Claude Quénechdu

Sceau du 4 e bataillon des Volontaires des Côtes du Nord 5

Pays d’Argoat N° 19 Joseph Lohou Claude Quénechdu, un personnage hors du commun oublié de l'histoire II est d'usage de citer la société bretonne de la fin du XVIII e siècle comme «une société à acculturation faible à l'écrit où l'alphabétisation est retardataire... »1. Ce jugement doit être nuancé par quelques exceptions notoires et c'est ce qui m'a incité à publier deux lettres, écrites dans des circonstances exceptionnelles, par le citoyen Claude Quénechdu, cultivateur à en 1811. Claude Quénechdu naît à Kerdiriou en le 7 mars 1769. Ses parents, Claude Quénechdu et Jeanne Thomas, font partie des paysans aisés de la paroisse. La famille compte quelques prêtres de bonne renommée : le vieil oncle Pierre Quénechdu signe les registres paroissiaux pendant plus de soixante ans, de 1660 à 1720 - un record de longévité -, et un autre Pierre Quénechdu dit « le Jeune », desservant la paroisse, meurt à 41 ans en 1708. Du côté maternel, sa grand-mère Françoise Guézennec a, dans sa lignée, trois oncles prêtres avant 1700 : Jean, Jacques et Jérosme Guézennec. Sur les recommandations de Guillaume-Armand Floyd, recteur de Plusquellec, il rejoint vers 1781 ou 1782 le collège de Quimper 2. Celui-ci, de grande réputation, n'est plus tenu par les jésuites depuis leur interdiction d'enseigner par le Parlement en 1762. Il se trouve en classe de rhétorique dans l'année 1788, comme il le dira plus tard dans sa lettre. Cette formation n'est pas exceptionnelle à l'époque, il ne fait que suivre, à quelques années d'intervalle, son petit cousin de douze ans son aîné, François Abgrall. Celui-ci, fils de Charles Abgrall et de Jacquette Quénechdu, également né à Plusquellec, en 1757, est déjà avocat à Quimper et il sera élu député du Finistère au conseil des Cinq-Cents, le 1 er prairial de l'An VII, totalement ignoré de sa paroisse. Claude Quénechdu rentre à Plusquellec en 1789, ses études terminées. En avril 1790, nous le retrouvons greffier, il rédige la liste des citoyens actifs de la municipalité de Plusquellec pour la formation du département. Au mois de juin 1791, lorsque les rumeurs de guerre commencent à circuler après la fuite du roi Louis XVI à Varennes, la Constituante décide que des bataillons de «volontaires» seraient formés avec des hommes tirés au sort parmi les Gardes nationaux. Claude Quénechdu, accompagné de Nicolas (?) ,Yves-Marie Guyot de Callac et d'Yves Brossard de , est affecté sous le n° 128 le 18 septembre 1791 au 4 e bataillon de la Garde nationale 3. Ils rejoignent , puis le bataillon est formé à Saint-Brieuc. Claude est un jeune homme d'une belle prestance, d'une taille supérieure à la moyenne, il mesure 5 pieds, 4 pouces et 6 lignes, soit 1 mètre 76 environ4. Sur 169 bataillons, 60 seulement peuvent être organisés, ces troupes médiocres élisaient leurs cadres et étaient distinctes de l'armée de ligne et portaient un uniforme différent Claude Quénechdu se retrouve ainsi élu par ses pairs, capitaine de la 5 e compagnie du 4 e bataillon des Volontaires des Côtes-du-Nord. Notre capitaine est toujours sous les armes lorsque la Législative déclare le 11 juillet 1792 «la Patrie en danger» et ordonne la levée de 50 000 hommes nouveaux de la Garde nationale. Ces «volontaires» de l'An I ne furent pas non plus incorporés à l'armée de ligne. La loi les autorisait à quitter les armées au 1er décembre de chaque année, beaucoup rentrèrent dans leur foyer dès la fin de 1792.

______e e 1. Jean Meyer, Le notaire rural, p. 10. Les actes notariés, source de l'« Histoire sociale du XVI au XVIII siècle », actes du colloque de Strasbourg, mars 1978, librairie Istra. 2. Le collège de Quimper était dirigé à cette époque par l'abbé Claude Le Coz, qui fut élu évêque constitutionnel d'Ille-et- Vilaine le 28 février 1791 et député du même département à l'Assemblée nationale le 10 avril 1791. 3. Documents administratifs et judiciaires de la période révolutionnaire (1790-1800), archives départementales des Côtes- d'Armor, cote 1L671. 4. Mesures anciennes : 1 pied = 33 cm, 1 pouce = 27,7 mm, 1 ligne = 2,25 mm. Claude Quénechdu dut en profiter car les gendarmes de Callac durent se rendre à Plusquellec le 20 octobre 1793 afin de porter une réquisition aux citoyens Claude Quénechdu de Kerdiriou, Corentin Beaudoin de Lestrédiec et Mathieu Le Bourhis de Hellaouet avec ordre de se rendre à Callac, puis de se diriger sur et Rostrenen. Il reste au 4 e bataillon de 1792 à Thermidor de l'An IV (fin juillet 17%), date à laquelle il fut démissionné par le général Hoche, mais nous n'en connaissons pas la raison 6. Ces bataillons de volontaires ont laissé peu d'archives et il est difficile de suivre les pérégrinations de Claude pendant ces quatre années. D'après les généraux sous lesquels il sert, nous pouvons le suivre dans l'armée de l'Ouest avec laquelle il combat à Nantes, Torfou et Pontorson contre les Vendéens.

Sceau du 4 e bataillon des Volontaires des Côtes du Nord 5 Claude Quénechdu revient donc à Plusquellec vers la fin de juillet 1796 sous le Directoire et au cours de la Constitution de l'An III. Il a maintenant 27 ans révolus et convole en justes noces à Callac, le 3 Fructidor An V (21 août 1797) avec Anne-Marie-Yvonne Huitorel et vient s'établir à Restellou-Tanguy, distant d'un kilomètre et demi à vol d'oiseau de son village d'origine, Kerdiriou. Il fait profession de cultivateur et nous le retrouvons en 1803 à la municipalité de Callac. Il est électeur au collège d'arrondissement aux élections de l'An XI et est mentionné comme militaire, agent et adjoint municipal, marié avec trois enfants. Ses revenus annuels sont évalués à 30.000 francs 7. Peu après, ses états de service lui font obtenir un poste de receveur de contributions directes, poste plus qu'honorifique qui lui fait franchir une autre étape dans l'échelle sociale. Lors de la vente des biens nationaux, il représente la municipalité au cours de la vente du convenant du manoir de Kernormand à Yves-Guillaume Gouranton, tenancier du lieu. Mais Claude avait-il pris quelques mauvais penchants aux armées ou des déboires conjugaux l'avaient-il poussé à la boisson? Nul ne le sait, mais son comportement apparaît de plus en plus anormal au cours de l'année 1810. Les crises d'éthylisme alternent avec des accès de démence aigus. A Saint-Brieuc, début décembre 1810, on le retrouve parcourant les rues dans le plus simple appareil. Il est enfermé à la maison d'arrêt et libéré le 10 janvier 1811, après qu'il ait retrouvé la raison 8.

______5. Archives municipales de , VI - Dl. 6. Archives militaires, château de Vincennes, cote XW 26, 27, 28. 7. Archives nationales, Caran, Paris. Élections, cote F/lc/III/CdN. 8. Archives nationales, Caran, Paris. Justice, cote BB/18/255 (A4- 1028). Rentré à Callac, il rechute peu après ; il est accusé de menaces de mort et de tentative d'incendie envers son beau-frère Huitorel. Avec une hache, il se porte au domicile de celui-ci à Restellou, il jure de lui donner la mort et dans un de ses accès, il casse porte et fenêtres. Averti par les voisins proches, le maire de Callac, Jérosme-Alexandre Guiot 9 demande au chef de la gendarmerie de se rendre maître du forcené et de le conduire, en prime abord, à la maison d'arrêt 10 . Puis le lendemain 25 janvier 1811, Claude Quénechdu est transféré à la prison de Guingamp où il demeure jusqu'à la fin du mois d'août de la même année. Mais laissons maintenant le soin à Claude de nous faire part, dans sa première lettre, de son malheur et de tenter ainsi d'atténuer la triste impression laissée par son attitude précédente. Comme le dit si bien M. Le Gorrec, secrétaire général de la préfecture, dans une lettre adressée au ministre de la Justice le 13 septembre 1811 : «Un homme dans la force de l'âge, ayant un excellent fonds d'éducation et d'instruction et joignant à cet avantage celui d'appartenir à une famille honnête... »

11 Première lettre

«Éclairer une faction, c'est la vaincre. »

«Monseigneur, son excellence le Ministre de la Justice, «C'est un père de famille, c'est encore un malheureux patriote qui jadis a eu l'honneur de bien mériter de la patrie et de ses infortunés camarades, c'est un capitaine de l'armée de l'Ouest, qui ose recourir à la source même de la justice de Sa Majesté Impériale contre l'oppression de ses ennemis. «Ai-je assez souffert, ai-je assez comprimé une juste récrimination? Il y a cinq mois que privé de mes enfants, je traîne dans la prison ma pénible existence. Une ligue s'est formée contre moi : cette ligue existe à Callac, commune de mon habitation ; elle se compose d'individus vingt fois plus criminel que le malheureux Even 12 . Elle a tout corrompu autour de moi, mes domestiques, mes voisins, mon épouse. J'ai vécu environné de mille pièges, de mille ennemis; j'ai depuis trois ans souffert mille morts par des tortures réelles et par des calomnies... «Enfin, le 23 janvier dans la nuit, une nouvelle mine pratiquée pour ma perte fut jugée mûre pour l'explosion. «Ma femme et ma servante avaient de nuit déserté mes quatre enfants couchés au lit. En rentrant chez moi à 9 h 30, j'ai la douleur de voir mon ménage ainsi abandonné. J'étais encore percepteur. Je trouve le cas extraordinaire, j'interroge ma fille âgée de douze ans, elle ne savait point ce que sa mère et la servante étaient devenues. «Je crus devoir aller les chercher, je m'adresse en les cherchant dans le village, chez la sœur de ma femme où je soupçonne qu'elles étaient. Le maître du logis, mon ennemi public et mon assassin, refuse d'ouvrir. Ce refus à ma juste demande suffit dans la circonstance pour exciter ma colère, mon indignation. Je donne dans la fenêtre et je brise d'un coup de bâton plusieurs carreaux à vitres. «Après cette triste vengeance de l'affront que je recevais et à l'injustice du perfide receleur, je rentrais chez moi, me renfermant avec mes enfants dans l'asile sacré.

