de la nature en Bourgogne ». L’arrivée de plantes envahissantes : Du côté des végétaux, certaines espèces s’implantent alors que d’autres disparaissent. Nous ne citerons que quelques exemples pour illustrer cet aspect. La Cardamine hirsute, petite plante printanière si commune aujourd’hui à la ville comme à la campagne, a été découverte pour la première fois en Côte-d’Or en 1925 par P. GENTY qui indique sa présence dans cinq localités : , Gevrey, Velars, Larrey et Mesmont (Bulletin de la SBHNP, no 7, 1925).

102 Jean VALLADE Rev. sci. Bourgogne-Nature - 20-2014, 92-106 P. DE LEIRIS apporte à la séance du 27 octobre 1935 des échantillons de Galinsoga par- viflora provenant de Paris. Cette espèce, originaire d’Amérique du sud, est d’introduction ancienne en France mais s’est dispersée lentement. P. GENTY, le 11 juillet 1944 indique pour sa part la présence de Galinsoga aristulata (devenue G. ciliata et maintenant G. quadriradiata) à Dijon et remarque que cette espèce se substitue à G. parviflora. M. BIZOT mentionne le 14 novembre 1944 l’existence d’une nouvelle station de G. aristulata rue Sambin à Dijon. Il s’agit d’une espèce en extension très commune actuellement dans les jardins et les cultures alors que G. parviflora ne se rencontre qu’occasionnellement en Bourgogne. M. BIZOT indique le 21 juillet 1942 avoir récolté l’Ambroisie à épis lisses (Ambrosia psi- lostachya devenu A. coronopifolia) rue de la Côte-d’Or à Dijon. Cette espèce est présentée par le Commandant CHEVASSUS lors de la réunion du 10 novembre 1953. Cette espèce en mélange avec Ambrosia artemisiifolia reste discrète et n’a été notée que dans quatre communes de Saône-et-Loire depuis 2001 (O. BARDET et al., 2008). Ce n’est pas le cas d’une autre espèce d’Ambroisie, Ambrosia artemisiifolia, introduite depuis 1863 en France. Ch. LARCHER, le 13 octobre 1953, signale que cette espèce « nuisible aux cultures, qui paraît se propager lentement en Côte-d’Or, a été récoltée dans un champ à . » Il indique qu’elle a déjà été observée quelques années auparavant à par M. CHEVASSUS. On sait que l’expansion de cette plante, dont le pollen est très allergisant, a été rapide ces dernières années, en particulier en Saône-et-Loire où son arrachage est obligatoire (cf. Cl. CARVIN et al., Bull. sci. Bourg., t. 51-2 : 18-23, 2003 et B. CHAUVEL, Bourgogne-Nature, 12 : 80-90, 2010).

3.3. Des préoccupations caractéristiques d’une époque : la recherche de succédanés pendant les années de guerre La pénurie de certains produits usuels en période de guerre a stimulé la recherche de substituts acceptables. C’est le cas notamment pour le café, le tabac et l’huile. Lors des séances mensuelles des 14 avril et 9 juin 1942, le Dr RÉGNIER recommande les graines de tilleul argenté comme succédané du café tandis que A. THIERRIAT paraît préférer les graines de lupin après torréfaction ! Pour remplacer le tabac, le Dr RÉGNIER recommande des mélanges de feuilles de plantes de base (charme, hêtre, chêne, noisetier, topinambour, guimauve, bouillon blanc, bardane, tussilage etc.) et de plantes parfumées (mélilot, aspérule odorante, oignon vulgaire, serpolet, sauge des prés, fleurs de carotte, de fenouil etc.). Mlle CHEVAL (9 mars 1943) suggère de son côté l’utilisation de graines de Plantago ispaghula qui fournit un mucilage susceptible de remplacer l’huile.

