RELATIONS INTERETHNIQUES ET CULTURE MATÉRIELLE DANS LE BASSIN DU LAC TCHAD

Actes du lllème ColloqueMEGA-TCHAD Paris : ORSTOM 11 - 12 septembre 1986

Textes réunis par Daniel BARRETEAU et Henry TOURNEUX

Editions de I'ORSTOM INSTITUT FRANçAIS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE POURLE DÉVELOPPEMENT EN COOPÉRATION CollectionCOLLOQUES et SÉMINAIRES PARIS 1990 La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les .copies ou reproductions strictement réservéesà l'usage privé du copiste et non des- tinees & une utilisation collectives. et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exempleet d'illustration, .toute représentation ou reproduction intégrale,ou par- tielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ayants cause,est illicite>> (alinéaler de l'article 40). Cette représentationou reproduction, par quelque procede que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnéepar les articles 425 et suivants du Code pénal.

ISSN 107672896 O BRSTOM 1990 ISBN : 2-7099-0998-7 RE.LATlONS INTERETHNIQUES ET CULTURE MATÉRIELLE DANS LE BASSIN DU LAC TCHAD

Actes du lllème Colloque MEGA-TCHAD Paris : ORSTOM 11 - 12 septembre 1986 5

Pages Daniel BARRETEAU, Henry TOURNEUX Avant-propos 7

Alain MARLIAC Discoursd'ouverture 9

Augustin HOLL Variabilitkmortuaire ettransformations culturelles dansla plaine péritchadienne 13

Werner VYClCHL Les languestchadiques et l'origine chamitique de leur vocabulaire 33

I-Ierrmcum JUNGRAITI-IMAYR Différentshkritages culturels et nonculturels h l'ouest et h l'est du bassin du Tchad selonles données linguistiques 43

Sergio BALDI Premieressai d'évaluation des emprunts arabes en haoussa 53

Pierre NOUGAYROL Langues et populations du nord-estcentrafricain 65

John P. HUTCHlSON Classementdes dialectes kanuri-kanembu B partir desverbes dela troisihe classe 81

CatherineBAROlN Pourquoiles Dam assimilent-ilsleursvoisins ? 95

Mette BOVIN Relationsinterethniques au Borno (Nigeria et Niger) : Culturematérieile et dichotomiehomrne/femme 103 6

Daniel BAFUGTEAU, MichhleDELNEUF La céramiquetraditionnelle giziga et mofu (Nord-Cameroun) : Etude cornparCe destechniques, des formes des et du vocabulaire 121

Christian SEIGNOBOS Note SUT poteriesles fa?ti&res du Nord-Cameroun 157

Louis PERRBIS, Michel DIEU Culture matérielle chez les Koma-@imb e des monts Almtika (Nord-Cameroun) : les gens de la bière de mil 17.5

VCronique de COLOMl3EE Instrumentsde musique et relations interethniques dansles monts du Mandara 183

Olivier NYSSENS Traditionorale et pouvoir rituel chez les Vam6 du Nord-Cameroun 213

Bernard LANIVIE Scolarisation,fonction publique et relationsinterethniques au Tchad 235 7

AVANT-PROPOS

Daniel IIAKRE'I'EAU Henry 'I'OUKNEUX O RSTO M -LATA H CNRS-LACITOORSTOM-LATAH

"Relationsinterethniques etculture matérielle", telétait le thème du 3&mecolloque du liéseauinternational derecherches comparativeshistoriqueset dansbassin le lacTchaddu (Méga-Tchad)qui s'est tenu jn Paris(ORSTOM) les 11 et 12 Septembre1986.

Il a rep lesoutien financier du Laboratoired'Arch6ologie Tropicale et d'AnthropologieHistorique (LATAH) et dela Direction de l'hformation et de la Valorisation (DIVA) clc I'ORSTOM.

Lesdeux premiers colloqucs du réseau Méga-Tchad ont déjjn donnC lieu li des publications clans la mhe collection : Langues et cultures dms le bussin du lacTchad (1987) et Le nrilieu et les Ironmes : Recherches conyurutives et historiqrtes dam le bassin dn luc Tcllud (1988).

Dans le present ouvrage, on trouvcrn tlcs hdes d'archéologie, delinguistique, d'ethnographie et d'histoire.Elles portent sur les cinqpays du bassin du lac Tchad : Niger, Nigeria, Cameroun,Tchad ct RCA.

NQUS reprendronsici quelques propos tenus par des auteurs poursituer très succinctementle sujet du colloque et la variétédes thèmesabordés.

Augustin IIO1,L : "Les variations des modes d'inhumation sont-ellesaléatoires ou structurées ? En d'autrestermes, ces particularitéssont-elles porteuses d'informationsculturelles archéologiquementdktectables ? Si oui, sous quellesformes matérielles se manifestent-elles mieuxle ? C'estI'étude systérnatiquede ces variations dans lesmodes d'inhumation que 8 nousappelons variabilitk mortuaire. L'analyse visera B mettreen évidencedes covariations stables 2 plusieurs échelles ; nous rechercherons par la suitelessignifications potentielles des tendancesles plus marqueestermesen dynamique de socioculturelle.Les infCrences ainsiconstruites nous serviront B mesurerl'importance desdécouvertes deIIoulouf dans une perspectived'interaction interrégionale".

Werner VYCICML : "Leslangues tchadiques, dont le reprksentant leplus connuest le haoussa,offrent lecurieux aspect d'un ensemblecombinant une structure essentiellement clmamitique avec un vocabulaireen grande partie soudanais".

Herrnnann ~,~~~~~~~~r~~~~A~~~: "Diverses populations se sont rencontréesinfluencdeset mutueilement au cours deplusieurs millénaires ; celaaabouti B dessuperpositions et des croisements de cultures et de langues".

Mette BOVIN : "Des calebasses sont euZtivr"es A Damaturupar lespaysans kanuri, distril-uies et vendues au marc116 pardes Peuls semi-sédentaires, d6core"es et utiliskes pardes individus appartenant B différentsgroupes ethniques ; quandles calebasses sont felées,elles sont r&yar&espar des Peuls nomades wodnabe. C'est comme si chaquegroupe ethnique participait h cesystème de circulation des calebasses".

1)anie.l BARRETEAU, Micl~itlc DELNEUF : "La même technique demontage par martelage au tampon, les instruments de montage et detraitement de finition [...] seretrouvent chez les populations ka p s i k i, j imi, gu6c et ma 1: a au cmur des monts Mandara. On peutétendre le champgéographique de ce procCdé jusqu'ri Sokoto, au Nigeriaoriental, pour la fabricationdes poteries ha u s a i...]. Ce dClail technico-culturelappliqué B une partie de la cultureInat6rieile permet d'établir une certain rapprochement entredifférents groupes ethniques de ianguetchadique des monts Mandara,tous situbs à l'estet au sud de Gudur,tous concerngs par les mhes phénomknesdemigrations, d't"anges mais aussi d'acculturation".

l$crnard LRNNE : "Apporter 'des donnees chiffrges aussi av6rées quepossible etdes Cléments historiquessur le systPme scolaire et la fonctionpublique, et la placequ'y tiennent les diffkrentespopulations du Tchad". 9

DISCOURS D'OUVEIiTURE

Alain MARLIAC ORSTOM-LATAH

Au nom du Département B de 1'ORSTOM et plusspécialement du LATAH, je voussouhaite la bienvenueavec une attention plus particulièrepour nos collègues étrangers et provinciaux.

Remercionsla DIVA de I'ORSTOM qui nous a consenticette annéeencore une aide financière permettant la sonorisationde cettesalle etl'installation d'un équipementvidéo adéquat. Nous pourronsaussi, grâce à elle,couvrir en partie les frais de certains participantsétrangers ou provinciaux.

Aujourd'huis'ouvre la3ème réunion duréseau que nous sommesconvenus d'appeler "MEGA-TCHAD". Depuisla lère réunion tenue à l'ORSTOM presquedans l'intimité, linguistes etethnologues, géographes et historienssesont joints à nousetde nouvelles questionscommunes ont émergé.

Cecisouligne combien l'initiative deD. BARRETEAU et W. TOURNEUXfut heureuse et mérite d'être soutenue. LeLATAH a, dès sa création,appuyé cette idée, car elle correspondait à l'un de sesthèmes premiers : établirl'histoire des ethnies pardes recherchespluridisciplinaires. Cette idée concernait en outre une région où lesrecherches anthropologiques sont nombreuses et anciennes.

Dans la mesure deses moyens, le LATAH a pris part d'abord à l'organisationdes 2ème 3èmeet réunions, à l'organisationde l'exposition au CEDID, à la préparation et à la diffusion du bulletin nO1 Méga-Tchad. Il sertdonc de cadre administratif et scientifique pournos reunions auxquelles certains de ses membresparticipent directementd'ailleurs par des communications. Compte tenu du dCveloppement de notre r6seau et dudCsir du LATAH d'approfondirles problèmes théoriques et méthodologiques impliquéspar l'objectif choisi - Rechrrches conjointes SUI' l'histoire dans le bassin du lac Tclzad - je souhaiteprendre le risque, avant mEme les communications etdiscussions, d'ouvrir cette rCunion par un appelpressant.

Promouvoirdes recherches pluridisciplinaires sur l'histoire des ethniessemble devoir être autre chose que le simple alignement ou la juxtapositiondeconnaissances. Je nenierai pas, bien sûr, l'importancedes Cchmges qui ont eu lieu parle passé et auront lieu durantcette 3ème session.Je ne pense pas cependant que notre r6seau puisse se contenterde monologues croisés. Si nous nous accordonssur l'objectif, il doit en d6coulerune definition del'objet commun & étudieretune mise au claird'axes derecherches conjoints. Jene m'étendrai pas surce que j'ai d6j& dit lors de notre 2ème réunionpropos de cet objet cornun : la cultlal-e nlate"riel1e. Faut-il rappeler que c'est le seulchamp communaux disciplines prCsentes, etqui autorise une ampleur chronologique dépassant les quelques&cles oh sont confinCs beaucoupd'entre nous ?

Cetobjet est susceptible d'autres approches, bien sûr,car il est dans la dépendancede la totalitéculturelle etsocio-economique ; mais je penseque nous ne sommes pas encore ii ce niveau d'etude pourl'ensemble de la rCgion. Nousmanquent les descriptifset un langage commun.

A cejour, ce sontsurtout lesuchéologues quiont engagé, soit sur le versantarchéologique, soit sur leversant ethnologique, Ie processusde constitution de corpus de la culellre matCrielle et de dCfinition d'unlangage commun. C'est un domainepour eux familier. Se sontjoints A ceteffort - si j'encrois le titre decertaines communicationsprevues - deslinguistes, des ethnologues et des géographes.

Nous nous en félicitons, et si ce mouvement s'amplifie - ceque nous souhaitons -, il presuppose,pour être fructueux, l'accord sur le langagedescriptif cotnmun. A cesujet, .nous sommes plusieurs fautifs et ce 1t014s est inclusif.Nous n'avons fait depuis la 2ème rCunion aucuneproposition en ce sens. 11 nous*revient desormais, si l'ensembledes membres du rtseau en est d'accord,d'élaborer un premiercode descriptif utilisable par ceux qui lesouhaitent, B l'exemplede ce quia Cté fait pour lapoterie. 11

Maconclusion sera que je persistedans l'espoir devoir plusieursdisciplines participer à ceteffort commun qui,sans nul doute,ouvrira aux ethnologues, géographes, historiens et linguistes, desperspectives chronologiques nouvelles.

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VARIABILITE MORTUAIRE ET TRANSFORMATIONS CULTURELLES DANS LA PLAINE PERITCHADIENNE

Augustin 1-IOLL Départementd'Ethnologie et de Préhistoire Universitéde Paris X - Nanterre

Depuis1982, nous avonsenlrepris un programmed'archéologie régionalecentré sur le site deHoulouf, il quelquequinze kilomètres ausud-ouest de Kousseri, et les sites avoisinants, dont le nombre s'élève B septdans un espace de l'ordrede quatre cents kilomètres carrés. Nous avonstrouvé, dans la fouillede Noulouf (LEBEUF et HOLL 1985), un centred'inhumation tri% spécifique.Dans la totalité descas mis ii jour, une trentaine,les morts sont enterrés en position assise sur une banquettede terre tassée, les jambespendantes, les pieds enfoncésdans un récipientde terre cuite, 1% facetournée vers lesud-ouest, et l'ensembleest coiffé d'une ou plusieursjarres de morphologies variables.L'un deséléments les plus intéressants est quecepetit cimetière estorganisé encercles grossièrement Concentriquesautour d'un petit "monument" formé par une jarre portant la représentaion d'un visagehumain tournée vers lesud- ouest. Nos multiples discussionsavec Annie etJean-Paul LBBEUF, au coursdesquelles ils nous ontinformé desdifférents modes d'inhumationtrouvés dans les autres sites qu'ils avaient fouillés, nous ont poussé nous poser un certain nombre de questions.

Lesvariations des modes d'inhumation sont-elles aléatoires ou structurées '? En d'autrestermes, ces particularités sont-elles porteusesd'informations culturelles archéologiquement détec- tables ? Si oui, sous quellesformes matérielles se manifestent-elles lemieux ? C'estI'étude systématiquede ces variations dans les modesd'inhumation que nous appelonsvariabilité mortuaire. L'analysevisera B mettreen évidence des covariations stables h plusieurséchelles ; nousrechercherons suiteparla les significationspotentielles des tendances lesplus marquées en termesdynamiquede socioculturelle. Les inférencesainsi construites nous serviront ii mesurerl'importance des découvertes de Moulouf dans uneperspective d'interaction interrégionale.

ANALYSE DE LA VA IABILITE MORTUAIRE : PERSPECTIVES ET LIMITES

La mort est un phCnombne biologiqueincontournable dans le mondevivant ; face B cetteréalité, les sociCtés humainesadoptent demultiples attitudes (HUMPHREY et KING 1981). Dans la majoritC descas, la naturedes réactions depend des facteurs sociaux, économiques,psychologiques, etc., en quelquesorte de l'intensité du traumatismesubi par un corps social.

"Le d6cBsd'un individune se limite pas B un accidentbiologique irr6pieeable. Il metI'id6ologie sociale encrise et la provoque & se d6fendreet B se structurer. Les fun6raillcsconstituent donc un posted'observation priviligi6 de l'organisationde la personnedeet sa dynamiquede destructuration-restructuraliondans la mort.Elles soulignent à leurmani8re lesinscriptions, insertions et participationsdivcrses v6cues par lapersonne humaine pour les remodeles-dans l'au-del&".(ESeIaZMAM 1985 : 10)

On peutdistinguer deux principaux aspects qu'induit toute mort,qui tentent de rCpondre au problèmesuivant : quefaire du corpsquand il n'y aplus vie ? Lepremier aspectse compose de tous lesfaits gestuels et symboliquesqui se manifestent lors des funkrailles. Le secondaspect comporte toutes les manifestations mat8riellesqui ne sont pastoutes susceptibles de laisserdes traces durables.Entre I'endseannibalisme rituel des Yanoama (SIOCA 1968) etla construction desdolmens et des pyramides, il y a une très large gamme decomportements. Si le but ultime de la science n'est pas tantd'amasser indistinctement des donnCes empiriques maisd'organiser cesdonnCes structuresen plus ou moins formaliséesqui les subsument etles expliquent, l'étude dela variabilitémortuaire sedoit de partir de schémas généraux ou modslesafin de tester leurs validités locales ou globalessur les donnéesempiriques disponibles. Ce sont cestypes d'approches qui caractérisentles recherches actuelles sur l'archéologiede la mort (BINFORD 1971, CMAPMAN el al. 1983, HOBSON 1917, SHEPARD 1979, ORTON et HODSBN 1981, TAINTER 1978, O'SHEA 1984, BROWN 1983).Actuellement, les efforts tendent 15 beaucoupplus vers des considérations archéologiquement testables (O'SHEA 1981,1984), aprèsune période extrêmement riche d'enseignements au coursde laquelle les études se focalisent sur l'utilisationdes données ethnographiques .en vuedetester les corrélationsentre complexités des structures socio-économiques et politiqueset les degrés d'élaboration des rites funéraires.

En d'autrestermes, onporte une attention accrue h ce quel'on pourraitappeler l'itinéraire des vestiges enanalysant plusieurs stadesd'associations. Enpartant d'un univers potentiel des comportementshumains quiengloberaient toutes lesactions possiblesimaginables,et onpeut distinguer des associations intentionnelles,fortuites accidentelles.ou conservationLa différentielleintervient etefface une partie des données. Enfin, l'archéologie semanifeste et procède par Cchantillonnageimplicite ou explicitepour constituer sa basede données. L'idéaldans l'étude d e la variabilitédela mortuaire serait deremonter cette chaîne analytiqueentenant compte des potentialités deset limites imposéespar chacune des étapes. Selon la problématique choisie, les moyensdisponibles et le moment où s'esteffectuée lafouille, certainstypes d'informations sont privilégiés par rapport B d'autres. C'estla logique même de l'histoire des sciences ; il sembledonc inutilede nous lamenterou de formuler des réserves a posteriori car lascience, dans laplupart des cas, n'a quel'âge deses instruments.

Danscette perspective, ilest évident qu'il manquera toujours desbribes d'informations ; la constructiond'entités analytiques h utilisern'en estque plus stimulante ; lechoix des critères d'observationdevra s'effectuer dans un dialoguepermanent avec lesdonnées empiriques. Nous aborderons des questions . relatives B lapermanence ou ladiscontinuité des modes d'inhumation ; on tenteradesavoir s'ily a corrélationelltre lesétapes des transformationstechnologiques lestechniqueset particulières d'inhumation.Les niveaux de différenciations. sociales (horizontale etverticale) se manifestent-ils dans les techniques d'inhumation ? L'hypothèsegénérale h testerpeut formulerse façondela suivante : l'intensitédes interactions interconmunautaires conduit B uneforte différenciation horizontale verticaleet intra et intercommunautaireet h desstratégies manipulationsde symboliques il l'échelledescommunautés idCologiquement dominées.Pour tester cette hypothèse, nous allons nous servir d'un certainnombre de critèresd'observation pour constituer notre échantillon : le nombred'inhumations, leur fréquence par site, les 16 principales formes d'inhumation,les positions des corps, la présence ou l'absencede mobilier funtraire, l'orientation des corps, l'lige et le sexe, naturela et distributionla dessites, lesséquences chronologiquesattestées et l'apparitiondes espaces d'inhumation spécialisés : lescimetikres.

Les données empiriquessur les inhumations rassemblées dans cetteétude ont été collectéesdans les publications couvrant les années 1937 B 1984 (PALES1937, HG1WTWEG 1942, GRIAULE et EEBEUF1948, 1950, 1951, LEBEUF ef al. 1980, CBNNAH 1981,

RAPP 1984).Ces informations proviennent de onze sites(fig. 1) : b Bornu 38, Daima, Gilgil, Rréné, Fort-Lamy,Goulfeil, Kursakata, Mdaga,Midigue, Sao, SouBlame, dont les périodes d'occupation sont comprisesentre 3830 k 250 BP (N 793),date des niveaux néolithiquesles plus anciens de Bornu 38 (CONNAH 1981 : 85-86) et 150 k 80 BP (@if 4950),date des niveaux les plusrécents de Sou (EEBEUF 1981 : 11) : soit une tranchechronologique de l'ordre de 3500ans. Il va de soique tous ces sites n'ont pas faitl'objet de recherchesde même intensité : Daima,Kursakata, Mdaga et Midigue ont CtC étudiésbeaucoup plus intenstment que Gilgil, RrCné et Goulfeil. Le nombred'inhumations varie ainsi de96 B Mdaga il 1 B Gilgil.L'Cchantillon global se composede 254 inhumations, l'essentielprovenant detrois sites : Mdaga(96), Midigue (55) et i- Daima (53), suivide tri% loinpar Sao (11) et Kursakata(10), les sitesrestants comptant chacun cinq tombes (Sou BlameetFort- Lamy),quatre tombes (Bomu 38)? trois(Goulfeil), deux (KrénC) et une(Gilgil). Ces dCs6quilibres dans la distributionposent de sCrieuses difficultésd'analyse, mais au iondl c'est la situation laplus courantearchéologie.en Nous tenterons d'en inférer des informationssignificatives.

Afind'éviter d'entrer dans beaucoup de dCtails, certes intdressantspour l'archéologie maisquelque peu fastidieux pour un publictrès varié, nous discuterons des caract&res dominants des differents typesd'inhumation B 1'Cchelle de l'échantillonglobal. 17

Fig. 1 - Répartitiondes sites mentionnés dans le texte P

18

Ondistingue deux principales calegories d'inhumations : les tombesen pleineterre, qui sont les plus nombreuses (163) etles inhumationsen jarres (82). Entermes chronologiques, les jarres- cercueilsapparaissent autour du XVe-XVIe sièclede notre ère et se retrouventtoujours associes B desgrands sites avec muraille d'enceinte.Cet ensemble se composede deux modes d'inhumation : 222 tombes primaires,ainsi désignées parce que lesmorts ont été enterrks intCgralernent, les Cléments du squeletteétant complets et en connexionanatomique malgré les aléas delaconservation diffkrentielle : 217sont des tombes simplesdans lesquelles il n'y a qu'uncorps et 5 sontdes tombesmultiples comportant deux ou troiscorps, cette pratique ne se retrouvant qu'i Mdaga ; 28 tombes sontdites secondaires parce que seules quelquesparties du squeletteont été enterrées, dans 14 cas i.1 s'agit de crcines et dans les 14 autresdes membres inférieurs etlou superieurs. 11 est h noterque tous les cas d'inhumationssecondaires se retrouventdans les confinsest de la zone non 6tudiee, dans un espacerelativement restreint. Sicette occurrence n'est pas fortuite,comme nous somn1e.s enclin B lecroire, ce rituel particulier pourrait s'expliquer par l'intensitédes interactions s'appliqueraitet probablement A des portionsde squelette de personnes décCdCes au loin, ramen6es pour 2tre enterrées.

On notequatre positions dans la disposition des corps (Sig. 2) : 33 sontcontractés, 33 fléchis, 55 allong& et 82 inhumCs dans des jarres. Mais il y a tout de mGme 124cas dans lesyuels lespositions sont indéterminkes.Les axes d'orientation prCf6rentiels des corps sontnord-sudlsud-nord (29cas), sud-ouestlnord-est, nord-est/ sud-ouest(28 cas). Ces différentes caractéristiques montrent une assezlarge gamme de variations des styles d'inhumationqui ne peuventpas faire l'objet d'une explication univoque ; d'autres critèresdoivent être introduits dans l'analysepour saisir les sensde cesvariations macroscopiques. 19

Fig. 2 - Formes d'inhumation et positions des corps

n A E Ir

n F G

A allongé B = fléchi C = contracté D = double jarre E = simplejarre F et G = inhumationssecondaires Dans notreéchantillon, 108 tombes possèdent du mobilier funCraire 137et en sont dépourvues. La populationdes biens funéraires se compose de vingt-neuf classes d'objetsrépartis en six cathgories : perles,bracelets, autres parures, armes/outils, ckramiqueset objets divers. La &partitionde ce mobilier est trks in6galeentre les siteset entre les tombes. 34 tombes possèdentune seuleclasse d'objets, 17 en possèdent deux, 21 trois,13 quatre, 6 six, 5 septetune tombe deMdaga dix. Ces inCgalitéssont probablement liCes aux statutsdes individus enterrCs. Leur Zige et leursexe ayant kté assez peu Ctudiés, nousmanquons de données pouraborder les rapports entre biens funCraireset ces aspects démographiques. On noteracependant que six enfants en bas Bge possèdent du mobilierfunkraire (4 B Daima, 1 ii Midigueet 1 B Gilgil),ainsi que quatre adolescents etsoixante-neuf adultesavec trente-quatre cas indbterminés.Dans l'ensemble, neuf cas sont de sexe masculin et huit de sexefeminin. Les biens funCraires appartiennent en majorit6 8 destombes en jarre (41) et aux morts inhumCs enposition allongCe ; il y a toutde même trentecas indCtermin6s ; neuf desindividus inhumks en position fléchie et trois en position contractCe sontdotés de biens funéraires.

Cetteétude sommaire de la répartition des biens funeraires montretout de m6me quec'est aucours des pCriodes rbcentes 'de-XLYe siècle)que se mettent en placedes Cléments d'inégalites socialesentre les individus. Il n'estdonc pas du tout surprenant que l'apparitiondescimetières prenne, danscontexte, ce une significationparticulière.

La distributiondesformes d'inhumation, les fréquences relativesdes biens funéraires, la spécialisation des espaces(c'est-à- dire la constitutionde zones exclusives d'inhumation que sont les cimetières)suggèrent quelques enseignements intéressants B plusieurstitres (BROWN 1983, HODSON 1977, ORTON et HBDSON 1981, PEARSON 1984). 21

Surle plan chronologique, les inhumations en pleine terre dans desespaces indifférenciés (au sein ou ri proximitéde l'espace domestique)sont les pratiques les plus communes du Néolithique jusqu'au XVe-XVIe siècle, époque au cours de laquelle les tombes en jarres et les cimetières font leurapparition. La pratiquede dépôt de biensfunéraires apparaît timidement au cours du Néolithique(2 cas à Kursakataet Daima), se renforcelégèrement au coursde 1'Agedu Ferancien (3 cas : 2 à Daima et 1 à Mdaga) pour se généraliser à partir du début du VliIesiècle ADavec l'apparition de matériaux nouveaux tels que la cornalineet ,le bronze (700-1450 AD), et plus tard du verre(1500-1800 AD). On noteaussi l'entrée progressive de la zonela péritchadienne dans des réseaux d'échanges à longue distance. 11 paraîtdonc légitime depenser que lapossibilité d'acquérircertains biens exotiques devait dépendre de la position socialedes individus. Cependant, le transfert de ces biens acquis dansles inhumations n'a de signification plus ou moinsdirecte que pour lesadultes qui auraient eu lepossibilité de participer aux courantsd'échanges de quelque manière que ce soit.Le problème est plusdélicat pour les adolescents et les enfants en bas Lge qui, n'ayantpas encore pu participerdirectement aux échanges, ont certainementbénéficié du transfertdes biens deleurs parents proches, une sorted'attribution symbolique de statuts.

Autrementdit, un changementidéologique important se manifeste au coursde 1'Age du Ferrécent : de statutsgénéralement acquis, on glisseprogressivement vers une forme de transmission desstatuts acquis. D'une société trèsouverte, passeon graduellement à unesociété relativement fermée dans laquelle des formeshéréditaires detransmission despositions sociales se mettent en place. D'un autre point devue, cet argumentest renforcé parl'apparition des cimetières entre le XVe et leXIXe siècle.

La structurationde l'espace communautaire reflète elle aussi le degrédedifférenciation sociale que connaît une entité sociale donnée.Plusieurs éléments entrent en iigne de compte : l'espace d'inhumation,l'organisation de cesespaces d'inhumation, la quantité nécessairepour la constitutiondes inhumations et lesrapports intersites. Nous n'examineronspas tous ces points en détaildans ce bref exposé,nous nous contenterons de discuter la cooccurrence la plusremarquable denotre étude, ensuggérant desmodèles explicatifs.Elle se présentesous l'aspect de l'association rkurrente entre tombes à jarres,cimetières, sites B nlurriille d'enceinte,seuil minimunde superficie et concentration des sites en questiondans unemosaïque écologique spécifique. 22

Sitoutes les tombes B jarresne se trouvent pas dans des cimetières (3 casseulement), tous les cimetières sont composés esentiellementdetombes B jarres.Quatre sites disposent de cimetières : Goul€eil, Midigue, Mdaga et Sao,et ce sont aussi les seuls i avoirdesinhumations secondaires. Ils onttous m&mela morphologie : deforme ellipsoïdale et entourés d'un puissantmur d'enceinteen terre ; leurssuperficies varient de 33 ha(Mdaga et Midigue) h 10,15 ha (Sas) et 10,&8 ha(Goulfeil). Tous ces sitessont regroupés il l'estdelazone Ctudiée, dans un rayon de 20 kilom5tres ; lesdistances d'un site 2 l'autrevarient d'un minimum de Il kilomètresentre MdagaetMidigue B un maximum de 22 kilomètresentre Mdaga Sas,et soit une moyenne de 17,17 bilombres et un écart-type de 4,14 Ils se localisent h proXimit6du principalaxe hydrographique qu'est leChari, dont lesressources et lapermanence en toute saisongarantissent la viedes communautés. Lesdistances par rapport au Charivarient de quelques centaines de mhes (0,5 km) pourGoulfeil B 5 kilomètrespour Midigue, 7 kilomGtres pour Sao et 14 kilomètrespour Mdaga. Cesdeux derniers sitessont situCs B proximitéd'un cours d'eau saisonnier, Ia Linia, un diverticule du Charipour Mdaga et le Serbewelpour Sao, cequi pourraitexpliquer leur relatif Cloignement du Chariqui reste cependant à distanceraisonnable encasde nécessitC. Cette compCtiton pourl'acc&s aux ressources du fleuve et l'interaction souventconflictuelle avec l'empire bornouan pourraient expliquer en partie I'hergence deces petites "cités-Etats" souvent autonomes m ais en buttemaisen B conflitsdes intercornmunautaires et "internationaux".Ces derniers dus B lapression des communautés musulmanes (ZELTNER 1980). C'est dansce contexte que l'on peut s'expliquer 1'Cmergence descimetières dans lesquels les déments d'inCgalités sociales sontfortement attestes.

En effet,ce contexte cornpetitifet conflictuel est favorable h l'apparitiondefortes individualitCs. Pendant savie active, un individupeut avoir un nombrevariable de statuts (frère, père, fils, guerrier,chef, etc.) qui lui permettent alors d'avoir des réseaux de relationsavec d'autres individus irhpliquant des droits et des devoirsréciproques. Par conséquent, plus statutle social d'un individuest élevé, plus nombreuses sont ses relationsdirectes et indirectes. A sa mort,seuls les statuts les plus significatifs seront retenus etmanifestés dans des rites funéraires. La complexitédes rites,laqualité et laquantité des biens funCraires et 1'Cnergie consacrée à I'édificationde la tombe refléteraientainsi la prégnance desstatuts d'un individu sur sacommunauté. Selon TAINTER 23

(1975 : 2) : " ... highcrsocial rank of a deccascdindividual will correspond to grcatcramounts of corporateinvolvcmcnt and activitydisruption and henceshould result in the expenditure of grcater amount of energyinthc intermcntburial. Energy expcnditure should in turn bereflected in such fcaturcs of burial as size and elaboratencss of the iutcrmentfacility, mcthod of handlingand disposal of the corpseand the naturc of the grave associations".

Uneargumentation similaire se dégage des recherches récentes deESCHLIMAN (1985) chez les Agni. Si, en outre,l'accès aux ressourcesest conditionné par les rapports de parenté réels ou fictifs,comme c'est lecas dans la plupartdes éconornies pas totalement"médiatisées" pardessymboles monétaires, les comxnunautés manifestentleurs droits d'exploitation et decontrôle desressources indispensables et plus ou moinsrestreintes dans leur distribution,par la mise en place de zonesd'inhumation spécialisées généralementréservées B unnombre plus oumoins restreint d'individus. En d'autrestermes, la création des cimetières peut se concevoircomme un bornagesymbolique d'un espace socio- économiquevital.

"To the degrec that corporatc groups rights to use and/or controlcrucial butrcstrictcd resourccs arc attaiucdand/or lcgi[imiscd by mcans of lineal desccntfrom the dcnd, that is lincaltics to the anccstors,such group will maintain formal disposal areas forthe exclusive disposal of their dcad". (SAXE 1970 in CkIAMPION 1977 : 22).

Cetteargumentation est renforcée par demultiples recherches dontnous ne citerons que quelques exemples : GOODY (1962), à propos des Lo Dagaa, BLOCH (1971) sur les Merina de Madagascar, ESCHLIMAN(1985) sur les Agni de Côte-d'Ivoire, et HUMPHREY et KING (198 1).

Dansla plaine tchadienne, au coursdes XVe-XIXe si&cles, les principauxcentres politiques B la périphérie de l'empire du Bornou seprotègent par I'édification demurailles. La construction et l'entretiende telles structures supposent l'existence de mécanismes socio-politiquessusceptibles de mobiliser et d'organiserla force de travaildisponible, comme lesuggère cette observation de GRIAULE etLEBEUF (1951 : 11-12) : "Goulfcil est la seule villeasscz peuplCc pour quc sa murailled'cnccintc soit ptriodiqucmcnt rCparCc. Cettccntrcprisc se poursuit aux hautcs eaux, quand In , crue atteint le rempart. Ellc c,st prdsid6e par le sultan, quipendant toutc sa dur" nourrit Ics travaillcurs ... Le hhyo [troisikrnepcrsonualité de ln hiérarchie politique du sultanat dc Goulfcil] rCpartit Ic Iravail ... Chayuc yuarlicr ayant son chef B sa tCtc rcqoit sa part de rnuraillc". L'exCcution desdiverses t5ches de production,de gestion des affairescommunautaires s'effectue généralement selon des seuils de cornplexit6 ; il endécoule de multiples formes de spécialisations incluses dans une Cchelle hidrarchiquedont la nature est cependant trèsvariable. Les différents niveauxdes structures socio-politiques peuventêtre conçus comme des nœuds derégulation des systhes sociaux. Laposition des individus dans cettehiérarchie peut donc se manifesterpar I'intensit6 etla qualité des soins apportes ii leur corpsaprès ledécès. Dans l'échantillon analysé, les sépultures B plusieursjarres comportent plusieurs classes d'objets funéraires, parmilesquels des biens tels que les parures en bronze (qui nécessitent un importanttravail), des bijoux encornaline, qui seraientdes indices de statuts élevés. L'organisationinterne des cimetières,d'aprbs l'indice de proXimit6 destombes les unes par rapportaux autres, suggère l'existence de groupes significatifs dont lanature est difficile ii déterminer,.compte tenu de I'étatde 1'6chamtillon analysC.

E'Cchantiilon detombes en jarres localisées dalis descimetières compte76 cas : 11 ri Sao, 22 B Mdaga, 30 dans lecimetière intra- murosdeMidigue 13danset le cimetièreextérieur. Leurs superficiesrespectives varient de 69 n9 i Sao, h 108 1112 h Mdaga, puis 180 m2 et 47,50 m* ii Midigue. La densitC de tombevarie quant ri ellede 0,15/nn2 B Sao, 0,16/m2 2 Midigueintra-muros, 0,20/m* h Mdaga, ri 8,27/nl2 à Midigue extra-muros.

Les distances entre les tombes danschaque cirnetihre r6vElcnt d'intdressantesinformations. A Sao,les Ccarts entre tombes varient d'un minimum de 1,25 m li un maximum de 9 m,soit une distancc moyennede 3,88 m, uneétendue de 7,75 m et un Ccart-type de 2,03 m. A Mdaga, on note un écart minimum de 1m et maximum de 12,75 m, pourune distance moyenne de 5,52 m,une Ctendue de 11,75 m et un écart-typede 7,17 m. A Midigueintra-muros, l'écart minimum estde 1 met le maximum de 14,50 m,pour une distance moyenne de5,73 m, uneétendue de 13,50m et un écart-type de 2,95 m. Et enfin B Midigueextra-muros, les distances varient de 1,25 m ri 7,75 m,pour une moyennede 3,41 m, une dtendue de 6,50 m et un écartde 1,75 m. Cesdonnées brutes suggèrent qu'il a existé un seuil minimum de distance de l'ordre de 1 m dans tous les cirnetisresCtudiés. Lesvariations desmoyennes sont assez 25 restreintesentre 3,41 m et 5,73 m. Lesétendues et les écarts-types enrevanche varient considérablement ; lesdistributions les plus régulièressetrouvent à Saoet B Midigueextra-muros, cequi suggèreun faible degré d'organisation. Cette argumentation est mieuxdémontrée avec l'indice de plus proche voisinage que nous appelleronsindice deproximité (HAGGET 1973 : 261) : cette méthoded'analyse se fonde sur la mesure de la distanceréelle, en lignedroite, separant un point du pointvoisin leplus proche, puis sur la comparaison de valeursnotées avec celles qu'on trouverait théoriquementsiles points avaient une distribution totalement aléatoire à l'intérieurd'une même surface. Les valeurs de cet indice varientde zéro, quand tous lespoints sont agglomerés en un seul endroit, à 2,15,quand ilssont plutôt organisés enhexagones réguliers,valeurla 1 indiquantunedistribution totalement aléatoiredes points. Les indices de proximité calculés pour les quatrecimetières sont de 0,20 pourklidigue intra-muros, 0,21 pour Mdaga, 0,25 pourSao et 0,91pour Midigue extra-muros. Il apparaît ainsique la distribution destombes est presque aléatoire dans le cimetièreextra-muros, qui separticularise par l'absence de tout bienfunéraire accompagnant les morts. En outre,salocalisation au-delà de la murailleest un indicesupplémentaire de sa spécificité dontlanature nous échappe encore ; cepourrait &tre l'aire d'inhumationd'individus ordinaires. A l'autreextrême se trouve le cimetièrede Midigue intra-muros qui comporte des p6les relatifs autourdesquels s'organiscnt les tombes. En l'absence des données d'anthropologiephysique, ilest hasardeux de préciserleur nature exacte ; cependant,c'est dans cette aire que la totalitédes biens funéraires a ététrouvée, allant jusqu'2 trentebracelets de bronze dansune des tombes. Les cimetières de Mdaga et Sao ' comportent chacundeux groupesrelativement distincts de tombes.

L'organisation et le nombrerelativement modeste de tombes danschacun des cimetikres Ctudi6s suggkrentque l'accks y Ctait probablementrestreint, ne concernantque certaines catégories d'individusvraisemblabicment de statut social assez &levé. L'accc5s réservé ri certainespersonnes dans des cimetières est assez bien documentédans littérature la ethnographique (THOMAS 1978, 1980, ESCHLIMAN 1985, GOODY 1962, BLOCH 1971, etc.). Comme le préciseESCIiLlMAN (1985 : 198) : "11 est rctnilrquablc dc noter que la mort nenivelle pas Ics hibrarchics et Ics dbpcndanccs. qui sont h In basc du systEnlc social,elle les figc plut0t. C'est Ic pouvoirqui se protkgc dc la sorte, en SC SCrVilIJt de In mort con~mcconsdcration supremc dc son ortirc". Cettenotion vague ne peut se pr6ciserque si l'on présente sommairement lecontexte historique global dans lequelse trouve le bassin du lacTchad entre le VIe etle XVlIIe sikcle, au moment où lesinhumations en jarreset les cimetieresapparaissent dans la zone étudiCe. Tousles sites ii muraillesparticipent plus ou moins activementaux rCseaux d'échanges quiparcourent toute cette partie de l'Afrique. C'estaussi au cours de cette pCriode queles rivalités entre les royaumes du Kmem et du Bornou instaurentune sorte d'insCcurit6permanente, auxquelles s'ajoutent ardeursles hCgémoniques desmonarques bomoums etsurtout d'Idris Alawma quirégna de 1564 h 1596. Laplupart des citCs kotoko se soumit sans rdsistance (ZELTNER 1980 : 121) Idris Alawrna portaainsi les fronti&res du Bornou sur leChari et le Logone etdevint maître des deuxrives de ces fleuves, s'assurant ainsi le contr6le de positions stratkgiques.

"Les villages kotoko, dont les murs dominent les rives l...] duChari et du Logone, forment une ligne ded6fensc que toute armée venant del'est doit d'abord forcer pour p6dtrer au Bornou. Cette situation devait faire, par la suite, la fortune de ces cit6s minuscules qui, prises entre le Bornou d'un côt6, le Baguirmi, le Waday et le Kancm de l'autre, n'avaient en clles-rn2mes ~UCUAC chancede prospgritb ni meme de survie. C'est en pratiquant un habile jeu de balance entre leurs puissants voisinsqu'elles préserveront leur iud6pendance de fait CL Icur culture originale". (%ELTNER 1980 : 122)

Certainesparties de la populationde la region étudiCe ont dû se convertir à l.'islam, commel'attestent quatre coupes trouvees h Mdagaportant des inscriptions coraniques en caract&res aral9es ; il s'agit prCcisCment de verset des sourates91 et106. En d'autres termes, I'islamavait tté adoptépar une partie de la population, probablementdestatut social Clevé, qui renforqaitainsi sa participation aux courants d'Ccinanges. Oe on n'a pastrouvé de traces incontestablesdes rites d'inhumation islamiques ; cerite est suffisammentprécis et simplepour qu'on puisse le reconnaîtresans difficulté.

"The gravepit should have a prccisc oricntotion, faciog thc hlahrah OC the mosque, and a distiuctiveshapc ; the dcepcst part of the pi1 is strictly rmrower to receivc only thc corpse lying on its sidc with ils facc to ~hc Mahrab. Thccorpsc is wrappcd in spccial clolhs but is otllcrwiscwiihoui objccts". (ALEXANDER 1977 : 217). 27

L'idéalislamique dans l'inhumation, c'est le dépouillement, le nivellementdans lamort. Les pratiques d'inhumation détectées dansles cimetières deSao, Mdaga etMidigue sont créées et articulées en vue de maintenir et de perpétuerles inégalités dans la mort. C'est h ce niveau queréside la manipulation dessymboles, car cequi égalise est dangereux pour le pouvoir ; celui-cis'arrange donc pour nierla mort et réintroduire l'inégalité avant, pendant et après la mort (THOMAS 1978 : 54). Cettemanipulation s'effectue pardes restrictions B l'accès à certainesaires d'inhumation, par l'accompagnement du mortavec des quantités variables de biens funéraireset par la confectionde tombes en jarres.

CONCLUSION

L'hypothèseselon laquelle l'intensité l'interactionde intercommunautaireconduit h uneforte différenciation horizontale etverticale intra etintercommunautaire et aboutit B desstratégies demanipulations symboliques des communautés idéologiquement dominéesmontre tout simplement qu'il n'est plusconcevable d'accCder B laconnaissance de la dynamique des soeiétés du passé parlaseule taxinomie des vestiges matériels. On sedoit de concevoir les donnéesarchéologiques comme des élCInents manipuIésfaisant partie intégrante des stratégies sociales des individus et des groupes qui constituentles sociétés du passé.

Danscet ordre d'idées, les données de la plaine tchadienne montrentquelques aspects demodikations sociales intervenues au cours destrois millénaires que couvre cetfe étude. Pendant la périodenéolithique (1800 h 200 bc),les morts sont préféren- tiellementinhumés enposition contractée dans une fosse, sans biens funérai-res, exceptionfaite d'un cas h Kursaka où le mort avait quelques"perles" enterre cuite. L'inhumation s'effectuait aIors uniquementdans les contextesdomestiques. Avec l'apparition de la métallurgie du fer(200 bc - 700ad), pratique la des biens funérairesdevient plus fréquente,l'inhumation se faittoujours dans l'airedomestique, laposition contractée du corpsdécroît etest remplacéepar les positionsfléchies et allongCes. Lamétallurgie du ferintroduit un premier Clément de spécialisationartisanale li côté desdifférentes tkhes desubsistance deetproduction dela ceramique.Cette différenciation horizontale n'est pas néces- sairementliée h une hiérarchisationsociale, mais elle porte en elle desgermes de différenciation verticale. Au cours de 1'Age du Fer- 28 r6cent (766-1506 ad),lesmêmes pratiques funhaires se perpétuentet c'est la quantitéet la qualit6des biens funCraires qui s'accroissentconsidérablement. Ontrouve désornlais des biens exotiquescomme la cornaline,des objets en fer et surtout en bronze.Onpeut considérer que dès cettepériode la plaine tchadienneparticipe intensément aux tchanges ri longuedistance et quececi stimule non seulement la spécialisationartisanale (poteries, fer,bronze), mais aussi l'émergence des nouveaux statuts sociaux. Cesstatuts Ctaient probablement liCs au contrôledes courants d'&changes, il I'accks ri des biens rareset ii l'affirmation des positions acquisespar des signes de prestige qu'ont dû êtreles colliers de perlesde cornaline et les parures en bronze. Dé$ aux Xlle et X'Ille sikcles,leroyaume duManem montedes expéditions militaires contreles habitants de larive sud du lac Tchad (ZELTNER 1980). 11 nousparaît donc logique que cet aspect cies relationsinternationales a pu jouerle rôle de catalyseurdans l'émergence des hiérarchies politico-militaires et de groupesaffiliés au statutsocial particulier. Cestendances Cvolutives semanifestent matérieliement au cours de lapériode dite "islamique" (XVe-XIXe sikcle) sous lapression soutenuede puissants voisins comme leBornou, leWadday, le Baguinni etle Kanem. Les principalescités se fortifientderrikre de puissantesmurailles, l'illhumation en jarresfait sonapparition, des cim,etières ii accès rCservé sontcréés, alors que l'islam -est progressivement adopté. Lesinhumations sont relativement beaucoupplus ClaborCes "consomment"et une grande quantite d'énergie.Lespetites cites relativement autonomes sont en compétition les unes avecles autres mais sont aussi confrontées aux mêmespressions militaires desroyaumes voisins. Lesrites d'inhumation,telsqu'on lesperçoit A traverslesdonnées archéologiques,montrent unevolonté de démarcationdes conceptionsd'inhumations islamiques, en maintenant et renforpnt lesstatuts dans la mort : 01% pourraitdire, dans ce dernier cas de figure,qu'il s'agit beaucoup plus de tombeaux pour les vivants que pourles morts. 29

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LES LANGUES TCHADIQUES ET L'OIIIGINE CHAMITIQUE DE LEUR VOCABULAIRE

WernerVYCICHL Universitéde Fribourg

1. LESLANGUES TCHADIQUES

Leslangues tchadiques, dont le représentant le plus connu est lehaoussa, offrent le curieux aspect d'un ensemblecombinant une structureessentiellement chamitique avec un vocabulaireen grande partiesoudanais. Dans les limites de cet article, nous essaierons de trouverles raisons de cette combinaison.

Mais avantd'entrer dans le détail, nous jetons un coupd'œil sur troisthéories dont la plus ancienneremonte h l'an 1887.Elle avait doncexactement 100 ans en 1987.

1.1. FriedrichMÜLLEK (1887)

Ce fut Friedrich MüLLER, professeur h l'universitéde Vienne et auteurd'un Grundrissder Sprachwissenschuft, qui définitpour la premièrefois lerapport entre les langues sémitiques d'Asie ou d'origineasiatique et les langues chamitiques d'Afrique,

Cesdeux ensembles, possédant unestructure grammaticale presqueidentique, diffèrent cependant selon F. MüLLERen deux points : - leslangues chamitiques possèdent desverbes bilitt2res (= à deux consonnesradicales), tandis que dans les langues sémitiques tous lesverbes ont en principe trois ou plusieurs consonnes radicales ; - leslangues sémitiques possèdent un vocab~dcaire unifornre, tandis queles langues chamitiques ont desvocabulaires tr6s différents les uns des autres.

D'apr2s F. MOLEER, leslangues chamitiques comprennent trois groupes : (1) l'égyptien, (2) le berbkre, (3) le couchitique. De plus,il noteque lehaoussa, seule langue tchadique connue h l'époque, présentaitdesconcordances remarquables avecchamito- le sémitique.

Une autreoptique apparait dans l'ouvragede Car1 MEINHOT; sur leslangues des Chamites. Celinguiste, d'abord pasteur, puis professeur h l'Université de Hambourg,est encore aujourdhui une autoritéincontestke dans le domaine des langues bantoues, mais ses thCories surles langues des Chamitesne correspondent plus ri l'état de nos connaissancesactuelles. Dans ses Sprnclzen der Mamiten (1912), il analysesept langues parlées d'après lui pardes populationschamitiques : (1) lebedja, (2) la chelha du Maroc comme reprksentante du berbère, (3) lehaoussa, (4) lepeulh, (5) le masaï, (6) lesomali (languecouchitique), (7) le hottentote.

Nousremarquons que trois d'entre ces langues ne sont pas du tout charnitiques : (a) lepeulh, langue b classesnominales, (b) le xnasaï quidistingue pourtant le masculin du f&rninin,(c)le hottentote,langue B intonation et A clicks.

Lescaractéristiques des langues chamitiques sont d'après @.MEJNHBF entre autres : (1) le genre grcmmatical qui manque pourtant au peulia, (2) le chungcmenr des voyelles : haoussa f u 8 "figure", pl. f u s % k 3,(3) la "polarire"" ou rkversibilitedes oppositions : si en chelha ag fl i $ "oiseau"forme un pluriel i g $8 0 (sg. a- etpl. i -), i 1 e B "langue" fonne le pluriel a 1 s i un (sg. i - et pl. -a).

Nousconnaissons aujourd'hui les raisons de ces changements et n'avons plus besoin de la "polarité" pour les expliquer (W. VYCICHL, "L'articledéfini du berbère", MCnzoriul Andr-2 Basset, Paris, 1957). 35

D'après C. MEINHOF,les Chamites,guerriers etéleveurs de bœufs à l'instardesPeulhs deset Masai's, dominaientdes populationsnoires.

1.3. Joscph GREENBERG (1952)

En 1952, Joseph H. GREENBERG publieson article sur le "présent afroasiatique".Il y distinguecinq groupes languesde : (1) sémitique, (2) égyptien, (3) berbère,. (4) tchadique, (5) couchitique.Il rejette leterme de "chamitique" parce qu'il ne voyaitpas les différences fondamentales qui séparent le sémitique du chamitique.

Ce nouveau point de vuea eu un énome SUCC~S,notamment en Amérique et en Angleterre, mais aussiailleurs où tout lemonde se prosternedevant legrand savant am6ricain, auteur dethéories fantaisistes.J'ai moi-mêmepublié un article"Farewell Afroasiatic" in Clzadic News, et 1. FODOR a critiqué le travail de GREENBERG dans d'autresdornaines (A fullacy in contenzporaly linguistics: .J. CREENBERG's clussificution of the African lungrtnges md his "Conzpur-ative nzcrlzod", Hamburg, 1966).

Nousmaintenons donc la subdivision du chamitosémitiqueen deuxbranches, comme l'a déjjh faitFriedrich h4ÜLLER (1887).

1. Lc si.mitiquc, dontnous mentionnons cinqici langues importantes : (1) l'accadien en Mésopotamieavec deux dialectes : assyrien au nord,babylonien au sud.Ecriture cunéiforme. Un texteimportant : Le code d'liun~nlrrrubi, premier recueiljuridique du monde ; (2) l'hébreu, langue dela Bible ; (3) l'araméen,langue de Jésus-Christ ; (4) l'arabe, langue du Coran ; (5) l'éthiopien en Abyssinie,langue de M&nilik,fils ICgendaire du roiSalomon et de la reine de Saba. (a) 1'Cgyptien : premierroi ikfCnès, vers 3000 avant J.-C., unificateur du pays, etfondateur de la capitaleMernyhis. Ecriture hikroglyphique ;

(b) le berbèreenAfrique du Nord,comprenant plusieurs languesetdialectes : siwi(Egypte), nefousi et gtmlamsi(Libye), djerbi(Tunisie), chaoui, kabyle, mozabite (Algérie), rifi, tamaaight, chellna (Maroc), touareg(Sahara), zénaga (Mauritanie),etc. La plus ancienneinscription datCe en caractbreslibyques date de 136 avant 9.X. (MausolGe deMasinissa, Dougga en Tunisie).On parlait Cgalement berbèreaux îles Canaries.

(c) couchitique : bedja,biline, galla ou ométo,somali, etc.

(d) le tchadique,environ 150 langueset dialectes : haoussa (25 Inillions de sujets parhts), bolC, angas, ron, bade, Biu-Mandara, somrai, dangla, masa,'etc.

(1) Leslangues chamitiques posskdent des verbes bilitr&.cs, parex. kabyle d e 1 "ouvrir", g e n "dormir", e d "moudre". Les langues shitiques n'ont que des verbes 2 trois ou 5 plusieurs radicales (arabe kat ab "il a Ccrit"). 37

(4) Lesnoms denombres de 3 h 10 seconstruisent en sémitiquede façon particulière : fornzes masculines pourles noms féminins et vice-versa. En revanche,les langues chamitiques font l'accord quand ilsdistinguent le genre grammatical des numéraux.

4. LA PKEHISTOIRE DE L'AFKIQUE DU NOKD

Ala fin du paléolithique,l'Afrique du Nord étaitoccupée par unepopulation cromagnoïde, les konzmes de Mechtuel-Arbi : de grandetaille (1,74 m enmoyenne pour les hommes), à forte capacitécrihienne (1650 cc), à facelarge et basse, aux orbitesde formerectangulaire et à ossaturerobuste (G. CAMPS, Civilisutions, pp. 82-89).L'angle demlchoirela était souvent rejeté vers l'extérieur.Avulsion des incisives du maxillairesupérieur pour les hommeset les femmes. L'homme de Mechta el-Arbi était l'auteur d'une civilisation particulière, celle de l'i b 61-0- nz u 14 rusie II, appartenant au paléolithiquefinal.

Lesdescendants del'homme deMechta el-Arbi constituent aujourd'huienviron 3% de la population de Maghreb.Le nom de cettepopulation dérive d'un site préhistorique en Algérie orientale fouillé pour lapremière fois par J. de MORGAN en 1907.

Les 1'rrotornt.tliterl-an~ens

A l'époque'suivante, un nouvelélément ethnique fait son apparitionenAfrique du Nordavec lesProtoméditerranéens, pratiquementidentiques avec la majorité de la populationactuelle. Environ 70% desKabyles appartiennent il ce type.Egalernent de taille élev6e (1,75 m pourles hommes), ils présentent un rapport crinio-facial plusharmonieux que le type de Mechtael-Arbi. Le nez estplus étroit, l'angle denxîchoirela n'est plus rejeté vers l'extérieur et l'ossatureest plus gracile.

LesProtom&diterranCens sontporteurs d'une civilisation nouvelle,celle du Cupsicn, nommée ainsid'aprks la ville de Capsa, aujourd'hui Gafsa (enTunisie miridionale), caractCris6epar des microlithesgéonlétriques (triangles, trapkzes, segments de cercle), desgrattoirs denticulés, des burins, des perçoirs, des lamelles aigiies 2 bord abattu rectiligne et il base tronquie. 38

LesProtoméditerranéens pratiquaient également l'avulsion den faire mais contrairement aux Mechtoïdes,I'avulsion des incisives n'est pratiquementjamais observCe sur les hommes -il n'y a qu'une seuleexception- tandis que les femmes, peut-Etre toutes,avaient les incisives arrachées, leplus souvent aux deux mâchoires (G. CAMPS, Civilisations, p. 174).

Le Capsien de l'Afriquedu Nord derive du Natoufien du Proche-Orient.Cette civilisation, nomm6e d'aprks le Wadien-Natouf en Syrie, fut $&couverte en 1928 par D. GARWOD.

Le s Natoufiens,Les physiquement identiques aux Protornéditerranéens de l'Afriquedu Nord, vivaientdans des grotteset, en partie, dCj& dansdes villages. Leur principale occupation était la chasse et la cueillette. Ils ne poss6daient qu'un seulanimal domestique, le clnien. Leurindustrie lithique ressemble ii celle duCapsien. Ignorant l'agriculture, ilsrecueillaient des cbréalessauvages qu'ils pilaient dans des mortiers en pierre,et possédaient des faucillesen silex inserées dans des manches d'os.

Leurcivilisation, mCsolithique commele Capsien, constitue la transition entre le palCslithiqueet le niolithique. Le niveau le plus ancien du tell de JCricho a livré,avec une importanteindustrie natoufienne,les restes . d'un bâtiment quel'analyse du carbone 14 .-~ datede 7888 avant Y.-C. Par la suite, au 7èmemillenaire, des civilisationsnéolithiques succ&dent au Natoufien.

