MORT1943 ET RÉSISTANCE BIEN QU’AYANT rarement connu les noms de leurs victimes juives, les nazis entendaient que ni Zivia Lubetkin, ni Richard Glazar, ni ne survivent à la « solution finale ». Ils survécurent cependant et, après la Shoah, chacun écrivit un livre sur la Résistance en 1943. Quelque 400 000 Juifs vivaient dans le ghetto de Varsovie surpeuplé, mais les épi- démies, la famine et les déportations à Treblinka – 300 000 personnes entre juillet et septembre 1942 – réduisirent considérablement ce nombre. Estimant que 40 000 Juifs s’y trouvaient encore (le chiffre réel approchait les 55 000), , le chef des SS, ordonna la déportation de 8 000 autres lors de sa visite du ghetto, le 9 janvier 1943. Cependant, sous la direction de Mordekhaï Anielewicz, âgé de 23 ans, le Zydowska Organizacja Bojowa (ZOB, Organisation juive de combat) lança une résistance armée lorsque les Allemands exécutèrent l’ordre d’Himmler, le 18 janvier. Bien que plus de 5 000 Juifs aient été déportés le 22 janvier, la Résistance juive – elle impliquait aussi bien la recherche de caches et le refus de s’enregistrer que la lutte violente – empêcha de remplir le quota et conduisit les Allemands à mettre fin à l’Aktion. Le répit, cependant, fut de courte durée. En janvier, Zivia Lubetkin participa à la création de l’Organisation juive de com- bat et au soulèvement du ghetto de Varsovie. « Nous combattions avec des gre- nades, des fusils, des barres de fer et des ampoules remplies d’acide sulfurique », rapporte-t-elle dans son livre Aux jours de la destruction et de la révolte. « Pendant quelques minutes, nous avons été grisés par le frisson du combat. Effectivement, nous avons vu de nos yeux les Allemands, conquérants du monde, battre en retraite, effrayés par une poignée de jeunes Juifs armés seulement de quelques pistolets et grenades à main. » Zivia Lubetkin savait que les Allemands reviendraient. La seule question était de savoir quand. Pour les 50 000 Juifs qui demeuraient dans le ghetto, la réponse décisive survint le 19 avril 1943, la veille de la Pâque. Cette fois, les troupes bien équipées du général Jürgen Stroop s’attendaient à une résistance armée en péné- trant dans le ghetto et elles s’y confrontèrent. Conscients de la puissance de feu très supérieure des Allemands, les combattants juifs piètrement armés – au nombre d’environ 700 à 750 – ne se faisaient aucune illusion sur la possibilité de vaincre Stroop. Mais Z. Lubetkin vit les Allemands se replier d’abord lorsque les armes à feu, les grenades et les « cocktails Molotov » des Juifs, en quantité réduite, semè- rent la peur et la mort chez les envahisseurs allemands. À nouveau, le répit fut temporaire. « L’ennemi a mis le feu au ghetto, témoigna Z. Lubetkin. Comment décrire les terribles souffrances et la ter- reur des Juifs pris au piège dans les flammes ? » Pourtant, les combattants du ghetto résistèrent. Des partisans du groupe Greenspan se réunissent dans la forêt de Parczew, en Pologne. 405 Ce ne fut que le 16 mai que Stroop put noter dans son rapport que « le quartier juif de Varsovie avait cessé d’exister. » Mais à cette date, Z. Lubetkin s’était déjà enfuie par les égouts et était passée du côté « aryen » de Varsovie où elle poursuivit sa résistance. Le soulèvement du ghetto de Varsovie revêtit une importance bien supé- 1943 rieure à des rapports de batailles et du décompte des pertes. La nouvelle du soulèvement inspira ailleurs une résistance juive et accrut l’inquiétude des nazis après la défaite révélatrice de l’armée allemande sur le front Est à Sta- lingrad, en Russie, fin janvier. Comme dans le cas du ghetto de Varsovie, si héroïque et si répandue fût-elle, la Résistance juive manqua en général du soutien extérieur nécessaire pour remporter des victoires autres que morales. Pendant le soulèvement du ghetto de Varsovie, un Juif tchèque nommé Richard Glazar luttait pour demeurer en vie au camp de Treblinka situé à une centaine de kilomètres au nord-est de Varsovie. Né en 1920, il avait été envoyé début octobre 1942 du camp / ghetto de Theresienstadt (Tchécoslo- vaquie) dans ce camp de la mort. Les chambres à gaz de Treblinka coûtèrent la vie à plus de 800 000 Juifs, mais Glazar fut parmi les très rares détenus qui furent épargnés pour travailler. Comme Lubetkin, il résista et survécut pour raconter son histoire dans son livre Trap with a Green Fence (La trappe du grillage vert). Glazar vit régulièrement les trains qui acheminaient des milliers de Juifs à Treblinka. Au printemps 1943, il savait jusqu’où les nazis perpétraient leurs assassinats en masse car les convois amenaient des Juifs de Bulgarie et de Grèce. Tandis que les Juifs disparaissaient à tout jamais en arrivant à Treblinka, leurs biens demeuraient. Avant que les déportés soient déshabillés, gazés et brû- lés, les Allemands pillaient leurs affaires. Glazar se sou- vient du camp comme d’un « gigantesque entrepôt de bric-à-brac. » On pouvait tout trouver à Treblinka, écrit- il, « excepté la vie ». Trier le butin devint pour lui un tra- Le commandant Jürgen Stroop (au vail routinier qui le maintint en vie. Lui et ses camarades prisonniers se centre) accompagne ses soldats savaient condamnés si le tri cessait. pendant le soulèvement du ghetto Alors que tout était contre eux, les Juifs résistèrent à Treblinka. Décrivant les de Varsovie. trains chargés de butin au départ du camp de la mort, Glazar se souvient que les prisonniers cachèrent deux évadés entre les ballots, afin que le monde apprenne les meurtres. Puis, fin mai 1943, Glazar vit « le convoi le plus misérable de tous ceux qui arrivèrent à Treblinka. » Les gens venaient de Varsovie. Leurs affaires étaient si pauvres qu’il n’y avait pas grand-chose à trier. Mais, par ailleurs, souligne Glazar, ces derniers convois de Varsovie étaient riches : d’espoir, parce qu’ils apportaient la nouvelle du soulèvement du ghetto. Cette nouvelle fit croire à Glazar et à ses com- pagnons que les avertissements des évadés de Treblinka avaient contribué au sou- lèvement de Varsovie. Quant au soulèvement de Varsovie, il commença à émouvoir les détenus de Treblinka qui, pour reprendre les propos de Glazar, « renoncèrent à l’espoir d’être les derniers à échapper à cette mort dans le dénuement. [Il faut] montrer au monde et à vous-mêmes [ce qui se passe]… » À Treblinka, depuis le printemps, un groupe de résistance avait prévu de s’emparer d’armes dans l’arsenal des SS, de prendre le contrôle du camp, de le détruire et de rejoindre les partisans dans la forêt. La date du soulèvement de Treblinka était fixée au lundi 2 août. Vers 16 heures, avant que les chefs de la résistance n’aient pu prendre le contrôle de la cache d’armes, un officier SS qui se montrait soupçonneux fut tué par un coup de feu qui alerta les gardes

406 du camp et donna prématurément le signal de la révolte aux déte- nus. Pendant les échanges de coups de feu, certains prisonniers mirent le feu à des parties du camp. Alors que les détenus s’évadaient en courant, la plupart furent abattus depuis les tours de guet du camp ou pris et tués plus tard. Le jour du soulèvement, le camp contenait environ 850 prisonniers. Environ 750 tentèrent de s’évader. Glazar fut l’un des 70 qui survécurent à la Shoah. Après la révolte, les Allemands contraignirent les évadés qui avaient été repris à raser ce qui restait du camp de Treblinka. Puis, ces prison- niers furent abattus, des arbres furent plantés et le site fut camouflé en Le four crématoire IV à Auschwitz- ferme. La résistance juive avait contribué à fermer Treblinka, mais seulement Birkenau pouvait incinérer près de après que la raison d’être du camp ait été, pour l’essentiel, achevée. 1 500 corps par jour. Entre-temps, au sud-est de Treblinka, à cinq kilomètres du fleuve Bug, le camp de la mort de Sobibor fonctionnait toujours. Entre mars et juillet 1943, 19 convois des Pays-Bas acheminèrent 35 000 Juifs néerlandais dans les chambres à gaz de Sobibor qui, au total, tuèrent 250 000 Juifs. Le rythme des meurtres diminua ensuite, plus de 13 000 Juifs des ghettos liquidés de Vilnius, et Lida étant gazés à Sobibor pendant les quinze derniers jours de sep- tembre. Les détenus du camp comprirent que la fin des convois signifiait éga- lement la fin de leur vie. Début septembre 1943, environ 650 détenus juifs de Sobibor étaient astreints au travail. Comme à Treblinka, certains étaient des travailleurs qua- lifiés chargés de la maintenance du camp, d’autres triaient le butin, d’autres encore faisaient partie des équipes chargées d’évacuer les corps des chambres à gaz. Thomas Blatt faisait partie des quelque 300 prisonniers qui s’évadèrent du camp pendant le soulèvement qui éclata le 14 octobre 1943. Paru en 1996, son livre Sobibor, The Forgotten Revolt (Sobibor, la révolte oubliée) précise que 48 seulement des évadés de Sobibor survécurent après s’être libérés. Le soulèvement de Sobibor conduisit les Allemands à abandonner leurs projets de convertir le camp de la mort en un camp de concentration. Ils déci- dèrent plutôt de démanteler et de camoufler les installations dont le travail de meurtre avait, de toute façon, été pratiquement accompli. Comme Treblinka, Sobibor devint une ferme. Ce ne fut cependant pas le seul résultat du soulè- vement. Les événements de Varsovie, Treblinka et Sobibor indiquaient que les Juifs polonais étaient de plus en plus conscients qu’il n’y aurait pas de « salut par le travail ». Pri- vés de l’espoir de survivre, ils allaient résister jusqu’à la mort. Conscient de la menace d’une telle résistance juive, Himmler accéléra l’extermination des Juifs qui demeu- raient dans les camps de travail de la région de Lublin, à Trawniki et Poniatowa, ainsi que dans le camp de la mort de Majdanek. Le 3 novembre 1943, dans la région de Lublin, quelque 42 000 Juifs furent rassemblés et abattus. L’historien Chris- topher Browning expliqua que ce massacre constituait «l’opération de meurtre la plus importante perpétrée par les Allemands Des officiers allemands découragés contre les Juifs durant toute la guerre. » Son nom de code était Erntefest, qui face aux Russes qui les ont faits signifie en allemand « fête des moissons. » prisonniers après la bataille de Des estimations prudentes montrent qu’au moins 500 000 Juifs périrent Stalingrad. en 1943 dans la Shoah. Sans que ce soit de sa faute, la Résistance juive de cette année – si importante qu’elle fût et si impressionnante qu’elle demeure – ne suffit malheureusement pas à éviter le désastre.

407 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Le rabbin Leo Baeck

Éminent rabbin et théolo- gien du judaïsme libéral alle- mand depuis 1897, Leo Baeck exerça ses fonctions à de 1912 jusqu’à sa déporta- tion au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslo- vaquie, début 1943. Lorsque les nazis créè- rent la Re- Comme on leur faisait croire qu’ils partaient pour une « réinstallation », présentation les Juifs en route pour Auschwitz transportaient des valises contenant leurs des Juifs alle- biens les plus précieux. Alors que les prisonniers étaient souvent envoyés à mands du la mort dès leur arrivée, leurs affaires étaient gardées, triées et entreposées Reich, Baeck en fut nommé pour être expédiées en Allemagne. président. Représentant principal des Juifs allemands, il refusa de quitter l’Allemagne, même lorsque sa sécurité, ainsi que celle des Juifs allemands, fut menacée. Après sa déportation à Theresienstadt, Baeck œuvra sans relâche pour remonter le moral de nombreux Juifs, même ceux qui, il le savait, étaient voués à Auschwitz. Après la guerre, Baeck s’ins- talla à Londres où il devint le président du Conseil des Juifs d’Allemagne. L’Institut Leo Baeck, première institu- tion se consacrant à l’étude des Juifs allemands, porte le Ces Juifs sont emmenés au ghetto de Grodno (Biélorussie), créé peu après nom de cet homme véné- l’invasion de la Russie par les Allemands. En novembre 1941, 25 000 Juifs rable. de Grodno et de la région voisine furent contraints de s’installer dans ce ghetto qui fut liquidé en janvier 1943, lorsque les habitants juifs furent dépor- tés à Treblinka. Avant même l’occupation de cette région de l’Union soviétique par les Allemands, des antisémites de la population civile avaient attaqué les Juifs.

• 1943 : Heinrich Himmler est ministre de Slovaquie et allié d’Adolf nommé ministre de l’Intérieur du Hitler, interrompt brièvement les Reich. • Le pape Pie XII annonce déportations des Juifs slovaques. • En que le Vatican ne peut aider les France, Sabina Zlatin, une Juive, crée opprimés que par « nos prières ». la maison d’enfants d’ qui abrite • Création du parti collaborationniste une centaine d’enfants juifs ; voir 6 1943 Nye Denmark (Nouveau Danemark). avril 1944. • Première édition en • Fondation de SS Galizien (SS de Allemagne du texte antisémite Archiv Galicie), une unité de volontaires SS für Judenfragen (Archives sur les ukrainiens. • Jozef Tiso, premier questions juives).

408 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Dans le ghetto de Varsovie, un tra- vailleur retire de la rue un corps décharné. En janvier 1943, les Alle- mands entreprirent une nouvelle déportation à partir du ghetto. Pour la première fois, les Juifs résistèrent avec force, utilisant quelques rares armes pour combattre les Allemands dans les rues et dans les immeubles du ghetto. Ces accrochages remontaient le moral et permettaient d’acquérir une expérience indispensable pour la lutte décisive qui allait commencer quelques mois plus tard.

« Rues pleines, pleines… Vendant. Mendiant. Pleurant. Affamés. » —Jan Karski, témoin du ghetto de Varsovie

Des prisonniers détenus à Dachau travaillent dans une usine d’armements voisine. Peut-être un tiers des travailleurs du camp étaient Juifs ; les autres étaient des dissidents politiques, des ecclésias- tiques, des Tsiganes, des Témoins Des enfants vêtus de loques atten- de Jéhovah, des homosexuels et dent devant un mur en briques du des prisonniers de guerre ghetto de Varsovie. Durant l’hiver soviétiques. L’exploitation du travail 1942-43, les conditions dans le servile et l’intensification de l’effort ghetto furent abominables. Les tuyau- de guerre contribuèrent à la crois- teries gelaient et les eaux d’égout se déversaient dans les rues. Le sance du camp. Dachau compta faisait rage dans l’ensemble du par la suite 36 camps annexes qui ghetto et les rations de famine préle- exploitaient le travail de 37 000 vaient un lourd tribut sur la population prisonniers. L’immense majorité tra- juive. Plus de 5 000 personnes mou- vaillait dans la production d’arme- raient chaque mois, et ceux qui s’ac- ments. crochaient à la vie étaient dans un état lamentable.

• Janvier 1943 : En ce début d’année, Est ; plus de 40 000 sont tués au combat daison soient réalisées par des prisonniers 10 000 Juifs sont astreints au travail dans entre forces allemandes et soviétiques. Plu- désignés qui recevront trois cigarettes. des usines dans toute l’Allemagne. • Les 27 sieurs milliers d’autres sont faits •Les membres de la Résistance juive du derniers Juifs de Bilgoraj, en Pologne, sont prisonniers et maltraités et par les ghetto de Varsovie commencent à se scin- chassés de leur cachette et massacrés. Soviétiques et par les prisonniers de der en 22 groupes. Ils construisent abris et • Près de 870 enfants, infirmes, médecins guerre de l’Axe. bunkers, et même des tunnels conduisant et infirmières des Pays-Bas sont envoyés à à la partie non juive de la ville. • Moshé Auschwitz. • Une victoire militaire rempor- • Une circulaire SS sur l’application des Fish et Leva Gilchik, des Juifs qui, en tée par les Soviétiques sur le Don astreint peines de mort dans les camps d’extermi- juillet 1942, avaient constitué un groupe au travail 50 000 Juifs hongrois sur le front nation enjoint que les exécutions par pen- de partisans dans les forêts des environs

409 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Fritz Sauckel fut le plénipotentiaire La propagande nazie ne connaissait pas de frontières dès lors qu’il de l’Allemagne pour la mobilisation s’agissait d’amener le Volk (peuple) allemand à soutenir l’effort de guerre. des travailleurs de 1942 à 1945. À S’ajoutant aux discours radiodiffusés et aux défilés incessants, les timbres- ce titre, il réduisit en esclavage des poste véhiculaient le message de la gloire militaire. Les scènes de bataille travailleurs d’Union soviétique et représentées sur ces timbres renforçaient le lien entre la nation allemande et d’autres territoires occupés, et chassa la guerre. plus de cinq millions d’habitants des territoires occupés pour les emmener en Allemagne. Sauckel fut aussi res- ponsable de l’extermination de plusieurs dizaines de milliers de travailleurs juifs en Pologne. Pour ses crimes, Sauckel fut pendu par les Alliés, le 16 octobre 1946.

À Allach, un camp annexe de Dachau en Allemagne, des prisonniers travaillent dans une usine de moteurs d’avion de la Bayerische Motoren Werke (BMW). Au fur et à mesure que la guerre se prolongeait, les camps fournirent un réservoir ines- timable de travailleurs pour les indus- tries d’armement allemandes. Les entreprises privées comme BMW pouvaient embaucher des travailleurs à des coûts extrêmement faibles. Dans les années 1990, des « accords » de ce type revinrent han- ter BMW et d’autres entreprises alle- mandes encore existantes.

de Kleck, en Pologne, meurent au combat d’Hitler. Ils ont le sentiment qu’Hitler a contre des troupes allemandes. présumé de ses forces et que la guerre évolue en une dangereuse entreprise sur • Le putsch planifié par quelques géné- deux fronts. En dépit de leur opposition raux allemands à Stalingrad, en Russie, à Hitler, ces principaux opposants sont et visant à renverser Hitler, ne se antisémites et souhaitent que les Juifs 1943 produira jamais. Les principaux disparaissent. Ils concluent que les Juifs opposants allemands à Hitler et aux nazis exercent une « influence calamiteuse… – pour la plupart des conservateurs – sur la nation » et constituent « un danger conspirent pour renverser le Reich pour la nation allemande. »

410 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Photographié avec le collaborateur français Marcel Déat, Joseph Darnand (à droite), était l’un des collabora- teurs français les plus haïs. Darnand dirigeait une organi- Des choix fictifs sation militaire française qui combattait ouvertement avec les Allemands. Chef du Service d’ordre légionnaire, Dar- « On veut vivre », écrivait Salmen Lewental. nand fut responsable des opérations de sûreté dans la Ces mots figurent dans un carnet enterré et France de Vichy. Le SOL traquait les résistants français et retrouvé près des ruines du four crématoire III les torturait sauvagement. Lorsque la France fut libérée en à Birkenau. Sélectionné pour le travail à son 1944, Darnand et 6 000 de ses partisans s’enfuirent en arrivée à Auschwitz le 10 décembre 1942, Allemagne. Lewental fut affecté au , un mois plus tard, et condamné à travailler dans les chambres à gaz et aux fours crématoires. Il tint bon suffisamment longtemps pour rejoindre le soulèvement du Sonderkommando, le 7 octobre 1944. On ignore la date de sa mort. Dans son carnet, Lewental imagine à un moment quelqu’un lui demandant : « pourquoi faites-vous un travail aussi ignoble ? » À part la phrase « on veut vivre », il n’est pas de bonne réponse, car Lewental avait-il le choix ? La puissance nazie contraignit à maintes reprises des personnes sans défense à procéder à ce que l’intellectuel Lawrence L. Langer appelle des « choix fictifs ». De tels choix, dit-il, ne « traduisent pas telle ou telle option entre la vie et la mort, mais entre une forme de réponse “anormale” et une autre, toutes deux imposées par une situation qui n’était en aucun cas choi- sie par la victime. » Telle était l’atroce situation dans laquelle se trouvait Lewental. Il ne se porta pas volontaire pour le Sonderkommando, pas plus qu’il ne choisit la déportation. À Auschwitz, Lewental, à l’instar de millions d’autres victimes de la Shoah, n’avait pas d’autres choix que de mou- rir en se suicidant, en résistant ou en tant que Sonderkommando, autrement dit, des « choix fictifs. »

Des médecins et des infirmières examinent un petit enfant réfugié d’Europe dans les bureaux de l’Organi- sation sioniste mondiale à Tel Aviv, en Eretz Israël. En dépit des efforts déployés par les Britanniques pour limiter l’immigration juive en Palestine, les réfugiés juifs affluèrent régulièrement dans la région en 1943, la plupart clandestinement.

• Au cours de ce seul mois, les Allemands séder un compte en banque. Tous sacre des Juifs polonais par les Alle- exterminent 61 000 Juifs à Auschwitz, leurs fonds doivent être déposés sur mands que sur les attaques lancées Treblinka et Belzec. • Le Département un compte central. par ces derniers contre les d’État aux États-Unis, parfaitement au catholiques polonais. courant de la Shoah, continue à bloquer • 3 janvier 1943 : Le président polo- les tentatives de transférer des enfants nais, Wladyslaw Raczkiewicz, • 4 janvier 1943 : Les services adminis- juifs en Amérique. demande que Pie XII dénonce publi- tratifs de la SS ordonnent à tous les quement les atrocités allemandes commandants des camps de concentra- • 1er janvier 1943 : Les Juifs des perpétrées contre les Juifs. Le pape tion d’envoyer les cheveux pris aux Pays-Bas ne sont plus autorisés à pos- garde le silence aussi bien sur le mas- femmes juives à l’entreprise Alex Zink, Filzfabrik AG à Roth, en Allemagne,

411 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Auschwitz

« Là, des gens vivaient et dis- tion d’une deuxième section – autres êtres humains sur le prin- paraissaient du jour au lende- Auschwitz II – et la construction cipe du travail à la chaîne. main, » écrivit le rescapé de la commença en octobre. Fin 1941, Les ingénieurs allemands esti- Shoah Élie Wiesel. Les Polonais un troisième agrandissement maient que ces quatre fours cré- appelaient cette bourgade Oswie- était en cours. Auschwitz III fut matoires pouvaient incinérer cim, mais elle est plus connue appelé Buna-Monowitz, du nom 4 415 corps par jour. Ce chiffre sous son nom allemand d’Ausch- de l’usine de caoutchouc synthé- était cependant inférieur à la witz. L’endroit est devenu syno- tique Buna à Monowitz, qu’une capacité quotidienne des nyme de la Shoah. main-d’œuvre servile avait chambres à gaz. Les ingénieurs La ville d’Oswiecim qui, avant construite pour l’entreprise alle- s’efforcèrent alors de doubler le la guerre, comptait 12 000 habi- mande I. G. Farben. rythme d’enlèvement des corps tants dont 5 000 Juifs, se trouve à En matière d’extermination, en réduisant le temps d’incinéra- une soixantaine de kilomètres à aucune partie d’Auschwitz ne tion et en augmentant le nombre l’ouest de Cracovie en Haute pouvait être comparée à Ausch- de corps qui pouvaient brûler en Silésie, une province du sud- witz II, aussi appelé Birkenau, même temps. Poussée au-delà de ouest de la Pologne que les nazis nom allemand du village polonais ses capacités, la machine de mort avaient annexée au Troisième voisin Brzezinka. Situé à 2,5 kilo- de Birkenau tombait en panne Reich. Située sur des voies fer- mètres du Stammlager (Ausch- régulièrement. Elle n’en détruisit rées principales et à proximité du witz I, le « camp principal »), pas moins plusieurs centaines de confluent de la Sola et de la Vis- Auschwitz-Birkenau devint le milliers de Juifs en 1943 et en tule, Oswiecim abritait également premier camp de la mort du 1944. une ancienne caserne polonaise Reich. Au début de l’été 1943, il Sous tous ses aspects, Ausch- autour de laquelle se développa disposait d’une chambre à gaz witz signifie souffrance et mort. Auschwitz, le réseau de camps de relativement petite, construite S’ils n’étaient pas assassinés dans concentration, de travail et de deux ans auparavant, plus quatre les chambres à gaz, les prison- mort le plus tristement célèbre installations de chambres à gaz et niers mouraient de faim et de des nazis. fours crématoires ultramodernes maladie. Les travailleurs tri- Le 27 avril 1940, Heinrich destinées à assassiner Juifs et maient dans d’ignobles condi- Himmler, chef des SS, tions jusqu’à ce qu’ils ordonna la création d’un périssent. Arrivant de camp de concentration à toute l’Europe, les dépor- Oswiecim. Placés sous le tés comprenaient des Alle- commandement de Rudolf mands « indésirables », des Höss, les premiers détenus prisonniers de guerre d’Auschwitz étaient princi- soviétiques, des Tsiganes, palement des prisonniers des prêtres et des reli- politiques polonais. Bien- gieuses polonais, des résis- tôt, avec l’accroissement tants français et – surtout – de sa superficie et de sa des Juifs. Entre 1,1 et 1,5 population, Auschwitz million d’hommes, de devint un ensemble de femmes et d’enfants – dont camps. Le 1er mars 1941, 90% étaient juifs – péri- Himmler ordonna la créa- rent en cet endroit.

près de Nuremberg. • Des jeunes • 5 janvier 1943 : Création du camp membres de l’Organisation juive de de concentration de Vught, aux Pays- combat sont pris à Czestochowa, en Bas. Pologne. Leur chef, Mendel Fiszlewicz utilise un revolver caché pour blesser le • 5-7 janvier 1943 : Des milliers de commandant allemand de l’Aktion. Juifs sont assassinés à Lvov, en . Fiszlewicz et 25 autres jeunes gens sont 1943 immédiatement abattus ; 300 femmes • 6 janvier 1943 : Les Juifs de Lubaczow, et enfants du groupe sont déportés au en Pologne, sont exterminés au camp de camp de la mort de Treblinka et gazés. la mort de Belzec. • Cinq cents Juifs, qui

412 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

LES CAMPS D’AUSCHWITZ, 1943

N Vers Cracovie Vistule Babitz

Administration SS et baraquementsChambres à gaz Gare et Dwory Chambres esplanade à gaz Auschwitz II O«swiecim Usine de matériel (Birkenau) de guerre d’I. G. Usine Plawy Farben d’armement Monowice des SS Auschwitz I Auschwitz III Harmense (Monowitz) Rajsko Sola chemins de fer Budy La sœur Marejanna Reszko était camps annexes d’Auschwitz à la tête du couvent St Antoine à Ignacow, en Pologne. Elle sauva de 0 1 mile nombreuses jeunes filles juives en Vers Prague les cachant dans son orphelinat. 1.5 kilomètre Brzeszcze 0 Lorsqu’on lui demanda si l’une de Grójec ses protégées, Frida Aronson, était juive, elle répondit qu’elle ne s’en Divisé en trois camps, Auschwitz était à l’origine un camp de concentra- souciait guère et aidait tous ceux tion. Plus d’un million de Juifs périrent dans les cinq chambres à gaz d’Au- qui en avaient besoin. schwitz II (Birkenau). Auschwitz III (Monowitz) était une immense zone industrielle où le géant de la chimie, I. G. Farben, exploitait le travail de milliers de travailleurs réduits en esclavage.

Les non Juifs collaborèrent souvent avec les nazis pour exproprier les biens juifs, même aux Pays-Bas. Ce camion en partance appartenait à la société A. Puls dont le patron, un Néerlandais, travaillait volontiers avec les nazis. Les camions de Puls apparaissaient souvent dans le ghetto d’Amsterdam pour transporter les biens juifs spoliés. Ces camions devin- rent si courants que le verbe « pulsen » devint un mot d’argot désignant le vol.

se cachaient à Opoczno, en Pologne, sont tale ont adopté une politique d’expul- • 9 janvier 1943 : Les Allemands s’empa- assassinés par les Allemands après avoir sion des Juifs au lieu de les exterminer. rent d’une jeune résistante juive âgée de été convaincus de sortir de leur cachette Il en conclut que ce changement rend 20 ans, Emma Radova, la torturent et la avec la promesse d’être emmenés en train « encore plus nécessaire » la limitation tuent. • Le magazine britannique New dans un pays neutre. du nombre des enfants juifs acceptés Statesman lance un appel pour que les en Palestine. réfugiés juifs soient autorisés à pénétrer, au moins temporairement, dans toutes les • 7 janvier 1943 : Le secrétaire britan- 7-24 janvier 1943 : Vingt-quatre mille nations, notamment 40 000 de plus en nique aux Colonies, Oliver Stanley, • Palestine. informe le cabinet de guerre que les Juifs d’Allemagne, de Belgique, des Pays-Bas et de Pologne sont gazés à alliés de l’Allemagne en Europe orien- 10 janvier 1943 : Dans le Generalgou- Auschwitz. •

413 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Miroslav Filipovic-Majstorovic fut l’un des tueurs impitoyables qui tra- Au cours d’une réunion de plusieurs jours à Casablanca, au Maroc, en jan- vaillait au camp de concentration vier 1943, le président américain Franklin Roosevelt (à gauche), le général fran- de Jasenovac, en Croatie. Ancien çais Charles de Gaulle (au centre) et le premier ministre britannique Winston prêtre et membre de l’organisation Churchill (à droite) mettent au point la stratégie des prochaines étapes de la fasciste croate Ustasa, Filipovic- guerre en Europe. Ces dirigeants conviennent d’exiger la reddition incondition- Majstorovic assassina, à mains nelle de l’Allemagne en préalable à la fin des combats. Les représentants britan- nues, d’innombrables prisonniers. niques et américains furent bien moins résolus quelques mois plus tard lors de Environ 600 000 personnes – leur rencontre à Hamilton, aux Bermudes, pour traiter de la crise des réfugiés. notamment des Serbes, des Juifs, Là non plus, aucune action ne fut décidée pour sauver des Juifs. des Tsiganes et des opposants au régime Ustasa – furent assassinées à Jasenovac.

Le chef d’orchestre Wolf Durma- shkin est photographié avec la cho- rale hébraïque du ghetto de Vilnius, en Lituanie. Enfant prodige et émi- nent musicien, Durmashkin était ori- ginaire de Varsovie. Lorsque la guerre éclata, il se rendit à Vilnius où il enseigna la musique dans plu- sieurs écoles juives. Une fois le ghetto créé, Dumarshkin organisa un orchestre, dirigea une chorale hébraïque et fonda une école de musique.

vernement, plusieurs milliers de Juifs qui (Pologne), sont brûlés vifs dans leurs bara- avaient quitté leurs cachettes dans la forêt quements. le 10 novembre 1942 après avoir reçu la promesse de bénéficier du libre passage, • 12-21 janvier 1943 : Vingt mille sont trahis. La plupart sont acheminés à Juifs de Zambrow, en Pologne, sont Treblinka et gazés. Les autres sont déportés à Auschwitz. envoyés dans des camps de travail des environs à Sandomierz et Skarzysko 1943 13 janvier 1943 : Mille cinq cents Kamienna. • Quatre cent Juifs qui résis- • tent à leurs surveillants allemands dans le Juifs de Radom, en Pologne, sont camp de Kopernik, à Minsk Mazowiecki déportés à Treblinka.

414 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La Reichsbahn

La Fahrplananordnung 586 était la feuille de route d’un train datée du 25 août 1942. Pendant la Shoah, des milliers de ces documents allemands coordonnaient le trafic ferroviaire vers les camps de la mort nazis en Pologne occupée. Devant quitter Luków, en Pologne à 10h44 du matin, le 28 août, le « train spécial de réins- tallation » de la Fahrplananordnung 586 comp- tait 25 wagons de marchandises. L’heure d’arrivée au camp de la mort de Treblinka était prévue à 14h52. Le train vide quitta Treblinka à 17h22. Entre-temps, 2 500 Juifs – le charge- ment du train – avaient été gazés. Ce convoi n’était pas le plus important qui arriva à Tre- blinka. La Reichsbahn, les chemins de fer allemands, joua un rôle essentiel dans la « solution finale. » Tra- vaillant avec et la SS, les respon- sables de la Reichsbahn orga- nisèrent des Sonderzüge (trains spéciaux) qui envoyaient à la mort les Juifs de toute l’Europe dans les camps de Belzec, Chelmno, Sobibor, Maj- Des millions de Juifs furent déportés et envoyés à la danek, Treblinka et Auschwitz-Birkenau. Malgré mort dans des wagons à bestiaux de ce type. Jusqu’à la pénurie et les exigences de la guerre, ces trains 100 êtres humains étaient entassés dans un espace étaient toujours prioritaires. Ils arrivaient en mesurant 9,5 x 4,2 x 4 m. Le voyage vers un camp de général à destination comme prévu. concentration était une expérience effroyable. Une fois Parqués comme du bétail dans des wagons les portes verrouillées, les occupants se retrouvaient pri- de marchandises – 80 à 100 personnes ou vés d’eau et d’installations sanitaires. Des milliers de davantage entassées dans un seul wagon – les personnes moururent en route, d’autres devinrent folles. Juifs devaient encore payer leur place comme passagers pour ces atroces voyages qui pou- À plusieurs reprises, parents et enfants se battirent pour vaient durer plusieurs jours. Les SS utilisaient une croûte de pain ou une gorgée d’eau. L’épouvante l’argent et les biens volés aux Juifs pour payer était augmentée par le fait que les Juifs n’avaient pas la les billets – aller simple. moindre idée de leur destination.

• 14 janvier 1943 : Lorsque le Conseil Roosevelt se rencontrent à Casablanca, gouvernement français en Afrique du juif et la police juive à Lomza, en au Maroc, pour discuter du débarque- Nord procède à des discriminations Pologne, refusent de livrer 40 Juifs aux ment des Alliés en Europe occidentale. contre les Juifs du pays, comme Hitler agents de la , ces derniers pro- La nouvelle de cette rencontre l’avait fait dans les années 1930. Roose- cèdent à des sélections et incluent deux remonte le moral des Juifs qui espèrent velt précise à deux reprises – une fois à membres du Conseil. 8 000 autres Juifs que la guerre prendra bientôt fin. Roo- Noguès, puis séparément à Giraud – de Lomza sont déportés à Auschwitz. sevelt, cependant, propose au respon- que « le nombre de Juifs exerçant des sable français en Afrique du Nord, le professions libérales… devrait • 14-24 janvier 1943 : Le premier général Noguès et plus tard à un véritablement être limité au pourcen- ministre britannique Winston Churchill dirigeant des Forces françaises libres, tage de la population juive en Afrique et le président des États-Unis Franklin le général Giraud, que le du Nord par rapport à la population

415 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Le comte Konrad von Preysing, cardinal et évêque de Berlin pendant le régime nazi, considérait le Troisième Reich comme un régime corrompu et pernicieux. Dès mai 1933, Preysing mit en cause les prin- cipes idéologiques du nazisme et appela ouvertement à leur désaveu. En janvier 1943, il fut le seul prélat catholique allemand à s’opposer constamment à la politique antijuive du gouvernement allemand. Preysing menaça de démissionner si les autres évêques allemands continuaient leur attitude collaboratrice.