3.4. Des bizarreries et anomalies diverses aux informations scientifiques d’intérêt général Les séances mensuelles sont aussi l’occasion de signaler des observations plus ou moins curieuses, voire anodines, telle celle rapportée par A. PÉCHINOT (8 octobre 1935) qui indique « qu’une mésange à tête noire avait élu domicile dans la boîte aux lettres de M. Quillery à Flacey et qu’elle y a élevé deux couvées » ou celle de M. BIZOT qui rapporte (10 mai 1938) « l’adoption par une chatte d’une nichée de lapins dont la mère avait succombé. » De façon moins anecdotique, de nombreux échantillons végétaux montrant des anoma- lies de divers types (fasciations, fleurs prolifères, « balais de sorcière »…) font l’objet d’une présentation lors de ces séances, suivie d’une discussion et d’une tentative d’explication sur des bases scientifiques de ces phénomènes anormaux. Cela vaut aussi pour des ano- malies qui touchent le monde animal. Par exemple, au cours de la séance du 10 novembre 1936, P. PARIS montre des grenouilles (Rana esculenta) à pattes supplémentaires (un cas à cinq, un cas à six et un cas à sept pattes). C’est au cours de la séance mensuelle du 10 avril 1934 que G. BOURGEOIS relate cette trouvaille d’une « personne du quartier des Abattoirs » à Dijon : un gros œuf de poule de 8 cm de diamètre qui renfermait un second œuf complètement constitué mesurant 5,5 cm, tous deux « ayant une coquille, un blanc et un jaune.» Cette anomalie a de nouveau été signalée par le même G. BOURGEOIS le 11 octobre 1949. On se souvient que ces œufs emboîtés, en « poupée russe », ont fait l’objet de la rubrique « curiosité » dans un récent Bulletin « Bourgogne-Nature » (R. GOUX, BN 16, 2012). On précisera que la probabilité de réalisation de cette bizarerie aviaire est faible « si l’on en juge par ce fait que trois cas semblables seulement furent signalés en 5 ans par les contrôleurs-mireurs des Halles de Paris, qui vérifient cependant plus de cent millions d’œufs en une année. » (G. BOURGEOIS, 1934).

Cent ans d’activité de la Société naturaliste dijonnaise 103 Autre exemple, R. DENIS, le 13 juin 1944, fait état d’une étude réalisée par M. CUÉNOT sur un phasme dont l’antenne a été sectionnée en dessous du deuxième article et au niveau duquel une patte a repoussé à la place de l’antenne. Cette anomalie, fort intéressante, n’est pas sans rappeler le mutant portant sur le gène homéotique Antennapedia (qui entraîne le développement de pattes sur la tête de la drosophile, à la place des antennes), mutation dont l’étude ne sera réalisée qu’en 1980 ! Ces bizareries ou anomalies trouvent aujourd’hui leur place dans les rubriques « curio- sité » et « pour la petite histoire » de la revue Bourgogne-Nature. De nombreuses « causeries » ont aussi abordé des sujets d’intérêt général et qui fai- saient problème à l’époque. Ainsi, lors de la séance du 13 mars 1945, R. CIRY expose les méthodes utilisées pour mesurer l’âge de la terre. Il indique en particulier que les méthodes les plus sûres sont basées sur l’étude des métaux radio-actifs : « d’après les proportions de plomb et d’hélium dans une roche, on peut connaître l’âge d’un minerai. Ces méthodes fixeraient à deux milliards d’années l’origine de l’écorce terrestre. » L’évaluation est, malgré tout, encore très sous-évaluée ! Dans un autre ordre d’idée, mais toujours en rapport avec la mesure du temps, le même R. CIRY, le 22 octobre 1947, relate la découverte récente en Charentes d’un crâne à caractère d’Homo sapiens d’âge acheuléen. « Les conditions de gisement, l’association avec une faune chaude permettent de connaître avec précision l’âge de ce crâne. Cette découverte tend à prouver que l’Homo sapiens a été contemporain de l’Homo neanderthalensis et ne peut donc en être le descendant. » De son côté, M. BIZOT, le 13 février 1945, effectue une causerie sur la pénicilline à propos de laquelle il met en avant la haute valeur thérapeutique de cet antibiotique et les affections contre lesquelles elle est spécialement active. « Il présente ensuite des cultures bactériennes où il a fait développer un Penicillium réalisant ainsi l’expérince fondamentale de Fleming.» Nous n’en étions qu’au début de l’utilisation des antibiotiques, période décisive dans la lutte contre les maladies infectieuses d’origine bactérienne.

