Enrst Lubitsch. DR i, comme l’écrivait François Truffaut, « Lubitsch était ERNST Sun prince », il régna pendant une vingtaine d’années L’ADRC sur un genre qu’il avait quasiment créé lui-même, et présente que l’on appelle aujourd’hui la “comédie américaine”. Il avait été, au lendemain de la première guerre mondiale, l’un des réalisateurs les plus célèbres du cinéma muet allemand. Il sut s’imposer à Hollywood dès son arrivée en 1923 et jusqu’à sa mort prématurée en 1947, élevant au rang d’un des beaux-arts ce genre considéré comme mineur. To Be or Not to Be, sorti en 1942, est son fi lm le plus apprécié aujourd’hui, mais déclencha en son temps des polémiques encore très actuelles, sur le thème : peut-on rire de tout, en l’occurrence des ravages de la guerre et de la menace nazie ? Le raffi nement et l’inven- tivité de sa mise en scène infl uencèrent durablement non seulement ses contemporains, mais des générations de cinéphiles et de cinéastes, qui ne cessèrent de reconnaître leur dette à son égard. Les fi lms de cette rétrospective sont découverts avec émerveillement par les spectateurs d’aujourd’hui et, surtout, peuvent être revus à l’infi ni, procurant à chaque vision un plaisir renouvelé conjuguant l’intelligence la plus vive à l’émotion la plus profonde. N. T. Binh RÉTROSPECTIVE HAUTE PÈGRE SÉRÉNADE À TROIS ANGE LA HUITIÈME FEMME TROUBLE IN PARADISE DESIGN FOR LIVING ANGEL DE BARBE-BLEUE Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch ’S États-Unis • 1932 États-Unis • 1933 États-Unis • 1937 EIGHTH WIFE 83 min • Visa : 36251 91 min • Visa : 40001 92 min • Visa : 3355 Ernst Lubitsch Scénario : Scénario : Ben Hecht, Scénario : États-Unis • 1938 • 85 min Samson Raphaelson, d’après la pièce de Samson Raphaelson, Visa : 3396 Grover Jones d’après la Noël Coward d’après la pièce de pièce de Lazlo Aladar Avec Fredric March Melchior Lengyel Scénario : , Avec Herbert Marshall Avec d’après la Miriam Hopkins Miriam Hopkins Melvyn Douglas pièce d’Alfred Savoir Kay Francis Lubitsch lui-même estimait n’avoir jamais Distribution : En 1933, Sérénade à trois adapte une Herbert Marshall Ange ou comment, par l’élégance, atteint une perfection stylistique égale à pièce à succès, encore à l’affi che à Broad- contourner toutes les censures. Au début, Avec Distribution : Splendor Films Distribution : Haute Pègre. Le moteur de cette œuvre way et déjà légendaire. Paramount ne sans l’ombre d’une image « leste », Gary Cooper La Huitième Femme de Barbe-Bleue sera Splendor Films Swashbuckler Films maîtresse est la pulsion. Celle qui lie souhaitait rien d’autre qu’un emballage ca- Lubitsch nous montre comment on peut Edward Everett Horton le fi lm de la rupture avec Paramount. Or la Monescu (Herbert Marshall), tour à tour, Deux américains parta- deau pour succès prêt-à-porter. Lubitsch, fi lmer sans ambiguïté un bordel. David Niven rupture est le thème du fi lm, à commencer geant un appartement à À , la femme d’un par l’inadmissible division entre les deux Gaston et Lilly, deux es- aux sublimes héroïnes campées par peu soucieux de livrer le produit comman- Belle et secrète, faussement impassible, Distribution : Paris tombent tous les diplomate britannique se pièces d’un pyjama. L’atmosphère de folie crocs tombés amoureux, Miriam Hopkins et Kay Francis. Celle qui dé, fait totalement réécrire le sacro-saint la voix dans un souffl e, glissant telle une Splendor Films deux amoureux de la belle fait passer pour une aven- générale privilégie presque le patholo- décident de s’associer. pousse des héros kleptomanes à voler les dialogue de la pièce par un autre drama- sirène, Marlene Dietrich est étrangement et spirituelle Gilda Farrell turière et séduit un ami de gique sur l’excentrique, ce qui peut expli- Alors que l’Europe entière objets et à dérober les cœurs. La symétrie turge, Ben Hecht, au point de n’en garder émouvante, déchirée entre le self-control qui ne peut se décider son mari. Michael Brandon, mil- quer l’échec inattendu du fi lm à sa sortie, parle de leurs méfaits, ils lubitschienne devient un motif omnipré- qu’une seule réplique ! Si Sérénade à trois et la rupture passionnelle qu’on sent à entre les deux préten- liardaire américain en à une époque où la comédie loufoque jettent leur dévolu sur une sent : narrative (au trio Lily-Gaston-Ma- trahit la brillance des dialogues d’origine, chaque instant possible. Le bouquet de dants. Ils décident alors vacances à Nice, tombe battait son plein. Le plus déroutant, ici, est nouvelle victime, la riche riette répond celui de Filiba-Mariette-le c’est pour donner la vedette au langage violettes qu’elle abandonne au pied d’un d’emménager tous les sous le charme de Nicole, l’absence de toute motivation explicite des et belle Mariette Collet. major) aussi bien qu’architecturale (les cinématographique. Un nuage de pous- banc public ou la tranche de rôti de veau trois. qu’il décide de séduire. personnages, mise à part, peut-être, une Mais Gaston va vite tomber chambres de Gaston et Mariette séparées sière qui s’échappe d’un lit, une clochette qui revient intacte à l’offi ce deviennent les intense frustration sexuelle. Règne une sous son charme… par une horloge, les deux étages de la de machine à écrire qui tinte, deux tulipes seules fi ssures par lesquelles cet ange, schizophrénie latente qui donne toute sa résidence), cette symétrie peut s’amplifi er perchées dans un pot offert par les deux mystérieux jusqu’au bout, laisse échap- force à ce motif de la rupture : ils ont tous jusqu’à la multiplication, mais jamais la soupirants de l’héroïne, et que le mari per un peu de lui-même. Ange est un fi lm l’air dérangés, et ni Lubitsch, ni ses inter- redondance… Avec son élégance minima- envoie valser d’un coup de pied rageur d’une extrême mélancolie : aventure en prètes, pourtant parfaits, ne parviennent liste, son pouvoir allusif et son absence de en pleine nuit de noces : visuellement, vase clos, murmurée du bout des lèvres, à éclaircir la bizarrerie de leur comporte- second degré (Lubitsch ne cache pas sa Lubitsch ironise ou s’attendrit, démolit ou esquissée du bout des doigts, épiée ment. Désorientés, les protagonistes ont gravité derrière sa légèreté ; il est léger et transcende, et la subversion sexuelle du du bout de l’oreille par la domesticité. Haute Pègre beau chercher dans les livres ou la psy- grave), peut passer pour le propos se métamorphose en subversion Lubitsch met à nu cette cruelle manie de chanalyse une solution à leurs problèmes, mètre-étalon du chic cinématographique, du verbe par l’image. Sérénade à trois, la race humaine à s’imposer des choix, et rien n’y fait ! ou du grand art, ce qui pour une fois c’est un Lubitsch de charme. la souffrance un peu masochiste qu’elle se revient au même. procure à les trancher. LUBITSCH ÉTAIT UN PRINCE TO BE OR NOT TO BE LE CIEL PEUT ATTENDRE Ernst Lubitsch par François Truffaut JEUX DANGEREUX HEAVEN CAN WAIT États-Unis • 1939 l y a deux sortes de cinéastes, Employée à tort ou à travers, l’ex- Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch 110 min • Visa : 6432 Ic’est pareil pour les peintres et pression “mise en scène” signifi e États-Unis • 1942 États-Unis • 1943 Scénario : les écrivains, il y a ceux qui tra- enfi n quelque chose, ici elle est 99 min • Visa : 5269 112 min • Visa : 4396 Charles Brackett, vaillent même sur une île déserte, un jeu qui ne peut se pratiquer sans public, et ceux qui renon- qu’à trois et seulement pendant Scénario : Scénario : Billy Wilder, Edwin Justus Mayer, Samson Raphaelson, Walter Reisch, d’après ceraient, au la durée de la nom du à projection. Qui d’après une histoire origi- d’après une pièce de une histoire originale de nale de Melchior Lengyel László Bus-Feketé Melchior Lengyel quoi bon ? sont les trois ? Donc pas Lubitsch, et (non crédité) Avec Don Ameche Avec Greta Garbo de Lubitsch le fi lm et le Ernst Lubitsch Gene Tierney Melvyn Douglas Pour la première fois, c’est un contexte sans public, public. […] Avec Carole Lombard, Le fi lm le plus connu de Lubitsch Laird Cregar Le Ciel peut attendre fut le fi lm qui récon- Ina Claire politique méticuleusement recréé qui sert Jack Benny aujourd’hui fut, en son temps, le plus Eugene Pallette cilia Lubitsch avec la critique et le public : mais, atten- J’ai parlé Distribution : de cadre au dosage habituel de cham- tion, le public Robert Stack controversé, et perdit beaucoup d’argent. Marjorie Main ce fut son plus gros succès commercial. pagne, de palaces et de frivolités syno- de ce qui Même ceux qui l’adoraient, dans l’entou- Malgré ses sources slaves, l’œuvre fut Warner Bros. n’est pas en Distribution : Distribution : nyme de Lubitsch. Ce chapeau ridicule s’apprend, rage du réalisateur, voulaient en faire conçue pour plaire à un public américain plus de la j’ai parlé du Les Acacias Splendor Films mais si convoité que Ninotchka cache création, il couper certains dialogues trop « osés ». friand d’évasion en plein confl it mondial : Une austère commis- dans un tiroir, ces bijoux protégés dans talent, j’ai Mais Lubitsch s’avéra intraitable : il était une chronique familiale en Technicolor, saire politique soviétique est avec, il parlé de ce un coffre-fort mural sont des signes de fait partie du Alors que l’armée persuadé d’avoir produit un chef-d’œuvre. À 70 ans, Henry Van Cleve avec juste ce qu’il fallait d’esprit pétillant est envoyée à Paris pour désir réprimé, puis libéré. Greta Garbo se qui au fond, allemande a envahi la Ce fi lm pose la question du devoir : celui, est accueilli aux portes de et d’ingéniosité narrative pour plaire aux négocier l’acquisition de fi lm. Dans et éventuel- révèle ici une actrice comique hors pair, la bande Pologne, une troupe pour un comédien de bien jouer son rôle, l’Enfer par « Son Excel- intellectuels de la côte Est. Parce qu’il bijoux et ramener dans le car on n’oublie pas un seul instant qu’il lement, peut d’acteurs polonais se pour un soldat de bien faire la guerre, pour lence » et lui confesse raconte l’histoire d’un homme qui fait le droit chemin des collè- sonore s’acheter en s’agit une tragédienne qui joue la comédie. d’un fi lm de trouve engagée dans de une femme d’être fi dèle à son mari, pour toute une vie de mauvaise bilan de sa vie, les historiens en ont fait un gues qui ont succombé aux Rire, quand l’heure n’est plus à rire, c’est y mettant le périlleuses actions de un Polonais de se battre contre l’envahis- conduite. « fi lm testament ». Mais c’est pour lui un charmes du capitalisme Lubitsch, prix, mais ce comme se raccrocher aux objets les plus il y a les résistance, où leur savoir- seur nazi, mais aussi, à l’inverse, pour un fi lm presque modeste, une histoire banale décadent. futiles : faire montre d’un dernier sursaut qui ne s’ap- faire de comédiens est comédien de savoir où commence la vie observée des coulisses : comme on ne dialogues, prend et ne de dignité. Jamais Ninotchka n’est ridicu- les bruits, leur meilleure arme. et où s’arrête le spectacle, pour un soldat voit strictement rien des méfaits de Henry Enrst Lubitsch. DR s’achète c’est lisée. Comme l’a bien noté William Paul, la musique de choisir son camp, pour une femme Van Cleve, on ne peut qu’acquiescer au elle ne perd pas ses convictions politiques le charme et la d’assumer sa féminité, pour un nazi d’obéir verdict qui le renvoie de l’enfer. Evidem- et il y a nos rires, c’est essentiel, malice, ah, le charme malicieux dans la métamorphose : sa reddition à la sinon il n’y aurait pas de fi lm. Les aveuglément à sa doctrine. Dans un uni- ment, cette modestie est feinte, puisqu’elle coquetterie d’un chapeau « n’est pas tant de Lubitsch, voilà qui faisait de lui vers de tragi-comédie, les fi gurants sont repose elle-même sur une gageure de prodigieuses ellipses de scénario vraiment un Prince. une acceptation de l’idéologie capitaliste ne fonctionnent que parce que des premiers rôles en puissance, à l’image mise en scène : faire un fi lm où l’essentiel que l’acceptation de sa propre frivolité ». nos rires établissent le pont d’une François Truffaut, du porteur de hallebarde citant à trois de l’action se déroule hors champ (spécia- scène à l’autre. Dans le gruyère Les fi lms de ma vie (Flammarion, reprises un éloquent extrait du Marchand lité lubitschienne), et même hors temps, Lubitsch, chaque trou est génial. 1975). de Venise de Shakespeare : «Quand vous c’est-à-dire non pas pendant, mais entre nous piquez, ne saignons-nous pas ?...». les scènes !

CINÉ CONCERT COMÉDIES MUSICALES Ce document est édité par l’Agence pour le Développement Régional REPÈRES BIO-FILMOGRAPHIQUES L’Éventail de lady Windermere constitue l’apogée Lubitsch fait ses débuts avec le cinéma sonore à du Cinéma (ADRC) avec le soutien de l’art muet de Lubitsch. Quel chemin parcouru, la Paramount et y réalise certaines des meilleures du Centre National du Cinéma et de 1892. Le 29 janvier, à , naissance 1936. Produit Désir de Frank Borzage. l’image animée (CNC). d’Ernst, fi ls de Simon Lubitsch, tailleur de depuis ses débuts, dans l’aisance du récit et la comédies musicales avec Maurice Chevalier. Hostile 1937. Naissance de sa fi lle Nicola. Voyage à pureté de la mise en scène ! Le petit jeu des équiva- au « bavardage » des fi lms parlants, Lubitsch prône L’ADRC, présidée par le cinéaste confection, et de sa femme Anna, installés Moscou. Ange, échec commercial. Christophe Ruggia, est forte de dans le quartier juif. lences visuelles avec la prose révérée d’Oscar Wilde le « spectacle total ». Le Lieutenant souriant (1931), plus de 1 300 adhérents représentant 1938. La Huitième Femme de Barbe Bleue. amusa en son temps les commentateurs. Il paraît Une heure près de toi (1932) fi rent sensation pour l’ensemble des secteurs impliqués 1911. Engagé comme assistant et acteur au Fin du contrat Paramount. vain aujourd’hui : ce fi lm n’est pas un chef-d’œuvre leur utilisation inventive et leur mélange novateur de dans la diffusion du fi lm : réalisateurs, Deutsches Theater de Max Reinhardt. d’adaptation, mais un chef-d’œuvre tout court. calembours visuels de musique et de chants. producteurs, exploitants, distributeurs, 1939. Ninotchka, tourné pour MGM. Slogan mais aussi les collectivités territoriales. 1915. Fraülein Première réalisation offi cielle : « Garbo rit ». Gros succès. N. T. Binh N.T. Binh Créée par le Ministère de la Culture et Seifenschaum, court-métrage perdu. de la Communication, l’ADRC remplit 1940. The Shop around the Corner (MGM). 1916. Schuhpalast Pinkus. L’ÉVENTAIL DE LE LIEUTENANT SOURIANT deux missions complémentaires en faveur du pluralisme et de la diversité 1941. Illusions perdues (That Uncertain Fee- THE SMILING LIEUTENANT 1918. Les Yeux de la momie, avec Pola Negri, LADY WINDERMERE cinématographique, en lien étroit avec ling), tourné pour les Artistes associés. Ernst Lubitsch • États-Unis • 1931 • 93 min • Visa premier long métrage : un succès. Carmen. LADY WINDERMERE’S FAN le CNC : le conseil et l’assistance pour 1942. To Be or Not to Be (production indépen- Avec Maurice Chevalier, Miriam Hopkins, la création et la modernisation des 1919. La Princesse aux huîtres Madame Ernst Lubitsch • États-Unis • 1925 • 80 min • 35 mm cinémas ; le fi nancement et la mise en , dante). Échec commercial. Claudette Colbert Dubarry, énorme succès international, y com- D’après la pièce d’Oscar Wilde place de circulations d’une pluralité pris aux États-Unis. La Poupée. 1943. Le Ciel peut attendre, premier fi lm du Avec Ronald Colman, Irene Rich, May McAvoy Distribution : Swashbuckler Films de fi lms pour les cinémas de tous les contrat Fox. Énorme succès critique et public. territoires. Depuis 1999, l’ADRC œuvre 1920. Anne Boleyn. Distribution : Théâtre du Temple également pour une meilleure diffusion Divorce d’Ernst Lubitsch et Vivian Gaye. Pre- UNE HEURE PRÈS DE TOI du patrimoine cinématographique. 1921. La Chatte des montagnes. La Femme du mière attaque cardiaque. La jeune lady Windermere croit infi dèle son mari Chaplin, Lubitsch, Fairbanks, Pickford. DR qu’elle a surpris avec une femme mystérieuse. ONE HOUR WITH YOU pharaon. 1946. Cluny Brown (La Folle Ingénue). Ernst Lubitsch, • États-Unis • 1932 • ADRC | 16, rue d’Ouessant 1930. Divorce d’Ernst et Helene Lubitsch. 77 min • Visa : 37715 75015 Paris | Tél.: 01 56 89 20 30 1922. Die Flamme. Épouse l’actrice Irni 1947. Oscar spécial décerné à Lubitsch pour « Ce fi lm peut être proposé en ciné-concert 1931. Le Lieutenant souriant. www.adrc-asso.org (Helene) Kraus. Lubitsch se rend à Hollywood vingt-cinq ans de contribution à l’art ciné- par l’ADRC. Avec Maurice Chevalier, Jeanette MacDonald, sur l’invitation de Mary Pickford : Rosita. 1932. Une heure près de toi (commencé par matographique ». Le 30 novembre, mort de adrc-asso.org Genevieve Tobin 1924. Succès critique de The Marriage Circle George Cukor). Haute Pègre. Dernier voyage Lubitsch, des suites d’une crise cardiaque. Distribution : Splendor Films et Three Women pour Warner Bros. Forbid- en Allemagne. den Paradise, tourné pour Paramount. 1933. Sérénade à trois. BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 1925. L’Éventail de lady Windermere. 1934. La Veuve joyeuse, tourné pour MGM N. T. BINH ■ Amitié : la dernière retouche d’Ernst Lubitsch 1926. So This Is Paris. sous l’égide de Thalberg. Échec commercial. Critique à Positif, maître de conférences Samson Raphaelson • Paris • Allia, 2006. Textes : N.T. Binh d’après Lubitsch / N.T. Binh, Christian 1927. Le Prince étudiant (MGM). 1935. Perte de la nationalité allemande. à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ■ Lubitsch, les voix du désir : les comédies Viviani. Paris : Rivages, 1991. Lubitsch devient américain. Mariage avec auteur de livres dont Lubitsch coécrit avec américaines, 1932-1946 Crédits photographiques : L’Eventail de Lady Windermere 1929. Parade d’amour, avec Maurice Cheva- (Les Grands Films Classiques). / Une heure près de toi, Haute l’imprésario Vivian Gaye. Nomination à la tête Christian Viviani (Paris, 1991) dont sont Natacha Thiéry • Liège • Ed. du Céfal, 2000. pègre, Sérénade à trois, La Huitième femme de Barbe Bleue, Le lier, premier parlant de Lubitsch. Triomphe Ciel peut attendre (Splendor Films). / Le Lieutenant souriant, de la production de Paramount. extraites la plupart des citations. ■ Lubitsch Ange (Swashbuckler Films). / Ninotchka © Warner Bros. All critique et public. Rights Reserved / Jeux dangereux © Studiocanal. / Portraits N. T. Binh, Christian Viviani • Paris • Rivages, 1991. d’Ernst Lubitsch. DR. Collection La Cinémathèque française.

