Debordements 1.Pdf
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DÉBORD EMENTS _1.PDF DÉBORDEMENTS _1.PDF P. 1 ÉDITO Pendant neuf ans, sans nous en douter, nous avons vécu dans l'erreur. Dès sa fondation, Débordements s'est en effet pensé comme écrit par Romain Lefebvre une revue. Or, surprise : nous renseignant l'année dernière sur une aide aux revues de cinéma auprès d'une institution dont l'acronyme compte trois lettres, une voix aimable et compatissante nous informait que nous ne pouvions pas y prétendre pour la bonne raison que nous ne sommes pas une revue. Nous sommes, selon les critères en vigueur, un blog. Un vilain petit blog. La réunion et la ténacité des plumes, la cohérence des choix, la qualité des textes ne sont pas en l'affaire les éléments déterminants. Une revue se reconnaît en effet à des signes sans équivoques, impartiaux : elle fleurit de manière périodique (la régularité n'étant pas la périodicité), et ses textes poussent en bouquet au lieu d'être semés anarchiquement au gré des jours. "Débordements, le blog" : voilà des mots qui auront hanté nos nuits, entâchant d'infâmie nos illusions de grandeur. Il faut pourtant remercier aujourd'hui la voix compatissante : c'est en partie grâce à elle que le document présent a vu le jour. Il n'y a rien dans ce PDF et dans ceux qui suivront mois après mois que vous ne trouverez en ligne. Et pourtant, il opère une transsubstantiation : par le caractère mensuel, par la mise en grappe des textes, il fait de Débordements une revue. Au-delà de cette controverse de nature, la réunion des textes a un autre effet : elle tranche avec leur éparpillement sur le site, à travers différentes rubriques comportant chacune, malgré nos désirs de passages, leurs propres temporalités : on n'y mélange pas les critiques et la recherche, or les deux, et bien d'autres choses, constituent la revue (et on s'est déjà demandé plus d'une fois quelle rubrique serait la plus appropriée pour tel ou tel texte). Soit dit en passant, ce premier PDF sera aussi le premier changement, puisque le bruit court maintenant que le site lui-même prévoirait de se refaire une beauté dans l'année à venir, refondant ses sillons numériques. DÉBORDEMENTS _1.PDF P. 2 Si le découpage et l'ordre subsistent ici, linéarité de l'écrit oblige, et si l'on n'a pas plus inventé l'eau chaude que le sommaire, il est bon de tout voir coexister sur une seule surface. Gardons-nous bien toutefois de rationaliser la découpe mensuelle : sans résulter tout à fait du hasard, elle n'est pas non plus issue d'un grand plan. Elle donne surtout à traverser le fruit d'un travail quotidien, en prise avec les circonstances autant qu'avec des volontés. Le travail d'une revue qui n'est pas une "pure revue de cinéma", débordements oblige, mais une revue jamais assez impure, qui va chercher le cinéma partout où il se trouve, dans les festivals et les plate-formes, en ligne autant que dans les salles, et qui suit aussi les images dans leurs développements les plus divers, communs et singuliers. Un sommaire, c'est parfois beau comme la rencontre du gif et de la Forensic Architecture, d'auteurs implantés et de nouvelles pousses, de la lecture et de l'écoute. PS : Les règles étant faites pour être transgressées, vous constaterez une infraction à la découpe mensuelle. Nous avons en effet choisi de faire figurer ici les premiers textes du dossier "Images indociles" qui ont été publiés en mars et non en avril. Derrière l'entorse à la périodicité se cache un hommage à la chronologie, puisqu'il s'agit de commencer par le commencement. DÉBORDEMENTS _1.PDF P. 3 - SOMMAIRE - CINÉMA DU RÉEL, 2021 P. 5 CRITIQUES P. 13 LE BRUIT DU CANON / NA CHINA WANDAVISION MARIE VOIGNIER P. 14 JAC SCHAEFFER P. 16 DE QUELQUES ÉVÈNEMENTS SANS SIGNIFICATION DEAR HACKER MOSTAFA DERKAOUI P. 20 ALICE LENAY P. 24 ALICE LENAY : ENTRETIEN P. 27 RECHERCHE P. 34 DAVID CRONENBERG LECTEUR DE MARSHALL MCLUHAN P.35 IMAGES INDOCILES (1) P. 42 INTRODUCTION P. 43 L’ART DU DISSENSUS CONTRE LE REGARD POLICIER P. 61 L’IMAGE À PROPOS DE LA SÉRIE DES DANS TAXI TÉHÉRAN ET ZAC’S GIF NOVELS CEMETERY OF SPLENDOUR P.47 DE DENNIS COOPER P. 74 NOTES DE LECTURE P. 83 L’ORDRE TROUBLÉ FICTIONS DE TRUMP DORK ZABUNYAN P. 87 DU QUOTIDIEN LA VÉRITÉ EN RUINES CORINNE MAURY P. 84 EYAL WEIZMAN P. 93 PODCAST P. 97 POUR UNE HOSPITALITÉ MANIFESTE DÉBORDEMENTS _1.PDF P. 4 CINÉMA DU RÉEL 2021 LA VIE EN TECHNICOLOR Intégralement diffusée sur une web-tv créée pour l’occasion, écrit par Ariane Papillon, Canal Réel, la 43ème édition du festival international de cinéma Occitane Lacurie et documentaire Cinéma du réel a exigé des festivaliers et Barnabé Sauvage festivalières d’inclure la programmation dans leur quotidien, d’entremêler vie domestique et planning