Pour la plupart des Juifs, le séjour dans les camps d’extermina- tion était brutalement abrégé. La terrifiante efficacité de la machine de mort nazie est bien rendue par le dessin à l’encre du rescapé de la Shoah, Joseph Bau, intitulé « Entrée par la porte, sortie par la cheminée. »

Léon Degrelle était le dirigeant du mouvement rexiste, le groupe belge collaborationniste. Les Rexistes s’affichaient ouvertement pronazis. En 1943, Degrelle annonça son projet d’incorporer la Belgique à l’empire allemand. Si Degrelle renforça son pouvoir, les rexistes furent en grande partie exclus du pouvoir politique. En outre, de nombreux partisans du mouvement collaborationniste furent traqués impitoyablement par les forces de la Résistance belge et tués.

nord-africaine. » Le président en Pologne, parce que cette femme a Roosevelt ajoute que la limitation du aidé des Juifs. • Soixante-dix-sept nombre de Juifs dans les professions Juifs sautent d’un train de dépor- libérales « supprimerait en outre les tation quittant la Belgique pour l’Est. plaintes compréhensibles formulées La plupart sont pris en chasse et tués par les Allemands à l’égard des Juifs en par des soldats SS allemands et Allemagne… » flamands. • Des milliers de Juifs du 1943 camp de concentration de Zaslaw, en • 15 janvier 1943 : Une Polonaise Pologne, sont déportés au camp de la non juive et son enfant âgé d’un an mort de Belzec. sont abattus près de la rivière Pilica,

416 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Le comité de sauvetage

En dépit des chances réduites, ce comité de l’Agence juive pour la Palestine était déterminé à obtenir des renseignements sur les Juifs enfermés dans les ghettos polonais. Depuis Jérusalem, le comité de sauvetage souhaitait envoyer des colis de nourriture à ces Juifs. Ses membres voulaient également les aider, au cas où ils parvien- draient à échapper aux nazis, à obtenir des certificats d’immigration pour la Palestine. Les premiers dirigeants du comité furent Itzhak Gruenbaum (photo), Moshé Shapira, Eliyahou Dobkin et Emil Schmorak. Pour Gruenbaum, parce que les nazis étaient si ter- ribles, parce que les Alliés étaient indifférents au sort tragique des Juifs et parce que le comité ne disposait d’aucunes ressources importantes, tout ce que pourrait faire le comité ne parviendrait jamais à aider véritablement les Juifs pris au Rita Rosani, résistante italienne, piège dans l’Europe nazie. Il estimait plutôt devoir mettre l’accent sur la préparation d’un foyer en Palestine pour les survivants juifs fut la seule femme de la Résistance après la guerre. En 1945, le comité consacra tous ses efforts à créer italienne connue pour avoir été tuée un État juif en Palestine. au combat. Née à , Rita Rosani était enseignante dans une école juive jusqu’en 1943, date à laquelle elle rejoignit la Résistance. Elle mourut le 17 septembre 1944, après avoir participé à plusieurs combats dans la région de Vérone.

Un monceau de brosses (brosses à cheveux de femmes et blaireaux d’hommes) témoigne de la volonté des nazis de spolier ceux qu’ils exé- cutaient en les privant du moindre objet personnel. Les cheveux devinrent la matière première pour bourrer les matelas et tisser des étoffes. Les brosses étaient vendues aux consommateurs en Allemagne ou distribuées aux soldats, au front et dans les hôpitaux.

• 17 janvier 1943 : L’évêque de Ber- • 18 janvier 1943 : Des déportés juifs de Treblinka. Un vieux Juif aveugle est lin, le comte Konrad von Preysing, de Belgique arrivent à Auschwitz où abattu par un SS parce qu’il ne parvient est le seul prélat catholique allemand 1 087 d’entre eux sont gazés. • Après pas à marcher sans guide. • Le poète à s’opposer constamment à la une interruption de quatre mois, les polonais émigré, prix Nobel, Czeslaw politique antijuive des nazis. Il Allemands reprennent les déportations Milosz – un juste chrétien – condamne du ghetto de Varsovie. Les Juifs de Var- l’antisémitisme et le nationalisme qu’il menace le pape Pie XII de démission- sovie réagissent par leurs premiers qualifie de « maux qui, comme un can- ner si le comportement actes de résistance ouverte, s’exprimant cer, consument la Pologne. » Dans son collaborationniste des autres évêques par de violents combats de rue. 1 000 poème Campo dei Fiori, Milosz, de Var- allemands ne prend pas fin. Juifs sont exécutés dans les rues et sovie, en 1943, se plaint – et ce n’est pas 6 000 sont déportés au camp de la mort une figure de style – de ce que les airs

417 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Chef de l’administration du ghetto de Lodz, en Pologne, (à gauche) examine le butin accumulé lors de la spoliation des Juifs sous son man- dat. Biebow utilisa ses pouvoirs étendus pour Le successeur de , Ernst s’enrichir. Il exploita le travail des Juifs et déroba leurs Kaltenbrunner se consacra à parachever le pro- biens. Pour maximiser ses profits, Biebow fit en sorte gramme de haine de son prédécesseur. de conserver le ghetto ouvert jusqu’à l’été 1944. Né près du lieu de naissance d’Hitler, Brau- nau, en Autriche, Kaltenbrunner, fort riche, était diplômé en droit. Farouche antisémite, il rejoignit le parti nazi autrichien en 1932 et devint par la suite membre de la SS. Ses activi- tés nazies lui valurent d’être emprisonné, mais, avec l’Anschluss (l’annexion de l’Autriche à l’Al- lemagne), Kaltenbrunner reçut le poste de ministre de la Sûreté de l’État. Il coopéra avec son ami d’enfance Adolf Eichmann pour contraindre les Juifs autrichiens à émigrer. Après la mort d’Hey- drich, en 1942, Hein- rich Himmler nomma Kaltenbrunner à la tête du Bureau princi- pal de la Sûreté en 1943. Personnage impressionnant avec son immense cicatrice Tandis que des au visage, Kalten- Allemands de plus en brunner préférait plus jeunes et de plus en l’ombre de l’anony- mat. À la fin de la plus âgés étaient enrôlés guerre, il se cacha dans les forces armées, dans les Alpes autrichiennes, mais fut capturé les autorités nazies et inculpé. Lors des procès de Nuremberg, il exploitèrent l’immense plaida l’ignorance et l’innocence. Il ne put réservoir de main- cependant nier le fait que le poste qu’il occupa d’œuvre des pays de 1943 à 1945 lui conférait un pouvoir excep- conquis de l’Est pour les tionnel pour mettre en œuvre la « solution besoins de leur finale ». Des témoins déclarèrent l’avoir vu lors économie. Ici, des des gazages de Mauthausen, et il fut accusé ouvrières d’Union sovié- d’avoir ordonné l’exécution des prisonniers de tique sont astreintes au guerre alliés. Reconnu coupable, Kaltenbrun- ner fut pendu le 16 septembre 1946. travail dans l’usine Siemens de Berlin. Elles portent les insignes OST les identifiant comme Ostarbeiter, travailleurs de l’Est.

du manège de la fête foraine et les rires accidentellement étouffé par sa mère de la foule dans la partie catholique de terrifiée. Varsovie couvrent les tirs des Allemands qui abattent des Juifs dans le • 19-22 janvier 1943 : Six mille Juifs ghetto. de Varsovie sont assassinés au camp de la mort de Treblinka. • 19 janvier 1943 : Les nazis 1943 effectuent une rafle dans le ghetto de • 20 janvier 1943 : Dans une lettre Varsovie pour la deuxième journée adressée au ministre des Transports consécutive ; un enfant qui pleure est du Reich, le chef des SS, Heinrich

418 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Les nazis Hans Nelson et Hildegard Neumann étaient en poste à Theresienstadt, le camp / ghetto de Tchécoslovaquie situé dans les environs de Prague. Leur apparence saine, nette, donne une fausse idée de la nature de leur travail. Gardiens du ghetto, tous deux contribuèrent à la mort de plusieurs milliers de Juifs emprisonnés à Theresienstadt. Pendant les six premiers mois de 1943, les gardiens de Theresienstadt Nelson et Neumann participèrent au système très élaboré des déportations des Juifs d’Allemagne, d’Autriche et du Protectorat dans ce camp / ghetto.

Krupp était l’une des nombreuses entreprises allemandes qui utilisaient l’abondante main- d’œuvre servile fournie par le système des camps de concentration. Cette usine d’avions située à Essen, faisait partie de tout un ensemble de grandes usines installées par Krupp dans le Reich et les territoires occupés. En septembre 1944, Krupp employait quelque 288 000 travailleurs. Pendant les procès de Nuremberg, les Alliés accusèrent Alfred Krupp, le directeur de l’entreprise, d’avoir exploité le travail d’envi- ron 100 000 esclaves, un nombre probablement en dessous de la réalité.

Himmler, réclame des trains supplé- • 21-24 janvier 1943 : Deux mille Juifs • 22 janvier 1943 : Liquidation du mentaires afin d’accélérer le « trans- du camp / ghetto de Theresienstadt, en ghetto de Grodno, en Biélorussie. • Au fert des Juifs » à travers l’Europe. Tchécoslovaquie, sont déportés à camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau, Auschwitz. Environ 1 760 d’entre eux des jeunes filles juives allument des • 21 janvier 1943 : Dans le ghetto de sont gazés à leur arrivée, notamment bougies et accueillent le Shabbat par Varsovie, des SS tirent dans les les patients de l’hôpital psychiatrique des chants. • Armés de planches, de fenêtres et lancent des grenades. Les d’Apeldoorn, aux Pays-Bas, ainsi qu’une couteaux et de rasoirs, un millier de Juifs résistent et les Allemands se cinquantaine d’infirmières de l’hôpital Juifs d’un train de la mort parti de retirent rapidement, laissant 12 qui accompagnent les patients pour Grodno (Pologne), le 17 janvier, se morts derrière eux. atténuer leur terreur. révoltent au camp de Treblinka.

419 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Se pressant en petits groupes, des Juifs de Novo Moskovsk, en Ukraine, sont déportés. Environ 400 Juifs de cette ville furent expé- diés dans les camps de la mort de Pologne, en dépit des protestations de la qui avait besoin de trains à des fins militaires. La rigueur de l’hiver interrompit les transports qui reprirent à la mi-jan- vier 1943.

Les occupants allemands exploitaient l’antisémitisme des Français pour inciter ces derniers à combattre pour la cause nazie. Si les Allemands n’obtinrent jamais toute l’aide qu’ils souhaitaient, le gouvernement de Vichy était officiellement leur allié et fournit un certain nombre de soldats aux nazis. Ces légionnaires français partent pour le front russe. L’un d’eux a inscrit les mots « Mort aux Juifs. »

Après la défaite de Stalingrad, en Russie, soldats allemands et roumains attendent d’être envoyés dans des camps de prisonniers de guerre. Pour lutter contre le froid mordant, les soldats se rapprochent les uns des autres en marchant vers une captivité qui allait s’avérer rigoureuse. Bien peu revinrent dans leur patrie ; la plu- part moururent de maladie ou de faim.

Au matin, 1 000 Juifs et gardes qui se raflés à la maison de la Verdière, ave- trouvaient dans le train sont morts, nue de La Rose. Leur monitrice, abattus à l’arme automatique et aux Alice Salomon, insiste pour rester grenades par les troupes SS de avec eux ; voir 23 mars 1943. Treblinka. • 23 janvier 1943 : Les autorités ita- • 22-27 janvier 1943 : Au cours de liennes refusent de coopérer avec les 1943 l’opération Tigre lancée à Marseille, Allemands pour déporter les Juifs de les nazis s’emparent de plus de 4 000 France vivant dans les zones sous Juifs pour les déporter. Près de là, contrôle italien. • Les forces britan- aux Accates, 29 enfants juifs sont niques libèrent Tripoli, en Libye.

420 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Le maréchal allemand Friedrich Paulus (à gauche), accompagné par deux officiers d’état-major, se dirige Poison blond vers le QG de l’Armée rouge pour signer la reddition officielle de la Toujours en vie aujour- sixième armée à Stalingrad, en Rus- d’hui, Stella Goldschlag était, sie. Paulus avait supplié Hitler d’auto- à l’époque, une Juive alle- riser une retraite avant qu’il ne soit mande d’apparence aryenne. trop tard, mais le Führer avait refusé Dans sa jeunesse, cette de céder, abandonnant l’armée épui- blonde bien faite, aux yeux sée et affamée aux forces soviétiques bleus, ne pouvait s’empêcher qui l’encerclaient. La « forteresse Sta- de mentir et haïssait désespé- lingrad », comme Hitler appelait les rément sa judéité. Menacée troupes, ne put résister à la rigueur de de déportation vers l’Est l’hiver et au manque de ravitaillement avec ses parents et torturée et de renforts. En dépit des ordres, et par la Gestapo, S. Goldschlag dans l’espoir de sauver ses derniers fit partie des hommes, Paulus se rendit le 3 février. rares Juifs Son état-major et lui-même qui collabo- survécurent, mais pas la plupart de rèrent avec ses hommes. les nazis et travailla pour la Ges- tapo. Elle recevait argent, nourriture et un sursis à la déportation de ses parents. Usant de ses charmes, de son incroyable mémoire et de sa dureté, S. Goldschlag avait pour mission de dénicher ceux qu’on appelait les « U- boats » – des Juifs vivant à Berlin dans la clandestinité pendant la guerre – et d’aider la Gestapo à les arrêter. Ces Juifs allaient être envoyés À la lisière d’une forêt, en Allemagne, la Schutzpolizei (police de protec- dans des camps d’extermina- tion) accroche une note – peut-être un ordre de confiscation – sur une tion. En un seul week-end, S. roulotte tsigane. Les Tsiganes étaient particulièrement visés par les nazis qui Goldschlag aida la Gestapo à voyaient en eux un danger potentiel pour la soi-disant pureté de la « race attraper 62 Juifs. Elle fut véri- aryenne ». L’inégalité fondamentale de la relation nazi / Tsigane apparaît tablement le « Poison blond », nettement sur cette photo qui montre les policiers robustes, chaudement entraînant les Juifs à la mort. vêtus arrivant dans cet endroit isolé dans leur automobile moderne, face au Tsigane inquiet, devant son domicile, une relique sur roues d’un autre âge.

• 27 janvier 1943 : La huitième • 29 janvier 1943 : Les Allemands • Février 1943 : Au début du mois, USAAF (armée de l’air des États- exécutent 15 Polonais du village de 40 000 Juifs se cachent dans les forêts Unis) effectue le premier raid aérien Wierzbica pour avoir aidé trois Juifs. de la région de Volhynie, en Pologne. entièrement américain sur L’une des victimes est une petite fille Avant la fin de l’année, 37 000 d’entre l’Allemagne, à Wilhelmshaven. âgée de deux ans. eux mourront de faim ou seront abat- tus. • À Bialystok, en Pologne, huit SS 30 janvier 1943 : Ernst Kaltenbrun- sont tués par des membres d’un mou- 28-31 janvier 1943 : Dix mille Juifs • • ner est nommé par Hitler pour succé- vement de jeunesse sioniste résistant de Pruzhany, en Biélorussie, sont der à Reinhard Heydrich à la tête du pour ne pas être déportés. Ces déportés à Auschwitz. Reichssicherheitshauptamt (Bureau membres sont capturés et déportés au principal de la sûreté du Reich). camp de la mort de Treblinka où ils

421 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Les partisans de Bielski

Sur les 20 à 30 000 Juifs qui combattirent dans des groupes de partisans dans les forêts d’Europe orientale, le groupe dirigé par Tou- via Bielski (photo) était le plus important et le plus connu. Alors que les membres de sa famille avaient été assassinés par des Einsatz- gruppen à , Touvia se réfugia dans les forêts de l’ouest de la Biélorussie. Avec ses frères Zousya, Assael et Aharon, Touvia se procura des armes et constitua un groupe de partisans qui atteignit les 30 membres durant l’été. Ce petit groupe de résis- tants dépêchaient des courriers vers les ghettos Dans l’enceinte d’Auschwitz et d’autres camps, des de la région de êtres humains remplaçaient les animaux de labo- Novogrudok pour ratoire. Des opérations chirurgicales étaient pratiquées recruter d’autres sans scrupules sur des détenus, en bonne santé ou Juifs dans leur mou- malades, et les sujets étaient exposés à toutes sortes de vement. Par la produits chimiques et de virus. Le typhus, la tuberculose suite, le campement et la malaria étaient injectés à des prisonniers en de Bielski atteignit bonne santé. Cette photo montre les résultats d’une plusieurs centaines de familles. substance portant le code B/F, sept jours après une Les partisans de injection dans l’avant-bras d’un prisonnier. Bielski avaient pour objectif premier de protéger la vie des Juifs. Mais ils savaient aussi orga- niser des offensives, lançant des raids contre les Allemands et des opérations de vengeance contre la police et les paysans biélorusses qui avaient aidé les nazis à massacrer les Juifs. Irrités par les activités du groupe de Bielski, les Allemands offrirent une importante récom- pense pour la capture de Touvia. Le groupe réussit cependant à s’échapper en se retirant profondément dans la forêt. Lorsque la région Infirmières et médecins juifs luttaient pour soigner les fut libérée, à l’été 1944, les partisans de Bielski malades et les blessés dans les ghettos. On voit ici des étaient au nombre de 1 200. patients et des membres des familles dans le ghetto de Après la guerre, Touvia immigra en Pales- Kovno (Lituanie). Comme le personnel médical tombait tine. Il s’installa ensuite aux États-Unis avec deux de ses frères survivants. victime des maladies et de la faim, les dirigeants du ghetto souhaitaient former des remplaçants. Une formation médicale secrète était proposée à Varsovie, et vraisemblablement aussi à Kovno.

attaquent des gardiens et sont tués. blesse un troisième avant d’être maîtri- Leur chef est Elyahou Boraks. • Le sée. Elle est alors torturée à mort. • Les camp de travail de Chrzanów, en autorités allemandes ordonnent à la Pologne, est dissous et 1 000 travail- Hongrie de livrer 10 000 Juifs pour tra- leurs sont envoyés au camp de la mort vailler dans les mines de cuivre de Bor, d’Auschwitz. • Les nazis créent un en Yougoslavie ; voir septembre 1943. camp de Tsiganes à Auschwitz- 1943 Birkenau. • À Treblinka, une jeune • 1er février 1943 : Les nazis massa- femme juive, déshabillée par ses ravis- crent 1 500 Juifs à Minsk, en seurs, s’empare du fusil d’un garde Biélorussie, portant le nombre total ukrainien, tue deux Allemands et en

422 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Anna Wachalska, une non Juive, vivait à Varsovie, au moment de l’invasion allemande. Elle aida la Résistance juive durant toute l’occu- pation nazie, allant jusqu’à donner l’identité de sa fille décédée Stanis- lawa, à une jeune femme juive. Anna Wachalska travailla aussi en étroite coopération avec la Résistance socialiste polonaise, éta- blissant un lien avec les Juifs de Varsovie. Après la guerre, lui décerna le titre de « Juste parmi les nations ».

Par leur politique génocidaire en Europe orientale, les nazis ne se contentaient pas de massacrer les gens occupant « l’espace vital » de l’Allemagne. Des dizaines de milliers d’Allemands émigrèrent dans les territoires nouvellement conquis pour en faire une province du Volk (peuple) allemand. Cette affiche évoque l’émigration des Polonais contraints à partir pour céder la place aux Allemands. Le texte dit : « Pas à pas, l’arrivée [des immigrants allemands] suit la migration [des Polonais]. L’unité de repeuplement de la police de la Sûreté interdit toute interruption du Le 29 octobre 1942, au cours de grandes opérations menées en Pologne et travail dans son secteur d’activité. » en Union soviétique, les Allemands déportèrent 3 000 Juifs de Sandomierz (Pologne) au camp de la mort de Belzec. Le 10 novembre 1942, les Juifs qui n’avaient pas été ramassés durant les Aktionen locales furent attirés dans un ghetto temporaire à Sandomierz par la promesse des Allemands d’éviter la déportation. Tout n’était que mensonge et les 6 000 travailleurs de Sandomierz furent massacrés, début 1943. Sur cette photo, Yitzkhak Goldman, âgé de 20 ans, et sept autres Juifs sont contraints de poser pour un photographe allemand tandis qu’ils travaillent devant une administration allemande.

de victimes dans cette ville depuis de Kolomiya (Ukraine) ; 2 000 Juifs sont de travail de Janówska, en Ukraine, juillet 1941 à près de 87 000. massacrés. et les deux qui avaient refusé de se présenter sont, par la suite, • 2 février 1943 : Tournant décisif de • 4 février 1943 : Les autorités alle- découverts dans un quartier non juif la guerre, la sixième armée allemande mandes convoquent les 12 membres de Lvov et abattus. encerclée se rend aux forces survivants du Conseil juif du ghetto soviétiques à Stalingrad, en Russie. La de Lvov. Deux ne se présentant pas • 5 février 1943 : À Bialystok, en plupart des Européens ont alors le sen- et les autres refusant d’obéir aux Pologne, un Juif nommé Yitzhak timent que les Allemands ne gagneront ordres allemands, quatre membres Malmed résiste pour ne pas être pas la guerre. • Liquidation du ghetto sont tués. Six sont envoyés au camp déporté en lançant de l’acide sulfurique au visage du policier allemand qui

423 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

E. Baskin, opérateur radio d’un groupe de partisans ukrainiens, écoute attentivement une émission du Bureau d’information soviétique. Dans toute l’Europe, et notamment en Union soviétique, les unités de parti- sans comptaient sur les radios pour envoyer et recevoir des informations. En outre, la possibilité d’intercepter les émissions militaires allemandes les aidait à échap- per aussi bien à la capture qu’aux plans d’attaque de l’ennemi.

Attendant la déportation à Auschwitz, une jeune fille glisse son visage dans l’espace étroit entre les portes du train pour un ultime regard sur l’extérieur. À partir de février 1943, des trains quittèrent le camp de Wes- terbork, aux Pays-Bas, tous les mardis matin. Chaque train transportait vers l’Est entre 2 et 3 000 Juifs. Il leur avait été annoncé qu’ils allaient travailler en Allemagne, mais la plupart des déportés suspectaient autre chose. Les nuits du lundi se déroulaient dans la terreur et l’angoisse, dans l’attente de savoir qui la déportation allait atteindre.

Les conditions de vie inhumaines créées dans les ghettos polonais et dans les camps de concentration allemands conduisirent certains Juifs à se battre pour des croûtons de pain et des morceaux de bois de chauffage. Ici, des Juifs de Lodz se battent pour quelques morceaux de bois. La déshumanisation des Juifs d’Europe produisit des incidents déchirants qui auraient été inimaginables dans des condi- tions normales. L’écrivain rescapé Élie Wiesel rapporte l’histoire d’un garçon qui battit son père à mort pour obtenir une croûte de pain.

réagit en tirant accidentellement sur un • 5-12 février 1943 : En représailles à des officier de la Gestapo se tenant à ses opérations menées par la Résistance côtés, le tuant sur le coup. Malmed juive, la conjonction d’une Aktion de rue à s’échappe, mais se rend quelque temps Bialystok, en Pologne, et de meurtres plus tard lorsque les Allemands mena- dans le camp de Treblinka aboutit à la cent d’exécuter 5 000 Juifs en mort de près de 20 000 Juifs. représailles s’il ne se livre pas. Il est 1943 pendu en public et son corps est exposé • 6 février 1943 : Un appel général déli- à l’entrée du ghetto de Bialystok à titre bérément prolongé contraint les détenus d’avertissement à tous ceux qui d’Auschwitz à rester debout dans la neige auraient des velléités de résister. sans bouger, sans nourriture, pendant

424 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Ottó Komoly, président de la Fédération sioniste, prend la parole devant l’As- semblée générale annuelle de l’organisation à Budapest, en Hongrie. Komoly joua un rôle important en 1943, lorsqu’il devint l’un des organisateurs de l’effort Samuel Artur de sauvetage des Juifs encore en vie en Pologne et qu’il les fit passer clandesti- nement en Hongrie, pays relativement plus sûr. Bien que l’occupation allemande Zygelbojm ait mis fin à ces efforts, Komoly poursuivit ses activités de sauvetage. Il s’évertua à sauver les Juifs de Budapest des griffes des nazis et des membres fanatiques Alors que certains Juifs du parti fasciste hongrois des Croix fléchées. choisissaient de se suicider pour mettre fin à leurs souf- frances, d’autres en faisaient un mode de protestation. Samuel Zygelbojm se suicida pour protester contre l’indif- férence du monde à l’égard des Juifs. Membre du premier Conseil juif du ghetto de Var- sovie, Zygelbojm lança des appels à la résistance lorsque les autorités nazies exigè- rent que les Juifs de Var- sovie emmé- nagent dans un ghetto Cette boîte en métal faite à la inadapté à main fut conservée par William leur nombre. Gruenstein tout au long de la Traqué par la Gestapo, Zygel- bojm s’enfuit en Belgique et Shoah. Elle avait été fabriquée rejoignit par la suite le gou- par Josef Koplewicz à l’époque vernement polonais en exil à où il était réduit en esclavage Londres. Il œuvra fébrilement avec Gruenstein dans un camp pour obtenir le soutien mili- polonais. Après avoir reçu cette taire des Alliés en faveur de la boîte, Gruenstein grava sur le Résistance du ghetto, en vain. couvercle le nom des camps de Lorsqu’il apprit la mort des concentration nazis dans lesquels combattants du ghetto en il avait été détenu. En 1943, notamment sa femme et s’accrochant à cet objet en métal son fils, il se suicida. qu’il aimait, le seul bien qu’il Dans sa lettre d’adieu, Zygelbojm décrivit son suicide possédait, Gruenstein empêchait comme une protestation les nazis de le priver de son «contre l’apathie avec laquelle humanité et de sa spécificité. le monde considère le mas- sacre du peuple juif et s’y résigne. »

plus de 13 heures. Un grand nombre •8 février 1943 : L’Armée rouge s’empare 550 chevaux, 9 578 bovins, 844 porcs, meurent sur place et plusieurs autres, d’une importante garnison allemande à 5 700 moutons et 233 tonnes de céréales. trop faibles pour se précipiter dans les Koursk, en Russie ; voir 5 juillet 1943. 2 219 Juifs sont tués sur place ; 7 378 baraquements à la fin de la journée, sont reçoivent un « traitement spécial » envoyés à la chambre à gaz. • Heinrich 8-26 février 1943 : Une Aktion (déportation et extermination). Les pertes Himmler, chef des SS, reçoit un rapport • allemande contre les partisans soviétiques allemandes au cours de cette action : 2 sur les quantités d’objets pris aux Juifs à morts et 12 blessés. Auschwitz et dans d’autres camps de la des marais du Pripet, en Ukraine, permet région de Lublin. Parmi les articles men- de s’emparer de huit mitrailleuses, 172 10 février 1943 : Un télégramme tionnés : 155 000 manteaux de femmes, fusils, 14 revolvers, 150 grenades à main • 132 000 chemises d’hommes et plus de 3 et huit mines terrestres. Les troupes alle- rédigé par plusieurs responsables du tonnes de cheveux de femmes. mandes repartent également avec plus de Département d’État américain est

425 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

L’artiste américain Gideon exprima par son art les horreurs de la guerre et les atrocités nazies. L’utilisation qu’il fait de la couleur, de la texture et des images obsédantes communiquent la souf- france et les de ceux qui furent pris dans la tourmente nazie. Les visages tragiques de cette œuvre d’art presque monochroma- tique juxtaposés aux chaînes et aux barbelés évoquent le motif de la prison associé au nazisme. Les cou- leurs brillantes de la deuxième œuvre suggèrent l’intense chaleur de l’enfer que fut Auschwitz.

adressé à la légation des États-Unis à gramme de « document le plus pervers Berne (Suisse). Ce télégramme suggère que nous ayons jamais lu », conçu « par que le consul américain à Berne ne des hommes diaboliques » et destiné à devrait plus transmettre d’informations supprimer toute information sur la sur les atrocités subies par les Juifs « à « solution finale ». « Nous n’abattons des personnes privées aux États-Unis. » pas [les Juifs]. Nous laissons les autres Il est envoyé par Breckinridge Long, les abattre et nous les laissons mourir 1943 Ray Atherton, James Dunn, Elbridge de faim. » Morgenthau observe que Durbrow et John Hickerson. Le « lorsqu’on considère les choses, l’atti- ministre des Finances Henry Morgen- tude [du Département d’État] à ce jour thau qualifiera ultérieurement ce télé- n’est guère différente de celle

426 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

PRINCIPALES DÉPORTATIONS DES JUIFS À TREBLINKA, 1942–1943

N Grodno

GRANDE Narew ALLEMAGNE Bialystok

V is t Treblinka ul e Dobre Siedlce Miedzyrzec Warsaw Mi«nsk Mazowiecki 0 100 miles Warta Parczew Stoczek Serokumla Kock Piotrków Bug 0 150 kilomètres Trybunalski Radom O der Kielce UKRAINE Czestochowa Wloszczowa Shlomo Perel, un Juif allemand, GENERAL- prit le nom de Josef Perjell pour fré- GOUVERNEMENT quenter l’école de Braunschweig. Cacher son identité Ghettos d’où les Juifs furent juive était toute une affaire, notam- déportés à Treblinka ment pour les hommes vivant en SLOVAQUIE collectivité. Perel se donna beaucoup de mal pour dissimuler Plus de 700 000 Juifs périrent au camp de la mort de Treblinka. La plu- sa judéité, y compris en tentant de part venaient de grands ghettos comme ceux de Varsovie (250 000 durant supprimer sa circoncision, signe l’été 1942) et Bialystok, tandis que les autres subissaient les longs trajets en évident, à l’époque, de son identité train (ou en mouraient) depuis la Tchécoslovaquie, la Grèce et d’autres juive. Les exploits de Perel sont pays. Les déportations vers Treblinka prirent fin en mai 1943. décrits avec éclat dans le film Europa, Europa.

Ce petit mot, écrit par une chré- tienne, Maria Dawelec, dit : « Bap- tisées, Mania et Wanda. S’il vous plaît, occupez-vous d’elles. » Maria Dawelec laissa ce petit mot à côté de deux petites filles juives, dans la cour d’un monastère. Le véritable nom de l’une des enfants était Tamy Lavee. Tamy fut par la suite envoyée dans un orphelinat à Lodz, en Pologne, où elle survécut à la guerre.

d’Hitler. » L’assistant du ministre Mor- fin de la guerre, deux ans plus tard. mais sont repris et contraints de genthau, Randolph Paul, décrit les Les 998 personnes comprenaient 123 poursuivre le voyage. fonctionnaires du Département d’État enfants âgés de moins de 12 ans, chargé de la politique des réfugiés en envoyés sans leurs parents. 802 Juifs • 13 février 1943 : Un groupe de par- Amérique comme un « mouvement furent gazés dès leur arrivée à Ausch- tisans juifs agissant près de Bialystok, clandestin… pour laisser les Juifs être witz. en Pologne, sous la direction d’Eli massacrés. » Baumats, attaque un détachement de 12 février 1943 : Trois Juifs français la police allemande à Lipowy Most, 11 février 1943 : Sur les 998 Juifs • • s’évadent d’un train en route pour en Pologne. • L’artiste russe Aizik déportés de France à cette date, dix Auschwitz, à la frontière française, Feder, ancien élève de Matisse, est seulement seront encore vivants à la

427 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Le général SS com- mandait le camp de concentration de Dachau. Avant sa mort dans un acci- dent d’avion sur le front Est, le 16 février 1943, il fonda et entraîna l’unité SS des Têtes de mort et fut ins- pecteur général des camps de concentration. Venant immédiatement derrière Heinrich Himmler quant à l’influence exercée sur le réseau des camps de concentration, il ordonna que la phrase Arbeit Macht Frei (Le travail rend libre), d’une amère déri- sion, soit inscrite à l’entrée des camps de concentration. Il voulait faire des SS des hommes durs et impitoyables ; ceux qui ne correspondaient pas à Peter Bergson (Hillel Kook) ces critères étaient envoyés « vivre dirigeait un groupe de sionistes dans un monastère. » connu aux États-Unis sous le nom de Comité d’urgence pour sauver les Juifs d’Europe. Pendant la guerre, le groupe de Bergson finança des publi- cités dans les journaux et organisa des présentations théâtrales destinées à montrer aux Américains ce qu’était la « solution finale ». Les dirigeants conservateurs de la communauté juive américaine déplorèrent cette volonté de recourir à des tactiques à sensation pour susciter la sympathie en faveur des Juifs d’Europe. Ce document calcule la valeur du travail effectué par les prisonniers dans un camp de concentration nazi. Des rapports détaillés évaluaient le coût du « maintien » en vie des individus comparé à la richesse produite par chacun, ce qui montre bien que les camps de concentration étaient principalement conçus comme des réservoirs de main-d’œuvre servile. Le plus souvent, cependant, la volonté des nazis d’exterminer tous les Juifs l’emporta sur les considéra- tions économiques.

l’un des 1 000 Juifs déportés de • Le New York Times rapporte que le Drancy au camp de la mort d’Ausch- gouvernement roumain propose aux witz. Il fait partie des quelque 690 Alliés des bateaux roumains pour Juifs gazés dès l’arrivée au camp. transporter 70 000 Juifs là où le sou- • Amon Leopold Goeth devient com- haiteront les Alliés. N’est réclamée qu’une taxe de départ pour couvrir mandant du camp de concentration les frais de la traversée. Le Départe- 1943 de Plaszów. • Les Juifs de Djerba, en ment d’État des États-Unis ne tient Tunisie, sont contraints de verser 10 pas compte de cette offre. Le minis- millions de francs aux autorités alle- tère britannique des Affaires mandes. étrangères la rejette, craignant qu’il

428 1943 • MORT ET RÉSISTANCE « Liberté ». —Mot inscrit sur un morceau de papier laissé La Rose blanche dans sa cellule par la résistante de la Rose blanche, Sophie Scholl, le jour de son En 1942, Hans Scholl, un jeune chrétien de exécution, le 22 février 1943. 25 ans, étudiant en médecine à l’université de , fonda le groupe de Résistance appelé la Rose blanche avec sa sœur Sophie, âgé de 22 ans (photo). Ils avaient pour objectif de produire des brochures antinazies et de les diffuser dans Étudiant les universités en Allemagne. S’ils étaient pris, non juif ils le paieraient de leur vie. vivant à Des agents de la Ges- Munich, tapo arrêtèrent les Scholl Hans Scholl à l’université de Munich, fut bouleversé début 1943, après qu’un par le mael- portier eut aperçu Hans ström de bru- et Sophie en train de talité qui vider une valise pleine de frappa les brochures antinazies dans les couloirs de l’université. Juifs, les com- Bien que les Scholl n’aient munistes et rien révélé à leurs tortion- les sociaux- naires, leurs compatriotes de la Rose blanche – démocrates le professeur Kurt Huber et les étudiants Chris- allemands. topher Probst, Willi Graf et Alexander Schmo- En 1942, il rell – furent bientôt arrêtés eux aussi. Des déclara à un récits recueillis ultérieurement sur la et membre de la captivité des Scholl affirment que les jeunes sa famille : gens conservèrent leur courage avec constance, « il est temps se résignèrent à leur sort, tout en défendant que les chré- leur cause. Les Scholl furent jugés par le Volksgerichtshof tiens fassent enfin quelque chose. » Avec l’encourage- (tribunal du peuple), dirigé par le tristement ment d’un résistant du nom de Falk Harnaek, Hans célèbre . Ce fut une parodie de fonda un groupe de résistance dans le milieu étudiant, procès – ce qui n’a rien d’étonnant – et les Scholl la Rose blanche. À partir de l’université de Munich, furent condamnés à la décapitation. Hans, sa jeune sœur Sophie et d’autres membres de la Selon sa sœur Inge, Sophie Scholl vécut ses Rose blanche produisirent des brochures violemment dernières heures avec une étrange sérénité. antinazies qui furent distribuées dans les universités Elle laissa derrière elle dans sa cellule un mor- d’Allemagne. Il fut arrêté avec sa sœur Sophie à l’uni- ceau de papier sur lequel elle avait écrit le mot versité de Munich, le 18 février 1943. Condamnés à « Liberté. » Elle mourut le 22 février 1943, peu mort, ils furent décapités le 22 février. Dans la salle avant Hans. Sur le mur de sa prison, celui-ci d’audience, une fois le verdict rendu, Hans dit calme- avait inscrit : « Rester insoumis devant un pou- voir écrasant. » Quelques secondes avant que la ment à son frère Werner : « Reste fort – pas de hache du bourreau ne tombe, Hans Scholl compromis. » s’écria : « Vive la liberté ! »

ne s’agisse d’un chantage de la part • 14-25 février 1943 : Américains et tactique ne stimule un antisémitisme de l’Allemagne et de ses satellites du Allemands s’affrontent dans la bataille déjà à son niveau le plus élevé dans sud-est de l’Europe visant à se débar- du col de Kasserine, en Tunisie. l’histoire des États-Unis. Les Boys rasser de tous leurs nationaux indési- publient sur une page cette publicité : rables (c’est-à-dire les Juifs) dans • 16 février 1943 : Un petit groupe de « À vendre à l’humanité / 70 000 Juifs / d’autres pays (autrement dit les Juifs de Palestine, les Bergson Boys garantis êtres humains à 50 dollars Alliés). Pour la Grande-Bretagne, il font campagne aux États-Unis pour pièce. » Cette publicité parue dans le est hors de question que la Palestine tenter d’aider les Juifs européens. New York Times donne aux Américains soit une destination. Pour les Alliés, Leur dynamique militantisme inquiète la possibilité de payer la rançon de seule leur victoire peut aider les plusieurs organisations juives 70 000 Juifs roumains ; voir 9 mars Juifs ; voir 16 février 1943. américaines qui redoutent que cette 1943.

