LES PERIER DANS L'ISÈRE AU XIXe SIÈCLE d'après leur correspondance familiale

COLLECTION DES CAHIERS D'HISTOIRE publiée par les Universités de CLERMONT, LYON 7

LES PERIER DANS L'ISÈRE AU XIXe SIÈCLE d'après leur correspondance familiale

par Pierre BARRAL Professeur à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Nancy

Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique

PRESSES UNIVERSITAIRES DE 108, Boulevard Saint-Germain — -VIe

1964 DÉPÔT LÉGAL 1re édition 26 trimestre 1964 TOUS DROITS de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays

@) 1964, Presses Universitaires de France A tout Français, le nom de Perier évoque deux figures en vue de notre histoire nationale ; Casimir Perier qui, non sans brutalité, restaura l'Etat en des heures difficiles, et Jean Casimir-Perier, son petit-fils qui, porté à la tête de la nation, abandonna presque aussitôt la magistrature suprême, se jugeant prisonnier de sa charge et exclu de l'action. Ces hommes n'étaient pas des individus sans racines, ils appar- tenaient à une grande famille qui compta beaucoup de personnalités remarquables. Entre eux, Auguste Casimir-Perier, moins connu, plus attachant peut-être, joua un rôle décisif près de Thiers dans les années 1871-1876. Avant eux, Claude Perier, recevant chez lui à l'assem- blée illégale du 21 juillet 1788, se trouva le parrain de la Révolution dauphinoise. A côté d'eux, nombreux furent les frères, les cousins, les alliés, qui siégèrent dans les assemblées parlementaires du XIXe siècle. Depuis Madame de Staël, on parlait d'eux comme d'une « tribu », terme un peu familier, mais bien évocateur 1. Si, à Paris, note un témoin de 1830, leur « illustration... n'était guère qu'un reflet de celle du député- ministre, à Grenoble, la notoriété et l'influence de la famille primaient celles de chacun de ses membres 2 Leur puissance politique ne faisait que traduire leur puissance sociale. Le commerce, l'industrie, la banque avaient procuré aux Perier une fortune considérable qui leur assurait tout naturellement l'influence. Ils constituent un bon exemple de ces grands notables qui dirigèrent la France pendant cent ans, après les gentilshommes et les « robins > de l'Ancien Régime, avant les « hommes nouveaux » de la « République des Comité.s». Une monographie de la famille Perier peut donc éclairer notre connaissance de toute une société. Au moment même où le pouvoir leur échappait, Agénor Bardoux publia une des premières études sur cette haute bourgeoisie. Son évo- cation, attentive à la vie sociale en même temps qu'à la vie politique, néglige malheureusement les fondements économiques; surtout, elle pèche par une idéalisation dithyrambique 3. Il en est de même pour l'ouvrage qu'à cette époque Eugène Choulet consacra aux Perier; pré- cieux et assez sûr dans les détails, il ne cache pas un parti pris d'admi- ration officielle Les socialistes au contraire éprouvaient une hostilité farouche con- tre cette puissante dynastie capitaliste, « les Perier d'Anzin » : on sait

1 Ch. DE RÉMUSAT, Mémoires de ma vie, éd. Pouthas, Paris, 1959, p. 130. 2 A. COURNOT, Souvenirs, Paris, 1913, p. 158. 3 A. BARDOUX, La bourgeoisie française (1789-1848), Paris, 1886, 443 p. 4 E. CHOULET, La famille Casimir Perier, Grenoble, 1894, 378 p. quelle envolée cruelle, presque haineuse, elle inspira à Jaurès s. Il y a quinze ans, M. Beau de Loménie a cité souvent les Perier quand il a passionnément dénoncé « les responsabilités des dynasties bour- geoises 6 »; il a mis particulièrement en lumière la continuité de leur influence à travers les régimes, non sans bien des systématisations et des approximations. Nous ne voulons faire ni panégyrique ni réquisitoire, nous nous efforcerons de connaître et de comprendre, non de juger. «Il y a peut- être ici, disait Rémusat, un gendre, dix personnages de romans anglais 7. » Toutefois, historien, nous ne pouvons mener nos héros avec la libre imagination d'un romancier s. Nous devons nous astreindre à l'analyse attentive des documents, au lent travail des recoupements, à l'humble aveu des ignorances. Notre récit s'efforcera d'extraire tout ce qui sel trouve dans les sources, mais rien de plus. S'il perdra souvent en couleur, peut-être apportera-t-il parfois la saveur exaltante de l'authenticité. Une chance particulière 9 nous a permis de rassembler un ensem- ble important d'autographes, inédits pour la plupart. Nous avons donc choisi la formule d'un recueil de textes. Nous publions intégralement les plus riches et nous insérons dans nos introductions de larges frag- ments des autres io. Il pourra en résulter quelques redites, mais, espé- rons-nous, le lecteur sentira ainsi revivre avec une présence exception- nelle les hommes et les femmes d'autrefois. Rien ne vaut une corres- pondance assez abondante pour évoquer un milieu, définir une men- talité, expliquer des actions. Si nous voulions traiter toute l'histoire de la famille, l'ouvrage devrait prendre de grandes dimensions. D'origine dauphinoise, les Perier sont venus tôt à Paris et ils ont acquis des intérêts dans une vingtaine de départements. Leurs relations nombreuses et en particulier leurs alliances nécessiteraient en outre de larges recherches sur toute la bourgeoisie du XIXe siècle. Nous avons dû nous limiter. Sans nous interdire assurément une esquisse d'ensemble, nous nous sommes atta- ché plus spécialement aux membres de la famille qui ont vécu à Gre- noble, à Vizille et dans l'Isère : Augustin et Alphonse Perier, Savoye- Rollin, les Teisseire, les Chaper, Auguste Casimir-Perier... Nous nous sommes abstenu notamment de refaire l'histoire du président du Con- seil et celle du président de la République. Notre publication doit beaucoup aux érudits qui, descendants de Claude Perier, ont rassemblé les pièces familiales avec piété et cons- titué des fonds que nous avons pu utiliser. Nous ne saurions rendre