Les ProeoméditerranCensont apporté du Proche-Orientnon seulementleurs squelettes, mais aussi leurlangue, non encore sCmitique,mais pro&o-st!mitigue, danslaquelle certaines particularitéspropres aux langues sémitiques, comme par ex. l'emploi de laforme verbale B geminationcomme causatif (arabe ka bu r "6tre grand", ka b ta B r "rendregrand"), n'étaient pas encore ddveloppées.

LeCapsien est égalementattesté enEgypte, à plusieurs endroits.Le site le plus connu estcelui d'es-Sébil (près de Mom Bmbo,Plaute-Egypte), le Sébilien III. 39

EnEgypte, le Capsien s'estdivis6 en deux branches. L'une s'est dirigéevers l'Afrique du Nord et, de là, vers le bassin du Tchad ; l'autre,vers la Nubie, le Soudanet le Kenya.

En Afrique du Nord, le Capsienest attesté au Sahara.Nous y mentionnonsles sites de Ngouça près de Ouargla,de Merdjouma dansle Tademaït, de Reggandans le Tanezrouft, dont l'outillage correspond B celui du Sébilien II1 d'Egypte. C'est parces régions que le Capsien a dû pénétrerdans la région du Tchad, en y apportant un protosémitiquearchaïque.

D'autres 61Smcnts cthniyucs de I'Afriqucdu Nord

LesMechtoïdes et les Proton1éditerranéens ne sontpas les seuls élémentsethniques de l'Afrique du Nord. Nous en mentionnonsici troisautres qui ont contribué B constituerl'ensemble des Berbères : (1) le typede Djerba, brachycéphale, plut6t de petitetaille, (2) les Berbèresblonds, aux yeuxbleus et à teint clair, pour la première foisreprésentks en couleursdans le tombeau de Sethos ler (Vallée desRois, vers 1250 avant J.-C.), (3) lesmélanodernles des oasis du Sahara.Tous ces dlénlents ontcontribué h In formationde ce qu'on appelleberbhre,le mais seuls les Protonléditerran~exls luiont fournil'essentiel de la phonétique et de la grammaire.

Desrecherches ultérieures préciseront datela d'arrivée au bassintchadique des porteurs de la civilisationcapsienne. Nous savonspourtant h quelleépoque Capsienle s'est détaché du Natoufien. En Afrique du Nord, le Capsien d'Ain Naga sesitue entre 7350 et 7220 avant J.-C. Nouspouvons donc affirmer sansgrands risquesd'erreur que les Clémentschamitiques deslangues tchadiquesont environ 9000 ans (= 7000 ans environavant J.-C. et 2000 ansaprès J.-C.). Celaps de temps explique l'absence d'un vocabulaire commun tchado-sémitiqueplus important : lesProtoméditerranéens ont quitté troncle commun h une époque où lestechniques et lesvocabulaires de certaines activitis n'étaientpas encore développées (agriculture, élevage, céramique, tissage, etc.) ; chaquelangue perd dans un temps dCterminC un certain pourcentage de son vocabulaire (75-85 pourcent par millhaire selon Morris SW.ADESH) ; l'érosionphonétique a pu rendremdconnaissable nombre de mots apparentés(comp. français "deux'', armenien "erkon"); laforte influence de langues du Soudan,notamment dans le domaine de la zoologie et de la botanique.

Quant au vocabulaire, il faut raoter deuxfaits : (1) seuls les mots qui ont un rapportavec le sémitique sont réellement sémitiques, par ex. égyptien B -m-y "annoncer", bedja .s im l'nomt', berbère i 8 em

"nom" (ancien a - 8 i .m i )? tchadique t h BEI i "nom" en logon6 (ancien I e rn i ). Enrevanche, les mots qui n'ontpas de rapport avec le sêmitique ne peuvent Stre chamitiques mEme s'ils setrouvent dans plusieursgroupes chamitiques, par ex. égyptien q i e; i "os" (reconstruction d'après le copte L a 5, pl. Zr e e 8 ), berbère i g II e B "os" (ancien a - g i 5 i ), tchadique LnP 5 h i l'os'' (ancien q PP s i ou g i 8 i ) ; (2) en parlantde mots chamitiques,il faut exclure les mots seréférant h desactivités purementndolithiques : boeuf, blé,tissu, etc. Si des concordancesexistent dans cesdomaines, elles doivcnt être attribuées ri desemprunts effectués I't despériodes ultérieures.

Il sembleque les traits chamitiques de la granmairedes languestchadiques soient plus archaïques que ceux des autres groupeschamitiques.

Nous notons enhaoussa une terminaison du nom fbminin -2 (souvent élargie : - i y 5 , -y là, -n i y X , - ny 3) tandis que les autres groupespossèdent uneterminaison -a. t B l'instar du sémitique. On peut seposer la question si - 3 n'étaitpas plus ancien que - II.e , terminaisonapparemment composite. 41

Les Cléments pronominaux (ka "toi" m. et k i "toi" f., comme y a "lui"et t a "elle")ne peuvent figurer dans les autres groupes tchadiquescomme des membres indépendants d'une phrase.

Lesparticipes passifs ri répétition de ladernière radicale forte du haoussa (8 ana nn ë "su" provenant de B a n a nn i - i ) se retrouvent enégyptien (a- d - d- y "dit" de d- d "dire") et en arabe(forme qatlül deq-t-1).

Lehaoussa possède plusieurs formations du plurieltrès anciennes : (1) ya t s a "doigt", pl. ya t s-u ; (2) daki "hutte, pl. dak-una ; (3) hany a "chemin", pl. h any- O y- i ; (4) zu c i y a "cceur" (ancien z u k t i y a ) , pl, z u k- a - t - a (insertion de -a- pluralisateur).

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DIFFERENTS 1-IERITAGES CULTURELS ET NON CULTURELS A L'OU&ST ET A L'EST DU BASSIN DU TCIiAD SELON LES DONNEES LINGUIS1'IQUES

1-1c1-1-mann .JUNt;KAI'I'I-IMAYI< Universitéde Frankfurt

1. Lorsqu'onexamine une carte deslangues tchadiques, on constatequ'elles sont géographiquement réparties d'une manière trèsdispersée. Nous observonsplusieurs "îlots" ou "presqu'îles" tchadiquesentourés soit par des langues bénou6-congo, soit par des languesadamawa-oubanguiennes - abstractionfaite de l'arabeet du fulfulde.Prenons le cas du plateau du Nigeriaseptentrional : ici,les groupessura-gerka ronetsont séparés desautres langues tchadiquespar des langues bénoué-congo comme le birom,I'irigwe, le tarok (yergam),le pyem etbeaucoup d'autres petites langues récemmentdécrites par K. SHIMIZU, ledjar ou djarawaet le djukun lesdisjoignent du groupetchadique situé le plusproche au nord-est : legroupe bole-tangale. Leslangues de ce groupe sont séparées entreelles, A leurtour, par plusieurs langues adamawa, par exemple leslangues waja, tula, cllam, dadiya, etc. Au Tchadse sont interposCsdeux groupes linguistiques distincts, non-tchadiques (soudan-centraloubanguien),et entre leslangues tchadiques centrales(branche est) et orientales (branche sud - langues parJCes entrele Chari et le Logone - d'un côté, et branche nord de l'autre).

On peutsupposer que cette situation linguistique complexe est lereflet historique demigrations ; diversespopulations sesont rencontrées et influencCesmutuellement au cours de plusieurs nlillCnaires ; cela a abouti B dessuperpositions et descroisements de cultures et de langues. Le laal en est un exemple typique : cette langue, purlCe par une centained'hommes sur lesrives du moyen Chari, a CtC ktudi6e par P. BOYELDIEU (l9S2). II conclutson Ctude "endemantlsnt aux spkcialistes du domaine [...] s'il leur paraîtlicite d'envisagerl'existence delangues 'plus ou moinstchadiques"' (pp. 92-93j. v)w a 45

Dans un premierstade, il yaurait une certaine correspondance entre la langueet la cultured'un peupledonné. Parla suite, de nombreuxcontacts etéchanges s'effectuent entre les différentes comnlunautés au coursde leurs migrations, si bien que ce rapport d'identitéperdse au profit.d'adaptations processusdeet d'assimilationproduisant des similitudes locales sans pour autant tenircompte des différences généalogiques originales. Cela pourrait expliquerlagrande diversité entre certaines langues tchadiques : aprèsavoir migré dans une zone de langues bénoué-congo ou adamawa-oubanguiennes,les populations sesont assimilées de plus enplus 2 leurnouveau milieu ; finalement,leurs langues ressemblent(en plusieurs points) davantage aux langues voisines - génétiquementnon-apparentées - qu'auxlangues génétiquement apparentéesmais géographiquement éloignées. C'est lecas par exempleentre le tangale, langue tchadique parléeau sud de Gombe (nord-est du Nigeria),et son voisin, le waja, langue adamawa. Les deuxlangues possèdent le mêmesystème de voyelles h neuf ou dix phonèmeset la mgme loi d'harmonievocalique, où le trait de I'ATR (+ ou -) selonSTEWART sépare les deux groupes de voyelles mutuellementincompatibles. Le fait que lekanakuru (dera), le kwami, le pero et le kupto - ce sont les langues les plusétroitement apparentées au tangale - ne possèdentque cinq ou septphonèmes vocaliques - nousconduit h l'hypothèseque le tangaleet le waja se sontrapprochés desorte que ces langues forment unenouvelle communautéde parenté par contact qui, en surface,semble être plusimportante que laparenté gknétique, pas toujours facile h identifier.

2. Ces contactsinterethniques au cours de milliersd'années - le mouvementdes ethnies du Saharavers le sud doitavoir commencé aumoins au 3èmemillénaire av. J.-C. - ontdonc laissé des traces importantesdans les langues concernées. Les remarques qui vont suivreseront IimitCes auxlangues tchadiques où apparaissentdes variationslexicales aussi bien dans le vocabulaire fondamental que clans levocabulaire culturel : on peut en dégagerdeux régions principalesavec des héritages culturels distincts, h savoirl'une au Nigcrin du nord(langues tchwcliqucs occidentales) et l'autre au centreet h l'est du Tchad(langues tchadiques orientales). 11 impoEte denoter que le domainedel'ouest manque d'unité en cequi concerne le rapportentre le hausa et les autreslangues occidentales.Parfois, lehausa presente un vocabulairetout h fait unique vis-;-vis des autreslangues tchadiques, des lexèmes dont l'originepourrait se situerdans le domainemande-songhay. La 44 branche deslangues tchadiques centrales - parlCes surtout au Nord- Cameroun - rejointsouvent le cet6occidental, mais quelquefois aussiles langues de l'est. Le réseaudes rapports et influences réciproques dans ]le Soudancentral est si complexequ'on ne peut encorefournir une description tout B fait prCcise desfaits. On ne peutque tenter de cernerdes réalités historiques peu connues.

3. Dans uneétude prkcédente (13. JUNGRAITFIMAYR, 1988, "Etymologietchadique"), rious avons d6j5 pu suggérerune telle dichotomie selon laquelle leslexèmes "é1Cphant", ''lièvre'', "poisson", "deux","femme" et "graisse"1aurait une distribution ouest-est compl6mentaire.Par exemple :

ll est probldn~aticlucd'inclurc Ics quatre dernicrsIcxEn~cs dans la listcdcs centmots fond:~mcntaux Ctablie par M. SWADESI-I. II parait probahlcqu'un tcrmccomme "femme." peut Etrc emprunt6par dcs immigrants 2 1;1 IitItguc des autochroncsavec lesquels ilsarrivcnt h 6tablir une symbioseculturcllc. Cclapourrait cxpliqucr pourquoi nous comptons au moins sixracincs diffCrentcspour le concept "femme" dans l'ensemble de la famille tchadiquc. Dans une tctlcpcrspectivc, le conccpt"fcmmc" n'appnrticndroit plus au vocabulaire l"ootldamenta1 maisdeviendrait un conceptculturel, plus susccptiblcd'strc rcxnplacéau coursdcsCv6ncmcnts histuriqucs et culturclsqu'un lexèmc fondamcntal. Parmi lesautrcs co~lccpts "pscudo- fondamentaux", il y a "chien",."poisson", "viande", "mur", "c;Iu", "feu", "cendres","fum6c", "soleil", "lunc", "tuer", ."mordre", "SC lcvcr",etc. Je propose d'appclcrccttc catkgoric de mots "IexCrncs ITIOUS" parcequ'ils sont susceptibles d'Etrcmodifi6s et d'btre rcmplacCspard'autrcs Icxèmcs empruntds aux langues de contactayant un prcstigc ct une actuaiitd plus grande quc ceux dc la langue dc d6part. D'un autre ~616, Ics Icxkrnrs qui rCsistcnt h toutcsorte dc pression exldricurc pourraicnt Etrc d6signCs comme"lcxèmcsdcs durs"commeou "vocabulairc nuclkairc" ("Kcrnvokabulnr"comme les appcllc le Prof. O. ROSSLER). Parmi ces dcrniers on compte lestcrmcs "qui", "quoi","racine", "os". "imguc", "manger"."mourir" ct "IIOII~". 47

Onpeut ajouter ici les résultats plus récents dérivés d'une comparaison des centmots de laliste SWADESH entrele hausa et le sura (mwaghavul),comme représentants de l'ouest, etle bidiyaet le migama,comme repr6sentants del'est (voir sélectionla dans l'annexe).Les chiffres suivants corroborent l'kiypothèse d'une distinctionprofonde entre les langues tchadiques de l'ouest et celles de l'est :

hausa -5%

22% 24% 68%

Aucunelangue choisie ne partage plus de 25% devocabulaire communavec lehausa ; mêmelesura, langue occidentale, ne présenteque 24%. Celasouligne une foisde plus - C. HOFFMANN nousavait déjjh indiquéce fait en 1973(Marburg) - laposition particulière du hausa.Bien que lesura d'une part,le bidiya et le migamad'autre part, setrouvent beaucoup plus éloignés que le hausaet le sura, leur taux de vocabulairefondamental commun est sensiblementégal à celuientre le hausa et lesura. (Il importe de noterque lasituation en Europe entre par exemple l'anglais et l'allemandd'un côté, l'allemand et le russe de l'autre, correspond à peu près 5 celleindiquée plus haut : alors que l'anglaiset l'allemand ont au moins73% de vocabulaire commun, I'allernand et le russe n'ont en coxnrnun que 26%, selon R.G. ARMSTRONG).

4. En cequi concerne vocabulairele purement culturel, nous avonsrecensé les lexkmes suivants qui ont unedistribution plus ou moinscomplémentaire entre l'ouest et l'est :

(1) Larkpartilion des racines pour le lexhe "Inoudre'' est très diversifige.Nous avons relev6 sixracines différentes, parmi lesquelles *nf et *cf- s se trouvent exclusivement B l'ouest et *k r 6 au centreet h l'esttandis que *y g estaltest6 uniquement ri l'est. Voiciquelques rCflexes : 48

centre est mubi : ydgb birgit : 'Igvgi

bidiya : egrbg tumak : y Eg ICI@ : 7:s sibine : y5

*kab glavda : kerd kwa11g : 'èadë bidiya : 'or8dgr

(2) Pour le lexkmehausa g B a J i i "farine" quine se trouve nullepart ailleurs - sauf cntangale oh, cependant, il n'est pas encore sûr quela forme kutu soit de mêmeorigine que g B a F f i -, les rCflexes dela rache :k- p t n'apparaissentpas seulement B l'est maisaussi 5 l'ouestetdans lapartie centre-est. Voici quelques exemples de réflexes :

(3) De même, la forme h 2 i f L a "accoucher" du hausa ne semble pas avoirde reflexe correspondant danstoute la famille tchadique. En dehorsde ce reflexe isolé, l'ouest présente deux racines pour le mCme concept, h savoir $1w et :*bI C. La racine la plus rbpandue - ri i'estainsi qu'au centre-est %y, souventréduite h uneseule radicale, par exemple : 49

(4) Tout comme h à i f 6 a le réflexe k 6 s h 8 e "tuer" en hausa n'a d'autresréflexes correspondants dans la familleentière. La racinela plusrépandue à l'ouest est * t k/*d k attestéepour les groupes sura- gerka,bole-tangale, nord-bauchi, sud-bauchi, bade-ngizim. D'autre part, la racinereprésentative pour, l'est (branche nord) est *d y. Exemples :

"tuer" ouest est * t k/*dk karckarc : dukwa sokoro : da bole : duw- migama : diyiiw tangale :t O 9 9 mokilko : t -id2 bade : t'akà birgit : dday- bidiya : d- mubi : d3y6

Il convient de signaler.que la .racine del'ouest * t k/* dk se présentedans plusieurs langues. da& des réflexes duconcept "frapper,taper, battre" ; celas'applique surtout au hausa où dii O k àa signifie"frapper", d 6 k à a "piler" et "taper" ; on noteégalement que lelexème p um signifie "tuer" en daba,mais "frapper" en zime '! En fonctionde cela, la question de l'origine du mot isolé k % s h B e en hausapeut nous conduire il l'hypothèse d'un emprunt au mande, où, parexemple en bambara, g O s h i signifie"battre". Surce point, il convientdenoter que les rapports linguistiques interfamiliaux entrele mande et letchadique mériteraient une étudeapprofondie ; cf. aussi bambara bug O et hausa bug aa "battre,frapper" ; bambara k a r e et hausa k fi r y e e tousles deux signifiant "rompre (bâton, etc.)".

(5) "Oeuf', hausa kwii i. Alors qu'ilexiste partout desréflexes dela racine de l'est, à savoir*drl, c'est-i-dire ri l'est, au centreet i l'ouest, on ne rencontre pasde réflexes apparentés au hausa kwii i B l'est.Exemples :

"oeuf" ouest centre est hausa : Ewd i sura : as-kwe i yiwom : qkZ&

*dr 4 goemni : haa s bacama : dif 1 é migama : dé282 karekare :'insa mafa : QaQay mubi diss6 bole : dinsa daba : nd8bî sokoro : dEsE Enexaminant cette petite liste delexbrnes relevant du vocabulairecultureI, on sedemande s'ils proviennent d'un même ensembleculturel, celui du domaine de la femme - rappelonsque le mot "fenmme" lui-rnEme faitpartie de cet ensemble B l'ouestet au centre, h savoir *mk I2, par exemple haussa miZ B t $ia, boghsm mi B 8, wandala mfik ec 6 mofu ngwl B -. Peut-onsupposer que cet ensemble demots culturels refl6ee unepartie essentielle de la culture des autochtones que des immigrantsont rencontre 2 leur arrivCe ? Les "lexkmesorientaux" sont-ils representatifs duvocabulaire des immigrants,tandis que les "lexèmes occidentaux" appartiendraient au vocabulairedelapopulation etablie ? Peut-ondire que le vocabulairede la culturequi est surtout marquCe pardes activités etdes objets féminins - comme"femme", "accoucher", "moudre", "farine", "euf" (?), "tuer" (?), peut-êtreaussi "danser" (:k I2w 1 ), L "laver" ("bn) et "feu" (%v t ) - étaitparticulièrement "rCsistant" contre toute sorted'influences modernes ?

Lefait que les vocabulaires des langues tchadiques sont composCs de clifferends heritagesnous amkne B poserdetelles questions.Nous pourrons ainsi toujours mieux rCpondre B la questionhistorique del'origine des composantes ethniques et culturellesformant l'inventaire des quelques 130 commurnautés tchadophsnes.

Jeremercie sinckrement M. IChalil ALI0 (Marburg) pourson aidedans la rédactionfrançaise de cet article. 51

ANNEXE : Sélectionde lexhnes tchadiques cornpar&

Izausu sura bidiya nziganza qui wàa (1) wE (1) wd (1) wè (1) 1 quoi mèe (1) mÉ (1) mg (1) inimé (1) 1 deux bfyfi (1) vül (1) s'id3 (2) séèrà (2) 2 femme mbatda (1) màt (1) dhatë (2) dàa t O (2) 2 poisson kf i f P.i (1) pfipwdp (1) biiosà (3) b6a s fi (3) 3 oiseau tsfintsfiu(l)yi?r (1) dZ id5 (1) dl idfi (1) l? chien kàrée (1) a z s (2) 'asa (2) kânnyà (1) 2 racine sâywga (1) sËEn (1) czarà (1) c6àrfi (1) 1 viande niiamàa (1) lüwZa (2) süud5 (3) s6udfi (3) 3 sang jfnli (1) t byam (2) büsk'i (3) bliarli (3) 3 os Eàshii (1) dPyÉs (1) kiisk5 (1) 'às sfi (1) 1 graisse kPt s8e (1) ihmaur (2) s ÉwBlJ (3) s Owdn (3) 3 œuf Ewiii (1) 'àas (2) dX i s 5 (2) déèsè (2) 2 langue hiirshèe (1) liis (1) Ifisë (1) 1ii.t (1) 1 pied Eiif àa (1) shii (2) 'ésèen5 (3) 'd s 1 n (3) 3 boire shda (1) shwaa (1) ' àad- (2) 'bar-(2) 2 manger ci (1) SË (1) t Ë- (1) t $y- (1) 1 mordre ciEiz6a (1) Ht (2) '3m- (3) ' 6 om- (3) 3 mourir mfi t a (1) maut (1j mIat (1) miiat- (1) 1 tuer klishde (1) ta (2) dË- (3) diy- (3) 3 soleil riianàa (1) pfius (2) piiat5 (2) piia t ii (2) 2 lune WB t àa (1) zàr (2) k5yZ (3) kdoyii (3) 3 feu wiitiia (1) wüs (1) 'Bk5 (2) 'iikkb (2) 2 cendres hiibdii (1) fwHt (1) bil t b (1) bfttf (1) 1

Leschiffres de la colonnede droite indique le nombre de racines représentéesdans laligne correspondante. Les chiffres dans les autrescolonnes permettent de regrouper les lexèmes d'une même lignepar racines. 52

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PREMIER ESSAI D'EVALUATION DES EMPRUNTS ARABES EN HAOUSSA*

Sergio LIALDI Universitéde Naples

Lehaoussa a, parmi les langues africaines, le grandavantage d'avoirété l'objet d'uneétude assez approfondie en ce quiconcerne sonlexique'. La publication de dictionnaires haoussa, en particulier ceuxde BARGERY [4] et d'ABRAHAM El], montre qu'unetrès large partdu patrimoine lexical étéa recueillie. Cependant un aspect fondamental du lexique,les emprunts, n'a pas encore &té étudié systématiquement.En réalité un certainnombre de travauxont déj& étépubliés sur ce sujet, quelques-uns de grande valeur2,mais pas demanière systématique.Tout cela se reflètedans les dictionnaires existants qui neprésentent pas, sous cetaspect, des données suffisantes.Pourtant, je voudraisfaire ici certainesremarques sur le dictionnaire d'ABRAHAM, le dernierdictionnaire haoussa à donner lesétymologies des mots, en espérantqu'elles pourront être utiles dansl'éventualité de la publication d'un nouveau dictionnaire ou de la révision du dictionnaire de BARGERY3.

La préparationde ma thèse dedoctorat [3] sur lesemprunts arabesen haoussa m'a obligé à dépouillersystématiquement les principauxdictionnaires haoussa et à travailleren particulier sur le dictionnaire d'ABRAHAM. L'économiegénérale du travailet surtout le tempstrès limité dont j'ai pu disposerpour la rédaction de ma

* Les r6ferences bibliographiques sont donn6cs dans le corps du texte cntrc crochets droits : le premier chiffre renvoie à la bibliographie, le second indique la page de la publication citee. Voir les travaux de GREENBERG [10 et 111, MISKETT [12], GOUFFE 15, 6, 7, 8 et 91, etc. 2 Voir la note prickdente. A ce sujet, il y avait un projet, annonce dans le Chadic Newsletter, qui a abouti exclusivemcnt à la publication d'un Supplcrnent au dictionnaire ,de BARGERY, voirSKINNER fl8]. 54 thèse,m'ont empêché defaire certaines considérations sur la façon demaiquer les emprunts à l'arabedans le susdit dictionnaire : c'est ceque je voudraisfaire ici avant d'essayer de donner des chiffres surle pourcentage des emprunts et surtoutavant de commencer B esquisserune kvaluation des pourcentages des emprunts arabes dansdiff6rentes sources haoussa, c'est-i-dire dans des textes anciens,des textes litteraires etjournalistiques, ainsi que dans diversautres textes, surtout ceux produits dans la campagne pour l'alphabétisation (Yaki da Jahilci). A ma connaissance,de telles rechercheslexicales n'ont pasencore CtC menéessur le haoussa ni suraucune autre langue africaine, sauf leswahilil, aveclequel, mais c'estencore une simple hypothèse detravail, il prCsente beaucoup de pointsde similaritC.

L'usage systématique du dictionnaired'ABRAHAM nous pousse

faireces remarques, valables dans une certainemesure aussi pour , lesemprunts haoussa aux autres langues, pour lesquels on fera simplementdes allusions, puisque ce n'est pas l'objet de ce travail.

On constateque :

1. Les empruntsnesont pas systématiquement signalés, par exemple :

a t ta. j i r i [1, 411 / ta j i r i [1, 8481 "wealthy trader" < ar t 2 j i r [ZO, 9 lb] herchant" b a y sp a n a [ 1, 941 "to exylain" < ar b a y J a PP a "to make clear" 2ème fome de b Zn a [20, 87a] c a I a 'in2 [1, 1341 < ar t i D C 2 ~9.acc. de t i8 Bn [20, 94b] 'lninety'' d a. f t n r i [l, 1661 < ar el. B f t a x [ZO, 285aI "registrer" Ehu 1 d um [1, 5501 "always" < ar ku 1 I [2O, 835al "all" 1 a i f i [l, 6081 c ar c a i b [ZO, 660b] "fault" ma 'u j iI a [ 1, 6911 < ar mu C j i z a 120, 592b] "miracle" (esp. done by a prophet) sa 'an 11, 6941 < ar naCam [20, 980al "yes"

1 Voir les travaux d'EMna Z6BKOVA BERTONClNI [22 et 231. Sur l'origine de ce mot, voir GREENBERG [lO, 87 et 941. numf a s h i 1 [1, 7071 "breathing" < ar na f s [20, 985al "soul" s ad a k i [ 1, 7581 < ar adIk [20, 509al "(bridal) dower" 8 ah i b i [1, 7601 "close friend" < ar I p i b 120, 504a1 "companion" t a s a [l, 8551'"metal bowl" < ar H s [20, 572b1 "drinking CUI)" z a 'ida [l, 9611 "exaggeration" < ar a zw i da pl. de z ad [20, 385b] "provisions" zamaqi [l, 9651 "period" < ar zamHn [20, 382al "the"

(b) kanuri b a 1 a g u r O [l, 681 "going for a walk ; any joumey of about a year" < ka ba 1 'agur O [15, 1881 "travel" g a 1 a d i ma [ 1, 2891 "an official position" < ka g a 1 t f mCG [ 15, 2001 "highofficial, following the Shehu in rank. In former times he was district-head of Nguru" g a ng a [ 1, 2961 '*type of druml' < ka gag g'a [ 15, 2001 "big round drum hangingat the shoulder" g a r u [l, 3071 "wall round town or compound"' < ka g a r fi [l5, 2011

" wall" g O r O [ 1, 3331 < ka g 5 r a [ 15, 2021 "kolanut" karuwa [l, 4911 "thief ; profligate man ; harlot" < ka kbrha [15, 2101 "harlot" ka suwa [l, 5011 < ka kas liga [15, 2111 < ar s üq [20, 443al "market"2 r a f a n i [l, 7 131 "maternal-uncle ; lobe of ear" < ka r &v2 [ 15, 2351 "mother'sbrother". s O r O [l, 8211 "rectangular flat-topped house" < ka s 6 r O [15, 2401 "rectangular mud house" < ar s ür [ZO, 441al "wall"3.

ABRAHAMdonne aussi 1 am f L I h i [l , 6231. 11 faudraitvoir si les deux varianteshaoussa correspondent h un termeapparenté chamito-en sémitique ou h un emprunt h l'arabe. C'est l'hypothèse de GREENBERG [ll, 2101 : "TheKanuri ka s fi ga isfrom Arabic I a: q 'market',with the Kanuri noun-forming prefix k L -. The treatment of Arabic q in non initialposition as g is normal in Kanuri".Mais je pense quela vraie source est au contrairel'arabe parlé, voir ZELTNER et TOURNEUX [21, 1361 quidonnent SU:^ "marché". 3 C'estl'hypothèse de ROBINSON [17, 3801, maissans doute un autrecas d'un motdérivé par l'arabe parlé ; voirZELTNER et TOURNEUX [21, 1441 qui donnent 8 O r O: y a ( t ) "édifice en briques", où il y aaussi la meme significationen haoussa et enkanuri mais non enarabe classique. 56

(c) fulfulde

bappaa/bap]panyo [1, 771 1 baffa [I, 567 < fu bappa f19, 111 ''paterna1 unclet' k O [ 1, 1981 "beingrespectable and of soundjudgment" < fu ndo t t Iku 619, 4OJ "prowess ; prime of life" da t t i j o [l, 1981 "a true gentleman" < fu ndo t t i j o [I9, 403 "fulI- ; importantman, elder" "originalinhabitant of country,a as Hausasfrom the .- point of view of the Fulani ; stopid" < fu k B @O [l9, 106J "a non- Fulaninegro ; slave ; men~berof a subject race" nagge (Sk.) [l, 6951 < fu nagga [19, 1451 "cow"

(d) anglais

6: i f j O j i [ 1, 141 "chief judge" en 'e [ 1, 2391 "Native Administration" g a rma h O [ 1, 3071 "grmaphone" k iI i 8 t a [l, 5241 "a Christian"

(@) yoruba

2. Parmi les motssignales, la plusgrande partie estsimplement i,. marquCe parle sigle ar (arabe).

3. Quelquefoisl'auteur signale l'emprunt dans laforme de base haoussa et non pas dans les formes derivkes, parexemple : bahi 1 i [ls 581 "miser" et non pas bahi Is%nci/bahi1 e i [l, 581 "miserlinessl' b a w a 1 i [l, 921 "urinet' et non pas b a a 1 c e [l, 921 'Ito urinate t. out" ou bawa 1 ta [1, 923 d a h B r i Il, 2451 "ostentation" et non pas f a h a r t a [ 1, 2451 "to behaveboastfully" fahimta [l, 2451 "to understand" et non pas fahimtacce [1, 2451 "intelligent" ou f a h i m t a d d a [ 1, 2451 "to cause P. to understand T." ou f a h i sn t Q [a, 2451 "to understand one T. on analogy of another" 57 h a k i m i [ 1, 3631 "District Head" et non pas h a k i mc i [ 1, 3631 "being a lzakimi ou h a k i mc e [ 1, 3631 "to give oneself airs" ou h a k i m t a [l, 3631 "being a Rakinzi".

4. Quelquefoisl'emprunt est signalé dans la forme dérivée et non pasdans laforme originaire qui, évidemment, était levéritable emprunt en haoussa,par exemple ; d a r a k anc i [l, 1921 "blustering cuteness" et non pas d a r a k i [ 1, 1921 "cuteblusterer'' ' f a j i r c i [ 1, 2451 "depravity"et non pas f a j i r i [ 1,' 2451 "depraved".

5. Parfoistoutes les formes haoussa, les -formes de base et les dérivées,sont marquées, par exemple : b 1a i d i [1, 691 "backward in sludy" et b a 1 i d a n c i [ 1 691 "being backwardin study" hatsabibi [l, 3811 "sorcerer, diviner" et hatsabibanci [l, 3811 "sorcery".

6. Une partie des motssignalés comme étant arabes, moins d'un tiers,comporte l'étymon arabe présumé (donné dans une transcriptiondont on ignorel'origine, l'auteur ne Fdisant aucune allusion à cesujet) et/ou la significationdu mot arabe en anglais, par exempie :

(a) étymon arabe plus sa' significationenanglais ha r s a s h i [1, 3791 (ar a r r a s H su "lead") "bullet" h a t s a i b i [l, 3811 (ar a t t a b i bu "doctor") "sorcerer, diviner" 1 au s h i [l, 6161 (ar 1 auth "flabby") "softness" muh 1a i y a [l 6811 (ar muh H 1 "impossible") "superstition" muha r r ama [l, 6811 (ar hamma r a "dyed red") "any thin, patterned, reddish Cotton fabric" muh a r r am i [ 1, 6811 (ar muh a r r am "ritually forbidden") "P. forbidden to one in marriagethrough closeness of blood-ties" r a u h a n i [l, 7271 (ar r üh "soul") "one of an order of supranatural heings" 58

hatsaai Cls 3811 (arkhatari) "danger" hatsi [1,381] (arhintw) "corn".

d un i J a [ 1, 2351 (ar "the lower place") ''the world" [ 1, 2471 (ar 'lto broaden") "increased opportunities of P." h B k inn i el, 3631 (ae "ruPer") "District Head" h a r i j a [ 1, 378J (ar l'goer-out") "nymplnomaniac" hun I a mi I h k i 1 [ 1, 39 1J (ar "female-lilee") "hermaphrodite" j a lt i d a [ 1, 4181 (LU "palnl-leaf') "newsyaper" j a z 5m II, 4ZO] (ar "lopping") "mutilating and moduhr leprosy" L a H B h i y B [l, 4791 (ar "thing Ioathed") ."T. not actually forbidden, butdisrecommended" 1 a un i Cl3 6161 (ar "colour") 8@colour~1.

7. Lesétymologies arabes sont souvent fausses ou imaginaires ; malheureusement on n'a pas de renseignementsprécis sur le niveau qu'ABRAHAMavait atteint dans 1'Ctude et laconnaissance de l'arabe. En effet on constate dansledictionnaire d'ABRAHAM certainesfautes assez grossikres, par exemple : i y a 1 i cl, 4091 l'man's wife or wivesand children" rattaché B l'arabe a hZi 11 [20, 33a] "relatives" B laplace de e i y 2 1 [20, 658a] "dependents", pl. de e h a 1 i t t a el, 3661 "to create" rattache fautivement h l'arabe y a 1 i d prQ. de WL 1 es da [20, 1097a] "to bear" il la place de ka 1 a. q P [ZO, 258bI "to create".

Souvent ABRAHAM se lance dans certaineshypothkses sans aucunfondement, par exemple : b a r a s a [ 1, 791 (derived from reversing ar 3 h a H b a) "European intoxicatingdrinks" t a Q d e r u [l, 8491 (ar from assyrim) "oven for baking the foods"'.

1 Ici ABRAHAM donne toute samesure. Cctte ttyrnologie par I'arabc n'a aucune vraiscrnblance. 59

Toutce que nousavons dit jusqu'ici nous porte h l'identification de deuxpoints faibles dans l'ouvrage d'ABRAHAM : d'une part,des fautesd'identification des emprunts arabes et,d'autre part, le manque derigueur dans la signalisationdes emprunts dont on a déjàdonné, je crois,des exemples satisfaisants aux points 3, 4, 5 et 6. Maisce dictionnaire compte encore un autre point faible, qui représenteun obstacle .lorsque l'on tented'évaluer le pourcentage desemprunts en haoussa. En effetl'auteur met sous la même entrée deshomonymes qui contiennent souvent des emprunts : b a n k i [ 1, 751 "bank'' signalécomme emprunt à l'anglaissous b a n k i [l, 741 "patch of material" ; NEWMAN [16,10-1 11 lesdonne h raison sous deuxentrées différentes. II ya m&me un cas .où cesdeux emprunts quiproviennent de sources différentes, sont donnés ensemble :

b u r u 8 h i [l, 1251 (1) engl. "brush" (2) ar "gunpowder" (< ar b X r ü d [20, 39al.

En conséquence,les tableaux 1 et II quej'ai dressés ci-après exclusivementsur la basedes données d'ABRAHAM ontune valeur limitée.A la lumièrede mon travailde thèse [2], je penseque le I pourcentagedes emprunts à l'arabedans uncorpus comme le dictionnaired'ABRAHAM estsans doute supérieur à 12%, c'est-Mirequ'il faudrait doubler au moins le pourcentage du tableau 111. J'esphrepouvoir entreprendre un travailsystématique - encoreimpossible à envisagerdans I'état actuel de la recherche - afinde pouvoir rendre compte des données concernant ce problème. m 10 -4

M O m

2 9 *

4 -4

si 4 rl * 3

L

4 N W I

N

I - -I- 61

Tableau Il. Pourcentage des cmprunts arabes

‘a 16,74 ‘i 15,51 ‘U 8,39 b 3,3 1 6 0,62 C 0,16 d 2,36 d. 1,40 f 6,34 9 1,76 h 13,50 j 9,05 Br 2,77 k 0,92 1 ‘),O9 m 7,37 n 8,05 r 3,99 s 6,20 3 7,59 8‘ 1,O5 t 4,28 W 5,62 Y 2,20 z 3,96

‘l’ula1 7.78 [l] ABRAHAM R.C. - 1962 - Dicfionary of tlzc Harasa laquage. . London : Crown Agents for the Colonies, XXVl1-992 p.

[2] - 9970 - Dicrionary of nzodern Yoruba. Londres.

[33 BALDI S. - 1982 - Les enzprmrs arabes en swahili et haoussa. Thbse pour ledoctorat de3ème cycle, 'Univ. Paris 111, N&CO.

[4] BARGERY G.P. - 1934 - A Hausa-Englislz dicfio~larynnd Englislz- Huma vocabutury wifh some notes on flte fla14.Sa people und their Innguage (par D. Westermann).London : Oxford UniversityPress, H. Milford, EIV-1226 p.

[SI GOWFE C. - 9969-70 - "ComplCments et prCcisions concernant le haoussadans lecadre de l'Essai conzparurif de hl . Marcel Cohen" - Conzpmes-rendus du GLECS XIV, pp. 27-43.

[6] GOUFFE @. - 1971-72 - "La position du llaoussa : quelques orientations de recherche" - Conpes rendus du GLECS XVI - pp. 13-22.

[7] - 1971-72 - "Notes delexicologie et d'Ctymologie souda- naises. 11. Quelquescas de In6tathèseconsonantique dans la

comparaison des langues tchadiennes"'. eonll)fes-rcndlr.v du i- GLECS XVI, pp. 101-1159.

[SI - "Noies de lexicologie et d'étymologiesoudanaises. III Contactsdevocabulaire entre Ic haoussa et le berbbre". Ccmptcs-relzdus dtc GLECS VI, pp. 155-173. 63

[ 111 - "Linguisticevidence of theinfluence of theKanuri on the Hausa". Jourmd of Afiican History 1 (2), pp. 205-212.

[12]HISKETT M. - 1965 - "Thehistorical background tothe . naturalization of Arabicloan-words in Hausa". Aft-icun Language Studies VI, pp. 18-26.

El31 JUNGRAITHMAYR H., K. SHIMIZU - 1981- CIzadic lexical roots. Part II : Reconstruction,grading and distribution. Berlin : MarburgerStudien zur Afrika-.und Asiexlkunde (A26).

[14] KRAFT Ch. 11. - 1981 - Chadicwordlists. Berlin : Marburger Studien zur Afrika- und Asienkunde (A23-25).

[15] LUKAS J. - 1937 - A study of the Kanuri laquage : granzmar andvocabulary. London : OxfordUniversity Press, XVII- 223 p.

El61 NEWMAN P., R. MA-NEWMAN - 1977 - ModernHausa-English dictionury. Ibadan-Zaria : Oxford University Press,153 p..

[17] ROBINSON Ch. H. - 1925 - Dictionury of the Hausa laquage. 1. Hausa-English. Cambridge : University Press,2 vol.

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[19J TAYLOR F.W. - 1932 - A Fulani-Englishdietionary. Oxford : ClarendonPress, 136 p.

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[21] ZELTNER J.-C., €1. TOURNEUX - 1986 - L'arabe dam le bassin du Tchad. Le parlerdes Ulâl Hi, Paris Karthala.

[22] ZUBKOVA BERTONCINI E. - 1973 - "A tentative frequency list of Swahili words". Anmalidell'istituto Orientale (Sezione Orientale)XXXIlI (3), pp. 297-363.

[23] - 1984 - "Quantitativeanalysis of Swahili vocabulary" - 15thConference on AfiicanLinguistics (U.C.L.A., 29-3 1 March 1984,Los-Angeles).

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LANGUES ET POPULATIONS DU NORD-EST CENTRAFRICAIN

Pierre NOUGAYKOL CNRS-LACITO

Par nord-estcentrafricain, on entend lalisière sud-est du bas-sin Tchaddu située RCpubliqueen Centrafricaine, et particulièrementl'espace circonscrit au nord parle Bahr Aouk et I'Aoukalé, qui marquent la frontikre avec leTchad, et au sud par le , le et laligne de partage des eaux entre le bassin secondaire de 1'Aouk etcelui de la Kotto.

Cetterégion qui bCnCficia longtempsl'autonon~iede adrninistrative du fait de son isolement, est il tous 6gards mCconnue. D'unesuperficie de 104700 km2 pour 52000Iubitantsl, elleest actuellement divisCe endeux préfectures, le Bamingui- au sud-ouest(52200 km*, 25000 hab.) et la Vakaga au. nord-est (46500 km2, 27000 hab.). La premikre - notke BB - se subdivise B son tourendeux sous-préfectures, Ndé16 (20700 hab. etdeux com~nunes: con~~nunede plein-exercice du Dar el Kuti, 17900 hab., et communeet rurale de -Kpatn, 2800 hab.) Baminguiet (4300hab.), et la seconde (VK) comporteles sous-préfectures de Birao (2500 hab.) et de Ouanda-Djallé (2000hab.).

Les renseignementsdont il est fait 6tat dnns ce texte ont CtC recueillis nu coursdetrois missions deterrain firlancbcs par le LACITO pour les prcnlièrcs et par I'ATP' du CNRS intitul6e"Distances et limitesdialectales dansl'aire banda (Afrique Cerltralc : RCA, Soudan) : RealitCs linguistiques CL perceptionssocio-culturcllcs", pour la troisihmc.Elles eurent successivement pour cadre Ic Dar cl Kuti(janvier-fdvricr 1983). la préfecture de Io Vakaga(novembre-décembre 1984 : dc conserveavec PascalBOYELDIEU) et le Dar Banda(commune de Mbolo-Kpata et sous- prbfecturc de Bamingui ; mars 1986). Les chiffres de populationcit6s ont Cti établis sur la base des donn6cs fournies par les autoritCs administratives localcs. 66 67

La populationrépartitse dans lescentres urbains (les agglomérationsNdéléde Birao et comptent respectivement 7000hab. et 4400 hab.)etlelong des principaux axes de communication : routes de Ndélé à Ouaddavia Kpata, B Bangoran, B Bangui, B Golongoso etHaraz ; routes de Birao B Am Dafok, B Ndélé viale lac Mamoun, et à Ouadda. La majeurepartie de l'espace reste non seulementinhabitée mais inexploitée ; denombreux et vastes réservesde faune et parcs nationaux y sontimplantés, où, selon la doctrineenvigueur, toute activité humaine estbannie (parc nationaldu BB, parcnational Saint-Floris, domaine de vision de la Koumbela,pour le BB ; réserves defaune de 1'Aouk-Aoukalé, de la Ouandja-Vakagaet de la Yata-Ngaya, pour la VK), sans parlerdes concessionschasse.de Certaines zones sont saisonnièrement parcouruespar les troupeaux des Arabes semi-nomades(vallées du BahrKameur-Bahr Oulou-Yata etde laOuandja), tandis que l'ensemblede laVakaga est la proie de bandes organisées de "braconniers"d'origine soudanaise qui viennent s'approvisionner en ivoireet en viande.

Les troisgrandes familles établies par GREENBERG (1971)sont représentges :

- lafamille nilo-saharienne, la plus importante par le nombre de locuteurs, par le s à r i din j 5 (750 locuteurs), le s à r I k2b I (7000 loc.), le nd Bkà (2500 loc.), le wâ d (1350 lac.), le I: ii 1. 5 (600 loc.), le mvPny (300 loc.), les parlers g ù 15 (9500 loc.), le f È r (3500 loc.) et le y ii 1 (2000loc.), qui relèvent tous de l'ensemble Sara-bongo- baguirmien (Chari-Nile, CentralSudanic) et par 1' 1 i k i (6600 loc.) quise rattache i la branche nlaba ;

- lafamille niger-kordofan, par plusieurs parlers b 2nd à (8000loc.), parle y ÈmÉ et lesango véhiculaire (Niger-Congo, Adamawa- Eastern, Eastern).Les parlers b à n d à en usage dans la région de Ndélése rangent dans ce que CLOAREC-HEISS (1985 : 23)appelle le banda central (ngà8, mùrùbà, t ànybàg5,ngbB 15, bàndà-ndË 12, d H bùr ù, g biiy à, etc.), il l'exception du g bàg à (1500 loc.) qui appartient au bandapériphkrique central-ouest. Le g ÈmÉ est une languezandé-nzakara et compteenviron 400 locuteurs. Quant au sangov&hiculaire, il estl'apanage des jeunes citadins scolarisés, surtout ri Nd6lé ; - lafamille afro-asiatique, par l'arabe dialectal, (branche skmitique et lehausa (branche tchadique). L'arabe dialectal - lesarabes faudrait-ildire - n'est pas seulementla langue des Arabes, Arabes citadinsetcommerpnts d'origines diverses, Arabes sCdentaires (Salamat, 500 personnes ?) ou Bakkara (Heymat,Missiria, Ta'aisha,Rizaykat), c'est Cgalement celle des r fi 4 B (3400 p.). Il est parailleurs B la base del'arabe vkhiculaire(avec desinfluences, tchadiennedans le BB et soudanaise dans la VK), qui conna2t une grandeextention contrairement au banda-Ndé16 ou au sangs,et tend mgme, parendroits, B sesubstituer 2 lalangue première, selonle modèle rounga. Le hausa (2000 Ise.)enfin, est pratique parles communautés hausa de Ndé16 etBirao notamment.

Chaquepopulation citée sera examinCe plusattentivement dans l'inventairequi suit'.

On remarqueraque, sauf dans les aires banda (sous-prCfecture deBamingui et commune de Mbolo-Kpata) et yulu(sous-préfecture de Ouanda-DjallC), l'Islam etles valeurs qu'il vChicule jouentun rBle de premierplan.

On ne sauraitparler de cette rCgion sans rappeler B grands traitsles bouleversements qui S'ensanglantèrent pendant la seconde moitié du XIWe siècle et le dCbut du %;Xe sihcle, et dont le souvenir hante la mkmoirecollective. L'augmentation considerable des besoins en esclaves de toutenature ("bazingir" ou esclavessoldats, "abiddar" ou esclavesde terre, ou simplemonnaie d'échange), que , provoquhmt la phétrationégyptienne au Soudanleet dkveloppement du commercecaravanier entre leBuadai et la MCditerranBe, fit en effet du DarFertit, comme on l'appelait alors, le champ closde toutes lesconvoitises. Les Ctats musulmansdu nord, Buadai,Darfour et, dansune moindre. mesure, Sila,qui y avaient d6jk leurshabitudes2, les aéribasesclavagistes des "seigneurs

1 Ndé16 et Birao ayant 6tB trèspartiellement explorés, cet inventaire n'est exhaustifque pour ce qui concerne les populations extra-muros. "[ ...] dem6moire d'homme, écrit le capitaineTOURENQ (1913 : 65-6), les jeunes Karas, Bingas,Youlous, etc. Btaient dès 1'9ge de 10 2 12 ansenvoy6s ElFascher ; 18 ils Btaient repartisentre divers aguids auprès desquels mi- boys d'anciensbazinguers, mi-palefreniers, ilsapprenaient 2 porter un fusilet 8 figurerdans un tabour. Aprksune période plus ou moins longue, ils Btaient mariéset retournaient chez euxsouvent avec un fusil. Lesultan [du Darfour] avait4 besoin detroupes sur un pointde ses Btats, il faisait appel a cessortes de réserves dans les régions environnantes, et les aguids 69 marchands", qui proliféraientdans le Bahr el Ghazal, etles sultanats du Mbomou s'employèrent à le mettreen coupe réglée. L'appiit du gainaidant, des cités intermédiaires etpourvoyeuses d'esclaves, tellesJagara (Banda Ngao),Mbele (Kreich) ou Jala (= Ouanda-Djallé, Yulu),seconstituèrent au sein même despopulations razziées, cependantque les luttes fraticides se multipliaient entre fractions et entrevoisinsl. Maisc'est avecle séjour de Rabeh dansle Fertit (1879-1890)que la violence et les ravages atteignirent leur point culminant : l'ex-lieutenantdeZubayr "mangea tout pays".le Senoussiprit la suite et paracheva l'ceuvre dedestruction (1891- 191 l), razziantce qu'il restait h razzier,regroupant h Ndéléles tribusqui lui étaientsoumises, fondant au ceur du Darel Kuti le derniergrand étatesclavagiste2. .

Cesinnombrables dévastations eurent sur ladémographie un effetdésastreux et explique en grandepartie ledépeuplement que l'onconstate aujourd'hui. Quelques ethnies, alliées ou protégées du maîtredumoment, furent relativement épargnées, comme les Ndoka ou les Aiki h l'époquesénoussiste. Mais la plupart payèrent B la traite un lourd tribut,en particulier les Banda, les Gula et les Kreich. Comme le notait CHEVALIER en 1903 h propos du Dar el Kuti pris au sens large :

"Maintcnantc'est Ic vide(ct qucl vidc!) dans tout le Dar Banda où, pour scsrazzias annuelles, Senoussi est obligtd'envoyer dorénavant ses licutenants & huit jours au moins de Ndellt ; c'cst la dépopulationchez les Saras, chezlesMoroubas, chez lespeuplades du Mamoun[que CHEVALIER crutattcindrc] ou chezles Ouaddas, ou chezlcs Krcichs de Said Baldas" (1907 : 158).

Certainsgroupes furent anéantis, comme les Banda Wanga de Ouanda-Djallé que les Yulu soumirentpuis phagocytèrent (TOURENQ, 1913 : 78). D'autres ne durentleur salut qu'h la fuite : cefut le cas des Bingade la Ngaya quise réfugièrentdéfinitivement au Soudan dans les dernièresannées du XIXesiècle.

désignespour prendre commandementle venaient les approvisionnersur placecn munitions ; en casdc gucrrc gravc tout le monde ttait appclé." Leshommes, au nombrc desquels on peutcitcr les Banda Wanga(v. ci- dessous)et l~ Gula, souffrircntparfois davantage de ccsluttes intestines que dcla voracité des sultans.Selon I'administratcur BOUCHER (1934 : 33), "lesattaques lcsplus vigourcuscs qu'curcnt jamais h subir lcs Gouln, dcvaientvcnir des Kara,leurs frhrcs ct voisins,mis en appétitpar l'exempledcs autres conqutrants etlaquasi-passivité dont faisait preuve cettepaisible tribu". Pour tout ce qui a trait h cctteptriodc, voirl'analyse Cclairantc de CORDELL (1985). 70

La mort deSénoussi et la miseen place de l'administration coloniale n'apportkrent pas aussit6tle calme et lapaix. L'abolition del'esclavage, l'interdiction de la traite - bien desgens en tiraient profitde manihredirecte ou indirecte -, la confiscationdes fusils (et parfoisdes armes blanches), la capitation,les rCquisitions, corvées et exactionsdiverses, la créationdes routes auprbs desquelles les villages Ctaient contraintsde s'Ctablir, celle desréserves de faune d'où ils Ctaient chassés, en bref lareprise en main souvent brutale despopulations suscita denombreux remous et denouveaux exodes. En 1921, les Yulu s'enfuirentmassivement au Bakr el Ghmal (ilsne reviendront que vingt ans plus tard), suivis en 1925-26 des derniersKreicb présents dans la région,tandis qu'entre 1927 et 1929 la majeurepartie des Gula se rtfugiait au Tchad.

2 3 Br i : (dits Runga, maisvoir ceterme ; 6600 personnes,parient à i Eh I n d 5 g). Extension du Darliounga voisin, les Aiki de Centrafrique se rencontrentd'abord au nord du Darel Kuti (1 600 p. ; 9 villages : Akur-sulbalc, Ambasatna, Anjamnlena, Bulkinya 1, II et 111, Di1 [IGN DéliJ? Dun1 et h~usarnn~a); puis, de partet d'autre du Bahr Kameur-BahrOulou, entre les Gula du Mamounet les Gula Mele, où ilsforment 12 villages regroupant 3000personnes : AloJeng,Ardep, Masabio et Sanunasin, sur la rivedroite du BahrKameur, Sikikede, Mandakam, Amar Jadid, Aifa 1, II et HI, sur la rive gauche du Bahr Oulou, et Amar Jadid etJenzie III au bord du lac Manoun ; enfin, en Dar Kara, au nordde Birao(1700 p. ; 8 villages : Andaga 1, II, III et IV [agglomérationconnmunthent appelée Ireja]? Arped Saftlra 1 et II et Jiref al Amar).

La migration par "petitspaquets'' des Aiki, de la rivedroite de 1'Aouk-Aoukalévers la rive gauche, qui se serait amorcée au commencement du XXe sikcle,ne s'est jamais arrêtCe. Entre la findes andes 1960et le dCbut desannées 1970, elle a pris l'ampleur d'unvéritable exode : on voit alors la conmunaut6 aikide la Vakaga passerde quelques centaines d'individus (VIDAL, 1973 : 3) ii plusieursmilliers. Chassés peut-être par la sécheresse et/ou l'isolement et/ou les brimades dont ilsfurent detout temps victimes de la part desnomades, des villages entiersont brusquement quitté le Dar Rounga (régionsde 71

Masmbany,d'Haraz, deMangeiny) pour s'installer, certains dansKutile(village d'ambasatna, d'Anjammena, de Musamma),d'autres, les plus nombreux, à proximité du Bahr Oulou,d'autres encore près .de Birao.

Musulmanspratiquantet peu ou proul'arabe local, les nouveauxvenus dans Kutile vont, après unephase d'adaptationd'une ou dedeux générations, régulièrement grossirles rangs des Runga.C'est apparemmentleur mode d'insertion dansla société centrafricaine.

LesAiki du Darel Kuti se subdivisent en quatre fractions : Mengele,Aju-tinya, Jambar-tinya et Kullu-tinya (NOUGAYROL 1989 b). a r a b e s : les pgturagesde la Vakagaaccueillent dih lafin de la saisondes pluies les troupeaux des Bakkara : Heymat du Rounga,Ta'aisha Rizaykatet du Darfoursillonnent traditionnellementles vallées du BahrKameur-Bahr Oulou, de laGounda, de la Vakaga et dk laOuandja ; despasteurs venant du Tchadcentral (Missiria notamment) dont les déplacements versle sud se limitaient autrefois aux régions du Salamatet du Rounga, se joignent iï euxmaintenant, suivant la progression de lasécheresse.

Entre 1983 et 1986, des Salamatoriginaires de la régiond'Am Timanont constitué un grosvillage aux abords de Ndélé.Leur nombre,qui va semble-t-ilcroissant, peut être estime à plus de 500 individus.