429 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Les alliés de l’Allemagne jouèrent un rôle important dans le déroulement de la Shoah. Cet accord, signé par le commissaire bulgare aux Affaires juives Aleksander Belev et le plénipo- tentiaire SS Haupsturmführer Theodor Dannecker, porte sur la déportation en Europe orientale de 20 000 Juifs de Thrace et de Macédoine, provinces récemment annexées par la Bulgarie. En arrivant dans l’Europe occupée, les Juifs étaient massacrés par les nazis.

Après leur humiliante défaite devant les forces allemandes, en février 1943, les forces américaines, épaulées par les troupes britanniques du général Harold Alexander, se reprennent au col de Kasserine et empêchent les Allemands de s’emparer de Tébessa, en Algérie. Si les Allemands avaient réussi, ils auraient empêché la jonction des forces britanniques et américaines, tactique fondamentale pour remporter la victoire en Tunisie. Ici, des soldats américains récupèrent du matériel.

Janine Putter, petite réfugiée de France, allume l’une des bougies commémoratives lors d’un office de protestation se déroulant le 22 février 1943, au Mecca Temple de New York. Plus de 3 000 enfants de 518 écoles religieuses de la région de New York assistèrent à cette manifestation destinée à pro- tester contre le traitement réservé aux enfants dans l’Europe occupée par les nazis.

• 16 février 1943 : Mort de Theodor • 20 février 1943 : La construction Eicke, inspecteur des camps de concen- du four crématoire II est achevée à tration, dans un accident d’avion. Auschwitz-Birkenau, ce qui permet de brûler 1 440 corps par jour. • 18 février 1943 : Les activités anti- nazies de la Rose blanche à Munich, • 22 février 1943 : Décapitation à en Allemagne, aboutissent à l’arresta- Munich de Hans et Sophie Scholl (frère 1943 et sœur), dirigeants du mouvement de tion de deux étudiants, frère et sœur, de l’université de la ville, Hans et résistance estudiantine, la Rose blanche ; voir mi-juillet 1943. • Exter- Sophie Scholl ; voir 22 février 1943. mination de la communauté juive de

430 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La protestation de la Rosenstrasse

L’un des actes de résistance les plus efficaces contre la tyrannie nazie eut lieu début 1943. Plusieurs centaines de Juifs mariés à des chré- tiennes furent arrêtés et internés au centre communautaire juif de la Rosenstrasse, au cœur du vieux Berlin, mais les réclamations inces- santes de leurs épouses aboutirent à leur libé- ration. Le succès singulier de cette protestation allemande en masse contre la déportation des Juifs allemands soulève une question obsé- La résistance contre les envahisseurs allemands fut dante : qu’aurait-il pu se produire si davantage particulièrement forte en Union soviétique où les nazis d’Allemands avaient agi de la même façon ? menèrent une politique d’occupation barbare. Ces Cet épisode remarquable commença lorsque cinq Soviétiques furent pendus à Kharkov. La pancarte les derniers Juifs demeurant à Berlin furent accrochée à leur cou dit : « châtiment pour avoir fait rassemblés, le 27 février 1943. Ceux qui étaient exploser des mines. » Ces actes de sabotage mariés à des non juives furent amenés dans la contribuèrent à renverser la tendance sur le front orien- Rosenstrasse. « Une chaîne téléphonique » de tal et par la suite à vaincre le Troisième Reich. couples mixtes répandit la nouvelle et bientôt, les épouses anxieuses se présentèrent à la Rosenstrasse. Elles réclamèrent des informa- tions sur leurs maris, apportèrent des vivres et insistèrent pour que les hommes soient libérés. Enjointes de se disperser et menacées par des armes à feu, elles persistèrent dans leurs demandes. La protestation prit fin lorsque et d’autres membres de la hié- rarchie nazie, de plus en plus inquiets à l’idée de troubles intérieurs, firent libérer les Juifs.

En mars 1943, 4 000 Juifs de Thrace, région de Grèce contrôlée par la Bulgarie, furent rassemblés et envoyés à la mort à Treblinka. Une semaine plus tard, 7 000 autres Juifs de la région voisine de Macédoine, en Yougoslavie, furent expédiés dans une entreprise de tabac dont les bâtiments furent convertis en camp de concentra- tion (photo). Les Juifs y furent détenus quelques semaines, puis envoyés à Treblinka. Bien peu survécurent.

Stanislawów, en Ukraine. • La Bulgarie allemand concernant la déportation au • 24 février 1943 : Création d’un signe un accord avec l’Allemagne pour camp d’extermination d’Auschwitz de ghetto à Salonique, en Grèce. autoriser la déportation de 20 000 Juifs plusieurs centaines de Juifs. de deux régions désormais sous son • 27 février 1943 : Les troupes SS com- contrôle, la Macédoine, précédemment • 23 février 1943 : La 16e division mencent à rassembler des travailleurs yougoslave, et la Thrace, auparavant (lituanienne) de l’Armée rouge, qui juifs à Berlin pour les envoyer dans les sous domination grecque. Environ comprend de nombreux Juifs, 11 000 Juifs seront en fait déportés (en camps de la mort de l’Est. attaque une armée allemande supé- mars). • À Lyon, les autorités militaires italiennes ordonnent au chef de la rieure en nombre en Ukraine. • 27 février-début mars 1943 : Les police locale d’annuler un ordre travailleurs juifs rassemblés à Berlin

431 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Les sauveteurs

Pendant la Shoah, les efforts et individus sauvèrent quelque mais des milliers d’individus aidè- investis en vue de sauver les Juifs 7000 enfants, souvent en les rent les Juifs, en particulier à furent loin d’être suffisants. acheminant en Suisse et en Varsovie, en 1942-43. Parmi les Cependant, alors que les gouver- Espagne. Des dirigeants catho- groupes qui proposèrent un sou- nements, les Églises et les confé- liques et protestants, des paysans, tien : le mouvement scout catho- rences internationales ne ainsi que des organisations juives lique et Zegota (Conseil d’aide parvinrent pas à empêcher les comme l’OSE (Œuvres de aux Juifs). Au sein de l’Église nazis de massacrer six millions de Secours aux enfants) et les EIF catholique polonaise, certains personnes, quelques milliers d’in- (Éclaireurs israélites de France) insistèrent pour sauver des Juifs. dividus sauvèrent effectivement participèrent au sauvetage. Ger- À Lvov, Leopold Socha cacha 21 des Juifs. maine Le Henaff (photo), direc- Juifs dans le système d’égouts de Des personnes de tous les trice d’une maison d’enfants, la ville. milieux affrontèrent d’immenses cacha plusieurs Juifs au Château Des organisations internatio- dangers pour venir en aide aux de la Guette. nales, dont l’American Jewish Juifs persécutés. Les efforts de L’organisation de résistance Joint Distribution Committee, le sauvetage varièrent en fonction dite Réseau Garel sauva de nom- Congrès juif mondial et le War de la géographie, mais aussi en breux enfants détenus dans des Refugee Board soutinrent des fonction des difficultés rencon- camps de transit nazis et les plaça actions, clandestines ou non, afin trées. L’activité des sauveteurs dans des foyers d’accueil. Dans la de sauver autant de Juifs que dépendait non seulement de France de Vichy, les villageois du possible. Elles établirent des l’étendue du contrôle d’une Chambon-sur-Lignon donnèrent contacts secrets avec les commu- région par les nazis, mais égale- abri à des milliers de Juifs jusqu’à nautés juives d’Europe occupée, ment de l’attitude hostile ou sym- ce que des membres de la Résis- échangèrent des informations pathisante des populations tance puissent les faire passer en indispensables, trouvèrent des autochtones. Par ailleurs, les sau- Suisse. fonds, élaborèrent des plans veteurs n’agissaient pas tous par En Europe orientale, l’em- d’émigration et encouragèrent conviction morale. Certains n’of- prise allemande plus directe et les tentatives d’évasion. frirent leur aide qu’en échange des attitudes violemment antisé- Raoul Wallenberg, membre de de sommes exorbitantes. mites entravèrent davantage le la légation suédoise en Hongrie, Dans l’Europe occidentale sauvetage des Juifs. En Pologne, délivra des passeports et organisa occupée, en particulier au Dane- l’aide organisée fut très réduite, des abris, des vivres et des médi- mark, en Belgique, en caments pour des milliers de France et en Italie, les opé- Juifs hongrois. Plusieurs mil- rations menées réussirent à liers d’autres héros discrets, sauver d’importants pour- mais dont le rôle fut déter- centages des communautés minant – qu’il s’agisse de juives de chaque nation. Les paysans et d’ouvriers ou de citoyens danois organisèrent professeurs et de patrons des flottilles de bateaux de d’usines (comme Oskar pêche pour évacuer la quasi- Schindler) – dupèrent la totalité des Juifs du pays Gestapo en cachant et en vers la Suède, pays neutre. protégeant des Juifs. En France, divers groupes

qui avaient des épouses chrétiennes • Mars 1943 : 850 Juifs de Poznan, en sont libérés après les protestations Pologne, sont déportés au ghetto de publiques de ces dernières et de Lodz. Quelques-uns sont astreints au tra- leurs enfants devant le siège de la vail dans une usine de chaussures, mais Gestapo à Berlin, dans la les autres sont voués à la mort dans l’Est. Rosenstrasse. La libération est ordon- • Dans le ghetto de Varsovie, trois enfants 1943 née par le ministre de la Propagande orphelins – Matti Drobless, 12 ans, sa Joseph Goebbels, et plus tard sœur âgée de 14 ans et son petit frère de approuvée par Hitler en personne 9 ans, s’évadent par les égouts. • Près de qui redoutait des désordres publics. 5 700 Juifs du camp de transit de Wester-

432 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Miriam Szyfman-Fainer et Moyshe Koyfman, membres du Bund, Surmontée de fil barbelé, la porte de Vilnius séparait le ghetto du reste marchent dans les rues du ghetto de de la ville. En septembre 1941, les Allemands créèrent deux ghettos à Vil- Varsovie. Le Bund était une organisa- nius, mais, en quelques semaines, ils liquidèrent le plus petit dont les tion socialiste juive qui entretenait des membres n’avaient pas de Schein (permis de travail). Pendant environ un relations épisodiques mais cordiales an, à partir du printemps 1942, les grandes déportations cessèrent et les avec le mouvement socialiste en habitants du ghetto tentèrent d’assurer leur survie en produisant des biens Pologne. Dans les ghettos du pays, pour l’effort de guerre allemand. Ce dessin de Z. Weiner date de 1942-43. les membres du Bund participèrent activement aux mouvements de Résis- tance. M. Szyfman-Fainer et Koyfman périrent tous deux dans le soulèvement du ghetto de Varsovie.

Une file de personnes condamnées s’allonge devant les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau. Exténuées par leurs interminables voyages depuis des villes et villages éloignés, les vic- times des convois devaient se présen- ter à leur arrivée devant qui, d’un léger mouvement du doigt, décidait de la mort ou de la vie. La résistante française Charlotte Delbo, emprisonnée à Auschwitz, décrivit la gare comme un endroit où arrivée et départ sont équivalents.

bork, aux Pays-Bas, sont déportés au Chelmno, en Pologne ; voir 23 juin 1944. péniches au camp de la mort de Tre- camp de la mort de Sobibor, en Pologne. blinka. •Plusieurs milliers de Juifs sont abattus à • Mars-juillet 1943 : Au camp de la Minsk, en Biélorussie ; 50 s’échappent et mort de Treblinka, les SS s’efforcent • 1er mars 1943 : Déportation à rejoignent le groupe de partisans « Ven- de supprimer toute trace de l’exter- Auschwitz d’une centaine de Juifs de geance ». • L’armée bulgare aide les nazis mination en masse. Paderborn, en Allemagne. • Grand à déporter les Juifs de Macédoine et de rassemblement à Madison Square Thrace dans les camps de la mort en • Début mars 1943 : Les Juifs de Garden sur le thème « Arrêter Hitler Pologne. • L’extermination est provisoire- Thrace et de Macédoine sont arrêtés maintenant ». ment interrompue au camp de la mort de et transportés par trains et par

433 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Les derniers Juifs de Kolomyia, en Ukraine, sont massacrés en mars 1943. Quelques années auparavant, le gouverneur hongrois avait empêché les Ukrainiens d’assassiner les Juifs, mais les liquidations commencèrent en 1942. Cette photo montre plusieurs dizaines de corps des victimes alignées sur le sol. Une Ukrainienne compatissante semble contempler les corps avec tristesse.

À Marseille, des soldats allemands contraignent des Juifs à monter dans des wagons de marchandises à desti- nation de Drancy ou Compiègne. Devant les drapeaux des Nations unies et une gigantesque réplique des Quatre mille Juifs furent déportés au Tables des dix commandements, le spectacle juif We will never die (Nous ne cours de l’Aktion de mars 1943. En mourrons jamais) débuta à New York, le 9 mars 1943. Des acteurs juifs améri- 1942, Mgr Jean Delay, archevêque cains comme Edward G. Robinson, et Sylvia Sidney jouaient dans la de Marseille, déclara que son gouver- pièce. Finalement, plus de 100 000 Américains, dont de nombreux nement avait raison de se défendre responsables du gouvernement, virent ce spectacle. La pièce était sponsorisée contre les Juifs qui, selon lui, avaient par des Juifs palestiniens appelés les Bergson Boys qui travaillaient aux États- causé beaucoup de tort et devaient Unis pour faire connaître le sort tragique des Juifs européens. Ils ne parvinrent être durement châtiés. cependant pas à infléchir la politique américaine.

• 4 mars 1943 : Le célèbre peintre derrière une charrette tirée par un Hermann Lismann est déporté au cheval jusqu’à ce que mort s’ensuive. camp de la mort de Majdanek. • 6 mars 1943 : Vingt jeunes Juifs • 5 mars 1943 : Environ 1 300 Juifs s’évadent du ghetto de Swieciany, en sont exterminés près du ghetto de Ukraine, dans les forêts voisines. 1943 Khmelnik (Ukraine). À cause de ses contacts avec la Résistance juive locale, • 7 mars 1943 : Extermination de la Shmouel Zalcman, président du communauté juive de Radoszkowice, Conseil juif de Khmelnik, est traîné en Biélorussie.

434 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Dimitur Peshev, vice-président de l’Assemblée La Bulgarie et la Shoah nationale bulgare, fit partie La Bulgarie, pays balkanique de la mer Noire, de la délégation est entourée par la Turquie, la Roumanie, la You- de députés élus goslavie et la Grèce. En 1939, le gouvernement par les citoyens bulgare chassa les Juifs étrangers du pays, tandis de Kyustendil que la radio et la presse du pays exprimaient des pour protester sentiments antisémites. La même année, le contre l’ordre ministère britannique des Affaires étrangères avertit les Bulgares que si les Juifs bulgares d’évacuation de étaient acheminés en Palestine, les Britanniques la population « attendraient du gouvernement bulgare qu’il juive locale. Les reprenne les immigrants. » députés soumirent Les nazis exercèrent des pressions sur la une protestation Bulgarie pour qu’elle s’allie à l’Allemagne pen- au parlement, dant la Seconde Guerre mondiale – alliance qui mais la retirèrent effraya les 50 000 Juifs séfarades bulgares qui après les pressions exercées par le roi. Peshev refusa constituaient 10% de la population du pays. de retirer sa signature, ce qui lui valut d’être limogé de Sous la pression des Allemands, le gouverne- son poste, mais les ordres de déportation des Juifs de ment bulgare adopta des lois antisémites qui Kyustendil furent annulés. furent soutenues par certains groupes écono- miques, ainsi que par des organisations mili- taires de droite. Bien que l’antisémitisme fût très répandu, le clergé, la monar- chie, le parle- ment et les travailleurs de la nation empêchè- rent les SS alle- mands de déporter la majeure partie des Juifs bulgares. Près de 12 000 Juifs vivant dans les régions que les Allemands avaient accordées à la Bulgarie (Thrace et Macédoine) furent cependant ras- semblés et envoyés à la mort dans le camp de Treblinka. Même dans les conditions prévalant à Belzec, des De septembre 1944 à avril 1945, la Bulgarie prisonniers juifs tentèrent d’observer quelques vestiges mena la guerre contre l’Allemagne. L’armée des pratiques religieuses d’avant-guerre. Ces coupes bulgare, qui comprenait des Juifs, combattit les de kiddoush retrouvées dans le camp étaient utilisées Allemands en Yougoslavie et en Hongrie. pour célébrer le Shabbat. De tels rituels étaient interdits dans le camp et passibles de mort. Des Juifs, cependant, ressentaient le besoin d’observer leurs lois religieuses précisément dans des circonstances aussi éprouvantes.

• 8-13 mars 1943 : Des Juifs font par- dont plusieurs responsables du gou- des camps de travail à Radomir et Samo- tie de la force de l’Armée rouge qui vernement, assistent au spectacle. vit, en Bulgarie. Aucun, cependant, n’est organise une vaste offensive contre déporté, et la population juive de Bulga- les Allemands à Sokolov, en Russie. À •10 mars 1943 : Les SS exigent la dépor- rie continuera à augmenter pendant la la fin des combats, on recense trois tation en Pologne de tous les Juifs guerre. cents victimes juives, dont 140 morts. bulgares, mais le gouvernement bulgare résiste grâce à l’ambivalence du roi, et • 13 mars 1943 : Tentative d’attentat • 9 mars 1943 : Première du grâce aux protestations du clergé, du à la bombe contre Hitler, mais les spectacle des Bergson Boys, We Will monde paysan et de certains explosifs, camouflés par le général Never Die, (Nous ne mourrons intellectuels. En dépit des protestations, Henning von Tresckow sous l’allure jamais). Plus de 100 000 Américains, quelques Juifs bulgares sont exilés dans de bouteilles de cognac, n’explosent

435 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Général de division de l’armée allemande, Les organisations juives Henning von Tresckow rejoignit le mouvement américaines d’opposition à Hitler. Tout en servant sur le Tout au long de la Seconde Guerre mondiale, front russe, Tresckow des organisations juives américaines déployèrent était convaincu que la des efforts incessants, mais d’une efficacité relati- campagne était vouée vement limitée, pour sauver les Juifs d’Europe. à l’échec et qu’Hitler Leurs campagnes s’intensifièrent en 1943, lorsque devait être destitué. Il les rapports sur les programmes génocidaires fut impliqué dans la ten- d’Hitler furent confirmés. Les principales organisations juives améri- tative manquée d’atten- caines, sous la direction du rabbin Stephen tat contre Hitler, à Wise, organisèrent des manifestations et exer- Smonlensk (Russie), en cèrent des pressions sur les responsables du mars 1943 ; une bombe composée de plastic camou- gouvernement. La manifestation « Stop Hitler flée dans des bouteilles de cognac n’explosa pas dans Now » (Arrêter Hitler maintenant), organisée à l’avion personnel du Führer. Après l’échec du complot New York le 1er mars 1943 par l’American pour tuer Hitler en juillet 1944, Tresckow se suicida. Jewish Congress, attira quelque 75 000 per- sonnes. La foule écouta les discours prononcés par les dirigeants de l’American Federation of Labor, le Congress of Industrial Organizations et autres associations non juives. Un groupe plus radical, le Committee for a Jewish Army (CJA) tenta de servir de médiateur dans une opération de sauvetage des Juifs rou- mains. Il publia dans les grands journaux des annonces publicitaires proclamant que la liberté de 70 000 Juifs pouvait être achetée pour 50 dollars par personne. Indépendam- ment du choc délibéré, la publicité visait à montrer que le sauvetage des Juifs était une question de volonté des Alliés. Le 15 mars 1943, huit grandes organisations juives créèrent le Joint Emergency Committee on European Affairs (JEC) qui eut pour mission de développer les campagnes d’information Accompagné par des officiers supérieurs allemands, auprès de l’opinion publique afin d’inciter le Jozef Tiso engage une conversation amicale avec Hitler. Congrès des États-Unis à soutenir des opéra- Dirigeant de la Slovaquie, Tiso autorisa la déportation des tions de sauvetage et à organiser des confé- Juifs, alors qu’il aurait pu intervenir et l’avait fait dans rences à haut niveau en faveur des Juifs quelques cas. Quelque 25 000 Juifs vivaient encore en européens. Le président Franklin Roosevelt Slovaquie, mais les déportations furent interrompues en finit par créer le War Refugee Board, mais pas mars 1943, peut-être parce que les nazis souhaitaient en avant janvier 1944, soit 14 mois après avoir été priorité « débarrasser » d’autres régions de leurs Juifs ou mis au courant de la « solution finale ». peut-être parce que bon nombre de ces derniers étaient des travailleurs qualifiés jugés « utiles ».

pas à bord de l’avion privé d’Hitler. Avant le départ du train pour Ausch- •Les SS créent Ostindustrie GmbH witz, des centaines de petits enfants (société Industrie de l’Est) en et de personnes âgées sont assassinés Pologne pour organiser et exploiter dans les rues et dans les fossés à l’ex- le travail servile à Lublin et dans les térieur de la rue. Les patients de environs. Le projet est supervisé par l’hôpital juif de Cracovie sont massa- Odilo Globocnik. 1943 crés par des agents de la Gestapo. 14 mars 1943 : Deux mille Juifs de • 15 mars 1943 : Début des déporta- Cracovie, en Pologne, sont • tions à Auschwitz des Juifs de rassemblés pour la déportation.

436 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Cinq soldats allemands obser- vent les corps de deux civils russes qu’ils viennent d’exécuter. Bien que théoriquement protégés par les lois de la guerre, les civils du front de l’Est devinrent fréquemment la cible des Allemands. Les nazis se montraient impitoyables pour quiconque était Parmi des sacs contenant toutes suspecté d’être un sortes d’articles, une femme juive du partisan ou camp de la mort de Chelmno trie les d’avoir aidé les vêtements arrivés avec les convois, résistants. vêtements qui seront expédiés dans des entrepôts près de Lodz, en Pologne. À partir de mars 1943, les convois à Chelmno cessèrent lorsque le camp atteignit son objectif : mas- sacrer la majeure partie des Juifs du Warthegau, l’ancien territoire polo- nais annexé au Reich. Les meurtres reprirent un an plus tard, lorsqu’il fut décidé de gazer les prisonniers du ghetto de Lodz.

Wilhelm Boger (à droite) était généralement considéré comme le garde d’Auschwitz le plus cruel. À son procès, des témoins affirmèrent que ses mains étaient souvent cou- vertes du sang des victimes qu’il torturait avec sadisme. À gauche, est représentée une maquette de la « balançoire de Boger », un dispo- sitif de torture que Boger appelait sa « machine parlante. »

Salonique (Grèce). 2 800 personnes culièrement redouté est tué à Lvov, astreints au travail sont exécutés et font partie du premier groupe. en Ukraine, par un Juif nommé Kot- 200 autres Juifs sont assassinés. •Trude Neumann, ancienne patiente nowksi ; voir 17 mars 1943. d’un hôpital psychiatrique, près de • 18 mars 1943 : La cachette du doc- Vienne, et fille de Theodor Herzl, le •17 mars 1943 : Plus de 1 200 Juifs teur Julian Charin, âgé de 30 ans, de fondateur du sionisme politique, de Lvov, en Ukraine, sont assassinés à Lapy, en Ukraine, est divulguée aux meurt de faim au camp / ghetto de Piaski, en Pologne, en représailles nazis et Charin est abattu. • À Ausch- Theresienstadt, en Tchécoslovaquie. après la mort d’un SS tué par un Juif, witz, Lonka Kozibrodska, un résistant le 16 mars. Onze policiers juifs sont âgé de 26 ans, meurt du typhus. • 16 mars 1943 : Un soldat SS parti- pendus dans le ghetto, 1 000 Juifs

437 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Trois Juifs âgés marchent bras des- sus bras dessous dans les rues du ghetto de Cracovie, en Pologne, pen- dant la liquidation finale du ghetto. En 1942, les déportations avaient considérablement réduit le nombre des habitants du ghetto de Cracovie et elles servirent de prélude à l’ultime liquidation de mars 1943. Ce mois- là, 2 000 Juifs furent transférés dans le camp de travail voisin de Plaszów et 2 300 autres furent déportés à Auschwitz. Des groupes de résistance juive aidèrent des centaines de Juifs de Cracovie à trouver une sécurité relative. Des groupes de partisans armés, agissant à la périphérie de la ville, engagèrent des fusillades contre les troupes allemandes, ce qui, indi- rectement, contribua à ralentir le rythme des déportations. Cette poupée appartenait à une enfant vivant dans le ghetto de Cracovie (Pologne). La propriétaire de la poupée, Zofia Burowska, la récupéra après la guerre auprès de non Juifs qui la lui avaient gardée. Ce geste revêtit une importance particu- lière pour Zofia, parce qu’il avait été accompli spécifi- quement pour elle. Pour les Les biens abandonnés des Juifs récemment déportés enfants de Cracovie jonchent les rues du ghetto. La liquidation juifs, des du ghetto de Cracovie fut une opération terriblement jouets violente. Outre les Juifs qui furent déportés à Plaszów comme et Auschwitz (Pologne), 700 Juifs furent abattus sur cette pou- place. pée étaient souvent le seul lien avec une enfance normale.

• 20 mars 1943 : À Czestochowa, en • 21 mars 1943 : Pendant la fête Pologne, en cette veille de Pourim, juive de Pourim, 2 300 Juifs de plus de 100 médecins, ingénieurs et Skopje, en Yougoslavie, sont déportés avocats juifs, ainsi que leurs familles, à Auschwitz. • Huit membres de l’in- sont emmenés dans un cimetière par telligentsia juive de Piotrków, en les nazis et abattus. Parmi les Pologne, sont emmenés dans un victimes, un gynécologue âgé de 56 1943 ans, le docteur Kruza Gruenwald, le cimetière et abattus en même temps docteur Irena Horowitz, généraliste que le gardien du cimetière et sa âgée de 30 ans et le neurologue femme. Les Allemands firent en sorte Bernhard Epstein, âgé de 44 ans. de tuer dix personnes au total,

438 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

PRINCIPAUX CAMPS DE CONCENTRATION DANS LES PAYS BALTES, 1941–1945

Kunda Tallinn Kivióli N Klooga Wesenburg

ESTONIE Dorpat

Petschur Pleskau Golfe de Riga Dondangen Kaiserwald LETTONIE Riga D Janek Krauze combattit avec des vina partisans à Czestochowa, en Pologne. L’Aktion allemande contre mer Baltique Siauliai les habitants du ghetto, en janvier LITUANIE UNION SOVIÉTIQUE 1943, déclencha une série d’opé- (sous occupation allemande) Janischken rations de résistance tant à Neris Neman 0 100 miles l’intérieur du ghetto qu’à l’extérieur. Kovno Vilnius Krauze fut tué le 19 mars 1943 ; GRANDE 0 150 kilomètres les combats continuèrent pendant ALLEMAGNE l’été. Le 25 juin, le ZOB (Organisa- tion juive de combat) organisa une Les nazis massacrèrent la majeure partie des 350 000 campagne pour résister à la Juifs baltes en 1941. À partir de la fin de l’année 1942, plusieurs dizaines liquidation du petit quartier du de milliers de Juifs d’autres pays européens furent envoyés dans les camps ghetto de Czestochowa. de travail en Estonie.

Cette cour déserte et ces bâtiments vides témoignent de la récente Aktion (déportation) des Juifs de Czestochowa, en Pologne. Près de 30 000 Juifs, soit 30% de la population, contribuaient autre- fois au dynamisme de cette ville. Pendant la guerre, le ghetto de la ville devint un point de rassemble- ment des Juifs envoyés de toute l’Eu- rope. Ils étaient transférés dans des camps de travail et au camp de la mort de Treblinka. À un moment donné, le ghetto comptait 48 000 Juifs, mais ce chiffre diminua consi- dérablement en 1943.

macabre référence aux dix fils d’Ha- • 23 mars 1943 : Vingt-neuf orphelins •William Temple, archevêque de Can- mann pendus dans l’histoire de Pou- juifs de l’orphelinat La Rose aux terbury, déclare à la Chambre des rim. • À Random, en Pologne, les Accates, près de Marseille, ainsi Lords que la Grande-Bretagne devrait médecins juifs sont emmenés du qu’Alice Salomon, leur accompa- supprimer tous les quotas sur ghetto et exécutés dans la ville gnatrice qui avait refusé de les quitter l’immigration juive dans le pays. deux mois auparavant, sont gazés au voisine de Szydlowiec. camp de la mort de Sobibor. • 1 700 • 25 mars 1943 : Un millier de Juifs de Tsiganes sont assassinés à Auschwitz. Marseille sont déportés au camp de la • 22 mars 1943 : Le four crématoire • En France, 4 000 Juifs sont déportés mort de Sobibor. • Les membres de la IV d’Auschwitz-Birkenau commence de Marseille, internés un temps à communauté juive de Zólkiew, en à fonctionner. Drancy, puis déportés à Sobibor. Pologne, sont contraints de marcher

439 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

William Temple, chef religieux de l’Église d’Angleterre, fut l’une des rares voix britanniques à s’exprimer en faveur des Juifs. En mars 1943, il demanda à la Chambre des Lords que la Grande-Bretagne lève tous les quotas sur l’immigration juive dans le pays. Il avertit également les Allemands que les responsables des crimes de guerre devraient répondre de leurs actes une fois la guerre ter- minée.

La bima de la synagogue détruite de Lvov, en Ukraine, demeura en grande partie intacte après la liquidation du ghetto. Le ghetto devint officiellement un camp de travail en janvier 1943, mais 10 000 Juifs sans cartes d’emploi furent exécutés. En mars, une opé- ration de « purification » coûta la vie à 1 500 autres Juifs et en trans- féra 800 autres dans un camp de la mort nazie. Pendant l’ultime liqui- dation, la résistance armée condui- sit les Allemands à détruire le ghetto maison par maison. L’Église catholique grecque de Lvov exprima sa peine devant ces événe- ments – non pas tant pour le Ce document allemand, d’allure officielle, certifiait que Bronislawa meurtre des Juifs (l’Église estimait Tymejko (Laura Schwarzwald) était employée par la coopérative agricole que les Juifs se consacraient à la de Busko-Zdroj. Des faux papiers comme celui-ci permettaient à des Juifs destruction du christianisme) – mais polonais de vivre sous un nom d’emprunt et d’éviter la déportation. Malgré parce que les habitants ukrainiens la rigueur des conditions prévalant dans les coopératives gérées par les de la région furent encouragés à nazis, le travail n’y était pas un moyen d’extermination. Les faux papiers participer à ces meurtres. équivalaient donc pratiquement au salut pour les Juifs assez chanceux pour s’en procurer.

jusqu’à la forêt de Borek où ils sont contraignent des prisonniers juifs à exécutés. • Une lettre anonyme écrite brûler les corps des 600 000 Juifs par un citoyen allemand non juif, criti- exterminés à Belzec. quant les techniques nazies de liquida- tion des ghettos, est adressée à la • Avril 1943 : Création d’un camp de chancellerie d’Hitler. concentration à Bergen-Belsen, en Allemagne. • Les Allemands lancent 1943 • Printemps 1943 : Les escadrons de une offensive contre les partisans la mort nazis ont jusqu’alors assassiné juifs de la forêt de Parczew, en près de deux millions de Juifs en Pologne. • Des membres de la Résis- Europe orientale. • Les Allemands tance font dérailler un train de la

440 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Plus de 75% des Juifs néer- landais furent déportés à Auschwitz, Sobibor et autres camps de la mort. Très peu survécurent. Quelques citoyens néerlandais combatti- rent les efforts déployés par les nazis pour exterminer les Juifs du pays. La résistance néerlandaise, par exemple, fit sauter le bureau d’état-civil d’Amsterdam (ci-dessous), le 27 mars 1943. Parmi les résistants, C. Hartogh (photo) prévoyait des opérations des- tinées à faire obstacle aux plans de déportation des nazis. Hartogh fut exécuté quelques mois plus tard.