ARDC_Lubitsch_doc.indd 1 16/12/2018 22:45 Enrst Lubitsch. DR i, comme l’écrivait François Truffaut, « Lubitsch était ERNST Sun prince », il régna pendant une vingtaine d’années L’ADRC sur un genre qu’il avait quasiment créé lui-même, et présente que l’on appelle aujourd’hui la “comédie américaine”. Il avait été, au lendemain de la première guerre mondiale, l’un des réalisateurs les plus célèbres du cinéma muet allemand. Il sut s’imposer à Hollywood dès son arrivée en 1923 et jusqu’à sa mort prématurée en 1947, élevant au rang d’un des beaux-arts ce genre considéré comme mineur. To Be or Not to Be, sorti en 1942, est son fi lm le plus apprécié aujourd’hui, mais déclencha en son temps des polémiques encore très actuelles, sur le thème : peut-on rire de tout, en l’occurrence des ravages de la guerre et de la menace nazie ? Le raffi nement et l’inven- tivité de sa mise en scène infl uencèrent durablement non seulement ses contemporains, mais des générations de cinéphiles et de cinéastes, qui ne cessèrent de reconnaître leur dette à son égard. Les fi lms de cette rétrospective sont découverts avec émerveillement par les spectateurs d’aujourd’hui et, surtout, peuvent être revus à l’infi ni, procurant à chaque vision un plaisir renouvelé conjuguant l’intelligence la plus vive à l’émotion la plus profonde. N. T. Binh RÉTROSPECTIVE HAUTE PÈGRE SÉRÉNADE À TROIS ANGE LA HUITIÈME FEMME TROUBLE IN PARADISE DESIGN FOR LIVING ANGEL DE BARBE-BLEUE Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch BLUEBEARD’S États-Unis • 1932 États-Unis • 1933 États-Unis • 1937 EIGHTH WIFE 83 min • Visa : 36251 91 min • Visa : 40001 92 min • Visa : 3355 Ernst Lubitsch Scénario : Scénario : Ben Hecht, Scénario : États-Unis • 1938 • 85 min Samson Raphaelson, d’après la pièce de Samson Raphaelson, Visa : 3396 Grover Jones d’après la Noël Coward d’après la pièce de pièce de Lazlo Aladar Avec Fredric March Melchior Lengyel Scénario : Charles Brackett, Avec Herbert Marshall Gary Cooper Avec Marlene Dietrich Billy Wilder d’après la Miriam Hopkins Miriam Hopkins Melvyn Douglas pièce d’Alfred Savoir Kay Francis Lubitsch lui-même estimait n’avoir jamais Distribution : En 1933, Sérénade à trois adapte une Herbert Marshall Ange ou comment, par l’élégance, atteint une perfection stylistique égale à pièce à succès, encore à l’affi che à Broad- contourner toutes les censures. Au début, Avec Claudette Colbert Distribution : Splendor Films Distribution : Haute Pègre. Le moteur de cette œuvre way et déjà légendaire. Paramount ne sans l’ombre d’une image « leste », Gary Cooper La Huitième Femme de Barbe-Bleue sera Splendor Films Swashbuckler Films maîtresse est la pulsion. Celle qui lie souhaitait rien d’autre qu’un emballage ca- Lubitsch nous montre comment on peut Edward Everett Horton le fi lm de la rupture avec Paramount. Or la Monescu (Herbert Marshall), tour à tour, Deux américains parta- deau pour succès prêt-à-porter. Lubitsch, fi lmer sans ambiguïté un bordel. David Niven rupture est le thème du fi lm, à commencer geant un appartement à À Paris, la femme d’un par l’inadmissible division entre les deux Gaston et Lilly, deux es- aux sublimes héroïnes campées par peu soucieux de livrer le produit comman- Belle et secrète, faussement impassible, Distribution : Paris tombent tous les diplomate britannique se pièces d’un pyjama. L’atmosphère de folie crocs tombés amoureux, Miriam Hopkins et Kay Francis. Celle qui dé, fait totalement réécrire le sacro-saint la voix dans un souffl e, glissant telle une Splendor Films deux amoureux de la belle fait passer pour une aven- générale privilégie presque le patholo- décident de s’associer. pousse des héros kleptomanes à voler les dialogue de la pièce par un autre drama- sirène, Marlene Dietrich est étrangement et spirituelle Gilda Farrell turière et séduit un ami de gique sur l’excentrique, ce qui peut expli- Alors que l’Europe entière objets et à dérober les cœurs. La symétrie turge, Ben Hecht, au point de n’en garder émouvante, déchirée entre le self-control qui ne peut se décider son mari. Michael Brandon, mil- quer l’échec inattendu du fi lm à sa sortie, parle de leurs méfaits, ils lubitschienne devient un motif omnipré- qu’une seule réplique ! Si Sérénade à trois et la rupture passionnelle qu’on sent à entre les deux préten- liardaire américain en à une époque où la comédie loufoque jettent leur dévolu sur une sent : narrative (au trio Lily-Gaston-Ma- trahit la brillance des dialogues d’origine, chaque instant possible. Le bouquet de dants. Ils décident alors vacances à Nice, tombe battait son plein. Le plus déroutant, ici, est nouvelle victime, la riche riette répond celui de Filiba-Mariette-le c’est pour donner la vedette au langage violettes qu’elle abandonne au pied d’un d’emménager tous les sous le charme de Nicole, l’absence de toute motivation explicite des et belle Mariette Collet. major) aussi bien qu’architecturale (les cinématographique. Un nuage de pous- banc public ou la tranche de rôti de veau trois. qu’il décide de séduire. personnages, mise à part, peut-être, une Mais Gaston va vite tomber chambres de Gaston et Mariette séparées sière qui s’échappe d’un lit, une clochette qui revient intacte à l’offi ce deviennent les intense frustration sexuelle. Règne une sous son charme… par une horloge, les deux étages de la de machine à écrire qui tinte, deux tulipes seules fi ssures par lesquelles cet ange, schizophrénie latente qui donne toute sa résidence), cette symétrie peut s’amplifi er perchées dans un pot offert par les deux mystérieux jusqu’au bout, laisse échap- force à ce motif de la rupture : ils ont tous jusqu’à la multiplication, mais jamais la soupirants de l’héroïne, et que le mari per un peu de lui-même. Ange est un fi lm l’air dérangés, et ni Lubitsch, ni ses inter- redondance… Avec son élégance minima- envoie valser d’un coup de pied rageur d’une extrême mélancolie : aventure en prètes, pourtant parfaits, ne parviennent liste, son pouvoir allusif et son absence de en pleine nuit de noces : visuellement, vase clos, murmurée du bout des lèvres, à éclaircir la bizarrerie de leur comporte- second degré (Lubitsch ne cache pas sa Lubitsch ironise ou s’attendrit, démolit ou esquissée du bout des doigts, épiée ment. Désorientés, les protagonistes ont gravité derrière sa légèreté ; il est léger et transcende, et la subversion sexuelle du du bout de l’oreille par la domesticité. Haute Pègre beau chercher dans les livres ou la psy- grave), peut passer pour le propos se métamorphose en subversion Lubitsch met à nu cette cruelle manie de chanalyse une solution à leurs problèmes, mètre-étalon du chic cinématographique, du verbe par l’image. Sérénade à trois, la race humaine à s’imposer des choix, et rien n’y fait ! ou du grand art, ce qui pour une fois c’est un Lubitsch de charme. la souffrance un peu masochiste qu’elle se revient au même. procure à les trancher. NINOTCHKA LUBITSCH ÉTAIT UN PRINCE TO BE OR NOT TO BE LE CIEL PEUT ATTENDRE Ernst Lubitsch par François Truffaut JEUX DANGEREUX HEAVEN CAN WAIT États-Unis • 1939 l y a deux sortes de cinéastes, Employée à tort ou à travers, l’ex- Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch 110 min • Visa : 6432 Ic’est pareil pour les peintres et pression “mise en scène” signifi e États-Unis • 1942 États-Unis • 1943 Scénario : les écrivains, il y a ceux qui tra- enfi n quelque chose, ici elle est 99 min • Visa : 5269 112 min • Visa : 4396 Charles Brackett, vaillent même sur une île déserte, un jeu qui ne peut se pratiquer sans public, et ceux qui renon- qu’à trois et seulement pendant Scénario : Scénario : Billy Wilder, Edwin Justus Mayer, Samson Raphaelson, Walter Reisch, d’après ceraient, au la durée de la nom du à projection. Qui d’après une histoire origi- d’après une pièce de une histoire originale de nale de Melchior Lengyel László Bus-Feketé Melchior Lengyel quoi bon ? sont les trois ? Donc pas Lubitsch, et (non crédité) Avec Don Ameche Avec Greta Garbo de Lubitsch le fi lm et le Ernst Lubitsch Gene Tierney Melvyn Douglas Pour la première fois, c’est un contexte sans public, public. […] Avec Carole Lombard, Le fi lm le plus connu de Lubitsch Laird Cregar Le Ciel peut attendre fut le fi lm qui récon- Ina Claire politique méticuleusement recréé qui sert Jack Benny aujourd’hui fut, en son temps, le plus Eugene Pallette cilia Lubitsch avec la critique et le public : mais, atten- J’ai parlé Distribution : de cadre au dosage habituel de cham- tion, le public Robert Stack controversé, et perdit beaucoup d’argent. Marjorie Main ce fut son plus gros succès commercial. pagne, de palaces et de frivolités syno- de ce qui Même ceux qui l’adoraient, dans l’entou- Malgré ses sources slaves, l’œuvre fut Warner Bros. n’est pas en Distribution : Distribution : nyme de Lubitsch. Ce chapeau ridicule s’apprend, rage du réalisateur, voulaient en faire conçue pour plaire à un public américain plus de la j’ai parlé du Les Acacias Splendor Films mais si convoité que Ninotchka cache création, il couper certains dialogues trop « osés ». friand d’évasion en plein confl it mondial : Une austère commis- dans un tiroir, ces bijoux protégés dans talent, j’ai Mais Lubitsch s’avéra intraitable : il était une chronique familiale en Technicolor, saire politique soviétique est avec, il parlé de ce un coffre-fort mural sont des signes de fait partie du Alors que l’armée persuadé d’avoir produit un chef-d’œuvre. À 70 ans, Henry Van Cleve avec juste ce qu’il fallait d’esprit pétillant est envoyée à Paris pour désir réprimé, puis libéré. Greta Garbo se qui au fond, allemande a envahi la Ce fi lm pose la question du devoir : celui, est accueilli aux portes de et d’ingéniosité narrative pour plaire aux négocier l’acquisition de fi lm. Dans et éventuel- révèle ici une actrice comique hors pair, la bande Pologne, une troupe pour un comédien de bien jouer son rôle, l’Enfer par « Son Excel- intellectuels de la côte Est. Parce qu’il bijoux et ramener dans le car on n’oublie pas un seul instant qu’il lement, peut d’acteurs polonais se pour un soldat de bien faire la guerre, pour lence » et lui confesse raconte l’histoire d’un homme qui fait le droit chemin des collè- sonore s’acheter en s’agit une tragédienne qui joue la comédie. d’un fi lm de trouve engagée dans de une femme d’être fi dèle à son mari, pour toute une vie de mauvaise bilan de sa vie, les historiens en ont fait un gues qui ont succombé aux Rire, quand l’heure n’est plus à rire, c’est y mettant le périlleuses actions de un Polonais de se battre contre l’envahis- conduite. « fi lm testament ». Mais c’est pour lui un charmes du capitalisme Lubitsch, prix, mais ce comme se raccrocher aux objets les plus il y a les résistance, où leur savoir- seur nazi, mais aussi, à l’inverse, pour un fi lm presque modeste, une histoire banale décadent. futiles : faire montre d’un dernier sursaut qui ne s’ap- faire de comédiens est comédien de savoir où commence la vie observée des coulisses : comme on ne dialogues, prend et ne de dignité. Jamais Ninotchka n’est ridicu- les bruits, leur meilleure arme. et où s’arrête le spectacle, pour un soldat voit strictement rien des méfaits de Henry Enrst Lubitsch. DR s’achète c’est lisée. Comme l’a bien noté William Paul, la musique de choisir son camp, pour une femme Van Cleve, on ne peut qu’acquiescer au elle ne perd pas ses convictions politiques le charme et la d’assumer sa féminité, pour un nazi d’obéir verdict qui le renvoie de l’enfer. Evidem- et il y a nos rires, c’est essentiel, malice, ah, le charme malicieux dans la métamorphose : sa reddition à la sinon il n’y aurait pas de fi lm. Les aveuglément à sa doctrine. Dans un uni- ment, cette modestie est feinte, puisqu’elle coquetterie d’un chapeau « n’est pas tant de Lubitsch, voilà qui faisait de lui vers de tragi-comédie, les fi gurants sont repose elle-même sur une gageure de prodigieuses ellipses de scénario vraiment un Prince. une acceptation de l’idéologie capitaliste ne fonctionnent que parce que des premiers rôles en puissance, à l’image mise en scène : faire un fi lm où l’essentiel que l’acceptation de sa propre frivolité ». nos rires établissent le pont d’une François Truffaut, du porteur de hallebarde citant à trois de l’action se déroule hors champ (spécia- scène à l’autre. Dans le gruyère Les fi lms de ma vie (Flammarion, reprises un éloquent extrait du Marchand lité lubitschienne), et même hors temps, Lubitsch, chaque trou est génial. 1975). de Venise de Shakespeare : «Quand vous c’est-à-dire non pas pendant, mais entre nous piquez, ne saignons-nous pas ?...». les scènes !

CINÉ CONCERT COMÉDIES MUSICALES Ce document est édité par l’Agence pour le Développement Régional REPÈRES BIO-FILMOGRAPHIQUES L’Éventail de lady Windermere constitue l’apogée Lubitsch fait ses débuts avec le cinéma sonore à du Cinéma (ADRC) avec le soutien de l’art muet de Lubitsch. Quel chemin parcouru, la Paramount et y réalise certaines des meilleures du Centre National du Cinéma et de 1892. Le 29 janvier, à Berlin, naissance 1936. Produit Désir de Frank Borzage. l’image animée (CNC). d’Ernst, fi ls de Simon Lubitsch, tailleur de depuis ses débuts, dans l’aisance du récit et la comédies musicales avec Maurice Chevalier. Hostile 1937. Naissance de sa fi lle Nicola. Voyage à pureté de la mise en scène ! Le petit jeu des équiva- au « bavardage » des fi lms parlants, Lubitsch prône L’ADRC, présidée par le cinéaste confection, et de sa femme Anna, installés Moscou. Ange, échec commercial. Christophe Ruggia, est forte de dans le quartier juif. lences visuelles avec la prose révérée d’Oscar Wilde le « spectacle total ». Le Lieutenant souriant (1931), plus de 1 300 adhérents représentant 1938. La Huitième Femme de Barbe Bleue. amusa en son temps les commentateurs. Il paraît Une heure près de toi (1932) fi rent sensation pour l’ensemble des secteurs impliqués 1911. Engagé comme assistant et acteur au Fin du contrat Paramount. vain aujourd’hui : ce fi lm n’est pas un chef-d’œuvre leur utilisation inventive et leur mélange novateur de dans la diffusion du fi lm : réalisateurs, Deutsches Theater de Max Reinhardt. d’adaptation, mais un chef-d’œuvre tout court. calembours visuels de musique et de chants. producteurs, exploitants, distributeurs, 1939. Ninotchka, tourné pour MGM. Slogan mais aussi les collectivités territoriales. 1915. Fraülein Première réalisation offi cielle : « Garbo rit ». Gros succès. N. T. Binh N.T. Binh Créée par le Ministère de la Culture et Seifenschaum, court-métrage perdu. de la Communication, l’ADRC remplit 1940. The Shop around the Corner (MGM). 1916. Schuhpalast Pinkus. L’ÉVENTAIL DE LE LIEUTENANT SOURIANT deux missions complémentaires en faveur du pluralisme et de la diversité 1941. Illusions perdues (That Uncertain Fee- THE SMILING LIEUTENANT 1918. Les Yeux de la momie, avec Pola Negri, LADY WINDERMERE cinématographique, en lien étroit avec ling), tourné pour les Artistes associés. Ernst Lubitsch • États-Unis • 1931 • 93 min • Visa premier long métrage : un succès. Carmen. LADY WINDERMERE’S FAN le CNC : le conseil et l’assistance pour 1942. To Be or Not to Be (production indépen- Avec Maurice Chevalier, Miriam Hopkins, la création et la modernisation des 1919. La Princesse aux huîtres Madame Ernst Lubitsch • États-Unis • 1925 • 80 min • 35 mm cinémas ; le fi nancement et la mise en , dante). Échec commercial. Claudette Colbert Dubarry, énorme succès international, y com- D’après la pièce d’Oscar Wilde place de circulations d’une pluralité pris aux États-Unis. La Poupée. 1943. Le Ciel peut attendre, premier fi lm du Avec Ronald Colman, Irene Rich, May McAvoy Distribution : Swashbuckler Films de fi lms pour les cinémas de tous les contrat Fox. Énorme succès critique et public. territoires. Depuis 1999, l’ADRC œuvre 1920. Anne Boleyn. Distribution : Théâtre du Temple également pour une meilleure diffusion Divorce d’Ernst Lubitsch et Vivian Gaye. Pre- UNE HEURE PRÈS DE TOI du patrimoine cinématographique. 1921. La Chatte des montagnes. La Femme du mière attaque cardiaque. La jeune lady Windermere croit infi dèle son mari Chaplin, Lubitsch, Fairbanks, Pickford. DR qu’elle a surpris avec une femme mystérieuse. ONE HOUR WITH YOU pharaon. 1946. Cluny Brown (La Folle Ingénue). Ernst Lubitsch, George Cukor • États-Unis • 1932 • ADRC | 16, rue d’Ouessant 1930. Divorce d’Ernst et Helene Lubitsch. 77 min • Visa : 37715 75015 Paris | Tél.: 01 56 89 20 30 1922. Die Flamme. Épouse l’actrice Irni 1947. Oscar spécial décerné à Lubitsch pour « Ce fi lm peut être proposé en ciné-concert 1931. Le Lieutenant souriant. www.adrc-asso.org (Helene) Kraus. Lubitsch se rend à Hollywood vingt-cinq ans de contribution à l’art ciné- par l’ADRC. Avec Maurice Chevalier, Jeanette MacDonald, sur l’invitation de Mary Pickford : Rosita. 1932. Une heure près de toi (commencé par matographique ». Le 30 novembre, mort de adrc-asso.org Genevieve Tobin 1924. Succès critique de The Marriage Circle George Cukor). Haute Pègre. Dernier voyage Lubitsch, des suites d’une crise cardiaque. Distribution : Splendor Films et Three Women pour Warner Bros. Forbid- en Allemagne. den Paradise, tourné pour Paramount. 1933. Sérénade à trois. BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 1925. L’Éventail de lady Windermere. 1934. La Veuve joyeuse, tourné pour MGM N. T. BINH ■ Amitié : la dernière retouche d’Ernst Lubitsch 1926. So This Is Paris. sous l’égide de Thalberg. Échec commercial. Critique à Positif, maître de conférences Samson Raphaelson • Paris • Allia, 2006. Textes : N.T. Binh d’après Lubitsch / N.T. Binh, Christian 1927. Le Prince étudiant (MGM). 1935. Perte de la nationalité allemande. à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ■ Lubitsch, les voix du désir : les comédies Viviani. Paris : Rivages, 1991. Lubitsch devient américain. Mariage avec auteur de livres dont Lubitsch coécrit avec américaines, 1932-1946 Crédits photographiques : L’Eventail de Lady Windermere 1929. Parade d’amour, avec Maurice Cheva- (Les Grands Films Classiques). / Une heure près de toi, Haute l’imprésario Vivian Gaye. Nomination à la tête Christian Viviani (Paris, 1991) dont sont Natacha Thiéry • Liège • Ed. du Céfal, 2000. pègre, Sérénade à trois, La Huitième femme de Barbe Bleue, Le lier, premier parlant de Lubitsch. Triomphe Ciel peut attendre (Splendor Films). / Le Lieutenant souriant, de la production de Paramount. extraites la plupart des citations. ■ Lubitsch Ange (Swashbuckler Films). / Ninotchka © Warner Bros. All critique et public. Rights Reserved / Jeux dangereux © Studiocanal. / Portraits N. T. Binh, Christian Viviani • Paris • Rivages, 1991. d’Ernst Lubitsch. DR. Collection La Cinémathèque française.