5 Cf. A. DANSETTE, Histoire des Présidents de la République, Paris, 1954, p. 99, Cf. aussi Bataille dauphinoise, 15 janvier 1911. 6 I, Paris, 1943, 330 p.; II, 1947, 475 p. 7 Lettre du 8 septembre 1825 (dans P. DE BARANTE, Souvenirs, III, Paris, 1893, p. 272). 8 Comment ne pas citer au moins la vivante Famille Boussardel de Phi- lippe HÉRIAT ? 9 Voir plus loin la présentation du Fonds Chaper. 10 Nous n'avons pas cru devoir conserver quelques anomalies d ortho- graphe, d'ailleurs assez rares, ni les fantaisies plus nombreuses de la ponc- tuation. un hommage trop chaleureux à la mémoire d'Eugène Chaper, du colo- nel de Guillebon et du commandant Le Masson. Puissent leurs efforts trouver une digne conclusion dans cet ouvrage, plus indépendant sans doute qu'ils ne l'auraient écrit, mais honnête et loyal 1 Mme Sommier-Perier nous a ouvert ses archives et d'autres mem- bres de la famille Perier, Mme Le Masson, Mme Allizon, M. Morel- Journel, M. Alfred Marchai nous ont réservé un accueil compréhensif. La comtesse de Rémusat et M. Garabiol nous ont communiqué dei nombreux documents de grand intérêt, ainsi que M. Esmonin, M. Jacques Félix-Faure et M. Philippe Mieg. Nous les prions d'agréer nos très vifs remerciements, ainsi que le comte et la comtesse René de Chambrun, qui nous ont reçu avec tant d'amabilité. Notre gratitude se porte éga- lement vers M. Pouthas, M. Jobert, M. Léon, qui nous ont conseillé et encouragé, vers M. Avezou, M. Vaillant, M. Chomel, M. Raymond Girard, M. Vermale, qui nous ont orienté et aidé dans nos recherches. M. Louis Girard, professeur à la Sorbonne, a dirigé ce travail, après avoir jadis guidé nos premiers pas dans l'enseignement; qu'il veuille bien trouver ici l'expression de notre fidèle reconnaissance pour ses remarques bienveillantes et sûres 11.

11 Cet ouvrage était déjà rédigé quand a paru le magistral tableau de M. Jean LHOMME, La grande bourgeoisie au pouvoir (1830-1880), Paris, 1960, 378 p. C'est pour nous une précieuse confirmation de voir que nos remarques s'accordent avec ses conclusions : notamment sur la Banque de France, sur le contrôle de l'administration et sur la fin de la domination bourgeoise.

BIBLIOGRAPHIE

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SOURCES

1. Le Fonds Chaper 1.

Le plus grand nombre de nos textes proviennent d'une riche collec- tion rassemblée à la fin du xix' siècle par Eugène Chaper, le plus grand des bibliophiles dauphinois 2. Si celui-ci possédait une curiosité sans limites pour l'histoire de sa province natale, il portait tout naturelle- ment une attention spéciale à la famille Perier dont il était issu. Il avait réuni un bel ensemble de pièces (plus d'un millier), comprenant surtout des lettres reçues entre 1810 et 1848 par ses grands-oncles Augustin et Alphonse Perier, ainsi que par sa grand-tante Joséphine Savoye de Rollin. Après sa mort, le fonds passa par héritage à son fils, puis au beau- fils de celui-ci. Il était conservé au château d'Eybens où eurent accès quelques chercheurs, notamment le colonel de Guillebon et M. Vermale. En 1945-1949, M. Vaillant, Conservateur de la Bibliothèque de Grenoble, et M. Avezou, Archiviste en chef de l'Isère, purent, après des négocia- tions parfois délicates, acquérir la majeure partie de la collection. Un certain nombre de pièces rares avaient été déjà vendues, mais, sem- ble-t-il, elles ne concernaient pas notre sujet. Depuis lors, cette précieuse documentation a été utilisée par M. Léon dans sa thèse sur l'industrie dauphinoise. Dans la plus grande partie cependant, elle est restée inédite. Malgré des lacunes qui laissent cer- tains points obscurs, son extension permet bien des recoupements et, au fil de la lecture, l'histoire de la famille surgit pour l'essentiel.

1 P. VAILLANT, Les autographes du fonds Chaper acquis par la Biblio- thèque de Grenoble (Petite Revue des Bibliophiles dauphinois, V, 1951, p. 31-39). — R. AVEZOU, Inventaire des documents de la collection Chaper du château d'Eybens acquis par les Archives de l'Isère, Grenoble, 1953, 53 p. 2 Nous présenterons longuement cette intéressante personnalité. Les dossiers sont classés généralement par auteur :