Les camps de concentration four- nissaient aux médecins nazis un grand réservoir de cobayes humains pour leurs « expériences » dont bon nombre avaient un objectif spécifiquement militaire. Cet homme fut victime d’une expérience sur la pression atmosphérique réalisée au camp de concentration de Dachau, en Allemagne, pour mesurer l’endu- rance humaine à des altitudes extrê- mement élevées. Au cours de l’expérience, l’homme fut placé dans un réservoir d’air comprimé dont l’air fut progressivement retiré. Les « scientifiques » nazis pouvaient ainsi déterminer jusqu’à quelle altitude leurs pilotes pouvaient voler en toute sécurité.

mort en Belgique. • Le pape Pie XII • 5 avril 1943 : Trois cents Juifs de Soly et rons sont embarqués dans des camions se plaint de ce que les Juifs sont exi- Smorgon, en Biélorussie, sont acheminés jusqu’à Ponary, assassinés et jetés dans geants et ingrats. • Le docteur Julian en train vers l’ouest, à Vilnius (Lituanie). des fosses communes. Les Juifs Chorazycki, ancien capitaine de l’ar- En route, les prisonniers brisent le verre d’Oszmiana et de Swieciany (Lituanie), mée polonaise et dirigeant de la renforcé de grillage des autorails et ten- qui arrivent en train à la gare de Ponary, Résistance des détenus au camp de la tent de s’évader, mais sont abattus par des résistent avec des revolvers, des couteaux mort de Treblinka, avale du poison lorsque le commandant adjoint du gardes. Les survivants sont plus tard et aussi à mains nues ; quelques dizaines camp découvre l’argent qu’il avait fusillés à Ponary, au sud-ouest de Vilnius, s’échappent à Vilnius et les autres sont préparé pour acheter des armes par des soldats SS allemands et lituaniens. abattus. Pendant le massacre, un policier légères ; voir 3 mai 1943. Environ 4 000 Juifs de Vilnius et des envi- lituanien est blessé par les Juifs et un ser-

441 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La conférence des Bermudes

Le tollé suscité aux États-Unis et en Grande-Bretagne à l’annonce du massacre systématique des Juifs d’Europe par le régime nazi aboutit à la conférence des Bermudes, en avril 1943. Prétendument destinée à résoudre le problème des réfugiés créé par la politique génocidaire d’Hitler, la conférence est en fait considérée comme le sommet des efforts investis par les Alliés pour éluder les opérations de sauvetage. Les négociations préliminaires limitèrent les sujets qui seraient ouverts à la discussion aux Bermudes, ce qui garantissait pratiquement l’échec de la conférence. Responsables britanniques et américains déci- dèrent à l’avance de réduire l’aspect juif du problème et d’insister sur le fait que les Juifs ne constituaient que l’un des groupes victimes de la Le secrétaire d’État adjoint Breckin- guerre. Cette décision montrait la réticence de la Grande-Bretagne et ridge Long exerça son influence sur le des États-Unis à envisager sérieusement des plans destinés à sauver les Département d’État afin d’empêcher Juifs européens des griffes du régime nazi. Toutes sortes d’autres pro- blèmes condamnèrent cette entreprise. les États-Unis de devenir un refuge pour Visant à détourner l’attention de l’opinion publique, la conférence les Juifs européens. La xénophobie de des Bermudes fut un échec total. Pour reprendre les termes de Long influença pratiquement chaque Myron C. Taylor, le principal représentant américain à la conférence mesure qu’il prit durant la guerre : il fut d’Evian de 1938 : « La conférence des Bermudes fut totalement à l’origine du refus opposé par le inefficace… et nous savions qu’il en serait ainsi. » L’indifférence des Département d’État d’accorder des gouvernements britannique et américain au sort tragique des Juifs visas aux réfugiés politiques et aux européens devint évidente. intellectuels. Il œuvra pour réduire les quotas d’immigration. Et il suggéra que la conférence sur les réfugiés se déroule aux Bermudes, parce que c’était un endroit inaccessible.

Des personnalités de divers hori- zons professionnels assistent à la funeste conférence des Bermudes sur les réfugiés, en avril 1943. De gauche à droite : Le Britannique George Hall, sous-secrétaire à l’Ami- rauté ; Harold W. Dodds, président de l’Université de Princeton ; Richard K. Law, sous-secrétaire britannique aux Affaires étrangères ; Sol Bloom, président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants américaine ; et Osbert Peake, sous-secrétaire britan- nique à l’Intérieur.

gent SS est hospitalisé après avoir reçu • 8-9 avril 1943 : Un millier de Juifs des coups de couteau dans le dos et à la sont exécutés près de Ternopol, en tête. • À la gare du camp de la mort de Ukraine. Treblinka, arrivée du dernier train ame- nant des Juifs de Macédoine. Tous sont • 13 avril 1943 : Dans la forêt de immédiatement gazés. Katyn, en Union soviétique, les Alle- 1943 mands découvrent les corps de plus • 7 avril 1943 : Michael Glanz dirige de 4 000 officiers polonais, dont cer- la Résistance juive à Skalat, en tains sont juifs. Les officiers avaient Ukraine. été massacrés par les Soviétiques.

442 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Bergen-Belsen, en Allemagne, ouvrit ses portes en avril 1943. En tant que camp de transit, il accueillit principale- ment des détenus non Juifs, et les condi- tions étaient moins terribles que dans d’autres camps, du moins au début. Cependant, au fur et à mesure que la guerre tournait au désavantage de l’Al- lemagne et que des prisonniers, de plus en plus nombreux parvenaient au camp après des marches de la mort, les conditions se détériorèrent. Environ 50 000 personnes périrent à Bergen- Belsen, dont environ 14 000 après la libération du camp.

Alfred Krupp fut à la tête de la célèbre entreprise allemande de fabrication d’armes depuis le début des années 1930 jusqu’à la fin de la guerre. Cette photographie le montre alors qu’il est fait prisonnier par les troupes américaines, avant son procès à Nuremberg. Sous sa supervision, les usines Krupp exploi- tèrent cruellement et de façon fort Ces monceaux de chaussures appartenaient autrefois aux victimes rentable la main-d’œuvre servile gazées à Auschwitz. Les nazis firent tout ce qu’ils purent pour exploiter éco- fournie par les camps de concentra- nomiquement leurs victimes, notamment la saisie de tout bien susceptible tion du Troisième Reich. Il payait le d’être utilisé dans l’effort de guerre. À Auschwitz, les biens confisqués gouvernement pour ses travailleurs étaient gardés dans des Effektenkammern (entrepôts d’objets). Les détenus qui ne recevaient aucun salaire. appelaient ce secteur « Canada » à cause de l’impressionnant butin qui y Des milliers d’entre eux moururent était stocké et qu’ils associaient aux richesses du Canada. dans les conditions choquantes qui caractérisaient ses usines.

• 14 avril 1943 : Dissolution du Genève, suggère que des fonds soient Horthy au château de Klessheim, camp de travail servile de Siedlce, en déposés sur un compte en Suisse afin près de Salzbourg (Autriche), afin Pologne. • Un document intitulé Pro- de permettre, après la guerre, aux d’encourager les déportations de gramme de sauvetage des Juifs de 70 000 Juifs roumains préalablement Juifs hongrois. Horthy refuse. l’Europe sous occupation nazie est «proposés » aux Alliés, d’immigrer soumis à la conférence des Bermudes en Palestine. Ce projet deviendra le • 18 avril 1943 : La rumeur se diffuse par le Joint Emergency Committee plan Riegner ; voir mai 1943. dans le ghetto de Varsovie que les Alle- for European Jewish Affairs ; voir 19 mands préparent la destruction du avril 1943. • Gerhart Riegner, repré- 17-18 avril 1943 : Hitler rencontre ghetto ; voir 19 avril 1943. • Près de • 3 500 Juifs de six villes polonaises sont sentant du Congrès juif mondial à le régent hongrois, l’amiral Miklós transférés à Jaworow, en Pologne, et

443 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Harry Baur, l’un des acteurs les plus estimés du cinéma français et allemand, fut l’une des victimes des nazis. Né en 1880, Baur acquit une réputation internationale dans des films comme Les Misérables (il y jouait le rôle de Jean Valjean), Un grand amour de Beethoven, et Crime et châtiment. Tandis que cer- taines vedettes de la scène comme de l’écran quittèrent l’Europe pour les États-Unis, d’autres ne le purent ou ne le voulurent pas. Accusé d’être un agent des Alliés, Baur mourut le 20 avril 1943, en déten- tion chez les nazis.

Des valises de Juifs Gerard Kornmann cacha des déportés au camp de Juifs néerlandais à deux occasions. la mort d’Auschwitz- Un indicateur de la police finit par Birkenau, témoignent le trahir et il fut arrêté et acheminé sans ambiguïté du fait au camp de concentration de Sach- que les victimes senhausen, en Allemagne, via le n’avaient pas la camp de transit de Vught, aux Pays- moindre idée du sort Bas. Après le débarquement des qui les attendait. Les Alliés en Europe occidentale, ses ordres de déportation geôliers l’expédièrent à Lübeck, en arrivaient Allemagne. Le 3 mai 1945, il se soudainement et trouvait à bord du Cap Arcona, étaient exécutés rapi- l’un des quatre bateaux que les Bri- dement. Les Juifs four- tanniques bombardèrent, pensant raient à la hâte que les passagers étaient des Alle- quelques affaires pré- mands. Kornmann mourut durant cieuses dans des l’attaque. Le sort ultime de valises, inscrivaient Kornmann fut déterminé par l’infor- leur nom à l’extérieur mateur – peut-être un voisin ou un et montaient dans des «ami » – qui le trahit, le livrant trains, pensant être relogés quelque part en Europe de l’Est. À l’embarquement, aux autorités d’occupation. On ne ils étaient séparés de leurs bagages et il leur était dit qu’ils les retrouveraient à peut que se perdre en conjectures l’arrivée. Le tri des bagages des Juifs déportés à Auschwitz ou dans d’autres sur ses motivations. camps de la mort était une entreprise fort lucrative.

abattus. Les résistants qui s’évadent habitants) en cette veille de Pâque, mais dans les forêts voisines sont dirigés par environ 700 Juifs se révoltent. Les Juifs ne Artur Henner et Henry Gleich ; la plu- disposent que de 17 fusils, 500 pistolets et part seront par la suite tués par les plusieurs milliers de grenades et de cock- troupes allemandes. tails Molotov. La Résistance juive combat- tra les nazis jusqu’à la mi-mai. La • 19 avril 1943 : Début du soulèvement Résistance polonaise n’accordera qu’une 1943 du ghetto de Varsovie. Plus de 2 000 sol- aide minime à cause de l’antisémitisme de dats – SS, armée régulière et troupes bon nombre de ses membres. Les Alliés étrangères – envahissent le ghetto. Ils ten- ne donneront aucune publicité à l’événe- tent de liquider le ghetto (40 000 ment et ne tenteront pas d’apporter de

444 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

En avril 1943, les Allemands exhumèrent, dans la forêt de Katyn, les corps de plus de 4 000 prisonniers de guerre polonais assassinés en 1940, probablement par le NKVD, la police secrète sovié- tique. Les Soviétiques nièrent toute responsabilité et accusè- rent les Allemands. Le gouver- nement polonais en exil à Londres suspecta les Soviétiques du massacre et son insistance pour que soit menée une enquête approfon- die aboutit à la rupture des relations entre les Russes et les Polonais de Londres. Joseph Staline en prit prétexte pour instaurer un gouvernement communiste en Pologne, après la guerre.

Le massacre de Katyn En avril 1943, des membres de balle dans la nuque juste avant secrète soviétique était respon- l’armée allemande découvrirent l’invasion de la Russie par les sable des meurtres. En avril une fosse commune dans une Allemands. 1990, l’Union soviétique assuma région très boisée située à la Le gouvernement polonais en sa responsabilité dans le mas- périphérie de Katyn, un village exil à Londres ayant accepté le sacre de Katyn. soviétique isolé. Une commission rapport, le dirigeant sovié- internationale de médecins iden- tique Joseph Staline rom- tifia les corps – 4 143 découverts, pit les relations avec le mais on estime que des milliers régime civil et accusa les d’autres furent massacrés – Allemands d’avoir perpé- comme des officiers et des sol- tré ce massacre. Les Alliés dats polonais. Selon le rapport confirmèrent les accusa- publié par le gouvernement alle- tions de Staline jusqu’en mand, ces hommes furent faits 1952, date à laquelle une prisonniers par les Soviétiques enquête menée par le pendant la campagne polonaise Congrès des États-Unis de 1939 ; chacun fut tué d’une conclut que la police

l’aide ; voir 20 avril 1943. juifs de l’Europe occupée par les troupes allemandes ; voir 25 avril 1943. Allemands. • Harry Baur, le très populaire acteur du • La conférence des Bermudes organisée cinéma français, meurt à Berlin après par la Grande-Bretagne et les États-Unis • 20 avril 1943 : Dans le ghetto de Varso- avoir été torturé par la Gestapo. à Hamilton, aux Bermudes, ne prend vie, les Allemands mettent le feu aux mai- aucune mesure significative pour aider les sons, immeuble par immeuble et abattent • 22 avril 1943 : Déportation des Juifs d’Europe. Avant la rencontre, les tous ceux qui sortent des bâtiments, bun- Juifs d’Amersfoort (Pays-Bas). représentants des deux pays s’étaient mis kers et égouts. De nombreux Juifs se réfu- d’accord pour ne pas discuter de l’immi- gient sur les toits et continuent à • 25 avril 1943 : Alors que les gration des Juifs dans leurs pays ni de combattre. Les patients de l’hôpital incendies allumés par les Allemands l’acheminement de vivres aux réfugiés Czyste de Varsovie sont assassinés par les consument le ghetto de Varsovie, un

445 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Le soulèvement du ghetto de Varsovie

Irena Kleppfisch, enfant resca- efforts entrepris par les nazis de tanks et de canons. L’« arse- pée de la Shoah, est devenue un pour exterminer près de 60 000 nal » des Juifs se composait prin- écrivain important dont l’œuvre Juifs qui restaient dans le ghetto cipalement de revolvers, de la plus connue comprend un au début du printemps 1943. cocktails Molotov et de quelques poème intitulé Bashert. Ce titre En janvier de cette année, le fusils introduits clandestinement en yiddish évoque le sentiment chef des SS, Heinrich Himmler, dans le ghetto ou pris à des Alle- de destin inéluctable. Rempli de avait ordonné d’autres déporta- mands tombés en embuscade en pleurs et de protestations, tions, mais la résistance juive janvier. Recourant à des tactiques Bashert ne mentionne pas la entrava cet effort. Conscients d’attaques éclairs et profitant des Shoah directement, mais cet évé- qu’ils allaient rencontrer une caches dans les bunkers, les com- nement se dégage de chaque résistance acharnée, les Alle- battants juifs prirent les Alle- vers : « Ces mots sont dédiés à mands se regroupèrent et revin- mands au dépourvu durant les ceux qui ont péri… Ces mots sont rent le 19 avril, la veille de premiers jours du soulèvement. dédiés à ceux qui ont survécu. » Pâque, pour terminer le travail. Ces derniers cependant procédè- Le père d’Irena Kleppfisch, Ce qui se passa alors fut, selon rent à des représailles en incen- Michael, était l’un de ceux diant le ghetto, immeuble qui périrent. Gut- par immeuble. Même man, rescapé et historien alors, la résistance juive du soulèvement du ghetto continua – bien que de Varsovie, rapporte que condamnée. Ce fut seule- Michael Kleppfisch, « qui ment le 8 mai que les joua un rôle important Allemands détruisirent le dans la fabrication des QG de l’Organisation armes du ghetto », fut tué juive de combat dans le le 20 avril 1943. Il mourut bunker du 18 de la rue dans un combat au corps Mila, combat au cours à corps contre les forces duquel Mordekhaï Aniele- allemandes du général de wicz, commandant de l’or- brigade Jürgen Stroop ganisation, trouva la mort. chargées de liquider le Le 16 mai, Stroop ghetto. Gutman, « le premier soulève- déclara la victoire, proclamant À l’été 1942, les nazis firent ment urbain dans l’Europe occu- que « le quartier juif de Varsovie partir 300 000 Juifs du ghetto de pée par les Allemands et, de tous n’existe plus. » Les pertes infli- Varsovie. La plupart furent les soulèvements juifs, celui qui gées par les combattants juifs aux envoyés à la mort dans les dura le plus longtemps, du 19 Allemands étaient réduites – dans chambres à gaz de Treblinka. avril au 16 mai 1943. » son rapport, Stroop mentionna Michael Kleppfisch et Gutman Pauvrement armés, les com- 16 morts et 85 blessés – mais le faisaient partie d’un groupe de battants juifs, qui manquaient soulèvement du ghetto de Varso- jeunes Juifs – entre 700 et 750 – également d’entraînement mili- vie demeure un exemple extrê- qui s’étaient entraînés et armés taire et d’expérience du combat, mement important de l’héroïque du mieux qu’ils pouvaient. Ils se battaient à un contre trois face résistance juive dans une situa- étaient déterminés à résister aux aux forces nazies qui disposaient tion sans issue.

Juif allemand nommé Hoch, désespéré, prévoyait d’engager les Allemands dans saute par la fenêtre du quatrième de coûteux combats au corps à corps ; étage, se cassant les deux bras et la voir mai 1943. colonne vertébrale ; voir fin avril 1943. • 27 avril 1943 : L’éminent poète amé- • Fin avril 1943 : La résistance juive ricain Ezra Pound continue ses commence à fléchir dans le ghetto de émissions antisémites depuis l’Italie. Il 1943 Varsovie, les bunkers étant débusqués traite les Juifs de « rats », « punaises », par les troupes allemandes. Les « vermine », « vers », « bacilles » et bombardements de l’artillerie sur le «parasites » représentant une ghetto ont déjoué la stratégie juive qui immense « capacité de putréfaction ».

446 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Des membres du (SD) et d’autres soldats SS interrogent un Juif hassidique pendant la liquida- tion du ghetto de Varsovie, en avril 1943. Ils souhaitaient peut-être obte- nir des informations sur les Juifs qui se cachaient. En 1941 et 1942, les membres du avaient espéré sauver la majorité des habitants du ghetto en en faisant un important réservoir de main-d’œuvre. Au moment du soulèvement, cependant, les suppositions des Juifs sur la ratio- nalité nazie s’étaient volatilisées. Si les soldats photographiés ici étaient déterminés à obtenir des informations de la part des prisonniers assemblés, ils furent vraisemblablement déçus.

Une plaque d’égout du ghetto de Varsovie offre un témoignage du sort tragique de milliers de Juifs. Les Juifs engagés dans la Résistance utilisèrent les égouts pour s’évader ou pour se déplacer pendant la révolte. Les égouts établissaient également un lien important entre les combattants de la Résistance juive et ceux de la Résistance polonaise, du côté aryen de Varsovie.

Des soldats SS ukrainiens examinent les corps des Juifs à l’entrée d’un immeuble détruit du ghetto de Var- sovie. Des auxiliaires recrutés en Ukraine renforçaient les effectifs lors des campagnes génocidaires des nazis. Les unités ukrainiennes étaient réputées pour leur brutale efficacité.

• 28 avril 1943 : Un télégramme éma- sont tuées. À Cracovie même, les résis- de la mort en arrivant à la rampe de nant de la SS enjoint l’administration tants juifs incarcérés depuis décembre déchargement. Tous les Juifs sont tués à d’Auschwitz de préparer 120 femmes 1942 sont conduits dans des camions au la mitrailleuse et à la grenade par les SS. pour des expériences médicales. camp de concentration de Plaszów, en Pologne. La plupart sont tués après • Mai 1943 : Le SS-Gruppenführer • 29 avril 1943 : Près de Cracovie, en s’être évadés du camion. Jürgen Stroop achève son rapport Pologne, des femmes juives attaquent officiel sur la liquidation du ghetto de leurs gardiens SS lors d’un transfert 30 avril 1943 : Deux mille Juifs de Varsovie, dit Rapport Stroop. • Arri- • vée à Auschwitz de quatre trains par- d’une prison à l’autre. Deux femmes Wlodawa, en Pologne, déportés à Sobi- tis de Salonique (Grèce), transportant s’évadent mais la plupart des autres bor attaquent les gardes SS de ce camp environ 11 000 Juifs. • En Tunisie

447 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Avant la liquidation du ghetto de Varsovie, les habitants construisirent fébrilement une série de bunkers et de cachettes pour échapper à leurs per- sécuteurs nazis. Lorsque les opérations de la résistance commencèrent, les nazis mirent le feu au ghetto pour contraindre les Juifs à sortir de leurs bunkers. Une femme saute d’un balcon pour échapper à l’intense chaleur des flammes et évi- ter d’être brûlée vive.

occupée, quelque 5 000 Juifs permettre l’évasion de 70 000 Juifs séfarades sont envoyés dans des de Roumanie (plan Riegner). Ces camps de travail à proximité des fonctionnaires du Département d’É- zones de combat en Afrique du Nord. tat s’inquiètent « d’une éventuelle • En Europe orientale, l’Armée réussite » du plan Riegner. rouge continue son avance vers l’ouest. • Breckinridge Long et ses • Abrasha Blum, organisateur de la 1943 partisans au Département d’État, résistance armée dans le ghetto de notamment Borden Reams et Robert Varsovie et membre du Comité de Alexander, retardent l’autorisation de coordination des organisations juives, transférer des fonds juifs destinés à est abattu par les Allemands après

448 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Un Juif est chassé de son bunker pendant le soulèvement du ghetto de Varsovie. Même après la destruction totale du ghetto, des Juifs tentèrent de se cacher. Pour contrer ces efforts, le commandant SS Jürgen Stroop Mordekhaï ordonna à ses soldats d’employer tous les moyens nécessaires pour faire sortir les Juifs de leurs cachettes. Les soldats utilisèrent alors lance-flammes, Anielewicz gaz et grenades. Dirigeant du soulèvement du ghetto de Varsovie, Mor- dekhaï Anielewicz mena per- sonnellement les attaques contre les Allemands avant d’être tué, le 8 mai 1943. Lorsque les Alle- mands enva- hirent la Pologne, Anielewicz milita dans un mouve- ment clandestin. Les cam- pagnes nazies contre les Juifs tournant au génocide, Anie- lewicz organisa un mouve- ment de résistance armée. Revenu à Varsovie à l’au- tomne 1942, Anielewicz prit le commandement de l’Orga- Le Rapport Stroop fut publié pour nisation juive de combat la première fois en 1960. Ce docu- (ZOB) et travailla sans ment de 75 pages décrit en détail relâche pour se procurer des la destruction du ghetto de Varsovie armes. Pendant les grandes et fait l’éloge du rôle joué par l’au- déportations de janvier 1943, teur, le commandant Jürgen Stroop, le groupe d’Anielewicz com- dans ce processus. Ses comptes- battit les soldats allemands rendus au jour le jour et ses commu- dans les rues. Lorsqu’une nouvelle vague de déporta- niqués traduisent la brutalité tions commença en avril, impitoyable avec laquelle il traita Anielewicz et le ZOB lancè- les Juifs. Le 16 mai 1943, Stroop rent une révolte de grande rapporta que l’opération était ache- envergure. Peu avant sa vée et que « le quartier juif de Var- mort, Anielewicz écrivit : sovie n’exist[ait] plus. » « Mon rêve de toute une vie s’est réalisé. J’ai vécu pour voir la Résistance juive dans le ghetto dans toute sa gran- deur et toute sa gloire. »

avoir été interné et torturé. sur le thème plein d’espoir du « prin- quotidiens. Bien sûr, cette plaisanterie temps dans la littérature yiddish. » ne durera pas très longtemps. Mais elle • 1er mai 1943 : De nombreux • Les Alliés commencent à chasser les montre ce qu’on peut attendre des Juifs membres de la communauté juive de Allemands de Tunisie. • Réagissant à la lorsqu’ils sont en possession d’armes. » Brody, en Ukraine, sont assassinés au révolte des Juifs du ghetto de Varsovie, camp de la mort de Majdanek. • Des Joseph Goebbels, ministre allemand de • 2 mai 1943 : Quatre mille Juifs de écrivains et artistes juifs, inspirés par le la Propagande, note dans son journal : Miedzyrzec Podlaski, en Pologne, soulèvement du ghetto de Varsovie, se « De durs combats y sont engagés qui sont assassinés au camp de la mort de réunissent dans le ghetto de Vilnius conduiront même le haut commande- Treblinka. • 4 000 autres Juifs sont (Lituanie) pour une soirée de poésie ment juif à publier des communiqués massacrés à Luków, en Pologne.

449 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Né à Vilnius, en Lituanie, Yitzhak Zuckerman rejoignit un mou- vement de jeunesse sioniste, se consacrant à enseigner l’hébreu et le yiddish aux jeunes Juifs. Après l’invasion de la Pologne par l’Alle- magne, il se rendit dans la région occupée par l’Union soviétique, mais les dirigeants sionistes lui demandèrent par la suite de revenir pour continuer son enseignement et pour organiser la résistance juive. Zuckerman soutenait que l’éducation des jeunes « n’avait aucun sens… à moins… qu’une force d’autodéfense juive armée ne se constitue. » Ses appels à la résistance armée furent d’abord rejetés par les dirigeants du ghetto de Varsovie. Il devint l’un des fondateurs de Zydowska Orga- nizacaja Bojowa (ZOB, Organisation juive de combat) et fut l’un des héroïques commandants de la révolte du ghetto de Varsovie. Ayant reçu l’ordre de quitter le ghetto pour établir la liaison avec la Résis- tance polonaise et obtenir des armes, il retourna dans le ghetto par Raser le ghetto de Varsovie per- les égouts, au cours des derniers jours, pour sauver des survivants. mit aux nazis d’appréhender des Zuckerman mourut en 1981. milliers de résistants. La plupart des Juifs qui se cachaient dans les bun- kers, comme ces deux hommes, furent soit tués, soit capturés. Les dernières heures et les dernières minutes de la résistance des bunkers furent terribles et féroces : cacophonie de cris et de coups de feu venant d’en haut, bruits de pas se rapprochant et l’inévitable découverte qui aboutissait à des échanges de feu ou de combats suicidaires à mains nues qui entraî- naient les résistants à sortir en clignant des yeux à la lumière du jour. Sur cette photo, les Juifs ont été expulsés des bunkers et attendent leur sort – probablement la déportation à Treblinka.

• 3 mai 1943 : Les troupes allemandes • 4 mai-25 mai 1943 : Au cours de du quartier « aryen » de Varsovie arrê- quatre opérations, 8 000 Juifs des tent et tuent 21 femmes juives ou sus- Pays-Bas sont déportés vers les camps pectées de l’être. • Un Juif nommé de la mort d’Auschwitz et Sobibor. Rakowski, dirigeant de la résistance au camp de la mort de Treblinka, est • 6 mai 1943 : Hajj Amin al-Husseini, abattu lorsque l’argent destiné à grand mufti de Jérusalem, suggère au 1943 ministre bulgare des Affaires soudoyer des Ukrainiens pour l’aider, lui et d’autres, à s’évader, est découvert étrangères que les enfants juifs bul- gares soient envoyés en Pologne plu- dans son baraquement. tôt qu’en Palestine. • En Tunisie, les

450 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Ruines de la synagogue de la rue Tlomacka, à Varsovie, dite la «Grande synagogue ». C’est tout ce qui restait après l’ordre de démolition donné en mai 1943 par Jürgen Stroop. Cette synagogue était située dans l’enceinte du ghetto jusqu’en novembre 1942, lorsque la taille du ghetto fut consi- dérablement réduite. Le fait que la synagogue se soit trouvée côté aryen lorsque le ghetto fut rasé n’empêcha pas Stroop d’ordonner sa destruction en représailles contre le soulèvement du ghetto.

Les membres des Sonderkomman- dos assistaient les nazis pour sauver leur vie (du moins temporairement). Ils n’en étaient pas moins souvent haïs par les Juifs condamnés à mourir. Un Le 2 mai 1943, 3 000 Juifs de Miedzyrzec Podlaski, en Pologne – un enfant âgé de sept ou huit ans aurait ghetto de transit – furent déportés à Treblinka. 200 Juifs seulement, demandé à un membre d’un Sonder- nécessaires pour le travail forcé, demeurèrent. Ici, des femmes juives, dont kommando de Birkenau : « Pourquoi, plusieurs portent des enfants, sont brutalement contraintes d’entrer dans un vous êtes juif, et vous menez de gentils wagon à bestiaux. Au mois d’août 1942, des milliers de Juifs de Miedzyr- enfants au gaz, seulement pour vivre ? zec Podlaski furent envoyés au camp de la mort ; 10 000 autres furent Votre vie parmi cette bande d’assassins déportés en octobre. Enfin, en juillet 1943, les 200 derniers Juifs furent est-elle plus précieuse pour vous que abattus, rendant la ville judenrein (sans Juifs). celles de tant de victimes juives ? »

forces alliées lancent une ultime sie, les maisons de Juifs séfarades sont bombes et gaz ; voir 12 mai 1943. offensive contre les forces de l’Axe. mises à sac et pillées par les troupes allemandes sur le départ. • 9 mai 1943 : Extermination de la • 7 mai 1943 : Près de 7 000 Juifs sont communauté juive de Skalat, en assassinés à Novogrudok, en Biélorus- • 8 mai 1943 : Dans le ghetto de Var- Ukraine. sie. • Un groupe de combattants juifs sovie, des troupes allemandes du ghetto de Varsovie, sous la direction parviennent au QG de la Résistance. 10 mai 1943 : Cachés dans une de Pawel Bruskin, tombe dans une Le dirigeant Mordekhaï Anielewicz • embuscade tendue par les troupes alle- et une centaine de ses hommes sont meule de foin, deux Juifs réussissent mandes alors qu’il traverse les égouts écrasés, asphyxiés ou se suicident à sortir de Dobele (Lettonie). de la ville ; voir 8 mai 1943. • En Tuni- pendant que les nazis envoient

451 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Jürgen Stroop

Le général Jürgen Stroop se rendit célèbre par la féro- cité avec laquelle il réprima le soulèvement du ghetto de Varsovie d’avril-mai 1943. En reconnaissance des services rendus au Troisième Reich, Stroop reçut la Croix de fer 1ère classe. En avril 1943, Stroop (à gauche sur la photo) reçut l’ordre d’expulser les 56 000 Juifs demeurant dans le ghetto de Varsovie et de réprimer la révolte qui venait Un bataillon finlandais de la Waffen SS rentre chez lui après une action d’éclater. Il s’acquitta de sa sur le front soviétique. Cette unité de Freiwillige (volontaires) fut l’un des tâche avec une efficacité impitoyable. Plus de 2 000 SS nombreux groupes non allemands qui rejoignirent la Waffen SS. Leurs et unités de l’armée envahi- convictions antirusses furent exploitées par le régime nazi au profit de l’effort rent le ghetto qui fut systé- de guerre et pour faciliter la « solution finale ». matiquement détruit, maison par maison. Le rapport détaillé qu’il rédigea sur ses Une famille internée activités atteste de sa dureté au camp tsigane de et de son insensibilité. Le 16 Marzahn, en Alle- mai, Stroop annonça que magne, attend de « l’opération » était terminée connaître son sort. Les et que « le quartier juif déportations en masse n’exist[ait] plus ». à Auschwitz commen- Stroop fut condamné à cèrent en février 1943, mort par un tribunal polonais lorsqu’un « camp fami- et exécuté le 8 septembre lial » pour Tsiganes fut 1951. créé au camp de la mort de Birkenau. Les conditions effroyables qui y prévalaient condamnèrent à mort des milliers de personnes, tandis que Josef Mengele menait d’atroces « expériences médicales » sur des jumeaux tsiganes.

• 12 mai 1943 : Frania Beatus, résis- femme et son fils adolescent. Sa mort tante dans le ghetto de Varsovie, se est rapportée par la presse qui omet suicide à l’âge de dix-sept ans, plutôt délibérément de mentionner le mot que de se rendre aux nazis. • Suicide laissé avant son suicide, condamnant à Londres du Juif polonais Samuel les Alliés pour leur indifférence Artur Zygelbojm, une personnalité devant le sort des Juifs. du parti social-démocrate d’avant- 1943 guerre, après une campagne infruc- •13 mai 1943 : , tueuse menée pendant près d’un an gouverneur général de la Pologne en faveur des Juifs pris au piège dans occupée, envoie au chef des SS le ghetto de Varsovie, notamment sa Heinrich Himmler une liste d’objets

452 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Cette broche en tissu, en forme de fleur, fut confectionnée par une jeune fille de Varsovie internée au camp de concentration de Bergen- Belsen en Allemagne. Sa codétenue Sala Spett reçut cette broche en cadeau de son mari et de ses enfants en mai 1943. Les membres de la famille avaient échangé une tranche de pain pour cette broche, ce qui signifiait une journée de famine.

« Ma sœur Bracha, qui était enceinte, sanglotait. Elle avait environ 28 ans. “Mais mon bébé n’est pas encore né, il n’a jamais fauté. Pourquoi est-il condamné” ? » —Zvi Szner, un rescapé

Ces femmes juives et leurs bébés furent pho- tographiés à la Mater- nité Rothschild de Paris. Sur ce groupe de 40, toutes sauf une, Fanny Kraus, qui réus- sit à s’évader avec son enfant – furent conduites à Auschwitz en mai 1943. Elles fai- saient partie des quelque 50 000 Juifs de France déportés vers l’Europe orientale en juin 1943. La plupart périrent dans les chambres à gaz d’Auschwitz et de Chelmno. personnels et d’objets de valeur volés • 16 mai 1943 : Le SS-Brigadeführer • 18 mai 1943 : Presque tous les habi- aux Juifs, entre autres, 25 000 stylos à Jürgen Stroop rapporte la liquidation tants du village polonais de Szarajowka encre et 14 000 paires de ciseaux. finale du ghetto de Varsovie, bien sont abattus ou brûlés vifs par les SS, • Reddition des troupes allemandes et que quelques Juifs s’y cachent les soldats de la Wehrmacht et les italiennes en Tunisie. encore ; voir 3 juin 1943. agents de la Gestapo. Après le massacre, le village est rasé. • 15 mai 1943 : La police juive du • 17 mai 1943 : 395 Juifs de Berlin ghetto de Rohatyn, en Pologne, sont déportés au camp d’extermination • 19 mai 1943 : À la Chambre des décide de se procurer des armes d’Auschwitz. Communes, Eleanor Rathbone attaque pour se défendre ; voir 6 juin 1943. courageusement le gouvernement bri-

453 1943 • MORT ET RÉSISTANCE I.G. Farben L’industrie allemande s’aligna rapidement sur les nazis et conclut un pacte diabolique avec Hein- rich Himmler et la SS. En tant qu’entreprise la plus puissante du Troisième Reich, I.G. Farben entretint la machine de guerre allemande, bénéfi- ciant en retour d’énormes profits. Depuis les produits chimiques aux explosifs, I.G. Farben alimenta les nazis en une grande variété de produits. Pour l’encourager à construire des usines à Auschwitz, I.G. Farben bénéficia d’exemptions fiscales et reçut la pro- Des prisonnières travaillent dans une usine apparte- messe d’un approvisionnement quasi illimité en nant à la société AGFA, l’une des nombreuses main-d’œuvre servile. Pour sceller le pacte, les entreprises dépendant du conglomérat I.G. Farben. Les SS acceptèrent de fournir à cette entreprise quelque 10 000 prisonniers qui furent industries allemandes qui soutenaient l’effort de guerre employés à la construction. Grâce à I.G. Far- du régime nazi bénéficiaient d’un accès à la main ben, les SS obtinrent des contrats lucratifs qui d’œuvre servile. Plusieurs centaines de milliers de per- permirent à Himmler et à ses acolytes de pour- sonnes furent chassées de chez elles, relogées en Alle- suivre leurs propres objectifs financiers. magne et astreintes à travailler dans des usines Vers la mi-1944, I.G. Farben, avec ses 11 000 allemandes liées à l’effort de guerre. travailleurs réduits en esclavage, était le principal employé d’Auschwitz. Certains travaillaient dans les mines voisines qui fournissaient le charbon Les soldats pour produire de l’essence synthétique et du britanniques et caoutchouc de synthèse. D’autres étaient directe- américains ment employés à la production de caoutchouc continuèrent à synthétique Buna, au camp annexe de Monowitz. enregistrer des L’entreprise alimentait également la machine de victoires en mort des nazis : par DEGESCH, une société Tunisie malgré qu’elle contrôlait partiellement, I. G. Farben four- la violence nissait du pour les chambres à gaz d’Au- schwitz. des combats contre les troupes allemandes menées par le maréchal Erwin Rommel et le général Jürgen von Arnim. La nouvelle de l’immense défaite essuyée à Stalingrad, en Russie, démoralisa certains sol- dats allemands qui commencèrent à réaliser que la guerre serait peut-être perdue. Ici, un prisonnier allemand, capturé près de Sejenane, dans le nord de la Tunisie, garde les mains en l’air au cours de la fouille.

tannique pour son attitude défaitiste exemplaires en Roumanie, Hongrie et lors de la conférence des Bermudes et Bulgarie et d’en radiodiffuser des souligne que les Alliés sont extraits en Angleterre et aux États-Unis. responsables de la mort de chaque Juif qu’ils refusent d’aider. • Heinrich • 21 mai 1943 : Conduits vers un train, Himmler, chef des SS, envoie au chef trois mille Juifs de Brody (Ukraine) se du bureau de la Sûreté du Reich, Ernst révoltent, tuant quatre Ukrainiens et Kaltenbrunner, des exemplaires du 1943 quelques Allemands. De nombreux Meurtre rituel juif, un livre décrivant des rituels religieux juifs apocryphes. Juifs parviennent à s’évader du train, Himmler prévoit d’en distribuer des mais sont mitraillés. Les autres sont

454 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Mai 1943 marqua un renouveau de l’effort des nazis pour déporter les Juifs néerlandais. Ni l’âge, ni l’invalidité ne donnaient de sursis. Ici, des membres de l’Ordedienst (police juive), composée à son apogée de quelque 200 jeunes néerlandais et allemands, transportent une vieille femme jusqu’au Bernard Geron (tout à fait à train. Environ 100 000 Juifs passèrent par Westerbork, aux Pays-Bas, avant droite) était un enfant juif caché de partir pour l’Est, la plupart pour Auschwitz et Sobibor. dans une famille néerlandaise, les Dufour. La gouvernante de la famille (photo) savait qu’il était juif, mais garda le secret. Geron survé- cut à la guerre et retrouva son père et son frère ; sa mère avait péri.