Nd61é etBirao comprennent, enfin, des commaut6s composites dontl'activité est orientée vers le commerce. b à n d à : (8000 p. ; 62 villageset plusieurs quartiers de Ndélé parlent b à n d à , maisvoir ci-dessous). Peuplant la partie méridionale du BB (sous-préfecture de Banlingui et commune deMbolo-Kpata), les Banda se répartissent en une trentainede groupesdistincts au caractèrerésiduel plus ou moinsmarqué. Dixgroupes, comprenant entre 150 et 1500 individus, possèdentune implantation villageoise nette etont conservé une organisation clanique ; il s'agit des D2 b ù r 2 (430 p.), Gb à g à (1500 p.), Gbàyà (350 p.), GbàngG (170 p.), Lindd (150 p.), Miirùhà (800 p.), Ngàà (1400 p.), Ngbald (370 p.), Tàngbàgà 72

($50 p.) et Tü 1 ü (420 p.).Quatorze groupes, établis principalement ii Ndélé ou dans le Dar elKuti (villages de Kubu etde Jamsinda), se r6duisent B quelquesfamiIles, voire B quelques individus isol6s: Bürii, DBkpl, @Bi, Jfingürü, K6n6, L2ngbà s i, MbE 1B, Ngl j 8, Ng5p6, Ngomvo, SBbLng3, WCdl et WZsii. Trois groupesrassemblent des populations assimilées ouen cours d'assimilation : Nd 6 k j: 93 1 ii g ù ou Jù ng ii 1 ù d'Adum-mindu (250 p.), Min j I de Batele 1 (agglomérationde NdéIé), Mu bu et Jams inda (200 p.) et SSri Dinj5 de Nyango (130 p.). Quant aux M b 2 t 5 (450 p.),particdi&-ement ceux de Zo-kutu-nyala I, ils sont en passede s'intégrer aux Runga, tout commeles habitants de Kubu et deSmsinda.

Lesgroupes 3 l'identité ethni.que affirméeont, ou prétendent avoir chacun leurpropre parler dont le nom correspondalors ii I'ethnonyme,sans que l'on sachetoujours tr5s bien si ces distinctionsreposent sur une rkalitC linguistique. Tl s'agitdes @baga,des Ngao, des Muruba, desTangbago et des Ngbala, et, soustoutes rkserves, des Daburu et des @baya. Lesautres groupesdisent pratiquer le banda-Ndé16 (a la baseduquel se trouveprobablement lengao, parler du groupelocalement dominant) quiest la foisune des languesvéhiculaires en usage B Ndtlé et dans sa zone d'influence et la langue conmune des Banda ou bmdaïsés qui y sont éfablis (NOUGAYROL 198%). f E 9: : (dits ll(ara ; 3500 p. ; parlent d iïm f È r). Le Dar Kara ou 1 Zng i' E r couvre la rtgionde Birao, chef-lieu de la Vrtkaga. Outre cinq quarliersde Birao, les Fer y occupent au moins quatorze villages : Maja,Delembe, Kovo, Bulkutu, limar ou Ta-kur (IGN Dourdour),Kapkun, (TGN Ali Buidjja et Mirni ?j> Nclrira, Taradona, Turnu, Kafaw, Ru-kot (IGN Dahal Fiadjer et Dahd Azrak ?), Jslarkanlji, Bura et Tisi.

L'organisationsociale repose sur un certainnombre de sous- groupes ou clans : It-mvind, 'Dea, Nda'd-weny,Nda'd-jira, Yubn, It-ngo, It-wira, Kel, hlanj et Mvand. 73

gEmÉ : (ou jÈmÉ ; 400 p. ; lalangue est appelée ngbX gÈm'E). Ils viventdans la périphérie de NdéIé, à (350 p.) et ii Goz Amar Il .(50 p.),et se partagent en Gemed'Aliou, dits parfois G ÈmÉ T ü 1 ü pour.. avoir .habité jadis le Kaga Tulu (comme les Banda Tulu), et GÈmÉ KG 1 Qg'bd1 ù de Goz Amar.

En dépitde l'opinion commune qui tient seslocuteurs pour une populationlanguede sara-baguirmienne-bondo étroitement apparentéeaux Ndoka, voire pour une fractionndoka, le ngba gemeserattache de façon évidente au groupelinguistique zandé-nzakara.

Leur présencedans le Dar elKuti paraît bien antérieure à la périodesenoussiste, si l'on met à part le cas des Kulagbolu,qui, d'aprèscertaines informations, seraient lesdescendants d'esclavesnzakara achetés ou razziéspar Senoussi (BOYD et NOUGAYROL 1988). g il 1 fi : (dits parfois Gula du Mamoun par opposition aux "Gula" d'Ir0 et du Guéra ; 9500 p. ; appellent leur langue t 1 [ r ] g ù 1 5, mais voirci-dessous). L'ensemble gula rassemble sixgroupes distincts : Molo,Mele, Moto-mar, Sara, Mereet Zura ou Koto, qui comprennentchacun un certainnombre de fractions à base villageoiseparfois économiquement spécialisées (mais non hiérarchisées) : chezles Sara de Kete'be, par exemple, les Nju-masseraient (ou étaient . à l'origine)des cultivateurs, les Mvledes chasseurs;les Kajdes pêcheurs et etles Ku'bony des cueilleurs.

Les GÙ 1 Q M5 13 (2800 p.),dits souvent Gula Mamoun, forment onzevillages à proximité du lac Mamoun : Kejengenje(IGN Kididji ; avec des Sara Kaba),Vodo-masa, Wulu, Jenzir 1 et II (IGNDjéziré ; J. III estaiki), Manga-jira, Sajar, Ngede, Boro- mada,Ta-danji ou Chevaet Keche. Treize fractions ont été recensées : Mava,Vala, Ndenye-ke-'ba, Mvulu, Vo-koyo, Dro- ngenje,Vodo, Wulu, De-ye-ba, Ngedre-ye-ve, Ma-ga-ve, Ta-danjiet Da-kichi.

Les GÙ 1 5 MÉ 1 E sont implantés à Mele (800 p.) avec Moto-mara, au sud-ouest desAiki du Bahr Oulou. Les Ga 1 B M5t [ 3 ] -mZ r [ 5 1 (1000 p.) habitent Mele (avec les Mele) et, au bord de la Buandja,Gordil et Manu, ainsi que Tala (avecdes Mere et des Zura) sur la routeBirao-Buanda-Djallé. Neuf fractions ont CtC recensees : Man-ndraha,Ndazi, Ikllolo, Mutu, Kede, Mot-mar, Tijim, Mai et Icha.

Les Giî 1 ri S. r [ 2 ] (1400 p.) habitent Maka, Ndrjva (IGN Ndiffa 1), Kava-gulu-'du (ou Ndiffa II), Kabala ou Kava etKete'be, sur la Ouandjs ; Dem-ngonj ou Muray-Vakaga (ou encoreVakaga- Muray) sur la Vdcaga. A uneépoque assez récente, des Sar originairesde Ndiffa se sont installCs B Lemmena II1 prks de Ndélé. Neuf fractionsrecensees : Ku'bony, Nju-mas, Minyo, PiJi, Kumai, Mutu, Mvle, Ndim et Kaj.

Les Gù 1 5 Më r 6 (2100 p.) sont implantés h Ki'di-ngul (KN Tirou- ngoulou,route Birao-Nd6lC) et h Wanja I et II (IGN Buandja, route IBiras-Ouanda-DjallC), le long de la Ouandja, ainsi qu'B Tala (au nord de Wanja)avec des Moto-mar et des Zura. Sept fractions recensCes : Dara,Mvra, 'Bongo, Lem-ve, Miya, Dogo et Mere.

Les Gù 1 B Ziî r E ou Gii 1 6 K5 t 5 (1000 p.) vivent A Kumbal, Tala (avec des Mot-mar et desMere) et Ser-go'bo, sur laroute Birao-Buanda-DjallC. Sixfractions recensCes : Koys, Me'de, $%rasa,Nge, Mutu et Tana.Ceux qu'on rencontre B Lemmena 1, prBs de NdClC, sont Ctablis dansle Dar el Kuti depuis la pgriode sCnoussiste (fractions Me'de, Musa et Ngulu).

Chaquegroupe semble avoir son propreparler (avec des variationslocales), mais seul le gula sar divergenotablement desautres. On remarquera qu'aucours des annees 1968,les Gula se sont massivementconvertis B l'Islam (NOUGAYROE 1989c). ha u 8 a : (2000 p. ?). Ils sont fortement implantés B Birao (le quartier hausacomptait 1726 hab. en1981), mais l'on rencontre des communautésplus ou moinsrestreintes B Ndélé et Ngarba-bord (au bord de l'Aouk, sur lapiste Ndélé-Haraz).Le village fer Kafawcomprend un petitgroupe de cultivateurs mourides et, en 1984-85, un nouveau villageest apparu sur l'Aouk, B l'ouest de Ngarba, cequi pourrait indiquer une volont6d'essaimage en zonerurale. 75

mvâng : (dits Baipar les arabophones, ou Vanga ; 300 p .; la langue estappelée t 1 r mvfïn 9). Ils sontétablis dans deux villages, h quelqueskilomètres au nord deNdélé : Lemmena II et Goz Beida.Comme les Wad etles Luto, ils sont très proches des Ndokaavec lesquels on les confond le plus souvent. Ils sont musulmans. nd 3 Là : (2500 p. ; leur langue est dite t à r n d Bkà). Ils habitent douze villages au ceUr du Darel Kuti : Kas-manga I et II, Tiri, Kutu- kaleAnur, Kalinya, Manga 1 et II (ouManga-kuru), Ustani, II, Yangu-ndaradsa, Goz Amar 1 etZo-kutu-nyala II. On en trouveégalement à Ndélé (quartier Nduka) et à Janxinda (qqns).Ils serattachent chacun à l'une des neuffractions (ou clans)suivantes : Dogo, Golo, Kuru,Kutu-'bulu, Kutu-kale, Kutu- kula,Kutu-kovo, bfavle et Wai (ou Koso).

Considéréscomme les plus anciens habitants du Dar elKuti, sinoncomme les seuls autochtones, protégCs parSénoussi, ils nourrissentdes relations d'alliance traditionnelles avec les Rungaauxquels ilsdonnent des femmes. Certains sesont agrégésaux Runga (Kutu-kula de Nzubo-sinda), d'autres aux Banda(Ndoka dits Julugu ou Jungulu,d'Adum-nlindu), qui appartenaient h la fraction Wai). (NOUGAYROL 1989 c). r fi IJ 1 : (3400 p. ; parlentarabe). Ils sontimplantés dans huit villages du Dar elKuti, au contact des Ndoka et desAiki, et à Ndélé où lesdeux quartiers runga (Rounga 1 et Rounga 11 Sygagne)regroupent environ 2000 hab.Ils ont parailleurs essaimédans toute la RCA, notamment dans lescentres urbains del'est (Bria, Bangassou, Mobaye, Zémio, etc.) où ilsdétiennent unepartie du commerce,mais onignore leur importance numérique.

Ils forment un peuplecomposite et d'apparition tri% récente. Si l'on s'en tient au Dar' el Kuti, un clivage se fait jour quisépare ceuxqui se disent Runga tout court, de ceux qui se disent Runga Bagrim (ou Bagari) ou Runga Kuti. Les premicrssont pour l'essentield'origine aiki et vivent dans les villages de Bangbali 1, Bir-batuma et Kasena. Ils se subdivisent en cinqfractions : Tunjur,Mengele, Ajimi, Isa-t.inya Kasima.et Les seconds peuplentquatre villages (Kundi, Nzubo-sinda [ING Djobossinda], Suk-mbaMia-mete)et sontet d'origines tri% diverses : bonwuanne,hausa, baguirmienne, tunjur, banda, manja, aiki, ndoka, sua, etc. Mais il convient designaler que la distinction

Wunga 17s Runga Bagrim ou Kutiest surtout le fait desRunga d'origine aidri.

La gen&sedu groupe en tantqu'entité separée des Aiki eut

pourthéltre, avant la fondation ' de NdC16, les Ctablissem-ents Commerciaux et cosmopolites du Dar el Kuti, @ha, Kali et Mongo- Kuti,puis l'extraordinaire nzelting' pot quefut Ndé16du temps deSénoussi, lieux où l'arabevéhiculaire était largement utilisé. Selontoute vraisemblance, elle résulta d'un doubleprocessus : diune pare l'arabisationcomplète des Aiki implantés initialement B ChaetKali, dautre part laroungaïsation des groupes gCn6ralement musulmans qui gravitaientautour d'eux, qu'ilsfussent autochtones 2 l'instardes Ndoka de Mongo-kuti, ou étrangers B la région(Bornouans, Hausa, Baguirmiens, etc.). La dislocationdu sultanat en 1911 et la dissolutiondes bannièresamplifiksent probablement cedernier mouvement quenourrit aujourd'hui leprestige dont jouissent les Runga auprks deceux qui adhèrent peu ii peu aux valeurs del'Islam. Leshabitants de Jamsinda (Bandaet Sara-bongo-baguirmiens), deKubu (Banda), de Zo-kutu-nyala 1 (BandaMbata) et II (NdolraKutu-kovo), tous partiellement arabisés, sont ainsi appelés B se fondredans l'ensemble runga.

1 t 6 : (dits litos ou lutos ; 600 p. ; la langue est appe~~et 5 1:" 1 2). lis . occupentsept villages B 1'extrhitC NO du Dar el Kuti ; , Marinda,Gata-mainda, Bangoran, Chari I et Il (avec des Sara. Ngarna), et, en zonendoka, Bangbali III. Ils sont prochcs h tous égards des Ndoka.

On entrouve par ailleurs au nord de Maga Brudoro et dans les rCgions limirroyhes du Tchad.

@%rHdilfnj5 : (ou sàr3 dinj6, sarZ 'dùnjà ; 750 p.) Ils habitent neuf villages CparpillCs dans le nord du Dar el Kuti : Mainda, Mia- bolo, I-lori, Manyibo-Majo,Mia-mere, Kulakare, Kutubeti et Jangara-Auk. On en trouve aussi il NdCIC, Samsinda et Ngarba- bord.

LesDunjo de Nyango, au nord de Barningui, se sont ossimilCs auxBanda. 77 s à r 3 k 3 b 1 : (6000 p.). Ils sont implantés dans le nord du Dar el Kuti, à proximitéde l'Aouk, etdans la Vakaga.

Ceux du Darel Kuti, qui se disenttantôt Kaba Mbanga, tantôt Kaba 'Demou Deme, appellent leur langue t à s 1 r Z. Ils forment dixvillages : Gaskay,Maya-luto, Manyro, Kaymanmba, Golongoso, 1 etII, Mia-mani,Ngarba et Manybo. On en rencontreégalement à Ndélé(quartier Sara Zognons), Jamsinda et Ngarba-bord.

La présence de Sara Kabadans la Vakaga (5000 p.)est récente. Venus les uns de Ia régionde Kyabé (Tchad), les autres du Soudan (etmême d'Ethiopie ou d'Erythrée) où ils étaientallés louerleurs services, ils créèrent un premier village près de Birao au coursdes années 1920, qui se déplaçapar la suite B AmDafok. La petite colonie qui comptait quatrecents individus à l'époquede BOUCHER (1934 .: 55) n'a cessédepuis lors de s'agrandir. VIDAL (1973 : 3),il y a plus de dix ans, l'estimait à 1800p., et c'est aujourd'huile groupe le plus nombreux après lesGula. L'aire kaba comprend aujourd'hui deux pôles de regroupement : la vallée du Bahr Oulou entreles Fer et les Gula Mamoun (8 villages : Ta-ngara,Ta-yoyo, Ta-nyanya, Ta-kamala, Ta-ngit, Benges, Ta-kaja et Kijiji) et la zonesituée entre Birao et lafrontière soudanaise (9 villages : Matala 1 et II,Kafargada, Garday, Nyalinda, Am Dafok 1, II II1 et IV). w â d : (ditsWada, 1350 p. ; lalangue est appelée t à wâ d). Leur territoireactuel, qui regroupe les villages de Dakpa-mindu, Koti-dsako,Ele et Digba, au sudde Ndélé,forme une enclave sara-bongo-baguirmiennepaysen banda. Originaires du Vassako, affluent de droite du Bamingui, ils sontproches B tous pointsde vue des Ndoka dont ilsfurent autrefois les plus sûrs alliésavec les Luto.

Septfractions ont été recensées : Dog,Ndoka, Gumli, Njulugu, Ndolo, Ngwezenge et Mongo. y fi 1 : (dits Yulu ; 2000 p. ; la langue est appelée t 5 yû 1). Ils habitent la sous-préfecturede 0uanda:Djallé quise réduit au chef-lieu (Jaldit Ouanda-Djallé) et au village de Sule-maka.

Quinzefractions ont été recensées : Kpal,Ndak, Guny, Lo'b, Wang,Ngul, Kup, Nyamb, Ngod, Jamp,Ma'j, Cal, Yam, Vor et Ngid (BOYELDIEU, 1987). 78

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TOURENQ Cne - [1913] - Reconnaissance de février et mars 1913 et de mai,juin, juillet 1913 dans le sud-est de lacirconscription duSalamat et la zonefi-ontiPre de l'Oubangui-Chari-Tchadet duSoudan anglo-égyptien. ServiceHistorique de 1'ArmCe de Terre (Fonds AEF).

VIDAL Pierre - Cl9731 - La régionde Birao et l'kclipse desoleil du 30 juin 1973. - S. 1.

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CLASSEMENT DES DIALECTES KANURI-KANEMBU A PARTIR DES VERBES DE LA TROISIEME CLASSE

John P. HUTCHISON BostonUniversity

1. INTRODUCTION

Dansle bassin du lacTchad, les populations kanuri et kanembu occupentune région qui entoure l'ancien Iit du lacet qui se situe au Niger,auTchad, auCameroun auet Nigeria.Leurs langues présententune grande variété de formes dialectales .dans ces quatre pays.Lebut du présent article est d'examiner les différences dialectales au niveau des verbes de la troisièmeclasse (on distingue troisclasses de verbes dans les langues sahariennes) en vue d'un classementpréliminaire des dialectes de ces deux langues, qui se présententcomme continuum.un classementLe serafait uniquementsur labase des différences au niveau dds formes verbalesd'imparfait pourcette classe, &tant donné que c'est la seule classeproductive et donc la plusimportante dans tous les dialectes.

Lesdialectes du kanuripris en considération sont les dialectes manga,dagara, mobar, dilma, yerwa (Maiduguri) etfachi ; les dialectes du kanemburelevés ici sont les dialectes tumari, suwurti, kuburiet le dialecte de Bol.

Lesverbes de la troisièmeclasse sont tous conjugués ii l'aide d'unverbe défectif de la deuxièmeclasse (comme c'est lecas dans certaineslangues éthiopiennes). Ce verbe a commeradical ni- et veutdire, dans son emploilibre, "dire" ou "penser". Il estdéfectif dans son emploiindépendant, étant donné qu'il ne se conjugue qu'h certainsaspects. Comme formatif des verbes de la troisièmeclasse, il se conjugue à tous les temps-aspects possibles. Lesrksultats de cette Crude - un classementd'une sorte de chaEne dialectale - devraitcontribuer B reconstructionla de l'histoiredeslangues sahariennes et B la standardisation orthographiquedu kanuri et du kanembu.

Selon la classification génCtique deslangues africaines de Joseph GREENBERG (1959),le kanuri appartient i la branche saharienne,l'une des six branches de la famillenilo-saharienne.

songhai SMN maban fur chari-ni1 kotnan

Leslangues sahariennes se divisent en deuxgroupes que l'on peut appelersaharien occidental et saharien oriental. Le kanuri et le kanembud'une part, leteda et le dam (tubu)d'autre part, se trouventdans le groupeoccidental, ainsi que le montre l'arbre de classificationci-dessous.

Leslangues kanuri kanembuet sont presque parfaitement interintelligibles.Elles sont parlées SOUS plusieurs fornles dialectales pardes locuteurs qui faisaient partie, historiquement du royaume du Kanern-Bornu,qui couvrait toute la rCgion autour du lacTchad. Aujourd'huiles populations kanuri et kanembuse trouvent dans la rCgiondu lacdans les quatrepays dkjja indiqués. 83

3. LES DIALECTES DES LANGUESKANURI ET KANEMBU

Comptetenu de l'intercompréhension, le kanuri et le kanembu constituentune seule langue qu'on appelle ici KANURI. LesKanuri proprementdits sont concentrés au Nigeret au Nigeria ; on les rencontreégalement au Cameroun. Les Kanembu sont concentrés au Tchad et dansune toute petite partie du Niger et du Nigeria.

On peutétablir l'existence de deux groupesde dialectes que l'on distinguecomme kanuri kanembuet : "kanuri""kanembu"et représententdonc des groupes de dialectes d'une seule langue, le KANURI.L'intercompréhension est difficile,mais possible, entre les dialectessitués aux extrémités de lavaste zone couverte par cette langue.

Certainsnoms dedialectes proposés îci sontbasés sur la dénominationhistorique des populations. D'autres sont basés sur le nom de la ville oudu village où setrouve la population en question.

Le dialectemanga est sans douteledialecte majoritaire au Niger,suivi en importance parle dagara etle mobar.La population mangasemblerait &tre plusde deux foisplus importante que les deuxautres. La situationdialectale du kanuri au Nigeriaest 5 peu prèsl'inverse de celle au Niger. Au Nigeria, le dialectede Maiduguri (yerwa)est devenu dialectele plusle important étant donné l'importancegéographique, historique et politique de Maiduguri. Ce dialecte ressembIe au dialectemobar du Niger. Il estsuivi, de loin enimportance auNigeria, parmanga le dagaraleet (très minoritaire). Au Tchad,le dialecte qui se parle dans le village de Bol, sièged'une préfecture, aunord du lacTchad, est devenu le plus importantpour les mêmes raisonsgéographiques et politiques.

Lesdialectes les plus importants du kanuriet du kanembu sont lessuivants : LANGUE KANURI Diulectes kmwi Diulectes knnet~bu bilma bol dagara ku buri fachi suwurti manga tumari mobar yerwa 84

La morphologie du verbedans les langues du groupesaharien occidentalest de type agglutinant : lesmorphèmes sont collCs au radicalverbal et lies parassimilation phonologique ; l'ensemble formeunseul mot dans lequel les morphèmes sont quasiment toujoursdistincts et segmentables. Les morphèmes qui peuvent &tre contenusdans leverbe kanuri sontles suivants : sujet,racine du verbe,objet direct, objet indirect, temps-mode-aspect, dérivation.

4.1. Les trois classes de verbes

Pourdesraisons diachroniques, leslangues sahariennes occidentalesont trois classes de verbes. Les verbesdes troisclasses se distinguentd'après l'ordre et la quantitéde morphi5mes qui peuvent &tre lies auverbe. La premi2reclasse est très limitCe en quantitC deverbes ; la deuxièmeclasse a moinsde deux cent verbes : elle estdonc restreinte également ; latroisième classe est laplus importante. C'est la seule à laquellede nouveaux verbes peuventtoujours s'ajouter.

Les troisclasses existent ii 1'Ctat cpmpletdans leslangues teda et dam maisen kanuri et kanembu, on constateque la première classe n'a laisséque quelques traces : cesverbes sont aujourd'hui integrCs dansla deuxième classe. En teda etdam, la caractCristique morphologiqueessentielle des verbes de la premièreclasse est la préfixationdes morphèmes de personnes au radical (ABDOULAYE 1985 : 10). Pourladeuxième classe, dans toutes les langues sahariennesoccidentales, les morphèmes de sujet il lapremière et h ladeuxième personne sont suffixes directement au radical du verbe, tandis qu'ii latroisième personne, les morphèmes de sujet sont préfixés.

22me classe

(sujetpronominal) + radical + sujet pronominal + aspect

lad+k+(IS)+na > 1 ad a k 5 na "j'ai vendu" Iad+m+(2S)+na > 1 ad 'amma "tu as vendu" S+(3P)+ lad+ +na > s a 1 ad 5 na "il/elle a vendu" 85

Enkanuri et en kanembu,les verbes de ladeuxième classe qui neportent jamais demorphème sujet préfixé à troisièmela personnesont des verbes qui proviennent de lapremière classe. En kanuriet kanembu, les verbes de la deuxième classecomprennent doncceux de la première et de la deuxièmeclasse du système verbaloriginel des langues sahariennes occidentales. Ce sous-groupe ne prendjamais de préfixe à laforme 3s ; à la 3P, leverbe est conjuguéavec redoublement du radical(beaucoup devariations dialectalessont relevées). La plupartdes verbes de ce sous-groupe relèvent de 'lapremière classe de verbes en tubu,sans préfixe à la forme 3s. Lesverbes kanuri en question sont les suivants :

b a w o "mûrir" b a w î / n "il mûrit" d a g a "demeurer" d a g â i / n "il/elle demeure" g a 1 a wo "passer une année" g a 1 a yî/ n "il/elle passe une année" i s O "venir" i s i /n "il/elle vient" n g a w o "entrer" ( n ) g i y / n "il/elle entre''

On peut dire que latroisième classe est infinie, étant donné qu'elleest toujours productive : onpeut continuer à créeret ajouter des verbes danscette classe. En fait les verbes de la troisième classe sont tous conjugués ii l'aided'un verbe défectif de la deuxième classe.

Ce verbe en queIque sorte"auxiliaire", acomme radical n+ et veutdire, dans son emploi libre, "dire" ou "penser".Comme nous l'avonsdéjà signalé, il estdéfectif dans son emploi libre parce qu'il nese conjuguepas ii tousles temps, aspects et modes.Néanmoins, dansson emploicomme "formatif" des verbes de la troisième classe, il se conjugue à toutesles formes possibles. Donc pourcette classe, unlexème, portant lesens propre du verbe,précède laforme conjuguée du verbe n+ qui,dans cette fonction, perd son sens original.Ainsi ,donc, toutesles fornles verbalesde la troisième classe ont un morphème de pluspar rapport à leurshomologues de la deuxièmeclasse : en plus du "radical" n+, ellesprésentent un lexème quel'on peutappeler synchroniquement une "racine", qui porte le sensde l'actionverbale. 3ènze classe

"racine" + radical + sujetpronominal + aspect lan+nfk+na > 1 a pln a k 'an a ''j'ai insulté" lan+n+m+na > 1 ann5mma "tainsultC" as 1 ani6na "il/elle a insultC"

En ce quiconcerne l'ordre des morphèmes pour lesverbes de la deuxièmeetde latroisième classe, en gCnCral, toutce qui est prCfixe pour la deuxièmeclasse devient infixe pour la troisibme classe, puisquele lexème porteur da sens du verbe prCcède tous les autres éléments dansladérivation des verbes de cette dernière classe.

4.2. Les verbesde la troisièmeclasse

Evidemment,troisièmela classe deverbes estplusla importantedans toutes ces langues, etelle estla seule des trois qui peuts'augmenter par la création denouveaux verbes. C'est doncpar la voiede cette classeque l'inventaire des verbes peut s'enrichir.

Etantdonné que tous lesverbes detroisièmela classe partagenthistoriquement le même radical (qui est le verbe n+ "dire, penser" dela deuxikme classe), la racine porteuse du sens du verbe précbdetoujours la forme conjuguke du verbe n+. Donctous les morphèmes affixCs de sujet,detemps, etc., s'appliquent au vrai 8- radicaln+, et aucunpr6fixe nes'applique B la racineporteuse de senspour cette classe. Ces observations sont valablespour les formesconjuguCes et pourles formes non-conjuguées des verbes, comme le nom verbalet aussi le participe passéqui est unique 5 cetteclasse.

4.3. Les bases desverbes de la deu

La troisièmeclasse de verbes est infinie en cesens qu'elle peut produirede nouveaux verbes B partir d'autrescatégories lexicales.

Néanmoins,ilexiste dans cette classe un groupede verbes assezimportant avec un radicalporteur de sens quine provient pas d'uneautre catCgsrie lexicale. Lesmembres de cegroupe sont des 87 morphèmesliés, dépendants, qui fonctionnent uniquement dans ce r6lede radical de la troisième classe. C'est peut-être ce groupe qui constituele groupe des membres originaux de la classe.C'est dans cegroupe seulement que l'ontrouve des radicaux 2 tonhaut, commepar exemple :

1 5 t + "domir" 1 5 + "toucher" mg + "chercher" f B 1 + "traverser" bbk + "taper, battre" g 6 + "prendre"

Pourles verbes dérivés de ladeuxième classe, les bases sont desnoms, desadjectifs et des idéophones. Tous les verbes qui sont dérivéspar ce processus deviennent des verbes de ladeuxième classe à tonbas. C'est-%-dire que tous les tons du mot original deviennentbas lorsqu'il se transforme en racineverbale. La plupart deces verbes dérivCs décrivent un processus ou un changement ; ce sontdes verbes intransitifs avec sensle de"devenir XI'. Par exemple, on obtientlesverbes suivants % partirdenoms et adjectifs : nom : k iï m 6 'Yemme" > k u j 5na "elle est devenue fernme" udjectif : d 6nd i "malade" > d ond i j 'an a "il/elle est devenu(e) malade" k 6 r a "grand" > ku r a j 5 na "il/elle est devenu(e) grand(e)"

Dansson emploi indépendant, le verbe n+,"conjugateur" de tous lesverbes de la troisième classe, se conjugue(entre autres) aux aspectsimparfait et parfait, et au tempspassé. Ici, on se basera sur l'aspectimparfait pour avoir une idéedes diff6rences dialectales qui existententre le kanuri et le kanembu. Lesdialectes sont présentés dans l'ordresuivant : 88

1. bilma (Niger) 7. bol (Tchad) 2. (Niger)dagara S. (NigedNigeria)kuburi 3. fachi (Niger) 9. (NigedNigeria)sugurti 4. manga(Nigermigeria) 1 O. tumari(Niger/l"had) 5. mobar (Niger/Nigeria) 6. yerwa(Nigermigeria)

Dansle tableau de conjugaison quisuit, onobservesa le verbe "dire" dela deuxibmeclasse dans sa formeindependante & l'aspect imparfait. On notequ'en bilma eten manga cette conjugaison prend deuxformes différentes (la et 4a). La deuxièmeforme, dans laquellen'apparait plus le radicaln+, ressemble au dialecte kanembude Bol. Le ton est baspour toutes les formes indiquées dans cetableau.

Pour les formesmarquées d'un asterique, ilse peut qu'elles fassentexception en ce qui concerne la préfixation du rnorphkrne de la troisihe personnepuisque, apparemment, le nf du radical précèdelesmorphèmes personnels. Cephhomène pourrait suggérerqu'il y a un rapportparticulier entre les dialectes mobar, kuburiet tumari, mais on y verraplut& le rCsultat d'uneproximité géographique.

On remarqueraaussi qu'A presquetoutes les personnes, c'est le dialecte de Fachi qui gardetoujours une forme plus intacte,plus

originelleque les autres dialectes. Le dialecte de Fachi est suivide ' près à cetégard par ledialecte de Bilma. Comme cause probable de cela, on soulignerale fait que cesdeux dialectes kanuri sont les plus septentrionauxetles plus isolés de tous les dialectes kanuri et kanembu du pointdevue du contactavec les autres groupes linguistiques,

Onobserve un autretrait dans le dialectede Fachi, mais aussi en dagaraet en manga,ence qui concerneles formes de la troisièmepersonne. En préfixantles morphèmes personnels de sujet aux formes 3s et 3P, la consonnen+, qui est le radical du verbe,ne tombe pas,tandis que danstous les autresdialectes elle disparaît. La chutede la consonne du radical rCsulte de la préfixationdans les autresdialectes. Ce casest très clairpour les dialectes dagara et manga qui n'ontpas demarque suffix6e detemps-aspect à l'imparfait ; maispour le dialecte de Fachi,on ne peut pas diresi la 89 terminaison +ni des formes de la troisième personne (s a n i , s a n i ) esten fait la terminaison de l'aspectuel +ni, ou bien si ellecontient la consonne du radical n+.

Verbe de lu 2dme classe : n+ "dire,penser" kanuri : 1s 2s 3s 1P 2P 3P 1 naskan namincin niyen nuwi cei/cai la yiskin yimincin yiyen yuwi cai 2 nakki namicini niye nuy i cani 3 naskani namanisani ni ininuuni seni/sani 4 nakki namicani naye nawi cani 4a yikki caniyimi YiYe yiwi can i 5 nakin/ namin/ *n j in nen non/ *njain 5akin min nuw i 6 qin naminshin nyen nuwi saï kanenzbu : 1s 2s 3s 1P 2P 3P 7 ki mi yei ci/yi uwi cai/yai 8 nakke nangc*njic/ziyeniyc noyc *njeyc/zayc 9 nakiye niyenamiycciye nyoye caye 10 aniin nen/*njinanuun non/ *njeyin nvennvon

En découpantces formes verbales en morphèmes, on constate queles morphèmes personnels sujet prennent plusieurs formes, selonles dialectes. On émettral'hypothèse que les formes originelles pources morphèmes sont comme représentbes dans letableau suivant :

1s RhDlCAL + sk + RADICAL+y+ 1P 2s RADICAL + In + 2P RADICAL + w + 3s s(a) -t- / c(a) + RADICAL 3P sa + / ca + RADICAL

Les allomorphesquiapparaissent dans cetableau seront reproduitsdans le tableau ci-après. 90

2s 3s 1P 2P 3P m c Y w c a/ca m C Y w Ca m C Y.. UY Ca m s II uu se/sa rn C Y w Ca m C Y W ca m j €3 o/w ja m s Y \v sa

kanembu : 1s 7k 8 kk 9k 10 i

Dans son r6lede conjugateur des verbes de la troisième classe, ce verbede la deuxErneclasse prend les formesprbsentées dans le tableau deconjugaison suivant pour les dialectes que l'on considère. kanuri : 1s 2s 3s 1P 2P 3P 1 +qan + namin + yin +nen +nuwi + yci 2 +nakki+nami +zi +niye + nuyi +zai 3 +naskani+namani + sani +niini +nuuni+ senilsani 4 +nakki+nami + yi+niye +nuwi +yai 5 +gin + nemin +yin +rien +nowon+yein 5a +yen + nyon 6 +gin + namin +;in +nyen + nuwi + jai kQll6?l?lbLl:

1s ' 2s 3s 1P 2P 3P 7 +nii +nui +ci/ +niyc +noi + cei/ + ji/+yi + jci/+yei 8 + nakke +naqgc +ziye +niyc +nayc +zayc/njcyc 9 + nakiye + namiye cyiyc +niye+nyoy +yaye 10 +niin +nuun +yin +nycn +nyon +ycin 91

Danscette étude on considèreuniquement les verbes de la troisièmeclasse dont le radicalse terminepar une voyelle. Comme exemple,letableau suivant montre "savoir, connaître", dont la racine"porteuse de sens" est no+. C'est uneracine 8 tonbas, suivi d'uncontrastif haut et ensuite du ton bas du morphèmede l'aspect imparfait,que ce dernier soit manifeste ou non.

A l'aspectimparfait, si lemorphème de temps-aspectest manifeste, il est suffixé à laforme verbale. Pour lesdialectes bilma, mobar,yerwa et tumari, le suffixe+n joue ce rôle ; pourle dialecte deFachi, c'est le suffixe +ni.Quant aux autres dialectes (dagara, manga,bol, kuburi sugurti),et aucune marque segmentale n'apparaît : il nereste que le tonbas comme marque de l'aspect imparfait. La prCsence ou l'absencede cette marque segmentale noussemble être un trait assez important comme critère de classementde ces dialectes. C'est un trait asseztypique des dialectes du kanuri ; il setrouve uniquement. dans le dialectetumari parmi lesdialectes du kanembu Ctudiés ici. il estclair que les dialectes kuburiet sugurti du kanembu seséparent des autres : à l'imparfait, ils prCsententun suffixe t- (iy)e tout 8 fait unique. kunuri : 1s 2s 3s 1P 2P 3P 1 nog3n non5min noyîn nonên nonfiwi noyêi 2 non5kki nondmi noZî noniye noniiyi noZâi 3 non5skan i nonSman i nos5ninoniini nonfiuninosdni/s&ni 4 non5kki non5mi noyînoniye nonfiwi noyâi 5 noqîn non5min noyîn nonEn non6won noyêin 5a noyên nonyôn 6 nogIn non5min nojîn nonyên nonfiwi nozâi kunenzbu ; 1s 2s 3s 1P 2P 3P 7 nonîi nonûi noyî nonêi nonôi noy&i 8 non5kkc non5ggcnoziyc nonfyc non5ye noz&ye/njéye 9 non5kiyc nondmiyc noyiyc noniye nonyôy noy6ye 10 nonîin nonûunnoyîn nonyên nonyôn noyêin Lesdonnées présentees ci-dessus suggkrent classementle suivantdes dialectes kanuri et kanembu quifont l'objet decette analyse.L'ordre dans lequel les dialectes sont p~ésent6s a son importance.On fera lesobservations suivantes surcet arbre classificatoire : 1. les quatredialectes du kanuri(dilam, fachi, mobar etyerwa) sont apparentCs ; 2. les dialectesdagara et mangase regroupent et ont destraits qui suggsrent une relationavec certains dialectes du kanenlbu ; 3. le dialectetamuri certainesa caractéristiques qui indiqueraient une relationavec des dialectes du kanurimais ce rapprochement pourraitêtre le résultat de la proximitégéographique pendant une longue durée ; 4. lesdialectes kuburi et sugurtirepr6sentent un sous-groupe du kanembutout h fait B partet distinct par rapport au dialecte tumari et au dialectede Bol qui a étéchoisi dans cette étude comme representantdes dialectes du knnembu oriental.

fi A (occidental)(oriental) (occidental)(oriental) A I n I mobar bilrna dagara- kuburitumari bol yerwa fachi rnanga suwurti rnanga fachi yerwa

lS, 2S, 3S = Iere, 2ème, 3kme personne du singulier IP, 2P, 3P = lère, 2he, 3&me personne du pluriel 93

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ABDOULAYE Mahamane Laoualy - 1985 - Morphophonologiedes formesaspeetuelles, temporelles etmodales affirmatives et non-dtrivtes du verbeen tubu. UniversitédeNiamey : Mémoire de maîtrise.

HUTCHINSON J.-P. - 1981 - TheKanuri language : A reference grammur. Madison : African Studies Program.

LUKAS J. - 1937 - A study of the Kanuri language. Oxford University Press.

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POURQUOI LES DAZA ASSIMILENT-ILS LEURSVOISINS ?

Catherine UAROIN CNRS

Les Daza,pasteurs saharo-sahéliens du nord du Tchad (Clément méridional du groupedes Toubou ou Téda-Daza),assimilent progressivementles divers groupes arabes qu'ils côtoient. Quelle est exactementsituationla commentet s'explique-t-elle ? Jene chercheraipas ici à traiterce sujet danstoute son ampleur,mais je voudraissimplement attirer l'attention sur cettequestion jusqu'à présentlaissée de côté mais qui pourtant mérite intérêt, car elle relèvedu vasteproblème du rapportentre les cultures.

Il n'existeactuellement sur ce thème, à maconnaissance, que desdonnées écrites éparses etpour laplupart anciennes. Les sourcesqui peuvent être utilisées sont nombreuses mais partielles. En faire l'inventaireserait déjà un long travail. Je n'ai pourma part baséla documentation ponctuelle que je présenteici que sur la consultation d'un petitnombre d'ouvrages (LE ROUVREUR 1962, ZELTNER1980, CARBOU 1912, CHAPELLE1957). Ces livres fournissent avant tout desdétails historiques sur les combats livrés etpeu d'indications sur lesmœurs, à l'exceptiondecelui de LE ROUVREURdont lesdescriptions restent cependant très succinctes.Mes enquêtes de terrain, quant à elles, n'apportentrien sur la question,car les Daza du Niger que j'aiconnus n'avaient pas devoisins arabes proches, hornlis des Ouled Slimanavec lesquels ils avaienttrès peu decontacts. C'est au Tchadqu'il aurait fallu se rendrepour observer les faits.

LesDaza, avons-nous dit, assimilent progressivement les diversgroupes arabes qu'ils côtoient. Ces groupesarabes sont nombreuxet dissCminés, etils ont été jusqu'ici,dans l'ensemble, fort peuétudiés. Ils sont arrivés dans le bassin du Tchad à des

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époquesdifférentes. On distingueles Arabes "noirs'' desArabes "blancs"en fonction .de la couleurde leur peau, conséquence de métissages plus oumoins accentués.

LesArabes Noirs sont appelés Choa ou Shuwa par lesKanouri et les Kanembou, Ar ai et Kugu (pl. Kuga) parles Daza du Niger, sans quej'aie réussi h déterminer à quelsArabes précisément renvoient ces deuxderniers termes. Les Arabes Noirs sesubdivisent en deux groupes, les Hassaouna à l'ouestet les Djoheïna à l'est, beaucoup plusnombreux.

LesHassaouna sont arrivés dans le bassin- du Tchad entre le XIVeet le XVIIesiècle. Ils se sont implantés au nord du lac Tchad, entre le 13ème et le16ème méridien. Les campements les plus septentrionauxsont ceux des Am Réar, au sud de 1'Egueï. Ils sont complètemententourés deToubou. Leur culture estfortement imprégnéed'influence daza. Ils viventnotamment dans des tentes denattes commeles Dazaet leur marque debétail, biri, estune marquetoubou (BAROIN 1972 : 150). Maisleur assimilation n'est pas totale.Leur teint estresté clair et ils parlenttoujours l'arabe, parallèlement au dazaga(langue des Daza). "11s s'efforcentencore de préserverleur caractère arabe", écrit à leurpropos LE ROUVREUR (1962 : 195).Les Hassaouna du sud,au contraire, installés au Chitati,sont complètement intégrés aux Daza :

"Cette inttgrations'exprime de toutes les manibres, par la langue, les coutumes, le genre de vie ; il n'y a gukre que le type physique qui, dans une certaine mesure, ait Cté épargnt". (LEROUVREUR 1962 : 295)

Lesmarques debétail des Hassaouna du sud sont presque toutesidentiques à cellesdes Toubou, auxquels ils les ont tri% probablementempruntées. Un telemprunt traduit, rappelons-le, un liend'allégeance puisque imposer la marque d'un individu ou d'un clan sur son bétailrevient à mettrece bétail (comme soi-meme) sousla protectionde cet individu ou de ce clan, qui doitréparer les tortssubis en casde vol notamment. Mais il fautsouligner que ces donnéesrassemblées par LE ROUVREUR sont basées sur des enquêtesdatant detrente ans (1957-1958). Il neserait pas surprenantque l'histoire ait accentuécette acculturation des Arabes Hassaouna, et queles troubles politiques du Tchadaient bouleversé cettegéographie déjà ancienne.

LesArabes Noirs de l'est, les Djoheïna, sont arrivés par lente infiltration dans le bassin du Tchad à partir du XVe,et surtout du XVIIesiècle. Leur installation progressive dans cetterégion s'est 98 prolongéejusqu'au début du e sibcle. LesDjoheïna se rkpartissent en de tri% nombreusestribus (LE RBUVREUR 1962 : 313) dont une partieseulement vitd'élevage transhumant etse trouve encontact avec les Dam. Ces Arabesnomades font pitre leurschameaux entre leMortcha au nord etle 13bmeparallble au sud, et leursbovins entrele Mortcha et le 11bme pwallkle au sud.Ils croisent donc leursterrains de parcours avec ceux des Daza au nord,tandis qu'ils débordent le domainetoubsu vers le sud.D'ouest en est,les zones deparcours des six tribus principales s'echelonnent ainsi sur des couloirsparallèles depuis les environs dulac Fitri jusqu'i la frontièredu Soudan. Ce sont lesOuled Nimet, les Diaaené, les Khozam(qui, contrairement aux autres, n'appartiennent pas au groupe Djohe*ïna), lesOuled Rachid, les Missirié(la plus importante tribu arabedu Tchad), et les Mahamid. L'ensemble de ces tribus arabestotalise un nombred'individus plusde vingtfois supérieur B celuides Arabes Hassaouna i l'ouest,puisque LE ROUVREUR il y a trente ans lesestimait 2 128500(dont 60000 pour les seuls MissMe)alors que, selon lui, les Massaouna n'étaient que 5600 et les Ouled Sliman 3400 (LE RBUVFtEUW 1962 : 312, 295, 300).

Cecipeut expliquer que les Djohe'dna soientbeaucoup moins acculturés au monde dam que les Hassaouna. En effet,s'ils habitent destentes en nattes de doum commeles Toubou et les Hassaouna, ils semarient beaucoup plus rarement avec des femmes tCdaou dazaetpratiquent toujours l'excision des filles, abandonnee par leursconfrkres hassaouna sous l'influencedes Toubou. De plus, ils 1 ne parlentque l'arabe (LE ROUVREUR 1962 : 328). Ntanmoins ils ont perdu aufil de leur migration africaine certains traits de leur culturearabe d'origine. Par exemple, les MissiriC ne portentpas le turban etleurs femmes vont le buste nu (LE ROUVREUR 1962 : 341).

Les ArabesBlancs, pour leurpart, sont appelCs Wahila par les Dam du Niger. Ce sont lesArabes Ouled Slimsn, qui sesubdivisent en deuxgrands groupes : les Ouled Sliman "anciens" et les Ouled Sliman"nouveaux", selon la date de leur arrivCe dans le pays. Les Ouled Sliman anciens sont arrivés au Tchad, chasses deTripolitaine parlesTurcs, après 1842. Leurscoutumes arabes sont bien préservées, en dépitde l'apport culturel consécutif ii denombreux mariagesavec des femmes hassaouna ettoubou. L'habitat est la tentedenattes comme chea les Toubou, mais plus spacieuse (LERBUVREUR 1962 : 298). LesOuled Sliman nouveaux sont arrivés au Tchadplus tard, vers 1930. Lis se sontinstallés pour l'essentielenEgueï, et ilsont gardé intactes leurs coutumes d'origine. Ils sont les seuls à habiterune tente en étoffe, il se nourrir 99 deblé etnon de mil, à utiliserla meule tournante, etles seuls dont lesfemmes vêtues de rouge, et non de noir ou de bleu sombre commecelles des autres groupes, restent attachées au port du voile (LEROUVREUR 1962 : 439-411). Maisdepuis les observations de LEROUVREUR, lasituation a probablementchangé. Les Ouled Slimananciens sont-ils maintenantdavantage acculturés,les Ouled Slimannouveaux cherchent-ils toujours à préserverleur identité arabe ? L'influencelibyenne proche peut les avoiry incités. L'enquête deterrain serait nécessairepour faire le point.

Lesdifférences d'assimilation de cesdivers groupes arabes à la culturetoubou ont des causes historiques et politiques. Ces groupes sontarrivés dans le bassin du Tchad à desépoques et dans des conditionsdifférentes. Ilse trouvent en contactavec les Daza depuis un tempsplus ou moins long.

Lesmodalités d'insertion dans le' paysn'ont pas étéles mêmes pourles uns et pour les autres.Pour tous assurément l'antériorité desDaza surle terrainconférait à cesderniers un avantagecertain, demême que leur supériorité numérique. Cet avantage était renforcépar l'insécurité des Arabes arrivés par petits groupes. L'inévitableconséquence en étéa la domination politique exercée par les Toubou surles groupesarabes les plus anciennement venus. Parcontre, ces conditions favorables aux Toubou n'ont pasempêché quelasituation soit inverse dans lecas desOuled Slirnan. Ces derniers,dont le caractèrebelliqueux tranche sur lepacifisme des Hassaouna(CARBOU 1912 : lOI), ont pu seposer en conquérants grfce B la supdrioritéque leur conférait la possessiond'annes à feu, face ri desguerriers qui ne connaissaient que l'arme blanche. L'atout considérableque constituait cette arme leur permit, plus que leur couragesemble-t-il (CARBOU 1912 : 103),de dominer et deravager ri leur guise le paysjusqu'à la pacificationcoloniale.

En ce qui concerneles Ouled Slimandonc, la positiondominante qu'ilsacquirent d'emblée dans le monde nouveauqu'ils pénétraient et lafaible profondeurhistorique de leursrelations avec les Toubou expliquentqu'ils aient, moins que les autres groupes arabes, subi l'influenceculturelle téda-daza. Cette position dominante les portèrent à sejuger supérieurs aux 'autres et, de ce fait, ri refuser d'accorderleurs filles 5 des gens qui ri leursyeux leur étaient inférieurs.Leurs bandes guerrières envahisseuses detoute fason manquaientdefemmes, c'estet peut-être pour cette raison uniquementqu'ils acceptèrent des épouses de cesgroupes dominés. Car les mariagesinterethniques ne sont pas le fruitdu hasard : ils se fonttoujours (ou presque) en suivant la rbgle de prohibition de P'hypogamie féminine, c'est-2-dire l'interdictionfaite B la femme de se marieren-dessous de sa condition.Pourquoi cette &$le ? Pace que les hommes sont,dans ces .rCgions commetant d'autres, consid6réscomme sup6rieurs aux femmes, et qu'ils peuvent dece fait se permettred'6pouser des femmes d'un rang oud'une ethnie inférieuresans remettre en cause leur propre statut, tandis qu'une femmequi Cpouse unhomme d'un rang inférieur désavoue ses origines.Une telle mésalliance est toujours soigneusement évitCe nonseulement par lesfemmes, mais aussi par leurs parents qui les guident dans le choixde leur conjoint quand ils ne font pas ce choix eux-mthes,car le statutde l'alli6 n'est pas sans rgpercussion surle leurpropre. Aussi les mariagesinterethniques pratiquds traduisent- ilstoujours la position respective des donneurs et des preneurs de femmesdans une hiérarchie sociale admise par tous. Ces mariages sontle réPr6lateur assurecettede hiCrarchie desethnies lorsqu'aucuneautre manifestation n'en transparaît.

Dans la régionconsidérée, la hiCrarchie impliciteque traduisent lesmariages interethniques est corrdative d'une échelle inverse d'assimilationculturelle au mondetoubou. End'autres termes, ce sontles groupes les moinsassimiles qui sesituent (ou se situaient) leplus haut dans 1'Cchelle sociale. Ca cettesituation bien entendu n'arien d'immuable, des faits historiques nouveaux Ctant toujours susceptiblesde remettre en cause un telordre des choses. J11 est m&me vraisemblable qu'il ait déjja changC, carles donnees sur lesquelles je mefonde remontent à plusde vingt ans, etles troubles politiques CO~I~USpar leTchad ont sans doutebouleversé ce panorama. II va sansdire Cgalement que la hiCrarchie des ethnies dont jefais Ctat necorrespond nullement B un jugement de valeur de mapart sur celles-ci. Un teljugement serait contraire aux principesmêmes de l'anthropologie. Ce que je cherche simplemernt h établir,c'est la façon dont les autochtones se considhrent (ou se considdraient)eux-mêmes les uns par rapport aux autres, la façon dont ilsse definissent dans un mode de relationaux autres groupes quiapparaît avant tout comme hiérarchique. Mais cesrapports hidrarchiquesne font pasnécessairement l'objet d'un consensus, car lesuns peuvent sejuger supérieurs aux autres sans que ces derniersleur reconnaissent une quelconquesupkriorité.

Cesréserves Ctant faites,voici les faits qui se dégagent des ouvragesconsultés. Les OuledSliman nouveaux, qui occupent le sommet del'échelle de hiCrarchie ethniquerégionale et qui ont bien 101 préservéleurs coutumes d'origine, gardent leurs femmes pour eux- mgmes et n'acceptentd'épouses, . enprincipe, que des Ouled Sliman anciens.Ceux-ci, qui occupent la positionsociale immédiatement inférieure,donnent des femmes aux OuledSliman nouveaux et en reçoiventdes Toubou et des Hassaouna. Ces Arabes Noirs se situent en-dessousd'eux dans l'échelle hiérarchique etsont davantage marquéspar la culturedam. Ils échangentd'ailleurs leurs femmes avecles Daza, et occupent aveceux le bas de la hiérarchie ethnique.

Cecipeut se traduirepar le schémasuivant, où le don d'épouses estreprésenté par une flèche, et la hiérarchiesociale par laposition des groupes de bas enhaut, les plus hautsplacés étant ceux qui se trouvent au sommetde la hiérarchiesociale :.

OuledSliman nouveaux t OuledSliman anciens / Arabes HassLouna Dam

Biensûr, ilne s'agit 15 qued'un schéma partiel, d'une part parce qu'iln'inclut pas tous lesgroupes dont il a étéquestion, et d'autrepart parce qu'il ne représentequ'une- partie des mariages, ceuxqui sont théoriquementadmis, ce quin'exclut pas lapratique effectived'autres mariages.

Or dansces sociétés pastorales guerrières, ce sont lesfemmes avanttout quitransmettent leur culture .5 leursenfants. L'acceptationd'une femme étrangère entraine donc inévitablement non seulementlemétissage du sang,mais l'influence culturelle. Ainsiles groupes hiérarchiquement supérieurs, les Ouled Sliman en l'occurrence,sont-ils menacCs à terme, du simplefait qu'ils acceptent des épousesde groupes inférieurs, d'être phagocytés par lespopulations qu'ils dominent, surtout s'ils sont inférieurs en nombre. Ladomination qu'ils ont exercCe, baséesur la possession du fusil, relkve d'ailleursmaintenant du passé,l'usage des armes à feus'étant depuis longtempsgénéralisé. 102

Au Tchad au coursdes siècles passés, %a domination politiqueet numériquedes Toubou leur a permisd'assimiler peu B peules diverspetits groupes arabes venus B leurcontact. Puis l'invasion desOuled Slimm, favorisés pw lapossession de fusils, a bouleversé les cartes du jeu.Ceux-ci, sejugeant supérieurs, ont refus6 l'assimilation.Mais peut-etre lasituation est-elle aujourd'hui à nouveaudifiZrente enraison de la positionpolitique nouvelle acquise par lesToubou dans le conflit tchadien.

De manibregénérale, ce sont souvent les groupes qui sont en situationde domination politique qui assimilent leurs voisins. Ils exercentsur les autres un attrait psychologique indéniable, qui porte B lesimiter le plus possible. La faveurque connaissent auprks desjeunes Franpis aussibien la musiquemoderne américaine que lesfast foods n'en est-elle pas lesigne ?

Du pointde vue purement anthropologique, on peut seposer la questionsuivante : l'organisationsociale d'un groupe donné peut- ellele prédisposer, plus qu'un autre, à ladomination politique et h l'assimilationculturelle des voisins ? Peut-&tre la réponseest-elle négative,mais la questionmérite qu'on y réfléchisse.

BAR0IN C. - 1972 - Les nnarques de bttail cllez les Eduza et les Azza du Niger. Niamey : Centre NigCrien de Recherches en Science.s Humaines,"Etudes nigériennes" n"29.

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103

RELATIONS INTERETHNIQUES AU BORN0

(NIGERIA ET NIGER) ': CULTURE MATERIELLE ET DICHOTOMIE HOMMEh'EMME

Mette BOVIN Université de Copenhague

1. LA CUL'I'URE MATERIELLE PARLE

Lesobjets nous parlent, et passeulement surleur époque et les cheminsdes influences, mais sur le contact et les échangesculturels entresociétés éloignées les unes des autres. Les objets ethno- graphiquesnous parlent aussi de la dimensiond'ethnicité. Pour donner un exemple, il mesuffira de rapporter une histoire sur les calebasses du bassin du lacTchad qui, pendant des années, m'ont beaucoupparlé sur l'ethnicité. Conme on le voit dans le film Etlznic mosaic of Borno, descalebasses sont cultivées li Damaturupar des paysanskanuri, distribuées et vendues au marchépar des Peuls semi-sédentaires, décorées et utilisées pardes individus appartenant à différentsgroupes ethniques ; quandles calebasses sont fêlées, elles sont réparées par des Peuls nomades wo 4 a a 6 c . C'estcomme si chaquegroupe ethnique participait r'l cesystème de circulationdes calebasses. Chacun dépend des autres ethnies quand il s'agitde la culture matérielle. De même,les ornementations des calebassessont très typées selon chaque ethnie (voir planches 1-2)*.