Bibliothèque Municipale de Grenoble Série R : 90546 Casimir Perier. 90561 Notes manuscrites d'Augustin sur le Dauphiné. 90563 Famille Réal. 90564 Succession de Claude Perier 3. 90566 Divers correspondants. 90576 Voyage de La Fayette. 90592 Prunelle de Lière. 90598 et 599. Notes sur la manufacture de Vizille. 9061 6 Joseph. 90617 Alfred. 90618 Alexandre. 90619 Amédée. 90620 Scipion. 90621 Paul. 90622 Alphonse. 90623 ... c ... Adolphe. 90624 Henriette. 90625 Camille. 90626 Pauline. 90627 Antoinette. 90628 Casimir. 90630 et 631. Augustin. 906,32 (1 et 2) Origines de la famille et Claude. 90633 Mort de Fanny. 90634 Eugène. 90635 ...... Succession de Scipion. 90636 ...... Notes d'Eugène. Série N : 1911 Gustave du Bouchage. 1920 Duchesne. 1942 Félix Faure. 1972 Marc Antoine Jourdan. 2098 Moydieu. 2150 Claude Perier. 2167 Rémusat. 219:8 Penet. 2387 Quinsonas. 2396 Prunelle. 2402 et 2403. Teisseire. 2451 Savoye-Rollin. 2452 ...... Joséphine Savoye-Rollin. 2861 ...... Rémusat.

3 Dossier particulièrement important. L'acte de partage, intitulé Liqui- dation de la succession de Claude Perier, contient une véritable histoire finan- cière de celui-ci. Archives Départementales

J 551 Correspondance de Charles Sapey. J 554 Second Empire. J 560 Notes sur Vizille. J 573 Evêques de Grenoble. J 584 Préfets de l'Isère. J 591-592 ... Notes d'Achille Chaper. J 593 ...... Copie de lettres d'Achille Chaper, 1848-1857 (docu- ment capital).

2. Autres fonds d'archives privées.

Avec une bonne grâce exceptionnelle dont nous lui gardons un souvenir particulièrement reconnaissant, M. Garabiol a mis à notre libre disposition la correspondance reçue par les imprimeurs Maisonville, contenant notamment quatre portefeuilles de lettres adressées par Auguste Casimir-Perier. Cette collection nous a été précieuse pour les années 1862-1876. Mme Sommier-Perier nous a généreusement ouvert les archives de Pont-sur-Seine (), déjà utilisées par M. Léon. Surtout riches pour la branche Casimir-Perier, elles contiennent quelques pièces utiles pour notre sujet. La correspondance reçue par Charles de Rémusat et classée par lui avec soin est conservée au château de Lafitte-Vigordane (Haute-Garonne). Grâce à la bienveillante autorisation de la comtesse de Rémusat, nous avons pu y consulter plusieurs dizaines de lettres écrites par les Perier entre 1825 et 1835. Le fonds considérable de La Grange, à Courpalay (Seine-et-), provenant de La Fayette, contient certainement des pièces concernant les Perier. Le comte René de Chambrun le classe actuellement. Les Archives du château de Vizille, acquises par l'Etat avec les bâtiments en 1924, sont aujourd'hui conservées aux Archives départe- mentales de l'Isère : on y trouve presque uniquement des documents fonciers. Diverses pièces concernant les Perier, notamment la branche des Perier-Lagrange, ont été rassemblées dans les dossiers II E 384, 609 et 1109 bis des Archives Départementales. Sauf quelques pièces isolées, les papiers de la branche Chaper ont été extraits il y a une trentaine d'années du fonds d'Eybens. Les héritiers qui en ont la garde n'ont pas cru pouvoir nous les communiquer. Cette lacune est toutefois compensée partiellement par les publications du cha- noine GINON et de M. MOREL-JOURNEL (cf. § 3). La Bibliothèque Municipale de Grenoble possède les lettres adressées par Eugène Chaper à Mgr Charles Bellet, célèbre historien dauphinois (B.M.G., R 9448) et un dossier de divers autographes Perier (R 9837). M. Philippe Mieg a récemment retrouvé plusieurs lettres écrites par les Perier à Joseph Blech, leur ami mulhousien. Il a bien voulu nous les faire connaître avant leur publication. Nous devons à M. le doyen Esmonin, outre l'aide de sa science souriante, la lecture d'un important dossier sur les forêts de l'Oisans. Descendant du premier Félix Faure, pair de France et ami d'Augus- tin Perier 4, M. Jacques Félix-Faure nous a très aimablement ouvert ses archives familiales. Celles des Réal, autres contemporains des Perier, ont été acquises par la Bibliothèque Municipale de Grenoble dans le legs Flandrin (R 9500, 9504, 9505, 9'506). Le docteur Elie Bonnardon, notable vizillois (1786-1863), avait écrit ses mémoires à la fin de sa vie. Les détails en sont parfois déformés, comme le montrent les annotations du colonel de Guillebon (II E 1109 bis). Le texte lui-même a disparu, mais il subsiste une copie partielle faite il y a trente ans par le président Dumolard (B.M.G., R 9836). Enfin, nous devons rendre un hommage de gratitude au colonel de Guillebon qui, issu de la famille, travailla des années sur l'histoire des Perier. S'il ne possédait aucun document original, ses notes, qu'il légua aux Archives Départementales (II E 384, 1109 bis, 1168), ont bien souvent guidé nos recherches. Nous avons aussi tiré profit de fiches rédigées par son parent le commandant Le Masson (château du Bachais).