L’enseignant d’un heder (école religieuse juive) dialogue avec ses élèves du quartier juif de Casablanca, au Maroc. La plupart des Juifs marocains, au nombre de 200 000, vivaient dans la partie du pays sous contrôle français. Au début de la guerre, les Juifs maro- cains furent victimes de violences perpétrées par les nationalistes français. Les Juifs furent agressés et bon nombre furent déportés dans des camps de travail.

tués à leur arrivée au camp de la mort • 24 mai 1943 : Un groupe de partisans mort de Belzec. • Trois mille Juifs sont de Majdanek. • Des membres de la juifs, organisé par Judith Nowogrodzka, massacrés à Tolstoye, en Ukraine. communauté juive de Drogobych, en s’évade du ghetto de Bialystok, en Ukraine, sont exterminés dans la forêt Pologne. Cette évasion est dirigée par • 30 mai 1943 : Le docteur Josef Men- de Bronica. Szymon Datner. • Les Allemands mettent gele, capitaine SS, arrive au camp de la fin à leurs attaques par sous-marins des mort de Auschwitz-Birkenau pour assu- convois alliés dans l’Atlantique. • 23 mai 1943 : Au cours d’Aktionen, mer ses fonctions médicales. les nazis massacrent des milliers de 27 mai 1943 : Les Juifs de Sokal, en Juifs ukrainiens à Przemyslany et Lvov. • • 31 mai 1943 : Le général SS Frie- Ukraine, sont déportés au camp de la drich Wilhelm Krüger déclare à ses

455 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Un groupe de vieux Juifs séfarades se réunit dans le quartier juif de Salo- nique, en Grèce. Ces rencontres religieuses et sociales allaient bientôt prendre fin, les nazis commençant à imposer de sévères restrictions en 1943. Les premières déportations à Auschwitz suivirent à la mi-mars. Vers la mi-août, près de 50 000 Juifs avaient été envoyés à Auschwitz et Tre- blinka, où près de 80% furent assassi- nés. Les tentatives des Italiens pour sauver les Juifs de Salonique furent généralement inefficaces ; lorsque les Juifs évitèrent la déportation, ce fut, dans la plupart des cas, parce qu’ils possédaient des passeports délivrés auparavant par la Turquie, l’Italie ou quelques autres nations.

Envahie et conquise en 1941, Salonique, qui abritait la plupart des Juifs de Grèce, se retrouva dans un nouvel État grec dirigé par un gouverneur pronazi. Les Allemands harcelèrent la communauté juive, exigeant travail et argent. Fin 1942, ils menacèrent de détruire l’ancien cimetière juif si un montant colossal ne leur était pas versé. Les Juifs collectèrent une grande partie de la somme requise à la date fixée, mais les nazis n’en mirent pas moins leur menace à exécution. Les pierres tombales retirées du cimetière juif de Salonique servirent à paver des passages et les nazis profanèrent et détruisirent le reste du cimetière.

associés au cours d’une réunion à leur ayant été retirés avant leur mort. Cracovie (Pologne) que, bien que désagréable, l’élimination des Juifs • Juin 1943 : Des Juifs de Dalmatie, est « nécessaire du point du vue des en Serbie, sont transférés dans l’île intérêts de l’Europe. » de Rab, au large de la côte croate. •L’administrateur nazi d’une prison 1943 de Minsk, en Biélorussie, rapporte • Début juin 1943 : Au cours d’une que 516 Juifs allemands et russes ont série d’agressions et de meurtres à été assassinés fin mai, leurs Janówska, en Ukraine, 10 000 Juifs couronnes en or et leurs plombages de Lvov périssent.

456 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Un Joseph Goebbels morose est assis devant le texte d’une émission de radio destinée à la «En ce qui nous concerne, population allemande. nous avons brûlé tous les La défaite de ponts derrière nous. Nous ne l’Allemagne devant Sta- lingrad (Russie) et la vic- pouvons plus revenir en toire des Alliés en Tunisie arrière, d’ailleurs, nous ne le rendirent le travail de Goebbels de plus en souhaitons pas. Nous plus difficile durant resterons dans l’histoire 1943. Les communiqués comme les plus grands de victoire, qui avaient constitué l’essentiel de la hommes d’État de tous les radio nationale temps ou comme ses plus allemande dans les pre- mières années de la grands criminels. » guerre, se firent de plus —Joseph Goebbels, article paru dans Das en plus rares. Reich, 1943

Après des représailles à Pancero, en Serbie, un soldat allemand fait signe avec insouciance au photographe tan- dis que les victimes se balancent à côté. Soucieux de prendre le dessus dans les territoires conquis, les nazis réagissaient rapidement aux révoltes locales. Les exécutions – souvent aveugles – étaient courantes.

Sont représentées ici des armes, notamment des couteaux et des revolvers, du ghetto de Lvov. Les nazis découvrirent les armes en juin 1943, alors qu’ils tentaient de liquider le camp de travail de Lvov de ses derniers Juifs. Malgré l’immense supériorité numérique des unités de police allemandes et ukrainiennes qui encerclaient le ghetto, les Juifs choisirent la résistance, tuant plusieurs ennemis et en blessant une quinzaine.

• 1er-6 juin 1943 : Pendant la liquida- un bunker de la rue Walowa qui cachait •À Minsk Mazowiecki, en Pologne, tion du ghetto de Sosnowiec, en 150 Juifs ; voir septembre 1943. • Près plus de 100 travailleurs juifs de l’usine Pologne, la Résistance est animée par de Michalowice, en Pologne, les Rudzki sont abattus. Zvi Dunski. Mal armés, les Juifs se Allemands tuent deux paysans polonais battirent alors que les déportations qui avaient sauvé et caché trois réfugiés • 6 juin 1943 : Jacob Gens, le chef du commençaient. • Liquidation du juifs dans une grange. Conseil juif de Vilnius, affirme que les ghetto de Buczacz, en Ukraine. Juifs de la ville amélioreront leur Quelques Juifs résistent et s’évadent. • 5 juin 1943 : 1 266 enfants juifs âgés chance de survie s’ils donnent la preuve de moins de 16 ans, de Vught, aux Pays- de leur utilité en tant que travailleurs. • 3 juin 1942 : Dans le ghetto de Var- Bas, sont déportés au camp de la mort • Les Allemands exécutent les 1 000 sovie, les soldats allemands détruisent de Sobibor et gazés à leur arrivée. Juifs restant dans le ghetto de Rohatyn

457 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Josef Mengele

Le sinistre « Ange de la mort », Josef Men- gele, trancha le sort de plusieurs milliers de Juifs acheminés à Auschwitz. Médecin-chef du camp d’extermination, Mengele supervisa les sélections pour les chambres à gaz et procéda à d’atroces expériences médicales. Diplômé de médecine de l’université de Francfort-sur-le-Main en 1938, il travailla avec l’équipe de l’Institut de biologie héréditaire et de recherche sur la race où il se spécialisa dans Natzweiler-Struthof, situé près de Strasbourg, était l’étude des jumeaux l’un des camps de concentration les plus petits. Les et la raciologie. détenus travaillaient dans la carrière de granit et clan- Pendant la guerre, destinement, fabriquaient des armes. En 1943, une Mengele rejoignit la chambre à gaz fut construite au camp, payée par l’Insti- Waffen SS et fut tut d’anatomie de Strasbourg. Des Juifs et des Tsiganes médecin militaire furent transférés d’Auschwitz pour servir de sujets à en France et en diverses expériences insensées, après lesquelles ils Russie. Il fut furent gazés et incinérés ; on voit ici le four crématoire. nommé médecin- chef d’Auschwitz en mai 1943. À Auschwitz, Mengele poursuivit sa recherche pseudo scientifique, sélectionnant personnellement des victimes dans le flot conti- nuel des arrivées au camp. Les personnes pré- sentant des difformités étaient immédiatement tuées et envoyées au laboratoire de Mengele pour étude. Tous les jumeaux devinrent des sujets de ces expériences douloureuses et absurdes. Après la guerre, Mengele fut libéré par erreur par les autorités américaines et partit ensuite à , en Argentine. Il se Ce dessin, esquissé par un détenu d’Auschwitz serait noyé en 1978. Une équipe internationale inconnu, décrit le médecin SS Josef Mengele en train de médecins légistes pratiquèrent une autopsie de sélectionner les malades et les faibles pour l’extermi- sur le corps exhumé en 1985 et conclurent qu’il nation. Mengele, à l’instar des autres médecins du était fort probable qu’il s’agisse des restes de camp, joua un rôle essentiel dans le processus de Mengele. meurtre en choisissant ceux qui allaient mourir immédia- tement et ceux qui mourraient au travail. Ce dessin se trouve aujourd’hui au musée d’Auschwitz.

(Pologne), après la découverte par les • 8 juin 1943 : Anéantissement de la com- autorités allemandes d’un complot des munauté juive de Zbaraz, en Ukraine. policiers juifs du pays visant à acquérir des armes. • 11 juin 1943 : Le chef des SS Heinrich Himmler donne l’ordre d’accélérer la • 7 juin 1943 : Le docteur Klaus déportation des Juifs des ghettos polonais Clauberg d’Auschwitz rapporte que vers les camps de la mort. 1943 l’équipement destiné à stériliser 1 000 femmes juives par jour est en • 12 juin 1943 : Extermination de la cours d’installation. communauté juive de Berezhany, en

458 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Alors que les bombardements alliés continuaient à mettre hors service ou à détruire les usines en territoire allemand, les industriels allemands cherchèrent de nouveaux emplacements où la main- d’œuvre servile pourrait maintenir la production. Après le bombardement de l’usine Krupp de détonateurs à Essen, en mars 1943, une nouvelle usine Krupp fut construite à Auschwitz. Ces travailleurs sont astreints au sale travail.

Avec, au premier plan, un Wins- ton Churchill bienveillant sur fond de tanks et d’avions, cette affiche appelle les membres du yishouv (communauté juive en Palestine) à rejoindre l’effort de guerre pour vaincre les puissances de l’Axe. Après avoir hésité à créer une divi- Hans Frank (à droite), gouverneur général de la Pologne occupée, sion de combat juive séparée, les accueille le chef des SS, Heinrich Himmler, à un dîner offert au château Britanniques constituèrent en 1940 Wewel de Cracovie, en Pologne, en juin 1943. Frank s’opposa au contrôle des compagnies d’infanterie et des total par Himmler du « problème juif » en Pologne et à la décision d’utiliser batteries d’artillerie côtières le Generalgouvernement comme un dépotoir pour les Juifs. Les protestations intégrées à leurs forces en qu’il adressa à Hitler ne servirent à rien, la SS de Himmler détenant l’auto- Palestine. rité suprême en matière de « solution finale ».

Ukraine. • Dans le ghetto de Lodz, de Jaworzno, en Pologne, près d’Au- et couronnes dentaires en or, puis de en Pologne, les chefs de la police schwitz. • Le général SS Richard brûler les corps pour détruire toute juive sont contraints d’assister à l’exé- Glücks, chef de l’inspection des trace de meurtres. cution par les nazis d’évadés du camps de concentration, ordonne que ghetto repris : Hersch Fejgelis, 23 les bâtiments sensibles d’Auschwitz • 16 juin 1943 : Le chef des SS Hein- soient déplacés à l’abri des regards ans, Mordekhaï Standarowicz, 29 ans rich Himmler autorise un transfert indiscrets. • Des centaines de Juifs de prisonniers juifs du camp de la et Abram Tandowki, 31 ans. réduits en esclavage sont contraints mort d’Auschwitz-Birkenau au camp d’exhumer les corps d’autres Juifs des de concentration de Sachsenhausen, • 15 juin 1943 : Ouverture d’un camp fosses de Janówska, près de Lvov, en en Allemagne pour des expériences de travail dans les mines de charbon Ukraine, de les dépouiller des bijoux médicales sur la jaunisse. • Le

459 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Ces corps attendent l’incinération dans les fours du camp de concentration de Mauthausen, en Autriche, où environ 103 000 personnes périrent entre 1938 et 1945. Un survivant de ce camp, George E. King, déclara qu’il avait souvent rêvé de s’évader. « Vous produisez ces efforts terribles pour tenter de vous évader, dit-il à propos de ses rêves. Dans ces cas-là, vous avancez toujours par un mouvement lent, comme si vous étiez pris dans la boue jusqu’aux hanches… Vous faites un maximum d’effort pour courir, mais vous remuez à peine. »

Au camp de concentration de Mauthausen, en Autriche, les kapos et un garde allemand considèrent le corps d’un détenu qu’ils viennent de battre à mort. Selon des témoins oculaires, le prisonnier était sorti des baraquements en titubant, pour recevoir un traitement médical, comportement que ses gardiens avaient jugé offensant et méritant une mort douloureuse et horrible.

Cette chemise fut portée par le chef d’un groupe de Tsiganes roumains connu sous le nom de Calderai. Comme d’autres Tsiganes, le propriétaire, Gheorge Ciaoba, portait des vêtements aux couleurs vives à certaines occasions. Cette chemise date des années 1942 à 1945, années durant lesquelles les nazis persécutèrent violemment les Tsiganes, souvent (et aisément) identifiables par leurs vêtements.

docteur Niuta Jurezkaya, une femme • 20 juin 1943 : Cinq mille Juifs médecin qui s’était évadée du ghetto d’Amsterdam sont déportés à Ausch- de Minsk dans les forêts voisines, est witz. • Liquidation du ghetto de Ter- reprise, torturée et abattue. • À Ber- nopol, en Ukraine. lin, 200 patients de l’hôpital juif de la ville sont déportés au camp / ghetto 21 juin 1943 : Le chef des SS Heinrich de Theresienstadt, en Tchécoslova- • 1943 quie. • Les autorités allemandes Himmler ordonne la liquidation de tous déclarent Berlin judenrein (sans les ghettos en Union soviétique. • Les Juifs). derniers Juifs du ghetto de Lvov (Ukraine) sont traqués et massacrés, y

460 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Le succès du début de l’opéra- tion Barbarossa Initiation dans les camps aboutit à un Le passage à la vie dans un camp de concen- nombre tration constituait une expérience perturbante gigantesque de et bouleversante. Depuis le moment où l’on prisonniers de pénétrait dans le Lager, toute la routine quoti- guerre soviétiques dienne devait être repensée. Ne pas s’adapter, que les nazis trai- c’était se condamner. tèrent comme des Privés de nourriture, d’eau et d’installations sous-hommes. Un sanitaires depuis plusieurs jours, les nouveaux grand nombre arrivants étaient momentanément soulagés d’entre eux furent lorsque les portes de leurs wagons s’ouvraient exécutés ou mou- brusquement et qu’ils recevaient l’ordre de rurent au cours de descendre. Ce soulagement était cependant de longues marches courte durée. de la mort ; tous Dans certains camps, des officiers SS en uni- souffrirent atroce- formes noirs impeccables ordonnaient aux nou- ment de la faim et veaux arrivants d’aller à gauche ou à droite, des privations. Si leur identité était découverte, les soldats vers la vie ou vers la mort. Les gardes accueillaient les détenus à coups de crosse de juifs étaient voués à la mort ou envoyés dans des stalags fusil et de matraques, tandis que des silhouettes et des camps d’extermination comme Sobibor. Cet émaciées en tenues rayées regroupaient les pri- homme décharné, un prisonnier de guerre juif, est identifié sonniers vers leurs destinations. par l’étoile de David qu’il fut contraint de porter. Une fois dans le camp, les nouveaux arri- vants étaient rasés, tatoués (dans certains camps) et abandonnés dans un environnement totalement étranger. Pour survivre, les détenus devaient oublier tout ce qu’ils avaient connu dans une société civilisée et apprendre les mœurs du Lager. ils devaient se déplacer avec la foule, éviter de se distinguer et, chaque fois que c’était possible, se procurer une ration sup- plémentaire de nourriture. Les détenus avaient très peu de temps pour apprendre les nouvelles règles de leur nouvel environnement. En quelques jours, ces êtres humains devenaient des victimes anonymes du régime nazi.

Une passerelle enjambant la rue Paneriu relie les deux ghettos de Kovno (Lituanie), le grand et le petit. En juin 1943, le ghetto de Kovno fut converti en camp de concentration et les 4 000 habitants furent transfé- rés dans des petits camps situés hors de la ville. En même temps, un groupe de Résistance, l’Organisation juive de combat, fut constitué pour faciliter le départ des Juifs du ghetto et leur entraînement aux activités des partisans. compris les 350 à 500 découverts dans les suspendus sur une corde à l’Institut ana- prisonniers et ordonne que les autres égouts de la ville. • Assassinat de tous les tomique du Reich de Strasbourg pour soient emmenés pour être exécutés. Un travailleurs juifs des usines municipales l’étude de la race juive ; voir 25 octobre non Juif, Jan Nakonieczny, réussit à cacher de Drogobych, en Ukraine. • Le profes- 1943. cinq Juifs dans son minuscule poulailler. seur allemand August Hirt choisit 103 Juifs d’Auschwitz, hommes et femmes, • 23 juin 1943 : La police ukrainienne • 25 juin 1943 : La Résistance juive pour les transférer au camp de Natzwei- encercle une école juive à Czortków, en armée se manifeste à Lvov, en Ukraine, ler-Struthof, situé près de Strasbourg. Ils y Ukraine où sont hébergés 534 travailleurs et à Czestochowa, en Pologne. • Ouver- sont gazés. Les parties molles des corps juifs réduits en esclavage. Le commandant ture d’un nouveau four crématoire à sont enlevées et les squelettes sont du camp, Thomanek, abat plusieurs Auschwitz-Birkenau.

461 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La technologie de la mort

Inaccessible aux chercheurs et les calculs sur le nombre de «De 1940 à 1944, déclara Prü- occidentaux jusqu’à l’effondrement corps que chacun pourrait inciné- fer, 20 fours crématoires pour les de l’URSS, le dossier 17/9 des ser- rer par jour. » Ainsi, tout en four- camps de concentration furent vices de renseignement de l’Armée nissant un document sur construits sous ma direction. » rouge attira l’attention de l’histo- l’arrestation de Prüfer et Sander Son travail l’amena à Auschwitz à rien Gerald Fleming en mai 1993. par l’Armée rouge, le dossier 17/9 cinq reprises et il savait que « des Il contenait des informations sur contenait la transcription des êtres humains innocents y étaient Kurt Prüfer, Fritz Sander et interrogatoires qui suivirent. liquidés ». C’était le cas égale- d’autres ingénieurs allemands Minutieusement planifiée, la ment de l’un des supérieurs de employés par Topf und Söhne construction des quatre unités de Prüfer, Sander, spécialiste de la (Topf et fils) dont la production chambres à gaz-fours crématoires ventilation dans les fours créma- comprenait des fours crématoires d’Auschwitz-Birkenau prit un toires, qui fut amené à se rendre à dans les camps nazis de Buchen- temps considérable, en grande Auschwitz à trois reprises dans le wald, Dachau, Mauthausen, Gross- partie à cause des contraintes du cadre de son travail chez Topf. Rosen et Auschwitz-Birkenau. temps de guerre. Topf ne fut que Les interrogatoires de l’Armée Fin 1944, les Allemands détrui- l’une des 11 entreprises civiles rouge montrent que, fin 1942, sirent les équipements et les rap- nécessaires pour les produire. Uti- Sander soumit les plans d’un four ports d’Auschwitz-Birkenau, mais lisant la main-d’œuvre des déte- crématoire d’une capacité encore cette usine de la mort était trop nus, la construction commença plus importante. Bien qu’il n’ait vaste pour être dissimulée. durant l’été 1942, mais il fallut jamais été construit, il aurait uti- Lorsque l’Armée rouge libéra les près d’un an avant que la dernière lisé « le principe du tapis camps deux mois plus tard, des unité soit opérationnelle. Cha- roulant », expliqua-t-il. « C’est-à- preuves accablantes, selon les cune comprenait un vestiaire, une dire, les corps devaient être ame- mots de Fleming, montraient « la chambre à gaz et une pièce conte- nés aux fourneaux d’incinération construction d’une technologie de nant les fours crématoires de sans interruption. » Sa tâche, la mort en masse, comprenant les Topf. Ces endroits étaient destinés affirma Sander le 7 mars 1946, coûts précis des fours crématoires à tuer des milliers de Juifs par avait consisté à utiliser « ses com- jour. Au point, pétences de spécialiste… pour précisa Prüfer aider l’Allemagne à gagner la à ses enquê- guerre, tout comme un ingénieur teurs de en aéronautique construit des l’Armée avions en temps de guerre, les- rouge, que quels induisent également la des- « les briques truction d’êtres humains. » furent Moins de trois semaines plus endomma- tard, Sander, détenu par l’Armée gées au bout rouge, mourut d’une crise car- de six mois diaque. Condamné à une peine de parce que les « 25 ans de privation de liberté », fours étaient Prüfer mourut d’une hémorragie mis à rude cérébrale, le 24 octobre 1952. épreuve. »

• 29 juin 1943 : Au sud de Varsovie, maison de retraite juive sont déportés cinq Polonais sont fusillés pour avoir au camp / ghetto de Theresienstadt, en caché quatre Juifs. Ces derniers sont Tchécoslovaquie. également abattus. • Au camp de tra- vail de Biala-Waka, près de Vilnius, • Juillet 1943 : Au cours d’une en Lituanie, 67 détenus sont abattus émission à la radio américaine, le en représailles à l’évasion de six Juifs membre du Congrès juif Emanuel Cel- 1943 ler condamne le gouvernement améri- dans une forêt voisine. cain qui garde le silence devant le traitement réservé aux Juifs européens • Fin juin 1943 : Les habitants d’une par les nazis. • La Ligue internationale

462 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Ces Juifs d’Amsterdam sont pris dans une rafle et seront déportés à Auschwitz en 1943. De nombreux citoyens néerlandais vinrent en aide aux 110 000 Juifs et 30 000 immigrants juifs résidant aux Pays- Bas. Cependant, de nombreux Néerlandais du gouvernement et des forces de police collaborèrent avec les Allemands. La dernière rafle, qui prit au piège 5 000 Juifs, eut lieu en septembre 1943.

Ces superbes pianos à queue faisaient partie des objets confisqués par les nazis aux Juifs de Prague (Tchécoslovaquie) et d’autres villes. Le génocide perpé- tré contre les Juifs européen s’accompagna d’une expropriation systématique des biens juifs. Tout ce qui pouvait avoir une certaine valeur était saisi, enregistré et ache- miné dans un entrepôt.

Considérant le photographe avec méfiance, ces enfants néerlandais du quartier de Kallenburg, à Amsterdam, se pressent les uns contre les autres, en quête de chaleur et de réconfort. Au fur et à mesure que l’occupation nazie se poursuivait, les conditions se détériorèrent pour tous les civils et notamment pour les plus vulnérables : les enfants et les personnes âgées. La photographe Emmy Andreisse, membre de la Résistance néerlandaise, fixa sur sa pellicule les conditions prévalant aux Pays-Bas sous l’Occupation. des femmes américaines pour la paix et lancent une grande offensive à Koursk, • 10 juillet 1943 : Débarquement des la liberté estime que plusieurs millions en Russie, entamant la bataille de tanks Alliés en Sicile. • Plusieurs milliers de de Juifs ont déjà été assassinés par les la plus importante de l’histoire ; voir 23 Juifs de Lvov, en Ukraine, sont assas- Allemands en Pologne, et que le juillet 1943. • Heinrich Himmler sinés à Kamenka-Bugskaya. gouvernement et le peuple américains ordonne la transformation du camp de ont une part de responsabilité dans ces la mort de Sobibor en un camp de 11 juillet 1943 : Martin Borman atrocités parce qu’ils sont des lâches, concentration. • contents d’eux, recouverts « d’une publie, au nom d’Hitler dont il était le secrétaire, une directive de très épaisse couche de préjugés ». 6 juillet 1943 : Plus de 2 400 Juifs • haut niveau ordonnant que les débats des Pays-Bas sont déportés à Sobibor. • 5 juillet 1943 : Les Allemands publics sur les Juifs ne mentionnent

463 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Le fusil prêt à servir, Vitka Kempner (à droite) se trouve aux côtés de ses camarades résistantes Zelda Treger et Raisel Kartshak. Parmi les partisans, V. Kempner fut considérée comme Le grand mufti de Jérusalem, Hajj Amin al-Husseini, favorable à l’Axe, exceptionnellement audacieuse. inspecte le fusil d’un volontaire musulman bosniaque de la Waffen SS. En Début juillet 1943, elle se glissa dis- tant que leader des Arabes et des musulmans, al-Husseini considérait les crètement hors du ghetto de Vilnius puissances de l’Axe comme un moyen de gagner l’indépendance arabe et (Lituanie) portant une bombe de fabri- de détruire les Juifs. Il ne parvint pas à réaliser son rêve d’une légion arabe cation artisanale avec laquelle elle fit indépendante, mais il réussit à persuader quelque 20 000 musulmans bos- sauter un train de munitions niaques de rejoindre des unités de volontaires appelées Handjar (Glaive). allemand. Bien que blessée, elle mar- Incorporées à la Waffen-SS, ces troupes se montrèrent efficaces pour cha trois jours et trois nuits pour traquer les Juifs et les partisans. retourner dans le ghetto. Elle poursui- vit par la suite ses opérations à partir des forêts, aidant les Juifs réduits en esclavage à s’évader de Keilis, près de Vilnius et à rejoindre d’autres par- tisans pour détruire une usine.

Les nazis pendirent 20 prisonniers dans le camp de Buchenwald, en Allemagne, en représailles au meurtre d’un garde allemand. Comme d’habi- tude, le camp tout entier fut contraint d’assister aux exécutions. Les nazis espéraient que les détenus concluraient qu’une telle résistance ne serait jamais impunie et que des inno- cents souffriraient en même temps que les rebelles.

pas « une future solution générale », • Mi-juillet 1943 : Les Allemands mais seulement que les Juifs sont ras- exécutent le professeur Kurt Huber, semblés pour travailler. un militant antinazi, membre du groupe de résistance des étudiants de • 14-17 juillet 1943 : Ouverture à Munich, la Rose blanche. Krasnodar, dans le Caucase russe, du procès de 13 Soviétiques accusés de • 16 juillet 1943 : À Vilnius, en Litua- 1943 nie, la police fait irruption dans une collaboration. Huit sont condamnés à mort ; trois sont condamnés à 20 ans réunion des membres de l’Organisation de prison et deux sont acquittés. unifiée des partisans et de Jacob Gens,

464 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Sur le balcon de sa villa, le sinistre Amon Goeth, capitaine SS et commandant du camp de travail de Plaszów en Pologne, attend l’occasion de tirer sur un Aktion 1005 prisonnier juif – n’importe lequel. Un tel « sport » était unique en son genre parmi les commandants du camp En 1942, lorsque les Alliés eurent vent des et finit par lui coûter la vie, puisqu’il fut jugé par les assassinats en masse perpétrés par les nazis – et Polonais après la guerre et exécuté à Cracovie. La pas- lorsque des centaines de milliers de corps hâti- sion du commandant Goeth pour ce diabolique passe- vement enterrés présentèrent de sérieux risques temps est décrite dans le film La liste de Schindler. sur le plan sanitaire – les nazis planifièrent leur opération la plus macabre : rouvrir les fosses communes, exhumer les corps et les brûler. Cette Aktion 1005 fut dirigée par Paul Blo- bel, l’organisateur du massacre de . Chaque Sonderkommando 1005 fut supervisé par des membres du Service de la Sûreté, la police de Sûreté et la police ordinaire alle- mande. Des prisonniers, pour la plupart juifs, firent l’essentiel du travail. À partir de juin 1942, les brûlèrent les corps qui avaient été abandonnés dans les camps de la mort nazis. En juin 1943, ils arrivèrent aux fosses communes de Pologne et de l’Union soviétique occupée. Les prisonniers furent répartis en trois groupes. Le premier ouvrait les fosses et exhu- mait les corps. Le second disposait les corps sur des bûchers en alternance avec des rondins de bois, les arrosait d’essence et allumait le feu. Le troisième groupe enlevait et dispersait les cendres, puis broyait les os. Les nazis dissimulèrent de nombreuses fosses communes, mais pas toutes. Quant aux prisonniers du Sonderkommando 1005, la plu- part furent assassinés, une fois leur travail ter- miné. Plusieurs dizaines d’autres survécurent après s’être révoltés et enfuis.

Au moment où Treblinka fut fermé, en juillet 1943, ses chambres à gaz avaient fait périr au moins 750 000 personnes, pour la plupart des Juifs de Pologne. Après la visite d’Heinrich Himmler au camp, en mars 1943, les nazis exhumèrent des centaines de milliers de corps qui avaient été enterrés. D’immenses brasiers furent installés et les corps furent brûlés pour masquer les preuves du massacre colossal qui s’était produit. Ces ossements témoignent que les nazis n’at- teignirent pas leur objectif. chef du Conseil juif du ghetto, et s’em- • 17 juillet 1943 : Le chef des partisans • 19 juillet 1943 : Les Allemands utili- pare de son chef, Yitzhak Wittenberg. Yitzhak Wittenberg se rend à la sent 3 500 Juifs réduits en esclavage De l’extérieur, des partisans juifs atta- Gestapo pour empêcher que le ghetto pour procéder à la recherche des quent la police et libèrent Wittenberg ; de Vilnius (Lituanie) ne soit rasé. objets de valeur dans les ruines du voir 17 juillet 1943. • Theophil Wurm, ghetto de Varsovie. évêque de l’Église évangélique de Wur- 18 juillet 1943 : Deux cents temberg, en Allemagne, adresse une • 20 juillet 1943 : Cinq cents travailleurs travailleurs réduits en esclavage sont • lettre à Berlin, dans laquelle il réduits en esclavage sont assassinés à demande que la persécution des assassinés à Miedzyrzec, en Pologne. Czestochowa, en Pologne. • 2 209 Juifs « membres des autres nations et races » • Un millier de Juifs de Paris sont des Pays-Bas sont déportés à Sobibor. prenne fin immédiatement. déportés à Auschwitz. •Deux Juifs s’évadent de Sobibor.

465 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Les nouveaux dirigeants du gouvernement polonais en exil, le Musique pour les premier ministre Stanislaw Mikolajc- zyk (à droite, en uniforme), et le prési- condamnés à mort dent Wladyslaw Raczkiewicz (en costume), reçoivent un rapport de En Allemagne et dans les leurs officiers. Initialement installé à pays occupés, les nazis rédui- Paris, le gouvernement en exil passa sirent au silence les musiciens à Londres en juillet 1940. C’est de là juifs. Ils s’adressèrent cepen- que les représentants diffusaient des dant aux Juifs pour masquer messages radio exprimant l’espoir de par de la musique les cris rentrer en Pologne. Ils utilisaient aussi d’angoisse des camps, créant des messagers comme Jan Karski ce que les prisonniers appelè- pour connaître le mieux possible ce rent Symphonia diabolica. Dans chacun des camps de qui se passait en Pologne, et ils tentè- la mort, des orchestres rent de soutenir la Résistance par des jouaient des airs gais et récon- armes et des renseignements. fortants à l’arrivée des trains et de leur chargement humain épuisé. Les suspicions et les craintes des déportés se dissi- paient lorsqu’ils entendaient la musique familière d’une société civilisée. À Auschwitz, où six orchestres étaient constitués, et dans d’autres camps, les musiciens jouaient lorsque les détenus partaient au travail (pour le divertissement des SS), ainsi que lors des sélec- tions et des exécutions. Au camp de Janówska, en Ukraine, les nazis ordonnèrent Les dessins de Walter la composition d’une mélodie Spitzer illustrent de façon sai- spéciale, le Tango fun toyt sissante les atrocités de la (Tango de la mort), pour Shoah. Ici, les morts et les accompagner les prisonniers à vivants squelettiques sont la mort. mêlés. Bras et jambes pendent sur le côté du cha- riot qui effectue son dernier voyage. La façon dont Spit- zer représente les corps décharnés dans diverses positions témoigne de l’enfer qu’était la vie dans un camp.