* Les illustrations du pr6sent article ont ét6 rtalistcs par DaniBle MOLEZ, d'aprbs des photographiesde l'auteur. Grandecalebasse d6corée par un artistekanur! (Maiduguri) En haut : chevaux, hommes, so1dats:A droite : deux femmes kanuri à la coiffure stylisée. A gauche : un porteurd'eau (non kanuri) avec ses bidons. Au centre, dans le fond : soldats et scorpions. L'ensembleregroupe toute la hiérarchie du Borno. (Collection Mette BOVIN 1975, Musée Moesgaard, Université d'Aarhus, Danemark) 105

2. L'EMPIRE DU IIORNO : HISTOIRE ET STRUCTURE SOCIALE

L'Empire du Borno, à l'ouest du lacTchad, a offertpendant des sièclesle spectacle d'une véritablemosaïque ethnique, B laquelle un grandnombre de groupesethniques ont participé, etparticipent toujoursaujourd'hui. La société est extrêmement hétérogène : j'ai comptéplus detrente termes ethniques pendant lesdix-huit dernièresannées, depuis la premièrefois que j'ai travaillé au Borno en 19681. Levieil Empire du Kanem-Bornone suivait naturellement pasles frontières coloniales entre les pays du Nigeria, du Niger, du Tchadet du Cameroun. Laplus grande partie du Bornorécent est situé au Nigeria, mais j'inclusdans mon analyse du "Borno" larégion qui s'appelle"Mangari" (c'est-&dire "pays desManga"), parce que les Manga sedéfinissent comme un dessous-groupes des Kanuri et que le Mangariest lié au Borno et à sa capitale, Maiduguri.

L'histoire ' del'empire du Borno est une longue histoire d'incorporation. Jene parlerai pas des anciens peuples Sau, ni des Boulala,ni comment ils furentconquis et absorbés dans l'Empire du Borno.

Y. URVOY dans son livre liistoire de I'Entpire du Bornou a bien comprisle processus d'incorporation des diverses ethnies :

"L'affluxprogressif decolons kanembous h l'ouest du Tchad h partir du XIIe siècle,mais surtout la conquêtepolitique cffective au XIVe et l'installation deladynastie et de ses fidbles modifiaprofondément la rhpartitiondes peuples auBornou. L'introduction massive d'un gros noyaukanenlbou appuyé sur la dynastic,transplanta dece cBtC Ic phénombncd'assimilation siavancé h l'est du lac. Lc nouveau peuple formé autourde ce centre, fut le peuple kanouri, qui cstmaintenant le peuplebornouan par excellence, simple rejet par conséquent du peuple lcanembou et comme lui d'originedisparate. L'histoireethnique des sièclessuivants - jusqu'au XXe - estfaite dc l'assimilationprogressive destribus déjh installées et l'apportde d'616ments nouveauxsurtout nomades. Leschéma estensimple :

Rccherchcs sur le terrain au.Borno : 'Niger : 1968, Nigeria ct Tchad : 1973- 75, Cameroun : 1984, Niger : 1985-86. kfes profondsremcrciemcnts au Conseilnational pourrechcrche la en scienceshumaines (Statens HumanistiskeForskningsrad), Danemark, pour le financementlade plupartde mes études sur le terrain. Je rcmercie aussi l'Institut scandinave pour larecherche en Afrique(Nordiska Afrikainstitutet) B Uppsala,Suède. Je doisrendrc hommage B M. KlausFERDINAND, professeur h l'Université d'Aarhus,Danemark, pour ses conseilspendant desannées. Merci h Mme Suzanne BERNUS et M. Pierre BAUDRY pourleur aide quant i la rédactionen français de cet article. Grande calebasse décor& par un Kanuri (Maiduguri, 1975) Au milieu, un guerrierlranuri à cheval,.entouré de quelques soldats (nonkanuri) à pied,et de femmes mariëes kanuri la coiffuresty- lisée dedimension exagérëe. (Collection Nette BOVIN 1975, Plusée Noesgaard, Université d'Aarhus, Danemark) 107

extcnsionsurtout par contamination, par tache d'huile vers le sudaux dépensdes Noirs purs, enrichissement par le nord ,et l'cst d'616ments d'origineblanche plus ou moins ancienne". (URVOY 1949 : 61)

L'unité"kanuri" ' aréalisé son expansion grlce au systèmede chima gura et chima gana - desvassaux, suzerains de fiefs. Et le processusde "kanurification" a aussi eu lieu à causede l'expansion etdes guerres contre les "Kirdi" (comme disent les Kanuri) au sud duBorno, des captifs des Dura, Babur, Marghi, Mandara, etc. L'armée du Borno était une arméecomposée d'esclaves ou captifs,le leader, ka i ga 111 a, étant un esclavenoble, ayant lui-même des esclaves, karlia.

L'islamisationvenait avec k "kanurification"dans les provinces du Bornoet en dehors du Borno : les"païens" se convertissaient à l'Islampour être acceptés dans 1'Etat du Borno. Lesdeux groupes ethniquesnomades : lesArabes 'Shuwa etles Peuls étaient des musulmans et leurprestige plus grand 'que celuides "Kirdi".

Il y beaucoup de mariagesinterethniques entre hommes kanuri etfemmes shuwa ou peulesmais pas le contraire. Les mariages interethniquessont asymétriques.

3. GKOUI'ES EI'HNIQUES AU UOKNO

Les"Kanuri" ne forment pas "une tribu". Il n'y a pasde structuretribale dans lesens classique (comme chez les Nuer du Soudan,par exemple) avecdes tribus, lignages, clans,familles et descendance commune(réelle ou imaginaire),Les "Kanuri" sont un peupleou un étatafricain,. avec beaucoup d'ethnies, conglomérat d'anciennestribus.

Pourladéfinition de "groupe ethnique", je préfèrecelle de F. BARTH : " ... a population which : 1. islargely biologically sclf-perpctuating ; 2. sharesfundamental cultural values, realized inovert unity in cultural forms ; 3. makcs up a field of communication and interaction ; 4.has n mcmhership whichidentifies itself, and isidentified by othe,rs, asconstituting a catcgorydistinguishablc from othcr catcgories of the samc ordcr." (BARTH 1969 : 10-11). Carte du BORNO, avec les groupes ethniques les plus importamts (Bovin 1979)

Quartier kanuri

Village

Quartier des.

Place Capitale 1O9

Dansune ville comme Damaturu dans l'actuel "Borno State", Nigeria,j'ai observé etcompté plus de vingt groupes ethniques différents.Ce qui est plus surprenant encore, c'est que dans des petitesvilles (comme Maïné-Soroa) et desvillages (comme Garawa, auNiger), dans leMangari (République du Niger), j'aiaussi observé etcompté environ vingt groupes différents (BOVIN 1972).

Les ternles ethniques au Borno et dans le Mangarisont : Kanuri, Manga,Kanembu, Mobber, Bedde, Bodewei, Koyam, Peuls, Fellata, B O r n O 6 e, Woda a 6 e, Shuwa (ou Arabe Shuwa), Hausa, Tuareg, BUZU, Yoruba,Ibo, Gwoza, Bura,Babur, Marghi, Kerikeri, Bachama, Ngizim, Mandara,Banana, Zerma, Dagara, Nazara (Blancs, Européens) et autres.

Evidemmentles linguistes, les anthropologues, les historiens, ontdifférentes manières de catégoriser ces peuples ou groupes ethniques.Beaucoup dequestions nesont pas résolues ; par exemplela catégorie de "Kanuri" en soi est detemps en temps synonymede"Beri-Beri", ethnonyme du typeterme-ethnique-de- référence (cf. BOVIN 1972) pour un autregroupe, utilisé par les Hausaetd'autres ethnies extérieures au Borno,qui disent "Beri- Beri"lieuau"Kanuri". de "Kanuri" terme-ethnique-estle autodésignation utilisb: parles Kanuri eux-mêmes. Lesmots "Kanuri" et"Beri-Beri" désignent tantôt uniquement les gens du Kanuri central,tantat aussi les Manga, Mobber, Djetko, Sugurti, Bedde, Royam,Bodewei, Dagara, etc., selon lecontexte social. Le terme n'englobepas toujours les mêmesgens.

Leterme "Peuls" est aussi problématique que le terme "Beri- Beri". Des gens qui parlent f u 1 f u 1 de sont des Fu 1 6 e de différents groupes : Tuntumanko'en,Udda'en, Fellata Borno, Woda a 6 e , etc., gensque lesAnglais appellent "Fulani" (terme hausa) etque les Français appellent "Peuls" (de Pullo, singulier de Fu 1 6 e).

Dans les villes et villages au Bomo,la structure ou leplan des villesest formé en "U", ouvert versl'ouest, fermé à l'est.Les Kanuri viventdans le quartier à l'estet au nord, et lesnon-Kanuri souvent versle su.d.Au fondde la "lettre U" on trouve toujoursla maison, ou lepalais, du chef ou du roi. Lescastes méprisées, comme les bouchers, les tanneurs,les forgerons, les porteurs d'eau (tous des non-Kanuri)vivent dans les quartiers plus vers l'ouest etle sud. Les nomadesvivent dans la brousse,en dehors desvilles et villages. PLANCHE 3

Femmemanga (kanuri du nord]

Femme shuwa 111

PLANCHE 4

Femme bodaado ( wodaatje 1

a Mon hypoth2seest la suivante :

Lesreprésentations ethniques des femmes sont plusdistinctes, plusClaborées, pluscontinues persistanteset queles représentationsethniques des hommes dans la mhe sociét6 - dans l'6tat ouest-africain - B causedes structures sociales dans %es Ctats expansifsetcentralisés. Par "représentationsethniques" jepense auxvstements, coiffures, scarifications, bijoux, types de comportements,etc. (cf. BOVIN dans le Journal des Africanistes), voirplanches 3-4.

Maispourquoi les représentations ethniques des femmes sont- ellesplus distinctes que celles des hommes ?

Il n'y riend'6traage dans le fait que des Stres humains dans toutes les sociétés du mondeexpriment leur statut social par des décorationscorporelles et vestimentaires - les"objets" que chaque personneporte toujours avec soi et dont on peutfacilement Ctablir le code. Parailleurs, il n'est pas du tout Cvident quedans certaines soci6tés c'est unsexe, plus que l'autre, qui exhibe l'ethnicitkdans des Cl6ments visibles. En 1971-73,avec une collègue norvCgienne, Lisbet HOLTEDAHL, nousavons effectu6 une érude sur les femmes manga du Borno du nord.Pendant ce travail, petit B petit, il est devenu Cvident pour nous queles femmes manga Ctaient "plus ethniques"que les hommes (cf. BOVIN Q% HOLTEDAHL 1975pour l'malysede la viefamiliale).

Si on faitdes Comparaisons avec d'autres sociCtCs ouest- africaines, on voitqu'il existe des parallèles. P.A. BENTON par exempleécrit en 1912 surles Buduma du lacTchad :

"Thc wonlcn are distinguishablc from thosc of theucighbouring tribcs by the differcnt style in whicbthcy wear thcîr hair, which thcy do up in Iwo scparatecoils, onc of which ou the frout part,and lhc olhcr on the back of the hcad joins tu itscorrespondent parting, and which are incrcnsed in sizestill further by nmtns of ;L 'chignon'." (BENTON 1912/1968 : 61). 113

PLANCHE 5

Femmes kanuri vendant des Iltêteskanuri!' au marché (Damaturu,Nigeria) Coiffures de femmes mariées kanuri en terre glaise que l'on pose sur des encensoirs. (Représentation à la fois ethnique (kanuri) et sexuelle) 114

Ronald COHEN "rit surles femmes shuwa qui ont 6té mariées dans la soci6té kanuriau Borno que :

"Such women generaliy maintaincontacts with their own kin as often as they cm. However, over a period of time inKanuri societythey drop maay of their non-Kanuri ethnictraits. Interestingly, the last rhing fo change seem~10 be the hai~style, which is an ethnically distincttrait inthis area". (Passage en italiques soulign6s par moi) (COHEN 1970 : 173).

A premihrevue, il semble que lescoiffures ne peuvent pas jouer un rôleimportant dans l'analyse ethnologique générale d'une sociCtC. Mais, dansl'Empire du Borno, . la significationetle symbolismeautour descoiffures fhinines sontextremement élaboxCs, avecdes tresses compliquées ornéesde bijoux d'agate ou d'argent.Les coiffures Enlinines sont presque des représentations ethniquessacrales. Il y a aussi de nombreusesdécorations sur les calebasseskanuri, etc., montrant des coiffures fhinines stylisées. (Non, cene sontpas des soldats surles .calebasses, comme tout le mondepense ! (planche 2). En plus, il y ades coiffures féminines (sans visage !) modeleesen glaise (planche 5) surdes encensoirs : représentationethnique etreprésentation sexuelle en même temps. Lesgens du Borno eux-mêmesne peuvent pas parler de l'ethnicité sansparler des coiffures féminines ; cf. Ali MONGUNO caracterisant son propregroupe ethnique, les Kanuri (MBNGUNO 1962). Quand les gens du Bornovont expliquer lesuns aux autres comment reconnaîtreles diff6rents groupes ethniques du Borno, ils disent souvent : "Cesont les gens chezqui les femmes secoiffent comme p.. ."

La signification des coiffuresféminines ne semble pas être un phénomknenouveau. Dans l'&poqueprécoloniale aussi, les coiffures étaientdistinctes et remarquables (cf. DENHAM, CLAPPERTON & OUDNEY 1526),et également dans l'époque coloniale (cf. PALMER 19361, jusqu'haujourd'hui.

Quand on essaied'expliquer le véritable "culte" des coiffures au

Borno - et l'argent etle temps que les gens y consacrent -? on peut commencer par direque la tête, kcia en kanuri, est certainement la partie du corpsqui porte l'ethniciti, aussi bien quetoute la personnalit&Nombreux sont les expressions et les proverbes avec le mot kcla. "Porter sa propretête", en kanuri, veut direavoir du 115 respectpour soi-même dans .vie la sociale. Des coiffeuses professionnelleskanuri, shuwa, hausa, etc., sonttrès expertes dans leur métier.

Lacoiffure de l'hommeau Borno - ou, plusprécisément le nz a nque decoiffure masculine - signale l'identité religieuse, musulmane,plus qu'une spécificité ethnique. La plupartdes hommes au Borno ont le crânerasé. Une coiffure féminine, au contraire,est toujours ethnique etirrévoquablement ethnique dans son caractère. Parsa coiffure elle est catégoriséecomme : soit kela- kanuri (têtekanuri), soit kela-manga (têtemanga), kela-shuwa (tete arabe-shuwa) ou encoreune autre "tête".

Lafemme au Borno porte toujours une représentationethnique. En plus,elle porte toujours d'autres représentations comme les scarificationssur la peau du visage,les vêtements, les bijoux, etc. (cf. BOVIN 1986). En tout,cela veut direque la femmeest plus "liée à laculture" locale de son groupe 'ethnique. C'est elle quireprésente son groupedans des situations interethniques. Elle rappelle toujours sonappartenance ethnique. Pas l'homme. Cette différence entre les deuxsexes a beaucoupd'influence sur la femme - aussiquand elle estobligée de changer de rôle ethnique.C'est pluscompliqué pour sapersonnalité que pour un hommequi va "changer d'ethnie" et de culture. En memetemps les espoirs de voir une femme changer de comportementsont plus sévères que pour un homme, à causede la virilocalitéet du systèmede"dominance and defiance" entre homme et femme (cf. R. COHEN 1971 et BOVIN & AOLTEDN-LL 1975), spécialemententre homme et femme mariés.

La plupart despeuples du Borno sontdes sociétés musulmanes etpatrilinéaires (ou bilatéralesavec plus d'importance donnée à la lignéepaternelle, BOVIN 1983).Leurs enfants vont suivre l'identité ethnique du père,selon la "loi"kanuri, l'enfant regoit le sang (linéarité)de son pèreet des parents de celui-ci, et le lait desa mère etde ses parents. anuri se reproduisentselon unsysthme ouvert mais asymétrique :

hom m e femme homme kanuri non-kanuri

. enfantskanuri

LesKanuri (groupe"sup6rieur") ne donnentpas leurs femmes auxautres ethnies - surtoutpas aux nomades de brousse, ni aux hommesdecastes inférieures. Detemps en temps,il y a des alliances matrimoniales/politiques avec des chefsnon-kanuri (et ils donnent des femmeskanuri). La languehausa est la lingrta frranca dansles familles polyethniques. Les hommes musulmans au Borno actuelsont identifiés par leursobjets d'environnement(armes, etc.) et parleurs parents féminins avec leurs coiffures, vgtements et bijoux. Depuisque disparaît en partiela coutumedes scarifications faciales, les diffdrencessont encoreplus claires. 11 y ades sous- groupes de Knnuri où l'on fait des scarifications sur le visage de la fille bCbé, mais passur le garçon.

Céline BADUEL et Claude MEILLASSOU%( ont écrit en 1975 un articlesur les"Modes et codesde la coiffureouest-africaine" où ils constatentque :

"II existc/existait en Afriqueoccidentale des coiffuresconventionncllcs, caractérisant l'ethnie ou désignant un état, permanent ou provisoire. Ce fait cst surtoutremarquable pour les fcnlmcs chez qui l'on ne peut confondreune jeune fille nubile avec une jeune maride. On reconnaît 2 sa coiffure la femmeenceinte l...] C'est, sans contcstc, la plus grande vari616 de styles ..." (BADUEL & MEZLLASSOUX 1975 : 21). 117

Malheureusement, si BADUEL et MEILLASSOUXont bien mentionné lefait que c'estspécialement parmi les femmes qu'on trouve des coiffuresethniques, ils n'expliquent pas pourquoi il en est ainsi.

J'ai observé que les coiffures masculines n'existent que chez les "païens" du Borno., chezles "Kirdi du sud du Bomo"et chez les W O cf a a 6 e les moins islamisés. Le crâne rasé - qu'on voit chez la plupart des hommes du Bomo - est un trait religieux. Avec l'Islam, les hommes dedifférentes origines ethniques ont, petit B petit, abandonné lessignes de différenciation, vêtement et coiffure, etc. - pourprendre lestyle pan-ethnique.Pour un homme du Borno, partir chez lebarbier et se h laisserraser tout le crâne est un processusreligieux depurification. Les hommes kanuri, fulani, hausa, bura, shuwa, etc., se ressemblent tous dans le Bomo en ce qui concerne la "coiffure"et souvent aussi l'ensemble "bonnet, boubou, grandspantalons et chapelet".

Et tous ces hommes vont à la mosquée levendredi ensemble. Toutcela est collectif, étatique etmusulman - appartient B un niveau au-dessus de celui de l'ethnicité. Malgré cela, on voit dans lesvillages quelques petites différences dans les vêtements masculins.

Je peux imaginer trois modèles pour expliquer la différence : la femme kanuri (etc.) est plus"conservatrice" que l'homme kanuri. il est plus importantpour lafemme de marquer son statut matrimonial et sexuel. comme lesfemmes kanuri sont données enmariage aux hommes kanuriet qu'ellesdoivent rester dans l'Empire du Borno etdans la sociétékanuri, leur "marquage" ethnique s'impose.

Parmices trois types d'explication, je voudraisécarter la premièrecar elle n'est pas juste. La deuxième explication est nécessaire mais non suffisante. La troisième estimportante et jela choisiscomme hypothèse, considérant processusle historique d'intégration de groupesethniques dans l'Empire du Bomo.Et ce sont les hommes du Bomo qui dominent la vie politique, militaire et diplomatique - un univers pan-ethnique, musulman et cosmopolite. Lesreprdsentations ethniques, comme parexemple les calebassesdécorées et les coiffures f6minines, dans le bassin du lac Tchad,ne sont pasuniquement de la"culture matérielle". Elles reproduisentdes relations, des rapports entre des individus et des groupes.Ces symbolisations sont des Cléments dans la viesocio- economique,politique et hiérarchique de 1'Etat du Borno - conune partout ailleursdans le monde oh desgroupes ethniques cohabitent dansune mhe socitté polyethnique. 119

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LA CERAMIQUE TRADITIONNELLE GIZIGA Er MOFU (NORD-CAMEROUN) : ETUDE COMPAREE DES TECHNIQUES, DES FORMES ET DU VOCABULAIRE

Daniel BARRETEAU et Michide 1)ELNEUF ORSTOM - MESIRES

L'étudeporte, d'une part,sur les groupes giziga : Giziga-Nord de Maroua,Kaliao et Tchéré,Giziga-Sud de Lulu (ou Sgw 9 selon l'appellationlocale) et deMuturua, sur les Mundang de larégion de Mijivindont la langue est également le giziga et, d'autre part, sur deuxgroupes mofu distincts : Mofu-Sud de Mokong, Gudur et Zidhn, et Mofu deDuvangar. Les "Tchéré" se classentdans les "Mofu'' bien qu'ilsparlent le giziga-nord.

L'ensembledes groupes ethniques du Nord-Cameroun a été l'objetde migrations aux cheminements complexes, ii desépoques malsituées dans letemps, mais pour laplupart antérieures au XVIIe siècle.

En ce qui concerne les Gizigu de Mutumu, lepremier processus de migrations a sonorigine au Bagirmi et s'arrête aux premières hauteursdes Mandara h Gudur. Cesite a été le point de départd'un secondprocessus migratoire, vers le sud-est cette fois, mené par Bildinguer, hCros mythique.Différents itinéraires ont été suivis (PONTIE1973). Il sembleque latrajectoire des migrants va de Gudur h Muturua en s'arrêtant un certaintemps au sud desmassifs- îlesintermkdiaires (Pilim, Baroua surtoutet Lulu). Querelles internes ? Défiaux autorités locales ? Surpopulationetses conséquencesdans ces régions montagneuses où laterre est rare ? Les causes de cetteseconde migration sont aussi confuses que celles dela première, 122

4 l%iO -Po i

Carte 1 - LOCALISATION DES GROUPES ETHNIQUES 123

Pourleur part, les Giziga Lulu assurentque leur ancêtre fondateurprovient dusommet delamontagne, auvillage de Marbay.Les pouvoirs se sontensuite dispersés : le chefest resté sur cettemontagne tandis que les deux chefs deterre (masay) descendirentfonder les quartiers de Zamala et Jikaka. C'est à ce momentque serait passé Bildinguer en provenance de Gudur.Puis lesmigrants de diverses origines (Muzgoy ou Mofu forgerons,Giziga deMuturua, Mafa de Mokolo, Derdew Mundang de la région de Kaélé) sesont installésplus ou moins longuement (PONTIE 1973).

Du fait de la conquête peule, les Giziga-Nord ou Bi Murva ("Chef de Maroua")ont perdu une grande partie de leurs traditions orales. Issus du mêmecourant migratoire faisant éclater ces micro-groupes fuyantle Bagirmi vers les Mandara, ilsemble qu'ils se seraient mêlésaux groupes mbazln("baldamu") etzumaya et, B l'extrême ouestde leur parcours, aux Mofu (PONTIE 1973).Il est fortprobable que la longuecohabitation des Giziga Bi Marva etdes Mofu-Nord, au nordde Maroua, eut une influencesur leur identité respective. Enfin,ilsemblerait y avoir eu unecertaine contemporanéité entre l'installationdes groupes giziga-sud dans la région de Muturua et giziga-norddans celle deMaroua. Peu avantdjihadle et la dominationpeule, il se produisit un éclatementde la chefferie Bi Marvaet celle-ci se retrancha à Kaliao, B quelqueskilomètres au nord-ouestde Maroua.

Desmigrants n.zundung venus de LérC (berceau des Mundang au Tchad)se sont installés dans la région de Mijivin et y ont créé les villagesde Mumur, Bololo, Mahay etJagara. Des rivalités éclatèrent entreMundang etGiziga Muturua, dont la zoned'influence n'est distanteque d'une petitequinzaine de kilomètres. Apr&s plusieurs guerres, la bataillede Bajava mit fin aux dissensions au profitdes Giziga.Des relations pacifiques et matrimonialesse développèrent, cequi eutpour conséquence l'abandon de In languemundang parce groupeet l'adoption du giziga,sous l'influence des épouses giziga venues en mariage à Mijivin (PONTIE 1973).

Concernantl'histoire tr&s complexe des groupes nzofu-nord (ou nzofu-Dianzarr'),quelques clans autochtones ont étérejoints par des immigrantsprovenant essentiellement des massifs-îles voisins. La "micro-histoiredesmassifs mofu est close sur elle-même. L'impressiongénérale estcelle de'migrations d'échange' entre massifsvoisins, portant ou nonaujourd'hui lamême étiquette ethnique".(VINCENT 198 1 : 286) 124

De mGme, le peuplementdes Mofu-Sud (ouMofu-Gudur) "s'est constitue 5 partird'un vieux fonds autochtone, sans souvenirde migrations,principalement B Damer4 (Dimés) où lespremiers migrants,venus de l'ouest (de Mozogo ou deKapsiki) et du sud (Eulu)remontent B 22 g6nCrations9 datantces premi6res migrations au XIVe ou XVe siGele. Parsuite,la denombreux groupes, porteurs d'é14ments de civilisations,sont venus de la plaine,par le nordou l'est (du 'Wandala', de 'Suwa '...), par vagues successives,entre les XVIe et XVIIe sibcles. Un deces groupes, Gudal ou Biya de son nom de louange, a fondé la puissantechefferie de Gudal, point de départde nombreusesautres migrations, lesressortissants se rattachant toujours à cetteconfCdération, actuellement endkcadence ..." (BARWIETEAU 1988 : 5)

Lafabrication l'usageet poteriesde dans les sociétCs traditionnellesdu nord du Camerounsont encore de nos jours suffisammentimportants gour que cette activitC ait un avenir durable. Si les matCriauxmodernes fontconcurrence, ilest des préparations culinaires ou desusages domestiques qu'on ne leur confierapas : parexemple, on n'acceptera pas de préparer de la bière de mil dansl'aluminium ou de l'émail, même joliment d6corC.

Lafabrication de la poterie est une activitC desaison sèche pratiquée, dans lecontexte qui nous occupe,en atelier individuel ou ne regroupantque des potières d'une même famille (co-+ouses, mères,filles, belles-filles). C'est un art difficile,contraignant. Les produitssont soumis aux aléas des saisons : il estimpossible de le pratiquerensaison des pluies enraison delacuisson. Ces contraintessont souvent difficiles h comprendrepar les jeunes générations.

Le cadresocial dans lequel travaillent les potières giziga et Inofu n'est pasindifférent h la survie de la pratique. 125

Le tableau 1 montrenettement ladistinction entre potières appartenant à desclans forgerons ou non. Lapratique de Ia forge par le mari ou lesparents masculins de la potière n'implique pas, danscertains groupesl'appartenance à un clanforgeron. Telest le cas pourles Gizigade Muturua, les Mundang, les Giziga-Nord et les Mofu-Nord.Cette absence de contrainte signifie que les potières ne semarient pas nécessairement avec des forgerons bien qu'elles participenttoutefois à desactivités particulières en fabriquant des poteriesrituelles, en fonction de leur Bge ou deleur compétence dans la profession.

Etrede clan forgeronimplique une endogamie stricte. N'est pas potièrequi veut à Lulu ou à Mokong. Un forgeronne peut épouser qu'unepotière (ou bien ellele deviendrapar le mariage). Lerôle du forgerondans les pratiques rituelles est renforcé du faitque les poteriessont spécialenlentfabriquées (vase pour les jumeaux, vase tripodefunéraire, bols spéciaux pour la bière de sacrifice ...) parson épousepotière. La potière participe ainsi entièrement etde trks près à la vie rituelle de lasociété.

Associerces deux arts dufeu dans un statutsocial contraignant n'estcertainement pas indifférent à l'anciennetéet au maintiende leurpratique.

Deuxgroupes se dégagent ainsi, : les Giziga Lulu etles Mofu-Sud d'une part, où l'on distingueles clans forgerons ; lesMofu-Nord, les GizigaBi Marva, les Mundang etles Giziga Muturua, d'autre part, indifférents à cestatut. Ce regroupement sociologique se reflète-t-il dansles techniques, les formeset le vocabulaire de la poterie ? La suitedecette étude montrera que laréponse n'est pas aussi catégorique.

NON-FORGERON ; Giziga Bi Marva Mofu-Nord : Tcheré, Duvangar Mundangde Mijivin Giziga-Sud : Muturua

FORGERON ; Giziga-Sud : Lulu Mofu-Sud : Mokong, Zidim,Gudur

Tableau 1 Répartitionethnique du statut du forgeron Sile statut socialpeut conditionner l'évolution de la profession, le cheminement de la transmission technique parl'apprentissage en est aussi un facteurimportant. Dans la trhs grande majorrit6 des groupes envisages, c'est la mbre qui enseigne la poterie sa ou ses fille(s). La CO-Cpousede la potisre ou la mèrede son mari intervient plus rarement dans ce r6le d'enseignant. De ce fait, il est important de consid6rerdans quelle langue cet enseignement est fair. La langueest un facteurstructurant dans la diffusion des procCdCs. Le meilleur exemple en est Mjivin où le gHiga a supplantC le mundang sousl'influence des femmes giziga de Muturua venues en mariage et Cduquant leursenfants dans leur langue. La qualit6technique despoteries faites par les femmes de Mijivin s'estlargement diffusCe au-del5 du pays mundang, grlce 5 lalangue giziga. Le croisement des cultures matCrielles et des langues est ici manifeste.

appel des prscédbs techniques

En matikre detechnologie appliquCe B 1"tude descultures matGrielles, il convient de respecterle principe descriptif de la chaîneopératoire quiva de 1'Cconomie de la matibre premibre au produit fini. Cette chaîne opératoire se décompose, pourle poterie, en quatre Cpisodes principaux : - Cconomia desmatières premières, - techniques de montage des vases, - traitements definition, - cuisson da la production.

(a) Economie des mati2res prenzidres

Elles comprennentl'argile, le ou lesdégraissant(s) et le materiaud'engobe.

L'argile de montage, recueillie en carrikre, enfond de mare ou en termitière,est la matière principale. Le choix du ou des type(s) d'argiledont les qualitCs sontappréciées empiriquement par la potisre, va rendrel'emploi dedégraissant indispensable ou aléatoire. 127

Destinés à réduirela plasticité de l'argile, les dégraissants de diverses natures(minérale ou organique) y sontajoutés au moment dumalaxage de l'argile qui va devenir pâte. Il faut les distinguer des"anti-adhésifs" ajoutés pendant lemontage pour que la pré- formene collepas aux doigts. Tel est souvent le rôlede la chamotte. Ces"anti-adhésifs" constituent toutefois des dégraissants à titre secondaire.Enfin, il estsouvent difficile de faire la différence entre dégraissantvolontaire, apporté, etdégraissant involontaire déjà contenu,sous laforme de matières minCrales diverses,dans les argilesbrutes.

Dansl'engobage interviennent aussi des matières premières. L'actionconsiste B appliquersur les parois sèches mais non cuites unmatériau argileux ou non,mais de couleur strictement différente de l'argile de la base (BALFET et al. 1984). Diluédans l'eau, parfois additionné d'uncorps gras, l'engobe a une fonctionesthétique tout autantque technique dans la mesure où ilétanche plus ou moins les partiesde vase où il est appliqué.

(b) Techniques de montage

Danslecadre ethnique envisagC, onobserve trois techniques différentes de montage du corps.Le montage du col oudu bord est commun ri l'ensembledes groupes : ilconsiste en l'empilement de colombins.

Le montage au moule estleplus simple etle plus -long I'i réaliser. Il s'agitde plaquer une galette de pâteépaisse sur un fond devase terminé d'étaleret la piite survase-calibrece en l'amincissantrégulièrement jusqu'h mi-hauteur du corps.On termineensuite corpsle aux colombinsquiallongece considérablementle travail.

Le ruontage pur. nmrtelage uu tampon semblele plus difficile maisc'est plusle rapide A réaliser.Une galette pâtede préalablementchamottée, posée dans le creux d'une bille de- bois lisse,est martelée h l'aided'un tampon d'argiled'une main, tandis quel'autre main retient la paroi externe de la pré-forme.Celle-ci prendprogressivement un profilconvexe s'affirmeet très régulièrement.Il faut 20 minutes pour terminer ainsi le corps d'un vasemoyen, telles les jarres h eau. 128

Le nzo9ltage nu coEonlbi9z, puis au n1o111e, ellfin ma colombins consistetout d'abord h enrouler un colombin court dans lecreux de la main. Puis onle plaque surle fond d'unvase-calibre et on &tale les paroissur quelques centimhtres de hauteur. On dCmoule et on teminele corps du vase aux colombins.C'est un procCdC long et qui nedonne pastoujours desprofils P-Cguliers.

Le lissagetout comme l'engobe font partie des traitements de finition. Le lissageintervient tout au long du montagepour affiner lesparois, renforcer les jonctions entre les parties du vase. II utilise touteune serie d'instruments appropriCs audegré definesse voulu : du tesson decalebasse au croissantd'argile cuite, en passant par l'épi de mai'sdCcsrtiquC et la feuille de Ficus.

Il enest de même del'engobe appliciuC leplus souvent r?. la ' main ou avec un galet et parfois rehausséde polissage apr& séchagedes parois. LA aussiles outils utilisCs sont dc durctb et de finesseprogressives.

(d) Cuisson

La cuisson de l'ensemble de ces productions ne se fait jamais en fourfermé (proc6dC rCservC r't l'Afrique du Nord) mais dansune airedecuisson non-construite, plane ou Eg&rementconcave, amCnag6e directement dans le solsableux. Elle estcorrectement venti16e pourcontrôler les Ccarts detemp6rature. Le combustible estde nature organique : bousesanimales, paille de mil, brindilles etbois sec. La tempCrature de cuisson ne d6passe pas 500/600". Du fait du contact direct avec le combustible, la cuisson est detendance reductrice.

Dansle tableau 2, nous avons sélectionnt5 parmi les &pisodes de la chaineopératoire ceux qui 6taientpertinents pour permettrela comparaison : techniquesdemontage, instruments et matihres premibres. Le procédéde cuisson et le montagedes cols et des bordsétant communs il l'ensembledes groupes de potières étudiCs, ils n'ont pas Ct6 retenus. 129

Globalement,les trois techniques de montage enregistrées et leursinstruments permettent de rapprocher : - Mofu-Sud et Giziga Lulu - GizigaMuturua et Mundang de Mijivin - Mofu-Nord de Duvangar et Giziga Bi Marva.

Lemême procédé de montage par martelage au tamponse retrouvetant chez les potièresGiziga Lulu quechez certaines Giziga Muturua,mais le restede leur technologie diffère.

De même lesmatières premières et le procédéde montagesont identiqueschez les Mofu-Nord de Duvangar et les Gizigade Tchéré ; commeentre Giziga Muturua et Mundang de Mijivin.Enfin Giziga Lulu et Mofu-Sud, de Mokong à Zidim,présentent une techniquede montageidentique mais n'emploient pas les mêmesmatériaux. Il n'y a pasde dégraissant chez les Mofu-Sud du fait du mélangede deuxargiles complémentaires.

GROUPE GIZIGA MOFU MUNDANG GEIGA GnGA MOFU ETHNIQUE NORD NORD MIJIVIN MUTURUALULU SUD

TECHNIQUE DE MONTAGE col.+moule+col. + + moule+col. + + tampon + +

MATIERE PREMIERE nombre d'argile 2 2 1 1 1 2 degraissant + + + engobe : - ocre + - argile + + - argile ou ocre + + +

INSTRUMENT DE FAURICATION tampon + + support de montage: - cuvelte d'argile fabriquee + + - cuvette d'argilerécup6rée + f- - bille de bois + + lissoir principal : - tesson de calebasse + + + - croissant d'argile + + + polissoir : - galet + + + + + - graines de baobab + + + +

Tableau 2 : Répartition de la technologie de chaquegroupe 130

Q

.. ko'ku"l6m GIZIGA-SUD k6kdLdm E!UiVDANG

mbtkkéck GIZIGA-SUD

kW1 khlh MOFU-SUD

kbkdldm GIZIGA-iVOHD

FIGURE 1. VASES POUR LE TWJSPORT DE L'EAU OU DE LA BIERE 131

Comme on leverra égalementdans la comparaison linguistique, les rapprochementstechnologiques sont corroborés dans une certainemesure parles termes quidésignent lesmatières premières ou lesinstruments.

Sur la based'une liste type pour chaque domaine mettant en œuvredes instruments ou desmatériaux jouant un rôleidentique dans la fabrication(tableau 3), lacomparaison de groupe il groupe depotières fait ressortir les associations suivantes : - Mofu-SudetGiziga Lulu : prochespar les instruments etles procédéstechniques, plus que par les matériaux ; - Giziga-MuturuaetMundang deMijivin : identiquesentous points ; - GizigaMuturua et Giziga Lulu : prochesdans la technique de montage au tamponet desinstruments qui en découlent,mais paspar les matériaux ; - potièresmundang de Mijivin et . certainespotières giziga de Muturua : lestechniques montagede diffèrent mais les intrumentset les matériaux de base sont identiques ; - on constateraqu'il y a peu determes communs entre les potières mofude Duvangar et gizigade Tchéré, bien qu'elles utilisent une techniquede montage identique.

Laspécificité des termes désignant les matières premières entregroupes techniquement semblables peut s'expliquer par le fait quechaque atelier possède, en fonction des ressources naturelles offertespar leur environnement, sa panopliepropre de matériaux adéquats.C'est ainsi que, en dehors de produitstrès spécifiques, commeles matières d'engobe, tous les matériaux de fabricationsont recherchésdans les environs immédiats des ateliers. Les disparités techniquesrencontrkes ri l'intérieur du groupede potières Giziga Muturuas'expliquent peut-être par des réactions différentes face B l'influencedes Mijivin en matièretechnique, comme lelaisse entendretraditionla orale. Si,entre cesdeux groupes, les techniquessont ri lafois semblableset différentes, nous verrons que lesrapprochements sont plus nets en matièrede formes de vases.

Parallèlement,l'écart terminologique entre Mofu-Nord et Giziga-Nordquant ri la technologiesemble témoigner en faveur d'uneinfluence des premiers sur les seconds, ainsi que lesuggèrent quelquesenquêtes effectuées chez les Mofu-Nord. A ladifférence desgroupes parlantgiziga, les langues sont restées autonomes dans chacundes deux centres de production. 132

argilc(s) digraissant

Ivfofu-Nord GizigaiNord Mundang Mijivin z6y zùggù "crottin d'bc" Giziga Muturua Zay zuIJgu Giziga Lulu aày zùqgù/miy2w "sable" Mofu-Sud

Mo€u-Nord Giziga-Nord h61 iyo'm Mundang Mijivin h6 I iy6m Giziga Mutuma h61 iy6m Giziga Lulu h6 1 iy6m Mofu-Sud màggàyàm

engobe : argile ocre

Mofu-Nord mbàsàk Giziga-Nord mbasak Mundang Mijivin 66réru Giziga Muturua 65Sbm Giziga Lulu Mofu-Sud

tampon support

Mofu-Nord gàdz2 1àh Giziga-Nord gidallà/pàlày Mundang Mijivin g6 d y '*Lcsson" Giziga Muturua matùtùq f ri ch "ccndrc" Giziga Eulu matùtùrJ dil6àk Mol'u-Sud màa 1 Im t àkwEd

lissoir galet

Mofu-Nord sagala (7) dàrkèkés 1 Giziga-Nord gà 'ày kékBrzlèg Mundang Mijivin kfirkwas là kékirz 1 èg Giziga Mutuma krirkwfis 12 kèki rz 189 Giziga Lulu miindiihiirùm kèk6rzlè Mhu-Sud rnCnd5hwràm tétèkwéd 133

collier de grainescolliercordelette de d dicor

Mofu-Nord mèmë r Giziga-Nord mbèr-mbèr Mundang Mijivin zàqg% qgi mïiliigwày v5rslé GizigaMuturua ziqg% gg% miilïigwày qgwèdèk Giziga Lulu matakacaway méf6réslè Mofu-Sud màtCk5càwZy mIvàrs 1%

airede clcisson

Mofu-Nord burzom Giziga-Nord bùr6m Mundang Mijivin 1 i qgu wurjmfihiirkii Giziga Muturua li qgii wùr/hùrhk Giziga Lulu li qg5 wùràk Mofu-Sud wùrCk

4. l'ORMES E'I' FONCTIONS

Lesprocédés techniques sont destinés à donneraux formes fabriquéesune relative solidité uneet certaine efficacité dans l'usage qui en sera fait.

4.1.Classification morphologique

Lesformes des vases comportent plusieurs parties qui sont appréhendéesdifféremment lors des étapes defabrication, du montageaux traitements de finition : - le fond et le corps - le bord et éventuellementle col - les attributsfonctionnels : pieds, anses.. .

C'estpourquoi nous avons choisi declasser lesformes fabriquées,dans l'ensemble de I'échantillon étudié, en fonctionde .la présence ou de l'absencede ces parties etde cesattributs.

4.2. Relationsforlneslfonctions

Lesformes, comportant l'adjonction Cventuelle d'attributs spécifiques,répondent à desfonctions : transport,préparation de la nourritureetcuisson, stockage, service dela nourriture, usages rituels.Nous n'insisterons pas sur ce dernier point, les données 134

rnagayak m8sa"rgh MUFYDANG ET GIZIGA-SUD

gàndàf

kwgkùta'r

MOFU-SUD ii%kakka'h

GIZIGA-NORD

FIGURE 2. VI-ES POUR LA CUISINE ET LE SERVICE DES REPAS 135 n'étant pascomplètes pour l'ensemble des centres étudiés. Signalons cependantque nombre devases aujourd'hui considérés comme rituelssont en fait d'anciennes formes usuelles. Tel est le cas de toutes les poteriestripodes des groupes méridionaux denotre échantillon.

Pour le transportdes liquides, eau ou bière de mil, on se trouve toujoursen présence de vases à colétroit et hautavec anses(s) : k6kfilfim,nj3kwèl, digZdim,mèlékEcE (fig. 1). Pour lapréparation et lacuisson de la nourriture, on emploie desformes moyennes à col haut et large sans anse: màgàyàk,m~s'argàd, tiqgilég,kwiikùlir, mé j é j E 9 (fig. 2). Les vases de stockage affichent le plus souvent de grandesdimensions qu'ils soient ou non pourvusde col. Ce sontdes vasesfixes, enterrés le plus souvent dans le soldes cases pour conserver toute sa fraîcheur au contenu : mà IJ g à y à k, g 5 z 1 à, d 'a g è r (fig. 3). Ou bience sont des vasesdestinés ii préparerde grandes quantités,de bière de milnotamment (fig. 3). Enfin, lesvases de servicesont leplus souvent sans colet sans anse, se résumant à des bols de différents formats : g à n d à f , k à k 3 s 5 h, k 3 s 1 (fig. 2).

A cesdonnées morphologico-fonctionnelles, nous pourrions ajouterdes précisions techniques qui contribuent B l'usagedes poteries. Lesvases de transportdes liquides et les vases de service sonttrès fréquemment polis et engobés intégralement et, à Mijivin notamment,très finement décorés (fig. 2). Ce sont des vasesque l'on voit,que l'on sortde la concession familiale ou que l'on présenteaux étrangers etqui doivent être le pluspossible étanches. En revanche, lesvases destinés à lacuisine nesont pas polis,quelquefois simplementengobés et peu décorés. Lesparois de leur corps sont moinssoignées du faitde leur contact quasi permanent avec le feu. Il arrivemême, comme à Lulu,que l'on double l'épaisseur du corps d'une pelliculed'argile non lisséepour en renforcer la résistance. Cettepratique est d'autant plus indispensable pour les grandes jarres de cuisson ou de fermentationde la bière de mil (fig. 3).

Cesdonnées morphologiques fondamentales énoncées, l'examen desformes générales, des attributs fonctionnels etdecertains décors ou traitementsde finition permet de rapprocher : - Giziga-Sud (Muturuaet Lulu) et Mundang de Mijivin ; - Mofu-Nord de Duvangar et Giziga-Nord ; - Mofu-Sud (Mokong, Zidim).

137

Ilest importantde noter queles particularités les plus nettes s'observentdans les vases de transportde l'eau ou depréparation de la bière. En revanche, les vasesdestinés à lacuisine suivent un profil,des proportions quasimentet des décors communs à l'ensembledes groupes. Cela est-il dû à deshabitudes alimentaires voisines et inchangéesdepuis desgénérations ? Uneétude systématique etdiachronique devrait pennettrede répondre à cette question.Les vases de service sont également très comparables maislà, les décorsjouent un rôlediscriminant (voir parexemple les bolsmundang de Mijivin, fig. 2).

5. COMPARAISON LINGUIS'I'IQUE

Il n'estpeut-être pas inutile de rappeler brièvement quelle est lasituation linguistique dans cetterégion (voir carte 2).

La comparaisonporte sur cinq langues (le mbazla ou "baldamu" étantsecondaire dans cette étude) : le mofu-nord (M-N) parlé à Duvangar, Durum, Wazang ; lemofu-sud (M-S) ou "mofu-gudur"parlé 8 Mokong,Gudur, Dirnéo, Zidim ; le giziga-nord (G-N) ou "mi-marva" parlé il l'ouest deMaroua ; le giziga-sud (G-S) parlé à Lulu,Muturua, Mijivin ; lembazla parlé par quelques personnes B Girvidig (où notre enquêteest restée très superficielle).

Chacunede ces langues présente des variantes dialectales. Nous avonsenquêté dans les localités suivantes : - mofu-nord : Duvangar (Duv.) - mofu-sud : Mokong (Mok.) - giziga-nord : Tchéré (Tch.) et Kaliao (Kal.) - giziga-sud : Lulu (Lul.), Muturua (Mut.), Mijivin (Mij.) - mbazla (Mba.) : Girvidig.

On noteraque les Tchéré, qui parlaient probablement autrefois un dialecteproche du du gw O r , ontcomplktement adopté legiziga- nord. De même,les Mundang ont adopté le giziga-sud A Mijivin. Malheureusement,nous n'avons pas eu l'occasionde poursuivre les enquêteschez les deux populations voisines (Dugwor etMundang) afin de détecterles cas de rétention.

139

Selondes calculs lexicostatistiques etglottochronologiques, basés surle vocabulairefondamental, ces cinq langues constituent, à l'intérieur du groupemafa, un sous-groupe de languestrès proches : entre 94 et 72% deressemblance, soit une estimationd'écart chronologiquedans la séparationdes langues situé entre 160 et 1000ans (voir tableaux 4 et 5).

l G-S

Tableau 4 : Matrice de similarité du vocabulairefondanzental (en %)

de racines communes annéescommunesracines % de BP

70 r 1100

75 890

80 690

85 500

90 3 20

95 160

1 O0 i O

Tableau 5 : Arbreclassificatoire selon la nzéthode de ladistance moyenne 140

La comparaison du vocabulaire de lapoterie, comme de tout vocabulairetechnique ou spécialisé,seheurte B de nombreuses difficultés. L'un desproblèmes est que l'inventaire des termes il comparer ne peutêtre limité B une liste femée de "termes de base". En conséquence,En selondegré le de conservationou de dt%e%oppement d'unetechnique et/ou d'unelangue, le stock lexical serad'importance variable. Ainsi, dans cette Ctude surle vocabulairede la poterie,nous avons effectuC des calculs sur des donnéesvariables selon les langues : Mokong (31termes simples), Lulu (26), Muturua (26)s Mijivin(19), Kalino (20), TchCré (24), Duvangar (23), Mbazla (8).

En règlegénkrale, on remarqueraque l& où lestatut des potièresestclairement défini, dans zonela sud, l'art et le vocabulairedela poterie ont uneplus grande importance. Les donnhes recueillieschez les Mbazla sonttrès fragmentaires, cette langue 6tmt en voiede complète disparition.

Les elifferences linguistiquespeuvent être dedeux sortes : formelles(phonétiques, morphologiques) ou sémantiques(le même termed6signant des rCalit6s diffkentes).

Par exemple, on relbve deuxracines différentes pour la même "cordelette B décor" : *me-mb e r dans le nord, *ma-va r s 1 a dans le sud.

Un exemplede glissement sémantique peut être donné avec Duv. d z è g 3 1 B IJ "jarre trouCe, renversee, employée corne poulailler" et Mok. j 5 g B 1 à "cloche en vannerie employée comme poulailler".

De tellesdiff6rences par changements de racines, spCcifications de sens, glissementssCmantiques, sont trks fr6quenteset demanderaientdes commentaires particuliers sur chaque item.

A defautd'étude comparative approfondie, il estdifficile d'Ctablir desrapprochements certains. Ainsi, par exemple, des rapprochements comme "digidi (m) pour digidim, d'agsr, d6g6y6m, d 6 d 'a g , doivent être considérés comme hypothétiques.

On peutdégager plusieurs hypothsses historiques h partirdes ressemblanceset diffkrences observées (voir tableaux 6 et 7). 14 1

1. 11 sepeut que l'objet (ou la technique)désigné(e) par un terme de mêmeracine existait dans un stadetrès ancien - stade du proto-mofu-giziga(qui pourrait remonter ri huit ou dix siècles) -, B condition qu'il n'aitpas fait l'objet d'un emprunt plus rkcent.

L'objet et le mot ont été conservCs dans toutes leslangues. Tel sembleêtre le cas pour un ensemble déjjh assezcomplet de notions relatives ri la poterie : *g a -g a 'a y "tesson de poterie" *g a n d a f "bol pour la sauce" *:g u j u vu r "filtre pour le sel de cendre" *ka - k a s a "grand bol utilisk pour contenir un liquide" *'k O -k u 1 om "jarre pour transporter de l'eau ou de la bikre" *ma - ( q ) g a y a k "mxnlite" * 6 c r cm "ocre" *ha h a y "argile".

Ou bien l'objet et le mot ont CtC conservksdans certains points répartissur toute la zone mais non pas partout.Voir dans la liste comparative ci-aprks : *d i g i cf i ( m ) , *m a - s a r d a k , *m c: - j c j c q *'mo-dodokw, <'ba-mbasa.(k).

2. On observedes particularitks dans le sud (mofu-sud,giziga- sud) : "ma-tntam, 'hvurak, "ma-varsla, qui se distingue du nord (mofu-nord et giziga-nord) : "gàdzàià(h), *zukut, "burom, "diqgi lcy, *hG-z'amLy, *mc-mbcr ; puis des particularitCs dans Ics sous-groupes Mok./Lul.: g2dùrS(k),g6lCv?r, Lip~dam,ma-jabaIJ(W),ma-ndahwram, ma-takacaway ; Mut./Mij. : bùrkbdakw, 1 iwis, gargak : Duv. : dzSg8dSkw, dz3y316g, hGd-gwZrn, t5r5-waiw, hiiz,:kw, ziiw ; Kai./Tcil. : 1 iggi ICI], ywàdziy.

3. Lesinnovations lexicales, liées ou non r'i desinnovations techniques,peuvent se manifester par : - desemprunts, très difficiles li détecter6tant donnk queles languessont extrêmement proches ; - desdérivés : Mol;. g ù z 1 àm estprobablement dérivé de g 'a z 1 5, *m O -d O d O k w vient probablement d'une racine *d -k w signifiant "être au bout"(on trouve guiire de récipients h farineencastrés dans la tablemeulière actuellement) ; - desanalogies : Duv. h Gdg wEm "poteriefaîtière" vient proba- blement du nom d'un"gros pigeon". 142

Les cornpos6s ne comp~rtant aucun $Idment spécifique au domaine dela poterie ne seront pas considérésdans la comparaison.

4. Lestermes désignant des matCriaux ou ustensiles utilisCs non exclusivementpour la poterie ne seront pas considCrCs non plus dans la comparaison : "tesson de calebasse", "galet'',"cendre", "épi de maiss", "peau", etc.

5. Demanikre générale, les termesdésignant des poteries sacrificiellesont éte écartés.

Lesconclusions s'imposent lorsque l'on compareles arbres classificatoires,totalement différents, du vocabulairefondamental (tableaux 4 et 5) et du vocabulaire de la poterie (tableaux 8 et 9).

MOIL LUL. MUT. MIJ. KAL. 'rcx DUV. MA

"digidi (m) + + + + dzZgèdbkw + daEg3 1 ég + 'Kgiidùré (k) + + *giidzàlii(h) + + *gaga' ay + ++ + + +? "gandaf f- ++ ++ + f *gelever + + *gargar ++ + *gaz 1 a + ++ +++ f gidi1 ég + *gujuvur + ++ ++ + gua 1 am + *homo + + hWgwZm + hùziikw + kwà j Bkwàm + *ka-ka s a + ++ ++ + 'ko-ku 1 OUI + ++ ++ + + kwB-kù 1 Br + *ma-1 a 1 aw ++ + + *ma-(g)gayak + ++ + f + *ma-s a rdak ++ ++ + 143

MOK. Lm. MUT. MIJ. KAL. TCH. DW. MBA *me-jejeg + + + + + me-tekece ++ *mo-dodokw ++ +++ m5-ftdtdr + njàkwbl + s dgdm + * t àpddàm + + + t 5 r 8-wdw + tiggiler) + + wa 15y + z àw (+> + *zukut + + + *zlàlàw + +

Matdriaux et MOK. Lm. MUT. MIJ. KAL. TCH. DW. MBA instruments

*burom + + + *ba-mbasa(k) + + + + *bhrkddbkw + + *6erem (+> (+> + + (+> (+) + *diqgiley + + dubokw ++ gwàdzày ++ *hahay + ++ ++ + + *hd 1 iydm ++ + *hii-zCimdy + + 1 iwi s + + *ma-jabag(w) + + *ma-ndahwram + + *ma-ggayam + ma-s amda + *ma-takacaway + + *mà- t à t àm + ++ *ma-varsla + + + *me-mb e r 4- + + *ndele6 (+> + + *ggwècfèk + *pal'ay (+> + t àkwécf + *wurak + ++ + zàbijka + Mok./Lul. Mut./Mij. Duv. Kal./Tch. g2dùrE (k) bilrk8dhkw tiqgileq ge 1 cver liwis gwàdz2y t ipddàm gargar ma-jabaq(w) ma-ndahwram ma-t akacaway

M-S/G-S M-N/@-N

mà-thtàm gàdaàlà(h) wurak zuku t ko-ku I om burorn ma-varsla diqgilcy hii-z5mdy mc-mbe P

I

FEPARTITIBN GENEWE IPEPARTITION DU?EGULTERJE ga-ga ’ ay digidi (m) gandaf ma-sardak gazla jeq me-jc gujuvur mo-dodokW ka-ka s a ba-mbasa(k) ko-ku 1 om ma-(”J9”Yam berem hahay 145

Tableau 8 : Matrice de similarite' : Poterie (chiffresabsolus)

I- 15

I 17

Mok. Lul. Mut. Mij. KA. Tch. Duv.

Tableau 9 : Arbreclassificatoire selon la rnCtlzode de la distance nzoyemte

Il y dansa le domaine de la poterie, etprobablement dans beaucoupd'autres, une division majeure entre lenord (mofu-nord, giziga-nord)et le sud (mofu-sud, giziga-sud), le Mayo Tsanaga, la présencede Pu 1 6 c intercalésentre les deux groupes, la constitution dechefferies et de zones d'influence différentes, ont pu créerune certainebarrière culturelle. 146

Descontacts évidents se sont ttablisentre le mofu-sud etle giziga-sud(particulièrement avec Eulu), si bienque ces deux languessont très proches dans certainsdomaines.

Levocabulaire deMijivin est quasi identique ;i celuide Muturua.Duvangar s'est diversifie par rapport aux autres groupes, gardanttoutefois certains rapports avec Tch6rt.

Nous avons trop peu de donnéespour interpréter la position, trks particulihe, du rnbazla où l'influence du munjuk resterait 2 démontrer.

Les donnêeslinguistiques rejoignent engrande partie les conclusionspréctdentes sur le statutdes potières, les techniques de fabrication,les formes et fonctions, tout en apportantdes prbcisions (voir tableau 10).

