Rétrospective Ernst Lubitsch 1.4 Mo
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Enrst Lubitsch. DR i, comme l’écrivait François Truffaut, « Lubitsch était ERNST Sun prince », il régna pendant une vingtaine d’années L’ADRC sur un genre qu’il avait quasiment créé lui-même, et présente que l’on appelle aujourd’hui la “comédie américaine”. Il avait été, au lendemain de la première guerre mondiale, l’un des réalisateurs les plus célèbres du cinéma muet allemand. Il sut s’imposer à Hollywood dès son arrivée en 1923 et jusqu’à sa mort prématurée en 1947, élevant au rang d’un des beaux-arts ce genre considéré comme mineur. To Be or Not to Be, sorti en 1942, est son fi lm le plus apprécié aujourd’hui, mais déclencha en son temps des polémiques encore très actuelles, sur le thème : peut-on rire de tout, en l’occurrence des ravages de la guerre et de la menace nazie ? Le raffi nement et l’inven- tivité de sa mise en scène infl uencèrent durablement non seulement ses contemporains, mais des générations de cinéphiles et de cinéastes, qui ne cessèrent de reconnaître leur dette à son égard. Les fi lms de cette rétrospective sont découverts avec émerveillement par les spectateurs d’aujourd’hui et, surtout, peuvent être revus à l’infi ni, procurant à chaque vision un plaisir renouvelé conjuguant l’intelligence la plus vive à l’émotion la plus profonde. N. T. Binh RÉTROSPECTIVE HAUTE PÈGRE SÉRÉNADE À TROIS ANGE LA HUITIÈME FEMME TROUBLE IN PARADISE DESIGN FOR LIVING ANGEL DE BARBE-BLEUE Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch BLUEBEARD’S États-Unis • 1932 États-Unis • 1933 États-Unis • 1937 EIGHTH WIFE 83 min • Visa : 36251 91 min • Visa : 40001 92 min • Visa : 3355 Ernst Lubitsch Scénario : Scénario : Ben Hecht, Scénario : États-Unis • 1938 • 85 min Samson Raphaelson, d’après la pièce de Samson Raphaelson, Visa : 3396 Grover Jones d’après la Noël Coward d’après la pièce de pièce de Lazlo Aladar Avec Fredric March Melchior Lengyel Scénario : Charles Brackett, Avec Herbert Marshall Gary Cooper Avec Marlene Dietrich Billy Wilder d’après la Miriam Hopkins Miriam Hopkins Melvyn Douglas pièce d’Alfred Savoir Kay Francis Lubitsch lui-même estimait n’avoir jamais Distribution : En 1933, Sérénade à trois adapte une Herbert Marshall Ange ou comment, par l’élégance, atteint une perfection stylistique égale à pièce à succès, encore à l’affi che à Broad- contourner toutes les censures. Au début, Avec Claudette Colbert Distribution : Splendor Films Distribution : Haute Pègre. Le moteur de cette œuvre way et déjà légendaire. Paramount ne sans l’ombre d’une image « leste », Gary Cooper La Huitième Femme de Barbe-Bleue sera Splendor Films Swashbuckler Films maîtresse est la pulsion. Celle qui lie souhaitait rien d’autre qu’un emballage ca- Lubitsch nous montre comment on peut Edward Everett Horton le fi lm de la rupture avec Paramount. Or la Monescu (Herbert Marshall), tour à tour, Deux américains parta- deau pour succès prêt-à-porter. Lubitsch, fi lmer sans ambiguïté un bordel. David Niven rupture est le thème du fi lm, à commencer geant un appartement à À Paris, la femme d’un par l’inadmissible division entre les deux Gaston et Lilly, deux es- aux sublimes héroïnes campées par peu soucieux de livrer le produit comman- Belle et secrète, faussement impassible, Distribution : Paris tombent tous les diplomate britannique se pièces d’un pyjama. L’atmosphère de folie crocs tombés amoureux, Miriam Hopkins et Kay Francis. Celle qui dé, fait totalement réécrire le sacro-saint la voix dans un souffl e, glissant telle une Splendor Films deux amoureux de la belle fait passer pour une aven- générale privilégie presque le patholo- décident de s’associer. pousse des héros kleptomanes à voler les dialogue de la pièce par un autre drama- sirène, Marlene Dietrich est étrangement et spirituelle Gilda Farrell turière et séduit un ami de gique sur l’excentrique, ce qui peut expli- Alors que l’Europe entière objets et à dérober les cœurs. La symétrie turge, Ben Hecht, au point de n’en garder émouvante, déchirée entre le self-control qui ne peut se décider son mari. Michael Brandon, mil- quer l’échec inattendu du fi lm à sa sortie, parle de leurs méfaits, ils lubitschienne devient un motif omnipré- qu’une seule réplique ! Si Sérénade à trois et la rupture passionnelle qu’on sent à entre les deux préten- liardaire américain en à une époque où la comédie loufoque jettent leur dévolu sur une sent : narrative (au trio Lily-Gaston-Ma- trahit la brillance des dialogues d’origine, chaque instant possible. Le bouquet de dants. Ils décident alors vacances à Nice, tombe battait son plein. Le plus déroutant, ici, est nouvelle victime, la riche riette répond celui de