• 22 juillet 1943 : Le Département • 23 juillet 1943 : Mandel Langer, d’État des États-Unis continuant à âgé de 40 ans, actif saboteur antinazi différer toute action concernant le depuis la fin de 1942, est capturé et plan Riegner pour sauver 70 000 exécuté à Toulouse. • Échec de Juifs, le rabbin américain Stephen l’offensive des blindés allemands à Wise supplie le président Franklin Koursk, en Russie, la plus grande 1943 Roosevelt de soutenir le plan. Roose- bataille de tanks de l’histoire. velt autorise que le plan soit enterré du fait des « vigoureuses objections • 24 juillet 1943 : Vingt et un jeunes britanniques. » partisans juifs de Vilnius (Lituanie)

466 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Nazi de longue date, Odilo Glo- bocnik rejoignit le parti en Autriche, en 1931. Avant l’Anschluss (annexion), il s’efforça d’augmenter les effectifs et l’influence du parti. Après l’Anschluss, le zèle de Globoc- nik dans la SS lui valut le poste de Gauleiter de Vienne, une fonction dont il fut par la suite limogé pour cor- ruption. Désireux d’utiliser l’ambition et l’obéissance servile de Globocnik, Dans le cadre d’un effort général Heinrich Himmler lui pardonna et le des scientifiques nazis pour augmenter chargea de la région de Lublin, en le taux de natalité « aryen », le docteur Pologne. Globocnik supervisa la Josef Mengele mena des recherches construction de Majdanek, Belzec, sur la gémellité. Les jumeaux retirés des Sobibor et Treblinka, et contrôla le trains à leur arrivée par les assistants travail forcé et l’extermination de Mengele étaient sans cesse mesurés jusqu’en août 1943. et comparés. Certains mouraient sim- plement d’hémorragies après une jour- née d’expérimentation. D’autres mouraient de façon encore plus atroce par des opérations de la colonne verté- brale ou pire encore, dans des opéra- tions destinées à accoler des jumeaux. Les jumeaux Guttmann, René et Renate, photographiés ici avec leur mère, furent déportés d’abord à There- sienstadt, puis à Auschwitz où Mme Guttmann mourut dans les chambres à gaz. Les jumeaux survécurent aux expériences de Mengele et se retrouvè- rent après la guerre aux États-Unis. Étant donné que Mengele assassinait ses sujets (par une injection) lorsqu’il estimait qu’ils avaient « servi », il n’existe que très peu d’informations sur Un baraquement du camp de concentration d’Auschwitz est bordé de ces « travaux » concernant la châlits en bois sur trois niveaux servant de « lit » aux détenus. Chaque gémellité. Les jumeaux Guttmann et niveau était partagé par plus d’une personne et souvent doté seulement quelques rares autres sujets qui d’une fine couverture. La plupart des survivants considéraient ces couchettes évitèrent la mort fournirent des rensei- comme un refuge après l’existence précaire et dangereuse du jour, mais les gnements inestimables aux enquêteurs nuits étaient aussi remplies de terreur. Les déchaînements nocturnes des américains sur les crimes pervers de kapos ivres, les luttes fréquentes entre détenus partageant le même châlit et Mengele. les incessantes sorties aux latrines et aux pots de chambre ponctuent les souvenirs des rescapés. rejoignent les partisans soviétiques der- s’évade du ghetto pour se rendre dans nique, en Grèce, veillant à ce que la rière les lignes allemandes. Au nord de la forêt sera abattue. Si un évadé n’a ni déportation leur soit épargnée et à ce Vilnius, neuf de ces Juifs sont tués dans famille ni compagnon de chambre, tous qu’ils se réfugient en lieu sûr en Espagne. une embuscade tendue sur le pont de les habitants de son immeuble seront • L’armée de l’Air britannique (Royal Air Mickun. Trois jours plus tard, 32 exécutés. En outre, si une équipe de Force) entreprend des raids sur proches des neuf partisans morts sont travail de dix Juifs ne revient pas au Hambourg, en Allemagne. capturés par la Gestapo à Vilnius, complet, tous les autres travailleurs emmenés aux fosses de Ponary, dans les seront exécutés. • 25 juillet 1943 : Le dictateur italien environs, et exécutés. Bruno Kittel, Benito Mussolini démissionne sous la chef de la Gestapo de Vilnius, annonce •Le gouvernement espagnol intervient pression et est arrêté. • Un jeune Juif que toute la famille d’un Juif qui en faveur de 367 Juifs séfarades de Salo- du camp de travail de Janówska, près

467 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Heinz Birnbaum, Wer- ner Steinbrink, Lotte Rotholz et Edith Fraenkel étaient membres du mou- vement de Résistance appelé le Baum Gruppe (groupe Baum). L’incendie provoqué par le groupe dans une exposition anti- bolchevique financée par le gouvernement en mai 1942, conduisit par la suite à la mort de presque tous les membres, dont ces quatre résistants. On pense que Birnbaum fut pendu. Steinbrink fut appréhendé par les autori- tés nazies après l’incendie et exécuté le 18 août 1942. Lotte Rotholz mou- rut à Auschwitz. Edith Fraenkel fut déportée au camp / ghetto de Theresienstadt (Tchécoslo- vaquie), puis à Auschwitz, où elle mourut en 1944.

de Lvov, en Ukraine, qui semble • 28 juillet 1943 : Jan Karski, un content de la chute de Mussolini, irrite résistant polonais catholique qui avait un agent de la Gestapo qui ordonne visité le ghetto de Varsovie et le camp qu’on le suspende la tête en bas, qu’on de la mort de Belzec, arrive aux lui place dans la bouche son pénis États-Unis pour raconter aux coupé et qu’il reçoive des coups sur le dirigeants américains ce qu’il a vu. ventre jusqu’à ce que mort s’ensuive. 1943 Son entretien avec le président • 27 juillet 1943 : Les Allemands Franklin Roosevelt indique que le assassinent 17 Juifs découverts dans président est déjà très au courant de les décombres du ghetto de Varsovie. la Shoah.

468 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Janówska

Situé dans la rue Janówska, importante artère de Lvov, en Ukraine, le camp de concen- tration de Janówska était célèbre pour sa brutalité, cou- verte par de la musique. À l’automne 1941, les Deutsche Ausrüstungswerke (usines d’équipement alle- mandes) qui dépendaient de la SS, déplacèrent des prison- niers du ghetto à Janówska en vue de produire du maté- riel de guerre. Dans des Comme des centaines d’autres, le ghetto de Bedzin (Pologne) fut par la conditions inhumaines, les détenus devaient se plier à suite liquidé. Cette photographie, prise après la destruction du 1er août des tests physiques érein- 1943, montre des meubles et d’autres objets jonchant le sol dans le plus tants pour prouver leur grand désordre. Debout à gauche, un policier allemand souriant, de toute endurance. Les rares survi- évidence satisfait de l’extermination de la communauté juive polonaise. vants travaillaient une autre journée. Les nombreux autres étaient emmenés à na Fryda Litwak était née en Piaski (vers les sables), une Ukraine, en 1916. Elle fit partie carrière de sable, et abattus. des milliers de Juifs qui survécurent En mars 1942, Janówska devint un camp de transit à la Shoah en se faisant passer pour les Juifs de Galicie pour aryens, dans son cas, sous le orientale en route vers le nom de Zofia Wolenska. Vivant camp d’extermination de constamment dans la hantise d’être Belzec et, en 1943, Janówska découverte et donc de mourir, elle devint lui-même un centre trouva un travail chez un de meurtre. Sur le caprice de pharmacien de Radom, en l’officier SS Wilhelm Rokita, Pologne. Elle se rendit plus tard en ancien violoniste, la mort se Allemagne pour travailler. Bien déroulait en musique. L’or- qu’elle ait échappé aux nazis, elle chestre des détenus reçut mourut au cours des derniers mois l’ordre de composer, puis de jouer, le Tango fun toyt de la guerre, peut-être victime des (tango de la mort) pour bombes des Alliés. accompagner les sélections et les exécutions.

• Fin juillet 1943 : Des membres du Pologne. • Après la résistance armée juive au camp de travail de Konin Sonderkommando du camp de la mort qui se manifeste à Jaktorów, en (Pologne) aboutit au massacre de de Belzec sont envoyés au nord, dans Pologne, ce camp de travail est liquidé presque tous les révoltés. • Sous le cal- le centre d’extermination de Sobibor et les détenus massacrés. • Frumka caire des montagnes du Harz, en Alle- où les détenus se révoltent à leur Plotnicka, qui risqua sa vie à plusieurs magne, des détenus sont astreints à arrivée et sont abattus. reprises en se glissant dans le ghetto de construire une usine d’armement Varsovie avec des informations et des secrète à Nordhausen. • Août 1943 : Révolte de détenus dans produits de contrebande, est acculée le camp de travail de Sasow, en par les nazis dans une cave à Bedzin • 1er août 1943 : Liquidation des Pologne. • Résistance armée au camp (Pologne) et abattue. • Sous la direction ghettos juifs de Bedzin et Sosnowiec, de travail de Lackie Wielkie, en du rabbin Joshua Aaronson, la révolte en Pologne. La plupart des Juifs sont

469 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La déportation des Juifs européens

Des trains partis du camp de pen et les décisions prises pour prit au piège les Juifs slovaques. transit de Westerbork, situé dans résoudre la « question juive » par La déportation en masse des Juifs le nord-est des Pays-Bas, envoyè- les meurtres en masse, la dépor- de France, de Belgique et des rent à la mort dans les camps de tation prit une autre signification. Pays-Bas se produisit en juillet. Sobibor et d’Auschwitz plus de N’étant plus un objectif, la dépor- Les déportations par bateau et 100 000 Juifs sur les 140 000 que tation devint le moyen d’envoyer par chemin de fer décimèrent la comptait ce pays. Le 24 août les Juifs dans les camps de la petite population juive de Nor- 1943, Etty Hillesum, une jeune mort de Chelmno, Belzec, Sobi- vège en novembre. Juive néerlandaise, âgée de 29 bor, Treblinka, Majdanek et sur- Les déportations se poursuivi- ans, écrivit une lettre clandestine tout Auschwitz-Birkenau. rent en 1943, année au cours de décrivant l’une de ces déporta- Avec le soutien décisif du laquelle de nouvelles chambres à tions : « Mon Dieu, écrivit-elle, ministère allemand des Trans- gaz et de nouveaux fours créma- les portes vont-elles vraiment ports et de sa bureaucratie des toires devinrent opérationnels à être fermées maintenant ?... Par chemins de fer, Adolf Eichmann Auschwitz-Birkenau. Dans sa des petites ouvertures en haut, et son équipe de la section IV B 4 Chronique d’Auschwitz, Danuta nous distinguions des têtes et des du Bureau principal de la Sûreté Czech mentionne le gazage de mains, des mains qui vont s’agiter du Reich montèrent cette opéra- 873 Juifs de Berlin, le 13 janvier. en notre direction, plus tard, tion à l’échelle du continent. Le 6 février, 1 868 déportés du lorsque le train démarrera… Le Depuis des gares européennes ghetto de Bialystok (Pologne) train lance un coup de sifflet per- lointaines, des trains acheminè- furent gazés à leur arrivée. Six çant, et 1 020 Juifs quittent les rent près de trois millions de semaines plus tard, 2 191 Juifs de Pays-Bas. » Juifs dans des camps de la mort. Salonique (Grèce) périrent dans Avant l’automne 1938, l’Alle- Les « passagers » devaient payer les chambres à gaz. Les meurtres magne nazie fit pression sur les un aller simple, puis étaient sou- n’en finissaient pas. Juifs pour qu’ils émigrent. La vent transportés dans des wagons Etty Hillesum et les membres conquête militaire plaçant de de marchandises bondés. de sa famille furent déportés de nouveaux territoires et des mil- En 1942, les déportations Westerbork, le 7 septembre 1943. lions de Juifs sous la domination anéantirent la communauté juive Ils arrivèrent à Auschwitz proba- nazie, les Allemands jugèrent bon de Pologne, mais le réseau s’éten- blement le 9 septembre. Ses d’appliquer une politique plus dait bien plus loin. En mars, il parents furent gazés immédiate- agressive pour résoudre ment. Le 30 novembre «la question juive ». 1943, la population des Durant les 18 premiers détenus du complexe mois de la Seconde d’Auschwitz était compo- Guerre mondiale, la sée de 54 446 hommes et déportation fit partie inté- 33 846 femmes. Parmi grante du plan nazi visant eux, 9 273 hommes et à éliminer les Juifs du 8 487 femmes étaient por- Troisième Reich en pleine tés malades et incapables expansion en les envoyant de travailler. Selon un dans des ghettos ou en les rapport de la Croix- cantonnant dans certaines rouge, la mort d’Etty Hil- régions de l’Est. Avec les lesum daterait du 30 massacres perpétrés en novembre 1943. 1941 par les Einsatzgrup-

déportés à Auschwitz. Certains résis- tion d’une centaine, sont traqués et tent avec des armes. assassinés. Les chefs de la révolte étaient, entre autres, le docteur • 2 août 1943 : Armés de quelques Julian Chorazycki, Alfred Marceli revolvers, fusils et grenades à main, Galewski, et Zelo Bloch. ainsi que d’essence, des détenus juifs du camp de la mort de Treblinka • 3 août 1943 : Des membres de l’Or- 1943 organisent une violente révolte qui ganisation juive de combat du ghetto permet l’évasion de 350 à 400 des de Bedzin (Pologne) organisent sans 700 détenus du camp. Tous, à l’excep- succès une résistance contre les nazis.

470 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Abraham Kolski (à gauche) est ici en compagnie d’Erich Lachman et RÉVOLTES JUIVES DANS LES GHETTOS ET LES d’un homme nommé Brenner. Tous CAMPS DE CONCENTRATION, 1941–1944 trois participèrent au soulèvement de mer Baltique Treblinka, le 2 août 1943 et REICHSKOMMISSARIAT SOUS Grandes révoltes en ghetto OSTLAND ADMINISTRATION réussirent à trouver refuge dans la Grandes révoltes en camp de travail Kovno MILITAIRE forêt voisine. Peu après, les trois Révoltes en camp de la mort ALLEMANDE Vilna hommes furent hébergés par une 0 100 miles famille de non Juifs qui les cachèrent Minsk jusqu’à la libération de la Pologne. 0 200 kilomètres Mir Bialystok N GRANDE Treblinka ALLEMAGNE Mi«nsk Varsovie Mazowiecki Sobibór REICHSKOMMISSARIAT UKRAINE Lublin Czestochowa Tuchin GENERAL- Bedzin GOUVERNEMENT Kremenets Sosnowiec Cracovie Auschwitz Janówska Tarnów PROTECTORAT DE BOHÊME & MORAVIE SLOVAQUIE ROUMANIE HONGRIE

Alors que tout était contre eux, les Juifs se révoltèrent cependant dans les ghettos (notamment à Varsovie et Bialystok), les camps de concentration et les camps de la mort. Des Juifs mirent le feu au camp de Treblinka, le 2 août 1943, tuèrent 11 gardes SS à Sobibor, le 14 octobre 1943, et firent sauter l’un des fours crématoires d’Auschwitz, le 7 octobre 1944.

Le camp de la mort de Treblinka fume dans le lointain après le soulè- vement. La révolte fut organisée par un petit groupe de prisonniers juifs d’origine tchèque. Au cours du sou- lèvement, quelques gardes SS furent tués et un petit nombre d’in- surgés parvinrent à s’évader dans les forêts des environs. Bien qu’en- dommagées, les chambres à gaz continuèrent à fonctionner après la révolte. Le camp demeura en fonc- tion pendant deux autres mois.

Le chef de l’OJC, Baruch Graftek et ses contact avec les représentants de la • 10 août 1943 : Vingt-sept femmes compagnons d’armes sont tués. Résistance française à Londres. juives capturées par les nazis dans le quartier « aryen » de Varsovie sont • 6 août 1943 : Les Allemands com- • 7 août 1943 : Le dernier train chargé abattues. mencent à liquider le ghetto de de Juifs de Salonique (Grèce) part pour Vilnius (Lituanie) ; un millier de Juifs Auschwitz avec 1 800 personnes. La • 15 août 1943 : Près d’un millier de sont déportés à Klooga (Estonie). plupart d’entre eux seront assassinés au Juifs français d’origine polonaise sont • Le Juif français Albert Kohan est camp. Vers cette date, la majeure partie déportés au camp de travail d’Alder- clandestinement introduit en de la population juive de Salonique ney, l’une des îles anglo-normandes Grande-Bretagne pour établir le d’avant-guerre a été massacrée. conquise par l’Allemagne en 1940, et

471 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Bialystok

La ville de Bialystok dans le nord-est de la Pologne fut d’abord occupée par les Allemands le 15 septembre 1939. Elle fut livrée à l’Union soviétique qui l’occupa pendant les 21 mois sui- vants, puis réoccupée par les Allemands, le 27 juin 1941. La création du ghetto, en août 1941, scella le sort des 50 000 Juifs de Bialystok. Comme le ghetto avait besoin de travailleurs pour ses usines et ateliers, les Juifs eurent le sentiment qu’ils seraient épargnés. L’Aktion de février 1943, cependant, dissipa rapidement les illusions de sécurité à long Les frères Katzowicz combattirent lors du terme. Deux mille Juifs furent assassinés dans soulèvement du ghetto de Bialystok (Pologne), en août les rues de Bialystok et 10 000 autres furent 1943. La ville comptait de nombreux groupes de résis- envoyés à la mort au camp d’extermination de tance qui finirent, en 1943, par laisser de côté la poli- Treblinka. tique pour s’unir dans un but commun. Au cours des Les ordres de liquidation donnés en août cinq jours de combat, plus de 1 500 combattants juifs 1943 incitèrent les groupes de Résistance du périrent. ghetto à entrer action. Les combats durèrent du 16 au 20 août. Avec le peu d’armes dont ils disposaient, les combattants de la Résistance furent écrasés par les forces allemandes en Haika Grossman nombre très supérieur et bien mieux équipées. était une militante Presque tous les combattants furent tués par juive de la les Allemands. Seuls, quelques centaines de Résistance. Elle rejoi- Juifs de Bialystok survécurent à la guerre. gnit un mouvement de jeunesse sioniste à Bialystok, en Pologne, puis contri- bua à organiser un réseau clandestin après l’occupation allemande. Pendant ses nombreuses mis- sions dans d’autres ghettos pour le compte de la Résistance juive, Haika Grossman se faisait passer pour une Polonaise non juive. Elle parti- cipa aussi à la révolte du ghetto de Bialystok, en août 1943.

astreints à construire des ner plus de 30 000 Juifs qui s’y trou- fortifications. vent. Plusieurs centaines de combat- tants de la Résistance, dirigés par • 16 août 1943 : Révolte des détenus Mordekhaï Tenenbaum-Tamaroff et du camp de travail de Krychów, en Daniel Moszkowicz – qui ripostent Pologne. avec des armes légères, des haches et 1943 des baïonnettes – sont tués. Ceux qui • 16-20 août 1943 : Les troupes survivent sont transférés dans des nazies pénètrent dans le ghetto de camps de la mort où 25 000 périront ; Bialystok, en Pologne, pour extermi- voir 17 août 1943.

472 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Scrutant au loin, un homme – probablement un par- tisan juif – monte la garde. En août 1943, les nazis entreprirent de liquider le ghetto de Bialystok (Pologne), déportant les 30 000 derniers Juifs. Conscients que la fin était proche, quelques Juifs – sous la direction de Mordekhaï Tenenbaum et Daniel Moszkowicz – organisèrent, en guise de défi, un com- bat aussi courageux qu’acharné. D’autres voulurent prolonger la résistance en se réfugiant dans les forêts où ils rejoignirent les Forois et autres groupes de parti- sans.

À l’origine créé par les Néerlandais en 1939 pour servir de centre de détention aux immigrants juifs illégaux, Westerbork devint, sous les nazis, le centre de transit principal de la dépor- tation des Juifs néerlandais. Si la majo- Voici l’une des centaines de fosses communes creusées près du camp de la rité ne passa que quelques jours au mort de Chelmno. De 1941 à 1944, Chelmno gaza 150 000 à 320 000 per- camp, une minorité de personnes sonnes (les estimations varient considérablement), dont la plupart étaient des devinrent des résidents permanents, Juifs polonais. Les nazis interrompirent les déportations à Chelmno en 1943 recevant des cartes de travail comme parce que, selon eux, le processus d’extermination du camp par des camions à celle qui figure ici. La plupart des pri- gaz était trop lent. Ils rouvrirent cependant le camp en avril 1944 pour y dépor- sonniers employés travaillaient dans ter et y exterminer les Juifs de Lodz (Pologne). l’hôpital et le dispensaire du camp.

• 17 août 1943 : Quelque 1 200 de Treblinka reçoit son ultime train • 24 août 1943 : Cinq mille Juifs de enfants du ghetto de Bialystok, en chargé de déportés juifs. Ils arrivent Bialystok, en Pologne, sont massacrés Pologne, sont emmenés au camp / de Bialystok (Pologne). à Auschwitz, Treblinka et Majdanek. ghetto de Theresienstadt, en Tchéco- slovaquie, puis à Auschwitz où ils • 20 août 1943 : Trois mille Juifs sont • 25 août 1943 : Au camp de travail seront assassinés. • Les Alliés exécutés pendant une révolte à Gle- de Janówska, en Ukraine, les SS remportent la victoire sur les forces bokie, en Biélorussie. sélectionnent 24 belles Juives, âgées de l’Axe en Sicile. de 17 à 20 ans et les emmènent pas- • 23 août 1943 : L’Armée rouge s’em- ser une nuit d’orgie ; voir 26 août • 19 août 1943 : Le camp de la mort pare de Kharkov en Ukraine. 1943.

473 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Des partisans de Rovno dans la région de Volhynie, en Pologne, se préparent à rejoindre leurs camarades dans le combat contre les oppresseurs. Alors que les nazis préparaient une ultime Aktion, cer- tains Juifs s’évadèrent et s’enfuirent dans les forêts avoisinantes. Opérant en Volhynie, Moshé Gildenman, appelé « Oncle Misha », organisa une efficace unité de partisans qui infligea des pertes aux troupes allemandes et ukrainiennes.

Les nazis utilisèrent abondamment la main- d’œuvre réduite en esclavage dans les Deux partisans juifs, armes au industries de pointe poing, se préparent au combat. comme la fabrication Tenant compte de l’appel lancé par des fusées V-2 qui Abba Kovner de combattre plutôt s’abattirent sur la que de se rendre à leurs Grande-Bretagne et la oppresseurs, des jeunes des ghettos Belgique durant les der- de Vilnius et de Kovno, en Lituanie, niers mois de la guerre. tentèrent de s’évader pour rejoindre Ces travailleurs partici- les partisans. La plupart des pent à la construction groupes étaient pauvrement armés d’un immense réseau de et rencontraient parfois une hostilité tunnels souterrains des- de la part de partisans antisémites tiné à abriter les usines qui haïssaient les nazis pour de fusées. Contrairement d’autres raisons que la persécution aux millions d’esclaves des Juifs. Animés par un désir de du Reich, ces détenus – vengeance, les Juifs constituèrent logés en plein air à l’ex- des groupes de partisans comme térieur des tunnels – HaNokem, créé par des Juifs de Vil- étaient surtout menacés nius, et Kadima par des Juifs de par les bombardements Kovno. alliés.

• 26 août 1943 : La communauté • 27 août 1943 : Tous les Juifs juive de Zawiercie, en Pologne, est travaillant dans une usine de ciment exterminée à Auschwitz. • Une jeune à Drogobych, en Ukraine, près du femme juive, l’une des 24 qui avaient camp de travail de Janówska, sont été contraintes de participer à une massacrés. L’une des victimes est le orgie de SS, la veille au camp de tra- docteur Mojzesz Bay, diplômé de la 1943 vail de Janówska, en Ukraine, est Sorbonne, âgé de 36 ans. abattue au cours d’une tentative d’évasion. Les 23 autres femmes • 28 août 1943 : L’Allemagne impose seront assassinées par la suite. la loi martiale au Danemark et abolit

474 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Voici une page de l’album de , adjoint du commandant du camp de la mort de Treblinka. Après La conférence des Juifs son arrivée, à la fin de l’été 1942, Franz commença à photographier les événements du camp. Il écrivit par la suite : « Partout, il y avait des corps. Je me souviens américains que ces corps étaient déjà boursouflés. » Franz fit par- tie du personnel de Treblinka jugé entre octobre 1964 La conférence des Juifs américains fut orga- et août 1965. Il fut condamné à la prison à vie. nisée en 1943 par le mouvement sioniste amé- ricain. Conscients du fait que la guerre aboutit souvent à des changements politiques radicaux, de nombreux Juifs américains estimaient que, lorsque la Seconde Guerre mondiale et la Shoah auraient pris fin, il serait temps de faire pression pour la création d’un État juif en Palestine. Presque toutes les organisations juives américaines étaient représentées à la convention de 1943 qui regroupa 500 délégués. Comme la confé- rence semblait plus intéressée par la créa- tion d’un État juif que par le sauvetage des Juifs européens, plu- sieurs organisations juives – notamment l’American Jewish Committee – critiqua l’insuffisance des débats sur le sauvetage des victimes de la Shoah. Par ailleurs, la conférence – organisée Un volontaire juif près par Henry Monsky (photo) – ne parvint pas à d’une batterie d’artillerie influencer le gouvernement des États-Unis sur côtière porte un obus sur la question de la Palestine. Ce ne fut qu’en jan- lequel est écrit en hébreu : vier 1945 que la conférence voulut précipiter « Cadeau pour Hitler ». le sauvetage des Juifs d’Europe. Constituées en 1940, ces Cette conférence fut un signe avant-coureur de l’engagement massif des Juifs américains en unités servaient dans les faveur de la création de l’État d’Israël. En sep- forces britanniques en tembre 1945, un sondage Roper indiquait que Palestine. Lorsque les nou- 80% des Juifs américains se déclaraient favo- velles sur les camps de la rables aux vues sionistes. La réalisation la plus mort parvinrent en importante de la conférence consista à faire Palestine, le désir de basculer l’opinion politique américaine non revanche s’intensifia chez juive en faveur de la création, après la guerre, les soldats juifs. Les Britan- d’un foyer pour les Juifs d’Europe. niques finirent par accepter de créer la Brigade juive. l’accord germano-danois du 9 avril envoient un bataillon de travail polo- serait un acte déloyal vis-à-vis des 1940 empêchant les Allemands de nais dans les ruines du ghetto de Var- nations où vivent des Juifs. • Au camp molester les Juifs. sovie pour démolir tout mur ou tout de la mort de Sobibor, des Juifs atta- édifice encore debout après l’attaque quent des gardes SS avec des pierres Fin août 1943 : Quarante-sept allemande du printemps. La plupart et des bouteilles. Tous les assaillants • des survivants de la « liquidation » sont tués. • Des femmes et des Juives et 50 Juifs sont exécutés après d’avril-mai meurent pendant cette enfants juifs, ainsi que des malades et avoir été découverts dans la partie démolition. • L’American Council for des vieillards, abandonnés sur l’île de «aryenne » de Varsovie. Judaism déclare que le judaïsme Rab après avoir été déportés de Dal- n’existe qu’au sens religieux et que la matie, en Serbie, sont transférés au • Septembre 1943 : Les Allemands tentative de créer une patrie juive camp de concentration de Zemun, en

475 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

La synagogue de Zagreb, en Croatie, fut démolie en 1943. L’assaut contre les Juifs croates, qui commença en L’art, une forme de 1941 avec l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne, se poursuivit en 1943. Les déportations à Résistance partir de Zagreb furent personnellement ordonnées par Heinrich Himmler, en mai 1943, et l’immense majorité En pleine humiliation et en pleine désespé- des Juifs croates envoyés à Auschwitz ne revinrent jamais. rance, des prisonniers des camps de concentra- tion refusèrent de laisser étouffer et détruire Cependant, la majorité des Juifs croates furent tués, non leur créativité. Tout en luttant pour survivre, ils pas par les nazis, mais par l’impitoyable régime Ustasa utilisèrent n’importe quel morceau de papier et du pays. bout de crayon qu’ils pouvaient trouver pour s’exprimer. Par la poésie et le dessin, ils affir- mèrent leur propre existence et fournirent un témoignage sur les horreurs qui, craignaient- ils, risquaient d’être oubliées. À Theresienstadt, le camp / ghetto modèle établi par les nazis près de Prague (en Tchéco- slovaquie), des artistes comme Félix Bloch pro- duisirent un art « officiel » sur commande, tandis que secrètement, ils représentaient le vécu juif tel qu’il était. Friedl Dicker-Brandeis entretint le talent des jeunes élèves dont elle avait la charge à Theresienstadt, leur permet- tant par leur art de transformer le dangereux et sombre monde des nazis en un royaume de lumière et d’amour. Les dessins laissés par les enfants représentent des papillons et des oiseaux, des voiliers et des réunions familiales. Mais ils traduisent aussi le traumatisme de la vie quotidienne, les gardes du ghetto, et les départs en train pour les camps de la mort. Ce poème d’un enfant exprime la nostalgie évoquée dans les dessins de plusieurs autres : « Je voudrais m’en aller seul / Là où se trouvent d’autres personnes, plus gentilles / Quelque part dans l’inconnu lointain / Là où l’on ne tue pas les autres. »

Ignacy Isaac Schwarzbart, député sioniste du parle- ment polonais et membre du gouvernement polonais en exil, publiait à Londres un journal juif, L’Avenir, exposant des témoignages sur la Shoah perpétrée contre les Juifs en Pologne. À l’instar de toutes les infor- mations de ce genre parvenant aux Alliés, son journal exerça peu d’impact sur les Alliés en matière d’aide apportée aux Juifs. Schwarzbart était opposé au bom- bardement d’Auschwitz, craignant qu’un grand nombre de Juifs ne périssent durant des attaques lancées par les Alliés.

Yougoslavie, et tués. D’autres, qui Keilis, près de Vilnius, et réussit à demeurent sur l’île, sont protégés par mettre en sécurité plusieurs dizaines de des partisans. prisonniers. Plus tard, avec cinq autres partisans, elle se rend à Olkiniki • Plusieurs centaines de Juifs s’évadent (Pologne) où elle aide à mettre le feu à de Vilnius, en Lituanie et se dirigent une usine d’essence de térébenthine. vers l’Est, vers le front soviétique. •À Paris, trois résistants juifs tendent 1943 •Vitka Kempner, résistante de Vilnius, une embuscade et abattent Karl Ritter, fait sauter un transformateur l’adjoint du chef du travail forcé Fritz électrique de la ville. Le lendemain, Sauckel. • Après avoir refusé pendant elle pénètre dans le camp de travail de des mois, le gouvernement hongrois

476 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Le docteur August Hirt, directeur de l’Institut d’anatomie de Strasbourg, travaille sur le cadavre d’un Juif. Dans le cadre de la recherche nazie desti- née à prouver la supériorité raciale des Aryens, Hirt constitua une immense collection de squelettes de toutes les populations. En 1943, sa collection ne comprenait pas encore assez d’exemples juifs. Alors, à sa demande, 86 Juifs d’Auschwitz dont la structure osseuse répondait aux caractéristiques désirées furent envoyés à Natzweiler-Struthof où ils furent gazés. Les corps furent ensuite envoyés à Strasbourg, à Hirt qui les réduisit à l’état de squelettes. En tant qu’architecte du programme génocidaire nazi, Hein- rich Himmler passa la majeure par- tie de l’année 1943 à mettre en œuvre la « solution finale. » Nommé ministre de l’Intérieur en août, Himmler, qui contrôlait les tri- bunaux et la fonction publique, fit en sorte de promouvoir la réorgani- sation raciale de l’Europe, s’attachant particulièrement au sort des 600 000 Juifs qui, estimait-il, vivaient en France. Au cours d’un discours prononcé en octobre devant les SS Gruppenführers (généraux de division) réunis à Posen (Allemagne), Himmler déclara que les nazis avaient un «droit moral » et un « devoir » d’exterminer les Juifs. Himmler salua le rôle des SS dans ce proces- sus. Curieusement, bien qu’Himmler En août 1943, 30 femmes furent emmenées du bloc 10 d’Auschwitz-Bir- ait déclaré au groupe que la solu- kenau et gazées à Natzweiler-Struthof, leurs corps étant ensuite envoyés à tion finale était « une page non l’Institut d’anatomie de Strasbourg pour y être étudiés. Menés sous les aus- écrite et qui ne sera jamais écrite pices de l’ (héritage ancestral), un bureau SS, les travaux du de l’histoire [SS], il prit soin de docteur August Hirt étaient destinés à produire un système de classification faire enregistrer son discours. anthropologique. Il souhaitait distinguer les races inférieures des supérieures et prouver la supériorité aryenne.

cède aux exigences allemandes et (Pologne) sont déportés à Auschwitz et • 2-3 septembre 1943 : 3 500 Juifs de accepte que les Juifs soient réduits en au camp de travail de Plaszów. • 13 Przemysl, en Pologne, sont déportés esclavage dans les mines de cuivre de Juifs de Treblinka, faisant partie d’une à Auschwitz. Bor, en Yougoslavie. • Création à équipe de travail envoyée à l’extérieur Vaivara, en Estonie, d’un camp de du camp, utilisent une pince à levier 3-8 septembre 1943 : Les Alliés concentration pour prisonniers de pour tuer un garde SS ukrainien. Le • avancent dans la péninsule italienne. guerre soviétiques ; voir 28 juin 1944. dirigeant du soulèvement, un jeune Polonais âgé de 18 ans, Seweryn Klajn- Reddition de l’Italie. Le nouveau • 2 septembre 1943 : Un millier de man, enfile l’uniforme du mort et dirigeant italien, le maréchal Pietro Juifs de Paris sont déportés à « encadre » le cortège des douze autres Badoglio, signe un armistice avec les Auschwitz. • Dix mille Juifs de Tarnow prisonniers, qui s’éloigne du camp. Alliés.

477 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Pour les nazis, les intellectuels Cette caricature, repré- juifs constituaient un phénomène sentant un Juif en train de particulièrement choquant. Non prier près de l’autel de la seulement ils jouaient un rôle essen- richesse, parut dans une tiel dans la préservation de la cul- publication hongroise anti- ture juive, mais ils étaient en outre, sémite. La position de l’ar- du point de vue de l’idéologie gent, plus élevée que les nazie, responsables de l’influence rouleaux de la Torah, le entièrement négative de la culture Livre le plus saint du juive sur la culture allemande. Les judaïsme, suggère que les nazis attribuaient aux Juifs tout valeurs matérielles ont rem- mouvement intellectuel qu’ils désap- placé les enseignements prouvaient, notamment toutes les spirituels et éthiques juifs. formes de modernisme culturel. Ces La juxtaposition de l’argent intellectuels juifs viennois, détenus et des Juifs était l’un des dans le camp de concentration de thèmes favoris de la Mauthausen, en Autriche, payèrent propagande nazie. d’un prix élevé ce préjugé nazi. L’auteur de la caricature, Philipp Rupprecht, qui signait ses dessins FIPS, contribuait souvent à la une du journal de , Der Stürmer, d’un antisémitisme ordurier.

Les troupes alliées franchissent un pont flottant sur le Volturno, en Italie. La cinquième armée suivit leurs traces, pourchassant les Alle- mands jusqu’à ce qu’ils se retirent de l’autre côté de l’Apennin. En dépit d’une progression lente et de lourdes pertes, la cinquième armée avança vers le nord jusqu’à ce que les neiges de l’hiver l’arrêtent près du fleuve Rapido.

• 5-6 septembre 1943 : Un ancien forces italiennes devant l’Allemagne entrepôt de chaussures du ghetto de à Rhodes. Les troupes allemandes Lodz, en Pologne, reçoit livraison de occupent Athènes. 12 wagons de chaussures volées aux Juifs assassinés ; voir 13 septembre • 10 septembre 1943 : Des jeunes Juifs 1943. attaquent les troupes allemandes à Miedzyrzec, en Pologne, tuant deux sol- 1943 • 8 septembre 1943 : 5 006 Juifs dats. Cinq Juifs sont tués. • Une récep- déportés du camp / ghetto de There- tion à laquelle assistent la veuve de sienstadt, en Tchécoslovaquie, Wilhelm H. Solf (ancien ministre des arrivent à Auschwitz. • Reddition des Colonies de l’empereur d’Allemagne

478 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Des squelettes humains recouvrent le sol devant le four cré- Majdanek matoire du camp de Camp de concentration et camp de la mort Majdanek, en situé près de Lublin, en Pologne, Majdanek Pologne. Environ entra en fonction en octobre 1941. Avant la 145 000 personnes libération du camp par les troupes soviétiques, périrent dans les sept le 24 juillet 1944, près de 500 000 personnes chambres à gaz qui originaires de 28 pays y avaient été détenues. commencèrent à fonc- 360 000 d’entre elles y périrent, pour la plupart tionner au Zyklon B en des prisonniers de guerre soviétiques, des Polo- nais et des Juifs. Soixante pour cent moururent 1942. De nombreuses de faim, de maladie, et par suite du travail exté- autres moururent de nuant. Les autres furent exécutés, souvent à faim, de dysenterie ou leur arrivée dans les sept chambres à gaz de fusillées. Le petit four Majdanek, comme ce fut le cas pour des mil- crématoire s’avérant liers de Juifs. incapable de traiter Fin octobre 1943, les détenus reçurent un tel afflux de corps, un four neuf, plus grand, fut l’ordre de creuser trois immenses tranchées construit en septembre 1943. dans la partie sud du camp. Il s’agissait de pré- paratifs pour l’Erntefest (fête des moissons). Lors de l’appel du 3 novembre au matin, les Ce monceau de chaussures au camp de la mort de Juifs furent séparés des autres prisonniers, Majdanek atteste du nombre de personnes qui envoyés dans les tranchées et abattus. Les haut- franchirent les portes du camp pour aller à la mort. Alors parleurs du camp hurlaient une musique dan- que les prisonniers boitillaient dans des sabots inappro- sante pour couvrir les cris et le bruit des armes priés, des tonnes de chaussures s’accumulaient dans les automatiques. Les meurtres se poursuivirent entrepôts des camps de la mort. À Auschwitz-Birkenau, jusqu’à la tombée de la nuit. En ce « mercredi des femmes furent sanglant », 18 000 Juifs furent massacrés dans assignées au les tranchées de Majdanek. Destiné à prévenir les révoltes de prisonniers Schuhkommando. juifs, l’Erntefest s’étendit au-delà de Majdanek. Elles effectuaient Les détenus juifs d’autres camps du district de un travail pénible, Lublin – entre 8 et 10 000 à Trawniki et 15 000 séparant les à Poniatowa – furent eux aussi abattus le 3 semelles des novembre. Il n’en demeure pas moins que c’est empeignes, et le à Majdanek que fut tué le plus grand nombre caoutchouc du de Juifs en une seule journée. cuir, les pièces étant acheminées en Allemagne. Une femme, Giuliani Tedeschi, décrivit ce travail comme « une noyade dans une mer de chaus- sures. »

Guillaume II), sa fille, la comtesse Bal- • 11-14 septembre 1943 : • 14 septembre 1943 : Jacob Gens, lestrem et d’autres membres de la Liquidation de la communauté juive chef du Judenrat du ghetto de Vilnius Résistance allemande antihitlérienne, de Minsk, en Biélorussie. (Lituanie), est abattu par les nazis. est infiltrée par Reckse, un informateur de la Gestapo ; voir janvier 1944. • Les • 13 septembre 1943 : Dans le ghetto • Mi-septembre 1943 : Au camp de la Allemands occupent Rome. de Lodz (en Pologne), Icek Bekerman mort de Sobibor, des membres de est pendu pour avoir pris des petits l’équipe chargée de brûler les corps • 11 septembre 1943 : Un millier de morceaux de cuir pour en faire des construisent un tunnel d’évasion les Juifs découverts dans des cachettes à lacets de chaussures. L’atelier de conduisant dans le champ de mines du Przemysl, en Pologne, sont assassinés. menuiserie du ghetto reçoit l’ordre de camp. La plupart des 150 membres de construire la potence. l’équipe sont tués.