En schbmatisant, on peutdégager deux grands ensembles : NOR@, etSUD, puis dans le SUD, un sous-groupeoccidental et un sous-groupeoriental :

NORI3 : Mofu-Nord,Giziga-Nord SUD: Mofu-Sud, LUIU Muturua,Mijivin

Ainsi,trois "pôles culturels" sedégagent que l'on pourrait dCsigner comme "Mofu" (Nom), "Gudur" (SUD-OUEST) et "Mundang" (SUD-ESI'). 147

Ceregroupement (stade récent) est très différent de ce qui ressortd'une classification linguistique basée sur le vocabulaire fondamental(stade ancien) où la différencemofu/giziga prévaut.

Cesregroupements trouvent une certaine explication si l'on ouvreun peu lechamp des obseniations.

Lesrelations technico-morphologiques entre Mofu-Nord et Giziga-Nord se retrouventdans l'ensemble du pays "mofu-Diamaré", auxalentours de Méri, et mêmeau-dela, dansune certainemesure, versMora (données orales communiquées par V. de COLOMBEL pour le groupeouldémé, et O. NYSSENS pour lesgroupes vamé-mbrémé et mora). 11 sembleraitque les Mofu situésentre Mériet Gemzek soient à l'originede l'extension des procédés vers la plaine. Les donnéeshistoriques connues à cejour témoignent en faveurde cettehypothèse (VINCENT 1981).

Parallèlement, en plaine,de récentes enquêtes sur legroupe gizigade Muturua ainsi que des fouilles archéologiques dans la même région,indiquent que la qualité et lesformes des poteries fabriquéesdans l'ensemble du paysgiziga méridional ont changé sousl'inspiration de potières originaires de Mijivin. Ceci semble s'êtreproduit après que les relations entre Giziga etMundang se soientapaisées. En effet,nous avons pu examinerdes vieilles jarres funéraireset desjarres de stockageaux profils pluslourds et aux paroispeusoignées. Lespremiers traitements mobilierdu céramiqueancien recueilli dans les environs de Muturua révèlent desformes et desqualités bien différentesdecelles observées aujourd'huidans lesvillages modernes. Ainsi, aux échanges d'épousesentre Giziga Muturua et Mundangde Mijivin s'est ajouté un transfert de technologie et de formesde poteries qui s'est étendu ri laquasi totalité du paysgiziga méridional. Au centrede ce phénomène,Mijivin a été etest encore un centre commercial de grandeimportance ence qui concerne lapoterie comme bien d'autresproduits.

Mais,disent nos informateurs, si les formes ont changé dans le paysgiziga, Lulua tenu à gardersa technique de fabrication. Le maintiend'anciennes traditions ii Lulupeut s'expliquer par des relationsd'échanges entre Mofu-Sud etGiziga S y w a, matérialisées entreautres par la commercialisation sur delongues distances des vasesfabriqués ri Lulu versZidim etau-delà, par des échanges matrimoniaux et descontacts linguistiques. Ces relations dans le 148

domainede la cCramiquevont au-del8 de ces deuxgroupes et relient bon nombrede groupes ethniques de langue tchadique dans lesmonts MandaPa.

Ainsi la m6me techniquede montage par martelageau tampon, lesinstruments montagede traitementsdeet finitionde (notammentavec le croissantd'argile ou lecollier de graines de baobab) se retrouventchez les populations kapsiki, jimi, g ude et mafaau coeur desmonts Mandara. On peut &tendre le champ geographique dece procéde jusqu'h Sokoto, au Nigeriaoriental, pour lafabrication des poteries hausa (DROST 1967).

Cedétail technico-culturel applique il une partiede la culture matCriellepermet d'établir certainun rapprochement entre différentsgroupes ethniques de languetchadique desMandara, tous situes h l'estet au sudde Gudur, tous concernés par les mEmes phCnom5nes demigrations, d'échangesmais aussi d'acculturation.

E'extention ri unezone plus large type cede d'Ctude approfondieetconcomitante de laculture matCrielle actuelle et ancienne,de la traditionorale et des langues,devrait encore apporterdes Cléments nouveauxsur les Cvolutions et la datation desdiverses cultures de cette region.

14;ILFET FI. - 1966 - "La cCramique comme document archhlogiyue". Bull. S.P.F. 53, crsm, pp. 279-310.

SALFET H., M.-F. FAUVET-BERTHEiEOT, S. MONZON - 1984 - Pour ZQ tlornzczlisnrion de la descsiption de la poterie. Paris : CNRS, 135 p.

BARRETEAU ID. - 1988 - Description du nrofu-gudur (langue de la jirnrille rckudiqne paslke au @anlerom) : 1. Phonologie 2. Lcxîque. OKSTOM/h4ESRES,Trav. et Doc. 11'206, Paris, 551 p. + 481 p.

BARRETEAU D. (aveccoll. M. DELNEUF et E. MOREAU) - 1989 - Argile. Bondy : ORSTOM, Unité Audio-Visuelle, Film-vid6o de 10 min. 149

BARRETEAU D., L. SORIN-BARRETEAU (avec COU. A. BAY0 MANA) - 1988 - "Lapoterie chez les Mofu-Gudur : Desgestes, des formeset des mots". Le milieuet les hommes : Recherches conzparatives ethistoriques dans lebassin du lacTchad, ORSTOM, Colloques etSéminaires, Paris, pp. 287-339.

DELNEUF M. - 1987 - "Histoiredupeuplement cultureset matérielles : lapoterie giziga du Diamaré (Nord Cameroun)". Langueset cultures dans le bassin du lac Tchad, Paris : ORSTOM (Colloques et Séminaires), pp. 89-103.

DROST D. - 1967 - Topfereiin Afiika : Technologie. BerlinAkademie Verlag,Veroffentlichungen des Museums f. Volkerkunde, Leipzig,tome 15.

PONTE G. - 1973 - LesGiziga du Canzeroun septentrional. Paris : ORSTOM (Mémoire n065), 255 p.

VINCENT J.-F. - 1981 - "Elémentsd'histoire des Mofu, montagnards du Nordcameroun". Contributionde la recherche ethnologique d l'histoire des civilisations du Cameroun, Paris : ColloquesInternationaux du CNRS n0551, pp. 273-295. ANNEXE : LISTE COMPARATIVE

* regroupement dc dcux ou plusieurs termes MOk. hfokong 3uposCs de menie racine GUd. &dur + tcrnme isold dans une langue K31. Kaho - separe un prdiïïe d'un radical Tch. Tchbr6 cf. rapprochement possible (mhc racine) LUI. Lulu voir (autre mine) Mut. Muturua litt. littbralement Mj. Mijivin Duv. Duvangar p voyclle nasalc (avcc cddillc) Mba. Mbaala SI latérale fricative sourde ful. fulfuldc zl Iatdrale fricative sonorc ' Crcclusive glottele

* burom "foyer pour cuisson de la bikrc" Voir Mok. girzl:im. On pourrait rapprocher al.,Tch. bùr6m "foyer ;cnscmble de potcrics dz$gàl60 dE Mok. j5g:il:i "clochc'cn vanncric rclidcs entre ellcs pour la cuisson de la bierc" employde commcpoulaillcr". Duv. borzom ? Voir *zIdmv. * g:idùrh(k) (s gndnwvri ?) Lui. g5dSrhk "bol avec pctitc anse pour fairc cuire + ceBi 866 hhpa (litt. chosc-de-farinc) Mok. la s;IUCC'' "rêcipient sph6riquc (non sccll6 dans la table hfok gilrdsdiim, I&rd:id:im, 11ùrj:ijbm "grand ix)l meulikrc) employé pour recueillir la farine" avec anses-oreillcs employé par Ics feemmcs pur Voie *mo-docIohv. conscevcr le dessus dc la bih" Voir fulf. jogurde ? * digidï(m) "grande jarre pour transporter ou Voir Mok. njàhvel. COIISCWC~un liquide" LUI. digifim "jarre avcc col ouvcrt court et deux * g:ida:il:i(h) cf. materiaus CL ustcnsilcs. anses, d6cor6c avec cordclcttc, cnnploydc pour porter dc In bikrc au marchd ou pour allcr * gn-g:~'ny,py "tcsson de potcric gi.ndralcmcnt chercher dc l'eau" employé conin~ccouvercle de marnmitc" Mok. djgiir "grandc jarre pour transporter ou Duv. conscrvcr un liquide" LUI. g3g:i':iy KA. dàg&- "jarre d cau'' Mut. gigh'iiy L LUI. dBg6y6n1,d6gGy6m n~bbnhmb:in:i (la formc Mij. gd'dy "fond de jarrc cmployb con~mccuvcttc" resscmblc ri la potcric dcs h'iundang, Ics "Mbana") Tch. g5'iiy "tcsson dc poterie cmployi: conmmc "jarre d col etroit cmployêe pour le transport de couvcrcle (sans poignbc) ou conmnmc polissoir" liquidcs" Mok. $y miy rtkEd", &Xty nlty n%&b"rond Teh. duguyam "jarre avcc colcmploy6c pour dcjarrc ou grandc cuvcttc construite activer la fcrmcntation dc la bi5rc" spticialc~ncnt,avcc unc poign6c intcrnc, empioyGc Mba. d5di~"grandc janc ,? eau ou bibre". comme fcrn~cturcdc grcnicr" hfok. & t+Xh "rdcipicnt avcc roI~dincurv6 + diyzàt5y Duv."bol pour rccucillir le scl de cmployd pour rccucillir le sel dc ccndrc" ccndrc" Voir Mba. k.i'iy "bol pour scngir la S~UCC(cn bois Voir *tiip:idh~ ?)".

-F dzPgiidZh7v Duv. "jarrc ii col fcrnmd, avec poignbc, * pnnd:lf"bol cnmploy6 pour servir la saucc et comlc fond sphEriquc, employdc comme rbcipicnt d couvercle de marmitc" hrinc" Mok., Duv., Mij. g5nddf Voir 'mo-dodokw. l'ch., Kal., Mut., LUI.p:lndX.

+ dz6gàltg Duv. "grandc jarrc B eau ou d bibrc * gelever "potcric f:iitii.rc" troudc, rcnvcrsbe, employdccomme poulaillcr ou Mok.gGli.vir comme potcric faiticrc" LUI.rtirlgir 151

Voir Duv. Itii6gw5m ”poterie faîtiBre ;gros + hwhjhkwim Mok. ”petite jarre h col ouvert pigeon”. employ6e comme récipient pour garder des objets personnels (ocre, cache-sexe, bracelet...)” * gargak ”jarre h col long ouvert avec deux anses Voir Tch. mhlhliw. employée pour puiser de l’eau” Mut. g5rgik * ka-kasa ”grand bolemployé pour tran.svaser ou Mij., LUI. gàrgik contenir temporairement des liquides” Voir *digidi(m). Mok. kàkàsjh ”grand bol employi pour faire refroidir la sauce ;pour SC laver ou pour donner 3 * gazla ”grande jarre h col ouvert employée pour la boire aux animaux” conservation de la bière ou de l’eau” Mut. kàsi ”grand bol pour servir la sauce” Mok., Mut., Kal., Teh. gaz16 LUI.kash, kikàsh gg5 biin (id.) LUI., Mij. gàzlh LUI.kiikàs.5 ggii d5rgwhrf”fermcture de grenicr Duv. gSzl5. avec poignéc” Mij. kàsh ”grand bol avec divers usages + gidilég Mba. ”marmite pour cuisson de la boule de concernant toujours des liquides” mil” &-II. kaki ”grand bol employé pour fabriquer les Voir *ma-(g)p3yak poteries ;pour donner de l’eau au Mtail ;pour fermer le grenicr ;pour pr6parcr de la bouillie” * gujuvur ”bol h fond perforé employé comme filtre Tch. kàksi ”marmite pour la sauce” pour le sel de cendre” Voir *mn-sarrfak LUI.,Mut., Mij. gùjùvùr gg5 wùg Tch., Kal. gùjùvbr * ko-kulom ”jarre avec col étroit ou évasé, avcc ou Mok. céc8wi.r sans anscs, pour transporter dcs liquides” Voir *zukut. Mok. kwhkùlhm ”jarre h col fermé pour transporter de l’eau, de la bière’’ + gùrdhdxim, bÙrd.idhm, Itùrjhjhm cf. *g.idÙrG(k) LUI.,Mut., Mij. kbkillilm ”jarre 5 col étroit et Voir Mok. njàkwèl. deux anses pour transporter cl garder de l’eau” Kal., Tch. kbkillilm ”jarre B col large, avec anses, + gùzlim Mok. ”vieille jarre B bière troude dans le pour transportcr de l’eau” fond et rcnvcrdcpour servir de poulailler” Duv. kiilim ”petite jarresans anscs, li col (d6rivé de gàzlh ”grande jarreii bibre” ?) resserré, pour transportcr CL servir de la bihrc” Voir Duv. dzègàlég. Voir Duv. zhw.

+ gw;trf”fermeture du grcnier” + hvh-kùkir (pcut-5trc dérivé de hvhkùlhm ;voir Iiir Tch. gwhdggi mhd5rgxvirf, mi dàrpvhrf, gvhfi ”sauce”) mànbg ”grande fermeture de grenier” ; Mok. ”marmite h col large, sans anse, employde Voir Duv. ték mh wù&y mEy mi &.y ”fermeture pour faire cuire des sauces” de grcnicr” Voir *mn-sarrfak Voir Mok. gby méy \vÙdèC, g;igi&y m6y wùdi.d ”grande cuvette, avcc poignée interne, employde * ma-lalaw comme fermeturc du grenier”. LUI.,Mut. miIh16rv Voir LUI., Ka!. *k?-kasa ”grand bol employé Kal. mililhw ”jarre ii coldroit pourfaire comme fermeture de grenier”. fermenter ou pour contenir de la bière” Tch. mhlhlhw ”jarre col étroit servant h contcnir + gwiflggii gàci tvBg Kal. ”r6cipicnt cmployd pour divers objets tels que fuscau de coton ou des recevoir le sel de cendre” objcts personnels pour la fcmmc” Voir *tipidGm. Voir *zl;ilhw Voir Duv. t5rà-wkv. * Ir6n16 Kal. hbmb ”grande jarre 3 col ouvert, sans anse, * ma-(g)gayak ”grande marmite 1 col Bvas6, sans pour puiser de l’eau, pour transporter de la bibrc” anse, pour cuisson de la boule ou de la bière” Mba. h6mb ”jarre pour puiser de l’eau” Mok. mhggiiyhk Voir ‘ko-kulam. LUI.,Mut., Mij. mhghyik Tch. mhghyhk ”grande marmite pour la cuisson de + Itilflpv5m Duv. ”poterie hîti6rc ; gros pigeon” la bière’’ Voir *gelever. Duv. naiig&Bk ”jarre ri col ouvcrt pour conscrvcr la bière (plus pctitc que z$w)” + llùzhkw Duv. ”foycr avec deux ou trois marmites Voir tiggileg. pour faire cuire de la bih” Voir *zlhlhw. * ma-saethk / rna-sargab”marmite A COI large, sans Mok. p31hy ”pierre crcusCe crnployCe commc anse, purprdparer des sauccs (da format plus abrcuvoir ;van, fond de grenier en vannerie”. petit que maggayak)” Duv. rnhsbdiik ”marmite pour la cuisson de la + s5gh Kal. ”jarre à eau ou à bi&e avec anses” (?) boule ou dc la sauce (deux tailles clifErentes)” Voir ‘tiggileg. Mafa s1MeP”marmite pour la boule ou la sauce” LUI., Mut., Mij. m5s5rgif”marmite pour la * tilpi&m (se rapporte A la forme incurvêe du fond) sauce” ”bol d col ouvert droit employer pour recevoir le Kal. m5s5egi&(id.) scl de cendre” Voir Molc. hvh-kh16e Lui. ti1phfitm Voir Mba. wÙ16y. Mok. g5y dp5&m Tch. GgdSgwhm, tàgbrgwirn (m&meracine ?) * me-jejq ”petit pot queIlon peut transporter en Voir Tch. znD play brousse pour faire rdchauffcr des aliments” Voir Kal. gwiSug5 gsci wbg, m6jéji.g Kal., Tch. mi.jiijc$ ”pot pour recueillir le sel Voir Duv. dly a3aiiy. liquide ;pour faire cuire une petite quantitê de sauce ;pour faire bouillir l’eau d’un bBb6 en + tdrS-wiiw Duv. ”grande marmite pour faire bouillir brousse” la biPre ou pour contenir de l’eau” Duv. m6jGjGg ”marmite tripode employCe pour Cf. mafa t6t8 iitiy abm. faire cuire de la viande pour l’homme (autrefois Voir *cligidl(rn), *ma-Ialaw. pour les jeunes marits)” Mut. m6j&j&g + tiggileg Mok. mèjèjcg ”marmite pour la cuisson d’une &(al.tiggfibo ”marmite pour la sauce, la boule” petite quantitb dc saucc”. Tch.,tiggiIèg ”marmitc pour la sauce ; cuvette-calibre rcnversBc” *m&t&kbc6 LUI. rnBté1aki ”jarre avec col Btroit et une anse + wùl&yMba. ”marmite à muce” pour transporter de l’eau” Voir *rna-saeSak Mut. mSt&kéd,mitMc&. + mg ga‘ay Tch. ”bol pour recueillir le sel de * modcsdokw (litt. ”ce qui vient au but” ?) ”pQteriC cendre” scellde au bout de la table mculibre pour recueillir Voir *dp.i&m. la farine” Mut. m6d6d62Du + riw Duv. ”jarre avec anses pour transporter de Mj. wbdbdàk Peau” LUI. m6d6d6Ea gg6 hiph (litt. rCcipicnt-de-farinc) Cf. Gud. Z~VS-~~-Z~V~,aiw (empr. reccnt ou BI., Tch. rnbdbdbk gg6 ugiipv6g (litt. rbtention, uniquement h Gudur) rkcipient-de-table A moudre) Voir ‘ko-kulom. Voir Duv. dz6g6&k Voir Mok. c& 016 hipi (litt. chose-de-farine). * zukut ”bol 1 fond perCor6 employ6 comme filtre pour le Sel de cendre” + mb-ftbeàeTch. ”petite fermeture IatBralc du Kd. znkotig (empr. dugwor ?) grenicr, canique (cc terme ddsigne peut-&treplus Duv. GtLy, ziit6y pr6cis6ment ~I’ouverturc~)” hfba. hOtOk Voie *gujuvur. + nj&wSI Mok. ”jarre B col large et deux ames pour garder Ic dessus de la bihre” * zliliw Voir *ghdiie6(k). Mut. zliliw ”foyer A trois potcries pour faire cuirc la bihre” * pdny Mok. zIhlhw& ”grande jarre à demi entcrrke pour Tch. phliiy ”grand vase chique employ6 comme cuisson de la bitre” (rare) moule pour monter les poteries, avec de la cendre Voir *ma-lalaw. dcdans ;ou comme fermeture degrenier” Mok. p5sliiy ”cuvette au bord &vasêernploybe par les femmes pour garder leur part de sauce” 153

3. MtiTEKMUX ET USTENSILES

* burom "foyer" + duGolov "bille dc bois xrvant de support pour le Kal., Tcb. bùràm "foyer ;cnscn~blc de potcrics montage" reliees entre elles pour la cuisson de la bibre" Mut. d8Gàkw Duv. bnrzom ? LUI. dùbhk Voir *zlalaw. Voir Mok. tàkwiid; Tch. piiliiy. + filcil "cendre" + bibizlh "rônier" Mut. filcil Mut. bibizli màndàri (litt. rônicr-tressé) Tch. 'iifGc6. "cordclctte 3 décor trcss6 avcc des fibres de rônier" * gidziIh(h) "cuvcttc c0niquc" Mj. bBbizlB m:kQriU (id.) Tch. gidzilh "cuvctte canique cmploy6c comme Cf. *ma-varsla. support dans le montagç d'une potcric ;fcrmcturc du grenier" + bamas cf. *ba-mbasa(k). Duv. g.iddlih "cuvcttc ca~~iquccmploydc commc tournette avcc dc la cendrc dcdans" * ba-mbasa(k) Voir KA. kaks.5, 'piLay. Duv. mbàsik "ocrc, utilise mblangb avcc dc I'huilc de cailc6drat" + giriki Mij. "peau (cmploybc dans lc lissagc)". Mok. mMk "ocrc utilis6 h dcs fins rilucllcs mais non pas en potcric" + piidziy "cngobc" Mut. bimis, Mij. bimisi, bimbisb "engobc, fil. pvijiy "cngobc prmcnant d'unc argile argilc rouge". rouge" Tch. pfidziiy "argilc rouge mblangbe avec dc + bÙrkb&kw "calcairc utilise pour teinter ccrtaincs l'huile dc cailcbdrat pour In cicatrisation du potcrics" cordon ombilical" Mut. bùrkbfihv Voir *mn-jnbng(wv). Mlj. bùrkb&kh Voir Mok. zdy dàrlCggG (lilt. cxcrCmcnt-hybnc) * gmra Loudeh rogoemis (POACEE) "concr6tion calcaire dc surfacc employCc Tch. pvam "roulcttc h ddcor trcssic avec ccttc autrcrois, dbtrempbc, pour ddcorcr Ics houes hcrhc" ncuvcs". Voir Mok. gwdr.;, Mala gÙrd-gXi :ccttc hcrbc trCs fine utilisbc pour wcsscr dcs bracelcts. * Gwem "ocrc obtenu h partir d'unc roche volcaniquc hroyéc et rdduitc cn poudre ;utilis6 co~nmc * Ilnhny "argile (nom gén.)" cngohc uniqucmcnt i Mut., Mij., Mba." LUI.,Mut. h$hQy Mut., Mij. Gériim "ocrc qui s'achbte h Sgwq (Lulu) Mij. l16116y ; utilise pour decorcr Ics bols A saucc, gnndar' Gl. I~ihdy,Tch., Duv. I~dllSy,Mok. Ildhiy. LUI.GCrém "ocrc utilise surtout pour s'oindrc Ic corps" * 1161iybm "chamotte" A4ok. Gi!ri!m "ocrc utilisC uniquement comnlc LUI.b61iybm "chnmottc" ongucnt ou h dcs fins ritucllcs (rare)'' Mut. 1161iybm "tcsson de potcric", 1161iybm Kal. Gérém "ocre utilisb pour decorcr Ics milskGd"o "chamotte (tcsson riduit en poudre)" calcbasscs" Mij. hbliybm mi yG'dg "chamottc (tesson Ecrasb)" Tch. GGrGm "ocrc" (connu mais non utilisé) Voir Mok. miggiyhn. Mba. Gerem "argilc rougc" (?). + (1r)àndbl "IIIBSSUC cn bois cmployéc pour aplatir + diwwindilii (litt. mil-mandara) Mij. "bpi dc I'argilc" maïs". Tch. hùndbl Kal. indhl. * diggiley "colon~bindc rcn~-orccn~cntpour les grandcs jarres" Duv. dàggàlsy Tch. tiggi1i.y Mah hdPngèlay. * h-kirzleg "galct, employd pour Ic polissage" * rnh-tiitjm "tnmpon en argile utilkSe pour marteler Mut. 10BrimlBg la plte cl monter le fond dcs poteries" Mij. kikimlBg Mok. mlatim, m;itjtim Eul. khkSrzl6 Lui., Mut. mbtùtùg. Tch. k6k5ml:lbg Duv. d3rkGEdsl * ma-varsln "roulette P décor trcss&cavcc dcs Voir Mok. t6t5kw6ff. fcuillcs dc rônicr effl6es" Mok. miv,3rslS + k&li Ka]. "grand bol cmployd pour fabriquer Ics LUI. menrisla poteries ou pour contenir des liquides" Mij. v5mlB Voir *gid&lii@), *ibiP-lsasa. Voir Kal., Duv. "me-mber,Mut. gpvBdEk, Tch. @van. * klIrhvasl "tesson dc calcbasse employf pour lisscr I'indricur dcspoterics" * me-mber "roulctte A dfcor tressee avec dcs feuilles Mut., hfij. kGrhw6slii de ranicr effil&cs" Tch. kùrhbsl Duv. marner Mok. kïirhvisl "tcsson de calebasse, non employf Kal. bember pour lc montage des poteries". Tch. mbk-mbèr Voir *ma-varsln. + 13 ggd ~rùr(litt. endroit pourbrBler) Mut. "foycr" Voir 'wurak * m8r86, mGr6blq miyiw "sable cnlployd comme dégraissant" + liwiis "foycr (nom gfndriquc ?)" LUI.mCr6G "sablc fin" Mut. lisvis, li ggc dli- LUI. miyiiw "sablc grossicr" Mij. liwisi fil. mGrGbk "sablc fin". Mok. IÙw;c "foyer de cuisson pour la nourriturc" Yoir *'rwrnlr. * mbslblnv6r "plaatc A sève gluante utilisde pour lisser Ics poteries" * mn-jnbag(w) "cngobc, argile rouge diluéc dans de Tch. mbsbkwbr l'eau, employée commc teinture" Mok. miiaslilaw6rADz~fi~o~zpn~~nos~trn LUI.m6jbbiig (IvNLYACEES), non cmploy6 en potcric. Mok. m,ijib:ig, m6jib;igw Yoir Duv., Tch. * (hii-)z.im6y, &LI., Tch. pykddy. -t mbàshk cf. *ba-nnbasa(k).

+ mi-mhl mii llhllily (litt. colombin d'argilc) DUV. * ndeleB(ek) "colombin". Duv. 11d5l;Li "argilc noire cmpIoydc pour habriqucr le bal 2 sauce" * ma-ndahwrnm "croissant en argilc employé comme Mok. ndàl80 "bouc, argile boucusc, non ulilisCc lissoir" cn potcric" Mok. mhnd5llwiim, m8nd8h~vrGm Mba. dBl6S8k "argile". LUI.tnïindh~rdrùm, mdndhrùm. -t ggwkEk, gg&& Mut. "cordclcttc torsadCC + mi-ggiyirn Mok. "chamotte" cmployéc pour décorer Ics potcrics" Voir 'hbIiy6n1. Voir "ma-varsln.

* m:l-smda (litt. cc qui lisse) "fcuille dc Diospyros * pahy mespili/onnis ou de Fiau, employéc comme Tch. piilay "grand vase cBniquc cmployé comn~c polissoir" moulc pour manter Ics potcrics, avec de la cendre Mok. mhsàrnrfa dedans ; ou comme fermcturc dc grcnicr" Mafa viillà fisjmbjd'-ngwizli Cf. Mok. phsliiy "cuvcltc au bord dvad c~~lploydc Voir Mij. giirhkh "pcau". par Ics fcmmcs pour garder lcur part dc saucc" Cf. Mok. pàlay "picrrc crcusCe enlploydc con~mc * mn-tdcacnrnly "chapclcl dc graincs dc baobab" abrcuvoir ; van, fond dc grcnicr cn vanncric". Mok. mitjkhciw,iy LUI. mnLakaeaway * sa-sak "tnn~is" Voir Mafa tsàrà hy: mb3tb-mb6t6 Tch. sdbdk "tamis pour I'cngobe, composé dc Voir. Mij. zibbkb brins de paillc rfunis" Voir Mut., hlij. zig66 gg5 mirlitgw;'y "graincs de Mok. s6sik "tamis (non utilisé dans la potcric)". maïs". 155

+ sBliy5 Duv. ”kaolin cmploye pour d6corcr lcs + &b6kb hlij. ”chapclet de graines de baobab” maisons”. Voir ‘ma-takacuway. Voir bùrk6dôkw.

+ tétèktvé&Mok.”galet cmployd pour le polissage” + mg ga’ay Tch. ”bol employé comme rfcipicnt pour Voir “ke-kirzleg. Ic scl de cendre” Voir *t&pi&tm. + tàkwbf Mok. ”bille de bois servant de support pour le montage des poteries” Voir duGokw. + Zay ”crottin (d’lnc)” LUI. dyzùggù, Mij. ziy zÙ0gii. * wnmk ”foyer de cuisson des poteries” + zigsi gg5 mirlligwhy (litt. graines de maïs) Mut. Mok. wùrhk ”graines de maïs cn~ployCcspour lisser les Mut. hùrùk, li ggir wùr (litt. cndroit qui brûle) poteries” LUI.wùràk, li 061‘1 wikàk Mij. zàggh gg5 mirliigwhy Mij. mGhiirkd Voir ‘ma-takncnway. Voir liwis.

4. TERMES GENERIQUES

-POTENE *lm”montcr unc potcrie par martelage au Mok. ktwkulam, Mut. k6kdlilm lampon” et *ndar ”monter une poterie en Kal. tiggfiPg riunissant des colombins”. Mba. :iGiyig. - POTIEIE - FACONNER, CONSTXUIIE * femme qui Cabrique (des potcrics) * lam : Mok. mi.làmèy, Mah rh-,cf. mblJmCy LUI. gpds mindir ”crCcr, fabriquer” Mut. ngwhs mindàr (k6killilm6yj * ndar : Duv. méndàrCg,”façonncr en argilc (potcric, Mij. 0pviïs mindàri ~)v:it:i mur) ; trcsser (un sekko), croiscr ; rdunir dcs Tch. gpvhs m5ndàrG tiggilbg colombins” Duv. ggwIwas ménd5rGy K:d. m5ndara * forycron qui fabrique une poteric Mut. mindàrh Kal. gÙd6 mindàri tiggilég Cf. Mok. m6ndàrCy "tresser", m&ncli.lby”cuirc au * rcnmc du forgcron feu, brtlcr” Mok. ggw:is mbàzli. Cf. Mafa ndhr- ”cuirc unc poterie”. LUI., Mut. US)& gildi. II y a peut-etrc une diffircncc sdmantiquc cntrc

INSTRUMENTS DE MOKONG 1. tampon 2. bille de bois .;.. 22, 3. lissoir 4. cordelette d ddcor

-- O 10 cm

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NOTE SUR LES POTERIES FAITIERES DU NORD-CAMEROUN

Christian SEIGNOBOS ORSTOM -CNRS

dessins de l'auteur 158

Lespoteries faîtières sont actuellement tri% visiblesdans lles établissementsjimi et gude, sensiblement moins chez les Bana.Dans le paysnjegn voisin, on lesrecense encore en relative abondance, maisdéposées sur les tombesl. On peutoccasionnellement en observerchez les Daba, Teleki,Kapsiki, Korci et Mofu-Sud. A titre exceptionnel,des poteries faTtières se signalentsur des unités d'architecturede chef desgroupes mitoyens.

A la findu XI e siècle, I'aixe des poteries faîtihes recouvraitde fapn trèsinégale les monts Madara centrauxet méridionaux. Au sud,elles s'arrêtaient au niveaude l'influence bata, sur le Faro*. A l'est, cespoteries étaient attestées chez les Mambay et Mundang de Eere.Longeant le mayo Euti, elles touchaient néanmoins le groupe compositedes Mofu-Sud. Korci et Kapsiki en signalaient la limite septentrionale. En revanche, B l'ouest, au Nigeria,les poteries faiti6resétaient prksentes au-del8 des pays njegn et gude.

Dansles plaines du nordetdel'est des monts Mandara, d'autresmodes de décoration et de blasons'accrochaient aux faîtes destoits ; un ceuf d'autruche etdes couteaux de jetcroises sur les rivesduChari baguirmien danset l'interfluve Chari-Logone jusqu'au dCbut du siècle ; delongues quilles debois bifides, sculptéeschez les Glavda etles Vale ... ailleurslanote de différenciationethnique est marqu6e par la seulemanière de terminer la couverturedes toits.

Caire du plusgrand développement des poteries faîtières et du plusfort degr6 de variationtypologique est,au Cameroun, la région desmonts Mandara centraux.Toutefois, les centresde diffusion doivent-ilsetre situessur cette portion des monts Mandara, au sud- ouest, dans la valMe de la Bénoué ; ou a-t-on afPdire à un trait culturelqui aurait été portépar l'écheveau demigrations venues du nord-est ? Abandonné à l'est,dans les plaines du Diamare - la

Ce trait culturel a été brusquement abrogé entre les années 50 et60 sous les coupsde la propagande des mallum. Il a quasiment disparu de l'architecture. * On relkveencore des poteries faîtikres B la chefferie de Wangay ; elles épousent la forme de canaris sans fond, mais h col plein. Cloutées de pointesd'argile, elles portent les inévitables. chevaux ou cavaliersaltcrnts avec des cloches doubles stylisees ... se referant ainsi h une famille de potcries faîtibresparticulibres. 159 160

chefferiezumaya etcelle de Gudur par exemple disposaient de poteriesfaitières - il se serait maintenudans les montsMandara centraux, principallement surles versants occidentaux tournés vers la BénouC.

Dans l'étatactuel de nos connaissances, on ne peutencore rien affirmer.Quelques indices permettent toutefois de penser que ce traitarchitectural pua &tre développé, B une époquedifficile à déterminer,par la chefferie de Movo, qui pr6céda celle de Gudur. Movo estsituée un peu plusen plaine, maisson aire d'influence a dC1 &tre assezproche de cellede Gudur. Movo detenaitles mhes grandssacrifices, de la pluie,des criquets, des chenilles du mil ... Les chefsqui "suivaient Movo" recevaientd'elle des poteries faitikres quiles confirmaient dans leur pouvoir politico-rituel. Mgme après soneffacement, Movo continua a fournirces poteries pour ceux restésdans son ancienneobédience. Mangala, chef du Duvangar, auraitencore reçu de Movo, au début du sikcle, une poteriefaîtière. Sa facture ressemblait h celles trouvées h Mskong (cf. M. DELNEUF), B Budumet h Durum. Kaliaw aurait eu égalementdes poteries faîtièresdeMovol. Ces poteries ont dû plutôtservir des architectures B toiturec6nique peu effilée.Elles reçoivent en général la chapeauteried'une vannerie spéciale, la poteriefaîtière la maintenant sur lesommet, renforçant ainsi une des parties les plus sensiblesde la toiture.

II n'existe pasdeux poteries faitikres identiques, chaque potikre imprimant son style,ses tours de main. A la elifference des poteries utilitaires,elles ne sont pas produites en série,mais ii la demande. Elless'inspirent néanmoins demodèles indéfiniment r&pi.t6s, notamment en cequi concernait les poteries Eaîtikres desdemeures de chef. Ainsi, lorsqu'h Burha Wamgo (Jimi) et 2 lklabuji (Gude), nous avonsdemande quenous soient confectionnées despoteries faîtièresde chefferie, chacune des potières est allée spontanément récupérercelles, endommagées, qui se trouvaient sur lestombeaux des chefs,afin de lesreproduire le plus exactement possible.

N. DAVlD nous a signalé avoir observ6 une poterie B col chez les Giziga de Salak, en plaine. 161

Deuxgrandes familles de poteries faîtières apparaissent avec chacunedeux expressions différentes, l'une emblématique qui magnifiele pouvoir, très décorée, parfois surchargée ; et l'autre, plus modeste,accessible à tousdans certaines conditions carelle se présentecomme une suite de marqueurs sociaux.

Lapremière famille de poteries faîtières a la formed'un gros canarirenversé, à lapanse sub-sphérique, au bord largeet très évasé.

Dans sa versionqui l'associe au pouvoir,ilest coiffé d'un tripodeenforme d'anses, ou dequatre voire cinq supports soutenant une sortede cupule légèrementdentelée.

Cespoteries faîtières chefde sont souvent richement agrémentéesde personnages' disposés sur le col devenu la base, maisparfois ils escaladentlecorps de lapoterie etl'occupent entièrement.Une multitude de pointes d'argile peut aussi recouvrir la baseetla partie sub-sphérique, etremplacer les personnages (cf. WENTE LUKA S 1977 : 9). Figurineset pointes d'argile cohabitentle plus souvent.

Lesdimensions peuvent atteindre 40 ri 50 centimètrespour la base et 60 centimètrespour lahauteur. Les parois sont toujours Cpaisses. s

Lefaciès commun concède des dimensions plus réduites. Il n'estplus ainsi couronné, maisgardeil lamême forme sub- sphériqueetses bordssubissent la mhle inflexion.Toutefois, il reste le plussouvent enjolivé de tétons, de jeux de nervures et le bordest relevé d'un bourrelet externe. Le "chaudron" peut Etre vernissé.

Uneforme intermédiaire particulière existe, plus en hauteur, avecune base non évaste et un coltrès décoré qui.se termine également par unecupule.

Cetteaire intéresse essentiellement les ethnies bana, jimi, gude, njegnet sans doute, une partie des Bata. Ladeuxième famille est celle des poteries faîtières ii col. Longiligne, la baseest réduite et non évasie.Le col,hypertrophid, se temine par unpetit "chaudron". Despastilles d'argile décorent ce col. De la basepeuvent parfois partir plusieurs tétons ou un seul qui,parfois d6mesur6, faitpenser au becd'un &range khassier.

Les poteriesfaitières de chefferie.sont ici peu décorées,mais ellespeuvent dépasser 60 et mGme 78 centimètres de hauteur.

Cespoteries, ii la base tropétroite pour bien epouser le sommet r- du toit,doivent être amarrees par un système de liens, et nesont pas simplement posées comme celles pr6cbdemment dicrites.

Cetteair? se siiue B l'est de la premièrefamille et recouvre les paysdaba, hina, korci et unepartie des Kapsiki.

I Lespoteries faztières fali(Tors, Duja) sont trks réduites, simplement vernissCes, rappelant parfoisles poteries ii ablutiondes Fulbe.

Sur les margesdes deux aires, sembleil que les poteries faîtièresaient Ctd accidentellementempruntdes ou peut-être conservéespour des cas précis, alors que parailleurs elles subissaientune ddsaffection. Ainsi,chez les Dirneo et les Budum, les cases-autelsportent-elles des poteries de facturestrès variees et apparentées h lapremière famille.

Si l'oncompare lespoteries faîtikres aux autres poteries confectionnéesparles mhes potikres, on constateque les techniquesde fabrication ne sont guGre diffErenciées. Si leurfacture est assez dloignéede celles des batteries de poteriessemant dans le quotidien, les poteriesfaîtières enrevanche prdsentent certaines ressemblancesavec les poteriessacrificielles, comme cellestrouvées sur les tombes chez lesKapsiki et les Bana. Ces poteries ri col 3 trois conduitsaboutissant i la mêmeouverture rappelant le haut.des poteries faîtiGres de chefferie.

Le cloutageLe parpointes d'argile recouvreles aussi partiellement,sur le haut de la panse, complCté de Ijserks de tktons. 163

POTERIEFAlTlERE DECHEF DES FORGERONS. GUDE (Mabuji)

10 cm. Danscertains endroits, la poberil faîtihre sert à désigner le détenteurd'autorité. Dans lecas des Mundang de Lere, seul le 1 e r u du g O n g (case-entrée du chef) est marqué d'une poterie fdtière à col.

Chez les Mofu du massifde Durum, deux poteries faîtihs surmontentchambre etsalle des tambours dans laconcession de montagne du chef. Il afallu adapter les poteries B lafacture des toits. Unepoterie de type "chaudron" estpercée B sonsommet pour laisserpasser l'effili de la couverture en pailles. L'autre est une poterie B colouvert, ponctuée des inévitablespointes d'argile.

PvMRCHESSEAU @. (1945) avait déjiï remarquédeux poteries faîtières.sur ce même sare : chez les Mofu deDurum "I'édifice est couronnéd'une calebasse ou d'unevieille poterie sans fond (d j i g i b e y). Si la caseappartient au chef,ces poteries sont herisséeide pointes d'argile qui leur donnent un aspectcurieux, elles sont appelées u g u dnm et sontfabriquees spicialement pour lui seul".

Lespoteries faîtières ne serventpas uniquement h dCsigner les habitationsdes chefs. Chez les Kapsiki, 5 Rumzu,les Tsarwa indiquent la chambre du jeunehomme qui a passelapubert6, passageinitiatique sanctionné par une importantefête.

Ailleursencore, elles coiffent exclusivement case ou silo-autel.

Au ceur del'aire qui actuellement dCveloppe le plussouvent ce trait architectural : paysgude, jimi et bana ; leurreprésentation estmultiple. L'utilisation pour marquer leshabitations des chefs est en quasiextinction. Les chefferies de canton, toutes musulmanes, s'interdisent defabriquer de telles poteries, mais jalouses de leur autorité,elles s'opposent A ceque les "arnado" sous leur juridiction separent de tels emblèmes.

Ainsi,chez les Gude et les Njegn, nous n'avons pu les observer quedans leur version forgeronne, chez les chefs forgerons. Le chef de canton de Girvidza (Njegn) nous a montri le d O vu m O g i de son père, posé sur la tombe. 165 d 66

Certaines,toutefois, ont et6 conservées prbs desgreniers-autels (a Bukulaet a Cevi) où ellescontinuent à recueillirdes "nourritures" sacrificielles.

Il sembleraitque la poteriefaîtière, achetêe obligatoirement chezle chefforgeron etposée sans c6r6monie surle sommet du toit ne se charge qm'ultêrieurement d'un pouvoirrituel et enreçoive les hommagesliturgiques qu'une fois le chef décédC.

Jadisseuls les chefs et Ies chefs forgerons avaient accès B de tellespoteries. En placer sur lefaîte de son toitcorrespondait à faireacte d'indépendance ou decandidature à lachefferie. C'était perçu comme une actionaussi grave que celle de refuser delivrer la peaud'une panthère tuée à la chasse.

PODLEWSKI M. (1966 : 32) signaleque "contrairement encore auxautres "païens" decette régionles descendants de chefs coiffent le sommetde leur case d'une pièce de terrecuite, de fome ctinique, dont la baseest ornée d'une frise circulaire de personna'ges et d'animaux(homme cheval, homme soufflant dans une trompe, captif lié, animalressemblant au pangolin.. .)".

Cespoteries faîtières, tri% dCcorées, portaient en effet,en plus desanimaux emblkmes : panthhreetcrocodile, d'autres figurines zoomorphesmineures etdes personnages. A cGtC du chef à cheval, certainsdemeurent plus énigrnatiquescomme cette jeunevierge ou ce kaygarna(chef desarmées) mont6 quipoursuit un fuyard.Pour certainsinformateurs deBukula, lespersonnages seraient les représentantsdes pseuds-lignages Co-fondateurs de la "chefferie".Il y aurait ainsile chef forgeronritualiste, le ou lesnotable(s) des plus ancienslignages qui intronisent le chef et le chef lui-meme.

Chez les Gude, cesont les potikres appartenantaux lignages de -forgeronsenterrant les lignages de chefs (mog O z ina) quiavaient la charge de renouveler ces poteries (k e 1 e'r a kamb ina).

Celle du forgeron étaie encoreplus surchargée, avec les outils de la forge,enclumes et marteaux.

La panthkreest assimilée au chef etle foie de cet animalitait donné briilant en manducationaux fils dechefs appelCs Li rCgner (Bana, Jimi, Gude). Quant au crocodile, il participede la meme essence. . 167

Lorsqu'unde ces petits sauriens, nombreux dans les massifs parsemésde poches d'eau despays bana etgude, était trouvé mort, le chef et sa famillele pleuraient comme un parent et sa tête revenaitau chef forgeron qui la suspendaitdans sa forge.La présence de certainsautres animaux devait renvoyer à desmythes ou simplement à desfables. Un caméléonest souvent placé sur le crocodile,lahyène affronte lapanthère, levaran et leserpent s'excluent sur la même poterie ...

La représentation du chef cavalier n'est pas une copiepeule, du moinsdans les formesrestées archaïques. Avant la vulgarisation de l'arc,une partie de cesgoupes ont eu encommun l'élevage du poney,parfaitement .adapté sur ceshautes terres. Il seraitdonc plus untrait du passé qu'unepreuve d'influence peule. Le chefmonté estd'ailleurs porteur de baudriers simulant perles etcordelettes selon une coutume des peuplesgude, njegn, fali ...

Surles poteries faîtières plus récentes, destinées au chef,les animaux sans doutetrop marqués de paganisme ont tendance B disparaître.Seule, parfois, lapanthère est conservée'. Ils sont remplacés par descavaliers qui occupenttoute la base dela poterie etsont dirigés soit vers le haut,' soit vers le bas, avecune note franchementpeule.

Ilexiste des poteries faîtières de chefferies dépourvues de personnages,surtout chez les Bana. Ellessont alors entièrement cloutéesde pointes d'argile.

Laterminaison en trois,quatre ou cinqsupports de la cupule pourraitêtre rapprochée de certaines regalia, lances toute en fer (trouvkeschez les Fali du Tinglin)dont le manche sesubdivise en trois ou quatrebrins avant d'atteindre la lame.

Quant au cloutagede pointes d'argile, il seraitde par sa densité et selonl'avis plupartdela des informateurs, un symbole d'abondanceet de fécondité.

Chczcertains Fali, on plaçaitsur la case du chcf unepoteric rnouchctéc qui rappelait la panthhrc(cornmunication oralc de Jcan-PaulLEBEUF). 168

\ Chez les Daba (Popologozom, Wulum), mb an aa c B est simplement démesuréepar rapport aux poteries faîtières du commun. Seule la partiesommitale est entihrement recouverte degrosses pastilles d'argilecoalescentes. .

Pourquoiune telle variété de formes - surtout si l'on inclut les poteriesfdtibres roturikres - etqui les déterminait '? Quelle a et6 l'influencede la seuleesthétique, du tour de main des potikres, du r61e du devindans le choix des differents Cléments, surtout du code quipermettait de choisir entre plusieurs expressions et, enfin, de I'évolutionmême de ce code ?

Aujourd'hui,lescorrespondances symboliques semblent peu rigoureuses.Les poteries faîtihres sont liées B desimages du pouvoirdevenues conventionnelles. 169 Nousavons plus particuli&rement observé lafonction des poteriesfa?tières dans le village jimide Burha Wamgo, A la frontière du Nigeria.

Cevillage possède encore, A destitres divers, plusieurs dizaines depoteries faltières si l'on prend en comptecelles déposées sur les tombes.

Lespoteries dites dechefferie, p a p a v 3 d z am a B , qui appartenaient au lignagemavderin, sont maintenant absentes des toits et nousne disposons quede reproductions. Le chefforgeron aurait eu icileprivilège d'en posstder, mais seulement h titre posthume, sur sa tombe.Cette poterie faitière réservée aux chefsest sensiblementmoins riche que chez lesGude. Seul lemotif du cavalier a étéretenu, enalternance avec des plages declous d'argile.Enrevanche, vernis rouge et couleurblanche sont remarquablement soignés. C'estsans doute ici Cgalement la même Cvolution qui a conduit h supprimer.les animaux emblèmes. Le cavalierest très fulbtiséavec selle et chapeau peuls.

Toutefois des p nap av a el z aman dérivés ou apparentés li. celles du chef sontencore prCsentes.Le "chaudron" reste couronni!de la cupulesoutenue par I'tquivalent dequatre anses pleines avec, parfois, lerajout d'un supportcentral.

Le r61e de ces p L p D v a d z a m3 B est de magnifier, non pas la chefferie,mais une éthique,celle des cultivateurs de mil.

Lorsqu'uncultivateur a rCussi une récolterecord avec l'aide d'unenombreuse maisonnée, construitil un silo spCcial dansla partie la plushaute de son habitation,vouée aux rituels. II le remplitde L u k IJ d i L i p1 , sorghorouge h long pouvoirde conservation. II y versealors deux cuvettes d'eau, puis terminepar unebouillie de mil très tpaisse qui bouchera hermCtiquement le contenu.Cegeste aura pour résultat d'étouffer un débutde fermentationqui tuera tous les parasites. Le contenu pourra ainsi êtreconservé pendant cinq 5 dix ans.

11 s'agit 1;i d'unemanifestation de type ostentatoire,démontrint laréussite d'un chef de concession. Il manifeste ainsi sarichesse, quid'ailleurs ne peut être composée que de mil et en thCsaurisant un milqui ne sera, en principe, jamais utilisk. Cesilo sera alors couronni! d'un papavadaaman. 171

Toutela sociétéjimi, mais aussi ses voisins immédiats, Gude et Bana,offre de pareilscomportements. Les Jimi sont entièrement tournésvers cette céréaliculture, les emblavures de mil sont de dimensionsexceptionnelles et lesJimi démontrentpour cefaire une forcede travail peu commune. La dot del'épouse est partiellement payéeen milet toute la symbolique jimiest orientée autour de son abondance.

Cesréserves de sorgho seront dilapidées au coursde fêtes somptuaires,véritables prétextes il consommationdemil sous toutesses formes, qui ponctuent la saison sèche et toucheront tour à tourchaque famille. Celles-ci préparent alors des quantités de paniers"boules"de jarresdemildeet bière de ... (c- BRUNETIERE 1982).

Un des ces p a p a Y a d z aman peut, dans certaines conditions de notabilité,coiffer aussi une case-autel.

Cespoteries accompagnent également le mort , deposéessur le haut du cône de terrede sa tombe.

La facture de ces p a p a v a d z ama n est multiple (cf. illustrations) etdépend de l'artde la potière. Le sujet est pluslibre que pour les poteriesfaîtières de chefferie,elle a donc pu variersensibienlent dansses expressions au cours du temps.

Chez les Bana, les poteries faîtières de la chefferie, les d e r i , ont puparfois remplir simultanément tous ces rôles. A Giliet Gamdugum,elles étaient disposées sur la chambre-silo du chef, unit6architecturale quiest composée d'un manchon decase supportant un grenierqui s'ouvre à sapartie sommitale. Cette chambredevenait, ensuite, B samort, son tombeau.

La deuxièmecatégorie depoteries faîtières est celle des wur BL guudan.

Certainesservent h signaler, en marquantson importance, la placede la première femme. Elle chapeaute sa chambre dans la suitede casescoalescentes quilui est réservée.

173

Un wu r a g u u d a n peut également être offert par le gendre pourla mère de sa femme.

Un wu r a g u u d a n sera réservé à la case du jeune garçon (13-14 ans) qui a accompli l'initiation, le man d i j i n e.

On peut aussiobserver ce type de poterie sur la case-vestibule d'unforgeron.

Un wu r a g u u d a n se place aussi sur la case-autel d'un chasseur ayanttué beaucoup degibier ou une panthère.

On verra parfois sur une tombe un wu r u g u u d a n neuf parmi descols de canarisqui ont incidemment maintenu lehaut des toits, pourcelui mort sansdescendance mâle.

Les wu r a g uud a n qui sont voués aux cases-autels et aux initiés sont en fait des p a p a Y a d z ama n encore plus simplifiés et sobres : pas de personnages,plus de cupule, pas de débauche de points d'argile.. .

Les wu r a g u u d a n .(cou-canari) disposent conme leur nom l'indiqued'un col plus développé entre la base et le"chaudron". Cellesdestinées aux premières épouses sont très. allongées,décorées et terminCes par une cupule. La base est très Iégkrement bombée.

Unrecensement exhaustif des poteries dans le Nord-Cameroun permettraitcertainement d'entrevoir des sous-aires, mais lecorpus actuelserait dans bien des cas insuffisant pour dépasser les hypothèsesquant à leursignification. Il s'avèrequ'une forme choisieici pour honorer la première femme pourra ailleurs - dans uneautre ethnie, voire un autreensemble de villages - êtreretenue pourcoiffer les cases-autels.

Symbolismeetsémiologie aujourd'hui brouiilés sinon oubliCs autorisent une plus grandeliberte dans l'exécution des potières, pourune production de plus en plusréduite et attachCe à une esthétiquequi demeure celle du passé. BRUNETIERE D. - 1982 - Les Djimi, montagnards du Cameroun septentrional. ThGse dedoctorat de 3e cycle, Univ. Paris VI1 -

DROST D. - 1956 - Tonerne Dacloalafsiistze in Afrika. Jahrbuch des Museurns Wr Vtilkerkunde,bd. V, Leipzig, pp. 83-165.

JEST C, - 1956 - "Note sur les poteries kagsiki (pays kirdi)". Notes afi-icaines de 1 , 70, gp. 47-52.

MARCHESSEAU G. - 1945 - "Quelques ClCrnents d'ethnographiesur les Mofudu massifde Durum". BSEC, 10, pp. 7-54.

L MARCHESSEAU G. - 1966 - La dynanzique des principales populations du Nord-Canseroun. CA. ORSTOM, SCr. Sc. Hum., Vol UT, no 4, 194 p.

SEIGNOBOS Ch. - 1982 - Nord-Cameroun, montagnes et hautes terres. Roquavaire : Ed. Parenthèses (Coll. Architectures traditionnelles), 188 p. 175

CULTURE MATERIELLE CHEZ LES KOMA-GIMBE

1 DESMONTS ALANTIKA (NORD-CAMEROUN) : LES GENS DE LA BIERE DE MIL

Louis YERROIS Michel DIEU ORSTOM CNRS

Leprogramme "Culture matérielle des Koma -G gmb Z des Monts Alantika"fait partie d'un ensemble d'opérations derecherche initiéesfinancéeset par l'Institut des Sciences Humaines de Yaoundéet menées en coopération avec 1'ORSTOM etle CNRS, portant sur' l'étudedes patrimoines traditionnels, des arts et des techniques du Cameroun.

Cesrecherches, poursuivies en parallèledans le Nord-Cameroun (stationISH deGaroua) etdans l'Ouest/Nord-Ouest (station de Bamenda)sont liées à termeaux projets demusées, lemusée nationalde Yaoundé etcertains musées régionaux (Bamenda et Garoua).

LesKoma, découverts par Lé0 FROBENIUS audébut du siècle, ontdès cette époque suscité de l'intérêt mais les difficultés de leur accès,mentionnées par tous ceux qui ont voulutraverser les Monts Alantika,ont découragé aussi bien lesmissions officielles que scientifiques.A noter les albums photographiques de René GARD1 avecde magnifiques clichés des Koma de Wangaï etde Bimlérou-le- Hautpris en 1954 lors d'une tournée qu'ilfit avec Henry RELLY.

L'enquêterelative aux cultures matérielles et aux langues des peuples de larégion de Poli et des Monts Alantika(Faro) a débuté enFévrier 1979. Dès ledibut eneffet, est.il apparu comme indispensabled'associer approchesdes ethnographiques, linguistiquesetécologiques (ethnobotanique, ethnozoologie). C'est ainsi que depuis six ans, les Koma-G Zmbë de Wangaï,Mayo-Niwa, Dopa,Bimlérou-le-Haut et-le-Bas, Katchala, Nagemalo, tous les villages du cirquedeWangaï ont été visités plus ou moins CENTRAL PLATEAU

INLAND PLATEAU

I 5

11! ZONE D'ETUDE 177 longuementgéographesdespar (SElGNOBOS, PARIS), anthropologues(de GARINE), médecins (Dr FROMENT), écologistes (BMUCHET), botanistes (HLADIK). Lesgroupes de Kenguelou etde Pouipa,vallées immédiatement voisines (mais langues différentes), sontétudiés par F. DUMAS-CHAMPIONdans cadrele d'un programmeCNRS depuis 1982-1983 (organisationsociale, représentations). On peutregretter que cette dernière recherche ne soitpas articulée avec l'ensemble des autres.

L'étudemenée par Michel DIEU (langue)et Louis PERROIS (culturematérielle, ethnographie) a abouti à un fichierde quelques 2500 entréesprincipales et à unedocumentation photographique importante.Tout en enrichissant cefichier ethno-linguistique au rythmede plusieurs séjours de terrain par an depuis 1979, nous préparonsune mise en formedes données, stockage informatique desinformations puis publication d'une petite "encyclopédie" des K o m a -G gm b ë . Chaque entrée donne lieu B tout un commentaire ethnographique,laforme encyclopédique permettant debalayer l'ensemblede la culture de ce groupe. En fait cette monographie précèdeetintroduit l'étude plus spécifique del'équipe CNRS- ORSTOMde Igor de GARINE quiporte sur l'anthropologie de la nutritionet de la santédans les milieux contraignants (2ème volet, milieuaride de montagne).