ARDC_Lubitsch_doc.indd 1 16/12/2018 22:45 Enrst Lubitsch. DR i, comme l’écrivait François Truffaut, « Lubitsch était ERNST Sun prince », il régna pendant une vingtaine d’années L’ADRC sur un genre qu’il avait quasiment créé lui-même, et présente que l’on appelle aujourd’hui la “comédie américaine”. Il avait été, au lendemain de la première guerre mondiale, l’un des réalisateurs les plus célèbres du cinéma muet allemand. Il sut s’imposer à Hollywood dès son arrivée en 1923 et jusqu’à sa mort prématurée en 1947, élevant au rang d’un des beaux-arts ce genre considéré comme mineur. To Be or Not to Be, sorti en 1942, est son fi lm le plus apprécié aujourd’hui, mais déclencha en son temps des polémiques encore très actuelles, sur le thème : peut-on rire de tout, en l’occurrence des ravages de la guerre et de la menace nazie ? Le raffi nement et l’inven- tivité de sa mise en scène infl uencèrent durablement non seulement ses contemporains, mais des générations de cinéphiles et de cinéastes, qui ne cessèrent de reconnaître leur dette à son égard. Les fi lms de cette rétrospective sont découverts avec émerveillement par les spectateurs d’aujourd’hui et, surtout, peuvent être revus à l’infi ni, procurant à chaque vision un plaisir renouvelé conjuguant l’intelligence la plus vive à l’émotion la plus profonde. N. T. Binh RÉTROSPECTIVE HAUTE PÈGRE SÉRÉNADE À TROIS ANGE LA HUITIÈME FEMME TROUBLE IN PARADISE DESIGN FOR LIVING ANGEL DE BARBE-BLEUE Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch BLUEBEARD’S États-Unis • 1932 États-Unis • 1933 États-Unis • 1937 EIGHTH WIFE 83 min • Visa : 36251 91 min • Visa : 40001 92 min • Visa : 3355 Ernst Lubitsch Scénario : Scénario : Ben Hecht, Scénario : États-Unis • 1938 • 85 min Samson Raphaelson, d’après la pièce de Samson Raphaelson, Visa : 3396 Grover Jones d’après la Noël Coward d’après la pièce de pièce de Lazlo Aladar Avec Fredric March Melchior Lengyel Scénario : Charles Brackett, Avec Herbert Marshall Gary Cooper Avec Marlene Dietrich Billy Wilder d’après la Miriam Hopkins Miriam Hopkins Melvyn Douglas pièce d’Alfred Savoir Kay Francis Lubitsch lui-même estimait n’avoir jamais Distribution : En 1933, Sérénade à trois adapte une Herbert Marshall Ange ou comment, par l’élégance, atteint une perfection stylistique égale à pièce à succès, encore à l’affi che à Broad- contourner toutes les censures. Au début, Avec Claudette Colbert Distribution : Splendor Films Distribution : Haute Pègre. Le moteur de cette œuvre way et déjà légendaire. Paramount ne sans l’ombre d’une image « leste », Gary Cooper La Huitième Femme de Barbe-Bleue sera Splendor Films Swashbuckler Films maîtresse est la pulsion. Celle qui lie souhaitait rien d’autre qu’un emballage ca- Lubitsch nous montre comment on peut Edward Everett Horton le fi lm de la rupture avec Paramount. Or la Monescu (Herbert Marshall), tour à tour, Deux américains parta- deau pour succès prêt-à-porter. Lubitsch, fi lmer sans ambiguïté un bordel. David Niven rupture est le thème du fi lm, à commencer geant un appartement à À Paris, la femme d’un par l’inadmissible division entre les deux Gaston et Lilly, deux es- aux sublimes héroïnes campées par peu soucieux de livrer le produit comman- Belle et secrète, faussement impassible, Distribution : Paris tombent tous les diplomate britannique se pièces d’un pyjama. L’atmosphère de folie crocs tombés amoureux, Miriam Hopkins et Kay Francis. Celle qui dé, fait totalement réécrire le sacro-saint la voix dans un souffl e, glissant telle une Splendor Films deux amoureux de la belle fait passer pour une aven- générale privilégie presque le patholo- décident de s’associer. pousse des héros kleptomanes à voler les dialogue de la pièce par un autre drama- sirène, Marlene Dietrich est étrangement et spirituelle Gilda Farrell turière et séduit un ami de gique sur l’excentrique, ce qui peut expli- Alors que l’Europe entière objets et à dérober les cœurs. La symétrie turge, Ben Hecht, au point de n’en garder émouvante, déchirée entre le self-control qui ne peut se décider son mari. Michael Brandon, mil- quer l’échec inattendu du fi lm à sa sortie, parle de leurs méfaits, ils lubitschienne devient un motif omnipré- qu’une seule réplique ! Si Sérénade à trois et la rupture passionnelle qu’on sent à entre les deux préten- liardaire américain en à une époque où la comédie loufoque jettent leur dévolu sur une sent : narrative (au trio Lily-Gaston-Ma- trahit la brillance des dialogues d’origine, chaque instant possible. Le bouquet de dants. Ils décident alors vacances à Nice, tombe battait son plein. Le plus déroutant, ici, est nouvelle victime, la riche riette répond celui de Filiba-Mariette-le c’est pour donner la vedette au langage violettes qu’elle abandonne au pied d’un d’emménager tous les sous le charme de Nicole, l’absence de toute motivation explicite des et belle Mariette Collet. major) aussi bien qu’architecturale (les cinématographique. Un nuage de pous- banc public ou la tranche de rôti de veau trois. qu’il décide de séduire. personnages, mise à part, peut-être, une Mais Gaston va vite tomber chambres de Gaston et Mariette séparées sière qui s’échappe d’un lit, une clochette qui revient intacte à l’offi ce deviennent les intense frustration sexuelle. Règne une sous son charme… par une horloge, les deux étages de la de machine à écrire qui tinte, deux tulipes seules fi ssures par lesquelles cet ange, schizophrénie latente qui donne toute sa résidence), cette symétrie peut s’amplifi er perchées dans un pot offert par les deux mystérieux jusqu’au bout, laisse échap- force à ce motif de la rupture : ils ont tous jusqu’à la multiplication, mais jamais la soupirants de l’héroïne, et que le mari per un peu de lui-même. Ange est un fi lm l’air dérangés, et ni Lubitsch, ni ses inter- redondance… Avec son élégance minima- envoie valser d’un coup de pied rageur d’une extrême mélancolie : aventure en prètes, pourtant parfaits, ne parviennent liste, son pouvoir allusif et son absence de en pleine nuit de noces : visuellement, vase clos, murmurée du bout des lèvres, à éclaircir la bizarrerie de leur comporte- second degré (Lubitsch ne cache pas sa Lubitsch ironise ou s’attendrit, démolit ou esquissée du bout des doigts, épiée ment. Désorientés, les protagonistes ont gravité derrière sa légèreté ; il est léger et transcende, et la subversion sexuelle du du bout de l’oreille par la domesticité. Haute Pègre beau chercher dans les livres ou la psy- grave), peut passer pour le propos se métamorphose en subversion Lubitsch met à nu cette cruelle manie de chanalyse une solution à leurs problèmes, mètre-étalon du chic cinématographique, du verbe par l’image. Sérénade à trois, la race humaine à s’imposer des choix, et rien n’y fait ! ou du grand art, ce qui pour une fois c’est un Lubitsch de charme. la souffrance un peu masochiste qu’elle se revient au même. procure à les trancher. NINOTCHKA LUBITSCH ÉTAIT UN PRINCE TO BE OR NOT TO BE LE CIEL PEUT ATTENDRE Ernst Lubitsch par François Truffaut JEUX DANGEREUX HEAVEN CAN WAIT États-Unis • 1939 l y a deux sortes de cinéastes, Employée à tort ou à travers, l’ex- Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch 110 min • Visa : 6432 Ic’est pareil pour les peintres et pression “mise en scène” signifi e États-Unis • 1942 États-Unis • 1943 Scénario : les écrivains, il y a ceux qui tra- enfi n quelque chose, ici elle est 99 min • Visa : 5269 112 min • Visa : 4396 Charles Brackett, vaillent même sur une île déserte, un jeu qui ne peut se pratiquer sans public, et ceux qui renon- qu’à trois et seulement pendant Scénario : Scénario : Billy Wilder, Edwin Justus Mayer, Samson Raphaelson, Walter Reisch, d’après ceraient, au la durée de la nom du à projection. Qui d’après une histoire origi- d’après une pièce de une histoire originale de nale de Melchior Lengyel László Bus-Feketé Melchior Lengyel quoi bon ? sont les trois ? Donc pas Lubitsch, et (non crédité) Avec Don Ameche Avec Greta Garbo de Lubitsch le fi lm et le Ernst Lubitsch Gene Tierney Melvyn Douglas Pour la première fois, c’est un contexte sans public, public. […] Avec Carole Lombard, Le fi lm le plus connu de Lubitsch Laird Cregar Le Ciel peut attendre fut le fi lm qui récon- Ina Claire politique méticuleusement recréé qui sert Jack Benny aujourd’hui fut, en son temps, le plus Eugene Pallette cilia Lubitsch avec la critique et le public : mais, atten- J’ai parlé Distribution : de cadre au dosage habituel de cham- tion, le public Robert Stack controversé, et perdit beaucoup d’argent. Marjorie Main ce fut son plus gros succès commercial. pagne, de palaces et de frivolités syno- de ce qui Même ceux qui l’adoraient, dans l’entou- Malgré ses sources slaves, l’œuvre fut Warner Bros. n’est pas en Distribution : Distribution : nyme de Lubitsch. Ce chapeau ridicule s’apprend, rage du réalisateur, voulaient en faire conçue pour plaire à un public américain plus de la j’ai parlé du Les Acacias Splendor Films mais si convoité que Ninotchka cache création, il couper certains dialogues trop « osés ». friand d’évasion en plein confl it mondial : Une austère commis- dans un tiroir, ces bijoux protégés dans talent, j’ai Mais Lubitsch s’avéra intraitable : il était une chronique familiale en Technicolor, saire politique soviétique est avec, il parlé de ce un coffre-fort mural sont des signes de fait partie du Alors que l’armée persuadé d’avoir produit un chef-d’œuvre. À 70 ans, Henry Van Cleve avec juste ce qu’il fallait d’esprit pétillant est envoyée à Paris pour désir réprimé, puis libéré. Greta Garbo se qui au fond, allemande a envahi la Ce fi lm pose la question du devoir : celui, est accueilli aux portes de et d’ingéniosité narrative pour plaire aux négocier l’acquisition de fi lm. Dans et éventuel- révèle ici une actrice comique hors pair, la bande Pologne, une troupe pour un comédien de bien jouer son rôle, l’Enfer par « Son Excel- intellectuels de la côte Est. Parce qu’il bijoux et ramener dans le car on n’oublie pas un seul instant qu’il lement, peut d’acteurs polonais se pour un soldat de bien faire la guerre, pour lence » et lui confesse raconte l’histoire d’un homme qui fait le droit chemin des collè- sonore s’acheter en s’agit une tragédienne qui joue la comédie. d’un fi lm de trouve engagée dans de une femme d’être fi dèle à son mari, pour toute une vie de mauvaise bilan de sa vie, les historiens en ont fait un gues qui ont succombé aux Rire, quand l’heure n’est plus à rire, c’est y mettant le périlleuses actions de un Polonais de se battre contre l’envahis- conduite. « fi lm testament ». Mais c’est pour lui un charmes du capitalisme Lubitsch, prix, mais ce comme se raccrocher aux objets les plus il y a les résistance, où leur savoir- seur nazi, mais aussi, à l’inverse, pour un fi lm presque modeste, une histoire banale décadent. futiles : faire montre d’un dernier sursaut qui ne s’ap- faire de comédiens est comédien de savoir où commence la vie observée des coulisses : comme on ne dialogues, prend et ne de dignité. Jamais Ninotchka n’est ridicu- les bruits, leur meilleure arme. et où s’arrête le spectacle, pour un soldat voit strictement rien des méfaits de Henry Enrst Lubitsch. DR s’achète c’est lisée. Comme l’a bien noté William Paul, la musique de choisir son camp, pour une femme Van Cleve, on ne peut qu’acquiescer au elle ne perd pas ses convictions politiques le charme et la d’assumer sa féminité, pour un nazi d’obéir verdict qui le renvoie de l’enfer. Evidem- et il y a nos rires, c’est essentiel, malice, ah, le charme malicieux dans la métamorphose : sa reddition à la sinon il n’y aurait pas de fi lm. Les aveuglément à sa doctrine. Dans un uni- ment, cette modestie est feinte, puisqu’elle coquetterie d’un chapeau « n’est pas tant de Lubitsch, voilà qui faisait de lui vers de tragi-comédie, les fi gurants sont repose elle-même sur une gageure de prodigieuses ellipses de scénario vraiment un Prince. une acceptation de l’idéologie capitaliste ne fonctionnent que parce que des premiers rôles en puissance, à l’image mise en scène : faire un fi lm où l’essentiel que l’acceptation de sa propre frivolité ». nos rires établissent le pont d’une François Truffaut, du porteur de hallebarde citant à trois de l’action se déroule hors champ (spécia- scène à l’autre. Dans le gruyère Les fi lms de ma vie (Flammarion, reprises un éloquent extrait du Marchand lité lubitschienne), et même hors temps, Lubitsch, chaque trou est génial. 1975). de Venise de Shakespeare : «Quand vous c’est-à-dire non pas pendant, mais entre nous piquez, ne saignons-nous pas ?...». les scènes !

CINÉ CONCERT COMÉDIES MUSICALES Ce document est édité par l’Agence pour le Développement Régional REPÈRES BIO-FILMOGRAPHIQUES L’Éventail de lady Windermere constitue l’apogée Lubitsch fait ses débuts avec le cinéma sonore à du Cinéma (ADRC) avec le soutien de l’art muet de Lubitsch. Quel chemin parcouru, la Paramount et y réalise certaines des meilleures du Centre National du Cinéma et de 1892. Le 29 janvier, à Berlin, naissance 1936. Produit Désir de Frank Borzage. l’image animée (CNC). d’Ernst, fi ls de Simon Lubitsch, tailleur de depuis ses débuts, dans l’aisance du récit et la comédies musicales avec Maurice Chevalier. Hostile 1937. Naissance de sa fi lle Nicola. Voyage à pureté de la mise en scène ! Le petit jeu des équiva- au « bavardage » des fi lms parlants, Lubitsch prône L’ADRC, présidée par le cinéaste confection, et de sa femme Anna, installés Moscou. Ange, échec commercial. Christophe Ruggia, est forte de dans le quartier juif. lences visuelles avec la prose révérée d’Oscar Wilde le « spectacle total ». Le Lieutenant souriant (1931), plus de 1 300 adhérents représentant 1938. La Huitième Femme de Barbe Bleue. amusa en son temps les commentateurs. Il paraît Une heure près de toi (1932) fi rent sensation pour l’ensemble des secteurs impliqués 1911. Engagé comme assistant et acteur au Fin du contrat Paramount. vain aujourd’hui : ce fi lm n’est pas un chef-d’œuvre leur utilisation inventive et leur mélange novateur de dans la diffusion du fi lm : réalisateurs, Deutsches Theater de Max Reinhardt. d’adaptation, mais un chef-d’œuvre tout court. calembours visuels de musique et de chants. producteurs, exploitants, distributeurs, 1939. Ninotchka, tourné pour MGM. Slogan mais aussi les collectivités territoriales. 1915. Fraülein Première réalisation offi cielle : « Garbo rit ». Gros succès. N. T. Binh N.T. Binh Créée par le Ministère de la Culture et Seifenschaum, court-métrage perdu. de la Communication, l’ADRC remplit 1940. The Shop around the Corner (MGM). 1916. Schuhpalast Pinkus. L’ÉVENTAIL DE LE LIEUTENANT SOURIANT deux missions complémentaires en faveur du pluralisme et de la diversité 1941. Illusions perdues (That Uncertain Fee- THE SMILING LIEUTENANT 1918. Les Yeux de la momie, avec Pola Negri, LADY WINDERMERE cinématographique, en lien étroit avec ling), tourné pour les Artistes associés. Ernst Lubitsch • États-Unis • 1931 • 93 min • Visa premier long métrage : un succès. Carmen. LADY WINDERMERE’S FAN le CNC : le conseil et l’assistance pour 1942. To Be or Not to Be (production indépen- Avec Maurice Chevalier, Miriam Hopkins, la création et la modernisation des 1919. La Princesse aux huîtres Madame Ernst Lubitsch • États-Unis • 1925 • 80 min • 35 mm cinémas ; le fi nancement et la mise en , dante). Échec commercial. Claudette Colbert Dubarry, énorme succès international, y com- D’après la pièce d’Oscar Wilde place de circulations d’une pluralité pris aux États-Unis. La Poupée. 1943. Le Ciel peut attendre, premier fi lm du Avec Ronald Colman, Irene Rich, May McAvoy Distribution : Swashbuckler Films de fi lms pour les cinémas de tous les contrat Fox. Énorme succès critique et public. territoires. Depuis 1999, l’ADRC œuvre 1920. Anne Boleyn. Distribution : Théâtre du Temple également pour une meilleure diffusion Divorce d’Ernst Lubitsch et Vivian Gaye. Pre- UNE HEURE PRÈS DE TOI du patrimoine cinématographique. 1921. La Chatte des montagnes. La Femme du mière attaque cardiaque. La jeune lady Windermere croit infi dèle son mari Chaplin, Lubitsch, Fairbanks, Pickford. DR qu’elle a surpris avec une femme mystérieuse. ONE HOUR WITH YOU pharaon. 1946. Cluny Brown (La Folle Ingénue). Ernst Lubitsch, George Cukor • États-Unis • 1932 • ADRC | 16, rue d’Ouessant 1930. Divorce d’Ernst et Helene Lubitsch. 77 min • Visa : 37715 75015 Paris | Tél.: 01 56 89 20 30 1922. Die Flamme. Épouse l’actrice Irni 1947. Oscar spécial décerné à Lubitsch pour « Ce fi lm peut être proposé en ciné-concert 1931. Le Lieutenant souriant. www.adrc-asso.org (Helene) Kraus. Lubitsch se rend à Hollywood vingt-cinq ans de contribution à l’art ciné- par l’ADRC. Avec Maurice Chevalier, Jeanette MacDonald, sur l’invitation de Mary Pickford : Rosita. 1932. Une heure près de toi (commencé par matographique ». Le 30 novembre, mort de adrc-asso.org Genevieve Tobin 1924. Succès critique de The Marriage Circle George Cukor). Haute Pègre. Dernier voyage Lubitsch, des suites d’une crise cardiaque. Distribution : Splendor Films et Three Women pour Warner Bros. Forbid- en Allemagne. den Paradise, tourné pour Paramount. 1933. Sérénade à trois. BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 1925. L’Éventail de lady Windermere. 1934. La Veuve joyeuse, tourné pour MGM N. T. BINH ■ Amitié : la dernière retouche d’Ernst Lubitsch 1926. So This Is Paris. sous l’égide de Thalberg. Échec commercial. Critique à Positif, maître de conférences Samson Raphaelson • Paris • Allia, 2006. Textes : N.T. Binh d’après Lubitsch / N.T. Binh, Christian 1927. Le Prince étudiant (MGM). 1935. Perte de la nationalité allemande. à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ■ Lubitsch, les voix du désir : les comédies Viviani. Paris : Rivages, 1991. Lubitsch devient américain. Mariage avec auteur de livres dont Lubitsch coécrit avec américaines, 1932-1946 Crédits photographiques : L’Eventail de Lady Windermere 1929. Parade d’amour, avec Maurice Cheva- (Les Grands Films Classiques). / Une heure près de toi, Haute l’imprésario Vivian Gaye. Nomination à la tête Christian Viviani (Paris, 1991) dont sont Natacha Thiéry • Liège • Ed. du Céfal, 2000. pègre, Sérénade à trois, La Huitième femme de Barbe Bleue, Le lier, premier parlant de Lubitsch. Triomphe Ciel peut attendre (Splendor Films). / Le Lieutenant souriant, de la production de Paramount. extraites la plupart des citations. ■ Lubitsch Ange (Swashbuckler Films). / Ninotchka © Warner Bros. All critique et public. Rights Reserved / Jeux dangereux © Studiocanal. / Portraits N. T. Binh, Christian Viviani • Paris • Rivages, 1991. d’Ernst Lubitsch. DR. Collection La Cinémathèque française.

