ÉTUDE STRATIGRAPHIQUE SUR LE CRÉTACÉ SUPÉRIEUR DE LA VALLÉE DU RHÔNE ENTRE VALENCE ET AVIGNON ET DES RÉGIONS VOISINES Par Jacques SORNAY
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ÉTUDE STRATIGRAPHIQUE SUR LE CRÉTACÉ SUPÉRIEUR DE LA VALLÉE DU RHÔNE ENTRE VALENCE ET AVIGNON ET DES RÉGIONS VOISINES par Jacques SORNAY INTRODUCTION I. — Historique. Il y a plus d'un demi-siècle, exactement en 1885, paraissait la thèse de Jean Emmanuel FALLOT intitulée « Etudes géologiques sur les étages moyens et supérieurs du Crétacé dans le SE de la France». Dans sa préface, l'auteur nous dit comment, à l'origine, il espérait pouvoir exposer l'histoire complète de cette période géo logique dans tout le SE, mais qu'après ses premières campagnes sur le terrain, il a dû renoncer à ce projet trop ambitieux. Tel qu'il nous apparaît, ce travail est cependant considérable. FALLÛT a vu et étudié le Crétacé et tout particulièrement les niveaux supérieurs (Aptien à Sénonien) depuis la région de Nice jusqu'à celle de Montélimar. Partant de la côte méditerranéenne, il traite successivement la région d'Eze et de Nice, puis les vastes affleure ments crétacés au S de Puget Théniers. De là il passe à la région de Castellane dont il étudie les deux faciès du Crétacé supérieur. Sui vant le cours de la Durance, il nous amène jusqu'au Comtat Venais- sin. Il ne s'étend guère sur ces régions, non plus que sur le massif d'Uchaux un peu au N d^Orange. Il insiste beaucoup plus, par contre, sur le Crétacé de l'W de la Drôme, où les bassins de Dieulefit et de la Forêt de Saou sont étudiés pour la première fois en grand détail. Un des points les plus intéressants du travail de FALLOT est l'es sai de coordination des dépôts du Crétacé supérieur fait par l'auteur en manière de conclusion. Une pénétrante analyse des faciès du Céno- manien, en particulier, lui permet d'établir un schéma des condi tions paléogéographiques régnant dans le SE, schéma que les recher ches ultérieures ne devaient que peu modifier. Dans le Cénomanien il distingue en effet : 36 JACQUES SORNAY. a) Un faciès marno-calcaire ou vaseux (E du bassin de Dieulefit, région orientale des Basses-Alpes). b) Un faciès gréso-sableux, occupant approximativement l'W du département de la Drôme et du Vaucluse. c) Un faciès à Orbitolines et à Exogyra columba, de caractère sa bleux dans les régions S du Vaucluse et du Gard, plutôt marno- gréseux dans le S des Basses-Alpes. Il déduit de leur répartition géographique l'existence d'une large communication entre la mer alpine profonde et celle couvrant la région rhodanienne. L'existence de l'isthme durancien séparant plus ou moins complètement, suivant les époques, cette dernière des mers occupant la région de Marseille, existence déjà établie par COLLOT du côté de la Basse Provence (1890), est confirmée par l'exa men des faciès du côté du bassin rhodanien. Pour FALLOT ce sont les couches à Ostracés et Orbitolines qui marquent la proximité des rivages le long de cette ancienne terre ainsi qu'en bordure du Massif Central. L'étude des étages suivants n'apporte aucun fait nouveau à cette représentation paléogéographique; et d'ailleurs le flottement qui ré gnait alors en ce qui concerne l'établissement du parallélisme des divers niveaux du Sénonien entre le SE et le reste de la France, rendait illusoire toute tentative sérieuse de ce chef. FALLOT a cepen dant bien eu l'intuition du recul des mers sénoniennes vers l'E à mesure que l'on s'adresse à des dépôts plus jeunes et à leur rempla cement par des formations saumâtres puis lacustres. Son travail présente pourtant une grave lacune. Toute la rive droite du Rhône, où existent d'importants affleurements de Crétacé supérieur, est laissée de côté. En somme FALLOT a bien eu l'idée que la moyenne vallée du Rhône était couverte durant la seconde moi tié du Crétacé par un vaste golfe ouvert à TE sur la mer alpine, limité au S par l'isthme durancien et à l'W par le Massif Central, mais tandis qu'il étudiait avec grand soin les dépôts de l'axe du golfe et des rivages S, il en laissait complètement de côté les rives occi dentales. Ce n'est pas que ces dernières régions nous soient inconnues. A peu près en même temps que FALLOT, deux géologues locaux, Emi- lien DUMAS et Louis DE SARRAN D'ALLARD donnaient de nombreux renseignements sur le Crétacé supérieur dans le Département du Gard, bien que ni l'un ni l'autre ne se soient livrés à des essais de reconstitution paléogéographique. Depuis FALLOT, de nombreux travaux ont paru sur le Crétacé supérieur du SE de la France, mais toujours ayant trait à des régions CRÉTACÉ SUPÉRIEUR DE LA VALLEE DU