LesKoma des Fulbé et del'administration se divisent en réalité enplusieurs groupes distincts ayant des langues spécifiques et ne se comprenantpas entre eux. Opposés aux "ethnies" voisines, tous ces groupesdecultures très comparables peuvent être considérés commedirectement liés du moinsdans l'histoire. Ensuivant l'orientationsud-ouest/nord-est des Monts Alantika qui séparent le Nigeria du Cameroun,etdont le versantcamerounais abrupt est baignépar le Faro, affluent gauche dela Bénoué, nousrencontrons successivement les GZmmë (Koma Kompana ou Pambé), les GZmbE (Koma Kadam), les Gawnu (Koma Ndéra ou Diiobe ou Yaru). Le long du Faro, versDingtiré, près des Bata pêcheurs, sont établis les Ri i t T b ë et plus au nord, vers le Nigeria, avant les VE r 6, les VSmn Py3 a bë et les M 5 r 3 b 5. 11 estprobable que ceux que nous appelons VB r 6 du Nigeriacomportent aussi de nombreuxgroupes distincts.

Tousces peuples montagnards dont la plupartsont descendus versles piedmonts sinon tout-&-fait au boutdes vallées, sont essentiellementdes cultivateurs de mil et de grands consommateurs de bière. Pasune manifestation, une rCunion, des travaux collectifs, une initiation,une danse deréjouissance, des funCrailles, lavisite d'Ctrangers,auvillage ou parfoismême aux champs, sans la généreuseconsommation de quelques pots de bikre demil. Les Koma partagent ce traitculturel avec 'bon nombre d'autres peuples du Nord-Cameroun, il estici particulièrementfrappant.

Chezles GEmb ë les villages (9b 1 5) sont disshinCs dansles Cboulis rocheuxde la montagne (villages "du haut", p P a) et dans la vallée (d 3 i ) maistoujours en retrait des pistes et dufleuve. Presquetoujours, il y a unvillage ancien en haut(voire un campement sur un sitedéserte) où restentles vieillards etquelques personnesencore "traditiomnalistes" avec souvent desfemmes jeunesetdes enfants) et un village du bas,plus "progressiste" (quelquescases avec de la tôleondulée, vClos, transistors,cuvettes, etc.)mais portant lemême nom (celui d'un ancien chef fondateur). Beaucoupde rituels nepeuvent être accomplisqu'en haut ainsique certainstraitements thCrapeutiques (lesplantes medicinales de la traditionsont des plantesd'altitude).

Lemil est de loin la culture la plus importante et il estl'objet de tous les soins des @Zabë. Le terne t 8 O 1 Z regroupe les sorghos dontnombreusesde varietés sontcultivCes - milblanc (tQ%vdl%-&), mil rouge (tB1 y5bli3 ou g%b%whwya),mil sucrC dont on suce lestiges (k 3 9 %. 5) - et le petit mil ou mil phicillaire (t 6 II y5e 1 a). 11 estcultivé du piedmontaux sommets, dans les Cboulis etles cols qui dCterminent souventdes prairies d'altitude et meme depetites zones de forêt ii 1500 m ou plus.Les Koma ignorent%es terrasses.

Leschamps (b IBEZ 3) sont prCparCs, débrousséset IabourCs (6 & a t Y)., lesherbes coupées Ctant enfouiessur place comme engrais (f 3 a). Leschamps nouveaux (rotation sur trois années en moyenne) sont prépar& en juin,juste au début de la saisondes pluies.

Lessemis sefont en poquets,chaque trou faitau plantoir (z 6 1 I 3) Ctant refermé B la houe (g b 3 b a). Les hommes ont une houeparticulière, les femmes aussi (en plus de la "houe deparade" qui segarde sur l'épaule lors desfêtes et réunions). C'est la forme et la longueurla du mancheainsi que largeurla delamela qui permettent de lessingulariser. 179

En juillet,quand il adéjà bien plu, on pratiqueun second labour (1 "a k5) et un repiquagepour éclaircir les champs. Plusieurs sarclages (6 3 r 3) serontensuite nécessaires jusqu'à la récolte qui se faiten décembre.

La périodede la récolte, de décembre à janvier - la saisonsèche étantdéjà entamée -, estaussi la périodedes festivités, dès queles travauxagricoles sont déjà moins urgents (si les cultures ont bien rendu cette année là). W 1 r Hg1 est la danse des bonnes récoltes de mil, rythmée par l'orchestre rituel des sifflets t ab1 1 8 O r 3 p (série dehuit à dixflûtes aux sons monotoniquestoujours utilisées ensemble,en polyphonie).

En février,c'est le battage (b 't r) du milqui donne lieu à beaucoupdeprécautions magico-religieuses. C'est encore une occasionde travail collectif et donc de consommationde bière. Le mil en tigesest stocké dans un enclosfait spécialement ri ceteffet et protégémagiquement (t 6 r g8 O 1 a). Lebattage proprement dit se fait au rythmedes chants. L'aire de battage (p ë e g 3) avaitété préparée dans un endroit plat etdégagé, sur un rochermaçonné d'argile avec un rebord décoré. Le fléau utilis& (d 3 IJ g 3 1 ë) est une sortede briton de1,50 nl dontla manipulation est tout un artpour êtreefficace sans blesser les voisins.

Leson est Clirniné par vannage en plein vent. Les grainssont ensuitemis dans les greniers (b f n 3). Larécolte fanliliale devra permettre de subsister et sipossible de faire de labière jusqu'h l'annéesuivante.

Lesgreniers koma (t 6 r b InH) sontde petits édifices-récipients enargile séchée au soleil, h plusieurscompartiments, ouverts en haut. On y accèdeparune sorte d'échelle rudimentaire. La fermetureest très soigneusement faite avec de lapaille (collerette, fermeturededessous etauvent supérieur). Le grenierest soit construitsur un rochersoit surélevé sur quatre ou cinqpierres dresséesfaisant piliers de fondation. Un inventairedes formes de greniers du Nord-Camerounest en cours.

Les Ggmb ë brassentdeux qualités bien différentes de bièrede mil : le b ii 1 x 3, liquide épais et blanchritre, et le vümë pluslimpide etplus rouge. Voiciles principales étapes de la fabrication du b B 1 B du Cirque de Wanga'i) :

Le mil,rouge ou blanc, est écrase B lameule pour faire une farine,laquelle est mélangee B del'eau claire dans un grand rkcipient deterre cuite (canari). On remuebien puis on laisse reposerpendant deux jours pour la €ermentation.Le troisihe jour onmet celiquide B cuiredans une jarre speciale appelee b 3 a 1 B. Après desheures d'ébullition pendant lesquelles remueon constamment, l'eau s'6vapore peu B peupour aboutir A une sortede @teplus ou moinsferme.

Onretire cette "boule de mil" cuite du feu et on lajette dansde l'eau froide. La jarreutilisée pour cette opération s'appelle d'a 1 3. On mélangebien en ajoutant de lafarine crue de mil germé (mil trempé),cette farine servant deferment de la bière.

Onaboutit ainsi B une sorte de bouillieassez liquide, blanchStre,encore grumeleuse. On recouvrealors soigneusement la jarreavec des feuilles attachées puis on laisseencore reposer et fermenter unejournée. Le lendemain, 011 tamise(plus ou moins selonla consistance qu'on veut obtenir). Le produitest pr&t ri Stre consommd. II se boit tiède.

La fabrication du vûm5 ne diff2re gusre de celle du b 2 1 B P que sur trois points : la totalite du mil est mise 2 germer avant mouture, la cuisson plus longuenécessite plusieurs chauffes, le filtrageest plus serréce qui donne en findetraitement une bière quasi- limpide, 1Cgèrement pMlante, decouleur rouge-orangee plus ou moinssoutenue. Le v %ma s'apprécielui-aussi tiède, ou h temp6ratureambiante.

II semble quele vûm5 soitplus anciennement connu que le b B 1 B 2. En effet,ce dernier terme est ii rapprocher de mb a z 1 si attestéavec la mêmedénotation dans les languestchadiques (en mofu parexemple) et même en kanuri.Alors que vüm3 se rattache à la racine *vum ou ;I:bum "pourrir,fermenter'', qu'on retrouvedans leslangues adamawa de la régionde Poli. De plus, et surtout, les G imbc fabriquentencore, en montagne, un Y üm3 d'éleusine (s B r v üm5) fortprisé, très sucréet alcoolisé, qui atteste de I'anciennetE de la technique. 181

Cesbreuvages sans lesquels les Koma ne pourraientsurvivre en tantque tels, très appréciés et convoités en toutes circonstances, sontassez vite enivrants surtout bus auxquantités normales soit un pot d5g3 s Xkh 16 a r B (sept à huit litresde contenance moyenne) parpersonne et par soirée. Certains pots h bière dechefs sontplus groset décorés de motifs spécifiques.

Labière blanche b à 1 s 1 estsurtout consommée lors des entraidesde cultures (8 3 J 1 8) etautres travaux collectifs (battage, construction).Elle est moins valorisée que le vûmë, bière rougequi se trouve au centrede toutela vie koma, à lafois boisson(produit d'alimentation) et symbolesocial et religieux utilisé dans tous les rituelsimportants : initiationmasculine féminine,et danses propitiatoires,actions de grâce aux crânes des ancêtres ou au devin- guérisseur,installations des protections magiques (pierres levées et plantsde Cissus quadrangularis), etc.Produit dela terre,symbole même delafécondité nécessaire, le mil(et donc la bière)est présentpartout dans l'universdes Koma.

Si nousavons pris le parti, dans letravail que nous menons chez les Ko ma -G gmb ë , de décriredans le détail tousles Cléments techniquesidentifiables à partird'objets ou decomportements spécifiques - Michel DIEU et SergeBAHUCHET ont fait un relevé systématique(auniveau régional) desnoms plantesde et d'animaux - c'estpour avoir à dispositionl'information de base permettantd'étudier pourquoi il sembleque les GZnb 5 sont "bien adaptés",physiquement etmentalement, au milieupourtant rude dans lequel ils vivent.

La vitalitél'énergieet des Koma, évidentes ;i tousles observateursdepuis PROBENlUS, COSTE, RELLY et autresvoyageurs adeptesd'acrobaties sur les rochers des Alantika, nous a paru mériteroutre magnifiquesde photos (GARDl), une Ctude particulière,non pas simplement parcuriosité pour un despeuples lesplus préservés du Nord-Camerounmais surtout pour la manière dontces hommes ont su maîtriser au mieux un * milieu difficile. Il y a 19 un acquisdelatradition camerounaise, un Clément du patrimoineculturel qui devait être consigné avant son ineluctable disparition. 182

Leslimites de cet article ne ROUS permettent Bvidemment pas d'6voquer m&ne rapidementtoute l'information recueillie depuis 1979 : procCdCs techniques(architecture, mapnnerie, vannerie, mCtallurgie, tissage,poterie, chasse et pêche, pièges, agriculture, ut culinaire,etc.), organisation sociale, rituels, initiations, thérapies, esthBtique (danses,musiques, masques, peintures murales, parures corpore%les,etc.). Appuyé sur unlexique sGr, uncorpus de proverbeset dephrases d'exemples, de très nombreux croquis et photographies, leportrait diitaill6 des Kom a -@ Zmb 3 prendforme actuellement, peut-Ctre au momentmême où le désenclavement du cantonde Wangaï parl'ouverture d'un pontpermanent sur le Faro vaprécipiter l'abandon des villages de la montagneuneet acculturation aecC1BsBe. 183

INSTRUMENTS DE MUSIQUE ET RELATIONS INTERETHNIQUES DANS LES MONTS DU MANDARA

Vhniyue de COLOMUEL CNRS

L'hypothèse d'un rapportentre les instruments demusique funéraire mofu-gudur d àn j 5 ou n j àri j 5 en voie de disparition (cités dansBARRETEAU etSORIN 1976), etceux des Fali-Tinguelin tond j i m'dom et nond ji m'dom, trèsutilisés pour la mort etles initiations(cités par GAUTHIER 1968)est possible, bien queces deuxgroupes soient géographiquement éloignés l'un de l'autre, que leurlangue soit defamille différente, que lesinstruments considéréssoient différents (voir tableaux}, et quedans un casles appellationsdifférencient deux 'instruments, mais que 'dans l'autre elless'appliquent apparemment au même.Phonologiquement et phonétiquement n j = nd j. Lesdentales initiales t et d alternent, dans les deuxcas, avec des nasales n j et n. Chezles Fali-Tinguelin cetteopposition t / n exprimerait,peut-être, une marquede sexe : t O y "père", n O y "mère" (GAUTHIER 1968).S'agirait-il donc d'une diffusion à partir du groupefali ? Mais,d'autre part, en d'autres régions,une nasalisation exprimerait lelangage des esprits des mortsl; undialogue instrumental vivants-morts ou humains-esprits ou ancêtresconviendrait pour des funérailles et également pour une initiation.Afin de chercher de nouvelles preuves, il seraitnécessaire d'enquêter dans l'espacegéographique qui sépare les deux ethnies et lesdeux langues (on sait que lechef de Gudur épouse des femmesgidar, plus sud...),au pisterou d'autres échanges linguistiques etculturels directs entre les deux groupes considérés. Quelrapport ce rapprochement de termes a-t-il avec l'hypothèse d'un anciencentre de diffusion culturelle au sud-estde Mokolo, ou

1 Hypothèseévoquée par G. GALAME-GRIAULE, lorsde la réunion de son équipe,en nov. 1986, et confirmte par lacommunication de C. NGOURA sur Ie vouté. 184

PARENTEOSMOTIQUE

,, ,, 0 mOrne tangua (dialecte) X-X X-X mhefamille de langues(langues) -+convergence actuelle ou osmose croissante divergence actuelle ou osmose dkroissante - - -) - - osmose actuellesecondaire -,+ - - -)- osmose ancienne en voie de disparition (les chiffrer sont ceux du recensement de 1976)

Carteextraite de : X.71FJ31A iG.) et PLATIEL (S) éd , 1980, Dialectologie et comparatisme en Afriq R~lre,Actes des journéesd'étude tenues au Centre deRecherche Pluridisciplina. ze ''1 CJFS, Ivry (France) , 2-5 juin 1980, Paris SELAF, Oralité-Documents 2, -_.. 2, &ZJ 185

avecl'importance du lieu depassage qu'était Gudur ? DesFali- Tinguelinseraient passés par Gudur, dit-on. Nous suggéronsce filon propre à exciter bien descuriosités. Mais il n'estpas en notre pouvoirde le suivre. Avis aux spécialistes de la région.A titre d'exemple, il permet, pourle moment, de montrer,en introduction, qu'uneanalyse comparative des instruments de musique et de leur dknomination,de leurs domaines d'utilisation etde leur fonction, toutcomme une comparaison des structures musicales, pourrait être d'unenseignement précieux pouréclaircir les relations interethniques et envisagerquelques visées historiques, Un objet tel quel'instrument de musique laisse moins prise que d'autres aux travauxarchéologiques, car il est laplupart du tempsfabriqué avec desmatières périssables, peau, fibre végétale, écorce, bois et rarementen fer ou enargile. Certaines flûtes sont jetées après usage.On pourrait douter de leur aide en ce qui concerne les profondeursdes remontées historiques. Pourtant leur dénomination, leurlien avec les donnéesculturelles, dans l'ensemble peuvent être des indices.

Letravail que nous présentons, ici, est une ébauche de comparaison,issue d'enquêtes faites par nous-même, 2 la même époqueque le tournage du film : Afuneciya, ou cycle agraire et musical en pays ouldtnzd (1977-78).Les études sur la musique, danslesmonts Mandara, sont très rares : articleun de J.-C. GAUTHIER sur la musique fali. Desrenseignements épars, plus ou moinscomplets sont disséminés dans quelques monographies : surles Muktélés (B. JUILLERAT1971), sur les Mofu-Gudur (D. BARRETEAUet L. SORIN1976), sur lesMafa (comm. pers. de Y. LE BLEIS, 1986). Pour les Ouldémés,nous possédons des fiches techniqueschacunde instruments, des contenant des renseignementsdescriptifs des objets, deleur confection, des informationsorganologiques etculturelles, fiches qui ne peuvent figurerdans cette publication.

1. L'IDENTIFICATIONDES INSTRUMENTS DE MUSIQUE

L'identificationd'instruments de musique pour la comparaison estdélicate. Une description complète de l'objet aveccroquis et photos ri l'appui,sinon présentationla des objets, n'est pas superflue.Pour les Fali,nous avons eu lachance de trouver un inventaireapparemment complet, avec des dessins ... malheu- reusementsans titres nilégendes ! Pourles autres groupes, il a dû y 186 187

INSTRUMENTS DE TUUXES SAISONS

trompe sifflettraversière de Za.mort avoir des omissions surtout en cequi concerne lesflûtes, les cornes, lessifflets et les sonnailles. Les descriptions sont peu nombreuses et la variation dans la rdalisation de l'objet d'ungroupe ii l'autre rend son identificationet la comparaison dglicates. Ilfaut avoir recours parallblement 5 tous les niveaux : niveau instrumental, musical et culturel.

Les mem branop hones utilisCs par les OuldémCs sont de deux sortes : l'une en formedetonneau avec double membrane (9 w h II d h r 3 y 5 2 t i m et tambours de guerre), l'autre en sablier ou cintrée avec une seule peau (dé, 5cfawà).

, g w 2 n d 2 I 3 J S (voir confection et jeu dans le film Afan eciyee , bobine 2, s&pence 3 etbob. 2, sCq. 9 et 17). - Son corps (2 4 à 4 "os")a uneforme de tonneau ; il est soit enbois de Bz'agà, BzIkw ou iify211d2vSl avec une paroi droite, soit en calebasse (s bwii) avec une paroi incurvée. Ses dimensions sont les suivantes : €3 = hauteur 25 à 50 cm, D = dimètre : 27 5 54 cm. - Il possbde unedouble membrane (Imb'a 1 ), en peau de chèvre, de cob de Buffon ou d'antilope, soit lacde par des millets perc6s sur . le bord de la membrane, soit avec des lagages passant par un cerclage rigide en tige de bois (f ê r f I r). Les lanikres (2 t s 'i w i r) sont en peau de vache. P - La percussionest obtenue par une baguettede bois (5 d 5 g à y). L'instrument est tenu en bandoulihre sur le devant du corps.

1 Les bois utilisespour d 6 w 5 d è wà sont les suivants(le numeros rBfBrant B l'hcrbier de 400 échantillons, confectiond par nous même) : 12, B z è g 5, Vitexdoniana, Verbenacée ; 211, % z B k w, Pterocarpuserinaceus, Papilionactk ; 46, hb à n d à v à , Ficus poprdifolia, Moracée ; 61, mb à r à k, Ficus

dicronastyla, Moracée ; 162, al 5 b %? Hyphaënethebaïca ; 72, Fm5 t ad, Ceratofhecasesamoïdes, Pédaliacée, pour le cerclage ; 213, m8k 1 k3f , Erutkrinasygmokfea, Papilionacée ; 25 b à 1 g Bm, Bolnbax cosfatunt, Bombacte ; 96, t s 5 r 2 y, Khaya senegalensis, MeiiacBe ; 66, t s B t s èm, Vigna unguiculara, Papilionacee ; 13, mbvll BwBk, Stereospermunrkunfhianum, Bigoniacée ; 90, ad 5 1 â r, Craterareligiosa, Capparidacte. Le choix Btendu ou limitB d'un bois poue un instrument n'est pas toujours sanssignilication, outre la raison de sa taille. 189

- 11 estjoué par les hommes, enensemble detrois tailles différentes (ou multiplesde trois) : le grand (abé ha), H : 50 cm, D: 54 ; le moyen (î d'ambà), H : 30, D : 32 ; le petit (Zkw5dàrEhë), H : 25, D : 27. Il existe une formulemusicale pour chacun des trois. - 11 est réservé à la f2te du tenps nouveau (w 3 1 2 m2 t d y à ) pour accompagner lesdanseurs, et aux entrainements de ces fêtes qui ont lieu en saisonsèche de janvier à mars (voircalendrier).

dé w 3 dB WB (voirconfection et jeu dans le film Afaneciyn, bob. 2, séq. 3, 9, 17, 18). - 11 a uneforme d.e sablier.Il est en bois. Ses dimensionssont : hauteur : 45 à 75 cm et diamètres : 20 et 15 ii 33 et 25 cm. - Unemembrane couvre le petit diamètre (15 h 25 cm). Elleest lacée sur un cerclagede bois et tenduepar des lanières passées d'aborddans ce premier cerclage, puis dans un second,fixé ii l'autreextrémité du sablier. - La percussion est la même que celle de gwàndàr3yB. d'aw5dèwàest tenu sousl'aisselle. Des variations de hauteursont obtenues par pressionsur les lanières et par changement detension de la peau. - 11 estjoué égalementpar les hommes et parensembles de trois (Zg6hë,T d5mb2, ZkwjdàrEhE), avec une formulemusicale pour chacun des trois. Son jeu s'associe h celui de gw2 nd à r 3 y B. - 11 estréservé B la fête du temps nomear~,avec entraînement h la danse,ainsi qu'auxfunérailles.

à t lm (voir Afaneciyu, bob. 3, séq. 9). - Il est confectionné comme gwà n d à r 2 y B, ri l'exception près que ses peauxne sont pas rasées. - Jouépar les hommes iigés, il est rCservé aux rites fun&ruires et aux sinlulucres de combat.

Lesaérophones sont de sept sortes chezles Ouldémés. Leur embouchure est simple ou biseautée.Certains ont un jeuen hoquet. Ils sontessentiellement liés aux cultures, 1'1 lavie végétale et amoureuse.

irmb 'a 13 'J gwà r à (voir confection et jeu dans Afuneciyu, bob. 3, séq. 3). - C'est une flûte en terrecuite, ri formephallique, ri embouchure en biseauet 5 troistrous de jeu localisCs dans l'extrémitéfermée dite "tete de pénis" ou "gland" (y 1 r màmà II).Cette flûte est tenue verticalement. 190

- Elleest jouée par trois adolescents. (ou multiplesde trois), par ensembledetrois tailles différentes (10, 15, 20 cmde long actuellement,et autrefois 12, 18,5 et 25 cm),avec uneformule musicalepour chacun des trois.Elle se jouefréquemment en duo. Il existe un airouldémé avec des variantes. - C'estla flûte des pre"ludes ie lu vie ve"g&taleet amoureuse quise jouede mars B juin,jusqu'au dernier binage, au puits, sur le chemin,sur un rocher. Elle est accompagnée d'un chantdont les paroles"vous trottent dans ]la tête"mais ne se chantent pas. Chacunles connai't : ellessont lelangage de la fli-ite (voir Afuncciya etplus loin).

B z I w^a 1 i (voir Afmeciya, musique de gCnCrique du film). - C'estune flûte (ou sifflets)en gros roseaux, en provenancede la régionde Garoua etvendus sur le marchi. Elle est B embouchure simpleet B l'extrémitébloquée. C'est une flûte de pan B neuf tuyauxindependants, detailles différentes (longueur : 11,5 2 37cm), du nom de Edig, nzskw, ndIw5gIy9dbEr6rC, yàr ZwjfI, hngày, Bnz2r,wir i kàmbl, kw@rërI (voirenregistrement sur cassette).Elle est tenue verticalement. - Elleest jouée par neuf jeunes gens, qui utilisent neuf formules s'imbriquant en hoquet. 11 existetrois airs ouldCmés, avecdes variantes. - C'est laflûte des semailles (mai),jouée la nuit, par 6yuipes ambulantes, dbs lespremikres pluies, jusqu'au premier binage. Elle est aussi utilisée pour les rites de v i nd '@m T md d 3 r 3, prCludes A lapluie qui autrefoisdonnaient lieu B une fête.

z 2 1 b q (voir jeu dans Afaneciya, bob. 1, séy. 2 et 7). - C'estune flûte de roseau (Saccharum spontane~~m,Graminée, appelée 5 z 5 i 2 9 ), typeflûte de pan, h embouchuresimple, B l'extrémité bloquée. Elleest tenue verticalement. - Elleest jouée par lesjeunes filles, par ensemblesde trois jeux de

deuxtuyaux de tailles , diff6rentes(six tailles : longueur 46 et 43 cm, 34 et 31 cm, 22,2 et 21 cm). Chaque joueuse &net, ensus, un sonvocal d'une hauteur différente decelle de ses deux tuyaux. Il existetrois airs ouldémésavec variantes. Sontjoués quelquesairs des groupes voisins. - C'est la flûtede la croissance du mil jusqu'hsa maturité (mai A octobre). Elle estinterdite dès la coupe du mil. Elleest absente desfctes. Les jeunesfilles en jouentsur les cheminsqui mènent auxchamps, et au repossous un arbre.Elle dialogue avec les t I 1 a kwày des jeunes gens (voir Aftrnrciya, bob. 1, séq. 2). 191

t 11 dkwày (voir jeu dans Afaneciya, bob. 1, séq. 2 et 3). - C'est uneflûte en écorce', seule à avoirles deux extrémités libres etquatre trous de jeu. Son embouchure est simplement ouverte et sa position de jeu horizontale ou oblique. - Cesflûtes de troistailles différentes (45, 60 et 75 cmde long) sontjouées par trois musiciens ayant chacun sa formule. Il existe un air ettrois variantes. Des chants les accompagnent lors de la fête de d à f à b 'a r à. Il peut aussi y avoir des jeux isolés à unou deuxjoueurs. - C'estparmi les flûtes des cultures, celle du cycle total du mil, depuisle premier binage (juin) à l'ensillage (janvier). C'est laflûte des fiangaiIles, des rites z àvà TJ où lesjeunes gens et lesjeunes fillesseretrouvent dans les mils pour goûter ensemble les premiersépis sucrés et encore laiteux, de la fêtedes récoltes (dàfàb'arà), des rites de vind'amïmàw3lèrJ au moment où l'on détachel'épi mur et sec de la tige avant lebattage et où. on le disposedans un enclosde pierre (màw'a 129) (voir Afaneciya, bob. 1, séq. 13). Autrefois,ces rites donnaient lieu h unefête. Cette flûtese joue donc h lafois en groupepour rythmer la danse, ou isolémentsur le chernin et au repos sur un rocher.

d Zn Znà (musique dams Afaneciya, bob. 1, séq. 8 et 14). - C'est une flûte de bois (Id5 1 1 r (2), 11 I h 5 r Iw, AIZ?~O~~Zsenega- lamis, Anacardiacée),de petite taille, à embouchure en biseau, h trois trous de jeu, à extrémité fermée. Elle est taillCe enforme de canecoupé h l'extrémité.Elle est ornée dequelques motifs géométriquesincisés ou pyrogravés. On la tient verticalement. - Elleest jouCe par lesjeunes gens, seuls, ou plusfréquemment h deux ou trois(10, 12,5 et 15 cm delong). 11 n'existepas d'air ouldémé. - Sontjoués des airs empruntés aux Mbrémé, Mouyang et Douvangar.Est-ce uneflûte récemmentempruntée ? - C'est un instrument de saison sèche, utilisédepuis la maturité du mil(septembre) jusqu'au débroussage (mai). Moins lié au cycle agraire etaux rites que les autres, son jeu couvre lamême

Les écorccs utiliskes pour t I 1 fi kwà y viennent des arbres suivants : t s 3 r I y, m5vàlàwik,abàndlvà, lsEtsèm (2), 153, filàh5,lant~eu microcarpu, Anacardiacte ; 169, 6 i 1 i v i , Ziziphus mazcrirania, RhamnacCc ; 10, m'a 6 i r , Cassia singueana, Ctsalpiniackc ; 82, m3ng i b i ,Ficw abutifolia, Moracec ; 37, Znë në, Sclerocaria Dirreo, Anacardiacée. Sont aussiutilisees les tiges de mil Bvidées par dcs tcrmitcs. ?i Ird x .aa m IO r; 193

périodeque celui de la harpe. Son timbre aigu etstrident, vif et sec,comme celui du grillon,est présent aux époques de coupe du

' mil,de battage et d'ensilage. Comme la harpe, il estabsent des fêtes.

à s à g à 1 à ou à 8 àg à 1 à 6 3 s lm (voir Afuneciya, bob. 3, séq. 9). - C'est un siffletde bois (id5lir, ih5riw) ou decorne (riwik "buffle")fait par les Mofou et vendussur le marché.Actuellement lebois remplace progressivement lacorne. Son extrémité est fermée. Il n'y a pas de trou de jeu. 11 est joué verticalement. - Existanten cinq tailles, il permet 5 "partitions",pour un air accompagnant 1 t 'im et mè bè 1 è I].Son jeu peut le rapprocher d'une flûte de panjouée par cinq personnes. - C'est un siffletpour funérailles. Il accompagne la danse.

m2bB 124 (voir Afaneciyu, bob. 2, séq. 16 et 18). - C'est une trompetraversière, faite en corne,trouée ri. l'extrémité, pardes forgerons. - Elle est jouéepar les hommes Sgés. Elle existe en trois tailles, mais estactuellement souvent isolée. - C'estla trompedes funérailles et de la fête de la nouvelle année. Elleaccompagne la danse.

11 n'existe qu'un cordophone :

kw8 r nd2 (voir Afuneciyu, bob. 1, séq. 5, bob. 3, séq. 8). - C'est une harpe h cinqcordes, comme dans les monts Mandara et au Nord-Cameroun. La caisse de résonnanceest en bois (mb 3 r à k, Z 5 2 nd à v à (2), m3 h i r i,Ficus lemur-dii, Moracées) et couverte d'une peau de chkvre ou de darnan des rochers. - Elle se joue seule ou ri plusieurs,de la coupe du mil aux semailles, comme d Sn Zn à, de septembre h mai, ri. l'occasion dessérénades où ellese fait souvent accompagner de chants.Elle existe en trois tailles. Enplus de leur air propre les Ouldémésjouent les airsdes groupesvoisins et surtout un airmouktélé. Est-ce parce que les habitantsdeSama, lacapitale ouldémé, apprécient les jeunes filles ou lesfemmes mouktélés qu'ils vont courtiser lors des marchés '?

Les idiophoncs ouldéméscomptent quatre instruments h secouement et un h percussionavec un battantattaché : deuxsortes dehochets, pour main ou cheville, une sortede sonnailles ou grelots pourchevilles, des sistres et desclochettes. 194

wl t 8 5 y% (voir Afa~zeciya,bob. 2, séq. 2). - C'est un hocheten calebasse, tenu ii lamain, utilisé par les femmes pourrythmer la danse des fztes.

kwZdZdi5 (voir Afaneeiya, bob. 3, sCq. 9). - Ce sontdes hochets de cheville, tressésavec des fibres vég6tales attachées ii unepastille ronde découpée dans une calebasse (D : 10 h 15 cm).Les graines résonnent contre cette calebasse. - Lesfemmes ouldémés les utilisent pour rythmer les danses l~ funCraires. Lesvoisins rnadas les utilisentpour les fgtes.

hE%dh5nxEis - Cesont des sistres en fer, tenus B la main par leshommes pour rythmerla danse des fêtes.Ils disparaissent avec les forgerons. 1. 1. Ik 1 t Ib (confection et jeu, Afaneciya, bob. 2, séq. 3 et 18). - Cesont des grelots de cheville,tressés par les femmesdans les feuilles de palmieret remplis de graines (de 46 5 v 2, Cassia forra, Césalpiniacée, 335 BmSd, Vigna sinensis, Papilionacke). - Ilssont utilises pour les fztes par les femmesouldtmés et gwendklésde tous Bges.

t B t B 1 Zq (voir Afaalzeciyu, bob. 2, séq. 13). - Cesont des clochettes de cuivre,portées en banclouli&re pour , rythmer les dansesde fêtes etd'usage rare.

Un certainnombre d'Cléments dedescription peuvent 2tre des indices sur leplan de I'histoire etdes relations interethniques : l'usage rarequi peut etre dû h un emprunt ou h une perted'usage, un changementd'usage qui peutrCvéler uneorganisation antérieurede la sociCté, le fait que I'instrunlent soit r6servC 11 une ethnie ou comnlun & tousles groupes voisins, le fait qu'un groupe utilise ses airs peopres ou ceuxdes groupes voisins ou les deux, la liaison plus ou rnoins 6troiteaux rites d'un groupe consid&ré. Plusieursinstruments ouldém6s sontintéressants sous cet angle. Mais esquissons unecomparaison avec les groupes voisins pour préciser cesdivers points. 195

1.2. Instrumentsde musique dans les monts duMandara

Nousavons dressé un premiertableau comparatif avec les renseignementsencore très incomplets, uniquement donnés parles Ouldémésetleurs amis des ethnies voisines rencontrés sur le marché,et recueillis en 1977-78, lors de mes traversées des monts du Mandara. Ilsseront à compléterpar d'autres spécialistes de la région. Pourles Fali, nous avons utilisé l'étude de J.-G.GAUTHIER. Un secondtableau, celui des dénominations dans six langues provient des sources citées plus haut. C'est dece second tableau que nousavons tiré le rapprochement desinstruments fali-tinguelin et mofu-gudur.

Examinons ce premier tableau. Dans l'ensemble de la montagne on retrouveavec un écart plus sensible pour lesFali, les mêmes tambcmrs, lesmêmes sifflets, les . mêmescornes, les harpes, quelques mêmes sonnailles.Peut-on déduire de cette concordance qu'ilssont proto-x ? J.-G. GAUTHIER quiavait remarqué des constantespour ces types d'instruments chez les différents Fali, étaittenté par cette explication, enles caractérisant deplus traditionnels.Les flûtes seraient-elles moins traditionnelles et d'innovation locale ? Nous ne le pensons pas. Le tambour d'aisselle seretrouve dans la civilisation musulmane ! Lestraits physiques desflûtes sont peut-être davantage modifiables parce que périssables, mais leur fonction culturellel'est-elle ?

- Smb 'a 1 3 IJ gwà r à estspécifique aux Ouldémés. Est-ce une innovationindividuelle ? J.-P. LEBEUF nous a communiqué qu'une flûte semblable avait été trouvée chez les Massa B Houlouf, dans une fouille.

- 6 z î wî 1 î et à 8 à k à t s à sont utilisés dans notre échantillon chez les Ouldémés et les Gwendélés. Nous savons que les Gwendélés, s'ilsn'abandonnent pasleurpropre langue, abandonnent progressivementun certain nombre de leurs traits culturels pour assimilerceux des Ouldémés. Leursfêtes propres n'existent plus. D'autrespart, nous avons noté qu'B z ï wï 1 ï étaitautrefois l'instrument des rites et des danses de Y 'and 'am T mà d 'a r 'a. Les rites de v à n d 'am sontanciens et donnaient lieu,dans le passé, aux fêtes ouldémés.Ils sont encoredétenus par un clan autochtone, les Matsabayam, occupant le massif avant l'arrivée d'Ag a d z a v a r n d a , l'ancêtrefondateur dechefferiela actuelle, arrivée qui peut remonter à 360 ans, lors de laconstitution du royaume mandara. ~~ x++x ++ xx ++

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Lesesprits dits v 'and àa agissentsur la pluie et les cultures. Autrefois,les fêtes de v 'a n d àa étaient au nombrede trois : v 'an d 'am i mà d à r 'a, fête du débroussageet du débutde la pluie (aà d 'a r B : périodesèche, période de la renaissancevégétale qui précède les pluies), vjndàm T m5dzi hZy, celle de la coupe (m5dzi) du mil (h FI y), v 3 nd 'am î màw'a 1 E IJ, celIe de la coupe des épis pour les remiserdans les enceintes de pierre (màw'a 1 é IJ),tâche qui précède le battage. 5 z ï wî 1 i estencore jouée sur toute la montagne ouldémé avecla mêmefonction qu'elle avait lors des fêtes de v 'a n d 'am i màd à r 'a, mais la conscience se perd, bien qu'il soit encore affirmé que lesesprits de v à n d 'am agissent surla pluie du Maîtrede lapluie actuelqui est obligé de demander aux Matsabayam d'accomplir leursrites. Cette flûte (9 sifflets),très inscrite dans latradition ouldémé,d'apparence physique semblable h d'autresutilisies sur la montagne,possède une organisationoriginale basée sur neuf unités et un typede jeu en hoquet que nous n'avons pas rencontré alentour.Cette originalité n'est pas nécessairement lesigne d'une innovationlocale plus ou moins récente.

- t X 1 6 Lwà y existe, nous ditnotre enquête, dans deux sous- groupesdeparenté linguistique (tchadique), dans des ethnies voisines. Il enest de même pour B z B 1 2 9, maisles ethnies concernées ne sontpas exactement les msmes.

- d iSn è n à pourrait être,pour lesOuldémés, un empruntassez récentpuisqu'ils nejouent, d'apr&s eux, avec aucun aird'un répertoirequi leur est propre, mais des airs mbrémé, mouyang et mofu-Duvangar,comme fontle aussi lesGwendélés. Quelles relationsinterethniques existeraient entre les Mofu-Davangar et les Ouldémésqui ne sont pasvoisins ?

Lesecond tableau, luiaussi incomplet, en plusdefaire apparaîtredes correspondances linguistiques etdeconfirmer la largediffusion decertains instruments révèle des instruments marginauxqu'il n'était paspossible d'obtenir enpartant de 1'échantillon ouldénlé.En effet, il existedes tambours sur piedvers le sud des monts Mandara : chez les Mofu-Gudur (b à t à k) et chez les Fali-Tinguelin ( t O n d j i m 'd O m et n O n d j i m 'd O m) pour les funérailles, chez les Mafa (hu d O kw) pour des danses au clair de lune après la fête du maray(mars ou avril)jusqu'aux semailles (informations épistolairesrécentes de Y. LE BLEIS). Rappelonslebalafon des Mofu-Gndur,autrefois utilise pour les funérailles, actuellement rare (el à n j 2 ou n 1 n j 5 ), dont nous avons par16 enintroduction. Les tambourssurpied viennent-ils dum6me type derelations interethniquesque celles évoquBes, enintroduction, pour le rapprochementlinguistique des Mof~-Gudur avecles Fali '? Une enqueteserait necesaire au suddes monts du Mandara.

Lesconstantes sûres, temoinsd'une largediffusion de certains instrumentssont les suivantes :

- Leshochets de fibres tressees pourchevilles : kw 26 2cf 2, kwasadi,mjkwèdè~wèd~,LweckwEcér. Chez les Fali, l'objet a étC très exactementdessine par GAUTHIER, mais il n'apas Cté nommé dans la langue. Si son nom avaitdénote une correspondance linguistique avecles termes de langue tchadique, cela aurait eu pournous une incidence sur I'anciennete, la rapidité et le sensd'une diffusion (notonsle rapprochement possible .de k w c c k w 6 c 6 r et kwI t s 5 kw5 t s I y 5). L'origine onomatspgique de ces termes est évidente. Ce hochet estinutilisé par lesFsuh5 de Maroua. En cequi concerneles autres sonnailles les constantes annoncées au tableau1 ne seretrouvent pas. Il peut y avoirdes variantes, mais aussi des omissionspartdesauteursla de cesinstrumentscar d'accompagnement ne sontpas primordiaux. Le hochet calebasse est très rCpandu, entreautres cllez lesFoulbé de Maroua. Parcontre les sonnailles mCtalliques sont de plusen plus rares et demandent une enquEte systematique.Notons que le sistre a CtC rencontl-C chez les Mafa,mais que les grelots de feuilles de palmier n'ont pas Cté signales ailleursque clnea lesBuldém6s et leurs voisins GwendéICs, assimilCs li eux.

- La harpe h cinq cordes : kwsrnd?, nitin, ginjiivàl, gandzavar, k i n d i n g k i n d i R g , pour lequels on peut faire les rapprochements linguistiques suivants : n 2 (de n i Z i ml, g 5 n j 5 v 2 1 et g a n d a. a v a r (/nj/=/nda/),et peut-Etre nd desautres termes. II se peut qu'on puisserapprocher aussi kw5rnd3 et kindingkinding. La large diffusion de cetunique cordophone semble sûre. Maisl'enquête linguistiquedemande h êtreétendue aux autres groupesde montagnardset approfondie. Notons quele mot fulfuIdC mo 1 u r u est dit venir du mot haoussa mo 1 O 1.

1 D'intkressantcs informationsnous sont vcnues "en derniCrc Ilcure", grricc h. BoubaOusmanou, foulbé dc Maroua,vivant h Paris,qui nous les a présentécsavec beaucoup dc circonspection : cc sont des souvcuirs d'enfance ct d'adolesccnce qu'il n'est pas possiblc de vkrifier B dislancc. 199

- Lestambours à deuxpeaux sont présents partout avec des nomsdivers,gwàndàrày6,goneri,mzàr,ganga,etntduraietni buli chezles Fali. Notonsla suite d'archiphonèmes G, N, R entchadique. Pour les tamboursd'aisselle à unepeau les correspondances linguistiquessont plus proches : déw5d3w3, dewdow, degégéw,mais g a ng g a ng . Ce dernier rencontré chez les musulmans et également en g3mn4më sous le nom de déqdéqa (interventionde M. DIEU),serait l'objetd'une probable diffusion dont l'examen approfondi reste à faire.Notons encore le rapprochement g a n g a (mafa,pour un tambour à deux peaux) et g à ng g à n g (mofu-gudur). Le mot fulfuldé kalangu(tambour d'aisselle) est dit venir de la languehaoussa (H).

- Quantaux trompes etaux sifflets souvent en corne,leur présencesur toute la montagnea été affirméedans le tableau 1 où letravail d'enquête a été fait à partir. de langueslocales. Parcontre, il a étédélicat d'établir le tableau 2 à leursujet, à partir de travaux d'auteurs,car la terminologieest multiple : corne,flûte, sifflet, trompe ... Ilfaut dire que dans une corne on peutpercer un trou, ou

Nous les présentonstelsque. Chez les Foulbé Maroua,de les mcmbranophoncs sont au nombre de deux : m b a g g u, un tambour h deux peaux, ka 1 a ng u, un tambour d'aisselle dont Ic nom seraitd'origine haoussa. On rencontredeux cordophones : m O 1 u r u, uneharpe pour sirinades, pokmes, louanges du chef,dont laracine m O 1 O serait haoussa et la terminnison r u fulfuldé, g a y g c r u ou g c g e r u, UIIC vitle avec une caisse de résonnance en calcbasse dont lad6nomination vient du haoussa, g O g O "frotter". Parmi les abrophoncs g a ^s i , une trompe dedeux nlktrcs est exclusivement rbscrvte au chef,au suilan ; g a ^s i veut dire "le voici" en haoussa. A 1 g a ï t a, une trompette. dc trentecentim&trcs est utilisbe, mais nonexclusivement, pour le chcf,accolnpagntc dc mh a y g u, le vendredi ; son 110111 vient tic l'arabe. Ci d a 1 est un cor en fer decirquante ccntimklres, au tuyi~u recourbb h I'extrémi16 : 011 l'utiliseaccompagnt d'un hochct- calebasse pour les danses ; il ne sert pas pour Ic chef ; il est d'origine bornouanc. Wom b c r c, qui est un terme fulfuldc, dbsigncune flûte de roscau pour bergers ct chasseurs. Il existe aussi un grand nombrc decors en corne (1 uwa 1 ) de vache ou de buffle. Ko n k i c 1 est une sonnaille h deux cloches sur lcsqucllcs on frappe ; elle est comnlunbmentrcncontr6e au Cameroun et au-delh, conme le hochct-calebasse. Parmi Ics idioplloncs, il existenussi un instrument i frictionfait en tigede mil. A Maroua,un balafon est jou6 par les Tchadiens appclé Sara et descorncs-sifflets droites par les montagnards. II cst trbs significatifpour qui connaît l'histoire des Peuls et dc leurs chefferies que les termes conccrnunt les instruments pour le chcfsoient identifiis comme provenant du haoussa (g a '"s i), ou de l'arabe (a 1 g a ï t a) et ceuxconcernant Ics instruments des bcrgcrs soient fulfuldc (w om b c r e). Lescornes proviennent dcs bdtcs detroupeaux. 200

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I I 202

plusieurstrous, ou pas de trou du tout. . Dans le premiercas, il s'agit d'uncor ou d'unetrompe, si l'onsouffle par letrou, dans le deuxièmecas, c'est une flûteet dans le troisigme, un sifflet.Avec un morceau debois en forme de c6neévidé on peutobtenir les mêmes instruments.On lepourrait aussi avec un roseau. Mais quedire quand unecorne est jouée en position sifflet par l'extrCmit6 largeet qu'untrou h l'autreextrCmité luipermet d'utiliser deux sons (mafa) ? Quanddeux roseaux du typesifflets sans trou sontjoints et jouéspar uneseule personne (5 z B 1 è q), il s'agit d'une flûtede pan ! Neuf tuyauxde tailles différentes joués par neuf joueurssont dessifflets dont l'ensemble forme une flûtede pan ! L'Ctude des structuresmusicales devraient alimenter ces comparaisons.

Une autredifficulté pour la comparaison est le remplacement de la corne par le bois. 2 s à g à 1 à (ouldémé), $ e g 1 a (mouktélé), et peut-Ctre mb 6wà k (mofu-gudur),sont des sifflets B l'origine encorne et devenus progressivement en bois. Pour mb 6 w à k (mofu-gudur), les renseignementsne sont pas donnés.Mais la consonnance du terme est celle de l'appellation de bêtes B cornes (mb à k 1I , r ZwZk BwB k etc.). k Cwa 1 et m 'b O n O sont en écorce ou en bois. Pour ces sifflets, l'air vibre surl'ouverture, du c6téde la partie large de la corne ; l'autre extrémitén'est pas percée. Ils sontutilisés pour la mort. Les FoulbC perçoiventces sifflets comme rCservés aux montagnards.

- Laflûte en corne est absente chez les OuldCmés : d C n 6 n 2 est 1. en bois. Mais elle est présente chez les Mafa (ngwa 1 am, flûte en corne demouton, percée detrois trous, jouée ensaison sèche et correspondant h d 2 n 2 n ii), et chez les Fali (t i f i g i m, percée de quatre trous,jou6e pour 1'amitiC et l'amour). Quant auxsifflets ,? e g 1 a et mb O w a k, il estsignal6 par lesauteurs qu'autrefois, l'un deces instrumentsétait utilisé 8 la maturit6 du mil, etque l'autre l'est actuellementpour une fête de finde saison des pluies. Serait-ce des équivalentsdes flûtes de saison sèche qui sont jouées apr2s la maturit6 du mil,dès septembre ? Wou serait-ce une confusion entredeux sortes d'instruments ? Sans description de l'objet,nous ne pouvons en juger.

- Les flûtes de roseau (5 z 2 1 2 'J , ma d i 2, z i 1 f. q) et les flûtes d'écorce (t z 1 dkw2y, ta 1 okway, cià I àm) n'ont pas été signalées chez les Mafa.Ces flûtesdes cultures ont une grandeimportance dans le cycleagraire etles conceptions ouldémés (voir description des instrumentset ci-après). II semblequ'il en soit de même pour les 203

Mouktélés où ma d i ^z est liée à la croissance du mil et t a 1 a kwa y à sa maturité, chez les Mofu-Gudur où z i I 6 et 1à 1 àm sont sorties pour la fêtedes récoltes. Les auteurs neprécisent pas s'il existe un calendrier"exact" pour l'usage des instruments. Chez les Fali, il existe une flûte semblable à t 5 1 6 kw à y, à quatretrous de jeu et à deuxextrémités libres, utilisée pour accompagner les "chants d'amour'', sans plusde précision. Pour ces flûtes, les Ouldémés avaientfait une omission en ce qui .concerne les Mofu. Il serait intéressantde vérifier si cessifflets de culture sont réellement ou non unecaractéristique culturelle des montagnards. Sont-elles présenteschez tous ? Existe-t-ilquelque part une équivalence des Zmb 5 1 5 q gwà r à et 6 z Twï 1 i ouldémés avec une fonction jouée dans le cycleagraire ?

Contrairement à ceque suggérait GAUTHIER pourles Fali, il sembleraitque les instruments qui seprésentent comme des constantessoient des instruments de largediffusion. Les sifflets seraientpropres aux montagnards sans être réservés augroupe tchadique(voir Fali : groupeadamawa) ; quant auxflûtes des cultureset au calendrier de leursusages, ils mériteraientune étude comparativeplus approfondie.

2. DOMMNES D'U1'ILISATION

Lesdomaines d'utilisation desinstruments musiquede reflètent la structurationd'une société et ses activités. Les mêmes typesd'instruments ont généralement le même usage d'un groupe li I'autre, de procheen proche, selon les normes d'osmoses nécessaires (2 sens)dues au voisinage et à laparenté culturelle initiale. La mise enparallèle des différents niveaux, "objectal", linguistique, et culturelmontre desirrégularités : ex. 1, un rapprochement linguistiqueentre Fali-Tinguelin et Mofu-Gudur (non voisins)pour desinstruments funéraires l'existenceet d'un balafon entant qu'instrumentfunéraire B Gudur ; ex. 2, desnoms haoussapour certainsinstruments denlusique foulbé ; ex. 3; l'isolementdes Emb 5 1 5 4 gwà r à ouldéméset la découverte d'une flûte semblable dansunefouiHe, chez Massa.les L'étude desrelations interethniqueset l'histoire devraient apporter une explication à ces discontinuités. 204

. Lesconstantes rencontrées pour les usagessont les suivantes, si l'onreprend lesrubriques de GAWTHIER, pourpermettre la comparaison. - POUPla mort etles funbraiIIes, ilest utilisé des tambours spCcifiques, surpied ou non, dessifflets de bois ou de corne. Les usages sont les naSmes dans le groupetchadique et chezles FaIi, maisaucun instrument pour funérailles n'a 6té signa16 chezles FoulbC dontla religion est différente. L'absence de sifflets chez lesMafs et le balafonmofu-gudur seraient des discontinuitCs, et les tambours sur piedune variante "sudiste". - Pourles Iz0nneurs du chef sontcommunthent utilisBs des tambours.Chez les Fali y sontajoutés des cornes, des trompes d'influencemusulmane et foulbd. Les FoulbC de Marouautilisent pourleur chefune grande gamme d'instrumentsdont l'un g a % i (termehaoussa), lui est réservé et un autre a 1 g a ï t a (terme arabe)est toujours utilisé le vendredi. Pour qui connaît l'histoire deschefferies peules l'influence est claire. Les honneurs du chef sont comparativementsobres dans la montagne. - Pour l'anlili& et 1'anz011r, sont utilisesune harpe h cinqcordes danstous les groupes et Cgalement chezles Foulbé, desflûtes h trousjouées en saison sèchepour certains, en saison des pluies pourd'autres, ou les deux. Cegenre de flûte existe chez les FoulbC, pour les bergerset les chasseurs, en contactavec la nature. - Pour lu guerre, il existe partout destambours spCciaux. - Pour les anci?fres, sontutilisés, chez lesFali, des doubles cloches. A OuldCmé, desclochettes le sont pour divers esprits. Mais rien n'a Cté signal6 pour le reste de la montagne. - Pour les gCnies, lesFali utilisent deux sortes de sifflets. A Buldémé les b 3 z à v '@nd 3, auraient Ct6 charnl6s avec '5 z ï wï 1 i neuf sifflets en flûte de pan et L i 1 B kwà y une flûte.Ailleurs les renseignementsmanquent.

Dansl'ensemble, les enqustes sont encore trgs insuffisantes pourpoursuivre une Comparaison, indispensable en cesdomaines. Retenons la nécessitéd'une continuité gdographique pour déceler les discontinuitks ou desruptures d'osmoses, pour savoir si l'on a h faire B une diffusion ou au contraire ri des innovations locales. Pour Cvaluerune rupture de continuitk, il fautavoir J6rerminé in continuitkrelative d'une région ou d'unensemble considCr& en la confrontant B d'autres.Ainsi, s'il y avaitd'autres balafons dans les monts du Mandara,celui de Gudurn'apparaîtrait pas comnle une discontinuité. 205

A dessein,nous allans confronter grossikrement les domaines d'utilisationdes chants ouldémés et pygmées. Nous y verronsune ruptureculturelle incontestable. Les Ouldémés chantent : - pourécraser le mil sur lapierre - pourbattre le mil (empruntgwendélé) - pourles fêtes (des récoltes, et du temps nouveau) - deschants d'amour B la harpe - la mélodie de Zmb 'a 1 3 q g wà r à (non chantée) - deschants familiaux : contines, berceuses.

Lespygmées (voir S. AROM) chantent pour lachasse : - avant le départ, on siffledans une corne pour capturer la force vitaledes animaux à attraper.Le rituel comporte Cgalement quatrechants. - pourl'appel de chasse, on chanteafin de maintenir le contact entreles chasseurs et effrayer les bêtes. - pourle retour, on chantepour annoncer une bonnechasse. - on chanteaprès la captured'un éléphant.

LesPygmées chantent aussi pour un rituel de rkcoltede miel (11 chants),pour des danses, des funérailles, des berceuses et des événementsfamiliaux.

Dans un groupeculturel encore autre, chez lcs FoulbC de Maroua, la musique et les chantssont poIarisCs surles louanges du chefou d'un grand, l'apparition du chef,les rites religieux qu'il dirige. Desspecialistes, les griots,en sont lesacteurs.

A OuldCnlC etchez les montagnards des monts du Mandara, c'est la culture du mil et la NconditC de la terre,l'attente des pluies, en un mot lecycle agraire qui structure l'usage des instruments de musique.Chacun y participe. A OuldémC, il existe un calendrier musicalstrict, emboîté dans le calendrierlunaire dont les dCnominations se réf&rent au cycleagraire.

L!ne des grandesfonctions de la musiquechez les Foulbé de Marouaest de réassurer l'autorité du chef et l'autorite religieuse, chez Ics PygmCes de rythmer les activit6scollcctives, Ics dCpIacernents divers et de rt5ggIer le rapportavec ceux avec qui ils collaborent, le rapportavec I'anirnal 4 chasser leet gCnie 4 amadouer.Chez lesOuldémés, musiquela est un moyen 206

d'encouragerl'harmonie essentielle et indispensable, entre l'homme et l'univers. Dansle langage du quotidien,les 2ges de la vie sont associes au rythmedes saisons, et la fertilité du sol et L'abondance, h la fCcondité dela femme et & l'importance de sa descendance.La musique y a son r61e.

1. Les Pges de la viesont associes au rythmedes saisons. C'est cequ'exprime 1'Ccolier dans sa lettre (Afaneciya, bob. 3, séq. 12), lorsqu'ilmet en douteles bienfaits de l'éCole : "Et puisj'oublie le langage dela montagne, le son de la flûte qui meparle du mil mûr et de la grande FrCongnoa quidoit partir en mariage".

2. Fertiliteetabondance sont associés . h féconditéet descendance.C'est que cecontiennent lesparoles rituelles prononcéespar Tchédeffa, avant le vannage, lors des rites au pied du grenier (Afaneciya, bob. 1, sCq. 14) : "Esprits de .l'abondanceet de la fCcondit6, soyezbienveillants B not.re égard.. . Quenotre mil soitabondant queet nos enfants nous donnentbeaucoup de descendants".