ARDC_Lubitsch_doc.indd 1 16/12/2018 22:45 Enrst Lubitsch. DR i, comme l’écrivait François Truffaut, « Lubitsch était ERNST Sun prince », il régna pendant une vingtaine d’années L’ADRC sur un genre qu’il avait quasiment créé lui-même, et présente que l’on appelle aujourd’hui la “comédie américaine”. Il avait été, au lendemain de la première guerre mondiale, l’un des réalisateurs les plus célèbres du cinéma muet allemand. Il sut s’imposer à Hollywood dès son arrivée en 1923 et jusqu’à sa mort prématurée en 1947, élevant au rang d’un des beaux-arts ce genre considéré comme mineur. To Be or Not to Be, sorti en 1942, est son fi lm le plus apprécié aujourd’hui, mais déclencha en son temps des polémiques encore très actuelles, sur le thème : peut-on rire de tout, en l’occurrence des ravages de la guerre et de la menace nazie ? Le raffi nement et l’inven- tivité de sa mise en scène infl uencèrent durablement non seulement ses contemporains, mais des générations de cinéphiles et de cinéastes, qui ne cessèrent de reconnaître leur dette à son égard. Les fi lms de cette rétrospective sont découverts avec émerveillement par les spectateurs d’aujourd’hui et, surtout, peuvent être revus à l’infi ni, procurant à chaque vision un plaisir renouvelé conjuguant l’intelligence la plus vive à l’émotion la plus profonde. N. T. Binh RÉTROSPECTIVE HAUTE PÈGRE SÉRÉNADE À TROIS ANGE LA HUITIÈME FEMME TROUBLE IN PARADISE DESIGN FOR LIVING ANGEL DE BARBE-BLEUE Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch BLUEBEARD’S États-Unis • 1932 États-Unis • 1933 États-Unis • 1937 EIGHTH WIFE 83 min • Visa : 36251 91 min • Visa : 40001 92 min • Visa : 3355 Ernst Lubitsch Scénario : Scénario : Ben Hecht, Scénario : États-Unis • 1938 • 85 min Samson Raphaelson, d’après la pièce de Samson Raphaelson, Visa : 3396 Grover Jones d’après la Noël Coward d’après la pièce de pièce de Lazlo Aladar Avec Fredric March Melchior Lengyel Scénario : Charles Brackett, Avec Herbert Marshall Gary Cooper Avec Marlene Dietrich Billy Wilder d’après la Miriam Hopkins Miriam Hopkins Melvyn Douglas pièce d’Alfred Savoir Kay Francis Lubitsch lui-même estimait n’avoir jamais Distribution : En 1933, Sérénade à trois adapte une Herbert Marshall Ange ou comment, par l’élégance, atteint une perfection stylistique égale à pièce à succès, encore à l’affi che à Broad- contourner toutes les censures. Au début, Avec Claudette Colbert Distribution : Splendor Films Distribution : Haute Pègre. Le moteur de cette œuvre way et déjà légendaire. Paramount ne sans l’ombre d’une image « leste », Gary Cooper La Huitième Femme de Barbe-Bleue sera Splendor Films Swashbuckler Films maîtresse est la pulsion. Celle qui lie souhaitait rien d’autre qu’un emballage ca- Lubitsch nous montre comment on peut Edward Everett Horton le fi lm de la rupture avec Paramount. Or la Monescu (Herbert Marshall), tour à tour, Deux américains parta- deau pour succès prêt-à-porter. Lubitsch, fi lmer sans ambiguïté un bordel. David Niven rupture est le thème du fi lm, à commencer geant un appartement à À Paris, la femme d’un par l’inadmissible division entre les deux Gaston et Lilly, deux es- aux sublimes héroïnes campées par peu soucieux de livrer le produit comman- Belle et secrète, faussement impassible, Distribution : Paris tombent tous les diplomate britannique se pièces d’un pyjama. L’atmosphère de folie crocs tombés amoureux, Miriam Hopkins et Kay Francis. Celle qui dé, fait totalement réécrire le sacro-saint la voix dans un souffl e, glissant telle une Splendor Films deux amoureux de la belle fait passer pour une aven- générale privilégie presque le patholo- décident de s’associer. pousse des héros kleptomanes à voler les dialogue de la pièce par un autre drama- sirène, Marlene Dietrich est étrangement et spirituelle Gilda Farrell turière et séduit un ami de gique sur l’excentrique, ce qui peut expli- Alors que l’Europe entière objets et à dérober les cœurs. La symétrie turge, Ben Hecht, au point de n’en garder émouvante, déchirée entre le self-control qui ne peut se décider son mari. Michael Brandon, mil- quer l’échec inattendu du fi lm à sa sortie, parle de leurs méfaits, ils lubitschienne devient un motif omnipré- qu’une seule réplique ! Si Sérénade à trois et la rupture passionnelle qu’on sent à entre les deux préten- liardaire américain en à une époque où la comédie loufoque jettent leur dévolu sur une sent : narrative (au trio Lily-Gaston-Ma- trahit la brillance des dialogues d’origine, chaque instant possible. Le bouquet de dants. Ils décident alors vacances à Nice, tombe battait son plein. Le plus déroutant, ici, est nouvelle victime, la riche riette répond celui de Filiba-Mariette-le c’est pour donner la vedette au langage violettes qu’elle abandonne au pied d’un d’emménager tous les sous le charme de Nicole, l’absence de toute motivation explicite des et belle Mariette Collet. major) aussi bien qu’architecturale (les cinématographique. Un nuage de pous- banc public ou la tranche de rôti de veau trois. qu’il décide de séduire. personnages, mise à part, peut-être, une Mais Gaston va vite tomber chambres de Gaston et Mariette séparées sière qui s’échappe d’un lit, une clochette qui revient intacte à l’offi ce deviennent les intense frustration sexuelle. Règne une sous son charme… par une horloge, les deux étages de la de machine à écrire qui tinte, deux tulipes seules fi ssures par lesquelles cet ange, schizophrénie latente qui donne toute sa résidence), cette symétrie peut s’amplifi er perchées dans un pot offert par les deux mystérieux jusqu’au bout, laisse échap- force à ce motif de la rupture : ils ont tous jusqu’à la multiplication, mais jamais la soupirants de l’héroïne, et que le mari per un peu de lui-même. Ange est un fi lm l’air dérangés, et ni Lubitsch, ni ses inter- redondance… Avec son élégance minima- envoie valser d’un coup de pied rageur d’une extrême mélancolie : aventure en prètes, pourtant parfaits, ne parviennent liste, son pouvoir allusif et son absence de en pleine nuit de noces : visuellement, vase clos, murmurée du bout des lèvres, à éclaircir la bizarrerie de leur comporte- second degré (Lubitsch ne cache pas sa Lubitsch ironise ou s’attendrit, démolit ou esquissée du bout des doigts, épiée ment. Désorientés, les protagonistes ont gravité derrière sa légèreté ; il est léger et transcende, et la subversion sexuelle du du bout de l’oreille par la domesticité. Haute Pègre beau chercher dans les livres ou la psy- grave), peut passer pour le propos se métamorphose en subversion Lubitsch met à nu cette cruelle manie de chanalyse une solution à leurs problèmes, mètre-étalon du chic cinématographique, du verbe par l’image. Sérénade à trois, la race humaine à s’imposer des choix, et rien n’y fait ! ou du grand art, ce qui pour une fois c’est un Lubitsch de charme. la souffrance un peu masochiste qu’elle se revient au même. procure à les trancher. NINOTCHKA LUBITSCH ÉTAIT UN PRINCE TO BE OR NOT TO BE LE CIEL PEUT ATTENDRE Ernst Lubitsch par François Truffaut JEUX DANGEREUX HEAVEN CAN WAIT États-Unis • 1939 l y a deux sortes de cinéastes, Employée à tort ou à travers, l’ex- Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch 110 min • Visa : 6432 Ic’est pareil pour les peintres et pression “mise en scène” signifi e États-Unis • 1942 États-Unis • 1943 Scénario : les écrivains, il y a ceux qui tra- enfi n quelque chose, ici elle est 99 min • Visa : 5269 112 min • Visa : 4396 Charles Brackett, vaillent même sur une île déserte, un jeu qui ne peut se pratiquer sans public, et ceux qui renon- qu’à trois et seulement pendant Scénario : Scénario : Billy Wilder, Edwin Justus Mayer, Samson Raphaelson, Walter Reisch, d’après ceraient, au la durée de la nom du à projection. Qui d’après une histoire origi- d’après une pièce de une histoire originale de nale de Melchior Lengyel László Bus-Feketé Melchior Lengyel quoi bon ? sont les trois ? Donc pas Lubitsch, et (non crédité) Avec Don Ameche Avec Greta Garbo de Lubitsch le fi lm et le Ernst Lubitsch Gene Tierney Melvyn Douglas Pour la première fois, c’est un contexte sans public, public. […] Avec Carole Lombard, Le fi lm le plus connu de Lubitsch Laird Cregar Le Ciel peut attendre fut le fi lm qui récon- Ina Claire politique méticuleusement recréé qui sert Jack Benny aujourd’hui fut, en son temps, le plus Eugene Pallette cilia Lubitsch avec la critique et le public : mais, atten- J’ai parlé Distribution : de cadre au dosage habituel de cham- tion, le public Robert Stack controversé, et perdit beaucoup d’argent. Marjorie Main ce fut son plus gros succès commercial. pagne, de palaces et de frivolités syno- de ce qui Même ceux qui l’adoraient, dans l’entou- Malgré ses sources slaves, l’œuvre fut Warner Bros. n’est pas en Distribution : Distribution : nyme de Lubitsch. Ce chapeau ridicule s’apprend, rage du réalisateur, voulaient en faire conçue pour plaire à un public américain plus de la j’ai parlé du Les Acacias Splendor Films mais si convoité que Ninotchka cache création, il couper certains dialogues trop « osés ». friand d’évasion en plein confl it mondial : Une austère commis- dans un tiroir, ces bijoux protégés dans talent, j’ai Mais Lubitsch s’avéra intraitable : il était une chronique familiale en Technicolor, saire politique soviétique est avec, il parlé de ce un coffre-fort mural sont des signes de fait partie du Alors que l’armée persuadé d’avoir produit un chef-d’œuvre. À 70 ans, Henry Van Cleve avec juste ce qu’il fallait d’esprit pétillant est envoyée à Paris pour désir réprimé, puis libéré. Greta Garbo se qui au fond, allemande a envahi la Ce fi lm pose la question du devoir : celui, est accueilli aux portes de et d’ingéniosité narrative pour plaire aux négocier l’acquisition de fi lm. Dans et éventuel- révèle ici une actrice comique hors pair, la bande Pologne, une troupe pour un comédien de bien jouer son rôle, l’Enfer par « Son Excel- intellectuels de la côte Est. Parce qu’il bijoux et ramener dans le car on n’oublie pas un seul instant qu’il lement, peut d’acteurs polonais se pour un soldat de bien faire la guerre, pour lence » et lui confesse raconte l’histoire d’un homme qui fait le droit chemin des collè- sonore s’acheter en s’agit une tragédienne qui joue la comédie. d’un fi lm de trouve engagée dans de une femme d’être fi dèle à son mari, pour toute une vie de mauvaise bilan de sa vie, les historiens en ont fait un gues qui ont succombé aux Rire, quand l’heure n’est plus à rire, c’est y mettant le périlleuses actions de un Polonais de se battre contre l’envahis- conduite. « fi lm testament ». Mais c’est pour lui un charmes du capitalisme Lubitsch, prix, mais ce comme se raccrocher aux objets les plus il y a les résistance, où leur savoir- seur nazi, mais aussi, à l’inverse, pour un fi lm presque modeste, une histoire banale décadent. futiles : faire montre d’un dernier sursaut qui ne s’ap- faire de comédiens est comédien de savoir où commence la vie observée des coulisses : comme on ne dialogues, prend et ne de dignité. Jamais Ninotchka n’est ridicu- les bruits, leur meilleure arme. et où s’arrête le spectacle, pour un soldat voit strictement rien des méfaits de Henry Enrst Lubitsch. DR s’achète c’est lisée. Comme l’a bien noté William Paul, la musique de choisir son camp, pour une femme Van Cleve, on ne peut qu’acquiescer au elle ne perd pas ses convictions politiques le charme et la d’assumer sa féminité, pour un nazi d’obéir verdict qui le renvoie de l’enfer. Evidem- et il y a nos rires, c’est essentiel, malice, ah, le charme malicieux dans la métamorphose : sa reddition à la sinon il n’y aurait pas de fi lm. Les aveuglément à sa doctrine. Dans un uni- ment, cette modestie est feinte, puisqu’elle coquetterie d’un chapeau « n’est pas tant de Lubitsch, voilà qui faisait de lui vers de tragi-comédie, les fi gurants sont repose elle-même sur une gageure de prodigieuses ellipses de scénario vraiment un Prince. une acceptation de l’idéologie capitaliste ne fonctionnent que parce que des premiers rôles en puissance, à l’image mise en scène : faire un fi lm où l’essentiel que l’acceptation de sa propre frivolité ». nos rires établissent le pont d’une François Truffaut, du porteur de hallebarde citant à trois de l’action se déroule hors champ (spécia- scène à l’autre. Dans le gruyère Les fi lms de ma vie (Flammarion, reprises un éloquent extrait du Marchand lité lubitschienne), et même hors temps, Lubitsch, chaque trou est génial. 1975). de Venise de Shakespeare : «Quand vous c’est-à-dire non pas pendant, mais entre nous piquez, ne saignons-nous pas ?...». les scènes !

CINÉ CONCERT COMÉDIES MUSICALES Ce document est édité par l’Agence pour le Développement Régional REPÈRES BIO-FILMOGRAPHIQUES L’Éventail de lady Windermere constitue l’apogée Lubitsch fait ses débuts avec le cinéma sonore à du Cinéma (ADRC) avec le soutien de l’art muet de Lubitsch. Quel chemin parcouru, la Paramount et y réalise certaines des meilleures du Centre National du Cinéma et de 1892. Le 29 janvier, à Berlin, naissance 1936. Produit Désir de Frank Borzage. l’image animée (CNC). d’Ernst, fi ls de Simon Lubitsch, tailleur de depuis ses débuts, dans l’aisance du récit et la comédies musicales avec Maurice Chevalier. Hostile 1937. Naissance de sa fi lle Nicola. Voyage à pureté de la mise en scène ! Le petit jeu des équiva- au « bavardage » des fi lms parlants, Lubitsch prône L’ADRC, présidée par le cinéaste confection, et de sa femme Anna, installés Moscou. Ange, échec commercial. Christophe Ruggia, est forte de dans le quartier juif. lences visuelles avec la prose révérée d’Oscar Wilde le « spectacle total ». Le Lieutenant souriant (1931), plus de 1 300 adhérents représentant 1938. La Huitième Femme de Barbe Bleue. amusa en son temps les commentateurs. Il paraît Une heure près de toi (1932) fi rent sensation pour l’ensemble des secteurs impliqués 1911. Engagé comme assistant et acteur au Fin du contrat Paramount. vain aujourd’hui : ce fi lm n’est pas un chef-d’œuvre leur utilisation inventive et leur mélange novateur de dans la diffusion du fi lm : réalisateurs, Deutsches Theater de Max Reinhardt. d’adaptation, mais un chef-d’œuvre tout court. calembours visuels de musique et de chants. producteurs, exploitants, distributeurs, 1939. Ninotchka, tourné pour MGM. Slogan mais aussi les collectivités territoriales. 1915. Fraülein Première réalisation offi cielle : « Garbo rit ». Gros succès. N. T. Binh N.T. Binh Créée par le Ministère de la Culture et Seifenschaum, court-métrage perdu. de la Communication, l’ADRC remplit 1940. The Shop around the Corner (MGM). 1916. Schuhpalast Pinkus. L’ÉVENTAIL DE LE LIEUTENANT SOURIANT deux missions complémentaires en faveur du pluralisme et de la diversité 1941. Illusions perdues (That Uncertain Fee- THE SMILING LIEUTENANT 1918. Les Yeux de la momie, avec Pola Negri, LADY WINDERMERE cinématographique, en lien étroit avec ling), tourné pour les Artistes associés. Ernst Lubitsch • États-Unis • 1931 • 93 min • Visa premier long métrage : un succès. Carmen. LADY WINDERMERE’S FAN le CNC : le conseil et l’assistance pour 1942. To Be or Not to Be (production indépen- Avec Maurice Chevalier, Miriam Hopkins, la création et la modernisation des 1919. La Princesse aux huîtres Madame Ernst Lubitsch • États-Unis • 1925 • 80 min • 35 mm cinémas ; le fi nancement et la mise en , dante). Échec commercial. Claudette Colbert Dubarry, énorme succès international, y com- D’après la pièce d’Oscar Wilde place de circulations d’une pluralité pris aux États-Unis. La Poupée. 1943. Le Ciel peut attendre, premier fi lm du Avec Ronald Colman, Irene Rich, May McAvoy Distribution : Swashbuckler Films de fi lms pour les cinémas de tous les contrat Fox. Énorme succès critique et public. territoires. Depuis 1999, l’ADRC œuvre 1920. Anne Boleyn. Distribution : Théâtre du Temple également pour une meilleure diffusion Divorce d’Ernst Lubitsch et Vivian Gaye. Pre- UNE HEURE PRÈS DE TOI du patrimoine cinématographique. 1921. La Chatte des montagnes. La Femme du mière attaque cardiaque. La jeune lady Windermere croit infi dèle son mari Chaplin, Lubitsch, Fairbanks, Pickford. DR qu’elle a surpris avec une femme mystérieuse. ONE HOUR WITH YOU pharaon. 1946. Cluny Brown (La Folle Ingénue). Ernst Lubitsch, George Cukor • États-Unis • 1932 • ADRC | 16, rue d’Ouessant 1930. Divorce d’Ernst et Helene Lubitsch. 77 min • Visa : 37715 75015 Paris | Tél.: 01 56 89 20 30 1922. Die Flamme. Épouse l’actrice Irni 1947. Oscar spécial décerné à Lubitsch pour « Ce fi lm peut être proposé en ciné-concert 1931. Le Lieutenant souriant. www.adrc-asso.org (Helene) Kraus. Lubitsch se rend à Hollywood vingt-cinq ans de contribution à l’art ciné- par l’ADRC. Avec Maurice Chevalier, Jeanette MacDonald, sur l’invitation de Mary Pickford : Rosita. 1932. Une heure près de toi (commencé par matographique ». Le 30 novembre, mort de adrc-asso.org Genevieve Tobin 1924. Succès critique de The Marriage Circle George Cukor). Haute Pègre. Dernier voyage Lubitsch, des suites d’une crise cardiaque. Distribution : Splendor Films et Three Women pour Warner Bros. Forbid- en Allemagne. den Paradise, tourné pour Paramount. 1933. Sérénade à trois. BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 1925. L’Éventail de lady Windermere. 1934. La Veuve joyeuse, tourné pour MGM N. T. BINH ■ Amitié : la dernière retouche d’Ernst Lubitsch 1926. So This Is Paris. sous l’égide de Thalberg. Échec commercial. Critique à Positif, maître de conférences Samson Raphaelson • Paris • Allia, 2006. Textes : N.T. Binh d’après Lubitsch / N.T. Binh, Christian 1927. Le Prince étudiant (MGM). 1935. Perte de la nationalité allemande. à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ■ Lubitsch, les voix du désir : les comédies Viviani. Paris : Rivages, 1991. Lubitsch devient américain. Mariage avec auteur de livres dont Lubitsch coécrit avec américaines, 1932-1946 Crédits photographiques : L’Eventail de Lady Windermere 1929. Parade d’amour, avec Maurice Cheva- (Les Grands Films Classiques). / Une heure près de toi, Haute l’imprésario Vivian Gaye. Nomination à la tête Christian Viviani (Paris, 1991) dont sont Natacha Thiéry • Liège • Ed. du Céfal, 2000. pègre, Sérénade à trois, La Huitième femme de Barbe Bleue, Le lier, premier parlant de Lubitsch. Triomphe Ciel peut attendre (Splendor Films). / Le Lieutenant souriant, de la production de Paramount. extraites la plupart des citations. ■ Lubitsch Ange (Swashbuckler Films). / Ninotchka © Warner Bros. All critique et public. Rights Reserved / Jeux dangereux © Studiocanal. / Portraits N. T. Binh, Christian Viviani • Paris • Rivages, 1991. d’Ernst Lubitsch. DR. Collection La Cinémathèque française.