3. Documents publiés.

ACHARD DE GERMANE. — Lettres adressées à M. de la Coste (éd. C. Perros- sier), Valence, 1891, 275 p. P. DE BARANTE. — Souvenirs, Paris, 1893, III, p. 272-273 et p. 415. A. CASIMIR-PERIER. — Discours et lettres politiques, 1871-1873, Paris, 1873, 124 p. La correspondance de M. Eugène CHAPER, éditée par l'abbé Ginon (B.A.D., IV, 6, p. 1-128). G. MoREL-JouRNEL. — Les origines de la famille Chaper, Lyon, hors commerce, 137 p., et B.A.D., VI, 21-23, p. 413-425. R. DELACHENAL. — Correspondance de Chépy (B.A.D., IV, 7, p. 9-423). F. FAURE. — Notice sur la vie de Marc-Antoine-Marie-Frédéric Faure, capitaine au 4" régiment d'artillerie à cheval, 156 p. (Collection J. Félix-Faure). Lettres de la baronne DE GERANDO, Paris, 1880, 434 p. D'HAUSSEZ. — Mémoires, Paris, 1896, I, p. 312-412. V. JACQUEMONT. — Letters to Achille Chaper, éd. J. F. Marshall, Phila- delphia, 1960, 264 p. Discours de Camille JORDAN, Paris, 1826, 368 p. A. PERIER. — Notice sur Vizille et la manufacture, 1828. Très rare (un exemplaire appartient à M. Mieg). Le manuscrit se trouve dans A.D., J 560. Il existe aussi une première version, antérieure à l'incendie de 1825 (B.M.G., R 9665). Cette notice a inspiré tous les ouvrages postérieurs. A. PERIER. - Histoire abrégée du Dauphiné de 1626 à 1826, éd. E. Cha- per, Grenoble, 1881, 120 p. Opinions et discours de M. Casimir PERIER, éd. A. Lesieur, Paris, 1838, 4 vol. A. PIOLLET. — Mémoires, Valence, 1912, 500 p.

4 Il n'y a aucune parenté avec le président de la République, Havrais issu d'une famille beaucoup plus récente. Ch. DE RJEMUSAT. — Mémoires de ma vie, éd. Ch. Pouthas, Paris, 4 vol., Plon, 1958-1962. Ce texte, tout récemment publié, est d'un intérêt capital pour notre sujet; sa longueur a imposé quelques coupures, mais la Bibliothèque Nationale possède une copie intégrale. L'auteur a bien connu les Perier, et dans la remarquable série de leurs portraits (II, p. 122-130) il s'exprime plus franchement que dans sa « Notice » semi-officielle de 1838, sans toutefois se contre- dire. Observateur très fin, il se laisse parfois entraîner par un goût de la formule qui lui fait durcir certains jugements, mais sa franchise lucide sur lui-même et sur les autres attire la sympa- thie et, peut-on dire, l'amitié. En le lisant, on s'imagine dans un salon du second Empire, écoutant un causeur inlassable qui revit devant vous un demi-siècle d'histoire politique. Lettres de Mme DE STAEL à Mme Savoye-Rollin, 1806-1807, éd. E. Teisseire (Revue des Alpes, 4 juin 1859). STENDHAL. — Correspondance, éd. H. Martineau, 1933-1934, 10 vol. STENDHAL. — Lettres à Pauline, éd. L. Royer et R. de la Tour du Villard, Paris, 1921, 218 p. STENDHAL. — Vie de Henry Brulard, éd. H. Martineau, 1927, 2 vol. Cet ouvrage, qui jouit d'une immense réputation littéraire, fournit une évocation vivante de la société grenobloise à la fin du XVIIIe siècle. On doit tenir compte cependant d'une réelle mé- chanceté qui tend à tout noircir. Souvenirs d'Alsace, correspondance des demoiselles de Berckheim et de leurs amis, Neuchâtel et Paris, 1889, 2 vol., 325 et 347 p. (pré- face de Ph. GODET). Les originaux sont sans doute conservés dans la famille de Dietrich. L'éditeur a commis, pour les années 1813-1815, quel- ques erreurs de dates que nous avons redressées.

4. Archives Administratives.

Archives Nationales Fl bl : Dossiers de préfets : 157 (Chaper), 170 (Camille Perier), 173 (Savoye-Rollin), 174 (Teisseire). Fl C 111 Isère : Correspondance politique. F 30 : Dossiers de receveurs généraux : 2568 (Fontenillat), 2608 (Teisseire), 2609 (Turquin). BB 30 429 (élection de 1863).

Archives des Affaires Etrangères Renseignements sur Eugène Perier.

Archives Départementales 8 M : Elections législatives. 52 M 55 : Visite de Thiers à Casimir-Perier, 1872. Nous avons fait en outre quelques sondages dans les séries C, E, L. Archives Municipales de Grenoble LL 116 et 117 : Déclarations de l'emprunt forcé (1793), notamment 164 (Perier-Lagrange), 172 (Teisseire), 236 (Savoye-Rollin), 264 (Claude Perier).

Archives Municipales de Vizille Registres de délibérations. Registres de copie de lettres 1815-1819, 1822-1829, 1839-1856.

5. Sources imprimées contemporaines.

Les mémoires judiciaires en forment une première catégorie, fort précieuse : Mémoire à consulter pour M. Adolphe Perier, 1851, 17 p. (B.M.G., V 6880). Mémoire pour MM. César Perier, Alfred-Scipion Perier..., 1851, 25 p. (V 6879). Mémoire pour les héritiers de Mme Camille Teisseire, 1853, 56 p. (V 6878). Titres et pièces justificatives pour la famille Perier, Grenoble, 1862, 16,7 p. (0 8824). Mémoire pour Mme Veuve Teisseire, 1872, 82 p. (U 7810). Mémoire pour les héritiers Teisseire, 1876, 122 p. (T 4373). Nous avons utilisé d'autre part de nombreuses brochures politiques et électorales, dont on trouvera la référence au fur et à mesure (cf. E. MAIGNIEN, Catalogue des livres et manuscrits du Fonds Dauphi- nois de la Bibliothèque de Grenoble, III, 19'12, 377 p.), notamment 0 7902 (Duchesne, 1819), O 7951 (Duchesne, 1828), 0 7783 (Augustin, 1831), 0 8027 et X 316, (Adolphe, 1842), V 5485 (Auguste-Casimir, 1863), T 5194 (Léonce Teisseire, 1883). Enfin, nous avons consulté la presse grenobloise du temps. La plu- ralité des journaux et le développement des polémiques la rendent parti- culièrement intéressante après 1830 (cf. E. RoussET, La presse à Gre- noble, 1900, 100 p.).

