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Variations bouffonnes L’été de Kikujiro, Jacques Kermabon

Quand la culture devient marchandise Number 98-99, Fall 1999

URI: https://id.erudit.org/iderudit/25028ac

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Publisher(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (print) 1923-5097 (digital)

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Cite this review Kermabon, J. (1999). Review of [Variations bouffonnes / L’été de Kikujiro, Takeshi Kitano]. 24 images, (98-99), 68–68.

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VARIATIONS BOUFFONNES

PAR JACQUES KERMABON

L'ETE DE KIKUJIRO m Takeshi Kitano

f image que nous avons de Takeshi L1 Kitano est celle d'un auteur, authenti­ que artiste telle que l'a figéel e succès inter­ national du magistral Hana-Bi. On a beau le savoir, on imagine mal qu'au Japon, il est célèbre pour ses talents de satirisre et d'ani- mateur-vederre à la rélévision. On sait moins qu'il a en plus publié une cinquantaine de livres: recueils de nouvelles, romans, poèmes, Kikujiro (Takeshi Kitano) et Masao (Yusuke Sekiguchi). critiques de cinéma. Son cinéma même, que, Un cinéma buissonnier. hormis ceux qui ont eu la chance de béné­ ficier d'une rétrospecrive, nous découvrons dans un désordre complet, est protéiforme. Kitano qui se libère assez vite de cette con­ abords d'une maison de retraite; il y aper­ Est ainsi sorri cet été à Paris le très beau trainte scénaristique. Chaque étape, pour çoit derrière une virre une vieille dame. On (le distributeur n'a pas ce randem improvisé, est une manière de comprend qu'il s'agir de sa mère qui y finit jugé bon de trouver un titre français!), dans variation plus ou moins bouffonne, plus ou ses jours et à laquelle il n'ose même pas ren­ lequel Kitano ne joue pas, et qui révèle une moins tendre de passer son temps et pour dre visite. Il pressent disrincrement combien grande sensibiliré et de la tendresse à l'égard Kitano, de lâcher peu à peu la bride à son cette agitation bouffonne, plus graruire er des oubliés de la vie (un sourd-muet se cinéma. égocenrrique dans la première partie et déli­ découvre une passion pour le surf). Kitano Le réalisateur japonais aurait déclaré bérément destinée à l'enfant ensuite, dissi­ aime surprendre. qu'un de ses films fétiches était Les clowns, mule mal le vide au-dessus duquel danse Avec L'été de Kikujiro il nous entraî­ de Fellini, maître dans l'art de relâcher la ten­ toute existence. ne dans un cinéma buissonnier, fair le pitre sion narrarive. Kikujiro est ici une sorte de En même temps, au terme du parcours, en interprétant le rôle-titre, celui d'un voyou clown, il apprend maladroitement à jon- quand le vieux voyou er le jeune enfant se certes laconique, mais jureur, bon à rien, gler, rare ce qu'il entreprend et, comme tout séparent, ce rerour à la case départ les trou­ joueur foireux, parieur incorrigible sur rout bon clown, fait tout ce qu'il peut pour dis­ ve un peu changés. Kikujiro a, pour quel­ et rien, teigneux, un brin loser et passable­ traire l'enfant, prenant comme piste les lieux ques jours, donné un sens à sa vie, l'enfant ment abruti. Un concours de circonstances où ils échouent: une station de bus, la pis­ poursuivra d'autres chimères, il a passé un l'amène à rencontrer le jeune Masao, qui vit cine d'un hôtel, un parking, un coin au bord éré aussi inattendu que distrayant. Kitano, chez sa grand-mère à Tokyo. L'enfant ne d'une étendue d'eau où — équivalent d'un lui, a prouvé une nouvelle fois sa capacité à connaît pas sa mère et se met en tête de la chapiteau — ils font du camping. Kikujiro se renouveler tout en prenant ses distances rejoindre. Il a déniché son adresse, elle vit recrute des complices que, tel un enfant d'une reconnaissance trop univoque de l'in­ au bord de la mer. Le vieux voyou et l'enfant dans une cour de récréation, il terrorise en ternationale cinéphilique. Celle-ci sera pour­ se retrouvent sur les roures. imposant sa mise en scène. Plus le film avan­ tant ravie et émue de découvrir, sourire aux Sur ce schéma ultra-classique — deux ce, plus il dérive vers la fantaisie jusqu'à lèvres, la liberté à l'œuvre dans ces variations êtres qui n'auraient pas dû se rencontrer, inclure des séquences quasi oniriques. bouffonnes. • un enfant et un adulte — cousu de filblanc , Ce divertissement ne cache pas sa di­ Kitano fait des gammes. Ils commencent par mension pascalienne. Il faut être un enfant rester à Tokyo, Kikujiro s'ingéniant à per­ pour être détourné, par une petite clochet­ dre aux courses tout l'argent qu'on lui avait te, de la mélancolie de découvrir qu'on n'a donné pour le voyage. Le «rythme» domi­ pas de place dans la nouvelle vie que sa mère L'ETE DE KIKUJIRO Japon 1999. Ré. et scé.: Takeshi Kitano. Ph.: nant du film est d'ailleurs le surplace. On s'est bâtie. Kikujiro épargne d'autant mieux Katsumi Yanagishima. Mont.: Yoshinori Ota. s'étonnerait presque qu'ils arrivent à desti­ à l'enfant le sentiment de cette solitude qu'il Int.: Takeshi Kitano, Yusuke Sekiguchi, Kayoto nation, arrivée décevante comme il se doit. en connaît toute l'amertume: un moment, Kishimofo, Kazuko Yoshiyuri, Great Gidayu, Avancer est d'ailleurs le cader des soucis de il s'éclipse sans rien dire pour se rendre aux Rakkyo Ide. 116 minutes. Couleur.

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