ARDC_Lubitsch_doc.indd 1 16/12/2018 22:45 Enrst Lubitsch. DR i, comme l’écrivait François Truffaut, « Lubitsch était ERNST Sun prince », il régna pendant une vingtaine d’années L’ADRC sur un genre qu’il avait quasiment créé lui-même, et présente que l’on appelle aujourd’hui la “comédie américaine”. Il avait été, au lendemain de la première guerre mondiale, l’un des réalisateurs les plus célèbres du cinéma muet allemand. Il sut s’imposer à Hollywood dès son arrivée en 1923 et jusqu’à sa mort prématurée en 1947, élevant au rang d’un des beaux-arts ce genre considéré comme mineur. To Be or Not to Be, sorti en 1942, est son fi lm le plus apprécié aujourd’hui, mais déclencha en son temps des polémiques encore très actuelles, sur le thème : peut-on rire de tout, en l’occurrence des ravages de la guerre et de la menace nazie ? Le raffi nement et l’inven- tivité de sa mise en scène infl uencèrent durablement non seulement ses contemporains, mais des générations de cinéphiles et de cinéastes, qui ne cessèrent de reconnaître leur dette à son égard. Les fi lms de cette rétrospective sont découverts avec émerveillement par les spectateurs d’aujourd’hui et, surtout, peuvent être revus à l’infi ni, procurant à chaque vision un plaisir renouvelé conjuguant l’intelligence la plus vive à l’émotion la plus profonde. N. T. Binh RÉTROSPECTIVE HAUTE PÈGRE SÉRÉNADE À TROIS ANGE LA HUITIÈME FEMME TROUBLE IN PARADISE DESIGN FOR LIVING ANGEL DE BARBE-BLEUE Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch BLUEBEARD’S États-Unis • 1932 États-Unis • 1933 États-Unis • 1937 EIGHTH WIFE 83 min • Visa : 36251 91 min • Visa : 40001 92 min • Visa : 3355 Ernst Lubitsch Scénario : Scénario : Ben Hecht, Scénario : États-Unis • 1938 • 85 min Samson Raphaelson, d’après la pièce de Samson Raphaelson, Visa : 3396 Grover Jones d’après la Noël Coward d’après la pièce de pièce de Lazlo Aladar Avec Fredric March Melchior Lengyel Scénario : Charles Brackett, Avec Herbert Marshall Gary Cooper Avec Marlene Dietrich Billy Wilder d’après la Miriam Hopkins Miriam Hopkins Melvyn Douglas pièce d’Alfred Savoir Kay Francis Lubitsch lui-même estimait n’avoir jamais Distribution : En 1933, Sérénade à trois adapte une Herbert Marshall Ange ou comment, par l’élégance, atteint une perfection stylistique égale à pièce à succès, encore à l’affi che à Broad- contourner toutes les censures. Au début, Avec Claudette Colbert Distribution : Splendor Films Distribution : Haute Pègre. Le moteur de cette œuvre way et déjà légendaire. Paramount ne sans l’ombre d’une image « leste », Gary Cooper La Huitième Femme de Barbe-Bleue sera Splendor Films Swashbuckler Films maîtresse est la pulsion. Celle qui lie souhaitait rien d’autre qu’un emballage ca- Lubitsch nous montre comment on peut Edward Everett Horton le fi lm de la rupture avec Paramount. Or la Monescu (Herbert Marshall), tour à tour, Deux américains parta- deau pour succès prêt-à-porter. Lubitsch, fi lmer sans ambiguïté un bordel. David Niven rupture est le thème du fi lm, à commencer geant un appartement à À Paris, la femme d’un par l’inadmissible division entre les deux Gaston et Lilly, deux es- aux sublimes héroïnes campées par peu soucieux de livrer le produit comman- Belle et secrète, faussement impassible, Distribution : Paris tombent tous les diplomate britannique se pièces d’un pyjama. L’atmosphère de folie crocs tombés amoureux, Miriam Hopkins et Kay Francis. Celle qui dé, fait totalement réécrire le sacro-saint la voix dans un souffl e, glissant telle une Splendor Films deux amoureux de la belle fait passer pour une aven- générale privilégie presque le patholo- décident de s’associer. pousse des héros kleptomanes à voler les dialogue de la pièce par un autre drama- sirène, Marlene Dietrich est étrangement et spirituelle Gilda Farrell turière et séduit un ami de gique sur l’excentrique, ce qui peut expli- Alors que l’Europe entière objets et à dérober les cœurs. La symétrie turge, Ben Hecht, au point de n’en garder émouvante, déchirée entre le self-control qui ne peut se décider son mari. Michael Brandon, mil- quer l’échec inattendu du fi lm à sa sortie, parle de leurs méfaits, ils lubitschienne devient un motif omnipré- qu’une seule réplique ! Si Sérénade à trois et la rupture passionnelle qu’on sent à entre les deux préten- liardaire américain en à une époque où la comédie loufoque jettent leur dévolu sur une sent : narrative (au trio Lily-Gaston-Ma- trahit la brillance des dialogues d’origine, chaque instant possible. Le bouquet de dants. Ils décident alors vacances à Nice, tombe battait son plein. Le plus déroutant, ici, est nouvelle victime, la riche riette répond celui de Filiba-Mariette-le c’est pour donner la vedette au langage violettes qu’elle abandonne au pied d’un d’emménager tous les sous le charme de Nicole, l’absence de toute motivation explicite des et belle Mariette Collet. major) aussi bien qu’architecturale (les cinématographique. Un nuage de pous- banc public ou la tranche de rôti de veau trois. qu’il décide de séduire. personnages, mise à part, peut-être, une Mais Gaston va vite tomber chambres de Gaston et Mariette séparées sière qui s’échappe d’un lit, une clochette qui revient intacte à l’offi ce deviennent les intense frustration sexuelle. Règne une sous son charme… par une horloge, les deux étages de la de machine à écrire qui tinte, deux tulipes seules fi ssures par lesquelles cet ange, schizophrénie latente qui donne toute sa résidence), cette symétrie peut s’amplifi er perchées dans un pot offert par les deux mystérieux jusqu’au bout, laisse échap- force à ce motif de la rupture : ils ont tous jusqu’à la multiplication, mais jamais la soupirants de l’héroïne, et que le mari per un peu de lui-même. Ange est un fi lm l’air dérangés, et ni Lubitsch, ni ses inter- redondance… Avec son élégance minima- envoie valser d’un coup de pied rageur d’une extrême mélancolie : aventure en prètes, pourtant parfaits, ne parviennent liste, son pouvoir allusif et son absence de en pleine nuit de noces : visuellement, vase clos, murmurée du bout des lèvres, à éclaircir la bizarrerie de leur comporte- second degré (Lubitsch ne cache pas sa Lubitsch ironise ou s’attendrit, démolit ou esquissée du bout des doigts, épiée ment. Désorientés, les protagonistes ont gravité derrière sa légèreté ; il est léger et transcende, et la subversion sexuelle du du bout de l’oreille par la domesticité. Haute Pègre beau chercher dans les livres ou la psy- grave), peut passer pour le propos se métamorphose en subversion Lubitsch met à nu cette cruelle manie de chanalyse une solution à leurs problèmes, mètre-étalon du chic cinématographique, du verbe par l’image. Sérénade à trois, la race humaine à s’imposer des choix, et rien n’y fait ! ou du grand art, ce qui pour une fois c’est un Lubitsch de charme. la souffrance un peu masochiste qu’elle se revient au même. procure à les trancher. NINOTCHKA LUBITSCH ÉTAIT UN PRINCE TO BE OR NOT TO BE LE CIEL PEUT ATTENDRE Ernst Lubitsch par François Truffaut JEUX DANGEREUX HEAVEN CAN WAIT États-Unis • 1939 l y a deux sortes de cinéastes, Employée à tort ou à travers, l’ex- Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch 110 min • Visa : 6432 Ic’est pareil pour les peintres et pression “mise en scène” signifi e États-Unis • 1942 États-Unis • 1943 Scénario : les écrivains, il y a ceux qui tra- enfi n quelque chose, ici elle est 99 min • Visa : 5269 112 min • Visa : 4396 Charles Brackett, vaillent même sur une île déserte, un jeu qui ne peut se pratiquer sans public, et ceux qui renon- qu’à trois et seulement pendant Scénario : Scénario : Billy Wilder, Edwin Justus Mayer, Samson Raphaelson, Walter Reisch, d’après ceraient, au la durée de la nom du à projection. Qui d’après une histoire origi- d’après une pièce de une histoire originale de nale de Melchior Lengyel László Bus-Feketé Melchior Lengyel quoi bon ? sont les trois ? Donc pas Lubitsch, et (non crédité) Avec Don Ameche Avec Greta Garbo de Lubitsch le fi lm et le Ernst Lubitsch Gene Tierney Melvyn Douglas Pour la première fois, c’est un contexte sans public, public. […] Avec Carole Lombard, Le fi lm le plus connu de Lubitsch Laird Cregar Le Ciel peut attendre fut le fi lm qui récon- Ina Claire politique méticuleusement recréé qui sert Jack Benny aujourd’hui fut, en son temps, le plus Eugene Pallette cilia Lubitsch avec la critique et le public : mais, atten- J’ai parlé Distribution : de cadre au dosage habituel de cham- tion, le public Robert Stack controversé, et perdit beaucoup d’argent. Marjorie Main ce fut son plus gros succès commercial. pagne, de palaces et de frivolités syno- de ce qui Même ceux qui l’adoraient, dans l’entou- Malgré ses sources slaves, l’œuvre fut Warner Bros. n’est pas en Distribution : Distribution : nyme de Lubitsch. Ce chapeau ridicule s’apprend, rage du réalisateur, voulaient en faire conçue pour plaire à un public américain plus de la j’ai parlé du Les Acacias Splendor Films mais si convoité que Ninotchka cache création, il couper certains dialogues trop « osés ». friand d’évasion en plein confl it mondial : Une austère commis- dans un tiroir, ces bijoux protégés dans talent, j’ai Mais Lubitsch s’avéra intraitable : il était une chronique familiale en Technicolor, saire politique soviétique est avec, il parlé de ce un coffre-fort mural sont des signes de fait partie du Alors que l’armée persuadé d’avoir produit un chef-d’œuvre. À 70 ans, Henry Van Cleve avec juste ce qu’il fallait d’esprit pétillant est envoyée à Paris pour désir réprimé, puis libéré. Greta Garbo se qui au fond, allemande a envahi la Ce fi lm pose la question du devoir : celui, est accueilli aux portes de et d’ingéniosité narrative pour plaire aux négocier l’acquisition de fi lm. Dans et éventuel- révèle ici une actrice comique hors pair, la bande Pologne, une troupe pour un comédien de bien jouer son rôle, l’Enfer par « Son Excel- intellectuels de la côte Est. Parce qu’il bijoux et ramener dans le car on n’oublie pas un seul instant qu’il lement, peut d’acteurs polonais se pour un soldat de bien faire la guerre, pour lence » et lui confesse raconte l’histoire d’un homme qui fait le droit chemin des collè- sonore s’acheter en s’agit une tragédienne qui joue la comédie. d’un fi lm de trouve engagée dans de une femme d’être fi dèle à son mari, pour toute une vie de mauvaise bilan de sa vie, les historiens en ont fait un gues qui ont succombé aux Rire, quand l’heure n’est plus à rire, c’est y mettant le périlleuses actions de un Polonais de se battre contre l’envahis- conduite. « fi lm testament ». Mais c’est pour lui un charmes du capitalisme Lubitsch, prix, mais ce comme se raccrocher aux objets les plus il y a les résistance, où leur savoir- seur nazi, mais aussi, à l’inverse, pour un fi lm presque modeste, une histoire banale décadent. futiles : faire montre d’un dernier sursaut qui ne s’ap- faire de comédiens est comédien de savoir où commence la vie observée des coulisses : comme on ne dialogues, prend et ne de dignité. Jamais Ninotchka n’est ridicu- les bruits, leur meilleure arme. et où s’arrête le spectacle, pour un soldat voit strictement rien des méfaits de Henry Enrst Lubitsch. DR s’achète c’est lisée. Comme l’a bien noté William Paul, la musique de choisir son camp, pour une femme Van Cleve, on ne peut qu’acquiescer au elle ne perd pas ses convictions politiques le charme et la d’assumer sa féminité, pour un nazi d’obéir verdict qui le renvoie de l’enfer. Evidem- et il y a nos rires, c’est essentiel, malice, ah, le charme malicieux dans la métamorphose : sa reddition à la sinon il n’y aurait pas de fi lm. Les aveuglément à sa doctrine. Dans un uni- ment, cette modestie est feinte, puisqu’elle coquetterie d’un chapeau « n’est pas tant de Lubitsch, voilà qui faisait de lui vers de tragi-comédie, les fi gurants sont repose elle-même sur une gageure de prodigieuses ellipses de scénario vraiment un Prince. une acceptation de l’idéologie capitaliste ne fonctionnent que parce que des premiers rôles en puissance, à l’image mise en scène : faire un fi lm où l’essentiel que l’acceptation de sa propre frivolité ». nos rires établissent le pont d’une François Truffaut, du porteur de hallebarde citant à trois de l’action se déroule hors champ (spécia- scène à l’autre. Dans le gruyère Les fi lms de ma vie (Flammarion, reprises un éloquent extrait du Marchand lité lubitschienne), et même hors temps, Lubitsch, chaque trou est génial. 1975). de Venise de Shakespeare : «Quand vous c’est-à-dire non pas pendant, mais entre nous piquez, ne saignons-nous pas ?...». les scènes !

CINÉ CONCERT COMÉDIES MUSICALES Ce document est édité par l’Agence pour le Développement Régional REPÈRES BIO-FILMOGRAPHIQUES L’Éventail de lady Windermere constitue l’apogée Lubitsch fait ses débuts avec le cinéma sonore à du Cinéma (ADRC) avec le soutien de l’art muet de Lubitsch. Quel chemin parcouru, la Paramount et y réalise certaines des meilleures du Centre National du Cinéma et de 1892. Le 29 janvier, à Berlin, naissance 1936. Produit Désir de Frank Borzage. l’image animée (CNC). d’Ernst, fi ls de Simon Lubitsch, tailleur de depuis ses débuts, dans l’aisance du récit et la comédies musicales avec Maurice Chevalier. Hostile 1937. Naissance de sa fi lle Nicola. Voyage à pureté de la mise en scène ! Le petit jeu des équiva- au « bavardage » des fi lms parlants, Lubitsch prône L’ADRC, présidée par le cinéaste confection, et de sa femme Anna, installés Moscou. Ange, échec commercial. Christophe Ruggia, est forte de dans le quartier juif. lences visuelles avec la prose révérée d’Oscar Wilde le « spectacle total ». Le Lieutenant souriant (1931), plus de 1 300 adhérents représentant 1938. La Huitième Femme de Barbe Bleue. amusa en son temps les commentateurs. Il paraît Une heure près de toi (1932) fi rent sensation pour l’ensemble des secteurs impliqués 1911. Engagé comme assistant et acteur au Fin du contrat Paramount. vain aujourd’hui : ce fi lm n’est pas un chef-d’œuvre leur utilisation inventive et leur mélange novateur de dans la diffusion du fi lm : réalisateurs, Deutsches Theater de Max Reinhardt. d’adaptation, mais un chef-d’œuvre tout court. calembours visuels de musique et de chants. producteurs, exploitants, distributeurs, 1939. Ninotchka, tourné pour MGM. Slogan mais aussi les collectivités territoriales. 1915. Fraülein Première réalisation offi cielle : « Garbo rit ». Gros succès. N. T. Binh N.T. Binh Créée par le Ministère de la Culture et Seifenschaum, court-métrage perdu. de la Communication, l’ADRC remplit 1940. The Shop around the Corner (MGM). 1916. Schuhpalast Pinkus. L’ÉVENTAIL DE LE LIEUTENANT SOURIANT deux missions complémentaires en faveur du pluralisme et de la diversité 1941. Illusions perdues (That Uncertain Fee- THE SMILING LIEUTENANT 1918. Les Yeux de la momie, avec Pola Negri, LADY WINDERMERE cinématographique, en lien étroit avec ling), tourné pour les Artistes associés. Ernst Lubitsch • États-Unis • 1931 • 93 min • Visa premier long métrage : un succès. Carmen. LADY WINDERMERE’S FAN le CNC : le conseil et l’assistance pour 1942. To Be or Not to Be (production indépen- Avec Maurice Chevalier, Miriam Hopkins, la création et la modernisation des 1919. La Princesse aux huîtres Madame Ernst Lubitsch • États-Unis • 1925 • 80 min • 35 mm cinémas ; le fi nancement et la mise en , dante). Échec commercial. Claudette Colbert Dubarry, énorme succès international, y com- D’après la pièce d’Oscar Wilde place de circulations d’une pluralité pris aux États-Unis. La Poupée. 1943. Le Ciel peut attendre, premier fi lm du Avec Ronald Colman, Irene Rich, May McAvoy Distribution : Swashbuckler Films de fi lms pour les cinémas de tous les contrat Fox. Énorme succès critique et public. territoires. Depuis 1999, l’ADRC œuvre 1920. Anne Boleyn. Distribution : Théâtre du Temple également pour une meilleure diffusion Divorce d’Ernst Lubitsch et Vivian Gaye. Pre- UNE HEURE PRÈS DE TOI du patrimoine cinématographique. 1921. La Chatte des montagnes. La Femme du mière attaque cardiaque. La jeune lady Windermere croit infi dèle son mari Chaplin, Lubitsch, Fairbanks, Pickford. DR qu’elle a surpris avec une femme mystérieuse. ONE HOUR WITH YOU pharaon. 1946. Cluny Brown (La Folle Ingénue). Ernst Lubitsch, George Cukor • États-Unis • 1932 • ADRC | 16, rue d’Ouessant 1930. Divorce d’Ernst et Helene Lubitsch. 77 min • Visa : 37715 75015 Paris | Tél.: 01 56 89 20 30 1922. Die Flamme. Épouse l’actrice Irni 1947. Oscar spécial décerné à Lubitsch pour « Ce fi lm peut être proposé en ciné-concert 1931. Le Lieutenant souriant. www.adrc-asso.org (Helene) Kraus. Lubitsch se rend à Hollywood vingt-cinq ans de contribution à l’art ciné- par l’ADRC. Avec Maurice Chevalier, Jeanette MacDonald, sur l’invitation de Mary Pickford : Rosita. 1932. Une heure près de toi (commencé par matographique ». Le 30 novembre, mort de adrc-asso.org Genevieve Tobin 1924. Succès critique de The Marriage Circle George Cukor). Haute Pègre. Dernier voyage Lubitsch, des suites d’une crise cardiaque. Distribution : Splendor Films et Three Women pour Warner Bros. Forbid- en Allemagne. den Paradise, tourné pour Paramount. 1933. Sérénade à trois. BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 1925. L’Éventail de lady Windermere. 1934. La Veuve joyeuse, tourné pour MGM N. T. BINH ■ Amitié : la dernière retouche d’Ernst Lubitsch 1926. So This Is Paris. sous l’égide de Thalberg. Échec commercial. Critique à Positif, maître de conférences Samson Raphaelson • Paris • Allia, 2006. Textes : N.T. Binh d’après Lubitsch / N.T. Binh, Christian 1927. Le Prince étudiant (MGM). 1935. Perte de la nationalité allemande. à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ■ Lubitsch, les voix du désir : les comédies Viviani. Paris : Rivages, 1991. Lubitsch devient américain. Mariage avec auteur de livres dont Lubitsch coécrit avec américaines, 1932-1946 Crédits photographiques : L’Eventail de Lady Windermere 1929. Parade d’amour, avec Maurice Cheva- (Les Grands Films Classiques). / Une heure près de toi, Haute l’imprésario Vivian Gaye. Nomination à la tête Christian Viviani (Paris, 1991) dont sont Natacha Thiéry • Liège • Ed. du Céfal, 2000. pègre, Sérénade à trois, La Huitième femme de Barbe Bleue, Le lier, premier parlant de Lubitsch. Triomphe Ciel peut attendre (Splendor Films). / Le Lieutenant souriant, de la production de Paramount. extraites la plupart des citations. ■ Lubitsch Ange (Swashbuckler Films). / Ninotchka © Warner Bros. All critique et public. Rights Reserved / Jeux dangereux © Studiocanal. / Portraits N. T. Binh, Christian Viviani • Paris • Rivages, 1991. d’Ernst Lubitsch. DR. Collection La Cinémathèque française.

