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Journée d'étude de l'Institut des Sciences de l'Homme et de la Société-UBO La cartographie et l'hydrographie à Brest du XVIe au XXIe siècle Conservation et transmission Sommaire 1. Fabriquer les cartes Hubert Michéa, commandant de marine marchande Les cartographes du Conquet. Contexte, productions, sources, héritage Catherine Abéguilé-Petit (IGE Patrimoine UBO, 2013-2014, Centre François Viète) Nicolas Meynen, histoire, FRAMEPA, Université de Toulouse 2 Maurice Rollet de l’Isle (1859-1943), ingénieur hydrographe et écrivain dessinateur, cartographe de fonds marins bretons 2. Faire parler les cartes Jean-Yves Besselièvre, historien e e Les cartes et les réseaux souterrains de Brest, XIX -XX siècles Jean-François Simon, professeur d'ethnologie, Centre de Recherche Bretonne et Celtique (CRBC), UBO, Brest Sur la carte de Cassini : un pont au milieu de nulle part ! L’énigmatique Pont-Blanc de Pouléder en Plouzané 3. Transmettre les cartes et conserver leur mémoire. Les fonds de cartes à Brest Catherine Abéguilé-Petit Les fonds de la bibliothèque de l’abbaye de Landévennec et du Service Historique de la Défense-Brest Les cartographes du Conquet. Contexte, productions, sources, héritage Hubert Michéa, commandant de marine marchande Au commencement de l’histoire de la navigation était la vue des côtes, surtout lorsqu’elles étaient élevées comme c’est le cas en Mer Egée, en Crète, en Calabre, Sicile, Sardaigne, Corse, d’où on voit l’île d’Elbe, en Espagne, en Afrique du Nord. Des traversées hors de vue de terre ? Aussi, mais avec précaution. Les chemins des oiseaux indiquaient la route. Revoyez le voyage de saint Paul de Césarée à Rome, dans les Actes des Apôtres. XXVII 1-44 et XXVIII 1-13. Rome recevait ses blés d’Égypte par la flotte de l’Anone. Petits bateaux tout de même. On aurait pu faire mieux. Une kyrielle de mathématiciens avaient évalué le temps, appris à mesurer l’espace, à l’orienter aussi, sondé la mécanique céleste. Il manquait des instruments d’observation utilisables sur le pont mouvant d’un bateau. Il manquait quelque chose qui permette de se repérer en mer les nuits obscures sans étoiles. Un millénaire. Et puis ce furent les Croisades. Ce n’étaient plus des processions de petites gens portant des petites échoppes ambulantes mais de nombreuses masses humaines, des chevaliers et leurs chevaux. La route de terre avait montré combien elle était longue et difficile. La fonction crée-t- elle l’organe ? Sans utilité nautique, s’il n’est amateloté à l’aiguille aimantée, le « marteloire » apparaît, tout armé, sur la carte Pisane. Le marteloire géométrique est une figure qui permet à un navire, n’ayant pas pu suivre une route directe vers sa destination, ayant suivi un autre rumb et parcouru dans cette direction une distance estimée, de trouver visuellement la nouvelle route à suivre pour atteindre sa destination. Explication du Marteloire On situe la réalisation de la carte Pisane entre 1270 et 1290. Elle est la plus ancienne carte nautique attestée. Cependant, il serait surprenant que d’autres cartes de même teneur et précision ne l’aient pas précédé. Dans la Chronique latine de Guillaume de Nangis, relatant la seconde croisade de Saint- Louis, on lit en effet ce qui suit : 2 « Ils furent moult ebahis et esmerveillez pour ce que il leur sembloit que il metoient trop longuement à arriver au port de Chastiau-Castre en Sardainne. Pour cette chose, furent les maistres des nez mandez devant le roy qui leur demanda et mist à raison combien d'espace il y avoit du lieu où il estoient jusques au port de Chastiau-Castre. Li marinier respondirent au roy sus parole doubtable et distrent que il creoient que il fussent prèz de terre et moult se merveilloient que il tardoient tant que ne la veoient. Lors firent aporter le papemonde devant le roy et li montrerent le siège de Chastiau-Castre et combien ils estoient prèz di rivage. Ne demoura guères auprèz que Phelippes li ainez fil le roy qui estoit en autel doubte, envoia a son pere I chevalier en une galée pour avertir le de ceste chose que il li estoit avis que les maistres mariniers sigloient en doubtance, pourquoi les maistres, derechief furent appelez à conseil... Et pour ce fu lors grant souspeçon contre les mariniers; mes ce fu à tort ». Si cette carte montre des relèvements réciproques des ports principaux de Méditerranée, assez conformes à la réalité du champ magnétique, la côte atlantique est alors indéfinie. Sur cette carte pisane annotée, la ligne rouge relie Gibraltar à Rhodes. Ces deux lieux sont situés sur le même parallèle géographique. Les auteurs de l’Antiquité le savaient au moins depuis Ptolémée. Cependant sur la pisane, leur ligne de relèvement est décalée de 10 degrés d’angle par rapport à l’axe Est-Ouest souligné en noir. Ceci correspond à la différence de déclinaison magnétique entre les deux lieux. C’est la preuve de l’usage de compas magnétiques ayant servi à l’élaboration de ce type de cartes. Cinquante ans plus tard, dès 1315, plusieurs cartes italiennes tracent un profil nautique des côtes atlantiques, de Gibraltar au Pas de Calais, avec une précision comparable à celle de la carte Pisane. Brouscon, deux siècles plus tard, au Conquet, ne fera pas beaucoup mieux que ces cartes italiennes. 