Les Perier Dans L'isère Au Xixe Siècle. D'après Leur Correspondance Familiale
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LES PERIER DANS L'ISÈRE AU XIXe SIÈCLE d'après leur correspondance familiale COLLECTION DES CAHIERS D'HISTOIRE publiée par les Universités de CLERMONT, LYON GRENOBLE 7 LES PERIER DANS L'ISÈRE AU XIXe SIÈCLE d'après leur correspondance familiale par Pierre BARRAL Professeur à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Nancy Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 108, Boulevard Saint-Germain — PARIS-VIe 1964 DÉPÔT LÉGAL 1re édition 26 trimestre 1964 TOUS DROITS de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays @) 1964, Presses Universitaires de France A tout Français, le nom de Perier évoque deux figures en vue de notre histoire nationale ; Casimir Perier qui, non sans brutalité, restaura l'Etat en des heures difficiles, et Jean Casimir-Perier, son petit-fils qui, porté à la tête de la nation, abandonna presque aussitôt la magistrature suprême, se jugeant prisonnier de sa charge et exclu de l'action. Ces hommes n'étaient pas des individus sans racines, ils appar- tenaient à une grande famille qui compta beaucoup de personnalités remarquables. Entre eux, Auguste Casimir-Perier, moins connu, plus attachant peut-être, joua un rôle décisif près de Thiers dans les années 1871-1876. Avant eux, Claude Perier, recevant chez lui à Vizille l'assem- blée illégale du 21 juillet 1788, se trouva le parrain de la Révolution dauphinoise. A côté d'eux, nombreux furent les frères, les cousins, les alliés, qui siégèrent dans les assemblées parlementaires du XIXe siècle. Depuis Madame de Staël, on parlait d'eux comme d'une « tribu », terme un peu familier, mais bien évocateur 1. Si, à Paris, note un témoin de 1830, leur « illustration... n'était guère qu'un reflet de celle du député- ministre, à Grenoble, la notoriété et l'influence de la famille primaient celles de chacun de ses membres 2 Leur puissance politique ne faisait que traduire leur puissance sociale. Le commerce, l'industrie, la banque avaient procuré aux Perier une fortune considérable qui leur assurait tout naturellement l'influence. Ils constituent un bon exemple de ces grands notables qui dirigèrent la France pendant cent ans, après les gentilshommes et les « robins > de l'Ancien Régime, avant les « hommes nouveaux » de la « République des Comité.s». Une monographie de la famille Perier peut donc éclairer notre connaissance de toute une société. Au moment même où le pouvoir leur échappait, Agénor Bardoux publia une des premières études sur cette haute bourgeoisie. Son évo- cation, attentive à la vie sociale en même temps qu'à la vie politique, néglige malheureusement les fondements économiques; surtout, elle pèche par une idéalisation dithyrambique 3. Il en est de même pour l'ouvrage qu'à cette époque Eugène Choulet consacra aux Perier; pré- cieux et assez sûr dans les détails, il ne cache pas un parti pris d'admi- ration officielle Les socialistes au contraire éprouvaient une hostilité farouche con- tre cette puissante dynastie capitaliste, « les Perier d'Anzin » : on sait 1 Ch. DE RÉMUSAT, Mémoires de ma vie, éd. Pouthas, Paris, 1959, p. 130. 2 A. COURNOT, Souvenirs, Paris, 1913, p. 158. 3 A. BARDOUX, La bourgeoisie française (1789-1848), Paris, 1886, 443 p. 4 E. CHOULET, La famille Casimir Perier, Grenoble, 1894, 378 p. quelle envolée cruelle, presque haineuse, elle inspira à Jaurès s. Il y a quinze ans, M. Beau de Loménie a cité souvent les Perier quand il a passionnément dénoncé « les responsabilités des dynasties bour- geoises 6 »; il a mis particulièrement en lumière la continuité de leur influence à travers les régimes, non sans bien des systématisations et des approximations. Nous ne voulons faire ni panégyrique ni réquisitoire, nous nous efforcerons de connaître et de comprendre, non de juger. «Il y a peut- être ici, disait Rémusat, un gendre, dix personnages de romans anglais 7. » Toutefois, historien, nous ne pouvons mener nos héros avec la libre imagination d'un romancier s. Nous devons nous astreindre à l'analyse attentive des documents, au lent travail des recoupements, à l'humble aveu des ignorances. Notre récit s'efforcera d'extraire tout ce qui sel trouve dans les sources, mais rien de plus. S'il perdra souvent en couleur, peut-être apportera-t-il parfois la saveur exaltante de l'authenticité. Une chance particulière 9 nous a permis de rassembler un ensem- ble important d'autographes, inédits pour la plupart. Nous avons donc choisi la formule d'un recueil de textes. Nous publions intégralement les plus riches et nous insérons dans nos introductions de larges frag- ments des autres io. Il pourra en résulter quelques redites, mais, espé- rons-nous, le lecteur sentira ainsi revivre avec une présence exception- nelle les hommes et les femmes