ARDC_Lubitsch_doc.indd 1 16/12/2018 22:45 Enrst Lubitsch. DR i, comme l’écrivait François Truffaut, « Lubitsch était ERNST Sun prince », il régna pendant une vingtaine d’années L’ADRC sur un genre qu’il avait quasiment créé lui-même, et présente que l’on appelle aujourd’hui la “comédie américaine”. Il avait été, au lendemain de la première guerre mondiale, l’un des réalisateurs les plus célèbres du cinéma muet allemand. Il sut s’imposer à Hollywood dès son arrivée en 1923 et jusqu’à sa mort prématurée en 1947, élevant au rang d’un des beaux-arts ce genre considéré comme mineur. To Be or Not to Be, sorti en 1942, est son fi lm le plus apprécié aujourd’hui, mais déclencha en son temps des polémiques encore très actuelles, sur le thème : peut-on rire de tout, en l’occurrence des ravages de la guerre et de la menace nazie ? Le raffi nement et l’inven- tivité de sa mise en scène infl uencèrent durablement non seulement ses contemporains, mais des générations de cinéphiles et de cinéastes, qui ne cessèrent de reconnaître leur dette à son égard. Les fi lms de cette rétrospective sont découverts avec émerveillement par les spectateurs d’aujourd’hui et, surtout, peuvent être revus à l’infi ni, procurant à chaque vision un plaisir renouvelé conjuguant l’intelligence la plus vive à l’émotion la plus profonde. N. T. Binh RÉTROSPECTIVE HAUTE PÈGRE SÉRÉNADE À TROIS ANGE LA HUITIÈME FEMME TROUBLE IN PARADISE DESIGN FOR LIVING ANGEL DE BARBE-BLEUE Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch BLUEBEARD’S États-Unis • 1932 États-Unis • 1933 États-Unis • 1937 EIGHTH WIFE 83 min • Visa : 36251 91 min • Visa : 40001 92 min • Visa : 3355 Ernst Lubitsch Scénario : Scénario : Ben Hecht, Scénario : États-Unis • 1938 • 85 min Samson Raphaelson, d’après la pièce de Samson Raphaelson, Visa : 3396 Grover Jones d’après la Noël Coward d’après la pièce de pièce de Lazlo Aladar Avec Fredric March Melchior Lengyel Scénario : Charles Brackett, Avec Herbert Marshall Gary Cooper Avec Marlene Dietrich Billy Wilder d’après la Miriam Hopkins Miriam Hopkins Melvyn Douglas pièce d’Alfred Savoir Kay Francis Lubitsch lui-même estimait n’avoir jamais Distribution : En 1933, Sérénade à trois adapte une Herbert Marshall Ange ou comment, par l’élégance, atteint une perfection stylistique égale à pièce à succès, encore à l’affi che à Broad- contourner toutes les censures. Au début, Avec Claudette Colbert Distribution : Splendor Films Distribution : Haute Pègre. Le moteur de cette œuvre way et déjà légendaire. Paramount ne sans l’ombre d’une image « leste », Gary Cooper La Huitième Femme de Barbe-Bleue sera Splendor Films Swashbuckler Films maîtresse est la pulsion. Celle qui lie souhaitait rien d’autre qu’un emballage ca- Lubitsch nous montre comment on peut Edward Everett Horton le fi lm de la rupture avec Paramount. Or la Monescu (Herbert Marshall), tour à tour, Deux américains parta- deau pour succès prêt-à-porter. Lubitsch, fi lmer sans ambiguïté un bordel. David Niven rupture est le thème du fi lm, à commencer geant un appartement à À Paris, la femme d’un par l’inadmissible division entre les deux Gaston et Lilly, deux es- aux sublimes héroïnes campées par peu soucieux de livrer le produit comman- Belle et secrète, faussement impassible, Distribution : Paris tombent tous les diplomate britannique se pièces d’un pyjama. L’atmosphère de folie crocs tombés amoureux, Miriam Hopkins et Kay Francis. Celle qui dé, fait totalement réécrire le sacro-saint la voix dans un souffl e, glissant telle une Splendor Films deux amoureux de la belle fait passer pour une aven- générale privilégie presque le patholo- décident de s’associer. pousse des héros kleptomanes à voler les dialogue de la pièce par un autre drama- sirène, Marlene Dietrich est étrangement et spirituelle Gilda Farrell turière et séduit un ami de gique sur l’excentrique, ce qui peut expli- Alors que l’Europe entière objets et à dérober les cœurs. La symétrie turge, Ben Hecht, au point de n’en garder émouvante, déchirée entre le self-control qui ne peut se décider son mari. Michael Brandon, mil- quer l’échec inattendu du fi lm à sa sortie, parle de leurs méfaits, ils lubitschienne devient un motif omnipré- qu’une seule réplique ! Si Sérénade à trois et la rupture passionnelle qu’on sent à entre les deux préten- liardaire américain en à une époque où la comédie loufoque jettent leur dévolu sur une sent : narrative (au trio Lily-Gaston-Ma- trahit la brillance des dialogues d’origine, chaque instant possible. Le bouquet de dants. Ils décident alors vacances à Nice, tombe battait son plein. Le plus déroutant, ici, est nouvelle victime, la riche riette répond celui de Filiba-Mariette-le c’est pour donner la vedette au langage violettes qu’elle abandonne au pied d’un d’emménager tous les sous le charme de Nicole, l’absence de toute motivation explicite des et belle Mariette Collet. major) aussi bien qu’architecturale (les cinématographique. Un nuage de pous- banc public ou la tranche de rôti de veau trois. qu’il décide de séduire. personnages, mise à part, peut-être, une Mais Gaston va vite tomber chambres de Gaston et Mariette séparées sière qui s’échappe d’un lit, une clochette qui revient intacte à l’offi ce deviennent les intense frustration sexuelle. Règne une sous son charme… par une horloge, les deux étages de la de machine à écrire qui tinte, deux tulipes seules fi ssures par lesquelles cet ange, schizophrénie latente qui donne toute sa résidence), cette symétrie peut s’amplifi er perchées dans un pot offert par les deux mystérieux jusqu’au bout, laisse échap- force à ce motif de la rupture : ils ont tous jusqu’à la multiplication, mais jamais la soupirants de l’héroïne, et que le mari per un peu de lui-même. Ange est un fi lm l’air dérangés, et ni Lubitsch, ni ses inter- redondance… Avec son élégance minima- envoie valser d’un coup de pied rageur d’une extrême mélancolie : aventure en prètes, pourtant parfaits, ne parviennent liste, son pouvoir allusif et son absence de en pleine nuit de noces : visuellement, vase clos, murmurée du bout des lèvres, à éclaircir la bizarrerie de leur comporte- second degré (Lubitsch ne cache pas sa Lubitsch ironise ou s’attendrit, démolit ou esquissée du bout des doigts, épiée ment. Désorientés, les protagonistes ont gravité derrière sa légèreté ; il est léger et transcende, et la subversion sexuelle du du bout de l’oreille par la domesticité. Haute Pègre beau chercher dans les livres ou la psy- grave), peut passer pour le propos se métamorphose en subversion Lubitsch met à nu cette cruelle manie de chanalyse une solution à leurs problèmes, mètre-étalon du chic cinématographique, du verbe par l’image. Sérénade à trois, la race humaine à s’imposer des choix, et rien n’y fait ! ou du grand art, ce qui pour une fois c’est un Lubitsch de charme. la souffrance un peu masochiste qu’elle se revient au même. procure à les trancher. NINOTCHKA LUBITSCH ÉTAIT UN PRINCE TO BE OR NOT TO BE LE CIEL PEUT ATTENDRE Ernst Lubitsch par François Truffaut JEUX DANGEREUX HEAVEN CAN WAIT États-Unis • 1939 l y a deux sortes de cinéastes, Employée à tort ou à travers, l’ex- Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch 110 min • Visa : 6432 Ic’est pareil pour les peintres et pression “mise en scène” signifi e États-Unis • 1942 États-Unis • 1943 Scénario : les écrivains, il y a ceux qui tra- enfi n quelque chose, ici elle est 99 min • Visa : 5269 112 min • Visa : 4396 Charles Brackett, vaillent même sur une île déserte, un jeu qui ne peut se pratiquer sans public, et ceux qui renon- qu’à trois et seulement pendant Scénario : Scénario : Billy Wilder, Edwin Justus Mayer, Samson Raphaelson, Walter Reisch, d’après ceraient, au la durée de la nom du à projection. Qui d’après une histoire origi- d’après une pièce de une histoire originale de nale de Melchior Lengyel László Bus-Feketé Melchior Lengyel quoi bon ? sont les trois ? Donc pas Lubitsch, et (non crédité) Avec Don Ameche Avec Greta Garbo de Lubitsch le fi lm et le Ernst Lubitsch Gene Tierney Melvyn Douglas Pour la première fois, c’est un contexte sans public, public. […] Avec Carole Lombard, Le fi lm le plus connu de Lubitsch Laird Cregar Le Ciel peut attendre fut le fi lm qui récon- Ina Claire politique méticuleusement recréé qui sert Jack Benny aujourd’hui fut, en son temps, le plus Eugene Pallette cilia Lubitsch avec la critique et le public : mais, atten- J’ai parlé Distribution : de cadre au dosage habituel de cham- tion, le public Robert Stack controversé, et perdit beaucoup d’argent. Marjorie Main ce fut son plus gros succès commercial. pagne, de palaces et de frivolités syno- de ce qui Même ceux qui l’adoraient, dans l’entou- Malgré ses sources slaves, l’œuvre fut Warner Bros. n’est pas en Distribution : Distribution : nyme de Lubitsch. Ce chapeau ridicule s’apprend, rage du réalisateur, voulaient en faire conçue pour plaire à un public américain plus de la j’ai parlé du Les Acacias Splendor Films mais si convoité que Ninotchka cache création, il couper certains dialogues trop « osés ». friand d’évasion en plein confl it mondial : Une austère commis- dans un tiroir, ces bijoux protégés dans talent, j’ai Mais Lubitsch s’avéra intraitable : il était une chronique familiale en Technicolor, saire politique soviétique est avec, il parlé de ce un coffre-fort mural sont des signes de fait partie du Alors que l’armée persuadé d’avoir produit un chef-d’œuvre. À 70 ans, Henry Van Cleve avec juste ce qu’il fallait d’esprit pétillant est envoyée à Paris pour désir réprimé, puis libéré. Greta Garbo se qui au fond, allemande a envahi la Ce fi lm pose la question du devoir : celui, est accueilli aux portes de et d’ingéniosité narrative pour plaire aux négocier l’acquisition de fi lm. Dans et éventuel- révèle ici une actrice comique hors pair, la bande Pologne, une troupe pour un comédien de bien jouer son rôle, l’Enfer par « Son Excel- intellectuels de la côte Est. Parce qu’il bijoux et ramener dans le car on n’oublie pas un seul instant qu’il lement, peut d’acteurs polonais se pour un soldat de bien faire la guerre, pour lence » et lui confesse raconte l’histoire d’un homme qui fait le droit chemin des collè- sonore s’acheter en s’agit une tragédienne qui joue la comédie. d’un fi lm de trouve engagée dans de une femme d’être fi dèle à son mari, pour toute une vie de mauvaise bilan de sa vie, les historiens en ont fait un gues qui ont succombé aux Rire, quand l’heure n’est plus à rire, c’est y mettant le périlleuses actions de un Polonais de se battre contre l’envahis- conduite. « fi lm testament ». Mais c’est pour lui un charmes du capitalisme Lubitsch, prix, mais ce comme se raccrocher aux objets les plus il y a les résistance, où leur savoir- seur nazi, mais aussi, à l’inverse, pour un fi lm presque modeste, une histoire banale décadent. futiles : faire montre d’un dernier sursaut qui ne s’ap- faire de comédiens est comédien de savoir où commence la vie observée des coulisses : comme on ne dialogues, prend et ne de dignité. Jamais Ninotchka n’est ridicu- les bruits, leur meilleure arme. et où s’arrête le spectacle, pour un soldat voit strictement rien des méfaits de Henry Enrst Lubitsch. DR s’achète c’est lisée. Comme l’a bien noté William Paul, la musique de choisir son camp, pour une femme Van Cleve, on ne peut qu’acquiescer au elle ne perd pas ses convictions politiques le charme et la d’assumer sa féminité, pour un nazi d’obéir verdict qui le renvoie de l’enfer. Evidem- et il y a nos rires, c’est essentiel, malice, ah, le charme malicieux dans la métamorphose : sa reddition à la sinon il n’y aurait pas de fi lm. Les aveuglément à sa doctrine. Dans un uni- ment, cette modestie est feinte, puisqu’elle coquetterie d’un chapeau « n’est pas tant de Lubitsch, voilà qui faisait de lui vers de tragi-comédie, les fi gurants sont repose elle-même sur une gageure de prodigieuses ellipses de scénario vraiment un Prince. une acceptation de l’idéologie capitaliste ne fonctionnent que parce que des premiers rôles en puissance, à l’image mise en scène : faire un fi lm où l’essentiel que l’acceptation de sa propre frivolité ». nos rires établissent le pont d’une François Truffaut, du porteur de hallebarde citant à trois de l’action se déroule hors champ (spécia- scène à l’autre. Dans le gruyère Les fi lms de ma vie (Flammarion, reprises un éloquent extrait du Marchand lité lubitschienne), et même hors temps, Lubitsch, chaque trou est génial. 1975). de Venise de Shakespeare : «Quand vous c’est-à-dire non pas pendant, mais entre nous piquez, ne saignons-nous pas ?...». les scènes !

CINÉ CONCERT COMÉDIES MUSICALES Ce document est édité par l’Agence pour le Développement Régional REPÈRES BIO-FILMOGRAPHIQUES L’Éventail de lady Windermere constitue l’apogée Lubitsch fait ses débuts avec le cinéma sonore à du Cinéma (ADRC) avec le soutien de l’art muet de Lubitsch. Quel chemin parcouru, la Paramount et y réalise certaines des meilleures du Centre National du Cinéma et de 1892. Le 29 janvier, à Berlin, naissance 1936. Produit Désir de Frank Borzage. l’image animée (CNC). d’Ernst, fi ls de Simon Lubitsch, tailleur de depuis ses débuts, dans l’aisance du récit et la comédies musicales avec Maurice Chevalier. Hostile 1937. Naissance de sa fi lle Nicola. Voyage à pureté de la mise en scène ! Le petit jeu des équiva- au « bavardage » des fi lms parlants, Lubitsch prône L’ADRC, présidée par le cinéaste confection, et de sa femme Anna, installés Moscou. Ange, échec commercial. Christophe Ruggia, est forte de dans le quartier juif. lences visuelles avec la prose révérée d’Oscar Wilde le « spectacle total ». Le Lieutenant souriant (1931), plus de 1 300 adhérents représentant 1938. La Huitième Femme de Barbe Bleue. amusa en son temps les commentateurs. Il paraît Une heure près de toi (1932) fi rent sensation pour l’ensemble des secteurs impliqués 1911. Engagé comme assistant et acteur au Fin du contrat Paramount. vain aujourd’hui : ce fi lm n’est pas un chef-d’œuvre leur utilisation inventive et leur mélange novateur de dans la diffusion du fi lm : réalisateurs, Deutsches Theater de Max Reinhardt. d’adaptation, mais un chef-d’œuvre tout court. calembours visuels de musique et de chants. producteurs, exploitants, distributeurs, 1939. Ninotchka, tourné pour MGM. Slogan mais aussi les collectivités territoriales. 1915. Fraülein Première réalisation offi cielle : « Garbo rit ». Gros succès. N. T. Binh N.T. Binh Créée par le Ministère de la Culture et Seifenschaum, court-métrage perdu. de la Communication, l’ADRC remplit 1940. The Shop around the Corner (MGM). 1916. Schuhpalast Pinkus. L’ÉVENTAIL DE LE LIEUTENANT SOURIANT deux missions complémentaires en faveur du pluralisme et de la diversité 1941. Illusions perdues (That Uncertain Fee- THE SMILING LIEUTENANT 1918. Les Yeux de la momie, avec Pola Negri, LADY WINDERMERE cinématographique, en lien étroit avec ling), tourné pour les Artistes associés. Ernst Lubitsch • États-Unis • 1931 • 93 min • Visa premier long métrage : un succès. Carmen. LADY WINDERMERE’S FAN le CNC : le conseil et l’assistance pour 1942. To Be or Not to Be (production indépen- Avec Maurice Chevalier, Miriam Hopkins, la création et la modernisation des 1919. La Princesse aux huîtres Madame Ernst Lubitsch • États-Unis • 1925 • 80 min • 35 mm cinémas ; le fi nancement et la mise en , dante). Échec commercial. Claudette Colbert Dubarry, énorme succès international, y com- D’après la pièce d’Oscar Wilde place de circulations d’une pluralité pris aux États-Unis. La Poupée. 1943. Le Ciel peut attendre, premier fi lm du Avec Ronald Colman, Irene Rich, May McAvoy Distribution : Swashbuckler Films de fi lms pour les cinémas de tous les contrat Fox. Énorme succès critique et public. territoires. Depuis 1999, l’ADRC œuvre 1920. Anne Boleyn. Distribution : Théâtre du Temple également pour une meilleure diffusion Divorce d’Ernst Lubitsch et Vivian Gaye. Pre- UNE HEURE PRÈS DE TOI du patrimoine cinématographique. 1921. La Chatte des montagnes. La Femme du mière attaque cardiaque. La jeune lady Windermere croit infi dèle son mari Chaplin, Lubitsch, Fairbanks, Pickford. DR qu’elle a surpris avec une femme mystérieuse. ONE HOUR WITH YOU pharaon. 1946. Cluny Brown (La Folle Ingénue). Ernst Lubitsch, George Cukor • États-Unis • 1932 • ADRC | 16, rue d’Ouessant 1930. Divorce d’Ernst et Helene Lubitsch. 77 min • Visa : 37715 75015 Paris | Tél.: 01 56 89 20 30 1922. Die Flamme. Épouse l’actrice Irni 1947. Oscar spécial décerné à Lubitsch pour « Ce fi lm peut être proposé en ciné-concert 1931. Le Lieutenant souriant. www.adrc-asso.org (Helene) Kraus. Lubitsch se rend à Hollywood vingt-cinq ans de contribution à l’art ciné- par l’ADRC. Avec Maurice Chevalier, Jeanette MacDonald, sur l’invitation de Mary Pickford : Rosita. 1932. Une heure près de toi (commencé par matographique ». Le 30 novembre, mort de adrc-asso.org Genevieve Tobin 1924. Succès critique de The Marriage Circle George Cukor). Haute Pègre. Dernier voyage Lubitsch, des suites d’une crise cardiaque. Distribution : Splendor Films et Three Women pour Warner Bros. Forbid- en Allemagne. den Paradise, tourné pour Paramount. 1933. Sérénade à trois. BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 1925. L’Éventail de lady Windermere. 1934. La Veuve joyeuse, tourné pour MGM N. T. BINH ■ Amitié : la dernière retouche d’Ernst Lubitsch 1926. So This Is Paris. sous l’égide de Thalberg. Échec commercial. Critique à Positif, maître de conférences Samson Raphaelson • Paris • Allia, 2006. Textes : N.T. Binh d’après Lubitsch / N.T. Binh, Christian 1927. Le Prince étudiant (MGM). 1935. Perte de la nationalité allemande. à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ■ Lubitsch, les voix du désir : les comédies Viviani. Paris : Rivages, 1991. Lubitsch devient américain. Mariage avec auteur de livres dont Lubitsch coécrit avec américaines, 1932-1946 Crédits photographiques : L’Eventail de Lady Windermere 1929. Parade d’amour, avec Maurice Cheva- (Les Grands Films Classiques). / Une heure près de toi, Haute l’imprésario Vivian Gaye. Nomination à la tête Christian Viviani (Paris, 1991) dont sont Natacha Thiéry • Liège • Ed. du Céfal, 2000. pègre, Sérénade à trois, La Huitième femme de Barbe Bleue, Le lier, premier parlant de Lubitsch. Triomphe Ciel peut attendre (Splendor Films). / Le Lieutenant souriant, de la production de Paramount. extraites la plupart des citations. ■ Lubitsch Ange (Swashbuckler Films). / Ninotchka © Warner Bros. All critique et public. Rights Reserved / Jeux dangereux © Studiocanal. / Portraits N. T. Binh, Christian Viviani • Paris • Rivages, 1991. d’Ernst Lubitsch. DR. Collection La Cinémathèque française.