______9. Jérosme-Alexandre Guiot(Botmel - Callac, 26 janvier 1760), fils de Nicolas Guiot, originaire de Soissons-en-Champagne, et de Marie-Yvonne Bossard. Avocat, puis notaire, élu député au conseil des Cinq-Cents le 26 Germinal de l'An VI. Maire de Callac de 1803 à 1814. Célibataire et grand acheteur de biens nationaux. 10. La maison d'arrêt de Callac se trouvait à cette époque sur Le Martray (place du Centre. attenante au cabinet des poids où elle faisait partie des Halles. 11 .Cf.note8. 12. Joseph-Laurent Even (Botmel- Callac, 10 août 1765), maire de Callac de 1814 à 1828, compromis dans le complot de Georges Cadoudal contre Napoléon en 1804, acquitté mais placé en résidence surveillée à Bar-sur-Aube de 1804 à 1812. «J'eus la bonté de laisser la porte ouverte, c'est-à-dire non barrée, croyant que les femmes eussent rentré ; vaine attente, je couchais seul avec mon fils et n'eus pas même l'avantage de revoir le lendemain madame mon épouse. J'eus lieu de croire qu'elle était allée avec son beau-frère délibérer avec le maire de Callac. Environ les quatre heures de l'après-midi du 24 janvier, je vis, non sans quelques surprises, entrer dans ma maison deux gendarmes. Ils déclarèrent qu'ils étaient venus m'arrêter; requis de me faire connaître par ordre de qui, ils firent quelques difficultés de le faire connaître ; enfin ils exhibèrent un ordre signé Guiot, maire, et au même moment, l'un d'eux nommé Delvallée m'assomme à coup de crosse de fusil et me repousse de cette manière atroce hors de ma maison. Il y a témoins suffisants de ce fait : les nommés Jacques Le Coz et Toussaint Le Goff, l'aînée et la troisième de mes filles étaient présents. Les deux gendarmes m'emmenèrent sans résistance à Callac où ils me tinrent dans une chambre de la caserne, les menottes aux mains. Le lendemain 25 janvier, ils m'emmenèrent à Guingamp, la chaîne par le corps et attaché à mon cheval comme le plus scélérat de tous les hommes. «Incarcéré à Guingamp, je patientais durant huit jours, sans recevoir nulle consolation du dehors, à la seule exception que j'avais été interrogé. Au bout de huit jours, la fièvre ou l'indignation me prit. J'accusais les autorités de Guingamp d'injustice et de complicité avec les chouans de Callac. Je déchirais mes vêtements en invoquant la justice du ciel et celle de l'Empereur, de Bonaparte, le plus grand des héros que la vertu ait suscité d'entre les mortels. «Les complices des Barr 13 , des sans-souins (?), des Georges 14 ... ont ainsi traité Quénechdu (depuis septembre 1792, capitaine au 4 e bataillon des Côtes-du-Nord jusqu'au mois de Thermidor de l'An IV) ayant depuis son retour des armées constamment exercé des fonctions publiques et sans reproche à l'égard de ces fonctions. «Quénechdu connu jadis avantageusement, ils l'ont assassiné, garrotté, la chaîne en croix par la poitrine et par les épaules qui portèrent dignement les honneurs de l'épaulette et qui font toujours les épaules d'un grenadier français. «Monseigneur, j'ai depuis le mois de janvier manifesté mon vœu de voir mon fils encadré aux jeunes soldats de mon Empereur. Mon fils est mon unique garçon, le don doit être agréable à sa Majesté... «Je le supplie par son propre fils et par le mien et par nos amis morts aux fossés de l'honneur de l'Armée impériale, à genoux et devant Dieu, je le supplie de vouloir connaître ces crimes qui me concernent et à rendre justice à un opprimé dévoué à son service et que ces scélérats ne haïssent que parce qu'ils n'ont pu le corrompre.

«Monseigneur «Depuis cinq mois bientôt complets, je souffre dans une prison, victime innocente du despotisme du sieur Jérosme-Alexandre Guiot, maire de Callac. « Que n'avais-je pus souffert précédemment de son infatigable persécution? Que ne puis-je rendre le tableau de mes malheurs, sensible à mes frères d'armes, aux Français, à notre Empereur. «Le paysan du Danube fut écouté au Sénat romain ; je suis un cultivateur assez connu dans mon département et dans le Finistère, mes frères d'armes m'accordaient du courage et de la bravoure. J'étais en 1788 premier en rhétorique du collège de Quimper. «Si mon Empereur m'accordait de le voir, il comblerait mes vœux. ______13. Jean-François Le Peige Dorsenne dit «Debar» (Concarneau, 1761), chef chouan tué à l'île d'Houat en novembre 1812. 14. Georges Cadoudal (Kerléano [56], 1 er janvier 1771), chef chouan, organisateur d'un complot contre Napoléon avec Moreau et Pichegru en 1803. Il fut arrêté et guillotiné en 1804. «J'aspire encore à le servir, à mourir à son service en lui recommandant mon fils par l'effusion de mon sang au champ d'honneur. «Daignez agréer, Monseigneur, l'assurance de mon dévouement et de ma parfaite soumission aux lois et aux ordres du Gouvernement français. «J'ai l'honneur d'être le citoyen Quénechdu, «cultivateur né à Plusquellec le 7 mars 1769.

«PS. En 1793, j'écrivis au gouvernement sur la descente en Angleterre. On ne s'est avisé que depuis peu de vouloir me faire passer pour imbécile. «Cette assertion est du sieur maire de Callac, qui avoue ingénument avoir oublié son latin. «J'ai servi sous les généraux Canclaux, Tribout, Bouret, Dufïlo, Beaupuy, Beauregard... » Nous voyons, par cette lettre, que Claude Quénechdu possède et manie sa seconde langue avec une dialectique implacable, que serait à notre époque bien incapable d'égaler la plupart de nos concitoyens ; rappelons, pour bien situer l'événement, que nous sommes en 1811. Le sieur Quénechdu est interrogé le 6 avril et jugé une première fois le 1 er mai 1811. Les conclusions sont accablantes pour lui ; il apparaît qu'il est loin de jouir de la plénitude de sa raison. Mais quand on sait combien est ténu le lien qui délimite la frontière de la normalité, on reste songeur sur les conclusions de ce jugement. Puis, sur une déposition unanime de sept témoins dont nous ignorons les noms, ceux-ci déclarent «que le sieur Quénechdu a donné dans divers lieux, circonstances et époques, des marques évidentes de démence et de fureur, depuis les trois dernières années, poussant le délire jusqu'à vouloir incendier sa maison, d'attenter à ses jours et à ceux des personnes qui l'approchaient». Le conseil de famille, réuni sous la présidence du maire Jérosme-Alexandre Guiot, décide unanimement de son interdiction d'exercer ses droits. Le jugement a lieu à Guingamp, le 9 juillet 181l 15 dans lequel M. le substitut Beaudoin du tribunal impérial considère que l'inculpé se trouve sous le coup de l'article 489 du Code Napoléon : « Le majeur, qui est dans un état habituel d'imbécillité, de démence et de fureur, doit être interdit, même lorsque cet état présente des intervalles lucides... » Le jugement est prononcé sans que M. Laler, le défenseur de Claude, ne plaide ; il est condamné en ces termes : « Le tribunal a donné de fait, faute de conclure et de plaider, que le sieur Quénechdu est interdit de l'administration de ses biens et de sa personne... » Le conseil de famille réuni nomme sa femme, Anne Huitorel, tutrice de la famille. Claude Quénechdu est conduit et enfermé à la maison de force de Saint-Méen en. Ille-et-Vilaine le 15 août 1811 d'où sa deuxième lettre aux propos plus décousus.

15. Archives départementales des Côtes-d'Armor, «Minutes et jugements », greffe civile de Guingamp. Justice, cote 3U-2/23.

16 Deuxième lettre «Saint-Méen, le 16 août 1811.

« Quénechdu, capitaine du 4 e bataillon des Côtes-du-Nord. « Percepteur de contributions directes et cultivateur

«à Son Excellence Monseigneur le Ministre de la Justice. Grand-Juge.