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ÉTUDES

1. Etudes sur les Perier, leurs parents et leurs amis.

BALLANCHE. — Eloge de Camille Jordan, Paris, 1826 (publié en tête des Discours, xxxv p.). F. BALZWEILER. — Pfeffel et Augustin Perier (Revue d'Alsace, 1895, p. 78-87 et p. 219-230). L. BAUNARD. — Histoire de Madame Duchesne, 26 éd., Paris, 1882, 507 p. BAYLE-MOUILLARD. — Eloge de Joseph-Marie, baron de Gerando, 1846, 96 p. Ch. BELLET. — M. Eugène Chaper (Semaine Religieuse du diocèse de Grenoble, 15 janvier 1891, et tiré à part, 14 p.). G. BERLIA. — Gerando, sa vie, son œuvre, Paris, 1942, 64 p. M. BLANCHARD. — Note sur Claude Perier (A.U.G., 19'14, p. 131-134). R. BouBÉE. — Camille Jordan et ses contemporains (Revue politique et parlementaire, 1897, XI, p. 107-119, p. 388-396; XIII, p. 136-147. R. BOUBÉE. — Camille Jordan en Alsace et à Weimar, Paris, 1911, 255 p. H. CASTILLE. — Casimir Perier, Paris, 1858, 60 p. E. CHOULET. — La famille Casimir Perier, Grenoble, 1894, 378 p. 5. A. COLIN. — Notice sur Casimir-Perier, Nogent-sur-Seine, 1876, 24 p. A. DELAVENNE. — Recueil généalogique de la bourgeoisie ancienne, Paris, 1954, I, p. 342-344. J. FÉLIX-FAURE. — Félix Faure et Stendhal, ou la fin d'une amitié, Jour- nées stendhaliennes internationales, Grenoble, 1956, p. 115-138. N. FLEURY-BouRGET. — Notice sur Casimir Perier, Lyon, 1832, 16 p. J. DE GERANDO. — Eloge de M. Scipion Perier, 1821, 10 p. J. DE GERANDO. — Lettre à M. Ballanche (sur Camille Jordan), Paris, 1825 (publié en tête des Discours, p. XXXVI-IX). J. DE GERANDO. — Discours prononcé sur la tombe de M. Augustin Perier, 1833, 8 p. E. DE GULLEBON. — La famille Duchesne (B.A.D., VI, 6, p. 1-14). E. DE GUIILLEBON. — La famille Savoye (B.A.D., VI, 13-14, p. 33-39). E. DE GUILLEBON. — Casimir Perier, ministre de Louis-Philippe, et ses rapports avec Grenoble, sa ville natale (Les Alpes, octobre 1929). E. HERRIOT. — Camille Jordan et la Restauration (Revue d'Histoire de Lyon, 1902, p. 119-142, 185-206, 290-312, 510-520). B. LE MASSON. — Le portrait d'un consul de Grenoble (B.A.D., V, 20, p. 1-2). J. LUCAS-DEBRETON. — La manière forte : Casimir Perier et la Révolu- tion de 1830, Paris, 1929, 263 p. F. MAIS ON VI-F.T.. — M. Alphonse Perier (Impartial Dauphinois, 21 jan- vier 1866). F. MAISONVILLE. — M. Achille Chaper (Impartial Dauphinois, 28 juillet 1874, et tiré à part, 21 p.). A. MASIMBERT. — Eugène Chaper (Petite Revue Dauphinoise, 1891, 12 p.). J. MASSE. — André Réal, étude manuscrite, 1912 (B.M.G., R 9701). J. MASSE. — Un procès électoral sous le Second Empire, étude dactylo- graphiée (B.M.G., R 9696). MICHAUD. — Biographie Universelle, 2" éd., 1854-1865, XXXII, p. 482-490; XXXVIII, p. 153. Ph. MIEG. — Les relations de la famille Perier avec Mulhouse et l'Alsace (Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, 1953, p. 119-133).