3.5. L’idée de protection de la nature fait son chemin : une illustration du change- ment des mentalités On a déjà relaté, ci-dessus, l’appel lancé par J. LAGORGETTE en 1925 pour exterminer les vipères et autres bestioles dangereuses. Par ailleurs, dans le domaine de la botanique, au cours de la séance du 12 juin 1934, P. PARIS présente une tige fleurie de Sabot de Vénus (Cypripedium calceolus) récoltée aux environs de , « une nouvelle localité, dont M. Genty avait appris également l’existence cette année, qui se trouve à une quarantaine de km au sud de celles du Châtillonnais.» Un an plus tard, P. GENTY récidive au cours de la séance du 11 juin 1935 en présentant un exemplaire de Sabot de Vénus et un pied de Néottie-nid d’oiseau provenant de Moloy. On sait que depuis cette époque, Vipères et Sabot de Vénus sont en protection nationale et que la station de Moloy (vallon de Bellefontaine) est devenue la station majeure de Sabots de Vénus en Côte-d’Or comportant plusieurs milliers d’individus protégés et confiés « aux petits soins » de l’ONF. Ce n’est donc plus l’heure de détruire les vipères et d’offrir à vos meilleurs amis des bouquets de Sabots de Vénus sauvages ! Depuis les années 1960, en effet, l’idée de protection de certaines espèces animales et végétales et de milieux fragiles s’est progressivement imposée, signe d’un changement dans les mentalités dont plusieurs textes parus dans le Bulletin scientifique de Bourgogne sont le témoignage. On se limitera à ce sujet au compte rendu de l’intervention de C. FERRY effectuée le 9 février 1965 à propos de la protection de la nature : « Le milieu vivant qui nous entoure, dit-il, est soumis à bien des bouleversements, à cause des transformations de la vie rurale, de la vie urbaine, des activités industrielles. Mais s’il y a ainsi toutes sortes de causes de dégradation du milieu, il y a aussi toutes sortes de raisons pour que l’homme prenne conscience du danger encouru et réagisse : raisons économiques, touristiques, scientifiques et tout simplement humaines […] Sur le plan local, à défaut de voir les biologistes consultés dans tous les grands projets d’expansion - espoir encore chimérique- il faut s’efforcer de pro- mouvoir la sauvegarde d’un certain nombre de milieux caractéristiques ou importants tels que divers milieux forestiers, les milieux humides de Val de Saône et du Morvan, les grandes falaises de la Côte, les très rares dunes des bords de Saône dans le sud de la Bourgogne etc. A première vue cet effort de protection paraît aller à l’encontre de l’expansion ; en réalité il sera éminemment profitable à l’homme de demain. » On appréciera ces propos d’avant-garde et la mise en œuvre, depuis près de cinquante ans, de mesures en faveur de la protection des milieux et des espèces en danger de disparition en particulier par la création de réserves régionales et nationales, des ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et

104 Jean VALLADE Rev. sci. Bourgogne-Nature - 20-2014, 92-106 Floristique) des Listes rouges etc. et des diverses réglementations concernant la protection des espèces animales et végétales aux niveaux régional et national 9.

3.6. Fiches biographiques. L’insertion de fiches biographiques de personnalités scientifiques régionales dans le bulletin de la Société est pratiquée depuis l’origine de l’Association. Ainsi, dès 1924, le Dr PFEIFFER (Secrétaire de la SBHNP) consacre une notice à l’Abbé Gustave Fournier (1860- 1924) botaniste, puis P. GENTY dans la rubrique « Galerie des naturalistes bourguignons » évoque la vie de J.-B. LATOUR (1841-1924) également botaniste, puis de Bernard DUFOUR (1870-1925), pharmacien-botaniste. Dans le Bulletin scientifique de Bourgogne les notices biographiques suivantes sont successivement publiées : Edmond HESSE (1872-1934) par P. BUGNON et O. DUBOSCQ, Paul PARIS (1875-1938) et Henri JOUARD (1896-1938) par R. DENIS, Ernest CHAPUT (1882-1943) par P. DE LEIRIS, Xavier AUBERT (1872-1941) par P. GENTY, Émile TOPSENT (1862-1951) par R. DENIS, Paul GENTY (1861-1955) par H. POINSOT, Pierre BUGNON (1886-1957) par C. ARNAL, Maurice BARBIER (1866-1955) par G. BOURGEOIS, André GUILLAUME (1881-1963) par H. POINSOT, Gabriel BOURGEOIS (1896- 1967) par F. BUGNON, Robert DENIS (1893-1969) par J. BITSCH, Jean BARBIER (1913-1980) par M. BARBIER 10. Il est heureux que la revue Bourgogne-Nature poursuive cette tradition dans sa rubrique « Arrêt sur un personnage » qui a permis de publier une quinzaine de fiches biographiques supplémentaires 11. Ces portraits de nos Anciens, plus qu’un simple mais nécessaire hommage de reconnaissance pour leurs contributions scientifiques, donnent à l’histoire la dimension humaine tellement indispensable pour sa bonne compréhension.