«Monseigneur,

«Pour que notre auguste empereur et le gouvernement français aient connaissance à quel point l'on peut abuser de la loi, il importe, je pense, que ma translation à Paris soit ordonnée. J'arrive de hier dans cette maison de réclusion, de la prison de Guingamp, département des Côtes-du-Nord. Le tribunal de cette ville par jugement du 9 juillet m'ayant déclaré imbécile et interdit à l'administration de ma personne et de mes biens, le juge de paix de Callac indique n'avoir jamais obtenu cette place importante, m'a fait transférer ici de concert avec une femme dont lui et le maire Jérosme-Alexandre Guiot, ont égaré la confiance, corrompu l'innocence et perdu la réputation... «Je m'arrête par décence et pour abréger ; plein de confiance dans le Ministre que j'implore pour la punition de grand crime. S'il faut un exemple à La pour apprendre à ne point abuser ces lois et de ses mœurs et des pouvoirs qui en dérivent, il ne pourra jamais se présenter une plus belle occasion. «Je suis père de quatre enfants dont un seul mâle; et j'ai été chassé de ma maison par un infâme célibataire. Dans les premiers jours de mon emprisonnement, sachant les desseins de mes ennemis, qui étaient de me priver de la liberté, après avoir attenté à ma vie et à la douceur d'élever moi-même mes enfants et surtout mon fils, j'offris ce cher enfant à mon Empereur, afin qu'il fût imbu de bonne heure des principes qui doivent former un bon citoyen... et le magistrat auquel ma lettre fut adressée, en argumenta comme d'une preuve non équivoque de folie... «Ah ! que n'est-elle plus générale ma démence prétendue !... Le monstre qui vient opiniâtrement me faire passer pour un furieux sire. Encore qu'il ait eu le titre de législateur, il sait bien lui-même que le jour où il obtint le nombre de voix nécessaire alors pour conférer ce titre, je méritais plus que lui les suffrages de mes concitoyens. «II sait bien, le fourbe et cauteleux Alexandre que, si je suis coupable d'un crime, c'est de n'avoir point d'ambition. «A ce titre, Monseigneur, un cultivateur, un capitaine, un bon citoyen français, né Breton, peut-il raisonnablement espérer de voir les traits chéris de sa Majesté Napoléon. «Puis-je en avoir le bonheur et paraître digne de mourir pour son service? «Veuillez, Monseigneur, lui soumettre une offre de service et les vœux ardents que mon âme entretient constamment pour la Diuturnité (?) de son règne, pour le service de ses armes et pour le bonheur de sa majesté, duquel dépend celui de la famille impériale, de la France entière et la paix générale digne objet des travaux et de la méditation du plus grand des hommes et du premier des Empereurs. «Salut et Fidélité inviolable, «Le citoyen Quénechdu Claude.

______16. Cf. note 8. « PS. Je suis si convaincu de la nécessité d'obéir aux lois, que je me fais soumis à l'exil que je n'ai point mérité mais j'ai tant de confiance en la bonté de ma cause et dans mon innocence que je provoque le regard perçant de l'Aigle. « C. Quénechdu « (Olim Centurio) 17

«J'ai cru qu'à l'aide d'une machine l'on aurait pu mieux qu'avec des échelles parvenir au sommet des remparts à Cadix et Gibraltar.

«Inspectura domos, venturaque desupor urbi « Virgilius, ancis 18 »

A la lecture de cette deuxième lettre, nous remarquons que Claude Quénechdu; trouve, en la personne du maire de Callac, Jérosme-Alexandre Guiot, un adversaire déclaré, coupable à ses yeux de son enfermement. Quelles qu'aient été les relations entre les Quénechdu et les Guiot, Yves-Marie, le frère de Jérosme, fut son compagnon d'armes en 1792 et Fleurie-Françoise, leur sœur, témoin du mariage de Claude en 1797. L'écart social était relativement important entre cette famille de paysans aisés de Plusquellec et la famille de notables callacois, arrivés de Champagne en 1750 dans les bagages des armées royales. Ces deux lettres citées parviennent en septembre 1811 sur le bureau du ministre de la Justice, le Grand Juge, duc de Massa 19 . Celui-ci approuve la décision du tribunal de Guingamp en date du 9 juillet et classe l'affaire. Claude Quénechdu reste enfermé à l'hospice de Saint-Méen de l'année 1811 au 4 décembre 1816, date à laquelle il décède à l'âge de 47 ans, oublié de tous. Il est à remarquer que le décès ne sera reporté sur le registre de Callac que le 17 mai 1821, soit cinq ans après sa mort et comble d'ironie, l'officier d'état civil n'est autre que Joseph-Laurent Even, qui avait succédé à Jérosme-Alexandre Guiot dans les fonctions de maire en 1814, au décès de ce dernier. Il est à noter que la profession mentionnée de Claude est celle de « propriétaire »... Ainsi se termine cet épisode qui agita, en son temps, la vie tranquille de la petite ville de Callac.

Joseph Lohou

______17. Olim Centurio, locution latine : « Ancien centurion ». 18. « Virgile », Enéide, livre H, vers 47. Jean Perret, éd. Les Belles Lettres, Paris, 1977, p. 40. - Pour épier nos maisons et pénétrer d'en haut, en notre ville... » Lacoon s'inquiète et Amande aux Troyens de se méfier de ce stratagème (cheval de Troie). 19. Claude-Ambroise Régnier (1736-1814), duc de Massa-Carrara, grand juge de 1803 i 1813. Louis Grégoire, Dictionnaire encyclopédique et bibliographique, Éditions Garnier Frères, Paris, 1850.

Saint-Adrien Quelques pages de son histoire

Pays d’Argoat N° 19 Yannick Botrel Saint-Adrien Quelques pages de son histoire

« Saint-Adrien est aujourd'hui une petite paroisse de 600 âmes qui domine, à l'ouest, le cours du Trieux, en face de Saint-Péver et d'Avaugour. Le grand chemin de Guingamp à Corlay passe à quelques pas du bourg et de l'église perdue dans un massif d'ifs séculaires et de frênes vigoureux : c'était jadis une simple trêve de . » Ces quelques lignes mises en exergue sont de l'historien guingampais Sigismond Ropartz, qui les a écrites sous le Second Empire, en 1863. Elles introduisent admirablement les pages qui vont suivre en restituant dans son cadre le petit bourg de Saint-Adrien, chef-lieu d'une commune qui s'est substituée aux premières Statue en bois polychrome de Saint-Adrien heures de la Révolution à l'ancienne trêve de (église de Saint-Adrien) la paroisse de Bourbriac. Photo F.-L. BOZEC

Saint-Adrien, trêve de Bourbriac

Par trêve, il faut comprendre une partie de paroisse à laquelle on a accordé une autonomie religieuse et, partant, civile. Le prêtre desservant la trêve était un simple vicaire (breton Kure) qui demeurait sous l'autorité du recteur (breton person) en l'occurrence celui de Bourbriac.

La première mention que l'on ait de Saint-Adrien remonte en 1393 où l’on mentionne la paroisse de Saint-Rien, mais il s'agit à l'évidence d'une erreur car tout indique par la suite qu'il n'en a rien été.

Il est assez vraisemblable que cette trêve soit apparue dans le courant du XII e ou XIII e siècle, période de morcellement des paroisses primitives. Séparé du chef-lieu paroissial par le massif forestier de Coatliou et les landes et tourbières de Lanniou, il a fallu concéder de bonne heure une autonomie religieuse à Saint-Adrien, sans jamais - tout au moins jusqu'à la Révolution - que l'émancipation ne soit totale. Jusqu'à la constitution des communes (1790), Saint-Adrien appartiendra à la paroisse de Bourbriac. La limite séparative de Bourbriac et Saint-Adrien est des plus curieuses, particulièrement au sud-ouest de cette dernière commune. Alors qu'elle aurait pu suivre une frontière naturelle, le ruisseau dit de « Pont ar Vay », elle s'en distingue, préférant suivre le tracé d'un ancien chemin, quoique ne s'éloignant pas de la rivière de plus d'une cinquantaine de mètres. Remontant vers le nord elle traverse les anciennes terres vagues de Lanniou puis ce sont les rabines du manoir de Lezarz qui forment limites et ce n'est qu'aux parages de Saint-Roch qu'elle rencontre enfin le cours d'un ruisseau, affluent du Trieux. La séparation des deux communes est donc artificielle, sans que l'on puisse dire quelles considérations ont pu présider à cette délimitation concrétisée par un acte officiel de 1834. Tout au moins peut-on émettre l'hypothèse que des limites de propriétés individuelles ont largement prévalu dans ce découpage. La conclusion apparaît d'elle-même : à l'origine, Bourbriac et Saint-Adrien ont constitué un seul ensemble.

Saint-Adrien, l'origine du nom.

On trouve aux périodes les plus anciennes plusieurs formes différentes qui ouvrent la voie à autant d'hypothèses. Aux XIV e et XV e siècles, apparaissent les noms de Saint-Rien et Saint-Drien (cf. réformation des fouages ). Toutefois, on peut remarquer qu'à la même période le prénom Derien est porté localement : Derien Bertou du village de Couhennec (Gouennec) 1. Cette forme n'est pas sans rappeler saint Derrien, le compagnon de saint Neventer. Au XVII e siècle, on a Saint-Drien (1616), puis de 1671 à 1691 Saint-Derien ( registres des baptêmes, mariages, sépultures ), puis encore Saint-Drien (1691). Selon une opinion exprimée récemment, le nom véridique serait saint Rien ou Rion 2, Cimetière de Saint-Adrien ; détail du personnage ayant sous son vocable une calvaire (XV e siècle) : les apôtres . chapelle à Bréhat et ayant donné son nom Photo François-Louis Bozec à une île au large de .

La forme Saint-Drien en serait une déformation due à une transcription fautive de la prononciation bretonne

Dans l'ancienne église de Saint-Adrien, un vitrail de 148l 3 représentait le personnage de « saint Dryan » en costume épiscopal, comme encore aujourd'hui la statue de bois polychrome présentant saint Adrien en abbé ou en évêque, crosse et mitre.

C'est en 1691-1692 qu'on a substitué à l'ancien vocable Rien/Drien le nom de Saint- Adrien, le recteur de Bourbriac étant alors messire Maurice Blot. S'agissait-il dans l'esprit du clergé de saint Adrien pape ou de saint Adrien évêque de Cantorbury au VIII e siècle? Quoi qu'il en soit, à trois siècles de distance, les bretonnants persistent toujours à utiliser la forme « Sant Drien », étonnante vitalité de l'expression orale ! Saint-Adrien : lieux et métairies nobles

Cozporzou

La métairie noble de Cozporzou, « terres, bois de haute futaie et rabines en dépendant », appartient au XVI e siècle à Jeanne de Cléauroux qu'elle tient en ramage de la seigneurie de Kerauffret. Elle semble ne faire qu'un avec le lieu noble mentionné en 1740 au bourg de Saint-Adrien appartenant au marquis de La Rivière. Il existait une deuxième métairie noble au bourg, dite de « Saint-Deryen » connue pour être en 1513 au sieur de Kerguilty et en 1690 au seigneur de Kerguillay de Coatrieu.