ARDC_Lubitsch_doc.indd 1 16/12/2018 22:45 Enrst Lubitsch. DR i, comme l’écrivait François Truffaut, « Lubitsch était ERNST Sun prince », il régna pendant une vingtaine d’années L’ADRC sur un genre qu’il avait quasiment créé lui-même, et présente que l’on appelle aujourd’hui la “comédie américaine”. Il avait été, au lendemain de la première guerre mondiale, l’un des réalisateurs les plus célèbres du cinéma muet allemand. Il sut s’imposer à Hollywood dès son arrivée en 1923 et jusqu’à sa mort prématurée en 1947, élevant au rang d’un des beaux-arts ce genre considéré comme mineur. To Be or Not to Be, sorti en 1942, est son fi lm le plus apprécié aujourd’hui, mais déclencha en son temps des polémiques encore très actuelles, sur le thème : peut-on rire de tout, en l’occurrence des ravages de la guerre et de la menace nazie ? Le raffi nement et l’inven- tivité de sa mise en scène infl uencèrent durablement non seulement ses contemporains, mais des générations de cinéphiles et de cinéastes, qui ne cessèrent de reconnaître leur dette à son égard. Les fi lms de cette rétrospective sont découverts avec émerveillement par les spectateurs d’aujourd’hui et, surtout, peuvent être revus à l’infi ni, procurant à chaque vision un plaisir renouvelé conjuguant l’intelligence la plus vive à l’émotion la plus profonde. N. T. Binh RÉTROSPECTIVE HAUTE PÈGRE SÉRÉNADE À TROIS ANGE LA HUITIÈME FEMME TROUBLE IN PARADISE DESIGN FOR LIVING ANGEL DE BARBE-BLEUE Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch BLUEBEARD’S États-Unis • 1932 États-Unis • 1933 États-Unis • 1937 EIGHTH WIFE 83 min • Visa : 36251 91 min • Visa : 40001 92 min • Visa : 3355 Ernst Lubitsch Scénario : Scénario : Ben Hecht, Scénario : États-Unis • 1938 • 85 min Samson Raphaelson, d’après la pièce de Samson Raphaelson, Visa : 3396 Grover Jones d’après la Noël Coward d’après la pièce de pièce de Lazlo Aladar Avec Fredric March Melchior Lengyel Scénario : Charles Brackett, Avec Herbert Marshall Gary Cooper Avec Marlene Dietrich Billy Wilder d’après la Miriam Hopkins Miriam Hopkins Melvyn Douglas pièce d’Alfred Savoir Kay Francis Lubitsch lui-même estimait n’avoir jamais Distribution : En 1933, Sérénade à trois adapte une Herbert Marshall Ange ou comment, par l’élégance, atteint une perfection stylistique égale à pièce à succès, encore à l’affi che à Broad- contourner toutes les censures. Au début, Avec Claudette Colbert Distribution : Splendor Films Distribution : Haute Pègre. Le moteur de cette œuvre way et déjà légendaire. Paramount ne sans l’ombre d’une image « leste », Gary Cooper La Huitième Femme de Barbe-Bleue sera Splendor Films Swashbuckler Films maîtresse est la pulsion. Celle qui lie souhaitait rien d’autre qu’un emballage ca- Lubitsch nous montre comment on peut Edward Everett Horton le fi lm de la rupture avec Paramount. Or la Monescu (Herbert Marshall), tour à tour, Deux américains parta- deau pour succès prêt-à-porter. Lubitsch, fi lmer sans ambiguïté un bordel. David Niven rupture est le thème du fi lm, à commencer geant un appartement à À Paris, la femme d’un par l’inadmissible division entre les deux Gaston et Lilly, deux es- aux sublimes héroïnes campées par peu soucieux de livrer le produit comman- Belle et secrète, faussement impassible, Distribution : Paris tombent tous les diplomate britannique se pièces d’un pyjama. L’atmosphère de folie crocs tombés amoureux, Miriam Hopkins et Kay Francis. Celle qui dé, fait totalement réécrire le sacro-saint la voix dans un souffl e, glissant telle une Splendor Films deux amoureux de la belle fait passer pour une aven- générale privilégie presque le patholo- décident de s’associer. pousse des héros kleptomanes à voler les dialogue de la pièce par un autre drama- sirène, Marlene Dietrich est étrangement et spirituelle Gilda Farrell turière et séduit un ami de gique sur l’excentrique, ce qui peut expli- Alors que l’Europe entière objets et à dérober les cœurs. La symétrie turge, Ben Hecht, au point de n’en garder émouvante, déchirée entre le self-control qui ne peut se décider son mari. Michael Brandon, mil- quer l’échec inattendu du fi lm à sa sortie, parle de leurs méfaits, ils lubitschienne devient un motif omnipré- qu’une seule réplique ! Si Sérénade à trois et la rupture passionnelle qu’on sent à entre les deux préten- liardaire américain en à une époque où la comédie loufoque jettent leur dévolu sur une sent : narrative (au trio Lily-Gaston-Ma- trahit la brillance des dialogues d’origine, chaque instant possible. Le bouquet de dants. Ils décident alors vacances à Nice, tombe battait son plein. Le plus déroutant, ici, est nouvelle victime, la riche riette répond celui de Filiba-Mariette-le c’est pour donner la vedette au langage violettes qu’elle abandonne au pied d’un d’emménager tous les sous le charme de Nicole, l’absence de toute motivation explicite des et belle Mariette Collet. major) aussi bien qu’architecturale (les cinématographique. Un nuage de pous- banc public ou la tranche de rôti de veau trois. qu’il décide de séduire. personnages, mise à part, peut-être, une Mais Gaston va vite tomber chambres de Gaston et Mariette séparées sière qui s’échappe d’un lit, une clochette qui revient intacte à l’offi ce deviennent les intense frustration sexuelle. Règne une sous son charme… par une horloge, les deux étages de la de machine à écrire qui tinte, deux tulipes seules fi ssures par lesquelles cet ange, schizophrénie latente qui donne toute sa résidence), cette symétrie peut s’amplifi er perchées dans un pot offert par les deux mystérieux jusqu’au bout, laisse échap- force à ce motif de la rupture : ils ont tous jusqu’à la multiplication, mais jamais la soupirants de l’héroïne, et que le mari per un peu de lui-même. Ange est un fi lm l’air dérangés, et ni Lubitsch, ni ses inter- redondance… Avec son élégance minima- envoie valser d’un coup de pied rageur d’une extrême mélancolie : aventure en prètes, pourtant parfaits, ne parviennent liste, son pouvoir allusif et son absence de en pleine nuit de noces : visuellement, vase clos, murmurée du bout des lèvres, à éclaircir la bizarrerie de leur comporte- second degré (Lubitsch ne cache pas sa Lubitsch ironise ou s’attendrit, démolit ou esquissée du bout des doigts, épiée ment. Désorientés, les protagonistes ont gravité derrière sa légèreté ; il est léger et transcende, et la subversion sexuelle du du bout de l’oreille par la domesticité. Haute Pègre beau chercher dans les livres ou la psy- grave), peut passer pour le propos se métamorphose en subversion Lubitsch met à nu cette cruelle manie de chanalyse une solution à leurs problèmes, mètre-étalon du chic cinématographique, du verbe par l’image. Sérénade à trois, la race humaine à s’imposer des choix, et rien n’y fait ! ou du grand art, ce qui pour une fois c’est un Lubitsch de charme. la souffrance un peu masochiste qu’elle se revient au même. procure à les trancher. NINOTCHKA LUBITSCH ÉTAIT UN PRINCE TO BE OR NOT TO BE LE CIEL PEUT ATTENDRE Ernst Lubitsch par François Truffaut JEUX DANGEREUX HEAVEN CAN WAIT États-Unis • 1939 l y a deux sortes de cinéastes, Employée à tort ou à travers, l’ex- Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch 110 min • Visa : 6432 Ic’est pareil pour les peintres et pression “mise en scène” signifi e États-Unis • 1942 États-Unis • 1943 Scénario : les écrivains, il y a ceux qui tra- enfi n quelque chose, ici elle est 99 min • Visa : 5269 112 min • Visa : 4396 Charles Brackett, vaillent même sur une île déserte, un jeu qui ne peut se pratiquer sans public, et ceux qui renon- qu’à trois et seulement pendant Scénario : Scénario : Billy Wilder, Edwin Justus Mayer, Samson Raphaelson, Walter Reisch, d’après ceraient, au la durée de la nom du à projection. Qui d’après une histoire origi- d’après une pièce de une histoire originale de nale de Melchior Lengyel László Bus-Feketé Melchior Lengyel quoi bon ? sont les trois ? Donc pas Lubitsch, et (non crédité) Avec Don Ameche Avec Greta Garbo de Lubitsch le fi lm et le Ernst Lubitsch Gene Tierney Melvyn Douglas Pour la première fois, c’est un contexte sans public, public. […] Avec Carole Lombard, Le fi lm le plus connu de Lubitsch Laird Cregar Le Ciel peut attendre fut le fi lm qui récon- Ina Claire politique méticuleusement recréé qui sert Jack Benny aujourd’hui fut, en son temps, le plus Eugene Pallette cilia Lubitsch avec la critique et le public : mais, atten- J’ai parlé Distribution : de cadre au dosage habituel de cham- tion, le public Robert Stack controversé, et perdit beaucoup d’argent. Marjorie Main ce fut son plus gros succès commercial. pagne, de palaces et de frivolités syno- de ce qui Même ceux qui l’adoraient, dans l’entou- Malgré ses sources slaves, l’œuvre fut Warner Bros. n’est pas en Distribution : Distribution : nyme de Lubitsch. Ce chapeau ridicule s’apprend, rage du réalisateur, voulaient en faire conçue pour plaire à un public américain plus de la j’ai parlé du Les Acacias Splendor Films mais si convoité que Ninotchka cache création, il couper certains dialogues trop « osés ». friand d’évasion en plein confl it mondial : Une austère commis- dans un tiroir, ces bijoux protégés dans talent, j’ai Mais Lubitsch s’avéra intraitable : il était une chronique familiale en Technicolor, saire politique soviétique est avec, il parlé de ce un coffre-fort mural sont des signes de fait partie du Alors que l’armée persuadé d’avoir produit un chef-d’œuvre. À 70 ans, Henry Van Cleve avec juste ce qu’il fallait d’esprit pétillant est envoyée à Paris pour désir réprimé, puis libéré. Greta Garbo se qui au fond, allemande a envahi la Ce fi lm pose la question du devoir : celui, est accueilli aux portes de et d’ingéniosité narrative pour plaire aux négocier l’acquisition de fi lm. Dans et éventuel- révèle ici une actrice comique hors pair, la bande Pologne, une troupe pour un comédien de bien jouer son rôle, l’Enfer par « Son Excel- intellectuels de la côte Est. Parce qu’il bijoux et ramener dans le car on n’oublie pas un seul instant qu’il lement, peut d’acteurs polonais se pour un soldat de bien faire la guerre, pour lence » et lui confesse raconte l’histoire d’un homme qui fait le droit chemin des collè- sonore s’acheter en s’agit une tragédienne qui joue la comédie. d’un fi lm de trouve engagée dans de une femme d’être fi dèle à son mari, pour toute une vie de mauvaise bilan de sa vie, les historiens en ont fait un gues qui ont succombé aux Rire, quand l’heure n’est plus à rire, c’est y mettant le périlleuses actions de un Polonais de se battre contre l’envahis- conduite. « fi lm testament ». Mais c’est pour lui un charmes du capitalisme Lubitsch, prix, mais ce comme se raccrocher aux objets les plus il y a les résistance, où leur savoir- seur nazi, mais aussi, à l’inverse, pour un fi lm presque modeste, une histoire banale décadent. futiles : faire montre d’un dernier sursaut qui ne s’ap- faire de comédiens est comédien de savoir où commence la vie observée des coulisses : comme on ne dialogues, prend et ne de dignité. Jamais Ninotchka n’est ridicu- les bruits, leur meilleure arme. et où s’arrête le spectacle, pour un soldat voit strictement rien des méfaits de Henry Enrst Lubitsch. DR s’achète c’est lisée. Comme l’a bien noté William Paul, la musique de choisir son camp, pour une femme Van Cleve, on ne peut qu’acquiescer au elle ne perd pas ses convictions politiques le charme et la d’assumer sa féminité, pour un nazi d’obéir verdict qui le renvoie de l’enfer. Evidem- et il y a nos rires, c’est essentiel, malice, ah, le charme malicieux dans la métamorphose : sa reddition à la sinon il n’y aurait pas de fi lm. Les aveuglément à sa doctrine. Dans un uni- ment, cette modestie est feinte, puisqu’elle coquetterie d’un chapeau « n’est pas tant de Lubitsch, voilà qui faisait de lui vers de tragi-comédie, les fi gurants sont repose elle-même sur une gageure de prodigieuses ellipses de scénario vraiment un Prince. une acceptation de l’idéologie capitaliste ne fonctionnent que parce que des premiers rôles en puissance, à l’image mise en scène : faire un fi lm où l’essentiel que l’acceptation de sa propre frivolité ». nos rires établissent le pont d’une François Truffaut, du porteur de hallebarde citant à trois de l’action se déroule hors champ (spécia- scène à l’autre. Dans le gruyère Les fi lms de ma vie (Flammarion, reprises un éloquent extrait du Marchand lité lubitschienne), et même hors temps, Lubitsch, chaque trou est génial. 1975). de Venise de Shakespeare : «Quand vous c’est-à-dire non pas pendant, mais entre nous piquez, ne saignons-nous pas ?...». les scènes !

CINÉ CONCERT COMÉDIES MUSICALES Ce document est édité par l’Agence pour le Développement Régional REPÈRES BIO-FILMOGRAPHIQUES L’Éventail de lady Windermere constitue l’apogée Lubitsch fait ses débuts avec le cinéma sonore à du Cinéma (ADRC) avec le soutien de l’art muet de Lubitsch. Quel chemin parcouru, la Paramount et y réalise certaines des meilleures du Centre National du Cinéma et de 1892. Le 29 janvier, à Berlin, naissance 1936. Produit Désir de Frank Borzage. l’image animée (CNC). d’Ernst, fi ls de Simon Lubitsch, tailleur de depuis ses débuts, dans l’aisance du récit et la comédies musicales avec Maurice Chevalier. Hostile 1937. Naissance de sa fi lle Nicola. Voyage à pureté de la mise en scène ! Le petit jeu des équiva- au « bavardage » des fi lms parlants, Lubitsch prône L’ADRC, présidée par le cinéaste confection, et de sa femme Anna, installés Moscou. Ange, échec commercial. Christophe Ruggia, est forte de dans le quartier juif. lences visuelles avec la prose révérée d’Oscar Wilde le « spectacle total ». Le Lieutenant souriant (1931), plus de 1 300 adhérents représentant 1938. La Huitième Femme de Barbe Bleue. amusa en son temps les commentateurs. Il paraît Une heure près de toi (1932) fi rent sensation pour l’ensemble des secteurs impliqués 1911. Engagé comme assistant et acteur au Fin du contrat Paramount. vain aujourd’hui : ce fi lm n’est pas un chef-d’œuvre leur utilisation inventive et leur mélange novateur de dans la diffusion du fi lm : réalisateurs, Deutsches Theater de Max Reinhardt. d’adaptation, mais un chef-d’œuvre tout court. calembours visuels de musique et de chants. producteurs, exploitants, distributeurs, 1939. Ninotchka, tourné pour MGM. Slogan mais aussi les collectivités territoriales. 1915. Fraülein Première réalisation offi cielle : « Garbo rit ». Gros succès. N. T. Binh N.T. Binh Créée par le Ministère de la Culture et Seifenschaum, court-métrage perdu. de la Communication, l’ADRC remplit 1940. The Shop around the Corner (MGM). 1916. Schuhpalast Pinkus. L’ÉVENTAIL DE LE LIEUTENANT SOURIANT deux missions complémentaires en faveur du pluralisme et de la diversité 1941. Illusions perdues (That Uncertain Fee- THE SMILING LIEUTENANT 1918. Les Yeux de la momie, avec Pola Negri, LADY WINDERMERE cinématographique, en lien étroit avec ling), tourné pour les Artistes associés. Ernst Lubitsch • États-Unis • 1931 • 93 min • Visa premier long métrage : un succès. Carmen. LADY WINDERMERE’S FAN le CNC : le conseil et l’assistance pour 1942. To Be or Not to Be (production indépen- Avec Maurice Chevalier, Miriam Hopkins, la création et la modernisation des 1919. La Princesse aux huîtres Madame Ernst Lubitsch • États-Unis • 1925 • 80 min • 35 mm cinémas ; le fi nancement et la mise en , dante). Échec commercial. Claudette Colbert Dubarry, énorme succès international, y com- D’après la pièce d’Oscar Wilde place de circulations d’une pluralité pris aux États-Unis. La Poupée. 1943. Le Ciel peut attendre, premier fi lm du Avec Ronald Colman, Irene Rich, May McAvoy Distribution : Swashbuckler Films de fi lms pour les cinémas de tous les contrat Fox. Énorme succès critique et public. territoires. Depuis 1999, l’ADRC œuvre 1920. Anne Boleyn. Distribution : Théâtre du Temple également pour une meilleure diffusion Divorce d’Ernst Lubitsch et Vivian Gaye. Pre- UNE HEURE PRÈS DE TOI du patrimoine cinématographique. 1921. La Chatte des montagnes. La Femme du mière attaque cardiaque. La jeune lady Windermere croit infi dèle son mari Chaplin, Lubitsch, Fairbanks, Pickford. DR qu’elle a surpris avec une femme mystérieuse. ONE HOUR WITH YOU pharaon. 1946. Cluny Brown (La Folle Ingénue). Ernst Lubitsch, George Cukor • États-Unis • 1932 • ADRC | 16, rue d’Ouessant 1930. Divorce d’Ernst et Helene Lubitsch. 77 min • Visa : 37715 75015 Paris | Tél.: 01 56 89 20 30 1922. Die Flamme. Épouse l’actrice Irni 1947. Oscar spécial décerné à Lubitsch pour « Ce fi lm peut être proposé en ciné-concert 1931. Le Lieutenant souriant. www.adrc-asso.org (Helene) Kraus. Lubitsch se rend à Hollywood vingt-cinq ans de contribution à l’art ciné- par l’ADRC. Avec Maurice Chevalier, Jeanette MacDonald, sur l’invitation de Mary Pickford : Rosita. 1932. Une heure près de toi (commencé par matographique ». Le 30 novembre, mort de adrc-asso.org Genevieve Tobin 1924. Succès critique de The Marriage Circle George Cukor). Haute Pègre. Dernier voyage Lubitsch, des suites d’une crise cardiaque. Distribution : Splendor Films et Three Women pour Warner Bros. Forbid- en Allemagne. den Paradise, tourné pour Paramount. 1933. Sérénade à trois. BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 1925. L’Éventail de lady Windermere. 1934. La Veuve joyeuse, tourné pour MGM N. T. BINH ■ Amitié : la dernière retouche d’Ernst Lubitsch 1926. So This Is Paris. sous l’égide de Thalberg. Échec commercial. Critique à Positif, maître de conférences Samson Raphaelson • Paris • Allia, 2006. Textes : N.T. Binh d’après Lubitsch / N.T. Binh, Christian 1927. Le Prince étudiant (MGM). 1935. Perte de la nationalité allemande. à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ■ Lubitsch, les voix du désir : les comédies Viviani. Paris : Rivages, 1991. Lubitsch devient américain. Mariage avec auteur de livres dont Lubitsch coécrit avec américaines, 1932-1946 Crédits photographiques : L’Eventail de Lady Windermere 1929. Parade d’amour, avec Maurice Cheva- (Les Grands Films Classiques). / Une heure près de toi, Haute l’imprésario Vivian Gaye. Nomination à la tête Christian Viviani (Paris, 1991) dont sont Natacha Thiéry • Liège • Ed. du Céfal, 2000. pègre, Sérénade à trois, La Huitième femme de Barbe Bleue, Le lier, premier parlant de Lubitsch. Triomphe Ciel peut attendre (Splendor Films). / Le Lieutenant souriant, de la production de Paramount. extraites la plupart des citations. ■ Lubitsch Ange (Swashbuckler Films). / Ninotchka © Warner Bros. All critique et public. Rights Reserved / Jeux dangereux © Studiocanal. / Portraits N. T. Binh, Christian Viviani • Paris • Rivages, 1991. d’Ernst Lubitsch. DR. Collection La Cinémathèque française.