En guise de conclusion Parmi les activités déployées par la Société naturaliste dijonnaise, il en est une qui s’est perpétuée sans prendre une ride : la sortie sur le terrain. Certes, l’appareil photo numérique a le plus souvent remplacé la boîte à herboriser du botaniste, mais loupe de terrain, jumelles, filets à papillons et marteau du géologue sont des outils toujours nécessaires, de même que les carnets et crayons de papier pour prendre des notes bien qu’ils soient parfois remplacés, il est vrai, par un petit dictaphone portable capable d’enregistrer les chapelets de noms latins égrénés par les plus savants des accompagnateurs ! Les lieux de sortie aux environs de Dijon les plus appréciés aujourd’hui sont les mêmes qu’il y a cent ans : les combes de la Côte dijonnaise, le Val Suzon dans toute sa longueur, Mâlain et Baulme-la-Roche, Flavignerot, le Mont Afrique, Lantenay, l’Arrière-Côte, Moloy…Si bien qu’il est possible d’établir des comparaisons précises entre les relevés zoologiques et botaniques effectués sur les mêmes sentiers à cent ans d’intervalle. C’est ce qui a pu être réalisé cette année lors de la « sortie botanique du centenaire » effectuée dans le Val Suzon, à Roche-Château/ Fontaine de Jouvence, le 12 mai 2013 sur le parcours de la première sortie botanique de la SBHNP réalisée le 22 mai 1913. De cette agréable journée passée sur les pas de nos Anciens, on peut globalement conclure que le milieu ne s’est pas sensiblement modifié et que les plantes rencontrées il y a un siècle et listées par P. GENTY ont été, pour la plupart retrouvées cette année, souvent sous des noms différents (règles taxonomiques obligent !), mais savamment nommées par O. BARDET qui dirigeait l’excursion. A la différence de 1913, cependant, aucune plante n’a été prélevée en 2013 pour la raison que le parcours choisi se situe désormais à l’intérieur de la « Réserve naturelle régionale du Val-Suzon-forêt d’excep- tion » créée en 2011 et dont la gestion effectuée par l’ONF 12 prévoit la protection intégrale de la faune et de la flore. Pas de cueillette donc mais des dizaines de photos numériques à trier, classer, recadrer et à enregistrer sur clé USB ou disque dur et diffuser via internet ! Un vocabulaire sans signification il y a cent ans…

9 Sur ce point on consultera avec intérêt le compte rendu des 7e Rencontres Bourgogne-Nature « Des listes rouges pour protéger…des inventaires pour mieux connaître » paru dans le Bourgogne-Nature no 16, 2012. 10 Notons que l’éloge d’Henri POINSOT (1902-1989) a été rédigé par P. RAT et publié dans les Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, t. 130, 1989-1990, p. 85-92. 11 Dans cette liste on retiendra les noms de Henri TINTANT (1918-2002), Jean-Claude RAMEAU (1943-2005), François BUGNON (1925-1998), Jean PAGÈS (1925-2009), Pierre RAT (1921-2010), Pierre VIETTE (1921-2011) qui ont fortement marqué de leur empreinte la vie de la Société naturaliste dijonnaise. 12 On trouvera dans le Bulletin Bourgogne-Nature no 15 (2012), p. 19-21, la présentation de cette première Réserve naturelle régionale de Bourgogne.