Lieu noble de Parc Lan

Le lieu et métairie noble de Parc Lan est connu pour avoir appartenu à Françoise de Kermenou « pour partie de son droit naturel à la maison du Logeou (Le Lojou en Bourbriac) et à présent en les mains dudit Bizien 4».

En 1738, la métairie noble de Parc Lan est au seigneur du Sullé, Sébastien Joseph Hyacinthe de Bégaignon.

Lieu noble du Govennec

II est mentionné en 1690 et appartient alors au sr de Lespoul-Colaic (?).

Lieu noble et manoir de Kermorzu

A la montre 5 de 1503, Philippe de Quelen, sieur de Kermordu (sic), comparaît « à pied et sans hamois (armure) ». On trouve antérieurement deux nobles de ce nom dans la paroisse de Bourbriac : Jéhan de Quelen (1440) et « fils » Geffroy Quelen (1444), dont on ne peut dire s'ils ont été, l'un ou l'autre, sieur de Kermorzu. Philippe de Quelen, déjà cité, apparaît une première fois, comme « archer en brigandine» (montre de 1481). Jean Le Forestier qui fournit, en 1536, un minu pour le rachat de Philippe de Quelen pourrait être son gendre ou à défaut un neveu. A la fin du XVI e siècle, le lieu et le manoir noble de Kermorzu avec « bois de haute futaie, rabines, moulins, prééminences d'église », sont à Maurice de Kercabin, sieur de Kerlan. En 1702, Kermorzu est à Toussaint Marie René Philippe de Bizien, sieur du Lézard.

Kertoudic

Les premières mentions du lieu noble de Kertoudic remontent au XVI e siècle. En 1543, Anne de Cléauroux, douairière de Kertoudic, tient le lieu pour son fils Sylvestre, né de son mariage avec Pierre de Couëtrieu (Coatrieux), sieur de La Rivière.

A la mort de Sylvestre de Coatrieux, décédé sans enfant, son frère cadet Rolland hérite de Kertoudic. Il rend hommage pour « le manoir noble et seigneurie de Kertoudic, métairie noble à la porte, étang, colombier, convenants, domaine, bois de haute futaie, rabines, bois-taillis, dîme, rentes, chefrentes, droits de fief, prééminences d'église à Bourbriac et Saint-Adrien, garennes, fauls à Connyns 6 et autres dépendances »... Ce à quoi il convient semble-t-il d'ajouter une chapelle.

On a peu de mentions de l'existence d'une seigneurie de Kertoudic et pas d'indication sur le degré de justice qui s'y serait exercé.

Absorbé par la seigneurie de Kerauffret, le lieu noble de Kertoudic suivra la même dévolution et passera des Coatrieux La Rivière aux du Liscoët puis aux marquis de La Rivière et enfin au marquis de La Fayette.

Keryvon

Connue pour appartenir dès le XV e siècle à un noble du nom de Jean Penlan, originaire de la paroisse de Plou... (?) en goello », la métairie noble de Keryvon en Saint-Drien est en 1580 à Marie Le Disquay. En 1740, elle est au marquis de La Rivière.

Les lieux nobles du Harz

On distingue dès le début du XVI e siècle deux lieux nobles au village du Hars. L'un d'eux est à la famille Étienne, famille noble dont plusieurs membres apparaissent aux montres du XV e siècle. Successivement sont cités : « le fils Prigent Étienne » (1444), « Jéhan Étienne, archer en brigandine » (1481), « Prigent Étienne à cheval en brigandine » (1503).

En 1527, le « lieu et métairie noble du Gars » est à Rolland Étienne, fils de Prigent. Il comprend alors, outre le manoir, 14 pièces de terre à Kermorzu, un convenant à Tannouédou, d'autres convenants à Skoassel et des rentes à Kerflec'h et au Lézarz.

Dans la seconde moitié du XVI e siècle, la moitié du lieu noble est à Louis Étienne, « à lui advenue par la démission de messire Jean Étienne, son cousin ».

La possession du Harz procure aux Étienne des prééminences dans les églises de Saint-Adrien et vraisemblablement de Bourbriac.

L'autre lieu noble du Harz est mentionné en 1503 lors du rachat d'Alice de Coatrieux par Tanguy de Becmeur « garde naturel de Jean de Becmeur, son fils ». Toutefois, en 1513, conjointement à Rolland Estienne Jéhan du Perrier possède l'autre lieu noble du Harz. Il ne s'agit pourtant que d'une possession toute passagère, peut-être celle d'un tuteur.

En 1583 Sylvestre Le Becmeur, sieur du Restou, héritier de son père, rend un hommage pour le manoir du Garz « consistant en maisons et vergers, jardins, bois de haute futaie, rabines et autres terres, prééminences d'église ».

Un siècle plus tard (1673), le lieu noble du Garz est toujours aux Becmeur alors représentés par Olivier, sieur du Restou. En 1753, Claude Jeanne de Launay, épouse de M. de Lauzanne, procède au rachat de la métairie noble du Garz, jusque-là propriété de Claude Jeanne de Becmeur, dame de Saint-Péran (paroisse de ).

En 1583, Sylvestre Le Becmeur, sieur du Restou, héritier de son père, rend un hommage pour le manoir du Garz « consistant en maisons et vergers, jardins, bois de haute futaie, rabines et autres terres, prééminences d'église ».

Un siècle plus tard (1673), le lieu noble du Garz est toujours aux Becmeur alors représentés par Olivier, sieur du Restou.

En 1753, Claude Jeanne de Launay, épouse de M. de Lauzanne, procède au rachat de la métairie noble du Garz jusque-là propriété de Claude Jeanne de Becmeur, dame de Saint-Péran (paroisse de Glomel).

L'un des deux lieux du Gars (probablement celui tenu par les Étienne) est au XVIII e siècle à écuyer Charles-Henry Le Vayer, sieur du Garz.

En 1760, Marie Jeanne Le Vayer, épouse de Claude-Florimon de Coatarel, hérite de son frère Mathurin « en son vivant seigneur du manoir et lieu noble du Gars ».

(Ker) Coatrieux

« Le manoir noble de Coatrieux avec ses bois de haute futaie, rabines, prééminences en l'église de Bourbriac » est mentionné en 1583 dans un hommage rendu par Marie Jeanne de Coatrieux, dame du lieu. Veuve de Pierre de Kerenor, sieur du Cosquer, elle possédait, dès 1568, le lieu et métairie de Coatrieux. Avant cette date (1556), le manoir appartenait à Jean de Quoetrieu, sieur de Kerguillé. On apprend, en 1740, que le bois de Kertoudic se nommait dans les temps anciens « bois de Kerguillé » ce qui peut induire que le lieu noble de Coatrieux se soit étendu à ce bois.

La Rivière

On cite en 1513 un lieu noble de ce nom dans la paroisse de Bourbriac. «La Rivière » appartenait à Pierre « Coettryeu » et il n'en existe pas d'autre occurrence. Pourrait-il ne faire qu'un avec celui de (Ker) Coatrieux ?

Le lieu noble de Kergadiou

Dès 1440, Geffroy Cléauroux déclare posséder la métairie noble de Kergadiou. Ce lieu noble a été constitué dès le XV e siècle au moins en juveigneurie de la seigneurie de Kerauffret et donc au profit d'un cadet issu de cette maison. Dans les premières années du XVI e siècle, les seigneurs de Kergadiou contestent cette situation de sorte que la justice est appelée à se prononcer sur le fond. En 1506, les parties en présence jugent préférable d'interrompre le cours du procès, mais l'affaire n'est que suspendue et en aucun cas réglée. Le décès de Rolland de Cléauroux, sieur de Kergadiou, survenant en 1509 permet le déblocage.

En 1511, son fils Henry clos définitivement la procédure en reconnaissant explicitement sa situation de juveigneur.

Selon toute hypothèse, Jacques de Cléauroux, successeur de Henry, doit être son fils. Il est l'époux de Anne de Kerliviou, issue de la maison noble de ce nom de la paroisse de Bourbriac et décède vers 1535. De ce mariage sont issus deux fils : Maurice (l'aîné) et Maudez, époux de Marie du Disquay.

Maurice de Cléauroux épouse sa parente Marguerite de Cléauroux, fille du seigneur de Kerauffret. Celle-ci se mariera à deux reprises ; avec son cousin (cela a été dit) et avec Vincent Marrec, sieur de Kerbaoul (paroisse de Châtelaudren). Elle a reçu en dot le manoir de Krec'h Craviou, les garennes nobles de Lanmarquer (Lavaquer), de Fellegan (Felhan) et de Murespenmault (?) situés en Bourbriac. Trois enfants naissent de l'union de Maurice et Marguerite de Cléauroux. Guillaume, l'aîné, a épousé demoiselle Jeanne Le Chevalier et décède sans postérité en 1572, comme Pierre, le cadet, Saint Maudez (église de Saint-Adrien). décédé avant 1583. Leur sœur Jeanne La statue provient probablement de la hérite alors le manoir noble de Kergadiou chapelle Saint-Maudez, aujourd'hui « avec chapelle dédiée à Saint-Maudez, disparue. garennes, chefrentes, prééminences en l'église de Saint-Adrien, métairie noble de Coz- porzou, métairie noble de Keranchenou (Kerichennoù) ». A ceci, on peut encore ajouter une dîme et un droit de pêcherie dans le Trieux 7. Jeanne de Cléauroux a épousé en 1562 Olivier de Bégaignon, seigneur de Rumen, et leur descendance possédera le manoir de Kergadiou jusqu'à la Révolution de 1789.