3. L'idéald'harmonie de l'homme avec l'univers est exprimé parles BuldCmés quiremarquent les rCussites particulièresde ce typed'harmonie. Donnons h titred'exemples quelques passages d'Afanee iya. Petit Issa, filsd'afaneciya, a Cté conçu lorsdes semailles 1977 (bob. 1, sCq. 1).Ceci reprCsente une rkussite particulièredes influences reciproques, essentielles, entre l'homme et la nature.Ces conjonctions heureuses sont prometteuses. Cette harmonie a étéde nouveau exprirnCe parl'empressement etles 1. parolesde compliments des jeunes filles et des jeunes femmes qui entouraientAfaneciya lors du vannagesur la pierre.Le plaisir Clait aux yeuxde tous devant legracieux corps nu decette femme enceinteen train degrossir au gre du vent untas de graine de mil (voir Afa12eciya, bob. 1, s6q. 14). L'atmosphère etait h comparer aveccelle qui règne autour de nos mariées en blanc, reine de la fête dans un systèmede valeur différent.

4. La musique est un langagequi affirme cette harmonie : (voir ci-dessous et 5) "... le son de la fliite (voir e 2 1 B kwh y) qui me parle du milmûr etde la grande Fréongnoa qui doit partiren mariage...". En plusd'affirmer cette harmonie, il l'encourage : "elle me parlede...", contrairement 5 l'école,qui retarde les mariages,empêchent les Ccoliers deremplir leurs devoirs auprès des beaux-parents, devoirs quis'étendent sur de nombreuses années avantla conclusion d'un mariage. 207

5. La musiqueagit sur cette harmonie. Elle a deseffets fécondantset' vivifiants ri lafois sur l'espritet lecorps de l'être humain, comme sur la germination.Elle agit surles sources de la vie,tant sur la pluie que sur les '!humeurs", tant sur les grainesdes plantesque sur la fécondité humaine.Donnons l'exemple du jeude la flûte imb5 1 5 r~ gwà r à. Le' nom de cette flûte B forme phallique veut dire"elle fait revivre lebélier" avec une allusioncertaine au géniteuret aussi au bélierde lapluie, ligendaire, et li l'époque qui précèdeles premières pluies. C'est il cetteépoque encore sèche qu'uneremontée de sève provoque une sorte de bourgeons et de pousses,comme un élan devie, avant la venuefécondante de la pluie. En accord avec la nature,le chant decette flûte fait dire ri un jeune homme : "maverge commence B s'échauffer,qui me donnera unefemme ...'Il. Cetteflûte B formephallique, qui symboliquement fitit revivrele bélier de la pluie,encourage cet élan devie qui mène ri la germination et ri lafécondité. On saitque bonnombre d'instrumentsde musique africains peuvent Ctre dicritsen termes se rapportant aux organes sexuels. L'extrémité de Xmh 5 1 5 9 g w à r à est appelée y à r màm à IJ ou "prépuce". La conceptionouldénlé justifie la forme phallique de 3mb 'a 1 3 XJ g w à r à . Cette conception générale, latenteen Afrique,est plus ou moins exprimCeou décelablesuivant lesgroupes ethniques*.

ChantdcAmh515g gwàrà: TtEdelongi: thrello ! Dans les champs, Ics Sama ddbrousscnt. TErcho ! Moi, sans fioncéc,qui va m'apporlcr, aux champs, dc quoi mlugcr ? Thho ! C'cst la famine du grenicr sccll6. Et ma vergecommcncc h s'échauffcr. Oh ! In peinc dans la poitrine. Mbigé ! Qucllc fcmmc m'apportera h hoirc '! Mbigé ! Que ccttc fillc cst bcllc ! Mbigd ! Micuxvaudrait dormir dans unc cavcrnc. Micuxvaudrait dormk sous un arbre. Lcs gcns dc mon clan vont-ils m'aider ? Qui va mc donncr unc fcmmc ? Mbig6 ! Voirdans "Introduction ii In musique nfricainc" par G. CALAME-GRfAULE et B. CALAME, ta revne mrrsic*afc, no sp6cial 238, 1957, p. 8 : "Dc luelne qu'elle a des cffcts béuCfiqucs sur l'individu, porteur dc graincs et de gerrncs de vie, de mêmc ces cffcts SC rbpcrcutcut sur le monde CII parliculicr sur Ics graines &CS champs,en vcrtu du lien &roi[ qui unit l'homme et Ic grain." p. 15 : "Si la signification profonde dc la musique cst l'union dcs piincipcs m5le ct fcmclle, il apparaît yuc I'csscntiel dc son cfficacikk est d'assurcr la f6condit6. En eflct. la phpart des manifestationsmusicatcs tl;lns les rituels ou Ics tcchniqucs ont pour but dc contcibucr B la pErcnnité des hommes, ct plus spbciakmcnt du grou-pc. La musique cst un dkpassement dc la mort, 6. Uneautre dimension de la fonctiondel'instrument de musiqueouldémé pourrait etre un langage (prikre, liturgie) destiné B s'allierdes forces surnaturelles pour assurer fertilitC et féconditC. Lesjeux de flûte, par exemple, pourraient être une séductiondes esprits ougCnies v 3nddm pour qu'ils agissent surla venue de la pluie. On auraitaffaire B unepratique symbolique et magique, mettanten contact avec les forces surnaturelles (voir l'usage des orguesetdes harmoniums). Les instruments de musique auraient unevocation sacrCe, magico-religieuse,limitée aux rituels. Les OuldCmCs n'exprimentpas leur fonction ainsi. M2me si â z ï wl 1 l et t 5 1 5 kw2 y éraient utilisees lors des rites et des fêtes de v 'a n d "a, il ne semblepas que cette fonction soit en premier plan. Avant tout la musiqueest un langagequi aide l'Clan vitalet l'harmonie avec la nature dont ellesuit et exprime le cycle (voir chez les Dogon).

Nousavons fait cedetour par laconception ouldCm6 dela musiquepour montrer que, dans ce cas, un calendrieragraire et musical n'estpas fait de decoupages artificielsdeprogrammes accolCs, où la musique feraitl'objet de dela planification d'un dCcor pourles activitCs agraires.La musique, active et intigrCeaux activités,est justifiCe par un soubassement de notions culturelles. Nous pensonsque la confrontation au sein des groupes tchadiques seraitintéressante B cesujet pour affinerl'objet de comparaison et detecterplus exactement lescontinuités et lesruptures. Un calendrieragraire musical et existe-1-il ailleurs avec une organisationaussi rigoureuse et les mhes implicationsculturelles ? Est-ce pour rien que le son de la flûte t i f i 9 i III (fnli, non-tchadicluc) dit "criarddans l'aigu", et cclui de d 2 n 6 xi 2, aigu ct strident, vif ct sec, comme celui du grillon,comme les vibrations de l'air en saison skche,soient remarquables pour ces m2mes sonoril6.s 7 Tousles niveauxsont B convidkrer : l'instrument, sa dCnominqrion, son rimbre, lastructure musicale, le cadreculturel. 209

On nepeut comparer des morceaux de bois ou d'argileentre euxsans les situerdans leur contexteculturel. On peutcomparer des thèmes dechants, des paroles de rites,l'étymologie des noms d'instruments ... sans compterles usages scrupuleusement décrits quidemandent une connaissance approfondie des . sociétés considérées.

Uneflûte à quatretrous, faite en écorce,utilisée en Indepour cilarmer un serpent, ou aupôle nordpour pêcher unpoisson, n'a pasla mêmesignification culturelle, même s'il s'agit d'une même base de séduction. Par contre,quand il y aura sur les pistes assez de résidusdecadre devélo réutilisables queet les Ouldémés apprécierontde se fabriquerune flûte qui dure quelques décennies, ils joueront encore de la t i 1 5 kw à y, tant que l'école ou l'usine ne les enempêcheront pas !

REFEKENCES BIULIOGKAI'HIQUES

BARRETEAU D., L. SORIN-BARRETEAU - 1976 - "Recueilde littératureorale chez les Mofu-Gudur, population du Nord- Cameroun". CahierQRSTOM, sér. Sci.hum., vol XII, n02, pp. 103-1 11.

CALAME-GRIAULE G., B. CALAME - 1957 - "Introduction à l'étude dela musique africaine". Larevue musicale, no spécial238, Paris : Richard-Masse Cd.

GAUTHIER J.-G, - 1968 - "Essaisur la musique des Fali, population kirdi du Nord-Cameroun". Bulletin de l'Associationfrancaise pour les recherchesetles études camerounaises, t. 3, Bordeaux : Fac.des Lettres et Sciences Humaines.

JENKINS J. (ed.) - 1970 - Ethniemusical instrunlents : Identification, conservation.Instrun~ents de musiqueethnique. London : HughEvelyn forthe International Council of Museums.

JUILLERAT B. - 1971 - Lesbases de l'organisationsociale chez les Mouktélé(Nord-Cameroun) : Structureslignagkres et mariage. Paris : Mémoirede l'Institut d'Ethnologie VIII. AROM S. - 1980 - Anthologie de la musique des Pygnztes Aka (Cemsrafrique). Paris : Radio-France,Distribution musidix- europe,Disque avec notice.

BEL V. de - 1986 - Afaneciya OU cycleagraire et musieal en pays o~ddtnse*- Fil V. de COLOMBEL, montépar L. DAILLY et A. , post-produitlepar CNRS- AUDIIOVIISUEL et le LACITO, Paris, 8 mm couleur, lh45.

COLOMBEL V. de - 1987 - Musique du film "Afaneciya" ou eyc;le agraire et musical en pays ouldhC (Nord-Carnerozm). Paris : LACITO, Edition encours, cassette, 1h30.

DISCUSSION

Annie LEBEUP - Une flste de même type qu'zmb 'a 1 5 q gw 1 r à a été trouvée dans une fouille B Houlouf, chez 1;s Massa.

Jean-PaulLEBEUF - Qu'il y ait un. mGme ensemble d'instcmentsde musiquedepuis le nord des monts Mandara jusque chez les Fali au sud est certain. II1 faut voir les collections du MusCe de 1'Honnnle. Pourlachasse, les Falifont usage de grandes trompes. Les clochesdoubles des Pali ne sont pasempruntees aux Bata, comme le dit GAUTWR.

JeanBOUTRAIS - Il seraitintéressant de faireune 6tude comparativedes thhes musicaux.

Michel DIEU - Le tambour d'aisselle se dit en wuzlm d E w 'a d è wà. Il se dit en g 2mn 4 md d 6 q d 8 q 1. Entre les deux formes le linguiste peutfaire un rapprochement : laseconde ne diffère de la . premièreque par une nasalisation ... Qu'untel instrument gardeson nom par-dela lesfronti&res linguistiques (le g "r mn4mE est une langueadamawa) me semble être un indice enfaveur de la thèse de l'empruntet de la vaste diffusion de la chosedeetsadénomination nonet en faveur de l'appartenance de l'objet et deson nom ii unstock primordial commun(proto-tchadique en l'occurrence). 211

Daniel BARRETEAU - Le groupeadamawa a pul'emprunter au tchadiqueinversement.ou Remarquons l'origine ,. onomatopéique de ces termes. - - Attention au terme "mofu" qui ne veut rien dire sans précision. Sept langues "mofu" existent.

' 213

TRADITION O-RALEET POUVOIR RITUEL CHEZ LES VAME DU NORD-CAMEROUN

Olivier NYSSENS

Au cours d'unemission de recherche de deux ans, j'ai récolté desinformations chez lesVamé'. Ces données permettent de préciser la composition etles caractéristiques de ce groupe ethnique du sud massifdu Morade (province l'Extrême-Nord,de département du Mayo-Sava) à proposduquel on nedisposait que de données'limitées.

Eneffet, les premières informations ramenées des "Kirdi de Mora"par leMajor DENHAM (1828 : 320,358) et par M. LEIRIS (1932 : 153-158) étaientanecdotiques et fragmentaires.

Desdonnées plus systématiques et comparatives remontent aux prospectionsethnographiques de J: MOUCHET maisune ambiguïté persiste à proposde la définitiondes unités ethniques dans cette mêmerégion.

MOUCHET (1947 : 124) considéraitle massif deMora comme un seulensemble formé de sixlignages dans lequel il incluait,pour se conformer à l'orographie,les quartiers de Vamé et de Mbrémé qui parlent une languedistincte de celles des quartiers du 'nord du massif.

Cettedistinction linguistique a probablementfond6 la création, enoctobre 1949, par J. VOSSART, administrateur en poste à Mora, desdeux cantons distincts de Mora-massif et WaméBrémé.

Cesinformations ont été glanées en pays vamé au coursde deux missions ethnologiquesconsacrées h 1'6tude desrites funéraires : la premièrede mai 1981 B mai 1983, la deuxikme enfévrier et mars 1986. Jeremercie ici le ComitkdeDéveloppement de1'Evêché deMaroua qui a financémon premierséjour derecherche. 2 14 215

IMPLANTATION DES LIGNAGES VAME

"jujubier du rhume"

I t 1 I O 1 km - Base topographique 1 .G.N. 216

Enaoût 1952, P.-L. BLANC, stagiairede 1'E.N.A. chargéd'une mission de deuxmois dans le massif de Mora, affirmeque "les crithes utilisespour d6gager les deux cantons de WamC BrCm6 et deMora-massif necorrespondent ii riend'organique'' (BLANC 1952 : 15).Ailleurs, il notecependant que le cantonde WamC Brémé a uneunit6 plus accusCe quecelui de Mora-massif (ibid-, 1952 : 4).

E'annCe suivante,on retrouve sous la plumede MQSSART (1953 : 28)une simple mention des VamC c6toyantcelles des Podokwo,Mora, Hurza et Maya.

Il fautattendre la publication,en1965, del'étude de geographierégionale de A. HALLAPRIE (1965 : 6) pourvoir mentionnCspour la premièrefois les Vamé Mbrémé entant qu'ethniedistincte. Cependant, l'information ii leursujet est tellement lhit6e que J. BOULET (1978 : 160)et W. LUIUS (1973 : 10) n'y fontqu'une brève rCf6rence.

Untournant dans la connaissance decette régions'amorce avec unenouvelle vague d'études comparatives en linguistique et en architecture. D. BARWETEAU (1978 : 303)classe les parlers vam6- mbrémC et hurza dansle même groupe mafa, brancheBiu-Mandara, de la fanaille tchadiqueet V. de COLOMBEL établit la similarité presqueparfaite desparlers "mbr6mé, ourzo et gwendC16" (COLOMBEL 1982 : 117) et formulel'hypothèse de la présence anciennedeces trois groupes sur unmême sol, avantleur séparationbrusque.

Ch. SEZGNBBOS (1982 : 62-63)décrit brièvement l'habitat vmC-mbrCrn6 en l'associant 2 celuide leurs voisins Mora et hsurzo.

Quisont donc les habitants du sud du massifde Mora, quelles sontleurs origines, en quoiforment-ils une entit6 ? Je vais tenter de r6pondre ii cesquestions en decrivant la situation actuelle et en y rapportantdes 6léments de leur tradition orale.

J'espbrecontribuer ainsi 2 l'assemblage du puzzleethnique du nordduCameroun fourniret des ClCments auxlinguistes et archéologues. 217

Leterritoire vamé est situé ii l'extrémitéseptentrionale des montsMandara, dans le département du May0Sava, à 7 km au sud deMora, à unealtitude s'étageantentre 450 et 950 mètres (I.G.N. 1/50000). Il s'inscritdans un carré de 3 kmde côté.

Selondes estimations basées sur des relevés récents de la perceptionde l'impôt, les Vamé compteraient actuellement environ 3500 individus.Le tableau suivant donne une idée de l'évolution démographique,au cours des quarante dernières années, des deux populationsvivant sur le massif de Mora.

AnnéeVamé Mora Total Source

1946 - 3 123 Recens. adm. (MOUCHET 1947 :125) 1948 13991948 2038 3437 Recens. adm. (BLANC 1952 : 18) 1952 14491952 1899 3348 (BLANC 1952 : 18)

1964 12001964 2300 3500 Recens.adm. (BOULET 1978 : 154) 1976 25001976 1O00 3500 Recens.adm. (COLOMBEL 1982 : 104) 1985 35001985 - - Percepteur (comm. pers.)

Surles montagnesvoisines vivent au nordles Mora, B l'estles Hourzo, au sud les Ouldémé etles Plata, à l'ouest les Mouktéléet les Podokwo. Levoisinage mandara s'étale en plaine du bourg deMora auxvillages de Ouarba et de Jilvè.

Sixlignages exogamescomposent actuellement l'ethnie vamé. Il s'agitdes 'Zoulé, des Ndrémé,des Doumwa Ndakwaza, desMbrémé, desMabar deset Afam. Ces lignages forment des groupes résidentielsétablis sur des versants distincts.

Le mariage,virilocal, se pratique 8 la façonguidar soit "à petits pas",soit "par vol'' (COLLARD 1979 : 47), cettedeuxième modalité ne s'appliquantqu'aux femmes mariées. II existecependant des arrnrdsentre lignages quiinterdisent lemariage par vol. Lesbiens nlatrimoniaux,jadis constitués par des houes rituelles (a g êm 218

I 1 E y ow) 1 sont remplacées depuis environ trois g6nCrationspar des thallersde Marie-ThCr&se (9 u r B a ). Cescaractéristiques sont communes aux Mora et aux Hourzo.

Conpirement B cequi est constat6 dansdes populations du nord-ouest des monts Mandara9 les forgerons vamC, aujourd'hui tres peu nombreux, ne sont ni fossoyeurs, ni castes. De même, la poterie et l'art d'accoucher ne sont pas le privilège d'une caste 'de femmes.

La fête du .taureau,si &pandue dans la rCgion nord-ouest des ' montsMandara, est inconnue des Van16 quic6lèbrent, comme les Mora, une fQte "champ de guerre" (f a d i h am a. ) qui suit un cycle variable de trois, cinq ou sept ans.

Les $ramé pratiquentla divination par lespoulets et par lejet de brins depaille selon un procéde analogue ii celui d6crit par J.-F. VINCENT (1971 : 79-83) chez les Mdfu. Ils n'utilisent ces deux procedes quepour leur usage personnel car aucun QamC ne pratique la divination B l'usage d'untiers. Dans la plupart des cas, les VamC ont recoursaux devins des groupesvoisins (Doumwa, Hourao,Plata et OuldCmé) dontcertains repr6sentants se sont installés,parfois depuis plusieurs gCn&ations, dansdes quartiers Vame.

Ce sont les ahCs du lignage ZoulC qui exercent les fonctions de Maître des cultures (ma B 1 E) et de Maître de la pluie (b ay J E v i q) etqui, par ce biais, ont une autoriterelative sur l'ensemble des autres lignages. Lalutte contrela sorcellerie exerce par ailleurs un contr6lesocial permanent.

Le Maître des cultureseffectue des ritespour l'abondance du mil et pourchasser les chenilles. Ilditermine B cet effet des jours de repos rituel. C'est 6galement lui qui annonce la finde la pCriode des semaillesavec le semoir-gourde (3 8 1 i v a ) etle début de la p6riode du deuxième sarclage. 11 célèbre lesrites ,des prémisses en consommant le nouveaumil, les jeunes feuilles de haricot et les premiers gombos. Aprèslui, toute l'ethnie c6lèbre alors la fête du gouday (9 ud a y). Il dorme le signal de la récolte et la conclut en battant son mil, ce qui declenche la fête dite sesemdday (5 a 8 amcfa y).

Ce type de houe est analogue h celles qui circulaient chez les Plata et dont Ch. SEIGNOBOS (1984 : 572) prisente unereproduction. 219

Certainsde ses champs sont cultivés par des délégations des différentslignages. Leur produit permet au Maître descultures de nourrirde boule etde désaltérer de bière de milles représentants ( s 1 a k ana) des différents lignages qui viennent chez lui à l'occasion decélébrations rituelles.

Le Maître des cultures a pouvoir sur le rhume (m i n d y e g E n), quireprésente l'impureté rituelle. Il a égalementpouvoir sur la pluiemais l'exerce de fasonsupplétive, laissant cet office au Maître de la pluie qui, comme lui, appartient au lignage Zoulé. Leurautorité s'exerce à la saisondes cultures mais on fait appel 2 leursconseils ou arbritagemême en saisonsèche.

Le Maîtredes cultures a bien lesattributs que R. LUKAS (1973 : 467)reconnaît au Chef deterre mais il n'intervient pasdans la répartitiondes terres dont propriétéla estquasi-individuelle commechez les Mofu (VINCENT ' 1982 : 296) etles Ouldémé (HALLAIRE 1971 : 46).

A côtédecette domination rituelle dulignage Zoulé, un membredu lignage Ndrémé exerceaussi une charge rituelle qui concerne tous les Vamé : il gère la fête sadak2 (s a dak E) qui a lieu au début dela saisondes pluies. Cette célébrationest associée à la consécrationdes nouveaux autels domestiques et. ouvrelecycle agraire.

TRADITION ORALE

Latradition orale dont j'ai récolté des Cléments dansles différentslignages, traite à la foisdes mouvements migratoires et desrapports mutuels entre lignages. Sur ce dernier point, comme au niveaugénéalogique, la tradition aurait, à mon sens,,un rôle plus légitimateurque historique.

Envisageons.successivement les traditions de chacun des six lignagesconstituant l'ethnie vamé afin de dégager la structuration deleurs rapports. 220

A) Le lignage zoulC et le pouvoir ritucl

Les Zoulé se disentoriginaires de Nzavadalang. Ilssituent cet endroit en direction sud-est. Le motif de leur émigration n'est point cir6. A leur arrivCe, ilss'installèrent au pied du massif un emplacement où croîtaujourd'hui un remarquablejujubier appel6 "jujubier du rhume". Plustard, pous seprotéger des razzias mandara, ils s'établirent sur la montagne.

Le lignage ndrémé s'installaaussi sur la montagne. Un conflit éclataalors entre eux et les Zoulé. Selon la tradition aoulé,les NdrCmC n'étaient pas satisfaitsdes pluies engendrees parles rites zoulé. Au contraire, la versionndrémé pretend que les ZoulC, lorsqu'ilsrencontraient une épouse des Ndrémé, pariaientsur le sexe de l'enfant 2 naitreet vérifiaient aussitSt l'issue du pari au couteaul. De meme, ils s'appropriaientles peaux des chèvres des Ndrémé, laissant la bête CcorchCe regagner sa bergerie.

Lesdeux versions se rejoignentpour dire que les Ndr6mC agirent par la ruse, carles ZoulC avaient l'avantage du nombre. Ils profitèrent dela csmplicit6 d'une de leurs filles mariCe B un Zoulé2. Celle-ci signala B sesparents le départ de ses alliés pour les champs du bas des pentes. Les NdrCmC incendi5rent alorsles habitations des ZoulB. Ils massacr&rent aussiles enfants restes 5 la maison ainsi que les grands-parents qui les gardaient.

EmpCchCs de remonter chez euxpar la fumée (...), les ZoulC prirent lafuite vers le massif de Mbuko. LB, eux aussi usèrent de rusepour "raser tous leurs hdtes sous un rocher3, leurravir leurs femmes et leurs richesses.

Ce thbme estaussi rencontré chez les Mafa (MARTIN 1970 : 35). YOSSART (1953 : 35) signaleque les Wandala eurent recours h la même stratigie pourexpulser les Maya de Doulo. Aguejavernda,conqubrant paysdu oukd6m8, supprima mêmelade manibre le' lignagequi d6tenait le pouvoir sur territoirele ouldém6 (De COLOMBEL 1986, $ 1.1.2.b). On peutrapprocher cet acte d'un sacrificede prise de possession de la terre. En effet, SEIGNOBOS et TOURNEUX (1984 : 16-17) rapportent que sclon la tradition baldamu, l'ancêtredes Baldamuprit possession du massifBalda enimmolant fillesa au piedde la montagnecequi provoqua un éboulementde rochers quirecouvrit son corps. Ils rappellentaussi (ibid. : 17) que dans les cit6s riveraines du Logoneet Chari, unejeune fille ou des jeunes gens 6taiententerres dans la muraille de la citti, scellantainsi la fécondationde la cité et assurant sa protection. 22 1

Aprèsquelques années, les Ndrémérestaient mécontents de la qualitédes pluies qui arrosaient leurs cultures.Ils partirent ainsi à la recherche d'un Zouléafin qu'il accomplisse les rites de la pluie.

Unvieux Ndrémé produisit alors un garçonnetzoulé qu'il avait cachéchez lui. Cetenfant avait assisté son père lors des rites. 11 donnalapreuve de ses capacités en faisant apparaître quelques grains de mil de sa chevelure. Il fit tomber lapluie pour les Ndrémé enéchange de l'assuranced'avoir lavie sauve.

Outrelerite pour lapluie, lesurvivant zoulé indiqua au Ndrénlé le moment propice à la fête des prémisses, à larécolte et à sa célébrationfondant ainsiles rituels célébrésactuellement.

Plustard, on lui donna une femme qu'il put épouser sans acquitterde compensation matrimonialel. Sadescendance compta quatrefils : Maga,Zaré, Aslémérh .et Bawa, ancêtresdes quatre segments de lignagezoulé actuel.

Magaperdit son droitd'aînesse car il souffrait de monorchidie. Son pèrevoulut lelivrer aux Mandaraafin qu'il nenuise pas ;i la féconditéde ses frères mais sa mère lecacha chez ses propres parents.Bawa, le benjamin,hérita de cette fapn du pouvoirde son père.C'est ainsi que les fonctions de Maître des cultures etde Maître de la pluiereviennent au segmentde lignage cadet.

Ce rCcit Cvoque ainsi la contestation du pouvoirrituel du lignagezoulé entretenue par le lignage ndrémé que les Zoulé considèrentcomme une insatisfaction permanente. Récemment encore(vraisemblablement dans lesannées trente), un conflit, semblable à celuidont parlent les traditions orales, reprit entre ces deuxlignages. L'avantage du nombreétait cette fois en faveurdes Ndrémé.Pour nepoint livrer combat, les Zoulé quittèrent leur territoireréfugièrentseet sous protectionla desautorités admïnistratives.

Ils furentrelogés par ces mêmes autorités au pied du massif mouyang o.ù ilspasshrenf quelques années. Petit à petit ils revinrentdans leur pays où ilsont repris leur position et leur pouvoirrituel.

Chcz Ics Guidar dc la rCgion de Guider, commechez Ics Moundang, les chefs Cpouscntsans acquitter de compensationmatrimoniale. (COLLARD 1979 : 59). 222

Siles Ndrémécontestent l'efficacité du pouvoirdes Zoulé sur lespluies, les Zoullé contestent Cgalement le prétendupouvoir de la @te sadakk mdrémé sur lemil ; ils soulignentque cette Rte fut importêedu massif hurzo par un membre du lignage ndrkmé. Cet hommeavait étéinvité A une cé1Cbration chez unami hurzo ; ravi parles rCjouissmces, il demanda B son ami le droitd'exporter la fgte. Il acquittace droit en luioffrant une chcvre. On lui repro,che d'avoir, par la suite, cédé ce même droitaux Mora.

En outre,le Maître des cultures, lui-meme un Zoul6, nie que la fite sadd& puisseavoir le moindrerapport avec l'agriculture. Il lui reprocheden'être qu'un pur gaspillage deressources. Cette cClébrationoblige les orphelins à degrands fastes l'année où ils viennentde perdre leur pbre alorsque lacélébration des rites funéraires les a déjh contraints & de lourdes dCpenses.

Un seul ClCrnent dela tradition orale situe laposition d'un des autreslignages vamé lorsde la premi6re querelle de la pluie ; le lignage mbrémC rapportequ'une deses filles mariCe chezles Zoulé recueillitles objets utilisés pour le rituel de la pluieet vint les abriterchez son plre. Les Mbrémé restitulrent ces reliques au retour des ZoulC.

Aucun 61ément généalogiquenepermet desituer de façon fiableces événements. Les gCn6alogies relevCes dans tous les lignagesconcernés remontent en moyenne h cinqghérations.

Ilse peut queles Zoulé se rattachent aux Baldamu des massifs de Balda et Zawaye. En effet, 61 Zawaye,on appelle les Baldamu des Zoulé. Desmouvements de populations ont eu lieu dans ce sens puisqu'uncertain Makadagr, chad de Balda par ICYfangalam, partir, selon la tradition baldamu, vers les montagnes du Mandara (SEIGNOBOS et TOWRNEUX 1984 : 15). Ils s'installa SUT le massif muyang vers 1775 (R. LUKAS 1972 : 60-61).

Outre ZouE et NdrCmé, aucunautre lignage ne semble avoirde responsabilitCrituelle au niveau de l'ethnie. 223

U) Le lignage ndrémé

Outreles Cléments quenous avons déjàabordés à proposdes conflitsde pouvoir entre les lignages zoulé et ndrémé, la tradition orale du lignagendrémé situe leur origine chez les Mouktélé Gwazla.

En effet,les Ndrémé disent que leur ancêtre vivait dans le pays mouktélévoisin. Il avaitplusieurs fils dont un étaitsorcier. Celui-ci ensorcelaitses frères en produisant de la lumière pendant la nuit. Commele coupable n'avouait pas son méfait, le père décida de l'abandonner. Un soir,il réveilla alors sestrois autres fils et prit la fuiteavec eux. Cependant le quatrièmefils les suivit en flairantleur traceet les rejoignit. Leur père leur suggéra de le tuer mais ils refusèrent. Ils s'installèrentensemble d'abord au point leplus élévé du massif de Moraet descendirent ensuite sur leur site actuel.

Chacundes quatre fils est l'ancêtre d'un segment de lignage actuel.Cependant, selon la tradition orale, les descendants du frère sorcierfurent répartis dans les trois autres segments. Une partie de cesdescendants fut même revendue aux Mandara qui l'aurait livrée à l'esclavage.

Cerécit qui a en cornmun aveccelui des Zoulé de justifier la mise B l'écartd'un des quatre segments, netrouve pas de correspondantdans traditionsles mouktélé rapportées par JUILLERAT (1968 : 95). Pourtant,le lignage ndrémC ne prendpas d'épouses dansle lignagegwazla de Mouktélé en justifiant cela par leurparenté. Les MouktélC sontpar ailleurs invités par le lignage ndrémé h la grande f&te sesemday qui a lieu en saisonsèche.

Un autrelignage est aussi mentionné par la tradition orale des Ndrémé. Il s'agit du lignage IrlékwCnyé quiest considéré comme occupant du sol ii l'arrivée du lignage zoulé. Cinq autresgroupes les auraient prCcédCs successivementdans l'occupation du massif.

Lelignage mkkwényé étaitoriginellement établi au bas des pentes de l'actuelquartier du lignagezoulé. On dit que Ies tessons depoterie du piedmont zoulC sont les tracesde leur établi.ssement. 224

Leurdernier reprkentant, Grndal, seraitmort il y a une cinquantained'années sans laisser de descendants.Les rites que celui-ciaccomplissait furent repris par un membre du lignage ndrCmC.

La traditionorale du lignagembrémé, comme celle du lignage dam, nefournit pas deveritable rCcit d'origine. Ils disent&tre moukt616 commeles Ndrkmé etprétendent mgme être arrivés avanteux. Leur rCcit se résume à Cvoquer leurexpulsion du pays mouktCl6 parGamdaga. En effet, il existe un lignagegamnaga chez les Msukté1C (JUILLERAT 1968 : 95).

On trouvedans les quartiers mbrémC et xfam des"djiddel" qui sontdes amoncellements de dCbris depoteries. Ces djiddel sont des signestypiques du pouvoir des sociétCs deplaine et seraient, selon Ch. SEIGNOBOS,les seuls exemplaires connus en montagne2. Ils serventaujourd'hui ii desrites d'unité lignagbre.

Lelignage mabar fournit un rCcit d'origineriche en dgtnils. Son originese rattache au lignage macabayam du paysouldémé voisin.3

LesMabar furent chassCs du pays suldémépar Aguejaventdn, princemandara qui conquit ce pays. Ceci est confirmépar la traditionorale r6coltée chezles Buldémé par V. de COLOMBEL (1986, $ 1.12). Alors quecertains de leurs frbrestrouvaient refuge soit dans le massifhourzo soit dans le massif muyang, les Mabar furent admis il résider ri leuremplacement actuel par le lignage mbrémé. Les généalogies mabar, profondes de 10 ou 12 ghérations,

1 Ph. STEVENS, communicationpersonnelle. * Ch. SEIGNOBOS, colnmunicationpcrsonnellc. J. LUKASsignale dans l'introduction a son rravnil sur In languc dcs BoudoumaI'cxistencc d'une population portant le nom de Mnbar (Mobhcr). "Dechaque côté de la ceinture ouest des Knncmbou SC trouve In rtgion kanouri,populationla principalc du Bornou ; B Komodougou Yoobe se trouvent les Mabar (Mobbcrj." (J. LUKAS 1939 : 7j. 225 confrontéesavec celles relevées par V. de COLOMBEL1 dansleur lignaged'origine (Macabayam, quartier de Dibon), ne présentent aucunpoint commun.

Pourtantles Mabar et les Ouldémé-Macabayam se considèrent toujoursparents : l'interditde mariage subsiste entre eux etle décès d'un de leursnotables est l'occasionde visites etde cadeaux fraternels.

D'autrepart, les lignages mabar et macabayam affirment tous deux&tre frères de la panthère et del'éléphant. Comme eux, ils seraientaussi issus du rocherouldémé.

On connaît l'importance et la diffusiondans les ethnies voisines, de la parentédes Maîtres de la terre avec la panthère ou lelion (FOURNEAU 1938 : 172 ; ICHAC 1964 : 409 ; JULLERAT 1971 : 63 ; MARTIN 1976 : 78 ; VINCENT 1986 : 205, 210).

E) Le lignage afaln

Comme je l'aisignalé en parlant de la tradition du lignage mbrémé,le lignage afamne fournit pas non plusde récit d'origine. C'estdans la tradition d'un autrelignage que l'on trouve un récit concernantcelle-ci. En effet, les Mabar racontent avoir recueilli un jour un garçonnet égaré. Cetenfant était issu du paysmada et appartenait au lignagetazang.

LesMabar demandèrent alors ri leursvoisins du lignage mbrémécequ'ils devaient en faire.Les mbrémé suggérèrent de l'installer au sommetde leur propre montagne pour qu'il donne l'alerte à l'arrivéedes cavaliers mandara.

L'enfantgrandit, prit femme et vint se plaindreaux aînés du lignage mabar dece que sa femmeavait le ventre gonflé. .Les Mabar lui firent'prendre patience. 11 revintalors annoncer que sa femme avaitdesdouleurs au ventre.LesMabar veillèrent 2 l'accouchement. Les Afarn se multiplièrentainsi et les enfants de ce garçonégaré sont lespères des sixsegments afam actuels.

1 V. dc COLOMBEL, communication pcrsonnclle. 226

C'estde cette façon que le lignage mabar considère celui des Afam comme son enfant. II y a interditde mariage entreeux.

La tradition du lignageafam, quant ii elle,se limite ii placer leurorigine en pays mada sans préciserles motifs dedépart. MOUCHET (1947 : 129) cite 1850 commedate de leurémigration sans itayer cetteestimation.

Un ClCrnent dela tradition du lignageafam, aussi repris dans celle du lignagemabar, mérite d'Btre considéricar iltraite d'un groupe qui étaitleur voisin. En effet, le lignage dilriliwih vivaitsur la montagneMiyah h l'extrémitésud du territoirevamé.

Lesdeux traditions leur reprochent le même genred'excès que ceuxde la tradition ndrémC attribue au lignage zoulé : paris sanglantssur le sexe des enfants à naître et écorchagedes chèvres des Afam. Pourmettre un terme 2 ces.pratiques et expulser les Dikiliav&r par la force,les Afam eurent recours h une allianceavec les Mandara.Profitant deleur présence dans les champsde piedmont,les Mandara les attaquèrent ri chevaltandis que les Afam incendiaientleurs maisons. Tous furentanéantis sauf une poignée d'entre eux qui réussit B seréfugier ri OuldCmé, h Plataet A Hourzo où l'on retrouve h présent leurs descendants.

LesNdakwaza sont un segmentde lignage qui serattache directement h l'ensemble plata, hourzo, doumwa. Celignage appel& Dournwa secompose de trois segments vivantdans des quartiers contigus du massif de Mora. Lesegment Ndakwaza doit être considCré, tant par sa positiongéographique que par sa soumission au pouvoir rituel du lignagezoulé et h son calendrier,comme faisant partieintégrante des Vamé. Ce lignage doumwa auquelappartient le segmentnddcwaza, se dit originaire de

Comnle on vient de le voir, les traditions orales des Jiffkrents lignagesconstituant les Vami ont en commun de serattacher ri une origine bien différenciée. Cet aspectest d'ailleurs important dans le sentimentd'appartenance au lignage. 227

Sipour les Zoulé on évoqueseulement celieu d'origine (Nzavadalang),tous les autreslignages se rattachent B uneethnie ou même A un lignageprécis encore existant.

A partdes Cléments mythiquesque l'on aperçoit dans les fragmentsde récits rapportés plus haut, on peut rapprocher le conflitentre leslignages ndrémé et zouléde celui entre les lignages afametdikiliwèr expulsés définiti-vement du territoire vamé. En effet,les prétextes de ce conflit etles faqons de lerésoudre, reproduisent, mutatis mutandis, ceuxévoqués parlignage le ndrémédans ses querelles avec lesZoulé.

J'aitraité de quelques caractéristiques des Vamé etde leur implantation sansfaire référence B la situationlinguistique. Celle-ci mérite,dans le cadre des monts Mandara, une attentionparticulière.

Lessix lignages vamé actuels utilisent tous la même langue quoiquequatre deces lignages sedisent d'origine moukté16, ouldémé ou mada. On peuttoutefois distinguer deux parlers - le ndrCmC et le rnbrCrtv5 - ainsinommés d'après les lignages du même nom.Ces parlers se distinguentuniquement pardeIéghes différencesdialectales. Le parler ndrémé est commun au lignage du même nom et 5 celui des ZoulC. Leparler nlbrémé est, quant B lui, celuiqu'utilisent les lignages mbrémé, afam et mabar. Le segment ndakwaza parle ledoumwa.

Même si leslangues mouktélb., ouldCmC et madaappartiennent, comme levamé, au groupemafa, elles sont classéesdans des sous- groupes différents (BARRETEAU, BRETON, DEU 1984 : 167-168). On constated'ailleurs aisément sur place qu'il n'y pasa d'inter- comprChension entreces langues.

D'autre part,la langue des Vamé estcommune aux Dournwa, Hourzo et Plata. Ceci estaffirmé par tous ces locuteurs et aussi confirmépar les travaux des linguistes qui classent tous ces parlers dansle mZme sous-groupe(DIEU, RENAUD 1983 : 33, 88 ; BARRETEAU, BRETON, DLEU 1984 : 167, 170 ; COLOMBEL 1983 : 117). 228

L'hypoth5se de V. de COLOMBEL (1982 : 117,121) selon laquelle il y auraiteu un lieu oii cestrois groupes auraient été r6unispourrait Ctre confirmée par latradition d'origine que j'ai rCcoltCe quiest lugement diffusCe danstoute la zone linguistique concernée. Seloncette tradition, les ancgtres des lignagesdoumwa, plata ethourzo sont originaires de Zalidevkl.

On a pu identifierce village sur leterritoire du Nigeria à environ 17 km à l'ouestde Kérawa (MOUCMET 1947 : 96 ; WOLFF 1971 : 62). Leshabitants de l'actuel village de Zalidava.parlent l'alataghwa (BUECHNER 1964 : 37), apparent6 au lamang ripandu dans toute cette même région de Zalidava (BARRETEAU 1978 : 303). Parailleurs ces deux langues ne sont pas linguistiquernent proches delalangue des VmC puisqueles premières appartiennent au groupewandala, tandis que la demi2re appartient au groupemafa.

D'autrepart, selon la tradition récoltée cette fois chez les Plata vivant au sud .des Varné, lesancgtres des Plata, 'Hourzo et Doumza, auraient fui B causede la famine la montagne de Ngoulélé qu'ils situent pr&s deKerawa au Nigeria. Ils s'install6rentalors en plaine h proximitédes villages actuels de Dergalla et deOuarba, non loin du massif Hourao. Ils se sCparèrent ensuite pour allerexercer leurs talents de devins sur lessites qu'ils occupent actuellement.

Les généalogiesdes Plata sont piofondesde 16 gCnCrations, I'ancEtre premier portant le non1 de May Ksurgoun et son fils celui de Bafong.

.Ce titrede may'.pourrait bien correspondre au titre du mSme nom porté au Bornou (VBSSART 1953 : 26), ce qui s'accorde bien, mais sans l'authentifier, ii leurorigine au pays de Kérawa.

MOUCHET, qui rnpporte aussi des kléments de la tradition plata, indique Zalidevh con~m$leur lieu d'origine. 11 a relevé, pour sa part, que le pèredes Plata était Bafmg (1947 : 130)2.

SclonMARTIN (1970 : 3.5) unc fraction dcsIvhfa-Tourou fit 6gnlcment 6hpc h Zalidava. La languc des, Tourou ou Hidé estd'nillcurs classCc dans le menle sous-groupclinguistique .., que I'aIatnghwn et Ic laarnang parlis, l'un h Zalidava,l'autre dans la rcgion environnante(BARRETEAU 1978 : 303). Lclignagc plata signalé c& Ics Moukt616 par JUILLERAT (1969 : 101) cst inconnu dans la zonclinguistique phta. Néanmohs, Ics Plata du massif ouldémé signalent qu'undcs. .. leurs partit s'installer Q Gnbao, or JUILLERAT (1968 : 102) ignorcjustcmcnt I'originc du lignagcqu'il :I rcncontrd à Gabao. Par ailleurs, MOUCHET (1947 : 130) rapporte quc les Plata installés nu sud des Vamé auraient, au cours dcleur migration, faitétape h Mukulehc 229

Des Plata m'ontsignalé avoir une compréhension partielle d'une deslangues parlées au marchéde Kérawa mais qu'ils n'ont pu identifier. Il serait sans douteintéressant de localisercette langue.

La langue communeaux Vamé, Doumwa, Hourzo et Plata fut d'abord appelée "plata" (p a 1 a s 1 a) par les linguistes (DIEU, RENAUD 1983 : 33 ; De COLOMBEL 1982 : 117). Ailleurs BARRETEAU, BRETON ET DIEU appellerontcette même ianguele "ndrémé" (nd r eme) "au vu du rôlecentral du lignage du mêmenom dans la constitutionde l'ethnie''(1984 : 170).Or,même si aujourd'huil'importance numérique du lignage ndrémé estincontestable, le rôle central dans la constitutionde l'ethnie me semble,de toute évidence, revenir au lignagezoulé.

De son côté,l'abbé G. TRUCHOTutilise, dans lesyllabaire à l'usagedes Vamé, Doumwa, Hourzo et Plata, le nom"langue de Ngoulélé" (TRUCHOT s.d. : 1).

Lesclassifications lexicostatistiques établissent pour leur part uneproximité entre le "ndrémé-Plata" et lalangue de Mbukoce qui mène BARRETEAU, BRETON et DIEU à classer ces deux langues dans lemême sous-groupe (1984 : 167-168). Celapourrait correspondre au mouvementmigratoire des Zoulé évoqué dans leur tradition orale.Cependant, les migrations répCtées entreles massifs Hourzo et Mbukosignalées par MOUCHET(1947 : 114)auraient pu aussi accroîtrel'osmose entre ces langues.

Iln'est pas dans mes prétentions de confirmer cette parenté linguistiquepar la traditionorale. On saitla valeur relative de ces deuxsources d'information. Par ailleurs, il fautlerappeler, les imbricationsentre toutes ces langues se jouentdans un espace relativementpetit ayant une trèsforte densité de population.

en pays podokwo. Lespremihres prospections ethnographiques n'ont pasreconnu l'identitépropre des Bramé. L'appellationvamé apparait pour la premiCre foisdans lalittérature en 1953 (VOSSART 1953 : 23).

Cetteappellation proviendrait selon DIEU et RENAUD (1983 : 34, 88) du nom que les &landara donnentaux NdrCmé. Selon MOUCHET, ceterme désignerait la montagne sur leversant de laquellesont Ctablis lesNdrémé (1947 : 128) h moins qu'elle ne soie ler6sultat de la déformationpar la prononciation française du nom d'unrituel, nommé "werme"" (wamane >, spCcifique au sud du massif de Mora.

L'appellationvamé-mbrémé ne me paraîtdonc pas correctecar elle mClange la languedes Mandara et un desparlers des Varné. Il vaudraitmieux direalors "ndrémé-rnbrCmC", cequi a lemérite de refléter lasituation linguistique sur cettepartie du massif.

NCanmoins, je préfkredistinguer les plans linguistiques et ethnographiques etemployer, faute de mieux,le terme "Vamé" pour désignerl'ensemble des six lignages habitantle sud de Mora. La désignation deleur propre ethnie préoccupe peu les intéressés eux- m6mes quiemploient plut6t le nom deleur lignage pour se désigner.

Il estindéniable que les trois groupesvoisins vamé, mora et hourzo prCsentent beaucoupde traits communs.Cela seremarque notamment h leurhabitat, h leurpoterie, ;i leurstraditions et h feurs ritesmais ils se différencientparce qu'ils occupent des territoires sousdes contr6les rituels distincts. En effet, dans chacundes groupes, on retrouveun contr6le rituel similaire à celuiqu'exerce le lignage zsulé en territoire vamé. Les différentslignages de ces trois groupes ne sesoumettent qu'aux exigences rituelles de leur chef religieuxet n'apportent decontribution aux offrandesrituelles qu'A leur Maîtrede la pluie.

Chezles Vamé, tous les lignages délkguent desreprésentants (8 1 akamaa) chez leMaître des cultures zoulC. Ces représentants, qui ont un statutrituel, ont des homologues,avec statut administratif, choisis dans un autre segment de chacun de ceslignages. Ces homologues (b 1 ama) sont chargCsde la collectede I'impGtet Je la diffusiondes messages émanant de la prefecture. Jadis, cesderniers représentantsservaient d'intermédiaires avec les Mandara. 231

Lesactivités agricoles et religieuses se passent selon le même rythme dans les trois ethnies mais elles sont décalées dans le temps. Chaque ethnie célèbre tour à tour les différentes fêtes.

,.. t. '. Cedécalage des célébrationsest d'abord expliqué par son côté pratique car il permet à chacun d'assister li la fête chez ses voisins. C'estincontestable mais celaa probablement un sensplus profond carces différentes fêtes s'inscrivent dans une vraieséquence rituelle dont les cycles sont agencés et indissociables.

Cela m'amène B envisagerces trois ethnies plutôt comme une fédérationrituelle que comme une seule entité.

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SCOLAIIISATION, FONCTION PUBLIQUE ET RELATIONS INTERETlINIQUES AU TCHAD

Bernard LANNE

Pourle Tchad, l'expression "relations interethniques'' recouvre deuxréalités différentes mais concomitantes : d'unepart les rapportsentre le nord musulman etle sud qui ne l'est pas ; d'autre partles divisions ii caractèreethnique qui existent au sein de ces deuxgroupes.

II esttrès mal vu, au Tchad,parlerde relationsde interethniques et encoreplus d'écrire sur la question. Si l'onen vient ii prononcer Ies motsdenord etdesud, les clameurs redoublent, lesofficiels lancent des anathèmes et on discerne de la gênechez son interlocuteur,même si, en privé,il admet facilement qu'il y a problème.C'est donc une tentative délicate dans laquelle on s'estlancé. Certes, des chercheurs ont admis que le Tchadétait double' et on ne peut se refuser B aborder une questionparce qu'on risque de déplaire.

Lespremiers scrupules surmontés, ce sont surtoutles questions deméthode qui assaillent le chercheur : les documentsexistent, asseznombreux en ce qui concernela scolarisation, plus rares pour la fonctionpublique, le Journalofficiel constituant lameilleure documentation,mais bonnombre d'observations proviennent d'archivespersonnelles etde sources d'ordre priv6. Lavéritable difficultésurgit lorsqu'il s'agit de déterminerl'appartenance ethniqued'une personne. La consonnance du nom joue un r61e déterminant.Le choix d'un prénom chrétien est un indiceimportant maispas toujours décisif : dans les années cinquante,ces prénoms

R. BUUTENHUIJS 1978 : 37 ; M. VERNMES, J. BLOCH 1972 : 75. 236 eurentune vogue telle qu'un certain nombre d'élkves musulmans crurent bon d'enadopter un (cela faisait moderne).L'onomastique nedonne pas toujours des resultats incontestables. De nombreux originaires du sudportent des noms arabes,mais lecontraire ne se produitjamais. Une marged'incertitude subsistera donc toujours et leschiffres cités reprgsenteront des ordres degrandeur. La connaissancedes personnes concernées a permis souvent, il est vrai, de faireles correctionsnecessaires et de réduire la marged'erreur.

Leclivage nord-sud estd'essence religieuse mais il se manifestesouvent de fapn nuancCe : on n toujours considCr6 qu'un "sudiste"musulman &ait d'abord un originaire du sud.Ceci 6tant, le "classement"ethnique de tel ou tel a souvent été malaise et un certainarbitraire n'a pu Stre Cvité.

Cette6tude a, au moinsen partie, un caractèrehistorique. Afin d'6viter lesanachronismes, on a doncretenu les noms enusage aux p6riodes consid6réks. On a donc&rit Fort-Lamy jusqu'en 1973 et le termed"'indig&ne" a Cté employé,naturellement, sans aucune intentionpéjorative.

L'expansionde l'enseignement au Tchad a CtC tardiveet lente. On doitrappeler que la "colonie du Tchad"faisait partie de l'Afrique équatorialefrançaise (AEF)1 queet si, jusqu'en 1934, les lieutenants-gouverneu~s2 disposaient d'une assez large autonomie

Le décret du 17 mars 1920 a érigéen "Colonie" 1e "Territoiredu Tchad", lui- mêmehéritier du Territoiremilitaire du Tchad dont lestatut politique et adminiskratif a beaucoup variéde 19QO B 1915. De la finde la périodemilitaire (1920) B l'autonomieinterne (1958), le haut-fonctionnaireplacé h la tête du Tchad a portésuccessivement le titre delieutenant-gouverneur de la colonie du Tchad(décret du 17mars 192Q), decommandant dc la régionduTchad (décret du 30juin 1934), de commandant du territoire duTchad (décret du 31 decembre1937), enfin de gouverneur, chef du territoire du Tchad (decret du 27 septembre1938). De 1934 B 1937,"gouvcrncurun délégué du gouverneurgénéral pour l'Oubangui-Chari-Tchad",r6sidant B Bangui,constitua un échelon intermédiaireentre Brazzaville et Fort-Lamy. Ces autoritCs agissaient par arrêtés et dCcisions indiquees en abrégé : AGG (arr8t6 dugouverneur g6nBrnl), AGD (arrêtégouverneurdu d616gué), ACR(arrêté du 237 vis-à-vis du gouverneur généralqui résidait à Brazzaville,c'est ce dernierqui donnait les grandes impulsions et,chose capitale, distribuaitle personnel européen.

Dès la périodemilitaire (1900-1920), lesautorités se préoccupèrent,neserait-ce que pour des raisons pratiques, de répandre la connaissance du français.Des militaires (sous-officiers, caporauxsimpleset soldats) ou desfonctionnaires subalternes furentdésignés pour diriger des écoles, parfois créées officiellement par un acteadministratif. En fait,l'enseignement n'acommencé vraiment au Tchadqu'avec l'arrivée, B la finde 1922, des premiers instituteurs europCens venusdemétropole. Leur nom doit être retenu parl'histoire : André ESTlMERES quia ouvert l'école de Fort- Lamy, Paul FABRE1 celle d'Abéché,

L'ordred'ancienneté des écoles du Tchadpeut-être ainsi fixé :

1. Fort-Lamy,école créCe par AGGdu 29 août 1921publié au JO AEF2 du ler mars 1923. ESTIMERES est désignC pas DLG du 4 janvier1923.

2. Abéché, Ccole crééepar AGG du 10 février1923 (JO 1-3-23). FABRE a ouvert l'école en janvier 1923.

3. Ecolesouvertes de 1923 B 1927,sans qu'il soit .possible de donnerplus de précisions : Am-Timan, Ati,Bongor, Fada, Faya, Fort-Archambault3, LaP, Mao et Massénya.

comrnarldantrtgiun),de ACT (arr&téchefduterritoirc du ou du commaudnnIdc rCgion), DGC (dCcision du gouvcrncur gCnhI), tic. Paul FABRE a laissédeux livres trbs intCrcssarlls : La rontlonnc'e (LCS cahiers du sud Cd., Marseille,1933, 264 p.) et Lcs hclrres d'ADc'chk (Les cahicrs dusud td., Marseille.1935, 285 p.). Journalolficiel de I'AEF, indiqudsimplement dCsormnis JO. Ecoleouverte par l'instituteur BETBEDER le lermai 1027 (voir Dc BURTHE d'ANNELET : Du Cornerom d Alger I, p. 432). Au JO du 1-9-2G, Fort- Archambaultfigurc parmi Ics écoles à ouvrir (en Oubangui-Chari). Un monitcurindigène est nommt B Ltii le lcrmai 1923 (JO 1-8-23. p. 383). Lnï s'appellc alun dc BChagle ou toutsimplement BChaglc. 238

Lepremier tableaud'ensemble de l'enseignement au Tchad en 1928 est donne dans un articlede Pierre GAMACHE', lepremier inspecteur de l'enseignementen AEF2 :L'enseignement en AEF publiepar les Renseignements coloniaux du @omit6de l'Afrique française (décembre 1928, pp. 751-759). Lasituation en 1928 est la suivante :

Ecoles élhes moniteurs instituteurs

Fort-Lamy 2 1 50 Abbché 1 1 20 Ati - 1 23 Mao - 1 14 Faya - 1 31 Fada - 1 14 Am-Timan - 1 30 MassCnya - 1 25 Bongor 1 1 29 Fort-Archambault 2 2 200 Laï (Béhagle) - 1 20

Ce tableaudoit etre examiné avec prudencd. 11 arriva frbquernene, en effet, quedes écoles créCes par un acteofficiel et dotées d'un instituteureuropéen tombèrent ensommeil lorsque celui-cipartit en congb,remplacé par un moniteur indigène sans formation4 ou uneinstitutrice auxiliaire europ&enne épouse d'un fonctionnaire.Par exemple, Paul FABRG quitta AbéchC en mars 1924 et I'Ccole ne retrouvera un instituteur qu'enjanvier 1928, I'intGrim ayant été exercC pardes militaires. La même circonspection est de

Aulcurdcs prcmicrs manuelsscolaircs cornposés pour I'cnscigncmcnt primaire cn AEF, surtout adapl6s aux paysdcs forêts (Gnbon, Congo). C'est sculcmcnt en 1936 que I'cnscigncmcn~ a constitué un scrvicc administratif autonome h I'échclon de I'AEF (AGG 29 avril1936 ; JO 15-5-36. p. 529).Auparavant, dts 1926. il cxistzit de facto unc inspcction dc I'cnscignemcntrattachée A la directiondesaffaires yolitiyucs ct administratives. A I'échelonTchad,du un cmbryon scrviccdc dc I'enseigucmcntvit le jour le 20 octobre1939 avec la nomination d'un institutcur, inspectcur destcolcs de villrrgc (JO 1939, p. L287). En 1928, Laï et Fort-Archambault relCvcnt de I'Oubangui-Chari. LC prcmicrcadre administratif de moniteurs indigènes fut organisd par un arrêté duGG du 30 novembrc 1926 (JO 1-1-1927. p. 5). 239 rigueur pourles effectifs scolaires et ceux du corpsenseignant. Dans un discourstrès officiel, le gouverneur général compta 133 élèves à Fort-Lamyet 44 à Abéché19241en alors qu'en 1928 PierreGAMACHE n'en voyaitplus respectivement que 50 et 20. Le personnelenseignant de 6 instituteurs(européens) de12et moniteurs(indigènes) représente l'effectif budgétaire théorique.' Honnêtement,GAMACHE précise que l'effectifréel est de 2 instituteurstitulaires, 2 institutricesauxiliaires, 2 moniteurs indigènesdu cadre local et de 6 "autresmoniteurs"2. Ces réserves faites, on peutformuler les observations suivantes :

1. Dès 1923,la décisionde principe futprise d'ouvrir une école parcirconscription3, au chef-lieu de celle-ci. Uneexception est faite, curieusement,pour le B.E.T. quidispose d'une école supplémentaire 8 Fada.Le chef-lieu du MoyenLogone fut transféréde Laï h Moundou en 1927.