5 L'auteur, journaliste au Petit Dauphinois, a été fort bien renseigné, notamment par Mme de Beylié, fille aînée d'Eugène Chaper. Son ouvrage, que nous avons beaucoup utilisé, fournit une généalogie détaillée et de nom- breuses indications biographiques. En revanche, il est très sommaire sur les données économiques. Il faut aussi tenir compte d'un parti pris admiratif qui influence certaines affirmations. Ph. MIEG. — La correspondance de Casimir et Augustin Perier avec Joseph Blech (à paraître). C. DE MONTALIVET. — La politique conservatrice de Casimir Perier (Revue des Deux Mondes, 15 mai 1874). G. MOREL-JOURNEL. — Les origines de la famille Chaper, hors commerce, Lyon, 137 p., et VI, 21-23, p. 413-425. Ch. NICOULLAUn. — Casimir Perier député de l'opposition, Paris, 1894, 497 p. E. PIRAUD. — Notice biographique sur Duchesne Pierre-François, de Romans, Grenoble, 1890, 23 p. G. RÉAL. — Madame de Rollin, Grenoble, 1850, 15 p. Ch. DE RÉMUSAT. — Notice historique sur Casimir Perier, publiée en 1838 en tête des Opinions et Discours, LXVI p., puis rééditée en 1847 dans Passé et présent, II, p. 97-138, et en 1874 avec le texte de Montalivet, Paris, 192 p. A. RocHAs. — Biographie du Dauphiné, Grenoble, 1860, II, p. 230-241. L. ROYER. — Une société d'amitié au château de Vizille (Petite Revue des bibliophiles dauphinois, II, 4, p. 89-108). SAINT MARc-GiRARD IN. — M. Félix Réal (Journal des Débats, 23 juillet 1864). Ch. SAINTE-BEUVE. — Camille Jordan et Mme de Staël (Revue des Deux Mondes, 1er mars 1868, p. 42-93). Th. SCHOELL. — Pfeffel et le baron de Gerando (Revue d'Alsace, 189'6, p. 61-86). P. THÉVENON. — A Grenoble, hors Porte Traine, Grenoble, 1951, 37 p. F. VERMALE. — Le père de Casimir Perier, Grenoble, 1935, 67 p. F. VERMALE. — Augustin Perier sous la Révolution et l'Empire (Le Dau- phiné, 22 février-17 mai 1947). J. VEYRON. — Le Conventionnel André Réal, D.E.S.G., 1962, 122 p. L. VITET. — M. Alphonse Perier (Revue des Deux Mondes, 1ER fé- vrier 1866). L. VITET. — M. Joseph Perier (Revue des Deux Mondes, 1er janvier 1869').

2. Etudes sur le Dauphiné des XVIIIe et XIXe siècles 6.

A. ALLIX. — Vizille et le bassin inférieur de la Romanche (R.T.I.A., 1917, p. 130-327). A. ALLIX. — L'Oisans, étude géographique (thèse, 1929, 916 p.). R. AVEZOU. — Un grand parlementaire dauphinois : Charles Sapey (Evo- cations, novembre 1948-avril 1949). P. BARRAL. — Un siècle de maçonnerie grenobloise (1750-1850) (C.D.H., 1957, p. 373-395). P. BARRAL. — Les forces politiques sous le second Empire dans le département de l'Isère. 77e Congrès des Sociétés Savantes, Gre- noble, 1952, p. 159-174. P. BARRAL. — Le département de l'Isère sous la troisième République (Thèse, Paris, 1962, 597 p.).

6 Cf. R. LATOUCHE, Bulletin historique : Histoire du Dauphiné (Revue historique, CLXXV, 1935, p. 546-570). — P. BARRAL, Chronique bibliographique. Le département de l'Isère depuis 1788 (C.D.R., 1956, p. 111-117). M. BLANCHARD. — Les routes des Alpes occidentales à l'époque napo- léonienne (Thèse, Paris, 1920, 406 p.). M. BLET, E. ESMONIN et G. LETONHELIER. — Le Dauphiné, recueil de textes historiques, 1938, 453 p. A. BOURNE. — Vizille et ses environs, Grenoble, 1860, 310 p. E. CHARRIÈRE. — Histoire de ma carrière industrielle, Grenoble, 1878, (B.M.G., V 11829). J.-J. CHEVALLIER. — Ombres sur Vizille, Grenoble, 1929, 83 p. P. DREYFUS. — Sainte-Marie-d'En-Haut, Grenoble, 1959, 177 p. H. DUMOLARD. — Jean-Paul Didier et la conspiration de Grenoble, Gre- noble, 1928, 306 p. H. DUMOLARD. — Comment l'abbé Grégoire fut élu dans l'Isère (A.U.G., 1928, p. 231-277). J. EGRET. — Le Parlement de Dauphiné et les affaires publiques dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (Thèse, Paris, 1942, 331 et 419 p.). J. EGRET. — Les derniers Etats du Dauphiné (Romans), 1942, 175 p. E. ESMONIN et divers. — La Révolution de 1848 dans le département de l'Isère, Grenoble, 1934, 534 p. E. FÉLIX-FAURE. — Les Assemblées de Vizille et de Romans, Grenoble, 1887, 399 p. L.-R. DE GUILLEBON. — Les hôtes du château de Vizille depuis trois siè- cles (B.A.D., VI, 13-14, p. 145-154). P. LÉON. — L'usine d'Allevard (R.G.A., 1948, p. 215-258). P. LÉON. — La naissance de la grande industrie en Dauphiné (fin du XVIIe siècle-1869) (Thèse, Paris, 1954, 2 vol., 965 p.). Ch. DE MARLIAVE. — Les mines d'anthracite de La Mure, Grenoble, 1955, 308 p. H. MARTINEAU. — Le cœur de Stendhal, Paris, 1953, 448 et 456 p. A. ROCHAS. — Biographie du Dauphiné, 1856-1860, 453 et 504 p. Mme ROLLAND. — Le département de l'Isère sous la Chambre Introu- vable (D.E.S.G., 1955, 157 p.). F. TAULIER. — Le vrai livre du peuple, Grenoble, 1860, 398 p. R. ROGER-TISSOT. — La Société Populaire de Grenoble pendant la Révolution (Thèse Droit, Grenoble, 1910, 212 p.). F. VERMALE et Y. DU PARC. — Un conspirateur stendhalien : Paul Didier, Paris, 1951, 323 p. Ph. VIGIER. — La Seconde République dans la région alpine (Thèse, Paris, 1963, 333 et 527 p.).