Filiba-Mariette-le c’est pour donner la vedette au langage violettes qu’elle abandonne au pied d’un d’emménager tous les sous le charme de Nicole, l’absence de toute motivation explicite des et belle Mariette Collet. major) aussi bien qu’architecturale (les cinématographique. Un nuage de pous- banc public ou la tranche de rôti de veau trois. qu’il décide de séduire. personnages, mise à part, peut-être, une Mais Gaston va vite tomber chambres de Gaston et Mariette séparées sière qui s’échappe d’un lit, une clochette qui revient intacte à l’offi ce deviennent les intense frustration sexuelle. Règne une sous son charme… par une horloge, les deux étages de la de machine à écrire qui tinte, deux tulipes seules fi ssures par lesquelles cet ange, schizophrénie latente qui donne toute sa résidence), cette symétrie peut s’amplifi er perchées dans un pot offert par les deux mystérieux jusqu’au bout, laisse échap- force à ce motif de la rupture : ils ont tous jusqu’à la multiplication, mais jamais la soupirants de l’héroïne, et que le mari per un peu de lui-même. Ange est un fi lm l’air dérangés, et ni Lubitsch, ni ses inter- redondance… Avec son élégance minima- envoie valser d’un coup de pied rageur d’une extrême mélancolie : aventure en prètes, pourtant parfaits, ne parviennent liste, son pouvoir allusif et son absence de en pleine nuit de noces : visuellement, vase clos, murmurée du bout des lèvres, à éclaircir la bizarrerie de leur comporte- second degré (Lubitsch ne cache pas sa Lubitsch ironise ou s’attendrit, démolit ou esquissée du bout des doigts, épiée ment. Désorientés, les protagonistes ont gravité derrière sa légèreté ; il est léger et transcende, et la subversion sexuelle du du bout de l’oreille par la domesticité. Haute Pègre beau chercher dans les livres ou la psy- grave), peut passer pour le propos se métamorphose en subversion Lubitsch met à nu cette cruelle manie de chanalyse une solution à leurs problèmes, mètre-étalon du chic cinématographique, du verbe par l’image. Sérénade à trois, la race humaine à s’imposer des choix, et rien n’y fait ! ou du grand art, ce qui pour une fois c’est un Lubitsch de charme. la souffrance un peu masochiste qu’elle se revient au même. procure à les trancher. NINOTCHKA LUBITSCH ÉTAIT UN PRINCE TO BE OR NOT TO BE LE CIEL PEUT ATTENDRE Ernst Lubitsch par François Truffaut JEUX DANGEREUX HEAVEN CAN WAIT États-Unis • 1939 l y a deux sortes de cinéastes, Employée à tort ou à travers, l’ex- Ernst Lubitsch Ernst Lubitsch 110 min • Visa : 6432 Ic’est pareil pour les peintres et pression “mise en scène” signifi e États-Unis • 1942 États-Unis • 1943 Scénario : les écrivains, il y a ceux qui tra- enfi n quelque chose, ici elle est 99 min • Visa : 5269 112 min • Visa : 4396 Charles Brackett, vaillent même sur une île déserte, un jeu qui ne peut se pratiquer sans public, et ceux qui renon- qu’à trois et seulement pendant Scénario : Scénario : Billy Wilder, Edwin Justus Mayer, Samson Raphaelson, Walter Reisch, d’après ceraient, au la durée de la nom du à projection. Qui d’après une histoire origi- d’après une pièce de une histoire originale de nale de Melchior Lengyel László Bus-Feketé Melchior Lengyel quoi bon ? sont les trois ? Donc pas Lubitsch, et (non crédité) Avec Don Ameche Avec Greta Garbo de Lubitsch le fi lm et le Ernst Lubitsch Gene Tierney Melvyn Douglas Pour la première fois, c’est un contexte sans public, public. […] Avec Carole Lombard, Le fi lm le plus connu de Lubitsch Laird Cregar Le Ciel peut attendre fut le fi lm qui récon- Ina Claire politique méticuleusement recréé qui sert Jack Benny aujourd’hui fut, en son temps, le plus Eugene Pallette cilia Lubitsch avec la critique et le public : mais, atten- J’ai parlé Distribution : de cadre au dosage habituel de cham- tion, le public Robert Stack controversé, et perdit beaucoup d’argent. Marjorie Main ce fut son plus gros succès commercial. pagne, de palaces et de frivolités syno- de ce qui Même ceux qui l’adoraient, dans l’entou- Malgré ses sources slaves, l’œuvre fut Warner Bros. n’est pas en Distribution : Distribution : nyme de Lubitsch. Ce chapeau ridicule s’apprend, rage du réalisateur, voulaient en faire conçue pour plaire à un public américain plus de la j’ai parlé du Les Acacias Splendor Films mais si convoité que Ninotchka cache création, il couper certains dialogues trop « osés ». friand d’évasion en plein confl it mondial : Une austère commis- dans un tiroir, ces bijoux protégés dans talent, j’ai Mais Lubitsch s’avéra intraitable : il était une chronique familiale en Technicolor, saire politique soviétique est avec, il parlé de ce un coffre-fort mural sont des signes de fait partie du Alors que l’armée persuadé d’avoir produit un chef-d’œuvre.