479 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Abba Kovner

En 1941, le poète Abba Kovner, âgé de 23 ans, était l’un des dirigeants de l’Hasho- mer haTsaïr, un mouvement de jeunesse sioniste socialiste de Vilnius, en Lituanie. Alors que les nazis intensifiaient les rafles de Juifs, Kovner et d’autres se cachèrent dans un couvent de Dominicains. Lors- qu’il apprit les meurtres per- pétrés dans la forêt de Ponary, Kovner réa- lisa toute Profitant d’un répit dans le travail, une section de travailleurs se regroupe l’ampleur du pour une photographie. Bien qu’habillés, pour la plupart, de vêtements civils, plan nazi et ces membres d’un bataillon de travail hongrois portent tous des calots militaires. fit vœu de Tandis qu’Heinrich Himmler et les SS cherchaient à massacrer tous les Juifs d’Eu- riposter. er rope, , à la tête de l’économie de guerre allemande, manœuvrait Le 1 jan- pour fournir le plus grand nombre possible de travailleurs afin de reconstruire vier 1942, des usines et de produire du matériel de guerre de plus en plus indispensable. Kovner avertit son peuple que la déportation équivalait à la La démolition de cette mort. Il publia un vibrant synagogue du Luxembourg appel exhortant la jeunesse juive à fuir et à combattre et à fut achevée à l’automne ne pas « aller à l’abattoir 1943 après un retard de comme des moutons. » Kovner deux années. L’ordre de contribua à l’organisation détruire ce lieu de culte juif d’une résistance partisane uni- fut donné en mai 1941. fiée et, à la mort de Yitzhak Aucun entrepreneur local Wittenberg, devint le comman- n’étant prêt à faire le dant de l’Organisation des par- travail, les Allemands tisans unis (FPO). Tandis que embauchèrent deux Italiens. les Allemands vidaient le Environ 3 500 Juifs vivaient ghetto de Vilnius de ses der- au Luxembourg au début de niers Juifs, en septembre 1943, Kovner dirigea l’évasion de ses la Seconde Guerre combattants dans la forêt de mondiale. Cette minuscule Rudninkai où ils poursuivirent nation fut déclarée la lutte en tant que bataillon judenrein (sans Juifs) après des « Vengeurs ». Kovner vécut le départ du dernier convoi jusqu’en 1988. de Juifs le 28 septembre 1943.

• 16 septembre 1943 : Plus de 37 000 • 18-19 septembre 1943 : Les Juifs Juifs italiens passent sous domination de Lida, en Biélorussie, sont déportés allemande. au camp de Majdanek.

• 18 septembre 1943 : Deux mille • 20 septembre 1943 : Un millier de Juifs de Minsk (Biélorussie) sont détenus juifs du camp de Szebnie, en 1943 déportés au camp de la mort de Sobi- Pologne, sont amenés en camion dans bor ; 80 sont sélectionnés pour le tra- un champ voisin et exécutés à l’arme vail forcé ; les autres sont gazés. automatique. Les corps sont brûlés et les os jetés dans la rivière Jasiolka.

480 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Entourés par des parachutistes allemands, un Benito Mussolini amaigri se réjouit d’être libéré de sa captivité. Avec le débarquement en Sicile et l’impulsion donnée du côté allié, le roi d’Italie Victor Emmanuel III releva Mussolini de ses fonctions de premier ministre en juillet et le plaça en détention mili- taire. Ne souhaitant pas perdre un partenaire fasciste ou permettre la chute du gouvernement de Musso- lini, Hitler ordonna une opération audacieuse pour libérer le dictateur italien. Mussolini devint le dirigeant fantoche d’une république fasciste installée dans l’Italie du Nord et placée sous le contrôle direct de l’Allemagne.

Wilhelm Kube était le Generalkommissar de la Biélorussie occupée. Nazi de longue date, Kube fonda le Glaubensweg deutscher Christen (Mouvement des croyants chrétiens allemands) qui visait à l’« aryanisation » du christianisme. Il fut député nazi au Reichstag et occupa divers postes, notamment celui de gouverneur de Branden- bourg-Berlin. Kube fut nommé en Biélorussie en 1941. Le 22 septembre 1943, alors qu’il dormait, Kube fut tué par une bombe placée sous son lit par sa femme de chambre, membre de la Résistance. Son cercueil fut recouvert du drapeau nazi et une garde d’honneur contribua au faste des funérailles de Kube.

• Jacob Kapler, un Juif affecté à qui se cachent dans les forêts, près de • 24 septembre 1943 : Les nazis l’équipe chargée de brûler les corps à Koniecpol, en Pologne, sont attaqués achèvent la liquidation du ghetto de Babi Yar, site d’un grand massacre par des Polonais. De nombreux Juifs Vilnius. perpétré en Ukraine, trouve une clé sont massacrés. qui ouvre le cadenas d’un bunker • 25 septembre 1943 : L’Armée dans lequel lui et d’autres travailleurs • 22 septembre 1943 : Wilhelm rouge s’empare de Smolensk, en Rus- Kube, le Generalkommissar de Biélo- sont enfermés chaque nuit ; voir 29 sie. • Il ne reste plus qu’environ russie, est tué par une bombe placée septembre 1943. sous son lit par une résistante sovié- 2 000 Juifs à Vilnius (Lituanie), tique qui avait été embauchée dispersés dans quatre camps de tra- • Fin de l’été 1943 : Quarante Juifs comme femme de chambre. vail. • Eliahou Barzilai, le grand rab-

481 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Riga était le principal centre juif de Lettonie. Lors de l’occupation de ce pays par l’Allemagne, en juillet 1941, plusieurs milliers de Juifs furent assassinés et 30 000 enfer- més dans le ghetto de Riga. Fin 1941, l’éminent historien juif Simon Dubnov fut massacré avec la plupart des survivants de la ville. Repeuplé par des Juifs allemands, le ghetto de Riga fut définitivement détruit en novembre 1943.

« De temps en temps, nous voyons des gens travailler sur les rails… plusieurs en uniformes de prisonniers de guerre. Nous leur demandons s’ils ont une idée de la destination de notre voyage. Ils haussent les épaules. L’un d’eux pointe son

La musique elle-même fut corrompue par les nazis. Pour calmer les doigt vers le ciel. nouveaux arrivants et leur faire croire qu’ils se trouvaient en lieu sûr, Nous ne comprenons l’orchestre du camp d’Auschwitz-Birkenau jouait des airs connus, gais, à la descente des trains. La musique accompagnait également la mort, comme le pas son allusion. » montre cette photo de Mauthausen. Les prisonniers sont conduits à la potence —Anneliese Borinsky, au son des violons et de l’accordéon de l’orchestre du camp. Les détenus rescapée appelaient cela la Symphonia diabolica, la symphonie du Diable.

bin d’Athènes, en Grèce, se déguise • 28-29 septembre 1943 : Cinq mille en paysan pour s’enfuir de la ville. Juifs d’Amsterdam sont déportés au camp de transit de Westerbork, aux • 26 septembre 1943 : Au camp de Pays-Bas. • La communauté juive de travail de Novogrudok, en Biélorus- Split (Yougoslavie) est exterminée dans le camp de concentration de Sajmiste sie, des Juifs achèvent de creuser un (Yougoslavie). • Les Juifs de Rome 1943 tunnel secret sous les barbelés. Sur livrent 50 kilogrammes d’or à la les 220 Juifs qui utilisent le tunnel Gestapo, comme il le leur a été pour tenter de s’évader, 120 sont tués ordonné. Le pape Pie XII avait accepté ou repris. de prêter aux Juifs italiens 15 kilo-

482 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Un prêtre belge se tient fièrement entre deux fillettes faisant leur pre- mière communion. La petite fille, à droite, Marie-Rose, est une jeune Juive qui se cachait pendant la guerre. Les Belges protestèrent contre la déportation des Juifs. Cer- tains Belges, notamment dans les forces de police, collaborèrent aux déportations, mais d’autres, en par- ticulier des prêtres et des religieuses, protégèrent et cachèrent des Juifs. Le fait que la Belgique était une démocratie et que les Juifs, dans l’ensemble, étaient intégrés aux grands courants économiques, et mêmes politiques, de la nation, contribua à encourager le type d’assistance Si quelque 4 000 enfants juifs de Belgique furent cachés pendant la guerre, dont bénéficia la jeune Marie-Rose. d’autres n’eurent pas cette chance. On estime que 65 000 Juifs vivaient en Belgique lors de l’invasion nazie. La première déportation des Juifs commença en juillet 1942 ; ils furent envoyés à Auschwitz, via Malines. Par la suite, quelque 25 000 Juifs furent envoyés à la mort, y compris tous ces enfants.

grammes d’or s’ils ne parvenaient pas à • 30 septembre 1943 : L’usine sonniers de guerre soviétiques assas- recueillir le montant par eux-mêmes. d’armement Krupp de Mariupol, en sinés à Ponary, en Lituanie, près de Ukraine, est démantelée et remontée Vilnius ; voir 15 avril 1944. • 29 septembre 1943 : Plus de 320 plus à l’ouest, à Fünfteichen, en Silé- Juifs et prisonniers de guerre sovié- sie (alors polonaise), où des Juifs y • Automne 1943 : Des techniciens repré- tiques de l’équipe de travail sur le sont réduits en esclavage. sentant Topf et fils, le fabricant allemand site d’extermination de Babi Yar, en de fours crématoires à Auschwitz-Birke- Ukraine, tentent une grande évasion. Septembre 1943-avril 1944 : Des nau, étudient la combustibilité des corps Presque tous sont aussitôt abattus, • associés à diverses catégories de coke. Juifs sont contraints d’exhumer au mais 14 parviennent à se cacher ; voir • Intensification des bombardements bri- 6 novembre 1943. moins 68 000 corps de Juifs et de pri- tanniques et américains sur l’Allemagne,

483 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

L’Agence juive, créée par la Société des nations dans les années Sévices sexuels dans les camps 1920, publie des informations sur le « massacre d’un peuple », dans Jewish Frontier (Frontière juive) d’oc- La violence sexuelle dans les camps revêtit plusieurs formes. De tobre 1943. L’Agence juive achemi- barbares expériences médicales menées par des médecins nazis pri- nait des orphelins en Palestine, vèrent des hommes et des femmes de leurs organes génitaux. À prônait le bombardement des voies Auschwitz, les femmes auxquelles la chambre à gaz était épargnée à ferrées menant à Auschwitz et exhor- leur arrivée, étaient contraintes d’exposer leur nudité dans les tait les Alliés à sauver les Juifs des douches devant des gardes SS lubriques qui se délectaient à leur camps de concentration. frapper la poitrine. Dans les camps, d’innombrables jeunes femmes furent enfermées dans des bordels. À Buchenwald, certains prisonniers politiques, connus pour leurs principes moraux et religieux furent contraints par les SS à se rendre au bordel du camp où étaient détenues des «volontaires » non juives du camp de concentration pour femmes de Ravensbrück. , la sadique surveillante SS d’Auschwitz- Birkenau, aurait eu des relations homosexuelles avec des prison- nières qu’elle envoyait ensuite à la chambre à gaz. Pour sauver leur vie, des femmes de Birkenau, affamées, se donnaient à des prison- niers en échange de la nourriture. Alors que l’idéologie raciale nazie interdisait les relations entre Juifs et « Aryens », il y eut des exemples de viol. Les nazis, cepen- dant, n’étaient pas les seuls à perpétrer des sévices sexuels. Les sur- vivants de Buchenwald rapportent que des garçons polonais et russes, certains âgés de 12 ans, furent contraints à des actes homo- sexuels par certains prisonniers. Les victimes de violences sexuelles ayant, pour la plupart, gardé le silence, cet aspect de la vie au camp est mal connu.

Un volontaire suisse, nommé l’abbé Gross (à gauche), tend une cigarette à un prisonnier du camp de transit de Gurs par la clôture de fil barbelé. Situé dans les Pyrénées fran- çaises, Gurs était un camp de déten- tion improvisé qui contint plusieurs milliers de Juifs avant leur déportation à Auschwitz. Des abris précaires, des chemins de terre qui devenaient boueux à la moindre pluie et des rations de famine rendaient les condi- tions extrêmement pénibles pour les détenus de Gurs.

notamment sur la Ruhr, région fortement • Octobre 1943 : Liquidation du industrialisée. • À Wlodawa, en Pologne, ghetto de Chernovtsy, en Roumanie. des Juifs attaquent la ferme Turno, une • Heinrich Himmler, chef des SS, exploitation appartenant autrefois à des prononce un discours lors de la Juifs et saisie par les Allemands. Les Juifs conférence sur la « solution finale ». mirent le feu aux bâtiments. Un Juif • Juste avant d’être assassinées, plu- nommé Yankel, qui vivait dans un trou 1943 sous le plancher de la grange depuis envi- sieurs femmes juives attaquent à ron un an, meurt quelques heures après mains nues des soldats SS à avoir été mis en sécurité par les Auschwitz. attaquants.

484 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

En vue d’empêcher les évasions du ghetto de Minsk (Biélorussie) vers les forêts, cette annonce rédigée en deux langues met en garde contre l’escalade de la clô- ture. Bien qu’encourant la mort, plusieurs habitants du ghetto prirent le risque. Guidées par d’audacieux enfants – certains âgés de 11 ans – des familles entières se réfugièrent dans la forêt où bon nombre rejoignirent le camp familial et l’unité de partisans de Shalom Zorin.

Moshé Gildenman, aussi appelé Oncle Misha, com- mandait une unité de partisans en Ukraine. Après que les nazis eurent tué sa femme et sa fille, le 21 mai 1942, Gildenman et son fils constituèrent un groupe de rebelles qui attaquaient les fermes allemandes et les postes de police ukrainiens. Lorsque son unité fut incor- porée dans un groupe de partisans non juifs en 1943, Moshé se porta volontaire dans l’armée soviétique. Il émigra en Israël en 1950 et mourut en 1958.

Près de Minsk, en Biélorussie, un soldat allemand pointe son revolver vers un Juif, peut-être suspecté d’être un partisan. Après la déportation de 4 000 Juifs de Minsk, en octobre 1943, seuls les quelques Juifs qui avaient réussi à se cacher demeurèrent dans le ghetto. Au début du printemps 1942, plusieurs s’étaient enfuis du ghetto dans les forêts voisines où ils rejoignirent des groupes de partisans comme l’unité Shalom Zorin qui compta par la suite 800 combattants.

• 2 octobre 1943 : La population rant la survie de presque tous. • 2-3 octobre 1943 : Aux Pays-Bas, danoise sauve environ 7 000 Juifs, • Les premiers parachutistes juifs les familles de Juifs enrôlés pour le dont 500 seulement sont pris par les palestiniens atterrissent dans les Bal- travail forcé sont envoyées au camp Allemands. Ces 500 Juifs sont kans. Ces Juifs acceptent d’aider de concentration de Westerbork, aux envoyés au camp / ghetto de There- d’abord les unités de résistance non Pays-Bas. sienstadt, en Tchécoslovaquie ; tous, juives au profit de l’effort de guerre 3 octobre 1943 : Au cours d’une inspec- sauf 77, survivront à la guerre. Le britannique. Ce n’est qu’alors que les • tion de routine des baraquements du gouvernement danois veillera sans Britanniques leur permettront camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau, cesse à la santé et au bien-être des d’aider d’autres Juifs. un médecin SS juge 139 détenus inaptes Juifs envoyés à Theresienstadt, assu- au travail. Ces détenus sont aussitôt gazés.

485 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Est représenté ici un enfant Les Juifs cachés prisonnier d’un Dans toute l’Europe, dans des greniers et Jugendschutzlager dans des caves, dans des placards secrets si (camp de « protec- petits qu’on pouvait à peine s’y accroupir, des tion » de la Juifs s’efforcèrent de se cacher pour échapper jeunesse) situé à leurs persécuteurs nazis. Ils furent parfois dans le ghetto de cachés par des amis non juifs ; parfois par de Lodz (Pologne). Le complets étrangers. Jugendschutzlager, À Amsterdam, la famille Frank, et plusieurs destiné aux autres, se cachèrent pendant des mois dans une Polonais non juifs, annexe secrète, approvisionnés en denrées de fut créé en base par Miep Gies. Dieuwke Hofstede (photo), une Néerlandaise, ouvrit ses portes à Henny décembre 1942. Kalkstein (à droite). Des couvents et des Environ 10 000 monastères cachèrent aussi des enfants juifs. enfants franchirent Dans la ville d’Assise, au nord de l’Italie, le ses portes ; la plu- père Rufino Niccacci fournit aux Juifs des faux part furent extermi- papiers d’identité et les aida à trouver des abris nés par la suite à et un travail. En France, le village du Cham- Chelmno et Ausch- bon-sur-Lignon tout entier, guidé par le pasteur witz. André Trocmé, se chargea de cacher et proté- ger des réfugiés juifs. En Europe orientale, il était extrêmement dif- ficile de trouver un endroit où se cacher. Alors que de nombreux Polonais étaient antisémites et que de nombreux autres redoutaient les conséquences d’une aide apportée à des Juifs, certains Polonais répondirent aux appels à l’aide. Irene Gut Oppyke cacha 12 Juifs dans la maison d’un officier alle- mand chez lequel elle était employée comme gou- vernante. À Wlodawa, en Pologne, un Juif nommé Yankel vécut pendant un an dans un trou creusé dans le sol d’une grange. La ferme elle-même était occupée par des soldats allemands.

Vladka Meed, qui utilisait cette carte d’identité au nom de Stanislawa Wachalska pour vivre du côté aryen de Varsovie, la mit à profit pour aider le mouve- ment de Résistance du ghetto. Fournissant des armes à feu aux combattants du ZOB, elle aida également des Juifs à quitter le ghetto et à trouver un abri. L’héroïsme de V. Meed et d’autres personnes joua un rôle décisif dans le succès des mouvements de Résistance à Varso- vie et dans d’autres ghettos polonais.

• 4 octobre 1943 : Dans un discours d’accouchement de l’hôpital de Craco- adressé aux officiers supérieurs SS, vie (Pologne), où ses contractions ont Heinrich Himmler, leur chef, souligne commencé, pour se trouver face à deux que le meurtre est pénible, mais néces- agents de la Gestapo. Elle garde son saire et que le meurtre des Juifs ne doit calme et les agents de la Gestapo lui disent de retourner au lit. jamais être évoqué en public. 7 octobre 1943 : Une unité de parti- 1943 6 octobre 1943 : Helen Manaster, une • • sans juifs actifs près de Vilnius Juive se faisant passer pour une catho- (Lituanie) détruit plus de 50 poteaux lique, est appelée à sortir de la salle télégraphiques le long de la route de

486 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Josef Glazman était le commissaire adjoint de la police du ghetto de Vilnius (Lituanie) et le dirigeant du mouvement de jeunesse Betar. Ses négociations avec les dirigeants des mouvements de jeunesse aboutirent à la constitution d’un groupe de Résistance uni appelé FPO (Organisation des partisans unis). Glaz- man était chargé de réunir des rensei- gnements sur les forces allemandes et lituaniennes, d’entraîner de nouvelles recrues et d’organiser le logement dans le ghetto. Il fut tué en octobre 1943, au cours d’une fusillade contre les Allemands dans la forêt de Naroch.

Lorsque la guerre tourna au détriment des Allemands, ces derniers tentè- rent de dissimuler leurs crimes. Les Sonderkommandos, constitués pour la plupart de Juifs, reçurent donc l’ordre d’entreprendre l’exhumation des corps des millions de victimes de l’Allemagne nazie et de faire disparaître les dépouilles. Cette photographie montre une machine à broyer les os qui était utilisée pour pulvériser les parties du corps ne pouvant être incinérées. L’homme, à droite, du nom de Korn, brûla environ 46 000 corps, y compris celui de sa femme, durant les trois mois où il travailla dans le Sonderkommando.

Des prisonniers du camp de concentration de Buchenwald, en Allemagne, travaillent devant les chaînes de montages de l’usine de munitions de Gustloff Werke II. Construite en 1943, c’était l’une des principales usines d’armements de Buchenwald. Ce complexe exploitait 3 600 prisonniers. Le trai- tement particulièrement sadique réservé aux prisonniers par leurs gardiens nazis se traduisait par un taux de mortalité extrêmement élevé.

Vilnius à Grodno. • Dans un rapport guerre italiens sont assassinés par les dans mon potager » ; voir 11 octobre officiel, le chef allemand de la police en SS et les gardes ukrainiens à La Risiera 1943. • Au camp de la mort de Sobibor, Pologne recommande que les Polonais di San Sabba, en Italie, au sud de une révolte est organisée par des qui aident des Juifs soient châtiés sans Trieste. Sur les 1 920 Juifs de Trieste, travailleurs juifs et par des prisonniers procès. • Un millier de Juifs de Paris 620 sont massacrés par les SS. de guerre juifs de l’Armée rouge ; voir sont envoyés à la mort à Auschwitz. 13 octobre 1943. • 10 octobre 1943 : Yanis Lipke, un • 8 octobre 1943 : La veille du Jour du Letton non juif, sauve trois Juifs de • 11 octobre 1943 : Après avoir sauvé grand Pardon, plusieurs milliers de Riga en offrant aux gardes du ghetto trois Juifs du ghetto de Riga Juifs malades ou affaiblis sont gazés à deux paquets de cigarettes contre (Lettonie) sous prétexte de les Auschwitz. • Trois mille prisonniers de «quelques youpins qui travailleraient employer chez lui, Yanis Lipke sauve

487 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Un soldat italien et un marin italien s’étreignent pour célébrer l’annonce que l’Italie a déclaré la guerre à l’Allemagne. Pour de nombreux soldats, cette réjouissance allait être de courte durée. Le nouveau gouvernement de Des pêcheurs danois conduisent l’Italie, dirigé par le maréchal Pietro Badoglio, se rendit aux Alliés le 8 sep- un bateau chargé de fugitifs juifs par tembre et, cinq semaines plus tard, le roi Victor Emmanuel III prit une autre un détroit jusqu’à la Suède, pays mesure : la déclaration de guerre à l’Allemagne. En conséquence, des cen- neutre, au cours de la grande opéra- taines de milliers de soldats italiens des régions contrôlées par les troupes tion de sauvetage à l’échelle allemandes furent désarmés par les Allemands et envoyés dans des camps nationale. La nouvelle de la déporta- d’internement. Plusieurs milliers périrent. tion imminente des Juifs suscita une réaction rapide de la part des Danois qui mirent tout en œuvre pour sauver les citoyens juifs. Des embarcations de toutes tailles et de toutes formes furent utilisées pour acheminer les Juifs du Danemark en Suède, hors d’atteinte des nazis.

Un Juif, qui vient d’être appréhendé par un nazi danois (au centre en imperméable et chapeau noirs) est sauvé par ses compatriotes danois. Alors que le nazi escortait le Juif dans les rues, une foule en colère le contraignit à remettre son prisonnier à la police danoise. Une fois en sécurité au poste de police, le Juif fut aidé par les gendarmes à s’évader. La police danoise refusa constamment de collaborer avec les autorités d’occupation allemandes.

d’autres Juifs le lendemain, avec la tement distribués à des détenus du même ruse. • Au camp de la mort de camp de la mort de Sobibor ; voir 14 Sobibor, les nouveaux arrivants pani- octobre 1943. quent et se précipitent vers les barbelés ; ils sont alors mitraillés par 14 octobre 1943 : Leon Feldhend- les gardes. • ler et un officier soviétique juif Alek- sandr Pechersky, internés dans le 1943 • 13 octobre 1943 : L’Italie déclare la camp de la mort de Sobibor depuis guerre à l’Allemagne. • Haches, cou- septembre, fomentent une révolte et teaux et vêtements chauds sont secrè- une évasion au cours de laquelle 11

488 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Cette photo de groupe d’enfants danois fut prise dans un foyer pour enfants en Suède après leur évasion du Danemark. Le sauvetage des Juifs danois Le sauvetage des Juifs est l’une des rares histoires réconfortantes dans les tra- giques annales de la Shoah. En survivant, ces enfants juifs, sans le savoir, ont défié toutes les intentions géno- du Danemark cidaires des nazis. Les actions héroïques de la population danoise au cours de l’automne 1943 sauvèrent presque tous les Juifs du Danemark d’une mort certaine dans les camps de concentration nazis. Après l’occupation du pays par les Alle- mands, en 1940, le gouvernement danois résista aux pressions exercées par les nazis pour qu’il livre les Juifs. En 1943, les Danois intensi- fièrent la résistance, déclenchant une impla- cable réaction nazie. Imposant la loi martiale, les Allemands commencèrent en octobre à arrêter et à déporter les Juifs danois. Réagissant spontanément, les Danois aler- tèrent et cachè- rent les Juifs, les aidant à par- venir jusqu’à la côte et organisant secrètement une traversée jusqu’en Suède (photo). Parmi ces modestes sauveteurs danois, se trouvaient des policiers, des pêcheurs, des ecclésiastiques et des organisations sociales. En trois semaines, la population danoise transporta en lieu sûr, à bord de bateaux de pêche, plus de 7 200 Juifs, ainsi que près de 700 de leurs proches non juifs. Les nazis, certes, capturèrent 464 Juifs qu’ils envoyèrent au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchéco- Un policier suédois accompagne un réfugié juif slovaquie, mais l’aide se poursuivit, les Danois danois qui vient d’arriver au service social de Rebsla- envoyant des colis de nourriture à leurs com- gergade, en Suède. La participation suédoise fut déci- patriotes juifs emprisonnés à Theresienstadt. sive dans la réussite de cette opération de sauvetage. Juste avant la fin de la guerre, au printemps Non seulement le gouvernement se déclara prêt à 1945, des négociations permirent d’évacuer des accepter tous les réfugiés juifs du Danemark, mais la camps de concentration la majeure partie des Croix-rouge suédoise contribua à sauver les quelque Juifs scandinaves pour les acheminer en Suède. 500 réfugiés danois déportés au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie. gardes SS allemands et deux ou trois ment, dont Pechersky, survivront à la Juifs sont brièvement détenus au Col- gardes SS ukrainiens sont tués. 200 guerre ; voir 16 octobre 1943. legio militare de Rome, puis déportés Juifs, sur les 600 que contient le à Auschwitz. 477 Juifs sont abrités au camp, sont abattus ou sautent sur des • 16 octobre 1943 : Deux jours après Vatican et 4 238 autres trouvent mines ; parmi eux, le peintre néerlan- une violente révolte des Juifs au refuge dans des couvents et des dais Max Van Dam, âgé de 33 ans. camp de la mort de Sobibor, Heinrich monastères de Rome. Cependant, à Sur les 300 qui s’évadent, 100 seule- Himmler, chef de la SS, ordonne la cette date, plus de 8 300 Juifs italiens ment sont repris ; parmi les 200 éva- destruction du camp. • À Rome, les ont déjà été déportés à Auschwitz. dés, bon nombre rejoignent les forces Allemands fouillent chaque maison à partisanes soviétiques. 50 à 70 seule- la recherche de Juifs. Un millier de

489 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Stanislaw Szma- jzner, âgé de 16 Le Zyklon B ans, contribua à À six semaines d’intervalle, en 1943, un organiser la révolte camion parti d’Auschwitz se rendit à Dessau, en au camp de la Allemagne. Il revint avec des boîtes en fer her- mort de Sobibor, métiquement closes contenant du Zyklon B, en octobre 1943. nom sous lequel étaient commercialisés des Après le cristaux de cyanure d’hydrogène bleuâtres qui soulèvement, asphyxièrent plus d’un million de Juifs au camp Szmajzner fut l’un d’extermination d’Auschwitz. des prisonniers qui Le Zyklon B, un puissant pesticide mis au point réussit à s’évader pendant la Première Guerre mondiale, était utilisé pour combattre des maladies contagieuses en à et rejoindre les fumigeant des immeubles infestés de poux. Au partisans russes. Il début, c’est effectivement dans ce but qu’il fut uti- fut l’un des trois lisé à Auschwitz où le surpeuplement, la malnutri- membres de son tion et la groupe à survivre médiocrité à la guerre. des conditions sanitaires fai- saient peser la menace constante d’épidémies de dysenterie, Ernst von Weizsäc- de fièvre typhoïde et de typhus. Vers la fin de l’été ker était un diplomate 1941, cependant, les nazis expérimentèrent le Zy- de carrière qui servit klon B sur des prisonniers de guerre soviétiques. loyalement le régime Ils découvrirent que la vaporisation de ce composé nazi. Sa carrière sui- constituait un moyen particulièrement fiable et vit les traces de son efficace d’accélérer la « solution finale ». mentor, Joachim von Deux entreprises allemandes – DEGESCH, une filiale d’I.G. Farben, et la société Tesch & Ribbentrop, ministre Stabenow – firent des profits énormes en four- des Affaires nissant du Zyklon B aux SS. Elles le modifièrent étrangères. Weizsäc- même pour Auschwitz en en ôtant l’odeur ker fut secrétaire d’É- caractéristique qui avertissait en général les tat allemand dès la gens de la présence mortelle de leur produit. nomination de En 1942, Auschwitz utilisa 8,2 tonnes de Ribbentrop au poste Zyklon B. En 1943, 13,4 tonnes. Dans la plu- de ministre des part des cas, il était versé par de petites ouver- Affaires étrangères tures pratiquées dans le toit des chambres à jusqu’en 1943, date gaz bondées de Juifs. Une fois exposés à l’air, à laquelle il devint les cristaux produisaient un gaz mortel. Quelques minutes plus tard, après des cris de ambassadeur au Vati- panique, les victimes étaient mortes. can.

• L’ambassadeur allemand au Vatican, cer une parole de désapprobation. » Le Ernst von Weizsäcker, complimente le pape est « circonspect afin de ne pas don- Saint-Siège pour sa « parfaite ner au peuple allemand l’impression qu’il impartialité » entre l’Allemagne et les a fait ou a voulu faire ne serait-ce que la Alliés. Lorsque Weizsäcker demande ce plus petite chose contre l’Allemagne que fera le pape Pie XII au cas où le gou- durant cette terrible guerre. » vernement allemand persisterait dans son 1943 actuelle politique envers les Juifs en Italie, • 17 octobre 1943 : Une unité de par- le secrétaire d’État au Vatican, Maglione, tisans juifs commandée par Abba répond que « le Saint-Siège ne voudrait Kovner détruit deux locomotives et pas être mis en position d’avoir à pronon- deux ponts près de Vilnius (Lituanie).

490 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Sur une photo de famille d’une époque plus heureuse, Leone Biondi et Virginia Piperno sont représentés avec trois de leurs six enfants. Octobre 1943 marqua une nouvelle étape dans le contrôle exercé par les Allemands sur les affaires italiennes après l’occupation de l’Italie du Nord. Des ordres furent donnés de rassembler et de déporter les Juifs de Rome et, le 18 octobre, un mil- lier d’entre eux furent envoyés à Auschwitz. Grâce à l’intervention d’amis et de voisins italiens, de nombreux Juifs purent se cacher et éviter d’être pris, certains dans des églises et monastères catholiques. Les Biondi n’eurent pas cette chance ; la famille tout entière périt à Auschwitz.

Gertruda Babilinska travailla Tandis que les dirigeants juifs pendant quinze ans pour une des villes italiennes de Florence et famille juive. On la voit ici avec Venise avertissaient les Juifs de se l’un des enfants de la famille, cacher, les dirigeants de Rome Michael Stolovitzky. Après réagirent lentement aux nouvelles l’occupation allemande, elle refusa sur d’éventuelles déportations. Les d’abandonner la famille. Lorsque listes de noms et d’adresses ne M. Stolovitzky fut déporté à Ausch- furent pas détruites, ce qui vulnéra- witz et que sa fille mourut, G. Babi- bilisa de nombreuses familles. linska aida Mme Stolovitzky et Franza et Enrica Spizzichino, Michael à s’évader, d’abord à Var- âgées respectivement de sept et dix sovie, puis à Vilnius. Là, elle loua ans, qui posent ici sur une un appartement dans lequel elle bicyclette à Rome, furent parmi les cacha Michael. Comme la mère de déportés. Les fillettes, leurs parents Michael mourut elle aussi, G. Babi- et leur frère Mario furent traqués et linska se chargea de Michael après déportés à Auschwitz où ils furent la guerre. Tous deux émigrèrent en assassinés à leur arrivée. Israël où elle fit en sorte qu’il reçoive une éducation juive.