Cent ans d’activité de la Société naturaliste dijonnaise 105 Photographie 12. Sortie botanique du centenaire : 12 mai 2013 à Messigny (Roche-Château – Fontaine de Jouvence) ; photo de groupe. 40 personnes (dont 8 à 10 membres de la Société de Sciences Naturelles et d’Archéologie de la Haute-Marne) ont participé à cette sortie botanique « historique » sur les traces de nos Anciens : Pierre BADOIL, Olivier BARDET, Yves BATIER, Antoine BORD, Jean-Marc BOUKHEROUFA, Bruno CHAUVEL, Christine CORNEMILLOT, Matthieu DELCAMP, Hélène DEVAUSSUZENET, Michel DEVAUSSUZENET, Bernard DIDIER, Nikita DINOT, Thierry DINOT, Françoise FELIX, Cécile FRELIN, Cécile GAÉTAN, Juan GANZO, Alain GARDIENNET, Félix GARDIENNET, Louise GARDIENNET, Jacques GASQUEZ, Clément LACROIX, Laure LEYSEN, Rogier LEYSEN, Jean-Louis MAIGROT, Guy MASSON, Louis MATHEY, Céline MICHAUD, Michel MICHELET, Vincent RICARD, Alain ROUSSELET, Christiane ROUSSELET, Claire SCHMITZ, Annie SCHOINDRE, Marie-Rose SCHOINDRE, Nolwenn TOUNSI, Julien VALENTIN, Jean VALLADE, Guda VAN LAAR-MELCHIOR, Vincent VAN LAAR.

Enfin, pour clore cette petite histoire et ces quelques réflexions, je m’autorise à formuler un vœu. Depuis 1913, 29 personnes 13 m’ont précédé dans les fonctions de Président de notre noble association naturaliste. Qu’ils soient ici chaleureusement remerciés pour avoir, chacun avec sa personnalité et son propre style, contribué à pérenniser l’activité, certes modeste mais ô combien enthousiasmante, de cette société naturaliste dijonnaise. Un regret cependant ; parmi ces 29 personnes, une seule femme (Paule LAVOIGNAT, fidèle membre actif de la SSNB) ! Chacun comprendra donc qu’il serait souhaitable que, dans un proche avenir, cette anomalie ne se prolonge pas plus longtemps et que mon successeur désigné soit une Présidente !

Bibliographie

BARDET O., FEDOROFF E., CAUSSE G. & Bulletin de la Société bourguignonne d’His- VALLADE J. & MATHEY L. 2012. Le voyage MORET J. 2008. Atlas de la fl ore sau- toire naturelle et de Préhistoire. 1913 écourté de trois « ballots » de lichens vage de Bourgogne. Biotope, Mèze à 1928. corses… ou l’histoire peu banale d’un (collection Parthénope) ; Muséum Bulletin scientifi que de Bourgogne. 1931 à « butin de guerre ». Rev. sci. Bour- national d’Histoire naturelle, Paris, 2004, tomes 1 à 52. gogne-Nature 15: 24-27. 752 p. Rev. sci. Bourgogne-Nature. 2005 à 2013, no 1 à 17.

13 Les 29 Présidents ont été les suivants : X. AUBERT (1913, 1914, puis 1932 à 1941), A. MATHEY (1922 à 1926), P. GENTY (1942), P. DE LEIRIS (1943), A. GUILLAUME (1944), M. BIZOT (1945), G. BOURGEOIS (1946 et 1947), R. BRETON (1948 et 1949), P. LEGRAND (1950 et 1951), E. BOTTEMER (1952 et 1953), Comdt CHEVASSUS (1954), C. FERRY (1956 et 1957), G. MÉNERET (1958 et 1959), H. POINSOT (1960), C. ARNAL Vous pouvez retrouver cette (1961 et 1962), R. HUSSON (1963 et 1964), F. BUGNON (1965 et 1966), H. TINTANT communication en vidéo sur le (1968 et 1969), Gén. CHABEUF (1970 et 1971), P. HENRY (1972 et 1973), N. LENEUF site internet bourgogne-nature.fr (1974 à 1976), J. BARBIER (1977), B. FROCHOT (1978 et 1979), A. BRUNAUD (1980 et > Médiathèque > Vidéothèque 1981), J.-H. DELANCE (1982 et 1983), C. MARVILLET (1984 et 1985), Paule LAVOIGNAT (1986 et 1987), J. PAGÈS (1988 à 1997), B. FROCHOT (2002 à 2011).

106 Jean VALLADE Rev. sci. Bourgogne-Nature - 20-2014, 92-106