des projections ou tables rondes. Pendant les dix jours du Réel 2021, il fallut vivre avec les films et les cinéastes, inviter chez soi les intervenant·e·s et les programmateur·ice·s, garder un petit écran allumé, laisser une petite fenêtre ouverte sur le studio coloré qu’il fallait bien considérer, faute de mieux, comme un bout du Centre Pompidou. Difficile alors de ne pas associer les aplats de couleurs primaires de cet habillage avec les murs multicolores de la maison dans laquelle se déroule le Grand Prix de cette année, The Inheritance. DÉBORDEMENTS _1.PDF P. 5 Habitats politiques Ce premier film d’Ephraim Asili, artiste multimédia en résidence au Bard College de New York, raconte l’exploration de l’histoire politique de la ville de Philadelphie par une communauté autogérée imaginaire, la maison Ubuntu, exclusivement composée de militant·e·s noir·e·s. The Inheritance s’inspire des expériences de jeunesse du cinéaste dans les milieux anarchistes de la ville, colorées d’une esthétique qui emprunte à La Chinoise de Jean-Luc Godard (la référence trône sous la forme d’un poster dans la cuisine de l’appartement). Entre la bibliothèque révolutionnaire et les disques engagés de l’ancienne occupante de la maison, la tante du personnage principal, la communauté s’élabore au gré des lectures collectives de textes fondateurs du mouvement de libération noir américain, des séances d’initiation à certaines langues africaines et des séquences de débat concernant son auto-organisation, qui empruntent parfois aux codes de la sitcom. Le film se mue peu à peu en enquête sur le passé militant de la ville via les témoignages d’anciens membres de MOVE, communauté née à Philadelphie dans les années 1970, dans le sillage des principes pacifistes et minimalistes de son fondateur, John Africa, puis délogée par les bombes de l’armée étasunienne en 1985 et dispersée (les enfants placés et les adultes emprisonnés pour plusieurs décennies). En guise de conclusion, au cours de deux séquences de poésie dite en spoken word, le cinéaste confie aux poétesses pennsylvaniennes Sonia Sanchez puis Ursula Rucker, la tâche de faire sens de l’histoire tumultueuse des luttes et des répressions de la communauté noire de Philadelphie. Plus chorégraphique que lyrique, le film-performance de Kevin Jerome Everson, The I and S of Lives, procède d’une volonté semblable de faire sens d’une lutte littéralement inscrite dans le pavé de Washington : Jahleel Gardner, un patineur, parcourt en plan séquence le tracé géant des lettres BLACK LIVES MATTER qui s’étendent le long de deux blocs sur la 16ème avenue de DC. Les images du Queer Center de San Francisco dans Patrick témoignent de la mémoire politique d’une crise ayant bouleversé une autre communauté minorisée : le Sida qui emporte le producteur de musique Patrick Cowley en 1982. Le film musical de Luke Fowler erre entre l’océan en plein soleil, le béton de South of Market district et les diodes clignotantes des antiques machines de musique assistée par ordinateur qui auraient pu appartenir au musicien. Le programme Front(s) Populaire(s), sous-titré "À quoi servent les citoyens ?" semblait lui aussi guidé par la volonté de proposer une collection internationale d’archives, de portraits et de gestes politiques. S’y côtoyaient notamment les femmes révolutionnaires kurdes, recréant une ville dans les montagnes du Rojava dépeintes par Marwa Arsanios dans Who is Afraid of Ideology (film en trois DÉBORDEMENTS _1.PDF P. 6 parties dont les deux premières étaient déjà présentées au FID 2019) et l’activiste socialiste étatsunienne et militante pour les droits des personnes en situation de handicap Helen Keller, dont John Gianvito fait le portrait en forme de film-essai dans Her Socialist Smile (2020). Une soirée du programme était consacrée à une sélection de films collectés par les associations PEROU (Pôle d’Exploration des RessOurces Urbaines) et Image de ville suite à leur appel "Pour une hospitalité manifeste", visant à rendre visible les projets d’accueil et de solidarité des personnes réfugiées dans des villes de part et d’autre de la Méditerranée. Ce corpus - qui continue de grandir - a pour vocation d’accompagner la demande que formulent ces associations auprès de l’UNESCO afin que l’acte d’hospitalité soit reconnu patrimoine immatériel de l’humanité. C’est le portrait d’une ville chinoise vers laquelle ont convergé les regards du monde entier à partir de novembre 2019, que dessine la réalisatrice Shengze Zhu dans A River Runs, Turns, Erases, Replaces. Wuhan est sa ville natale, et le coronavirus n’existait pas encore lorsque la documentariste commença à tourner en 2016, avec l’idée d’un film qui montrerait l’inexorable et vertigineuse rapidité de sa transformation.