d'autrefois. Rien ne vaut une corres- pondance assez abondante pour évoquer un milieu, définir une men- talité, expliquer des actions. Si nous voulions traiter toute l'histoire de la famille, l'ouvrage devrait prendre de grandes dimensions. D'origine dauphinoise, les Perier sont venus tôt à Paris et ils ont acquis des intérêts dans une vingtaine de départements. Leurs relations nombreuses et en particulier leurs alliances nécessiteraient en outre de larges recherches sur toute la bourgeoisie du XIXe siècle. Nous avons dû nous limiter. Sans nous interdire assurément une esquisse d'ensemble, nous nous sommes atta- ché plus spécialement aux membres de la famille qui ont vécu à Gre- noble, à Vizille et dans l'Isère : Augustin et Alphonse Perier, Savoye- Rollin, les Teisseire, les Chaper, Auguste Casimir-Perier... Nous nous sommes abstenu notamment de refaire l'histoire du président du Con- seil et celle du président de la République. Notre publication doit beaucoup aux érudits qui, descendants de Claude Perier, ont rassemblé les pièces familiales avec piété et cons- titué des fonds que nous avons pu utiliser. Nous ne saurions rendre 5 Cf. A. DANSETTE, Histoire des Présidents de la République, Paris, 1954, p. 99, Cf. aussi Bataille dauphinoise, 15 janvier 1911. 6 I, Paris, 1943, 330 p.; II, 1947, 475 p. 7 Lettre du 8 septembre 1825 (dans P. DE BARANTE, Souvenirs, III, Paris, 1893, p. 272). 8 Comment ne pas citer au moins la vivante Famille Boussardel de Phi- lippe HÉRIAT ? 9 Voir plus loin la présentation du Fonds Chaper. 10 Nous n'avons pas cru devoir conserver quelques anomalies d ortho- graphe, d'ailleurs assez rares, ni les fantaisies plus nombreuses de la ponc- tuation. un hommage trop chaleureux à la mémoire d'Eugène Chaper, du colo- nel de Guillebon et du commandant Le Masson. Puissent leurs efforts trouver une digne conclusion dans cet ouvrage, plus indépendant sans doute qu'ils ne l'auraient écrit, mais honnête et loyal 1 Mme Sommier-Perier nous a ouvert ses archives et d'autres mem- bres de la famille Perier, Mme Le Masson, Mme Allizon, M. Morel- Journel, M. Alfred Marchai nous ont réservé un accueil compréhensif. La comtesse de Rémusat et M. Garabiol nous ont communiqué dei nombreux documents de grand intérêt, ainsi que M. Esmonin, M. Jacques Félix-Faure et M. Philippe Mieg. Nous les prions d'agréer nos très vifs remerciements, ainsi que le comte et la comtesse René de Chambrun, qui nous ont reçu avec tant d'amabilité. Notre gratitude se porte éga- lement vers M. Pouthas, M. Jobert, M. Léon, qui nous ont conseillé et encouragé, vers M. Avezou, M. Vaillant, M. Chomel, M. Raymond Girard, M. Vermale, qui nous ont orienté et aidé dans nos recherches. M. Louis Girard, professeur à la Sorbonne, a dirigé ce travail, après avoir jadis guidé nos premiers pas dans l'enseignement; qu'il veuille bien trouver ici l'expression de notre fidèle reconnaissance pour ses remarques bienveillantes et sûres 11. 11 Cet ouvrage était déjà rédigé quand a paru le magistral tableau de M. Jean LHOMME, La grande bourgeoisie au pouvoir (1830-1880), Paris, 1960, 378 p. C'est pour nous une précieuse confirmation de voir que nos remarques s'accordent avec ses conclusions : notamment sur la Banque de France, sur le contrôle de l'administration et sur la fin de la domination bourgeoise. BIBLIOGRAPHIE 1 SOURCES 1. Le Fonds Chaper 1. Le plus grand nombre de nos textes proviennent d'une riche collec- tion rassemblée à la fin du xix' siècle par Eugène Chaper, le plus grand des bibliophiles dauphinois 2. Si celui-ci possédait une curiosité sans limites pour l'histoire de sa province natale, il portait tout naturelle- ment une attention spéciale à la famille Perier dont il était issu. Il avait réuni un bel ensemble de pièces (plus d'un millier), comprenant surtout des lettres reçues entre 1810 et 1848 par ses grands-oncles Augustin et Alphonse Perier, ainsi que par sa grand-tante Joséphine Savoye de Rollin. Après sa mort, le fonds passa par héritage à son fils, puis au beau- fils de celui-ci. Il était conservé au château d'Eybens où eurent accès quelques chercheurs, notamment le colonel de Guillebon et M. Vermale. En 1945-1949, M. Vaillant, Conservateur de la Bibliothèque de Grenoble, et M. Avezou, Archiviste en chef de l'Isère, purent, après des négocia- tions parfois délicates, acquérir la majeure partie de la collection. Un certain nombre de pièces rares avaient été déjà vendues, mais, sem- ble-t-il, elles ne concernaient pas notre sujet. Depuis lors, cette précieuse documentation a été utilisée par M. Léon dans sa thèse sur l'industrie dauphinoise. Dans la plus grande partie cependant, elle est restée inédite. Malgré des lacunes qui laissent cer- tains points obscurs, son extension permet bien des recoupements et, au fil de la lecture, l'histoire de la famille surgit pour l'essentiel.