3. Etudes générales, particulièrement utiles.

A. BARDOUX. — La bourgeoisie française (1789-1848), Paris, 1886, 443 p. P. BEAU DE LOMÉNIE. — Les responsabilités des dynasties bourgeoises, Paris, I, 1943, 330 p.; II, 1947, 475 p. P. BERTIER DE SAUVIGNY. — La Restauration, Paris, 1955, 653 p. A. CAVROIS. — Les sociétés houillères du Nord et du Pas-de-Calais (Thèse Droit, 1897, 405 p.). S. CHARLETY. — La Restauration, Paris, 1921, 397 p. S. CHARLETY. — La Monarchie de Juillet, Paris, 1921, 408 p. J. CHASTENET. — Histoire de la III, République, Paris, I, 1952, 358 p.; II, 1954, 381 p.; III, 1955, 381 p. B. GILLE. — La Banque et le crédit en France de 1815 à 1848 (Thèse, Paris, 1957, 380 p.). D. HALEVY. — La fin des notables, Paris, 1930, 299 ,p. D. HALEVY. — La République des ducs, Paris, 1937, 415 p. P. DE LA GORCE. — Histoire de la seconde République française, Paris, 1887, 2 vol. P. DE LA GORCE. — Histoire du second Empire, Paris, 1894-1905, 7 vol. P. LEUILLOT. — L'Alsace au début du XIXe siècle (Thèse, Paris, 1957, 3 vol.). J. LHOMME. — La grande bourgeoisie au pouvoir (1830-1880), Paris, 1960, 378 p. MICHAUD. — Biographie Universelle, 2e éd., 1854-1865, 45 vol. G. MICHEL. — Histoire d'un centre ouvrier (les concessions d'Anzin), 1891, 288 p. G. PARISET. — Le Consulat et l'Empire, Paris, 1921, 444 p. Ch. POUTHAS. — Guizot pendant la Restauration (Thèse, Paris, 1923, 499 p.). A. ROBERT, G. COUGNY et E. BOURLOTON. — Dictionnaire des parlemen- taires français, Paris, 1889-1891, 5 vol. Ch. SEIGNOBOS. — La Révolution de 1848. — Le second Empire, Paris, 1921, 426 p. ah. SEIGNOBOS. — Le déclin de l'Empire et l'établissement de la IIIe République, Paris, 1921, 424 p. Ch. SEIGNOBOS. — L'Evolution de la IIIe République, Paris, 1912, 512 p. P. THUREAU-DANGIN. — Le parti libéral sous la Restauration, Paris, 1876, 522 p. P. THUREAU-DANGIN. — Histoire de la Monarchie de Juillet, Paris, 1883- 1892, 7 vol. L. TRÉNARD. — Histoire sociale des idées. Lyon, de l'Encyclopédie M' romantisme (Thèse, Lyon, 1955, 821 p.). ABRÉVIATIONS

A.D Archives Départementales de l'Isère.

A.M.G Archives Municipales de Grenoble.

A.N Archives Nationales.

A.U. G Annales de l'Université de Grenoble.

B.A. D Bulletin de l'Académie Delphinale.

B.M.G Bibliothèque Municipale de Grenoble.

B. N Bibliothèque Nationale.

C.D. H Cahiers d'Histoire.

D.E.S. G ...... Diplôme d'Etudes Supérieures de Grenoble.

B.G.A Revue de Géographie Alpine.

B.T.I.A ...... Recueil des Travaux de l'Institut de Géographie Alpine.

N. B. — Dans la famille, le nom de Perier a été presque toujours écrit sans accent (E. CHOULET, p. 36).

PREMIÈRE PARTIE

LUTTES (1801-1830)

CHAPITRE PREMIER

Les origines

Au cours du XVIIIe siècle, la famille Perier s'était progressivement élevée à une haute position sociale. Il est remarquable que cette ascen- sion ne fut pas freinée par les vicissitudes politiques. Commencée et largement avancée sous l'Ancien Régime, elle se prolongea sous la Révolution. Avec un souple réalisme, les Perier surent s'adapter à des conditions changeantes. Malheureusement, faute de documents person- nels, nous ne pouvons connaître l'évolution des sentiments intimes.

I. Les débuts de la fortune (1730-1789).

Comme la plupart des hommes d'affaires entreprenants auxquels Grenoble a dû, depuis trois siècles, son ample développement 1, les Perier étaient des «gens du Sud», issus des hautes terres dauphinoises. C'est en Trièves que vivait au début du XVIIIe siècle leur ancêtre Jacques Perier, « bourgeois du Perier, paroisse de Saint-Pancrasse » (commune actuelle de Saint-Baudille-et-Pipet). Sa maison, quelque peu transfor- mée, subsiste encore : elle révèle une véritable aisance2. Le premier Jacques Perier qui mourut en 1758 avait épousé en 1692 la fille du notaire Barthelemy, établi à Saint-Martin-de-Clelles. De leurs douze enfants, six moururent jeunes, proportion alors fréquente, mais deux connurent une belle réussite. Jean Perier, né en 1699, entra comme clerc chez le notaire de Gresse, MI Alexandre Luya, qui lui donna en 1724 son étude et sa fille. Sa succession, réglée en 1759, s'élevait à 21 036 francs d'actif, contre 6 564 francs de passif 3. Une erreur ancienne, reproduite souvent, place à tort son étude au Villard-de-Lans et surtout fait de lui la souche de la branche principale.