Tour à tour vont se succéder dans la possession de Kergadiou les personnages suivants : - Bertrand de Bégaignon, seigneur du Rumen, Kergadiou, Coatgoureden, fils de Jeanne de Cléauroux et Olivier de Bégaignon, épouse en 1600 Françoise Loz, dame de Pouldouran La Roche Noire, - Olivier de Bégaignon (fils des précédents) épouse en 1624 Noëlle du Parc. Seigneur du Rumen (Plestin), de Kerliviou (Bourbriac), il acquiert la seigneurie et châtellenie du Sullé (Plésidy) en 1644, - Claude Hyacinthe de Bégaignon (fils des précédents), né le 26 mars 1653, décédé à Kergadiou le 3 mai 1706, époux d’Yvonne de Lezildry, - Sébastien Joseph Hyacinthe de Bégaignon (fils des précédents 8), seigneur-comte du Sullé, Keronen-Kerlivou, Kercadiou, Coatcourez..., décédé en 1763, époux de Elisabeth Pinczon du Sel, - Jeanne Hyacinthe de Bégaignon (fille des précédents) épouse Jean-Julien Botherel de , - Jeanne Françoise Thérèse de Botherel de Quintin, fille des précédents, épouse en 1754 Claude Louis de La Lande de Calan. Elle est le dernier propriétaire du lieu noble de Kergadiou sous l'ancien régime. La seigneurie de Kerauffret

Elle tire son existence du château bâti sur le coteau ouest du Trieux, non loin de la rivière, et qui lui a donné son nom. En 1740, une description du site indique l'existence de tours qui donnent à penser qu'une véritable forteresse a pu se dresser en ce lieu à un moment de l'histoire. Au XVIII e siècle, la demeure seigneuriale de Kerauffret est imposante et est sans nul doute un lieu apprécié de résidence. Les marquis de La Rivière, pour ne parler que d'eux, y ont séjourné de façon habituelle voir quasi-permanente. A cette fin, le château 9 s'accompagne de bâtiments annexes, de pavillons, d'une chapelle sous le vocable de Sainte-Barbe.

L'environnement lui-même est caractéristique : cour, avant-cour, basse-cour, colombier... et imprime sa marque dans le paysage par les avenues conduisant au château. C'est sous l'une de ces rabines, proche du grand chemin de Guingamp à Coatmallouen, qu'en juillet 1586 le sieur de La Rivière vient à la rencontre du duc de Mercœur afin de lui rendre foi et hommage. Des bois environnent le château. Le bois de haute futaie couvre 100 hectares ; Coat-Bihan, autre bois mais probablement en taillis, se trouve sur la limite de . Un petit bois, but de promenade et de villégiature, auquel on accède par une allée venant du château, se nomme « bois des Demoiselles ». Suivant les époques, on adapte cet environnement au goût du jour. On aménage ainsi un mail, allée ombragée où on fait la promenade, on joue, on bavarde.

Le château de Kerauffret au début du XX e siècle. Collection Jacques Duchemin.

Mais la seigneurie est bien autre chose que le seul château. C'est encore une justice, du personnel et des vassaux... A l'origine, la seigneurie de Kerauffret se limitait à elle-même, mais plus tard elle a fini par comprendre trois membres. Ceux-ci étaient Kerauffret proprement dit possédant haute justice, Le Disquay (haute justice de Bourbriac), Kerguenan (moyenne justice de Coadout). Cette juridiction employait un nombreux personnel fait de sénéchal, alloué, procureur fiscal, receveur, lieutenant, etc. Le seigneur de Kerauffret, ainsi qu'on le rappelle du temps de Raoul de Cléauroux, « a belle et ample juridiction et sceau à contrats » et « droit d'instituer notaires et tabellions ». On doit dire qu'il s'est peu privé de ce droit puisqu'il faut, en 1540, convenir de limiter arbitrairement leur nombre à huit, répartis entre Kerauffret et Le Disquay.

La seigneurie de Kerauffret, par ses trois membres, s'étendait sur plusieurs paroisses : Coadout, , Plésidy, Saint-Adrien, Bourbriac, avec encore quelques possessions insignifiantes à Saint-Gilles-Pligeaux et . Elle possédait de très nombreuses terres, convenants, métairies dont l'une se nommait Kroaz Hinchou et était la métairie du château. Successivement, la seigneurie a possédé deux moulins. Le premier se situant près de Pont-Guialou était en ruine au XVIII e siècle et a été remplacé par un second, détruit au début de ce siècle mais dont l'emplacement reste connu sous le nom de moulin de Kerauffret. Deux vues du moulin de Kerauffret. Collection Jacques Duchemin. Les droits honorifiques L'église de Saint-Adrien telle que nous la connaissons aujourd'hui n'est pas d'une grande ancienneté puisqu'on la date seulement de 1869. Elle a pris la place d'un édifice plus ancien que Sigismond Ropartz fait remonter au XV e siècle et dont il fournit une description visuelle complétée de la lecture de trois actes authentiques du début du XVI e siècle. Cette église, le seigneur de Kerauffret revendiquait l'honneur d'en être le fondateur, d'où le fait qu'on y récitait à son intention, « de temps immémorial », des prières nominales.

Les armes du fondateur taillées dans la pierre figuraient tant à l'extérieur sur le pignon de l'édifice qu'à l'intérieur de celui-ci. Les mêmes armoiries étaient encore apposées sur la balustrade du chœur ainsi que dans le vitrail, juste en dessous de celles de Penthièvre.

De part et d'autre du chœur, le seigneur de Kerauffret revendiquait la possession de deux chapelles prohibitives. L'une, du côté de l'épître, provenait de la terre de Kertoudic. Prigent de Coatrieux, seigneur dudit lieu l'avait fait bâtir aux premières années du XVIe siècle et ses armes supportées par un ange, y apparaissaient. Initialement, cette chapelle avait été bâtie en « l'honneur de Dieu, de la Sainte Vierge et de sainte Apolline » on la disait de saint Sébastien. L'autre chapelle, placée sous le vocable de sainte Barbe, faisait exactement face à la première. Remontant à 1510 environ, elle avait été construite sur l'ordre de Guillaume de Cléauroux, seigneur de Kerauffret dont les armoiries en « constellaient » le lambris et le vitrage. Les restes de plusieurs seigneurs de Kerauffret reposaient dans l'église de Saint-Adrien, dans le sancta sanctorum, le Saint des Saints...

De son banc privé situé en dehors des balustrades, « du côté de l'Évangile », le seigneur de Kerauffret pouvait de la sorte, en entendant la messe, contempler les enfeus et tombeaux de « ses auteurs et prédécesseurs ». Il existait encore en l'église de Saint-Adrien une chapellenie fondée par le seigneur de la Rivière moyennant le versement d'une rente annuelle de 500 livres en vertu de quoi, chaque jour, une messe « anotée » était chantée par les « prêtres d'icelle ». De même qu'à Saint-Adrien, le seigneur de Kerauffret revendiquait l'honneur d'être le fondateur de l'église de Bourbriac, le duc de Penthièvre ne consentit qu'assez tard à céder sur ce point, ce qui se fit vers 1740. Par suite d'héritage et d'acquisitions diverses, plusieurs terres importantes possédant toutes des droits honorifiques étaient entrées en possession du seigneur de Kerauffret. Il jouissait ainsi en l'église de Bourbriac de privilèges d'église se rapportant aux maisons nobles de Cosquer Lanniou, du Drezit et de la seigneurie du Disquay. Dès 1604, on a mention dans la chapelle Saint-Briac, « du côté de l'Évangile », de l'existence de « neuf écussons des armes et alliances de Kerauffret ». Le marquis de La Rivière, seigneur de Kerauffret (1740), précise dans l'énuméré de ses titres que ses armoiries « sont en lisière autour (de l'église de Bourbriac) avec tombeaux et enfeus bancs et chapelles et, lui appartenant prohibitivement le chœur où est apposée sa lisière, seule, avec ses armoiries dans la maîtresse vitre au-dessous de celles (du duc de Penthièvre) supérieures de ladite église ». Pour honorifique qu'elle était, la présence des armoiries n'avait rien d'insignifiant et était regardée au contraire avec une importance extrême, surtout quand le seigneur résidait au loin.

L’église de Saint-Adrien, porche ouest : l’ange portant les armes (martelées) des Coatrieux.

M. Baron de Villebaud, intendant de Kerauffret, constatant en 1780 que les armoiries sur le balustre du chœur sont effacées, décide de les faire rafraîchir. C'est à lui, en effet, qu'il appartient d'éviter toute usurpation. Ainsi, en 1782, lorsque M. du Lojou (Le Brun du Lojou) s'imagine « avoir le droit de mettre la ceinture de ses armes le long de la longère au-dedans de l'église de Bourbriac depuis la chapelle de Saint-Briac, ce qui n'avait jamais existé ; ou encore, en 1780, quand le recteur de Bourbriac s'oppose à ce que le seigneur de Kerauffret, probablement représenté par son intendant, puisse demeurer seul dans le chœur de l'église, comme il le revendique hautement. « Feu monsieur de La Rivière eut dépensé 20 000 livres pour soutenir son droit » écrit M. de Villebaud à cette occasion. Ce droit « de jouir exclusivement... du chœur et chanceau de l'église », venait au seigneur de Kerauffret de la possession du lieu noble du Drézit en Bourbriac. Plusieurs actes le rappellent. En 1700, il est dit qu'il a « légitimement le chœur à lui et être en possession le jour du pardon d'y mettre les “ caiqueux ” (?) dehors, si aucun s'y trouve et d'y rester lui et les siens et gens de sa suite... ». Ce droit s'exerce le cas échéant par voie de fait, comme l'apprend M. de Keryas vieux gentilhomme jeté violemment hors du chœur par les séides de M. de La Rivière en 1703. Ce droit s'accompagne d'un autre, tout aussi ancien : M. de La Rivière est « en possession immémoriale de faire défense au son du tambour, que personne n'aille vendre, n'y acheter de beurre que la provision dudit seigneur ne soit fait et qu'il ne soit 10 heures passées et la procession sortie de l'église le jour de la foire ». Les mêmes qui ont brutalisé le sieur de Keryas s'en prennent aux serviteurs de M. de Bégaignon, sous prétexte d'exemple. Un laquais et une servante qui attendaient près de la porte du presbytère sans avoir commencé les emplettes sont pris à partie : elle giflée, lui frappé, retournent au manoir de Kergadiou, lui « tout pleurant des menaces dont on l'avait intimidé ». Telles étaient les mœurs d'alors... Les seigneurs de Kerauffret