3 L’organe crée la fonction : on constate une simultanéité avec les premiers voyages à destination de Bruges, directement de Méditerranée, par la façade atlantique. Les croisades ont familiarisé les pèlerins avec les pratiques de l’Orient et son confort. Ils allaient en user une fois de retour dans leurs pays du Nord. Cela contribua à un développement des échanges. Le monde entrait de surcroît dans un épisode climatique plus frais1, en conséquence, le commerce des laines anglaises et leur travail dans les Flandres se développa. Le transit vers et en provenance de l'Italie par la vallée du Rhône et la Bourgogne était balisé de péages qui pesaient sur les coûts des produits échangés. L’avancée technologique maritime permettait, malgré les périls de la mer, de réduire ces frais. Cela ne pouvait manquer d’affecter les conflits féodaux entre les couronnes de France, d’Espagne, d’Angleterre et de Bretagne. Dans le cadre de la lutte contre la poussée turque et en vue de la contourner en recherchant l’alliance du Preste Jehan, le prince Henri de Portugal lança l’exploration systématique de la côte d’Afrique atlantique. Pour faciliter le retour des expéditions, il recommanda l’expérimentation nautique des connaissances astronomiques de l’Antiquité ptoléméenne, alors utilisées par les rédacteurs d’horoscopes. Les astronomes de ce temps établissaient, suivant les directives de Ptolémée puis d’Alphonse Le Sage, en particulier, des tables de déclinaison du soleil. Ces tables devaient permettre une évaluation de la latitude à la mer. Un observateur, au moyen d’un bâton dit de Jacob, mesurait la hauteur du soleil au dessus de l’horizon à son passage au méridien. Il ôtait cette mesure de 90 degrés et ajoutait le résultat à la déclinaison donnée par les tables. Le résultat lui donnait sa propre latitude. Pour pouvoir faire à la mer une mesure de hauteur d’astre, les navigateurs portugais ne tardèrent pas à utiliser le bâton de Jacob. Le musée de la marine à Paris en possède un exemplaire. Cet appareil comprend trois parties : - une verge ou flèche en bois dur bien droite, de section carrée, - un ou plusieurs marteaux ou traversins, - un viseur qui se présente comme un petit traversin. Représentation de bâton de Jacob, in Illustration pratique de La verge reçoit une à quatre graduations, une par traversin. Le traversin J. Sellers, 1672 comprend un tronc de cône carré central ou talon et se termine par des arêtes fines. Le talon est percé, en son centre, d’un orifice carré, donnant passage à la flèche sur laquelle on peut le faire glisser pour l’éloigner ou le rapprocher. L’observateur place son œil au viseur, aligne l’arête inférieure du traversin sur l’horizon et le rapproche de son œil jusqu’à ce que l’arête supérieure vienne à toucher l’astre dont on mesure l’élévation sur l’horizon. Si cet astre est le soleil, l’observateur retourne l’engin et projette 1 Voir Emmanuel Le Roy-Ladurie, Histoire du climat depuis l’an mil, Paris, Flammarion, 1967. 4 l’ombre de l’arête sur le viseur. Des essais personnels m’ont permis de remarquer que l’on pouvait observer face au soleil, à condition de bien fixer l’horizon. L’instant où l’ombre de l’arête supérieure ne tombe plus sur le viseur se perçoit très bien par une sorte de brasillement qui n’éblouit pas2. Ces découvertes facilitèrent grandement le retour d’Afrique. Les navires portugais prenaient L’alizé du Nord-Est, tribord amures, pour monter droit vers le Nord, en haute mer, jusqu’à atteindre la latitude du Portugal. Là, ils faisaient route vers l’Est, au compas, pour toucher leur destination, l’estuaire du Tage. C’est ce que l’on a appelé navigation à latitude constante. Ce trajet reçut l’appellation de « Volta ». Cette nouvelle technique de navigation permit notamment aux portugais de découvrir l’archipel des Açores. L’exploration de la côte atlantique de l’Afrique donna naissance à une entreprise commerciale puis impériale. Des hommes intrépides, aventureux, convaincus de la sphéricité de l’orbe, s’attachèrent à obtenir le soutien des rois en vue de se tailler des situations meilleures que celles qu’ils connaissaient. Christophe Colomb en Espagne, Jean Cabot en Angleterre, en sont des exemples significatifs. Dès le tournant du XVIe siècle, des banques italiennes participèrent à l’aventure financière, car ces voyages d’explorations menaçaient le quasi monopole du commerce vénitien dans ses relations avec l’Orient.