1 R. BLANCHARD, Comment Grenoble est devenue une grande ville (R.G.A., 1941, p. 377-390). 2 E. CHOULET, La famille Casimir Perier, Grenoble, 1894, p. 319-325. Depuis 1894, la maison a été rachetée par la famille exploitante. 3 A.D., II E 1109 bis, dossier Perier-Lagrange. Celle-ci descend en réalité du second Jacques Perier, né peu après 1700 et très tôt établi à Grenoble. On a émis l'hypothèse qu'il aurait fait son apprentissage de commerçant à Lyon; c'est assurément pos- sible, mais nous n'en savons rien. En 1730, il était associé avec une veuve Falque, née Jeanne Perier (sa tante peut-être ?), dans un magasin de mercerie. Ses affaires prospérèrent assez rapidement, puisque imposé à 50 livres de capitation en 1743, il était qualifié six ans plus tard de « toilier et propriétaire». Sa taxe était portée à 66 livres puis en 1762 à 130 livres 4. Originaire d'une région qui travaillait le chanvre, Jacques Perier contribua très activement au bel essor que connut dans la seconde moitié du XVIIIe siècle la toilerie de Voiron. « La fabrique de toiles de Voiron, écrivait-il avec fierté, qui est la plus intéressante que nous ayions et que j'aime comme un enfant que j'ay pris à la mamelle et entretenu depuis près de quarante ans, se soutient et va toujours en augmentant s. » Entendons bien que selon la formule alors courante, il ne possédait pas de manufacture, mais contrôlait commercialement une foule de petits ateliers ruraux. Une grande partie de leur production était dirigée vers la foire de Beaucaire, dont M. Léon a mis en lumière l'importance pour le Dauphiné. Quelques fragments, heureusement con- servés, de la correspondance commerciale de Jacques Perier montrent aussi les relations avec Londres, Livourne et Winterthur 6. r Si l'évaluation à 600 000 livres de la fortune qu'il laissa provient d'une source peu sûre 7, diverses indications partielles confirment sa richesse. Entre 1764 et 1766, il donna à ses trois filles en dot une somme totale de 128 000 livres en espèces; en 1773 son compte courant avec sa société s'élevait à 344 266 livres; en 1780 enfin il léguait par testament 245 000 livres d'argent liquide. Il avait acheté deux maisons à Gre- noble : l'une rue Porte-Traine (aujourd'hui 4, Grande-Rue) où se trou- vaient ses magasins et son logement, en 1749; l'autre, contiguë, rue Derrière-Saint-André, en 1760 pour 35 000 livres s. Mû par un vif esprit de famille, Jacques Perier s'associa son neveu François (1729-1805), fils du notaire, dit Perier-Lagrange, d'après un domaine qu'il acheta à Saint-Ismier. Il prit aussi avec lui François Tivollier de Voiron et lui fit épouser sa nièce Madeleine Perier. Surtout il forma son fils Claude, né en 1742, et lui passa progressivement la main. Quand il mourut en 1782, il lui laissa la plus grande partie de sa fortune. Claude Perier, qui dirigeait en fait l'entreprise familiale depuis plusieurs années, donna à ses affaires une remarquable ampleur 9. Eco- nome jusqu'à la parcimonie, il se révéla « un négociant habile, d'un

4 E. CHOULET, p. 55. 5 A Trudaine de Montigny, l'er janvier 1768. A.N., F 12 1420 (cité par P. LÉON, La naissance de la grande industrie en Dauphiné (fin du XVIr siècle- 1869) (thèse, Paris, 1954, p. 210. Cf. aussi p. 68 et 263). 6 A.D., II, E 1109 bis, P. LÉON, p. 181-184. 7 N. FLEURy-BOURGET, Notice sur Casimir Perier, Lyon, 1832 (repris par A. ROCHAS, Biographie du Dauphiné, et par E. CHOULET). 8 Arch. de Pont-sur-Seine (P. LÉON, p. 274). Liquidation de la succession de M. Claude Perier (B.M.G., R 90564). 9 F. VERMALE, Le père de Casimir Perier, Grenoble, 1935, 67 p. PLANCHE 1 LES ORIGINES

Jacques PERIER Claude PERIER (1702-1782). (1742-1801). (B.A.D., V, 20.) (B.M.G., Portraits dauphinois.)

Les signatures du*n'aité de famille. (B.M.G., R 90 564.) Ont signé : la veuve de Claude Perier, ses dix enfants et ses deux gendres. Remarquer la formule « Augustin Perier aîné », qui laisse deviner quelques regrets de l'institution d'héritier annulée.

COLLECTION DES CAHIERS D'HISTOIRE

1. Jean LABASSE LE COMMERCE DES SOIES A LYON SOUS NAPOLÉON ET LA CRISE DE 1811 Grand in-8°, 134 p., 2 cartes et 1 graphique .... 8 F

2. Henri HOURS LA LUTTE CONTRE LES ÉPIZOOTIES ET L'ÉCOLE VÉTÉRINAIRE DE LYON AU XVIII' SIÈCLE Grand in-So, 96 p., 1 graphique 3,50 F

3. Louis TRÉNARD HISTOIRE SOCIALE DES IDÉES : LYON, DE L'ENCYCLOPÉDIE AU PRÉROMANTISME Deux volumes grand in-8°, 902 p., 8 pl. hors texte. 30 F

4. Bernard BLIGNY L'ÉGLISE ET LES ORDRES RELIGIEUX DANS LE ROYAUME DE BOURGOGNE AUX XI* ET XII' SIÈCLES Grand in-8*, 536 p., 8 cartes hors texte, 1 carte dépliante 20 F

5. Félix RIVET LA NAVIGATION A VAPEUR SUR LA SAONE ET LE RHONE (1783-1863) Grand in-8*, 622 p., 14 planches hors texte .... 38 F

6. Jacques LOVIE LA SAVOIE DANS LA VIE FRANÇAISE DE 1860 A 1875 Grand in-So, xxxvm-666 p., 24 planches hors texte 47 F

Imprimerie ALLIER, Grenoble (Isère) 28018 B IMPRIMÉ EN FRANCE 18 F + T. L. Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

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