RHÔNE, 37 délimitées, comme ceux de PAQUIER (1900), pour ne citer que lui. Et, en somme, depuis 1885, aucun essai de synthèse n'a été tenté à propos du Crétacé supérieur. Le travail présenté ici vise en partie à combler cette lacune. Il tente de synthétiser tout ce que nous savons sur les dépôts de la moyenne vallée du Rhône depuis le Cénomanien jusqu'au Sénonien, ou enfin à reprendre le travail de FALLOT, complété par les recher ches de ses successeurs, et les miennes propres. Le plan de ce travail sera le suivant : dans une première partie seront étudiés les affleurements de l'W de la Drôme et de l'Ardèche orientale. La deuxième traitera du S de la Drôme, du Vaucluse et du Gard. Enfin dans la dernière partie seront décrites la répartition et l'évolution des faciès au Crétacé supérieur dans le golfe rho danien. IL — Le golfe rhodanien : limites, cadre, géographie. a) Limites. J'ai désigné dans un travail antérieur (1946) sous le nom de « golfe rhodanien » cette dépendance de la mer alpine s'étendant au Crétacé supérieur sur l'emplacement de la moyenne vallée du Rhône à peu près entre les latitudes de Privas et d'Avignon *. Je continuerai à employer ce terme au cours des pages suivantes. Quant aux limites de ce golfe, les derniers affleurements qui lui correspondent s'emplacent vers l'W à moins d'une vingtaine de kilomètres du Cristallin du Massif Central, en bordure de la plaine tertiaire d'Alès entre Vallon en Ardèche et Serviers près d*Uzès . dans le Gard. Du côté de l'W on a donc seulement une limite d'éro sion. Il en est de même des limites S (région d'Uzès, SW du Ventoux, région Volonne-Oppedette). Mais, aussi bien contre le Massif Cen tral que du côté de l'isthme durancien, les limites réelles ont dû être assez proches de la limite actuelle d'érosion. Les nombreuses la cunes montrées par la série stratigraphique dans ces régions sont un indice certain de la proximité des rivages. Du côté de l'E je me bornerai dans ce travail à l'étude des faciès littoraux ou néritiques. C'est dire que je laisse de côté tous les * J'ignorais alors l'existence d'un travail de RICHTER (1938) dans lequell l'auteur allemand désigne la même région par le terme de « rhodanische Bucht » dont « golfe rhodanien » est synonyme. d es c* 4> O G G CRÉTACÉ SUPÉRIEUR DE LA VALLÉE DU RHÔNE. 39 affleurements situés à l'E d'une ligne Die-Le Buis-St Etienne les Orgues (région de Rosans, synclinaux de la Charce, de Roussieu et de Mévouillon), où les faciès sont en majorité bathyaux. Enfin la limite septentrionale passe par la vallée de la Drôme. Au N de celle-ci, en effet, on pénètre dans le Vercors dont l'histoire au Crétacé supérieur est entièrement différente de celle des pays situés plus au S. Telles quelles, ces limites ne sont qu'un cadre destiné à faci liter la compréhension du sujet. L'histoire compliquée du vaste golfe qu'elles enserrent ne serait pas concevable en faisant abstraction des régions voisines. Aussi j'aurai souvent l'occasion d'empiéter sur les limites que je me suis tracées, surtout vers l'E et le N. C'est ainsi que les dépôts des Gas, non loin de Châtillon en Diois, s'expliquent à la fois par l'histoire géologique du Vercors et par celle du golfe rhodanien. De même les affleurements à faciès littoral de la région de Comps du Var se lient intimement, au Cénomanien, à ceux que présente cet étage au N du bassin tertiaire de Forcalquier. b) Rôle morphologique du Crétacé supérieur. Ce rôle est modeste dans la région rhodanienne. Les affleure ments sont en effet trop restreints et trop écartés pour constituer une région naturelle. En outre le caractère néritique de ce Crétacé supérieur entraîne une grande variété dans les roches et par suite dans les formes du relief. 11 n'y a rien ici de comparable aux harmo nieuses combinaisons de falaises et de ressauts caractéristiques du Jurassique et du Crétacé inférieur dans les chaînes subalpines du N. En général les régions occupées par du Crétacé supérieur montrent des séries de collines groupées sans lignes directrices bien nettes. De courtes falaises marquent çà et là l'existence de bancs calcaires plus durs au milieu de masses monotones de grès jaunâtres Seuls les grands affleurements du bassin de Dieulefit et de la Forêt de Saou tiennent une place importante dans le paysage. Ici les niveaux gréseux caractérisant le Turonien plus à l'W sont remplacés par une épaisse série calcaire qui donne la longue crête bordant le syn clinal de Dieulefit au N et surtout l'imposant bastion de la Forêt de Saou, ligne de hautes falaises presque continue entourant une val lée elliptique longue de plus de quinze kilomètres.