Plusieurs Cléauroux sont mentionnés à Bourbriac dans la première moitié du XV e siècle, sans que l'on puisse dire avec certitude si l'un d'eux possédait Kerauffret; ainsi Raoul et Geffroy figurent-ils sur les réformations de la noblesse de 1426 à 1444. Raoul de Cléauroux. - II se présente à la montre de 1481 « pour lui et son père » fournissant un archer en brigandine et un page, et justifiant d'un revenu de 120 livres. Raoul de Cléauroux est l'un des nobles les plus riches de la paroisse, possesseur de Kerauffret qu'il transmet à son fils Guillaume. Plusieurs Cléauroux sont mentionnés à Bourbriac dans la première moitié du XV e siècle sans que l'on puisse dire avec certitude, si l'un d'eux possédait Kerauffret; ainsi Raoul et Geffroy figurent-ils sur les réformations de la noblesse de 1426 à 1444. Raoul de Cléauroux. - II se présente à la montre de 1481 « pour lui et son père » fournissant un archer en brigandine et un page, et justifiant d'un revenu de 120 livres. Raoul de Cléauroux est l'un des nobles les plus riches de la paroisse, possesseur de Kerauffret qu'il transmet à son fils Guillaume. Guillaume de Cléauroux. - II représente au début du XVI e siècle une famille en pleine ascension sociale. Homme de guerre, il comparaît à la montre de 1503 « à deux chevaux en brigandines, bannière et salade, épée et javeline ». Homme d'argent aussi, on rapporte en 1513 qu'on l'a vu « se mêler de fermes, impôts et billots, ports et havres, et receveur pour le roi à Minihy-Briac ». Ces activités, somme toute commerciales, jettent une ombre toute passagère sur la qualité de sa noblesse. Elle éclate en particulier en 1535 au vu des questions posées à son endroit par les enquêteurs chargés de vérifier son état dans diverses paroisses.

A Ploumagoar, où il possède la Villeneuve achetée au sieur de La Hermouet, les gens le disent ‘ gentilhomme mais ont ouï dire qu'il et son prédécesseur (son père) se font marchands par longtemps ». A Moustéru, « interrogés s'il se mêle de faire du marchandage » les habitants « disent ne le savoir parce qu'il ne demeure en la paroisse ». A Coadout, où il possède les maisons nobles de Kerantevoal et Kerguenan « ils (le) disent gentilhomme ne sachant s'il se marchande ». Dans cette période difficile (les guerres franco bretonnes sont encore toutes proches et le rattachement de la Bretagne à la France n'est pas encore intervenu), Guillaume de Cléauroux a rejoint le camp du roi de France, liant son sort et ses intérêts à ceux de la cause royale. Selon toute hypothèse, cet engagement trouve son expression par la présence de deux meneaux fleurdelysés dans les fenestrages de l'église de Saint-Adrien et de la L'église de Saint-Adrien : meneau fleurdelysé du XVI e siècle. chapelle du Danoët en Bourbriac. Guillaume de Cléauroux peut revendiquer le titre de fondateur des deux sanctuaires, en tant que seigneur de Kerauffret et du Drézit. Car il est à la tête de nombreux biens. Une partie de ceux-ci ont été acquis sur la famille Rouzault, représentée par Nicolas Rouzault (ou Rouault), sieur de La Trinité. En proie à de grandes difficultés financières, ce dernier a dû vendre les lieux nobles du Rest, Quenegravyo (Krec'h Kraviou), Leindevet, Quersiguirit (Guersanguirit), Colletanbual (Korn an Bual), tous achetés par Guillaume de Cléauroux. De même, il achète encore Le Drézit « à un nommé Le Rest, gentilhomme », ce qui lui confère d'importants droits honorifiques. Peu lui nuit donc de voir la qualité de sa noblesse suspectée, d'autant que cela ne l'empêche nullement de contracter d'avantageuses alliances pour ses enfants. De son mariage avec Jeanne Lorans, Guillaume de Cléauroux a eu huit enfants vivants. Nous développerons plus loin les notices des deux garçons, Raoul et Philippe, et de l'aînée des filles, Anne; pour les autres, mentionnons : - Marie, qui a épousé Vincent Le Charpentier, sieur de Kergongar, et qui reçoit en dot le lieu noble de Guersanguirit, - Françoise épouse François Connen, sieur de Précréhant (paroisse de ), - Marguerite épouse Vincent Marrec, sieur de Kerbaoul puis son cousin Maurice de Cléauroux, - Constance épouse Charles de La Bouéssière, sieur de la Fontaine-Plate (Tréglamus), - Jeanne épouse Charles Bizien du Lézard. En 1534, Guillaume de Cléauroux achète la seigneurie du Disquay en Bourbriac ayant haute justice ce qui paraît être la dernière importante acquisition de son existence. Il décède avant 1545. Raoul de Cléauroux. - « Docteur es droits, sçavant et bien docte et estoit seneschal de Lamballe, Moncontour, St Michel près de Guingamp, du Vieux Marché, , Quoitmalouen, Suie, Kerpabu et la cour des bons bourgeois manants et habitans de la ville de Guingamp, procureur fiscal pour le seigneur de Guingamp en la juridiction dudit Guingamp ; outre à cause de son sçavoir estoit le plus souvent appelé pour arbitre entre les grands personnages du quartier et des eveschès de Tréguer, Sainct Brieuc, Cornouailles et Léon lorsqu'il y avait différant et proceilx (procès) 10 . »

Continuant la tradition familiale de « rassembleur de terres », Raoul de Cléauroux acquiert en 1555 les seigneuries de Vieux-Marché et de Saint-Michel. Lui, qui n'avait pas de descendance, ne perdait pas de vue la situation des membres de sa famille, faisant à l'occasion donation à sa nièce, Anne de Coatrieux, de plusieurs biens en la paroisse de Bourbriac. Il avait épousé Jeanne Le Nepvo qui lui survécut après son décès advenu en 1558.

Philippe de Cléauroux. - Frère du précédent, il hérite, en vertu du partage noble, de l'essentiel des propriétés familiales et décède sans postérité.

Anne de Cléauroux. - Sœur des précédents, elle a épousé, avant 1513, Pierre de Coatrieux, seigneur de La Rivière près de Corlay et s'est vue dotée du lieu de Lanouëdic (Danouedic). De ce mariage, naissent deux fils : Sylvestre, l'aîné, reçoit d'abord le lieu de Kertoudic mais décède prématurément avant 1583; Rolland, le second, succède à sa mère qui décède en 1587.

Rolland de Quoettrieu. - « Seigneur de La Rivière, Kerauffret, Kertoudic, Disquay, etc. » ; il épouse Françoise de Quelen dont il aura trois enfants au moins : Guillaume et Anne dont les notices vont suivre et Margueritte. Cette dernière épouse René de La Rivière, seigneur de Saint-Quihouet. Il naît de cette union un fils, Charles de La Rivière qui épouse en 1630, Françoise Bernard de Lisle-Aval.

Guillaume de Coëtrieux, marquis de La Rivière. - Fils de Rolland de Coatrieux et Françoise de Quelen, seigneur de Kerauffret, Kersaudy, Pont- Blanc, Disquay, etc. Guillaume de Coatrieux qui a épousé Julienne d'Angennes décède le 30 avril 1616 après avoir été « travaillé de la goutte dix ou douze ans ».

Gouverneur et capitaine de Guingamp, il est à l'origine de l'installation du monastère des capucins dans cette ville en son manoir du Penquer.

Anne Coatrieux de La Rivière - Sœur du précédent, elle hérite de son frère mort sans postérité. En 1603, elle épouse Benjamin du Liscoët, chevalier de l'ordre en 1616, décédé en 1645. Benjamin est le fils du sinistre Yves du Liscoët, redoutable chef de guerre du temps de la Ligue à qui l'on doit, entre autres tristes exploits, le sac de Carhaix (1590), et de demoiselle Philippe de Maridor. Trois enfants naissent du mariage de Anne Coatrieux de La Rivière et Benjamin du Liscoët. Anne Coatrieux de La Rivière décède en 1648.

Guillaume du Liscoët. - Fils des précédents, il décède en 1651 sans s'être marié. Demoiselle Philippe du Liscoët. - Sœur du précédent, dame de Kerauffret, Kertoudic, Disquay et « autres lieux », épouse en 1652 Gabriel de Bricqueville, marquis de Colombière, originaire de Normandie dont elle se sépare en 1653, de sorte qu'aucune postérité n'est issue de cette union. Demoiselle Philippe du Liscoët décède en 1669.

Charles François de La Rivière (1646-1726). - Petit-fils de Marguerite Coatrieux de La Rivière et René de La Rivière, il hérite de sa cousine Demoiselle Philippe du Liscoët, marquise de La Colombière « en l'estoc maternel ». L'autre partie de l'héritage de Philippe du Liscoët « en l'estoc paternel » va à Guillaume du Liscoët, seigneur du bois de la Roche, en Coadout. En 1690, Charles- François de La Rivière habite « en son château de Kerauffret » où il réside « le plus ordinairement » (1714).

Joseph Yves Thibaut Hyacinthe, marquis de La Rivière, Sieur de Saint-Michel, Kerauffret, Kertoudic, Disquay, etc., dont Ogée a dit qu'il était, avec le duc de Penthièvre, un des principaux seigneurs de la paroisse de Bourbriac. Il épouse sa cousine Julie Louise Céleste de La Rivière, commandant de la 2 e compagnie des Mousquetaires du roi, commandement dont il se démet en 1766. Son fils sert sous ses ordres, comme cornette, et meurt jeune, à 20 ans. Sa fille, Marie Louise Julie de La Rivière, se marie en 1754 et ses bans sont publiés à Bourbriac : « Très haut et très puissant seigneur, monseigneur Michel Louis Christophe Roch Gilbert du Montier, marquis de La Fayette... et très haute et très puissante demoiselle, mademoiselle Louise Julie de La Rivière, etc. »

Marie-Joseph Paul Roch Yves Gilbert du Mottier, marquis de La Fayette (1757-1834), - Petit-fils du marquis de La Rivière et son unique héritier, premier propriétaire foncier de la paroisse de Bourbriac et dernier seigneur de Kerauffret... et de bien d'autres seigneuries.