ARDC_Lubitsch_doc.indd 1 16/12/2018 22:45 Enrst Lubitsch. DR i, comme l’écrivait François Truffaut, « Lubitsch était ERNST Sun prince », il régna pendant une vingtaine d’années L’ADRC sur un genre qu’il avait quasiment créé lui-même, et présente que l’on appelle aujourd’hui la “comédie américaine”. Il avait été, au lendemain de la première guerre mondiale, l’un des réalisateurs les plus célèbres du cinéma muet allemand. Il sut s’imposer à Hollywood dès son arrivée en 1923 et jusqu’à sa mort prématurée en 1947, élevant au rang d’un des beaux-arts ce genre considéré comme mineur. To Be or Not to Be, sorti en 1942, est son fi lm le plus apprécié aujourd’hui, mais déclencha en son temps des polémiques encore très actuelles, sur le thème : peut-on rire de tout, en l’occurrence des ravages de la guerre et de la menace nazie ? Le raffi nement et l’inven- tivité de sa mise en scène infl uencèrent durablement non seulement ses contemporains, mais des générations de cinéphiles et de cinéastes, qui ne cessèrent de reconnaître leur dette à son égard. Les fi lms de cette rétrospective sont découverts avec émerveillement par les spectateurs d’aujourd’hui et, surtout, peuvent être revus à l’infi ni, procurant à chaque vision un plaisir renouvelé conjuguant l’intelligence la plus vive à l’émotion la plus profonde. N. T. Binh RÉTROSPECTIVE HAUTE PÈGRE SÉRÉNADE À TROIS ANGE LA HUITIÈME FEMME TROUBLE IN PARADISE DESIGN FOR LIVING ANGEL DE BARBE-BLEUE Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch BLUEBEARD’S États-Unis • 1932 États-Unis • 1933 États-Unis • 1937 EIGHTH WIFE 83 min • Visa : 36251 91 min • Visa : 40001 92 min • Visa : 3355 Ernst Lubitsch Scénario : Scénario : Ben Hecht, Scénario : États-Unis • 1938 • 85 min Samson Raphaelson, d’après la pièce de Samson Raphaelson, Visa : 3396 Grover Jones d’après la Noël Coward d’après la pièce de pièce de Lazlo Aladar Avec Fredric March Melchior Lengyel Scénario : Charles Brackett, Avec Herbert Marshall Gary Cooper Avec Marlene Dietrich Billy Wilder d’après la Miriam Hopkins Miriam Hopkins Melvyn Douglas pièce d’Alfred Savoir Kay Francis Lubitsch lui-même estimait n’avoir jamais Distribution : En 1933, Sérénade à trois adapte une Herbert Marshall Ange ou comment, par l’élégance, atteint une perfection stylistique égale à pièce à succès, encore à l’affi che à Broad- contourner toutes les censures. Au début, Avec Claudette Colbert Distribution : Splendor Films Distribution : Haute Pègre. Le moteur de cette œuvre way et déjà légendaire. Paramount ne sans l’ombre d’une image « leste », Gary Cooper La Huitième Femme de Barbe-Bleue sera Splendor Films Swashbuckler Films maîtresse est la pulsion. Celle qui lie souhaitait rien d’autre qu’un emballage ca- Lubitsch nous montre comment on peut Edward Everett Horton le fi lm de la rupture avec Paramount. Or la Monescu (Herbert Marshall), tour à tour, Deux américains parta- deau pour succès prêt-à-porter. Lubitsch, fi lmer sans ambiguïté un bordel. David Niven rupture est le thème du fi lm, à commencer geant un appartement à À Paris, la femme d’un par l’inadmissible division entre les deux Gaston et Lilly, deux es- aux sublimes héroïnes campées par peu soucieux de livrer le produit comman- Belle et secrète, faussement impassible, Distribution : Paris tombent tous les diplomate britannique se pièces d’un pyjama. L’atmosphère de folie crocs tombés amoureux, Miriam Hopkins et Kay Francis. Celle qui dé, fait totalement réécrire le sacro-saint la voix dans un souffl e, glissant telle une Splendor Films deux amoureux de la belle fait passer pour une aven- générale privilégie presque le patholo- décident de s’associer. pousse des héros kleptomanes à voler les dialogue de la pièce par un autre drama- sirène, Marlene Dietrich est étrangement et spirituelle Gilda Farrell turière et séduit un ami de gique sur l’excentrique, ce qui peut expli- Alors que l’Europe entière objets et à dérober les cœurs. La symétrie turge, Ben Hecht, au point de n’en garder émouvante, déchirée entre le self-control qui ne peut se décider son mari. Michael Brandon, mil- quer l’échec inattendu du fi lm à sa sortie, parle de leurs méfaits, ils lubitschienne devient un motif omnipré- qu’une seule réplique ! Si Sérénade à trois et la rupture passionnelle qu’on sent à entre les deux préten- liardaire américain en à une époque où la comédie loufoque jettent leur dévolu sur une sent : narrative (au trio Lily-Gaston-Ma- trahit la brillance des dialogues d’origine, chaque instant possible. Le bouquet de dants. Ils décident alors vacances à Nice, tombe battait son plein. Le plus déroutant, ici, est nouvelle victime, la riche riette répond celui de Filiba-Mariette-le c’est pour donner la vedette au langage violettes qu’elle abandonne au pied d’un d’emménager tous les sous le charme de Nicole, l’absence de toute motivation explicite des et belle Mariette Collet. major) aussi bien qu’architecturale (les cinématographique. Un nuage de pous- banc public ou la tranche de rôti de veau trois. qu’il décide de séduire. personnages, mise à part, peut-être, une Mais Gaston va vite tomber chambres de Gaston et Mariette séparées sière qui s’échappe d’un lit, une clochette qui revient intacte à l’offi ce deviennent les intense frustration sexuelle. Règne une sous son charme… par une horloge, les deux étages de la de machine à écrire qui tinte, deux tulipes seules fi ssures par lesquelles cet ange, schizophrénie latente qui donne toute sa résidence), cette symétrie peut s’amplifi er perchées dans un pot offert par les deux mystérieux jusqu’au bout, laisse échap- force à ce motif de la rupture : ils ont tous jusqu’à la multiplication, mais jamais la soupirants de l’héroïne, et que le mari per un peu de lui-même. Ange est un fi lm l’air dérangés, et ni Lubitsch, ni ses inter- redondance… Avec son élégance minima- envoie valser d’un coup de pied rageur d’une extrême mélancolie : aventure en prètes, pourtant parfaits, ne parviennent liste, son pouvoir allusif et son absence de en pleine nuit de noces : visuellement, vase clos, murmurée du bout des lèvres, à éclaircir la bizarrerie de leur comporte- second degré (Lubitsch ne cache pas sa Lubitsch ironise ou s’attendrit, démolit ou esquissée du bout des doigts, épiée ment. Désorientés, les protagonistes ont gravité derrière sa légèreté ; il est léger et transcende, et la subversion sexuelle du du bout de l’oreille par la domesticité. Haute Pègre beau chercher dans les livres ou la psy- grave), peut passer pour le propos se métamorphose en subversion Lubitsch met à nu cette cruelle manie de chanalyse une solution à leurs problèmes, mètre-étalon du chic cinématographique, du verbe par l’image. Sérénade à trois, la race humaine à s’imposer des choix, et rien n’y fait ! ou du grand art, ce qui pour une fois c’est un Lubitsch de charme. la souffrance un peu masochiste qu’elle se revient au même. procure à les trancher. NINOTCHKA LUBITSCH ÉTAIT UN PRINCE TO BE OR NOT TO BE LE CIEL PEUT ATTENDRE Ernst Lubitsch par François Truffaut JEUX DANGEREUX HEAVEN CAN WAIT États-Unis • 1939 l y a deux sortes de cinéastes, Employée à tort ou à travers, l’ex- Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch 110 min • Visa : 6432 Ic’est pareil pour les peintres et pression “mise en scène” signifi e États-Unis • 1942 États-Unis • 1943 Scénario : les écrivains, il y a ceux qui tra- enfi n quelque chose, ici elle est 99 min • Visa : 5269 112 min • Visa : 4396 Charles Brackett, vaillent même sur une île déserte, un jeu qui ne peut se pratiquer sans public, et ceux qui renon- qu’à trois et seulement pendant Scénario : Scénario : Billy Wilder, Edwin Justus Mayer, Samson Raphaelson, Walter Reisch, d’après ceraient, au la durée de la nom du à projection. Qui d’après une histoire origi- d’après une pièce de une histoire originale de nale de Melchior Lengyel László Bus-Feketé Melchior Lengyel quoi bon ? sont les trois ? Donc pas Lubitsch, et (non crédité) Avec Don Ameche Avec Greta Garbo de Lubitsch le fi lm et le Ernst Lubitsch Gene Tierney Melvyn Douglas Pour la première fois, c’est un contexte sans public, public. […] Avec Carole Lombard, Le fi lm le plus connu de Lubitsch Laird Cregar Le Ciel peut attendre fut le fi lm qui récon- Ina Claire politique méticuleusement recréé qui sert Jack Benny aujourd’hui fut, en son temps, le plus Eugene Pallette cilia Lubitsch avec la critique et le public : mais, atten- J’ai parlé Distribution : de cadre au dosage habituel de cham- tion, le public Robert Stack controversé, et perdit beaucoup d’argent. Marjorie Main ce fut son plus gros succès commercial. pagne, de palaces et de frivolités syno- de ce qui Même ceux qui l’adoraient, dans l’entou- Malgré ses sources slaves, l’œuvre fut Warner Bros. n’est pas en Distribution : Distribution : nyme de Lubitsch. Ce chapeau ridicule s’apprend, rage du réalisateur, voulaient en faire conçue pour plaire à un public américain plus de la j’ai parlé du Les Acacias Splendor Films mais si convoité que Ninotchka cache création, il couper certains dialogues trop « osés ». friand d’évasion en plein confl it mondial : Une austère commis- dans un tiroir, ces bijoux protégés dans talent, j’ai Mais Lubitsch s’avéra intraitable : il était une chronique familiale en Technicolor, saire politique soviétique est avec, il parlé de ce un coffre-fort mural sont des signes de fait partie du Alors que l’armée persuadé d’avoir produit un chef-d’œuvre. À 70 ans, Henry Van Cleve avec juste ce qu’il fallait d’esprit pétillant est envoyée à Paris pour désir réprimé, puis libéré. Greta Garbo se qui au fond, allemande a envahi la Ce fi lm pose la question du devoir : celui, est accueilli aux portes de et d’ingéniosité narrative pour plaire aux négocier l’acquisition de fi lm. Dans et éventuel- révèle ici une actrice comique hors pair, la bande Pologne, une troupe pour un comédien de bien jouer son rôle, l’Enfer par « Son Excel- intellectuels de la côte Est. Parce qu’il bijoux et ramener dans le car on n’oublie pas un seul instant qu’il lement, peut d’acteurs polonais se pour un soldat de bien faire la guerre, pour lence » et lui confesse raconte l’histoire d’un homme qui fait le droit chemin des collè- sonore s’acheter en s’agit une tragédienne qui joue la comédie. d’un fi lm de trouve engagée dans de une femme d’être fi dèle à son mari, pour toute une vie de mauvaise bilan de sa vie, les historiens en ont fait un gues qui ont succombé aux Rire, quand l’heure n’est plus à rire, c’est y mettant le périlleuses actions de un Polonais de se battre contre l’envahis- conduite. « fi lm testament ». Mais c’est pour lui un charmes du capitalisme Lubitsch, prix, mais ce comme se raccrocher aux objets les plus il y a les résistance, où leur savoir- seur nazi, mais aussi, à l’inverse, pour un fi lm presque modeste, une histoire banale décadent. futiles : faire montre d’un dernier sursaut qui ne s’ap- faire de comédiens est comédien de savoir où commence la vie observée des coulisses : comme on ne dialogues, prend et ne de dignité. Jamais Ninotchka n’est ridicu- les bruits, leur meilleure arme. et où s’arrête le spectacle, pour un soldat voit strictement rien des méfaits de Henry Enrst Lubitsch. DR s’achète c’est lisée. Comme l’a bien noté William Paul, la musique de choisir son camp, pour une femme Van Cleve, on ne peut qu’acquiescer au elle ne perd pas ses convictions politiques le charme et la d’assumer sa féminité, pour un nazi d’obéir verdict qui le renvoie de l’enfer. Evidem- et il y a nos rires, c’est essentiel, malice, ah, le charme malicieux dans la métamorphose : sa reddition à la sinon il n’y aurait pas de fi lm. Les aveuglément à sa doctrine. Dans un uni- ment, cette modestie est feinte, puisqu’elle coquetterie d’un chapeau « n’est pas tant de Lubitsch, voilà qui faisait de lui vers de tragi-comédie, les fi gurants sont repose elle-même sur une gageure de prodigieuses ellipses de scénario vraiment un Prince. une acceptation de l’idéologie capitaliste ne fonctionnent que parce que des premiers rôles en puissance, à l’image mise en scène : faire un fi lm où l’essentiel que l’acceptation de sa propre frivolité ». nos rires établissent le pont d’une François Truffaut, du porteur de hallebarde citant à trois de l’action se déroule hors champ (spécia- scène à l’autre. Dans le gruyère Les fi lms de ma vie (Flammarion, reprises un éloquent extrait du Marchand lité lubitschienne), et même hors temps, Lubitsch, chaque trou est génial. 1975). de Venise de Shakespeare : «Quand vous c’est-à-dire non pas pendant, mais entre nous piquez, ne saignons-nous pas ?...». les scènes !

CINÉ CONCERT COMÉDIES MUSICALES Ce document est édité par l’Agence pour le Développement Régional REPÈRES BIO-FILMOGRAPHIQUES L’Éventail de lady Windermere constitue l’apogée Lubitsch fait ses débuts avec le cinéma sonore à du Cinéma (ADRC) avec le soutien de l’art muet de Lubitsch. Quel chemin parcouru, la Paramount et y réalise certaines des meilleures du Centre National du Cinéma et de 1892. Le 29 janvier, à Berlin, naissance 1936. Produit Désir de Frank Borzage. l’image animée (CNC). d’Ernst, fi ls de Simon Lubitsch, tailleur de depuis ses débuts, dans l’aisance du récit et la comédies musicales avec Maurice Chevalier. Hostile 1937. Naissance de sa fi lle Nicola. Voyage à pureté de la mise en scène ! Le petit jeu des équiva- au « bavardage » des fi lms parlants, Lubitsch prône L’ADRC, présidée par le cinéaste confection, et de sa femme Anna, installés Moscou. Ange, échec commercial. Christophe Ruggia, est forte de dans le quartier juif. lences visuelles avec la prose révérée d’Oscar Wilde le « spectacle total ». Le Lieutenant souriant (1931), plus de 1 300 adhérents représentant 1938. La Huitième Femme de Barbe Bleue. amusa en son temps les commentateurs. Il paraît Une heure près de toi (1932) fi rent sensation pour l’ensemble des secteurs impliqués 1911. Engagé comme assistant et acteur au Fin du contrat Paramount. vain aujourd’hui : ce fi lm n’est pas un chef-d’œuvre leur utilisation inventive et leur mélange novateur de dans la diffusion du fi lm : réalisateurs, Deutsches Theater de Max Reinhardt. d’adaptation, mais un chef-d’œuvre tout court. calembours visuels de musique et de chants. producteurs, exploitants, distributeurs, 1939. Ninotchka, tourné pour MGM. Slogan mais aussi les collectivités territoriales. 1915. Fraülein Première réalisation offi cielle : « Garbo rit ». Gros succès. N. T. Binh N.T. Binh Créée par le Ministère de la Culture et Seifenschaum, court-métrage perdu. de la Communication, l’ADRC remplit 1940. The Shop around the Corner (MGM). 1916. Schuhpalast Pinkus. L’ÉVENTAIL DE LE LIEUTENANT SOURIANT deux missions complémentaires en faveur du pluralisme et de la diversité 1941. Illusions perdues (That Uncertain Fee- THE SMILING LIEUTENANT 1918. Les Yeux de la momie, avec Pola Negri, LADY WINDERMERE cinématographique, en lien étroit avec ling), tourné pour les Artistes associés. Ernst Lubitsch • États-Unis • 1931 • 93 min • Visa premier long métrage : un succès. Carmen. LADY WINDERMERE’S FAN le CNC : le conseil et l’assistance pour 1942. To Be or Not to Be (production indépen- Avec Maurice Chevalier, Miriam Hopkins, la création et la modernisation des 1919. La Princesse aux huîtres Madame Ernst Lubitsch • États-Unis • 1925 • 80 min • 35 mm cinémas ; le fi nancement et la mise en , dante). Échec commercial. Claudette Colbert Dubarry, énorme succès international, y com- D’après la pièce d’Oscar Wilde place de circulations d’une pluralité pris aux États-Unis. La Poupée. 1943. Le Ciel peut attendre, premier fi lm du Avec Ronald Colman, Irene Rich, May McAvoy Distribution : Swashbuckler Films de fi lms pour les cinémas de tous les contrat Fox. Énorme succès critique et public. territoires. Depuis 1999, l’ADRC œuvre 1920. Anne Boleyn. Distribution : Théâtre du Temple également pour une meilleure diffusion Divorce d’Ernst Lubitsch et Vivian Gaye. Pre- UNE HEURE PRÈS DE TOI du patrimoine cinématographique. 1921. La Chatte des montagnes. La Femme du mière attaque cardiaque. La jeune lady Windermere croit infi dèle son mari Chaplin, Lubitsch, Fairbanks, Pickford. DR qu’elle a surpris avec une femme mystérieuse. ONE HOUR WITH YOU pharaon. 1946. Cluny Brown (La Folle Ingénue). Ernst Lubitsch, George Cukor • États-Unis • 1932 • ADRC | 16, rue d’Ouessant 1930. Divorce d’Ernst et Helene Lubitsch. 77 min • Visa : 37715 75015 Paris | Tél.: 01 56 89 20 30 1922. Die Flamme. Épouse l’actrice Irni 1947. Oscar spécial décerné à Lubitsch pour « Ce fi lm peut être proposé en ciné-concert 1931. Le Lieutenant souriant. www.adrc-asso.org (Helene) Kraus. Lubitsch se rend à Hollywood vingt-cinq ans de contribution à l’art ciné- par l’ADRC. Avec Maurice Chevalier, Jeanette MacDonald, sur l’invitation de Mary Pickford : Rosita. 1932. Une heure près de toi (commencé par matographique ». Le 30 novembre, mort de adrc-asso.org Genevieve Tobin 1924. Succès critique de The Marriage Circle George Cukor). Haute Pègre. Dernier voyage Lubitsch, des suites d’une crise cardiaque. Distribution : Splendor Films et Three Women pour Warner Bros. Forbid- en Allemagne. den Paradise, tourné pour Paramount. 1933. Sérénade à trois. BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 1925. L’Éventail de lady Windermere. 1934. La Veuve joyeuse, tourné pour MGM N. T. BINH ■ Amitié : la dernière retouche d’Ernst Lubitsch 1926. So This Is Paris. sous l’égide de Thalberg. Échec commercial. Critique à Positif, maître de conférences Samson Raphaelson • Paris • Allia, 2006. Textes : N.T. Binh d’après Lubitsch / N.T. Binh, Christian 1927. Le Prince étudiant (MGM). 1935. Perte de la nationalité allemande. à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ■ Lubitsch, les voix du désir : les comédies Viviani. Paris : Rivages, 1991. Lubitsch devient américain. Mariage avec auteur de livres dont Lubitsch coécrit avec américaines, 1932-1946 Crédits photographiques : L’Eventail de Lady Windermere 1929. Parade d’amour, avec Maurice Cheva- (Les Grands Films Classiques). / Une heure près de toi, Haute l’imprésario Vivian Gaye. Nomination à la tête Christian Viviani (Paris, 1991) dont sont Natacha Thiéry • Liège • Ed. du Céfal, 2000. pègre, Sérénade à trois, La Huitième femme de Barbe Bleue, Le lier, premier parlant de Lubitsch. Triomphe Ciel peut attendre (Splendor Films). / Le Lieutenant souriant, de la production de Paramount. extraites la plupart des citations. ■ Lubitsch Ange (Swashbuckler Films). / Ninotchka © Warner Bros. All critique et public. Rights Reserved / Jeux dangereux © Studiocanal. / Portraits N. T. Binh, Christian Viviani • Paris • Rivages, 1991. d’Ernst Lubitsch. DR. Collection La Cinémathèque française.

ARDC_Lubitsch_doc.indd 1 16/12/2018 22:45 L’ADRC PRÉSENTE ERNST LUBITSCH

Haute Pègre Haute RÉTROSPECTIVE L’ÉVENTAIL DE LADY WINDERMERE 1925 • LE LIEUTENANT SOURIANT 1931 • UNEUNE HEURE PRÈS DE TOI 1932 HAUTE PÈGRE 1932 • SÉRÉNADE À TROIS 1933 • ANGE 1937 • LA HUITIÈME FEMME DE BARBE BLEUE 1938 NINOTCHKA 1939 • TO BE OR NOT TO BE 1942 • LE CIEL PEUT ATTENDRE 1943