2. Leshuit Ccoles dessept circonscriptions departiela septentrionaledrainaient, en 1928, 207 élèves (26 par école)tandis que les troisécoles des troiscirconscriptions de partiela nléridionaleavaient 249 élkves (moyenne 83).

3. Le MoyenCllari a pris la tCle du Tchadscolarisk. 11 la conserveralongtemps.

Ledocument suivant conccmant la situationde l'enseignement est un tableaudes secteurs scolaires pour Ilannie 1937-19384. Ce texten'indique pas lafréquentation scolaire, mais il précisele nombrede classes ouvertes pour chaque école, ce qui est un indice significatif :

Discours du gouvcrncur gCnCra1 int6rinlairc de Guisc nu conscildc gouvcrncmcnt (JO 15-9-24, p. 554). Ccs chiffrcs IIC comprcrmcnt pas Ic Logonc c.1 le Moyen Chari qui rcltvent alors dcl'Oubangui-Chari. On dira circonscription dc 1909 il 1934, Dépnrtcmcnt dc 1934 h 1947, rCgion dc 1947 h 1960, préfecture uitéricurement. Jusqu'en 1948, I'ann6c scolaire a commcncd Ic lcr mai au Tchad, aprbs des vncnnccs cn mars-avril ; ka rentr6c fut rctardéc au ler juin de 1948 h 1955. Le Tchad est toxnbd sous la loi commune en 1955 : v;tcanccs cn juillct- scptcmbrc, rcntrCc lelcr octobrc. Secteurs Ecoles Classes

Fort-Lamy, Masshya 7 ti, Mao, Mongo, Moussoro, Eargeau 7 AbCchC, Fada 5 Bongor, EGr6, Binder 4 Fort-Archambault, Moumra, Moïssala 6 Moundou 3

Total : 6 secteurs

Par rapport a 1925, on noteraque 1"cole de Laï a disparu,celle deMoundou ayant ouvertle ler mai 19312. Desécoles ont Ceé créées ii Mongo3, Moussoro4, Koumra,Moissalas, LérG 6 et Binder. La partieméridionale dispose désormais de 7 Gcoles (9 dans le nord), , mais ces 7 Ccoles comptent 13 classes (1,86 classepar école) contre 19 classespour 9 Ccoles dans le nord (indice 2,ll).

A defaut destatistiques d6taillées de fréquentationscolaire par Ccole, ondispose du tableau desécoles et des classes au ler mai 19397 q.ui donneun total de 7 secteursscolaires, 24 écoles et 41 classes.Le secteurde MassCnya a &té créé par le département du Baguirmi. Des Gcoles ont été ouvertes en 1938 2 Laï, Mao, Largeau et KClos, en1939 ri Am-Timan,Fianga et Pala9. Le rCseau scolaire correspond 5 l'organisation adnlinistrative : un secteurscolaire par dkpxtement, ri l'exception - significative - du Salamat et B.E.T. Onze chefs-lieux de subdivision10 ont une école : 3 dans le nord (Mongo,

Voir JO lcr mai 1937, p. 567. Rapport MEUNIER, 30 juin1931 ; D6pBt desarcllivcs d'outre-mcr, Aix-en-Provence ; AEF, Oubangui-Chari,série 4 (3), p. 4 1. 3 ALG 18 Ftvirer 1929 ; JO 15 juin 1929, p. 641. 4 Ouverture plut6t tI16oriquc, puisque Ic ~eraoût 1943, ricn IIC fonztionnc encore [JO 1-9-1943, p. 571). 5 Créntiou par AGD du 28-12-35 ; JO 1-2-36, p. 204. 6 Un instituteur tituhire y a étt nomm6 Ic 22 décembre 1930 ; JO 1-3-31, p. 189. JO 1-54-39, p. 452. 8 AGG 26mars 1938 ; JO 15-4-38, p. 515. En fait, KCIo constitue la sculc nouveauté. La "crhtion"d'écoles dCjjh ouvcrtcs d'aprh Ic tableau dc GAMACHE confirme que 1'Ctablissemcnt n'existaitvraiment qu'h l'arrivdc d'uninstituteur. 9 I\ilEmc rtflexion pour 1'~colcd'Aru Timan, ccnstc exister cn 1928 ; AGG 14 mars 1939 ; JO Icr avril 1939, p. 388. On dirasubdivision jusqu'en 1947, district dc 1947 h 1960, SOUS- prtfectureult6ricuremcnt. 241

Maoet Fada), mais 8 dans le sud (Koumra, Moïssala, Kélo,Laï, Léré, Binder,Fianga et Pala). Lesgrandes lignes de l'implantationscolaire commencent à se dessiner : stagnationdans le nord où un important réseaud'écoles est peu utilisépar les populations, succès croissant dansle sud. Sur 41 classes, il y en a 21 dans le sud pour12 écoles (1,95),tandis que les 12 éco1e.s du nord n'ont que 20 classes(1,67), soitl'inverse de 1937.

Uneautre source d'informations vient pallier l'absence de statistiquesde fréquentation scolaire : le Journalofficiel publie les résultats du certiFicat d'études indighes, diplôme quicouronne les étudesprimaires'. La répartitionest la suivante :

EcolesTotal1939 i938 1937 1936 1932

Fort-Lamy - 82 6 2 3 3 9 Abéché 4 - - 3 - 7 Massénya - - 1 - 1 Fort-Archarnbault - 2 7 2 5 16 Moundou - 2 - - 1 3

Les Ccoles situbesdans lenord du paysparaissent dominer avec27 admis sur46, mais, si l'on esamine I'identitCde chacundes lauréats, il en vatout autrement,, d'autant plus que bon nombre d'entre eux sont connus. Avec unemarge d'erreurs réduite, on peut classer ainsi les 46 certifies : originaires du nord 15 originaires du sud 21 non-Tchadiens 8 non-idenLifiCs 2

Sur 36 certifiksichadiens, il y a donc 58,33% du sud et 41,6696 du nord. Dans le detail, on trouve pour le nord 2 "S6nCgalais" et 1 Rdhiste, pour le sud 5 Sara, 2 Goulaye, 1 Gor, 1 Sara Kabu, 1 Mbaye et 1 Tounia.

JO 15-12-32, p. 1044 ; JO 1-5-36. p. 603 ; JO 15-12-36. p. 1171 ; JO 15-7-37, p. 86-f ; JO 1-7-35. p. 902 ; JO 15-4-39, 1). 4-73. LG iex~cpublie BU JO dc 1936. p. 1171, irtdiquc sculcmcni quc Ics certificats 0111 Ctb accordés pour la "rdgion du Tchad". Er1 1936, Fort-Archambault ct Moundou;tpparticancnt i la région de 1'Oub;tngui-Chari. 242

De tous ces chiffres, on peut tirer deux conclusions :

1.L'Ccole de Fort-Lamy scolarise un nombreimportant d'6lkves provenant du sud.Dans le classement ethnique et régional auquel on selivre tout au long de cette Ctude, l'écolede Fort-Lamy ne pourraplus, sans prCcaution, être considCr& commerelevant du nord.

2. Cettemême Ccole deFort-lamy a une "clientèle"musulmane fortdisparate : Africainsnon-Tchadiens, "Séne!galais"l , Rabhistes, I etc. Les véritablesoriginaires du nord y sont peu nombreux.

Pendant la guerre,lascolarisation fit des progrès constants, mais, en valeurabsolue, modestes. C'est & partirde 1948-1950 que les progr& vont devenirfoudroyants. Le JO du 15 juin1948 (p. 87%)offre un tableaude la situationavant que le syst5me scolaireentre dans une phased'expansion rapide.

Secteurs Ecoles Classes Fort-Lamy Fort-Lamy, MassCnya, BQUSSO,Bokoro 12 Fort-Archambault Fort-Archambault,Kournra, Moïssala 18 AbCchC AbCchC, Adré, Gaz Beïda 7 Ati Ati, Oum HadJer, Mongo 5 Mao Mao, Moussoro, Rig-Rig 4 Bongor Bongsr, Fianga,Pala, LCré, Binder, t. Gounou-Gaya, Mogroum, Moulfoudaye 14 Moundou Moundou, Doba, Laï, Kilo, Baïbokoum, Mindilati, Dono Manga 19 Am Timan hl Timm, Melfi 4 Largeau Largeau 2

Total : 9 secteurs 34 Ceoles 85 classcs

Au Tchad, on appcllc_- "Sén6galais" - des Africainsprovenant (le l'Afrique dc l'ouest, venus au Tcl~ad aux dibuts dc la colonisation comnc tiraillc.urs, gardes,ouvricrs, etc. Originaires du SCutgal, du Mali ou du Burkina-Faso, ilssont musulmans. Lies par Ic mariage B dcs f:millcs mtlm ou hornouancs, ils ont pcrdu toutcs lcurs at1nches avecleur pays d'origine donc ils ne parlcnt plus la languc. Il cn est dc mCmc des nncicns soldais (bazinguers) de Rabah (appclis Rabhistes), d'origine sara-kaba ou banda, islamisCs, qui hnbitcnk N'Djam6na ou quclqucsvillages cnvironnants (Linia,Massaguct). 243

Parrapport à 1939, 7 écolessupplémentaires ont été ouvertes dans le nord : Bousso, Bokoro, Oum Hadjer, Adré, Goz Beïda, Rig-Rig, Melfi, une enmoins à Fada, soit un solde positif de6 écoles. Dans le sud, il y a aussi 7 écolesnouvelles : Gounou Gaya,Mogroum, Moulfoudaye,Doba, Baïbokum, Mindilati, Dono Manga, soit 5 en dehorsd'un chef-lieu de district'. Si l'on s'entient au nombrede classes, on comptedésormais 51 classespour 18 écoles dans le sud (indice2,83) contre 34 classespour iG écolesdans le nord (indice 2,13).A Fort-Archambault 14 classes,12 5 Fort-Lamy(qui n'est pas tout à faitune école du nord),9 à Moundou etseulement 5 à Abéché, 3 à Ati, 2 5 Mao.

Lesrésultats du certificatd'études de 1942 à 19492 complètent- ces données et confirment lesconclusions que l'on peut en tirer.

Ecoles 19421949 19481945 1943 Tot al

Fort-Lamy 8 1 17 10 13 49 Fort-Archambault 6 15 17 16 17 71 Abéché 3 4 G 3 4 20 Moundou - 13 477 20 75 Bongor - 5 10 6 3 24 Ati - - - 4 7 Il

Total 17 26 57 59 91 250

On diFa subdivision jusyu'cn 1947, district de 1947 h 1960, sous-pr6recturc ultérieurcmcnt. JO 1-6-32, p. 330 ; JO 1-12-43, p. 739 ; JO 1-5-45, p. 332 ; JO 1-5-4S, p. 607 ; JO 1-5-49, p. 568. EEve provenant de la mission catholique de Doba, où lëcole missionnairc il été ouverte avant i'écolc publique. 244

Letotal cumulé descertificats dClivrCs de 1932 ;i 1949 est le suivant' :

Fort-Lamy 67 certificats 22,6396 Abéch6 27 9,1296 Massénya 1 0,3496 Bongor 24 8,11% Ati 11 3,7296 Fort-Archambault 88 29,7396 Moundou Y8 26,35%

Total . 296 100%

Laprépondérance des Ccolesdu sud esttrès nette (64,1996 des certificats délivrCs). Elles'affirme pendant guerrela où Fort- Archambaultdépasse pour la premi2re foisFort-Lamy. On notera 1'Cclipse relative du MoyenChari 1949en avec l'ascension foudroyante de Moundou qui,cette année, rafle 52% descertificats de tout le pays.

Si l'onva plus loin dans l'identification ethnique des lauréats - avecledegré d'imprécision etd'arbitraire que comporte cette périlleuse et délicaterecherche -, on trouve pourla période de 1932 h 1949 le totalcumul6 suivant : originaires du nord 61 originaires du sud 175 no n-Tchadiens 43 non-Tchadiens non -identifiés 17 non-identifiés

Total 296

Si l'on selimite aux seuls236 certifi6s tchadiens identifiés, il apparaîtque les trois quarts (74,15%) viendraient du sud et un quart du nord (23,15%). II se confirmeaussi que 1'6cole de Fort- Lamy scolarisesurtout des enfants du sud. On trouveégalement, h un moindredegré, des certifiés du sud dansd'autres écoies du nord, l'inverse Ctant rarissime.

I Manquent Ics rcsultats dc 1933, 1934, 1935, 1940, 1941, 1944, 1946 et 1947. A partir dc 1949, tc JournalOfficicl ne public plus cc gcnrc d'informations, devenu banal. 245 d) Donnéesrécentes et conclusions

Dans lecadre limité de cette étude, iln'est plus possible de suivre pas à pasles étapes de l'expansionde la scolarisationaprès 1949. Celle-cisera foudroyante : 8729 élèvesen 1951, 17054 en 1955,40362 en 1958, 94660 en 1961, 178699 en 1967, 203528 en 19751. On se borneradonc h donnerles effectifs des élèves du premierdegré en 1966-67 eten 1975-76.

Préfectures 66-6775-76 % en 66-67 % en 75-76

Chari-Baguirmi 17 432 30 618 10,37 15,O4 Batha 2 254 3 354 1,34 1,65 B.E.T. 1 162 1 3482 0 ,69 0,66 Biltine 810 1 653 0 ,48 0,81 Guéra 7 701 6 229 4,58 3,06 Kanenl 1 580 2 242 0,94 1,10 Lac 1 020 1 505 0,6 1 0,74 Ouaddaï 1 982 4 713 1,18 2,32 S alamat 1 288 2 041 0,77 1,O0 Logone ocidental. 22 623 23 680 13,46 11,63 Logoneoriental 26 171 28 890 15,57 14,19 Mayo-Kebbi 27 882 36 121 16,57 17,75 MoyenChari 38 702 40 869 23 ,O 1 20,08 Tandjilé 17 529 20265 1O ,43 9,96

Total 168 136 203 528 100,OO 100,00

En 1966-67 par consgquent,huit prkfectures du nord sur neuf ne rassemblentque 17797 écoliers,soit 10,59% seulementdu total, alorsque 132907 sontconcentrés dans les cinq préfectures cotonnikres,soit 70,04%. LeChari-Baguirrni avec 17432 élèves atteint 10,37% du total. Toutporte i penserqu'une partie de ceux-ci sont,enréalité, des originaires du sud. En ne donnant i ce pourcentageque la valeur d'un ordre de grandeur, on peutdire que 85% desenfants scolarisés viennent des régions du sud en 1966-67.

R. LANGUE : Donnécs sur lcs rcssowces Iwnuitm- du Tchad, 1, N'DjamCna, 1977. Aprbs 1975-76, il n'y a plus, h notre connaissance, de statistiques disponibles. * Chiffra de 1973. 246

Lespourcentages figurant auxtableaux quiprécèdent constituentlerapport entre le chiffredes Clèves scolarisksdans chaquepdfecture et le total de la populationscolarisée. 11 ne s'agit doncpas des taux de scolarisationqui mesurentle rapportentre l'effectifscolxisable et lapopulation effectivement scolarisée.

En 9966-67, lesbons chiffres atteints par leChari-Baguirmi sontdus essentiellement B la capitale. On noterales résultats élevés obtenuspar leGuéra, vraisemblablement grPce à l'actiondes missionschrktiennes. La situation légèrementa Cvolué entre1966 et1975. Le nord a progressé de 18,59% h 1134% de l'effectif total. Lanette avancée du Chari-Baguirmis'explique surtout par l'accroissementde la population de N'Djaména. Il y a un certain progrèsauOuaddaï, dû peut-2treaux efforts tentes par le gouvernementavec le concours de l'Alliancefrançaise. Le Biltine doubleses effectifs. Le sud subit un recul relatif mais son effectif globalacependant augmenté de 16928élhes. LeMayo-Kebbi seul progresse il la fois en valeurabsolue et en pourcentage.

Pour1975-76, nous avons au total : au Chari-Baguirmi 306 18 Clèves soit15,04% des scolarisés ; dansles huit autresprdfectures du nord 23085 élèves soit 11,34% ; dans les cinq prgfectures du sud 149 825élèves, soit 73,61% de la populationscolaire. On peut évaluer h 80% environla part totale du sud,ce qui signifierait un certainrééquilibrage par rapport il 1966.

Ce qui estle plus significatif est 6videmment 1:t comparaison entrelapopulation totale et lapopulation scolaris6e. Voici les chiffrespour 1975-76 : a) Leshuit préfectures du nordrassemblent 1581 O00 habitants (sur 4030000) soit 393% de lapopulation, mais elles n'ont que 11,34% des 61kves. bj Le Chari-Baguirmiqui a 552000habitants, soit 13,7O%, poss2de 15,04%des scolarisés. cj Lescinq préfectures du sudpeuplées de 1897 O00 habitants (47,0796) ont 73,61% dela population scoIarisCe. 247

Lestaux de scolarisationpour 1975-76 sontles suivants : a) Huitpréfectures du nord PopulationTaux scolaritéde (en milliers d'hab.)

Batha 350 4,79 B.E.T. 84 8,02 Biltine 154 5,36 Guéra 189 16,OS Kanem 202 5,54 Lac 136 5,53 Ouaddaï 367 6,42 S alamat 99 10,30 b) Chari-Baguirmi 552 27,73 552 Chari-Baguirmi b) c) Cinq yrCfectures du sud

Logoneoccidental 268 44,17 Logoneoriental 296 48,SO Mayo-Kebbi 592 30,50 Moyen Chari 454 45 ,O0 TandjilC 287 35,oo

Moyennenationale

Le MoyenChari étéa supplanté par leLogone oriental qui prend la tête du Tchad. II estpresque Cgalé parleLogone occidental.LaTandjilé et Mayo-Kebbi,le malgré des progrès rdcents, sont enqueue de peloton,mais toutes les prkfectures du sud sont au-dessus de la moyennenationale. Au nord,seul le Chari- Baguirmisetrouve dans cette position l'onetdéjli a notC I'hétérogénCité delapopulation scolaire decette préfecture. Le Guéravient en tête,suivi du Salamat.Le Batha est la préfecture la moins scolarisée. On relèvera que le Kanem et leLac, qui sontrestés calmesjusqu'en 1976-77, ont des taux trèsbas, inférieurs li ceux de Guéra et du Ouaddaï où la rébellion fut trèsactive.

R. LANGUE : Dorulées SII~les ressources lmmaincs du Tchad, 1, N'DjamCna, 1977. AprEs 1975-76, il n'y a plus, ii notrc comaissancc, dc statistiques disponibles. 248

e) Brkves données sur I'enscigncn~ent secondaire, supérieur et professionnel.

Voicil'ordre chronologique suivant lequel sont apparus les établissements secondaires du Tchad :

1. Bongor : Ecolesupérieure du territoire(1942), devenue en 1948 collège,puis lycée Jacques Modeïna. 2. Fort-Lamy : Couts secondaire(1947), devenu collège puis lycée Félix EbouC. 3. Abéché : Médersa (1951), puis collègefranco-arabe (1956) puis lycCe national. 4. Fort-Archambault : cours complénlentaire (1 9%)devenu collège puis lycéeAhmed Mangué. 5. Moundou : courscomplémentaire (1959), dcvenu collège puis lycée Adourn DaIlah. 6. Psla : collège (1960). 7. Doba, Koumra, Mongo, Moussors : collège en 1961. 8. Kélo, Fianga, Moïssala, Ati : collège en 1962. 9. LCré, Largeau, Bai%okoum : collège en 1963. 10. Am Timan : colli3ge en 1965. Il. Biltine : collègeen 1968.

En 1974-75,leTchad posscde 33 Ctablissements du second degré. Dans lazone cotonnière, 19 etablissementsrassemblent 6390 Clèves (56,4%) ; ily a A N'Djaména 6 établissementsavec 3 154 élèves (27,9%) etdans lereste du Tchad 8 Ctablissementsavec 1782 Clèves (15,7%)1

On posshde fort peu de donn6es sur l'enseignementsuptrieur en cequi concerne les relations interethniques. En 1973,sur 23 Tchadienslicenciks en droit eten sciences Cconomiques, 19 &aient originaires du sud (82,60%) et 4 du nord (17,40%). En 1978-79, la situationdes Ctudiants etstagiaires en France &ait la suivante :

sud nord t 0 ta1 6tudiants 265 37 302 stagiaires 95 . 33 128 249

Endehors des formes classiques du primaireet du secondaire, uneautre catégorie d'établissernents d'enseignement deet formations'est développée en AEF souslapériode coloniale. Il s'agissaitd'institutions destinées à l'former desauxiliaires capables deseconder toutes les branches de la colonisation"1 : enseignement (instituteursetmoniteurs), administration (écrivains, interprètes, santé,postiers, douaniers, typographes), commerce (écrivains, comptables).

Le . premierétablissement ainsi créé fut, en 1935, 1'Ecole supérieureindigène qui prit, après sa mort,le nom du gouverneur généralEdouard Renard. Installée à Brazzaville,commune aux quatreterritoires, cette école fut réorganisée à plusieursreprises, puistransformée en1946 enEcole des cadres supérieursz. A l'échelon du territoire du Tchad, une. Ecolesupérieure du territoire, crééeen 19423, devait,selon les textes organiques4, "préparer des agentsindigènes pourcadres les locaux secondaires de l'administrationset pour le commerce,donner un complément d'instruction à desélèves voulantcontinuer leurs études au-delà du premierdegré etenfin préparer les candidats à 1'EcoleEdouard Renard".

Ledéveloppement del'enseignement secondaire detype françaismétropolitain, la réserve du personnelenseignant européen enversune formation à lafois sélective et axée vers la profession devaientcondamner cegenre d'établissements qui disparut au débutdes années 1950.

Cesécoles ont cependant fonctionné pendant une quinzaine d'années.Elles eurent un corps professoralde tout premier ordre et un bon nombre deleurs élèves, choisis parconcours, devaient faire unecarrière administrative et politique brillante. En consultant la listede ces élèves, on a l'impressionde lire un annuaire de la politiqueetde la haute administration de 1955 à 1965environ. Toutefois,il faut remarquer que la place du Tchad y futdes plus modestes,l'immense majorité des élèves étant gabonais etcongolais.

1 Suivant le tcxte institutif de 1'Ecolc Supérieure indigène : AGG du 23 février 1935 ; JO ler mars 1935, p. 261. AGGdu 20 février 1946 ; JO 15 mars 1946, p. 372. 3 AGG13 avril 1942 ; JO ler mai 1942, p. 275. AGG 20 janvier 1944 ; JO 15 février 1944, p. 152. Les plus Blevés dans la hiérarchie africaine de l'époque. 250

Dix jeunesTchadiens furent admis h 1'Ecole Edouard Renardde 1935 i.i 1948.Ils ne sortirontpas tous dipl6mCs. Cinq &taient du nord, cinq du sud'. Pendant la mGme période,douze entrèrent ii la sectiondes 6liaves moniteurs annexCe à 1'Ecole EdouardRenard : 9 du sud, 3 du nord2.

A 1'Ecole descadres supérieurs, 23 jeunesTchadiens sont entrés de 1946 h 1949 : 15 originaires du sud, 8 du nord3.

Enfin, B 1'Ecole supérieurede Bongor, il y eut 44 admis Tchadiens,parmi lesquels on peutdistinguer 23 originaires du nord et 21 du sud3.

Command6pendant longuesde années parofficierun supérieur,le Tchad a eu, h sesdébuts, une simple administration d'autorit6,utilisant de nombreux sous-officiers européens dans les circonscriptions"militaires" (B.E.T., Batha, Kanem, 0uaddaï)s. Les servicespublics employaient desgardes, desdouaniers, des infirmiersdesetpostiers sous une organisation quasi-rnilitaire. Les l interprktes furentles premiers fonctionnaires civils. Ce n'est pas avant les annCes 1930 quele besoin d'un personnel indigène plus qualifiit se fitsentir. On fitalors appel A desAfricains non Tchadiens : Congolais(souvent exilCs politiques), Gabonais,

1 JO 1936, p. 914 ; JO 1937, p. 164, 564, 565 ; JO 1938, p. 336, 1124 ; JO 1939, p.271, 275, 332,451, 805 ; JO 1941, p. 654 ; JO 1942, p. 362 ; JO 1943, p. 114. JO 1937, p. 675 ; JO 1938, p. 333 ; JO 1939, p. 270 ; JO 1941, p. 206. JO 1946, p. 944 ; JO 1947, p. 152, 1063, 1127 ; JO 1948, p. 1241 ; JO 1949, p. 1001, 1098. 1313 ; JO 1950, p. 1063 ; JO 1951, p. 1140 ; JO 1952, p. 25,435, 1019. 4 Parmi les admis, il y a de nombreux camerounais ; voir JO 1944, p. 373 ; JO 1945, p. 357, 358, 693 ; JO 1946, p. 1269 ; JO 1947, p. 1124 ; JO 1949, p. 171. Lechef de circonscriptions "militaires". Ils commandaient lestroupes (bataillon,compagnie, section) et exerçaient sirnultanCrnent desfonctions administratives sous l'autorit6 du gouverneur. Ce dernier ne pouvait nommer que les candidats proposés par le gBnéral,commandant supérieur @ Brazzaville). 25 1

Dahoméens,Camerounais*. Parmi les Tchadiens, des indices nombreuxetconcordants montrent qu'une place importante était

, faite à des originairesde I'AOF, installésdéfinitivement au Tchadet quel'on englobe unpeu sommairement sous l'appellation de "SénCgalais" (cf. note ci-dessus).

Les documentsanciens font défaut ou ne sontpas probantsz. Il fautattendre 1939 pour disposer d'indications plus nettes : on possède la listedes 13 moniteursprésents à larentrée scolaire du ler mai 19393 : sont4 desAfricains non tchadiens, 4 sontdes Tchadiens du sud, 5 du nord. Les réorganisationsqui se succédèrent pendant la guerrefont apparaître que, vers 1942-43, les plus anciensfonctionnaires en service sont des Africains non tchadiens, lesplus jeunes desgens du pays.

Selonle tableaud'avancement du corpsdes infirmiers de I'AEF au ler janvier1942, sur un totalde 124 infirmiers, 27 sonten service au Tchad4parmi lesquels 8 nesont pas originaires du Tchad, les19 autres se répartissantpresque également entre nord (dix) et sud '(neuf). Il n'y aplus apparemment de Tchadiens servant hors du Tchads.Le tableaud'avancement dupersonnel des douanes6 comprend 63 agents, dont 27 servent au Tchad : on y compte 8 non tchadiens,18 originaires du nord, 1 du sud,mais leclassement entrecestrois groupes n'a pu êtrefait qu'avec une marge d'incertitudeexcessive.

En revanche, I'arrEtédu 24juillet 19437 quiclasse les anciens interprètes dans lenouveau cadre local subalterne des écrivains interprètesdonne une assezbonne idée de la fonction publique non technique : 40 agentssont concernés, la majorité - 29 - provenant du nord ; parmiles 11 originaires du sud,il y aquelques islamisCs, relevantsurtout des ethnies riveraines du Chari (Boa, Niellim, Miltou,Tounia) qui ont fourni les premiersauxiliaires dela colonisation(pagayeurs, courriers).

1 ccs dcrnicrs trhs nombrcuxpcndant la gucrrc. Par excmplc au JO du 15 novcrnbrc 1923, p. 539, la constitutiondu cadre indigbnedcs douancs dc I'AEF. Il est difficile d'idcutificr Ics 22 agcnts en service au Tchad. 3 JO 15 mars 1939, p. 330. JO 15 juin 1942, p. 358. II y en a eu au moment de la construction du chcmin dc fcr (CFCO). Des imfirxnicrs furcnt affectCs pour soigner la main-d'muvrctchadicnnc ; Ic plus connu fut Harou Djanga, un Sara-Kaba. 6 JO Icr août 1942, p. 427. JO lcr août 1943, pp. 494-495. 252

Il fautrapprocher ce texte de 1'arrGté du18 mai 19431 qui constituenouveaule cadre local secondaire descommis d'administration gCrC par le gouvernementgénéral. Malgr6 la modestiede la dénomination*, il s'agitde l'élite de lafonction publiquelocale. Une fois de plus, laplace du Tchadest très modique,puisque sur 209 commisd'administration numméss il n'y a que 14 Tchadiens,provenant des anciens cadres locaux des expéditionnairescomptables, des comptables du TrCsor etdes Ccrivains interprètes. Lenouveau corps est leplus élev6 de la hiCrarchie locale. Panni les 14 Tchadiens, on trouve Pl originaires dunord dont 6 "SCnégalais"3 et 2 Buaddaïens4ainsi que 3 "sudistes"5.

Il estinteressant decomparer ce texte avec un autrearrêt6 du 18 mai 19436 quiverse dans le cadre secondaire . lesstagiaires, c'est-à-direles representants de la nouvelle. gCnCration. Il y en a 92 pour toute I'AEF dont 7 Tchadiens.Sur le nombre, il y a 4 originaires du sud (3 Sara et 1 Ngambayeislamise) et 3 du nord (2 Arabeset I "SCnCgnlais"). Il est clairque les premiersfonctionnaires tchadiens provenaientdesmilieux urbains islamisés procheset du colonisateur.Mais, dès qu'unrecrutement normal, bas6 surdes concoursouverts aux scolarisds, a CtC organise, la loi du nombre A jou6 en faveur du sud.Curieusement, on peutrelever des

AGG 18 mai 1943 ; JO lcr juin 1943, p. 340. II n'cna pas toujours Etê 'ainsi : sous Louis XIV, lc prcmicr commis Ctait unc sork de secrétaire général du gouvcrncmcnt. En 1950,Icsactucls inspccteurs du Tr6sor s'appclaicnlcommis. Lc plus connu fut B6chir Sow,cheville ouvribrc du cabinct du gouvcrncur depuis 1925 et qui y dcmcura jusqu'h son Clcclior~ commc s6nateur cn 1947. DCputC de1951 h 1956, il mourut le 4 avril 1976 h N'DjLunCna (où il Ctait nC Ic 27 novembre 1907). Hanoun Othman, fils du djerma Othman, granddignitaire tic la cour d'AbCchC avant la couquete. Eibvc P 1'Ccolc des fils de chef de Saillt Louis du SCnCgal, il dcvint Ccrivain interprbtc en 1924 (JO 1-7-24, p. 406). En 1943 il Ctait Ic plus grad6 dcs foonctionnaircs tchadiens. Mis la retrailc cn 1954, il dcvintprêsidcnl de la Cour supr&mccn 1962, poste purcmcnt honorifiquc. Il cst ddc6dC CII 1970. Le sccondOuaddaïcn cst MahamatOurndah, ncvcu dc Doudmourrah, dcrnicr sultau du Ouaddaï.Lui aussi fut envoyC il l'écolc dcsfils dc chcrdc Saint Louis du SCnégal ; nommé Ccrivain intcrprbtc en 1.923 (JO 1-1-24', p. 1 l), il f'ut installC sultan du OuaddaÏ par arret6 du gouvcrncur Brunot cri dalc du lcr octobre 1934 (JO 1934, p. 914) ; dCcédé le 22 avril 1945, il CS[ IC pkrc de I':tctt:ci suIlan. Sur trois,les deux sont des "assimilés" d'origine dahornCennc ci nubanguiennc. JO lcr juin 1943, p. 342. 253 préférencesethniques ou régionalespour certaines corporations : lesinfirmiers vétérinaires sont plutôt au nord' , les moniteurs de l'enseignement plutôt dusud2.

L'arrêté du 12 décembre 1944 du gouverneur ROGUÉ3 portant classement desauxiliaires conduit aux mêmes conclusions : il s'agit dela toute petite fonction publique. Sur 81 noms, on peut identifier 26 originaires du nord, 27 du sud(9 du Moyen Chari, 7 du Logone, 6 duMay0 Kebbi et de la Tandjilé) et 28 non originaires du Tchad.

Un coupdesonde donné en1952-53 révèle un certain équilibreentre les deuxparties du pays : les tableaux d'avancement du cadrelocal des services administratifs et financiers(le niveau le plusmodeste) pour 19524 et pour 19535 comportent65noms parmi lesquels9 concernent des non originaires du Tchad. Surles 56Tchadiens, 26 proviennent du nord, 30 du sud.A la même époque, le cadresupérieur des SAF (niveau le plus élevé) comporte 157 agents pour toute I'AEF, dont 25 affectés au Tchad : 15 sont des Européens ou des Africains non tchadiens. Parmi les 10 Tchadiens, il y a 7 originaires du nord et 3 du sud,en fait les mêmes qu'en 19436.La vitesse acquise donne toujours l'avantage aux anciens. b) L'africanisation

Leschoses vont vite changer : il y aura en 1957 la loi-cadre7, en 1958 l'autonomieinterne, en 1960 l'indépendance. Une politique d'africanisationrapide sera mise en œuvre.Dans lesecteur de l'administration non technique, leplus sensible, elle se manifestera de deux faqons :

1. Envoide stagiaires en France pour y recevoir une formation. L'instrumentprincipal en fut à Parisl'lnstitut des hautesétudes d'outre-mer (I.H.E.O.M.) créé par une ordonnance du 5 janvier 1959.

JO ler août 1943, p. 496 ; mais les premiers docteurs vétérinaires viendront du sud. JO ler décembre 1944, pp. 936-937. 3 JO 15 février 1945, p. 130. JO ler juillct 1952, p. 839. 5 JO 15 octobre 1953, p. 1456. 6 JO ler août 1953,p. 1157. '7 La loi-cadre date du 23 juin 1956 mais ses décrets d'application sont du 4 avril 1957. Cetérablissement tramformgfut Instituten international d'administrationpublique (I.I.A.P.) par décret du 2 décembre 1966. De 1959 B 1966,72Tchadiens entrèrent B I'ZHEOM dont 19 seulement hient originaires du nord (26,39%)l. De 1967 2 1970, il y eut 60 admis du Tchad B I'IIAP : 19 provenaient du nord (3 1,66%)2. Ces pourcentages sont supérieurs à ce qu'auraitdonne le librejeu de la scolaritC. Nomm6s administrateurscivils, magistrats et inspecteurs du travail,les djpl8més de L'IHEOM et deI'IIAP devinrentpour la plupartpréfets ou directeurs de ministGre. Bon nombreentrbrent dans systbmele politique furentet nommés ministres ou dignitaires du partiunique PPT-RDA3.

2. Promotion sur placede fonctionnaires de grade subalterne qui furent nommésadjoints aux préfets et aux sous-prtfets, alors europbens. Le choix en futfait de façon assez équitableet équilibrée au pointde vue régional sur deslistes de propositions&ablies par lespréfets (franpis)de l'époque. Suivant.les notes obtenues et le comportement observC ( etaussi, il faut ledire, des soutiens politiquesvenant d'élus de toutesprovenances), lesstagiaires Ctaient, soit titularisés etnommés sous-préfets ou chefsde poste administratif (PA.), soitreversés dans leur ancienne fonction.

Lagrande relève eut lieu pendant l'été 46. J941 : au ler janvier decette année, tous les pr6fets étaientfrankais, au 31 dCcembre ne restaitplus que le colonelpréfet du B.E.T. Lesderniers sous-prCfets françaispartirent en 1962, Le B.E.T. fut "tchadianisC" ri la fin de 1964. Contrairement B cequi a été "rit (notammentdans la presse), un certainéquilibre a étC recherché(et obtenu) danscette politiqued'africanisation. Une notedestinée au conseil desministres rCvèle qu'au Ier novembre1960, il y avait 39 Tchadiensdans le "personnel de commandementterritorial". Sur cechiffre, on compte 21 originaires du sud et 18 du nord. A cettedate, il s'agissait d'adjointsaux prCfets, de sous-préfets et adjoints et dechefs de P.A. Au 11 août1962, deuxibme anniversaire deI'indCpendance, on comptait,parmi les 13 préfets, 1 Français(le color~eidu B.E.T.), 7 fonctionnaires du sudet 5 du nord ; parmiles 43 sous-prkfets, 5 Français, 22 du sud et 16 du nord.

Annuaire des anciens CI&vcs dc I'IPIEOM, Paris, 1973, IIAP Cd., 118p. Annuairc des anciens Clèves dc I'IMP, Paris, 1973, IIAP kd., 184p. 3 LCS questions de relations intcret~lniyucs dans le systkmc politique nc sont pas traitCcs ici. On se permet de renvoyer h B. LANNE : "Nord el sud dans la vie politique du Tchad", Le rnois en Afrique 11' 172-173, avril-mai 1980, pp. 104-117. 255

Toutce qui précède concerne le "commandementterritorial", c'est-à-direl'armature administrative du paysenrelation directe d'unepart avec pouvoirle politique, d'autre part avec les populations,essentiellement rurales. Il en fut autrementpour les postesl'administrationde centrale. Généralement d'aspect techniqueplus marqué et à caractèrepolitique moins évident (directeursdeministère d'établissementset publics). L'africa- nisation y fut beaucoup pluslente et les soucis d'équilibre régional jouèrent de façon bien moindre.

Lii où nesont pris en compte que les taux de scolarité, l'avantage du sudest écrasant : le tableaud'avancement des instituteurs pour 1962 compte 34 nomsdont un seul du nordl.

c) Etude sur les diplômésde I'Ecole nationale d'administration (E.N.A.)

Créée par un décret-loi du 20mai 1963, l'ENA de Fort-Lamy a ouvertses portes en octobre 1963 et sespremiers diplômes furent décernés en 1965.De 1965 à 1975 inclus, 268 élèvessortirent diplômés de cet établissement. Cette "population" a pu être étudiée de façon très détaillée :

1. 178diplômés appartiennent à 1"'ensemble sara"soit 66,42% du total2

49 Ngambaye (35 du Logone occidental, 14 du Logone oriental} 18 Sara (Moyen Chari) 17 Gor (Logone oriental) 15 Daye (Moyen Chari) 15 Mouroum (Tandjilé) 13 Mbaye (12 du Moyen Chari, 1 du Logone oriental) 13 Goulaye (9 duMoyen Chari; 4 de la Tandjilé)

JO 15 mai 1962, p. 327 ; il estvrai que l'enseignement toujoursa 616 largement domind par le sud. On appelle"ensemble sara" une collectivit6 degroupes ethniques (une douzaineenviron) ayant en commundes langues demême famille, des coutumes et destraditions semblables ou voisines(Sara proprement dits ou Sar, Ngambaye, Gor, Mouroum,Mbaye, Goulaye, SaraKaba, Ngama, Mango ougens deDoba, Bedjond ou Nangda,Nar) etdeux ethnies allogknes considdr6es commeassimilees (Daye et Mboum duTchad). cf. B. LANNE : "Lespopulations du sud du Tchad", Resuefrançaise d'études politiques africaines n"163-164, pp. 41-81, juillet-août 1979. 25 6

13 Sara Kaba (Moyen Chari) 8 Ngama (Moyen Chari) ango (ou gensde Doba, Logone oriental) 3 Nas (MoyenChari) 2 Mboum(Logone oriental)

2. 35 appartiennent ii des ethnies non sara du sud soit 13,06%

8 Boa, Niellim, Miltou et autresriverains du Chari (Moyen Chari) 7 Moundang (Mayo Kebbi) 8 NangtchCr6, Kabalayeet Ounar (TandjilC) 4 Ivlousseille (Mayo Kebbi) 2 Kim (Mayo Kebbi) 2 Massa 2 divers du Moyen Chari(Tounia, Toumak) 2 divers du Mayo Kebbi (Mousgoum, Kado)

3. 55 appartiennent B des ethnies du nord du Tchad soit 20,52%

15 Arabes (6 du Batha, 3 du Kmem, 2 du Biltine, 2 du Salamat, 2 du Chari-Baguirmi) 10 d'ethnies du Chari-Baguirmi (3 "Sénégalais", 2 Bornouans, 1 Foulb6, 1 Wabhiste, 1 Baguinnien, 1 Kotoko, 1 Kanembou) 9 "Goranes" (5 du Kanem : Kréda et Dam du Manga, 4 d'ethnies clu Borkou et de 1'Ennedi) 6 d'ethnies du GuCra (Disdor, Sokoro, Kenga, DangaICat, Moubi) 5 du Ouaddaï (Maba, Djellaba) 5 d'ethnies du Batha (Bilala, Médogo, Kouka) 2 d'etnies du Biltine (Tama, Zaghaoua) 2 d'ethnies du Salamat (Rounga, Kibet) I du Lac (Boudouma).' 257

Si l'on regroupeces diplômés par préfecture,on aboutit aux résultatssuivants :

Moyen Chari 93 soit 34,7096 Logoneoriental 41 15,3096 Logoneoccidental 35 13,0696 Tandjilé 27 10,0796 May0 Kebbi 17 6,3496 Chari-Baguirmi '1 2 4,4896 Batha 11 4,1096 Kanem 8 2,9996 Guéra 6 2,2496 Ouaddaï 5 1,87% B.E.T. 4 1,49% Biltine 4 1,4996 S alamat 4 1,4996

Lac c 1 0,3896 ce quidonne 79,47% pour les cinq préfectures du sud et 20,5596 pourles neuf préfectures du nord*.

Ilserait naturellement tentant de faire une comparaison entre lespourcentages ci-dessus et la répartionpar préfecture des élèves scolarisés. Le résultat n'est pasprobant, le Chari-Baguirmi faussant toutesles statistiques, ce qui prouve une fois de plus que lesécoles de N'Djaménascolarisent des enfants de toutes régions. On relèvera cependantque le May0 Kebbiest réduit B la portioncongrue avec 16,57%des enfants scolarisés et seulenlent6,34% des diplamés de l'ENA.Les huit préfectures du nord autresque les Chari-Baguirmi semblentbeaucoup mieux loties puisque, avec seulement 10,59% desscolaris&s, elles obtiennent 16,05% des diplhés de l'ENA. Il y a lii une sorte de paradoxe. .. cl) La haute fonction publique en 1978

Aprgs le coupd'Etat du 13avril 1975, le Conseilsupérieur militairedécida de fairc proc6der ri un recensement génCral des fonctionnairesquieut lieu effectivement du 14janvier au 20 avril1976. Ses résultats sont consignés dans trois gros volumes ronéotéspubliés en 1976 par le Ministkre de la fonctionpublique.

h-loycnnnnt unarrondissement de décimales, Ics 20.53% dcspréfccturcs du nordindiquees ici correspondent aux 20,52% des ethniesdu nord indiquées plus haut. On extraita de ce document lesinformations concernant les fonctionnairestitulaires appartenant aux trois catCgories lesplus élevCes de la fonctionpublique soit Al, A2 et B3. Grâce il un dépouillement exhaustif des actes divers (recrutements,promotions, rdvocations, dé@&) concernant ces m6mes catégorieset publiés au Yournal officiel du 13 avril 1975 au 15 juillet 1978 (dernier numiro paru), on a pu corriger et eompl6ter les informations puisées dans le recensement géneral. On a pu obtenir ainsi une situation dela haute fonctionpublique tchadienne en 1978. Fautedepouvoir procéder , surplace A delongues minutieuseset investigations, on n'a malheureusement pas tenirpucompte desmodifications importantesqui sont survenues après 1978. Quoique une bonne thèse ait éte soutenue surla question en 19811, il faut se contenter des chiffres donnts ci-apr&s qui sont vieux de huit ans :

1 nord sud nord total

SCUzte" B3. : inspecteurs sanitaires 5 27 22 Al : docteurs en médecine 7 33 40 Total santC 12 (17,9196) 55 (82,09%) 67

Enseignenrent Al : professeurs et r maiclres assistants - 9 9 A2 : professeurs licenciés 73 31 104 B3 : professeurs de CEG et 1 *" inspecteurs primaires 23 primaires inspecteurs 82 105 Total enseignementTotal 54 (24,77%) 164 (75,23%) 218

Travail A2 : inspecteurs - 6 Ci B3 : inspecteurs adjoints - 5 5 Total travail Total - 11 (100%) 11

Total général secteursocial 66 (22,30%) 230(77,7096) 236

Jacqucs DONO-HORNGAR YOGUERNR : La gestion de fa fonction publique trhadienne, Thi.sc pour Ic doctorat d'étaf en droit, Paris, 1, 1981, 458 p. rQl60. 259

Agriculture Al : docteursvétérinaires 1 14 15 A2 : ingénieurs d'agriculture, du génierural, agronomes 6 29 35 B3 : ingénieurs des travaux ruraux,des travaux agricoles- 8 31 39 A2 : ingénieurs des Eaux etForêts 22 22 B3 : ingénieurs des travaux des Eaux et Forêts 1 4 5 Total agriculture, E & F 16 (13,7996) 100(86,2196) 116

Postes ef télkcommurzicatiolls A2 : ingénieurs des télécom, inspecteurs ppaux P&T 5 17 22 B3 : inspecteurs des LEM, inspecteurs P&T 11 54 65 Total postes et télécom. 16(18,3996) 71 (81,61%) 87

Travuux publics et mines A2 : ingénieurs pontset ch., météo, aéron. civ.,mines 9 16 25 B3 : ingénieurs destrav. météo, cadastre,travaux publics 4 3 7 Total travaux publics, mines 13 (40,63%) 19 (59,3796) 32

Statistique Al : ingénieurs - 2 2 A2 : ingénieurs des travaux 2 1 3 B3 : adjoints techniques 6 9 15 Totalstatistique 8 (40%) 12 (60%) 20

Total gCnéral secteur économique 53 (20,7896) 202 (79,22%) 255

Finances A2 : inspecteurs principaux du TrCsor, des impats, desdouanes 1 12 13 B3 : inspecteurs du TrCsor, dcs impôts, des douanes 7 37 44 Totalfinances 8 (14,04%) 49 (85,9696) 57 260

Justice A2 : magistrats 5 15 20 B3 : greffiers ~PPchef 3 2 5 Total justice Total 8 (32%) 17 (68%) 25

Jnfornzatioln B3 : documentalistes,inspecteurs %EMde la RNT, animateurs 1 12 13 A2 : ingCnieurs EM (RNT), rCd. en chef,journalistes, administr. de l'information 9 23 32 Total informationTotal 16 (22,22%)(77,7896) 35 45

Affaires Ctrang8res B3 : secrétaires 1 5 6 A2 : conseillers 8 18 26 Totalaffaires 6trangères 9 (28,1396) 23 (71,8796) 32

Total g6nCral administrationtechnique 35 (22,01%) 124 (71,99%) 159

Police A2 : commissaires 4 22 26 B3 : officiers de paix 1 17 18 Total police (1 5 1,36%) 39 (88,64%) 44

Administration Al : administrateurs en chef 1 6 7 A2 : administrateurs civils 29 90 119 B3 : administrateursadjoints 33 99 132 Total administrationTotal 63 (29,4296) 195 (75,58%) 258

Total g6nCral administrationd'autorit6 68 (24,42%) 234 (75,5896) 302

Secteursocial 66 (2230%) 230 (77,70%) 296 Secteur&onornique 53 (20,78%) 202 (79,22%) 255 Administrationtechnique 35 (22,01%) 124 (77,9996) 159 Administrationd'autoritC 68 (24,42%) 234 (75,58%) 302

Total g6nCral 222 (21,94%) 790 (78,06%) 1 0 12 26 1

An total,la place du norddans la hautefonction publique en 1978était plus proche du cinquièmeque du quart. Il y a peu de commentaires à faire sur ceschiffres, sinon qu'ils recoupent presqueparfaitement ceux de la scolarisation. Cependant, on peut noterla proportion relativement élevée - eten tout cas supérieure2 lamoyenne générale de 22% - de fonctionnaires du norddans deux secteurs : 1. dansles spécialités des travaux publics, mines et statistiques : leurpart avoisine les 40% soitprès du double du taux de scolarisationmoyen ; 2. cette part atteint ou dépassele quart du totaldans la justice, l'administrationproprement dite (corps des administrateurs) et les affairesles étrangères, c'est-2-dire branchesles de l'administration où lanotion de puissance publique est la plus présente. e) Taux dc scolarisation et préoccupationspolitiyucs

Ladocumentation sur la fonction publique ne manquepas : le Journalofficiel du Tchada paru régulièrementjusqu'en 1967 inclus. De1968 iï 1972,quelques numéros ont paru, irrégulièrement. La parutionrégulière a repris du 13 avril1975 au 15 juillet 1978. Les textesqu'on trouvey confirment abondamment lasuprématie du suddans la petite fonction publique.

Celle-cipatenteest lorsque l'onexamine tableaule d'avancementdes gardiens de la paix (JO ler février1962, p. 92) ou desinstituteurs et instituteurs adjoints (JO 15 mai1962, pp. 327- 329),lestextes concernant titularisationla des moniteurs de l'enseignement (JO lerjuillet 1962, pp. 535-538), perfec-le tionnementdes infirmiers (JO ler septembre1962, p. 678) ou le stagedes infirmiers (JO ler septembre 1963, p.494).

Il s'agit 1% de petits emplois. Des Ctudes dedétail montrent que dès qu'unenomination administrative présente un aspectpolitique, il y arecherche d'un certain équilibre et la part du nord augmente. Si l'onexamine toutes lesdésignations décidées en 1964 et1965 (publiées au JO) B despostes d'adjoints au préfet, de sous-préfets, d'adjointsaux sous-préfets et de chefsde poste administratif, on trouveles résultats suivants : sur 84 nominationsde fonctionnaires du sud, 52 sontfaites pour des postes situCs dans le nord, 32 pour 262 despostes situés dans lesud ; sur 47 nominations defonctionnaires du nord,13 nonlinations concernent des postes situés dans le sud, 34 despostes situCs dans le nord.

LaprCpondérance du sudest nette (84 nominationssur 131, soit 64,12% du total)mais elle estbien moindre dans le "commandementterritorial" que dans l'ensemble delafonction publique. On notera Cgalement que,sur 86 nominations 5 despostes situCs dans lenord, 34 vont A desoriginaires, soit 39,53%, plus que lepourcentage global (35,860JO)'.

La politiquedite de"réconciliation nationale" lancée en 1969-70 s'est traduitedans ces nomidations. En 1970, sur14 préfets,lamoitié vient du nord ; sur 50 sous-préfets, 19 sont originaires du nord soit 38%2. En 1972, il y a 9 prCfets originaires du nordtoujours sur 14 (64%). Il n'en est pas de mhe dans l'administrationcentrale : en 1972, sur 39 postesde direction dans lesministères et établissementspublics nationaux, 8 seulement sont tenus pardes originaires du nord soit 20%3 ; sur10 ambassades, 4 sont confiées 2 desfonctionnaires du nord (40%).

Leconseil supérieur militaire paraît avoir négligé les impératifs auxquels le régirnepréckdent ktait sensible : en 1978,sur 19 ambassadeurs,7seulenlent sont du nord (37%)4.

L'enseignement au Tchadeut des d6buts difficiles en raison de la pénuriepersistante d'instituteurs europCens et del'absence de personnelafricain formé. Ce n'est que peu avant la guerre de 1939-45qu'un systihne d'enseignement primaire rCduif mais de bonnequalit6 put fonctionner norInalernent. Destinées au petit nombre, ses Ccoles étaienttrèséquitablement réparties dans I'ensemble du pays.Mais, dans le nord,elles durent faire face il

I Annuaireofficid d~r Tchad 1970, Miuisthre dc I'iuforrnation, Fort-Lnnly, Diloutremer Paris, 1970,202 p. Annuaire onicief dfc Tchud 1972, Ministitrc de I'irlrormnlion. Fort-L:trny. Diloulrcmer Paris, 1972, 256 p. 3 La doctrine a beaucoup varié dans cc dornainc. Pendant les dcrniercs années de Tombalbayc, on pr6ferait nommer dans Ic nord des prCfcts el sous-préfetsoriginaires de cetteregion. Lc rCgime mili(aire, au nom de I'uuité nationale,fit systCmatiquement le contraire. Annuaireofliciel du TchuJ 1978. 263 l'indifférence,voire ri. l'hostilitédes populations ri. l'exception d'une petitefraction, urbaine, souventoriginaire de l'Afrique de l'ouest ("Sénégalais") etliée au colonisateur. En revanche, le sud du pays acceptavolontiers et réclama même souvent I'école.

Il n'estdonc pas surprenant que les premiers diplômes (certificatsd'études) scolaires soient allés majoritéen aux originaires du sud,singulièrement du Moyen-Chari. L'enseignement primaireprit uncaractère d'enseignement de masse à partirde 1948-50,mais seulement dans les régions du sud où les taux de scolarisation atteignirent 40 à 50%(sauf au Mayo Kebbi) c'est-à-dire un niveau comparable à celuides pays d'Afrique lesplus avancés. Mais dans le nord,ces taux restèrent presque toujours inférieurs à 10% et l'enseignement y est demeuré réservé au petit nombre. Il y apeut-être eu un certain progrès entre 1965 et 1975, mais il reste sujet à cautionen raison de l'incertitude des statistiques.

Ilen est résulté un déséquilibregrave : 80% desenfants scolarisésproviennent des régions méridionales. Cette inégalité se retrouve,lorsqu'elle n'est pas aggravée, dans lesecondaire et le supérieur.Elle ne pouvait rester sans effets, nefut-ce que mécaniques,sur lafonction publique. Celle-ci s'est constituée tardivement. Sespremiers élémentsprovenaient de la bourgeoisie urbaineislamisée (toujours les "Sénégalais") qui a tenu le haut du pavé pendant presquetoute la période coloniale. Mais, dèslors que l'onse mit B procéder à des recrutementsréguliers par concours ouverts aux diplômés, le poids du sud se manifesta de fqon de plus en plus prononcée. En 1978, il atteignait près de 80%, c'est-%-dire la même proportion que lascolarisation.

Des étudesde détail montrent cependant que les nominations h certainspostes politiquement sensibles furent décidées de manière ri. corriger, dans une certaine mesure, ce déséquilibre.

Sans nul doute, le nord a souffert de son "refus de I'école'' qui l'amarginalisé dans 1'Etat. Les conséquencespolitiques de cette attitudeont été et restent considérables. Il y eut certes, avant 1975, uneparticipation importante du norddans les organespolitiques, encoreque l'on puisses'interroger sur la représentativitédes élus de cette région. Lepoids du "différentiel" de scolarisation continue % sefaire sentir dans l'administration. 264

Le travailprisent& ici ne prétend pasépuiser un sujet la fois redoutableet immense. Il a peut-etre un peu privilégiél'étude des rapports mord-sud auditriment des relations entre les divers groupesethniques peuplant chacune des deux parties du Tchad, relationsqu'on n'a pu aborderqu'épisodiquement.

Ils'est agi ici, essentiellement,d'apporter des donnCes chiffrees aussi avCr6es quepossible etdes ClCments historiques sur le systèmescolaire et la fonctionpublique, etla place qu'y tiennent les différentespopulations. Le champ ouvert B laréflexion demeurera trks vaste,une fois dissipes certains mythes. On peut se demander, parexemple, pour quelles raisons l'islam tchadienarefus6 l'école laïquefrançaise alors quecelle-ci areçu un accueil bienmeilleur dans lespays musulmans d'Afrique de l'ouest. On peut se demander s'il Ctait possiblede créer un syst&mescolaire différent mieux admis parles populations, sans pourautant mettre en cause l'unit$ du Tchadl. On peutenfin se demander quelles sont k cet égard les perspectivesd'avenir, alors que leTchad retrouve une certaine stabilité.

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