Notes

1. André-Yves Bourges, « Classes sociales à Bourbriac au xv e siècle », Pays d'Argoat n° 7. 2. Bernard Tanguy, « Dictionnaire des noms de communes, trêves et paroisses des Côtes-d'Armor », Ar Men, 1992. 3. Sigismond Ropartz, Saint-Adrien, annales des Côtes-du-Nord (1863). 4. Il s'agit de Pierre Bizien du Lézart qui, en 1583, possède Parc Lan. 5. Les montres étaient des revues de gens d'arme (celle dont il est ici question était une montre générale, c'est-à-dire de temps de paix). Les montres consistaient à vérifier l'état des armes et des équipements. (D'après Marcel Planiol, Histoire des institutions de la Bretagne , t. IV, p. 33.) 6. Fauls à connys : réserve à lapins. 7. Il y avait aussi un étang à Kergadiou, dans lequel on découvrit en juin 1760 le cadavre d'un enfant nouveau-né, ce qui, bien entendu, provoqua une enquête. 8. Cette version corrige ce qui a été avancé dans Pays d'Argoat, n° 18, « La seigneurie du Sullé en Plésidy » , p. 28, c'est-à-dire l'hypothèse d'une succession collatérale. 9. Si l'on en croit Jollivet, le château n'existe plus en 1856 et seul demeure le logement du régisseur. 10. Sigismond Ropartz, Guingamp, 1.1, p. 201.

Yannig Botrel

Le Livre d’or de Bourbriac et De son Canton

Pays d’Argoat N° 19 Edmond Rébillé Depuis qu'Albert Besnier, professeur au lycée de Saint-Brieuc m'a, en 1942-1943, enseigné l'histoire de Bretagne, depuis que l'étude ultérieure des ouvrages de Waquet, Mussat, Debidour m'a révélé la richesse de l'art breton, depuis que la lecture de nos quasi-concitoyens Anatole Le Braz et François Menez a magnifié la poésie dont je parais spontanément le terroir de mon enfance, je n'ai eu de cesse que de rechercher les témoignages historiques, artistiques, littéraires des hommes de talent qui auraient pu laisser un témoignage - oublié - sur Bourbriac et son canton ainsi que l'ont fait entre autres, pour Bulat et Carnoët, Mérimée ; pour Plestin Michelet et Maufra ; pour Paimpol Loti et Dabadie, etc. J'ai longtemps cru que le canton de Bourbriac, où j'ai vécu onze années de mon enfance, n'avait pas eu le bonheur d'être célébré. J'ai alors entrepris l'inspection sys- tématique - non encore achevée - des ouvrages et revues parus depuis 1830, date où commença l'exploration systématique et exhaustive de la péninsule armoricaine, Ogée et ses pairs de la fin du XVIII e et du début du XIX e siècles n'ayant pu vérifier sur place les inventaires dressés par leurs correspondants. J'ai eu ainsi le plaisir et la surprise de découvrir que les cantons de L'Argoat 22 avaient reçu bien plus de visiteurs éclairés que je ne le pensais. Nous allons aujourd'hui visiter le canton de Bourbriac sur les pas d'une quinzaine d'auteurs. Bourbriac En 1778, le brave OGÉE 1, parlant de Bourbriac, qu'il n'a certainement pas visité, cite les mines de fer du bois de Carlios (Coat Liou). Dans le Foyer breton (1844), Emile SOUVESTRE 2 situe la nouvelle «La ferme des nids» en Bourbriac. Désireux de solitude, l'auteur prétexte un désir de chasse et part, muni de tout l'attirail meurtrier, à la ferme des nids à peu de distance de Bourbriac. C'est un vieux manoir de gentilhomme ruiné, avec un pavillon de deux chambres tapissées de toiles d'araignées et des bâtiments d'exploitation. Le fils étudie la prêtrise à Guingamp. Un jeune Kernewodd (Kemevad, Cornouaillais) idiot, surnommé Larvik (petite vermine) garde les moutons sur la lande : « Placé sur le penchant de la vallée, Keméïs était environné d'un labyrinthe de bosquets, de taillis et de haies vives, auquel il devait sans doute son nom de ferme des nids. C'était comme un enchantement de clairières qui morcelait la vallée en mille retraites encadrées de feuillages avec chacune un coin de ciel qui teignait une nuée ou qu'éclairait une étoile... Une fontaine qui sourdait au niveau des herbes arrosait un étroit vallon dans toute sa longueur. Il était fermé d'une haie de prunelliers entremêlés de clématites sauvages et de troènes. Près de la source une touffe d'aubépines formait un toit parfumé. Mon ravin servait de théâtre... Au-dessous de landes tachetées de genêts fleuris, se déroulaient d'agrestes campagnes entrecoupées de bois et de pâtures. De loin en loin seulement quelques légères fumées qui s'élevaient du milieu des arbres, quelques mugissements de vaches égarées dans les her- bages, quelques champs de blé d'un vert plus régulier et plus ondoyant avertissaient l'œil de la présence des hommes. »

______1. Jean-Baptiste de son prénom, 1728-1789. Ingénieur géographe à Nantes. 2.1806-1854. Né à Morlaix. 3 En 1857, Charles DE KERANFLEC'H écrit que : «entre l'Étang Neuf et Bourbriac, il faut franchir trois mortelles lieues... La route Plésidy-Bourbriac est un long serpent qui revient vingt fois sur lui-même, entourant les crêtes de ses replis. Nous avons visité un monument assez singulier sous lequel fut enseveli, il y a environ deux ans, un pauvre diable qui avait eu l'idée d'y pratiquer une fouille incognito, dans l'espoir de trouver le trésor des Korrigans. C'est un monticule conique de terre rapportée de cinq ou six mètres d'élévation. Nous serons très porté à l'attribuer à l'époque primitive 4. » En 1877, Lan INIZAN relate dans La Bataille de Kerguidu (« Emgann Kergidu ») la mort de Loull ar Bouc'h, curé assermenté de qui serait mort empalé dans une fosse à loups du bois de Coat Liou. Jef Philippe a rapporté l'histoire dans La Révolution dans le Trégor, tome 1, page 388. Vers 1860, François LUZEL 5, le grand folkloriste du Vieux-Marché, rapporte la gwerz de Jeanne Le Guern, qui avait conscience d'avoir tant péché qu'elle avait fait le pèlerinage de Notre-Dame-de-Bon-Secours à Guingamp : « Je n'ai nié aucun péché, Mais j'ai fait sept promesses ; Oui, sept promesses pour mon malheur, Sans me marier à aucun ! « - Jeanne Le Guern, dites moi, A qui fîtes-vous la première promesse? - A Yves Le Bail, de Bourbriac, Oui, à celui-là, je promis le premier. « Le prêtre à ces mots Est monté sur sa haquenée Et est allé à Bourbriac. «- Yves Le Bail, dites moi, Voulez-vous délivrer une âme damnée En prenant Jeanne Le Guern pour femme? - Je ferai ce que vous me direz, Je prendrai Jeanne Le Guern pour femme. » On voit que dès cette époque les hommes de Bourbriac étaient pleins de bonne volonté. Ceci n'empêcha pas Jeanne Le Guern de tomber entre les griffes du Diable. Théophile BOTREL 6 a composé une chanson de Coat Liou qui a été publiée dans le n°4 de Pays d'Argoat : « Aujourd'hui parmi la jeunesse Nouvelle mode : Au lieu d'assister à l'office Ils vont se promener à Coat Liou. » « Breman e louez ar yaouankiz ; Un habitua a zo nevez : Kentoc'h evit mont d'an ofis Da GoadLiou c'h eont da vole. »

______3.1827-1899. Né à Guingamp. 4. Il s'agit du tumulus de Tanouédou. 5. 1821-1895. Né au Vieux-Marché 6.1892-1955 En 1925, Charles DE PONTSERRY relate dans La Bretagne touristique « la fête des drapeaux » de Bourbriac : « Le bourg de Bourbriac est campé sur une colline de granit tout enverdurée, dont la masse consomme le divorce entre les eaux presque rivales du Guer et du Blavet et les contraint à courir vers des mers opposées. Les ruines de son château-fort attestent que l'histoire écrivit là plusieurs de ses feuillets. » La gwerz de l'Ermite de Kroaz Huet, ou Bellevue en Pont-Melvez, rapportée par Arthur BOURGES , évoque le bois de Coat Liou : « Par dessus la tourelle de Coat Liou la lune s'était levée. Le temps était clair, les étoiles brillaient. Sur la colline de Kroaz Huet, une heure après minuit, Du milieu de terre se leva un vieillard. » « Dreist d'an tourel Koad-Liou al loar a oa savet, An armer a oa splan, lugerni're ar stered. Diwar Krec'hen Kroaz Huet, d'an eur an hanter-noz, Dimeuz kreiz an douar e savas eun den koz. » Gustave GEFFROY 7 rapporte qu'au pardon de Saint-Briac, réputé guérir les épileptiques, ceux-ci « doivent venir sept ans de suite. S'ils font un faux pas pour franchir la porte du sanctuaire, ils sont obligés de recommencer une année de plus. » En 1927, François MENEZ 8 écrit : « Je voyais pour la première fois le pays de Kemé, et ce premier contact me fut une révélation. Je n'avais en effet jamais dépassé jusqu'à ce jour Bourbriac, dont le clocher est, vers les terres à froment du nord, la borne extrême de Cornouaille, ni les bords de Coat Liou, qui sont vraiment à l'automne les bois de la couleur : de l'or, de la pourpre et de l'émeraude. » Dans Sentiers et randonnées de Bretagne, Alain BAUDOIN 9 décrit avec enthousiasme le « circuit montagnard de Bourbriac » : « Cette magnifique promenade en dents de scie qui nous fait dévaler au creux de profonds vallons où serpentent des ruisseaux courants, puis grimper sur les pentes boisées et riantes de la "montagne" de Bourbriac, ne laissera pas d'étonner même les Bretons qui ne soupçonnent peut-être pas qu'ici la Bretagne prend des allures montagnardes... La surprise ne provient pas de l'altitude puisque l'on culmine à 230 mètres, mais de l'ensemble du décor, d'un paysage magnifique qui semble presque étranger à la Bretagne... Cela fait un peu bas Jura ou contrefort auvergnat. »

Edmond RÉBILLÉ évoque aussi la tourelle de Coat Liou : « Je poussai la lourde porte de bois écaillé d'un coup d'épaule qui me valut une bordée de regards admiratifs. Je menai la compagnie au pas de charge jusqu'à la plateforme métallique qui geint et vacille au sommet de l'escalier. .

______7. 1855-1926. Né à Morlaix. 8. 1887-1945. Né à Saint-CIet 9. Auteur contemporain. J'y pris place seul, tel à sa dunette un capitaine de navire chancelant sous les vagues. Je fermai les yeux dans l'attente des épais paquets d'eau mousseuse qui ne manqueraient pas de gicler à travers les trouées ouvertes dans les superstructures par le bris des vitrages... Entre ces barreaux, je penchai un visage interrogatif : l'océan glauque s'était retiré, faisant place à une verte houle de frondaisons trémulantes. »

Mais l'église est également pleine de charmes :

« Qu'est-ce qui est le plus beau dans ce clocher ? Tout. La tour massive avec ses baies géminées ; les deux terrasses, avec les balustrades et quatre clochetons, la flèche si finement effilée, avec son coq que Jean-Maï Guilcher, « l'homme des clochers », va périodiquement consolider. Le clocher de Bourbriac supporte la comparaison avec ceux de Bulat et Guingamp. J'en suis fier : j'ai l'esprit de clocher. »

Kérien

Écoutons Auguste Dupouy 10 dans La Basse Bretagne :

« Quel château d'eau que la montagne bretonne ! Issu d'une des dernières cimes de l'Are, le Blavet court du nord au sud, se grossit au passage de tout un réseau d'affluents, bondit en sauvage parmi les rochers, disparaît sous leur voûte dans les gorges de Toul Goulic. »

Cent ans plus tôt, l'abbé AUDO écrivait :

« Sur les limites des anciens diocèses de Comouaille et de Tréguier, Kérien est comme perdu sur le sommet des montagnes d'Arrhes. »

Magoar

François MENEZ , dans Les Jardins enchantés de Cornouaille s'extasie sur la contrée :

« Aussi quel enchantement passé la ligne de faîte de Kérien et de , de voir s'étendre à mes pieds, dans la conque d'or qui sépare les monts, la flambée des ajoncs en fleur, comme une offrande au soleil !

J'ai vagabondé dix jours durant par les chemins qui s'en vont droit comme des flèches au milieu des solitudes, poursuivi par le cri des grillons et par le cantique des alouettes.

Des croix de pierre détachaient, au croissant des routes, leurs fûts penchés sous le vent des crêtes et les formes tordues de leurs larrons suppliciés. »

______10.1872-1967. Né à Concarneau. Plésidy OGÉE , qui se basait souvent sur ses correspondants, semble avoir visité Plésidy : « Ce territoire, arrosé des eaux de la rivière de Trieux et de plusieurs petits ruisseaux, renferme des pâturages abondants, des terres en labour et beaucoup de landes... Comme la paroisse de Ploësidi était environnée de forêts, les descendants du comte de Penthièvre bâtirent à l'extérieur de ce territoire le château d'Avaugour pour leur servir de retraite lorsqu'ils iraient prendre le divertissement de la chasse. » Les vestiges de ce château se trouvent aujourd'hui en Saint-Pever. Auguste DUPOUY aime « Plésidy et son bon fumet d'étable. C'est un pays bossu, raviné, parcouru d'eaux vives, dominé par de grands bois : Coatliou, Avaugour, Coatmallouën ». François MENEZ , dans Les Jardins enchantés de Cornouaille évoque la contrée : « C'était au temps où n'existait pas encore le petit train de Plésidy qui, soufflant et ahanant, en grimpant les rampes, s'enfonce par toutes petites étapes au cœur de la Bretagne bocagère. » 11 En 1907, François SIMON , imprimeur à Rennes, ami d'Anatole Le Braz, publie sous le pseudonyme de Simon D’AVAUGOUR un recueil intitulé Sous le ciel gris qui sera suivi de deux autres recueils : Les fronts têtus (1908) et Ceux de la côte (1910).

Pont-Melvez Traitant de Pont-Melvez, la Revue de Bretagne et de Vendée de 1912 rapporte ceci: « Jusqu'à la Révolution, les paysans furent soumis dans certaines seigneuries à des devoirs bizarres, d'origine féodale, d'un caractère souvent humiliant, tel le "saut dans la rivière" imposé aux jeunes mariés de Pont-Melvez le lundi de Pâques. Ce jour-là, après la grand-messe, tout le monde descendait vers le Léguer ; en présence du Commandeur des Templiers les jeunes mariés de l'année étaient priés de sauter trois fois dans la rivière. Pour demeurer exempt il fallait payer une amende. » Pour Hervé Le Goff , c'était un rite purificatoire. Arthur BOURGES 12 rapporte le texte de la soupe au lait, tradition qui dura jusqu'en 1925. Deux ou trois cents jeunes gens des environs allaient porter la soupe au lait aux jeunes mariés et se livraient à des joutes oratoires : « Ayez la bonté de m'ouvrir votre porte Que j'entre en votre maison avec ma soupe au lait; Ouvrez-moi votre porte et ouvrez la grande Ou je l'ouvrirai avec un marteau d'argent. » « Digorit d'in o dor ma eo och modèleriez Ma entrein e ho ti gant ma soubenn al laez Digorit d'in o dor hag digorit-hi vrank Pe me o digorou gant ar morzai arc'hant. »

______11.1860-1937 12. Instituteur à Pont-Melvez A quoi les invités répondaient : « Ce n'est pas de la soupe au lait, ayant couru par des chemins boueux, Qui servira ce soir de souper aux gens de la noce, Ici il y a un quartier de mouton pesant sept livres Pour le souper des gens de la noce ce soir. [...] « Ici il y a des cuillères de bois Venues de Coat an Nay II n'y a pas dans ce pays De pareilles cuillères. »

« Ne ket soubenn al laez galompet dre or pri A deuou da dud en eured vit noz da had koagni Aman zo ar chanter maont zo seiz liur ennan A zo d'an dud an eured evit noz d'ho hadkoagnian. [...] « Aman ' zo loaïou koat Deuet diouz Koat an Nay Neusket er vro-man Loaïou koat evelse. »

Saint-Adrien

Alain BAUDOUIN décrit Saint-Adrien :

« Quelques maisons, des fermes éparpillées, voilà Saint-Adrien, gros hameau... Passé le croissant des routes de Coadout et Saint-Péver, toujours quelques maisons disséminées avec leurs appentis en bois, grossièrement bâtis. Une impression d'ensemble d'une grande austérité avec ces lourdes chaumières aux pierres grises. »

13 Cent vingt ans plus tôt (1863), Sigismond ROPARTZ exprimait déjà la même impression, alors que la commune était deux fois plus peuplée :

« Saint-Adrien est aujourd'hui une petite paroisse de 600 âmes qui domine le cours du Trieux. Le grand chemin de Guingamp à Corlay passe à quelques pas du bourg et de l'église perdue dans un massif d'ifs séculaires et de frênes vigoureux. »

Senven-Lehart

Abritant un chef-d'œuvre, son calvaire, le modeste bourg de Senven-Lehart peut paraître pauvre et triste à Gwenchlan LE SCOUÉZEC dans Pierres sacrées de Bretagne :

« Si ces trois femmes ont quelque chose de fascinant, c'est qu'elles émanent des profondeurs de l'âme collective, triple mère et triple parque. Ces visages, au vrai, dépassent la douleur pour prononcer et accepter le destin. Il est difficile, avec si peu de lignes, de faire surgir tant d'âme de la pierre. ______13.1824-1878. Né à Guingamp. Dans Le Diable est mort à Burthulet du signataire de ces lignes, Hervé Stanquer, le héros (?) s'adresse à la Vierge du calvaire : « Des plis creusent tes joues et ton front entre tes hauts sourcils, qui dominent des yeux immenses, ovales, étirés vers les tempes, avec des paupières boursouflées dont l'inférieure ressemble à la margelle d'un puits, d'où doivent ruisseler, quand tu es seule la nuit, des filets de larmes, alors que la supérieure se relève comme si elle interrogeait Dieu, comme si elle prenait l'humanité à témoin de la douleur qu'on t'a infligée... On en a bavé autant l'un que l'autre [...], on a encaissé dignement [...], on est de la même race.

Edmond Rébillé

1993.

Bibliographie

AUDO (Abbé), articles. BAUDOIN Albert, Sentiers et randonnées, 1976. BOTREL Théophile, Chansons. BOURGES Arthur, Chez les Moines rouges de Pont-Melvez. DAVAUGOUR Simon, Sous le ciel gris. DUPOUY Auguste, La Basse-Bretagne. GEFFROY Gustave, La Bretagne. DE KERANFLEC 'H Charles, Voyage dans les Monts-d'Arrée . INIZAN Lan, La Bataille de Kerguidu . LE SCOUÉZEC Gwenchlan, Pierres sacrées de Bretagne. MENEZ François, Aux jardins enchantés de Cornouaille. OGÉE Jean, Dictionnaire de Bretagne. RÉBILLÉ Edmond, Le Diable est mort à Burthulet. RÉBILLÉ Edmond, Journal de guerre d'un jeune homme sage (à paraître). ROPARTZ Sigismond, Histoire de Guingamp. SOUVESTRE Emile, Le Foyer breton.