•L’ambassadeur allemand au agences allemandes à Rome. » • 23 octobre 1943 : 1 800 Juifs polo- Vatican, Ernst von Weizsäcker écrit à nais détenus jusqu’alors à Bergen- son ministère des Affaires étrangères • 20 octobre 1943 : Création de la com- Belsen (Allemagne), arrivent à que le Sacré Collège est « particuliè- mission des Nations unies sur les crimes Auschwitz où les femmes se révoltent rement consterné », car la rafle des de guerre ; voir 26 octobre 1943. devant les chambres à gaz, tuant un Juifs à Rome se produit « sous les garde SS et en blessant deux autres. fenêtres même du pape. » Il souligne • 21 octobre 1943 : Au cours de la der- Des renforts SS utilisent des que le pape continue à tout faire nière Aktion, à Minsk (Biélorussie) grenades à gaz et des mitrailleuses pour « ne pas perturber les relations environ 2 000 Juifs sont massacrés à pour soumettre et tuer les avec le gouvernement allemand et les Maly Trostinets. résistantes. • En Lituanie, une unité

491 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La Résistance juive

Alors que tout s’y opposait, de dirigeants juifs et les membres du truction par les détenus d’un four nombreux Juifs bravèrent coura- conseil qui refusèrent d’obéir aux crématoire à Auschwitz fut un geusement les nazis, tandis que directives nazies le payèrent de acte courageux et désespéré qui, d’autres combattirent activement leur vie. malheureusement, ne sauva pas contre eux. La Résistance juive Dans des circonstances d’une beaucoup de vies. La plupart des contre les nazis revêtit des extrême difficulté, les Juifs entre- rebelles furent tués. formes très diverses. prirent aussi une résistance Des dizaines de milliers de Dans les ghettos et dans les armée dans les ghettos et dans Juifs combattirent les nazis au camps d’Europe orientale, les les camps, et combattirent les cours d’actions partisanes. À l’ins- Juifs ne purent souvent opposer nazis dans des unités de parti- tar des guérillas urbaines et des que leur « résistance spirituelle. » sans. Des révoltes se produisirent saboteurs – ou de simples assas- Ils s’efforçaient par tous les dans plus de 40 ghettos. Bien sins se cachant dans les mon- moyens de sauvegarder leur qu’écrasé par les Allemands, le tagnes, les bois et les marécages dignité et leur héritage culturel. soulèvement de Varsovie, en – ils infligèrent des dommages Ils résistèrent opiniâtrement à la considérables aux opérations alle- politique de déshumanisation mandes. En Pologne orientale et pratiquée par les nazis, entre en Russie occidentale, des soldats autres par des cérémonies reli- soviétiques parachutés dans la gieuses interdites, des concerts région commandèrent des unités ou des pièces de théâtre. Ils orga- de volontaires juifs. Une brigade nisèrent des cours d’hébreu, juive lituanienne opérait dans les publièrent des journaux et décri- forêts denses des environs de Vil- virent la vie dans les ghettos et nius. En Biélorussie, les frères dans les camps soit en images, Bielski menèrent un groupe de soit en tenant des journaux combat juif qui parcourait la intimes et des archives. 1943, revêtit une importance forêt de Naliboki. Les hommes Les Juifs constituèrent d’actifs symbolique considérable. Il infli- de cette photo agissaient dans la réseaux clandestins qui fournis- gea des pertes importantes aux forêt biélorusse de Rudninkai. saient secrètement vivres, vête- Allemands, prouva que les Juifs En Yougoslavie, l’armée de libé- ments et médicaments, n’étaient pas des victimes pas- ration nationale de Tito compre- permettant ainsi à ceux qui sives et inspira des organisations nait 4 000 Juifs. Plus de 1 500 étaient pris au piège de prolon- de résistance et des individus combattants juifs participèrent au ger leur existence. En refusant dans d’autres ghettos ou d’autres malheureux soulèvement en Slo- de succomber devant les nazis et camps. vaquie, en 1944. En France, l’Or- en s’accrochant plutôt à la vie En dépit de l’éventualité d’un ganisation juive de combat dans les conditions les plus terrible châtiment – et en dépit contribua au débarquement en atroces, les Juifs montrèrent leur des clôtures, des tours de guet, Normandie en entreprenant 1 900 façon de « sanctifier la vie », ainsi des mitrailleuses, des projecteurs attaques armées et d’innom- que leur volonté de survivre. et des chiens violents – des soulè- brables sabotages de voies ferrées, Dans certains camps, les Juifs pri- vements éclatèrent dans quatre usines et ponts. La moitié de ses rent l’initiative de ralentir le tra- camps de la mort et dans plu- 2 000 membres périrent. Un vail ou affichèrent de façon non sieurs camps de concentration. maquis juif aurait cependant tué violente leur insoumission. Les Hautement symbolique, la des- plus de 1 000 nazis.

de partisans juifs détruit les lignes de brûler les corps au camp de travail de télégraphe et de téléphone le long de Janówska en Ukraine. • Heinrich la voie ferrée Vilnius-Lida. Himmler, chef des SS, ordonne la destruction de la collection de crânes • 25 octobre 1943 : Des membres de et de squelettes de Juifs de l’Institut la communauté juive de Dvinsk, en anatomique du Reich, à Strasbourg ; 1943 Lettonie, sont déportés au camp de voir 21 juin 1943. • Libération par concentration de Riga-Kaiserwald, en l’Armée rouge de Dniepropetrovsk, Lettonie. • Les Allemands commen- en Ukraine. cent à liquider l’équipe chargée de

492 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

PRINCIPAUX GROUPES DE RÉSISTANCE JUIVE EN EUROPE ORIENTALE, 1942–1944

mer Baltique REICHSKOMMISSARIAT OSTLAND Kovno Vilnius Mogilev Régions où opéraient les partisans juifs 0 100 miles Minsk SOUS Grodno Novogrudok ADMINISTRATION 0 200 kilomètres BIALYSTOK MILITAIRE ALLEMANDE Bialystok GRANDE ALLEMAGNE N Varsovie Brest Litovsk Lublin REICHSKOMMISSARIAT Les mains au-dessus de la tête, UKRAINE des résistants présumés sont gardés Czestochowa GENERAL- GOUVERNEMENT Rovno par un membre de la milice française, revolver au poing. La Cracovie PROTECTORAT DE Przemy«sl milice fonctionnait comme le corps BOHÊME & MORAVIE Ternopol de police du gouvernement de SLOVAQUIE Bolekhov Vichy et comme agents secrets pour ROUMANIE traquer les membres du Maquis, la HONGRIE Résistance française. Comptant quelque 29 000 volontaires à l’au- Plus de 20 000 Juifs se trouvaient dans les groupes de partisans des tomne 1943, la milice se livra de forêts d’Europe orientale, pour la plupart évadés des ghettos de la région. plus en plus à l’assassinat dans sa Les partisans luttaient pour survivre tout en planifiant des attaques avec un quête du pouvoir. arsenal d’armes limité.

Un macabre monceau de corps brûlés témoigne du grand massacre perpétré à Maly Trostinets, près de Minsk, en Biélorussie. Lors de la liquidation du ghetto de Minsk, fin octobre 1943, plus de 2 000 Juifs furent transportés à Maly Trostinets pour y être assassinés. Au total, des dizaines de milliers de Juifs furent exécutés sur ce site.

• 26 octobre 1943 : Trois mille Juifs • 30 octobre 1943 : Le docteur Zelik sont tués, dix s’évadent. • L’équipe sont déportés de Kovno (Lituanie) au Levinbok, un médecin juif interné au chargée de brûler les corps se révolte à camp de travail de Klooga, en camp de Koldichevo en Biélorussie, Borki, en Pologne. Cinquante sont tués Estonie. • Première réunion à s’évade avec sa femme et son fils âgé et trois survivent. • Premiers décès au Londres de la commission des de huit ans. camp de travail silésien de Fünfteichen, en Pologne. • Démolition du camp de Nations unies sur les crimes de Novembre 1943 : Les nazis rasent le la mort de Sobibor. guerre, composée de 14 nations • camp de la mort de Treblinka. • Szosz- alliées (l’Union soviétique n’en fait nik, un professeur d’hébreu, dirige la • La campagne de Breckinridge pas partie). résistance des détenus au camp de la Long, fonctionnaire au Département mort de Majdanek. Plusieurs centaines d’État, contre l’immigration juive

493 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

En novembre 1943, Joseph Staline, Franklin Roosevelt et Winston Chur- chill se réunissent à Téhéran (Iran). Ils discutent de tactique militaire et de la création d’une organisation internationale ayant pour vocation de régler pacifiquement les conflits entre nations. Staline souhaitait particulièrement l’ouverture d’un second front pour réduire la pression allemande sur l’Armée rouge. Sont représentés sur la photo (de gauche à droite) le ministre soviétique des Affaires étrangères, Viacheslav Molotov, l’envoyé des États-Unis, W. Averell Harriman, Churchill et Staline.

Ivan Vranetic cacha des dizaines de Juifs en Yougoslavie. Il les abrita Ce violon finement travaillé dans des granges et, à l’occasion, appartint autrefois à Henry Rosner, chez lui. Mais, comme son village prisonnier au camp de travail forcé Topusko se trouvait à proximité de de Plaszów qui était commandé la frontière allemande, les soldats par le sinistre Amon Goeth. Rosner allemands procédaient souvent à et son frère Poldek, accordéoniste, des fouilles pour trouver des Juifs divertissaient Goeth et son fréquent cachés. Lorsque cela se produisait, invité Oskar Schindler, à d’innom- Vranetic cachait les Juifs dans la brables dîners. L’engouement de forêt. Après la guerre, Yad Vashem Schindler pour la musique de Ros- le qualifia d’« homme d’honneur ». ner le conduisit à ajouter la famille Vranetic réside aujourd’hui en Rosner au complet à la liste des Israël. 1 100 travailleurs pour son usine de munitions de Brinnlitz. Bien que le violon ne soit jamais arrivé à l’usine, Rosner retrouva son cher instrument – et sa femme – après la guerre.

atteint son sommet lorsqu’il fait un d’autres pays et bon nombre des faux témoignage devant la réfugiés n’étant pas juifs. Les chiffres commission des Affaires étrangères de Long ne s’appliquent qu’au de la Chambre des Représentants. Il nombre de visas délivrés par les informe la commission que les États- États-Unis. Le chiffre net de réfugiés Unis ont accueilli 580 000 réfugiés allemands restés aux États-Unis n’est depuis 1933. Il insinue que la plupart que de 51 960. Entre l’attaque de 1943 sont Juifs et qu’ils demeurent aux Pearl Harbor et la fin de la guerre, États-Unis. En fait, moins de 200 000 seulement 21 000 réfugiés demeurent dans le pays, plusieurs supplémentaires sont admis aux ayant émigré des États-Unis vers États-Unis.

494 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Oneg Shabbat

Convaincu qu’il fallait impérativement témoigner de l’inhumanité de l’attaque lancée par les nazis contre les Juifs de Varsovie, l’his- torien juif Emanuel Ringelblum (à gauche, sur la photo) entreprit de recueillir et de préserver des données sur la vie dans le ghetto. Sous sa direction, un petit groupe d’écrivains, journa- listes, enseignants et étudiants en histoire constituèrent Oneg Shabbat (Délice du Shab- bat). Cette opération clandestine, qui porte le nom des réunions clandestines du groupe le Shabbat, créa des archives secrètes assurant la La maquette du four crématoire II d’Auschwitz-Birke- chronique du vécu juif. L’équipe de Ringelblum nau, construite et sculptée en 1991 par l’artiste Miec- encouragea les habi- zyslaw Stobierski, décrit le processus subi par les tants à écrire leurs victimes. Les unités responsables de l’enlèvement des mémoires et à tenir corps des chambres à gaz, de leur transport jusqu’aux un journal. Elle fours et de l’incinération étaient appelées Sonderkom- recueillit des docu- mandos. Ceux qui étaient sélectionnés pour ces tâches ments clandestins atroces recevaient des rations supplémentaires et comme des journaux du ghetto, des étaient mieux traités que le détenu moyen. Tous les trois affiches, des ou quatre mois, les membres des Sonderkommandos annonces, des rap- étaient envoyés aux chambres à gaz et traités exacte- ports et des statis- ment comme les milliers de victimes dont ils s’étaient tiques sur le ghetto. occupés. L’équipe réunit également les témoignages de réfugiés d’autres camps et ghettos arrivés à Karl Lowenstein était un Varsovie. Ringelblum lui-même tenait un jour- Juif placé à la tête de la nal. garde du « camp modèle » Les archivistes d’Oneg Shabbat tentèrent de de Theresienstadt, près de transmettre des témoignages en Occident, mais Prague, en Tchécoslovaquie. ils entreposèrent la majeure partie des docu- Ayant sous ses ordres 400 ments dans trois bidons de lait scellés, enterrés jeunes hommes, Lowenstein dans des endroits différents. L’un fut découvert disposait d’un pouvoir consi- en 1946, l’autre en 1950. Le troisième, qui dérable dans le camp. Il se contiendrait des informations sur la résistance, heurtait fréquemment au n’a pas encore été retrouvé. La plupart des conseil du ghetto à propos membres de l’organisation ne survécurent pas aux déportations de 1942. Ringelblum se cacha des privilèges accordés à lui- dans la partie non juive de Varsovie jusqu’à ce même et à ses hommes. qu’il soit arrêté, le 7 mars 1944, puis exécuté Finalement, les abus de pouvoir de Lowenstein condui- avec sa famille. sirent à sa révocation et à son emprisonnement par l’administration nazie du camp.

• 1er novembre 1943 : Joseph Staline, • 3 novembre 1943 : Trois cents Juifs des matelas. • Riccardo Pacifici, rab- Franklin Roosevelt et Winston Churchill de Borki, en Pologne, près de Chelm, bin de Gênes, en Italie, est déporté à signent la Déclaration de Moscou. sont contraints d’exhumer 30 000 Auschwitz avec 200 membres de sa Comme les Britanniques soupçonnent corps, pour la plupart des prisonniers communauté et 100 réfugiés juifs du les Juifs et les Polonais d’exagérer les de l’Armée rouge assassinés fin 1941. nord de l’Europe. • Mort du prêtre atrocités allemandes, la déclaration Les corps sont brûlés sur d’immenses catholique antinazi Bernhard omet les références aux chambres à gaz. bûchers. • Jacob Katz, un Juif chargé Lichtenberg en route pour le camp Tout en promettant la justice après la du nettoyage au camp de concentra- de concentration de Dachau, en Alle- guerre pour les assassins, elle ne tion de Budzyn, en Pologne, sauve magne. mentionne pas les Juifs. sept vieux Juifs en les cachant sous

495 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

PRINCIPAUX GROUPES DE RÉSISTANCE JUIVE Bernhard Lichtenberg, le doyen de la cathédrale St. Hedwig de Ber- EN EUROPE OCCIDENTALE, 1942–1944 lin, fut l’un des rares ecclésiastiques à condamner le régime nazi. Il rejoi- GRANDE- AreasRégion of où Jewish opéraient BRETAGNE Partisanles partisans Activity juifs gnit l’archevêque Clemens August PAYS-BAS N 0 200 miles von Galen de Münster pour s’oppo- Calais ser à la politique d’euthanasie et BELGIQUE 0 300 kilomètres pria publiquement pour les Juifs. Arrêté par la Gestapo, Lichtenberg proclama fièrement qu’il souhaitait Paris GRANDE rejoindre les Juifs déportés. Deux ALLEMAGNE ans de prison ruinèrent sa santé, ce qui n’empêcha pas les nazis de l’en- voyer à Dachau après sa libération OCÉAN FRANCE Limoges de prison. ATLANTIQUE Clermont-Ferrand SUISSE Périgueux Lyon Chambon Grenoble ITALIE Toulouse

Nice ESPAGNE Marseille L’Armée juive, un groupe de partisans français, fut active de 1942 à 1944. Elle fit passer des Juifs français en Espagne, pays neutre, fournit de l’argent pour aider les Juifs à se cacher et participa, en 1944, aux soulève- ments de Paris, Toulouse et Lyon.

Le président américain Franklin Roosevelt signe l’accord sur l’UNRRA, en 1943. L’United Nations Relief and Rehabilitation Agency était financée par les Alliés, mais, durant ses cinq années d’existence, cette agence fut financée principalement par les États- Unis. Placée sous la direction du maire de New York Fiorello La Guar- dia, l’UNRRA fut d’une grande aide pour les non Juifs et, accessoirement, pour les Juifs vivant dans des camps de personnes déplacées.

• 3-4 novembre 1943 : Les Allemands • 4 novembre 1943 : Les Allemands entreprennent l’Erntefest (fête des répriment une révolte de détenus dans moissons), un massacre planifié des le camp de travail de Szebnie, en Juifs dans trois camps de la région de Pologne. Le camp est liquidé ; environ Lublin, en Pologne. Environ 18 000 3 000 Juifs sont déportés à Auschwitz. sont assassinés à Majdanek, 10 000 à 1943 Trawniki et 15 000 à Poniatowa. Dans • 6 novembre 1943 : Cinq semaines après ce dernier camp, les Juifs qui s’être évadés d’une équipe de travail du résistent sont brûlés vifs dans un site de massacre de Babi Yar, en Ukraine, baraquement. quelque 14 Juifs et prisonniers de guerre

496 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La Résistance allemande

La Résistance allemande émana de milieux très divers. Des militaires, des pasteurs, des diplomates, des juristes et des dirigeants poli- tiques d’obédiences très variées s’unirent dans la conviction que le régime nazi devait prendre fin. Ils ne s’accordaient pas tous sur les moyens à utiliser pour atteindre cet objectif. À Munich, l’organisation de la Rose blanche des étudiants Hans et Sophie Scholl imprima des tracts contre Hitler, mais ils furent pris et exécutés. Le cercle Kreisau du comte Helmut James von Cette photo représente le cimetière de Hadamar, en Moltke (photo) préparait une nouvelle Alle- Allemagne, où fut mis en œuvre le plus grand magne guidée par des principes chrétiens. programme d’euthanasie. Les corps des victimes – qui Leur projet d’un avenir débarrassé du nazisme avaient reçu des injections mortelles, avaient été aboutit à leur mort. Le groupe militaire sous la direction du colo- gazées ou qu’on avait simplement laissé mourir de nel Claus von Stauffenberg conspira pour assas- faim – furent en général incinérés. La famille était infor- siner Hitler dans un attentat à la bombe et pour mée qu’ils étaient morts d’une maladie contagieuse. En établir un gouvernement qui ferait la paix avec 1942 et 1943, plusieurs responsables du programme les Alliés. Leur complot faillit réussir, mais Hit- d’euthanasie apportèrent leur « talent » dans les camps ler survécut. Les conspirateurs et quiconque de la mort d’Europe orientale. était en relation avec eux, y compris le pasteur luthérien Dietrich von Bonhoeffer, furent tués. Le maréchal Wilhelm Certains furent abattus, d’autres furent tortu- Keitel était le chef d’état- rés, puis envoyés à la prison de Plötzensee où major du haut commande- ils furent suspendus à des crochets de bouche- ment allemand. Conseiller rie pour provoquer une lente agonie. militaire le plus proche Dans toutes les couches de la société, des d’Hitler, Keitel ne remit Allemands guidés par leur conscience et leur jamais en question les conviction s’opposèrent à la tyrannie nazie et plans d’Hitler et garda le entravèrent la persécution croissante des Juifs. Bon nombre perdirent la vie pour avoir défié silence lorsqu’il était en l’autorité. désaccord avec le Führer. De nombreux ordres concernant les opérations génocidaires en Europe orientale portent la signa- ture de Keitel. Keitel fut reconnu coupable de conspira- tion, de crimes contre la paix et de crimes contre l’humanité par le tribunal militaire international de Nuremberg. Sa requête d’être fusillé comme un soldat ayant été rejetée, le maréchal Keitel fut pendu le 16 octobre 1946. soviétiques sortent de leur cachette pour trois autres Juifs sont accusés d’avoir et mettre en œuvre un plan d’action des- accueillir l’Armée rouge qui libère Kiev, épargné la déportation à 55 Juifs du tiné à sauver les Juifs survivants en en Ukraine. ghetto, en falsifiant des rapports sur la Europe. » Cette résolution sera la base du population. • Le sénateur américain Guy War Refugee Board (WRB). • Création • 9 novembre 1943 : Deux cents Juifs de Gillette et les députés Will Rogers et de l’UNRRA (United National Relief and Venise (Italie) et quatre cents autres de Joseph Baldwin introduisent une résolu- Rehabilitation Administration). Florence et de Bologne sont déportés à tion au Congrès, appelant le président à Auschwitz. • Au camp / ghetto de There- constituer « une commission d’experts • 10 novembre 1943 : Exécution, à sienstadt, en Tchécoslovaquie, le chef du dans les domaines de la diplomatie, de Hambourg, du théologien protestant Conseil des anciens, Jacob Edelstein, et l’économie et de la défense pour élaborer antinazi Karl Friedrich Stellbrink.

497 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Kurt Waldheim La carrière de Kurt Waldheim illustre la facilité avec laquelle cer- tains individus évoluèrent entre la société civile et le nazisme. Lorsqu’en 1987, le ministère de la Justice des États-Unis inscrivit son nom sur sa Liste de surveillance en tant que criminel de guerre présumé, le voile du secret entourant le passé de Waldheim fut rapidement levé. Kurt Waldheim entra à la faculté de droit de l’université de Vienne, en 1937. Après l’Anschluss, il s’inscrivit à l’Association des étudiants nazis et devint membre des SA (Sections d’assaut). Soldat de la Wehrmacht, Waldheim participa aux campagnes en France et en Russie et fut blessé en décembre 1941. Le service de Waldheim dans les Balkans, de 1942 à 1945, lui fit connaître directement les atrocités perpétrées contre les partisans yougo- slaves. Bien qu’il n’ait pas personnellement par- ticipé aux massacres, il fit l’objet d’une enquête et la commission autrichienne qui étudiait son rôle trancha qu’il s’était trouvé proche de personnes qui avaient perpétré des atrocités et qu’il n’avait rien tenté pour les en empêcher. Cette circulaire encourage les Après la guerre, Waldheim prit immédiatement ses distances vis- Palestiniens à faire des dons pour à-vis de son passé nazi. Il rejoignit le corps diplomatique autrichien financer le sauvetage des Juifs euro- en 1945, fut ministre des Affaires étrangères de 1968 à 1970 et fut péens. Voici un extrait de ce texte : nommé secrétaire général des Nations unies en 1971. Bien que « Enfants d’Israël, écoutez ! Écoutez publiquement discrédité, Waldheim n’a pas encore été véritable- la voix qui demande de l’aide. Sou- ment confronté à son passé. venez-vous de vos frères à tout moment, lorsque vous étudiez et lorsque vous vous reposez, lorsque vous mangez et lorsque vous jouez. Regroupez-vous comme un seul homme pour sauver et soutenir [nos frères]. » Les Juifs cherchant à émigrer en Palestine sans autorisation devaient éviter la marine britannique qui ten- tait de les empêcher d’entrer. Fin novembre 1943, des Juifs à bord de trois bateaux, qui souhaitaient entrer en Palestine, furent détenus et envoyés dans un camp sur l’île Mau- rice. Devant se prendre en charge, les détenus créèrent un hôpital. Infir- mières et médecins durent relever de nombreux défis, notamment une épi- démie de typhus.

remplace sur une grande place pour un recen- Rudolf Höss au poste de commandant sement mal organisé. Il dure pendant d’Auschwitz. 18 heures sous une pluie glaciale. Une partie des Juifs meurent durant • 11 novembre 1943 : Au camp / ce recensement ou peu après. ghetto de Theresienstadt, en Tchéco- 1943 slovaquie, pour le 25ème anniversaire • 13 novembre 1943 : Un Juif nommé de la défaite de l’Allemagne dans la Fritz Lustig tente en vain de s’évader Première Guerre mondiale, les Alle- du camp de la mort d’Auschwitz-Bir- mands rassemblent les 47 000 Juifs kenau.

498 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Un four créma- toire isolé se dresse à l’extérieur de la clôture de Vught, aux Pays-Bas. Vught n’était pas un camp d’exter- mination, mais de nombreux prison- niers moururent durant leur déten- tion, notamment entre octobre 1943 et janvier 1944, lorsque le camp se trouva sous la direction du Sturmbannfüh- rer Adam Grüne- wald. Devant le four, se trouve un tas de cendres humaines.

Un mur en béton surmonté de verre brisé et de pointes en acier entoure une partie du camp de concentration de Vught, la principale gare de transit pour les Juifs dans le sud des Pays-Bas. Créé en décembre 1942, Vught reçut les premiers prisonniers juifs le mois suivant. Si les conditions dans le camp n’étaient pas aussi mauvaises que celles qui prévalaient en Europe orientale, il n’en demeure pas moins que Vught envoyait ses détenus à Westerbork, importante étape de l’aller simple pour Auschwitz.

Le ministre du Reich Richard Walther Darré accueille Hitler en 1943. La formation de Darré en agriculture et en économie le propulsa à la tête de l’Office central de la race et de la colonisation (RuSHA) et à la tête du Bureau de la politique agricole. Il fut limogé de ses deux fonctions pour avoir critiqué la façon dont Hitler et Himmler menaient la guerre et, banni, se retira dans son pavillon de chasse à Schorfheide, en Allemagne.

• 14 novembre 1943 : Les Juifs de abattus ou chargés sur des camions et région de Transnistrie. Ferrare, en Italie, sont déportés à emmenés à un autre endroit du camp Auschwitz. pour être exécutés. • 19 novembre 1943 : Les prisonniers du Sonderkommando 1005, une unité • 16 novembre 1943 : Les Juifs • 17 novembre 1943 : 995 Juifs chargée de brûler les corps, se réduits en esclavage et malades de néerlandais arrivent à Auschwitz ; 531, révoltent au camp de travail de l’usine de munitions de Skarzysko- dont 166 enfants, sont immédiatement Janówska, près de Lvov. Le dirigeant Kamienna, en Pologne, attirés hors gazés. • Le dictateur roumain Ion Anto- du soulèvement, Leon Weliczker, est de leurs baraquements par les nescu ordonne à son gouvernement de l’un des rares survivants. • Un millier promesses de soupe faites par des résister aux efforts investis par les Alle- de Juifs sont abattus au cimetière juif gardes ukrainiens et des SS, sont mands pour exterminer les Juifs de la de Sandomierz, en Pologne.

499 1943 • MORT ET RÉSISTANCE « On voyait des rats aussi gros que des chats courir et ronger les cadavres et même s’attaquer aux mourantes qui n’avaient plus la force de s’en débarrasser… [À l’intérieur], les paillasses étaient souillées, on ne les changeait que lorsqu’elles étaient complètement pourries. Les couvertures étaient si pleines de poux qu’on les voyait grouiller comme des fourmis. » —Marie Vaillant-Couturier, résistante française détenue à Auschwitz

Des garçonnets tsiganes décharnés, choisis pour subir l’ablation de leur pénis et de leurs testicules, sont catalo- gués par l’appareil photo d’Auschwitz. Hitler s’intéressait vivement à la stérilisation des « indésirables », moyen de contrôler la croissance des populations. Avantage corol- laire, du point de vue d’Hitler : les sujets stérilisés pouvaient s’avérer utiles en travaillant pour le Reich. Les médecins des camps nazis procédèrent sans vergogne à des opérations chirurgicales et autres procédés. Outre son aspect profondément contraire à l’éthique, une expé- rimentation médicale de ce type était souvent maladroite La partie principale de la synagogue de Cracovie, en et absolument infondée en termes de science véritable. Pologne, fut détruite durant l’hiver 1943-44. Amon Goeth, Le docteur Josef Mengele d’Auschwitz et les chirurgiens le commandant du camp de Plaszów, ordonna sans hési- d’autres camps étaient animés par une mentalité ter sa destruction pour laisser passer une ligne de chemin amorale du « et si ? », par une curiosité morbide sur ce de fer. Les communications par train étaient qui arriverait à un être humain si tel ou tel procédé était indispensables à l’effort de guerre nazi et des milliers de appliqué. Pour ces médecins, la souffrance humaine ne kilomètres de rails furent posés pour faciliter le mouvement comptait pas. des matières premières et du matériel de guerre.

• 22 novembre 1943 : Plus de 1 000 Les dirigeants alliés Winston Churchill, patients juifs de l’hôpital psychiatrique Franklin Roosevelt et Joseph Staline se de Berlin sont déportés à Auschwitz. rencontrent à Téhéran, en Iran. Ils dis- cutent d’un débarquement américano- • 23 novembre 1943 : 150 partisans britannique contre les Allemands à juifs s’évadent de Kovno, ville de partir de l’ouest. 1943 Lituanie occupée, et se dirigent vers l’Est dans la forêt de Rudninkai. • 30 novembre 1943 : Le ministre italien de l’Intérieur ordonne que tous les Juifs • 28 novembre-1er décembre 1943 : italiens soient internés dans des camps.

500 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La « vie » dans les camps

Les nazis soumirent les prison- Dans les baraquements toujours ou moisi, ou un peu de confiture. À niers des camps de concentration à surpeuplés et souvent sans chauf- midi, une infecte soupe de navets une déshumanisation qui débilitait fage, les prisonniers trouvaient diffi- trop liquide – contenant de vagues le corps et brisait l’esprit : alimen- cilement le sommeil. Entassés sur traces de pommes de terre et d’orge tation cruellement insuffisante, eau des châlits en bois de trois étages, – fournissait 3 à 400 calories. Sou- non potable, baraquements sur- deux ou trois personnes occupaient vent obligés de manger dehors, peuplés et infestés de poux, salles parfois l’espace prévu pour une même par un temps glacial, les pri- d’eau et toilettes innommables, seule – parfois sur des matelas de sonniers devaient boire leur soupe interminables heures d’un labeur paille, souvent à même la planche, dans des gamelles. De nombreux exténuant et, souvent, des puni- pas toujours avec des couvertures. prisonniers en étaient réduits à tions sadiques. Les sanitaires consistaient en uri- fouiller dans les poubelles situées La journée d’un détenu com- noirs et latrines qui n’étaient que des près des cuisines du camp, contrac- mençait extrêmement tôt. Redou- rangées de trous percés dans des tant la dysenterie pour avoir mangé tant d’être battus par les gardes qui dalles de bétons au-dessus de tuyaux des épluchures crues ou du chou juraient, les détenus épuisés se de vidange. Les lavabos consistaient pourri. Certains détenus volaient ou jetaient fébrilement à bas de leur en gouttières de faïence ponctuées échangeaient de la nourriture, couchette, rangeant à la hâte la de plusieurs robinets apportant de encourant un terrible châtiment. couverture. Se précipitant vers des l’eau de puits polluée. Les coups étaient routiniers. latrines crasseuses et heurtant les Les prisonniers étaient affamés Tout SS avait le droit de battre, ou centaines de personnes qui ten- en permanence et mouraient littéra- de tuer n’importe quel prisonnier. taient de se laver aux quelques lement de faim. Le matin et le soir, Les coups de fouet étaient infligés robinets, les détenus attendaient le breuvage sombre était parfois en général durant l’appel. Les pri- ensuite en rang le « petit déjeuner » accompagné de pain dur aigre. Si les sonniers s’étendaient sur des bancs souvent constitué d’un breuvage détenus avaient de la chance, le spéciaux, les jambes entravées, et amer et d’un morceau de pain. dîner comportait quelques grammes recevaient des dizaines de coups de Après un long appel, les équipes de saucisson, ou de fromage rassis bâton ou de fouet. de travail étaient constituées. Dans Un châtiment extrêmement dou- certains camps, les membres des loureux, appelé le « pilier », consis- groupes de travail étaient obligés tait à lier les mains des prisonniers de chanter en sortant du camp ; derrière le dos puis à les suspendre à l’orchestre du camp les accompa- une poutre ou à un arbre par une gnait. Certains prisonniers mar- corde attachée à leurs poignets. La chaient jusqu’à 15 kilomètres pour réclusion dans la « cellule debout » se rendre sur leur lieu de travail. était également terrible. Quatre pri- D’autres effectuaient un travail sté- sonniers étaient entassés pendant rile et torturant dans l’enceinte du plusieurs jours dans le noir absolu camp. Le soir, après 11 ou 12 dans un espace de moins d’un mètre heures de travail, les prisonniers carré, dans l’incapacité de s’allonger subissaient à nouveau l’appel, res- et disposant seulement d’une ouver- tant au garde-à-vous pendant des ture de 5 centimètres fournissant de heures, appel suivi du « dîner ». l’air. Les prisonniers capturés après L’extinction des feux avait lieu à 21 avoir tenté de s’évader étaient pen- heures. dus devant les autres détenus.

• Début décembre 1943 : Le • 12 décembre 1943 : Le président du nazis massacrent tous les hommes secrétaire d’État au Trésor des États- Conseil juif de Wlodzimierz Wolynski âgés de plus de 14 ans dans le village Unis, Henry Morgenthau demande à (Pologne), lieu d’un massacre de rue en de Kalávrita. ses assistants Randolph Paul et John 1942, affirme aux derniers habitants du W. Pehle, d’enquêter sur la façon ghetto qu’ils seront sains et saufs ; voir • 17 décembre 1943 : En représailles dont le Département d’État a traité 13 décembre 1943. à l’évasion de plusieurs Juifs du de la question des réfugiés juifs. ghetto, d’autres Juifs sont exécutés à • 13 décembre 1943 : Liquidation de Kovno, en Lituanie. • 2 décembre 1943 : 100 Juifs de la communauté juive de Wlodzimierz Vienne arrivent à Auschwitz. Wolynski, en Pologne. • En Grèce, les • 21 décembre 1943 : Hersz Kurcweig,

501 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Le rabbin Stephen S. Wise (à gauche) s’entretient avec le député américain Sol Bloom, de New York, au cours La vie des partisans d’une séance de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants. Les inlassables efforts de Pendant la Seconde Guerre mondiale, des Wise en faveur des Juifs d’Europe apportèrent peu de sou- dizaines de milliers d’hommes et de femmes lagement à ses frères persécutés. Au cours de cette séance rejoignirent les partisans qui opéraient princi- de décembre 1943, le rabbin Wise présenta à nouveau palement en Europe orientale et dans les Bal- le programme en six points qu’il avait suggéré huit mois kans. Agissant seuls, en équipe avec des plus tôt lors de la conférence des Bermudes. Ce membres de leur famille ou dans des unités programme appelait la Grande-Bretagne à ouvrir la Pales- nationalistes, les partisans menaient une vie tine à l’immigration juive. L’opposition britannique fit en précaire et dangereuse. sorte que l’idée ne puisse être sérieusement envisagée. De nombreux partisans élirent domicile dans les régions boisées d’Europe orientale, survi- vant grâce à des vivres pris au cours de raids. Pour éviter d’être découverts, ils s’abstenaient de construire des structures permanentes. Ils s’abritaient dans des tranchées ou dormaient sous des branchages et des feuilles. Les longues nuits d’hiver étaient particulièrement rigou- reuses, car le feu était un luxe que les combat- tants clandestins ne pouvaient s’offrir. La vie des partisans était différente pour les Juifs et pour les non Juifs. Alors que les parti- sans non juifs pouvaient s’éclipser pour trouver refuge chez des habitants de la région, très peu de personnes en Europe orientale étaient dis- posées à offrir un abri et des vivres aux parti- sans juifs. S’étant évadés d’un ghetto pour devenir partisans, les Juifs ne disposaient d’au- cun endroit neutre où ils auraient pu vivre sans être agressés par les autorités nazies. Traqués par les nazis, les partisans juifs étaient souvent haïs par les habitants de la région.

Les SS du camp de concentration de Neuengamme, en Allemagne, célèbrent Noël avec leurs familles en 1943 ou 1944. La guerre et la « solution finale » n’em- pêchaient pas le personnel du camp de prendre le temps de célébrer la fête. Tout au long de la guerre, les SS s’efforcèrent de maintenir la routine ordinaire pour les gardes du camp et leurs familles.

un Juif, et Stanislaw Dorosiewicz, un ridge Long, lui disant : « l’impression non Juif, s’évadent d’Auschwitz après générale est que vous, en particulier, avoir tué un garde SS. êtes antisémite ! »

• 22 décembre 1943 : La Gestapo • 23 décembre 1943 : Liquidation de la découvre 62 Juifs cachés dans la cave communauté juive de Pinsk, en d’un bâtiment de la rue Krolewska, à Pologne. • Le secrétaire d’État au Tré- 1943 Varsovie. Tous sont massacrés. • Le sor des États-Unis, Henry Morgenthau, secrétaire d’État au Trésor des États- est informé par son équipe que « tout Unis, Henry Morgenthau, s’en prend bien considéré, à cette date, l’attitude au secrétaire d’État adjoint Breckin- [du Département d’État] n’est guère

502 1943 • MORT ET RÉSISTANCE

Cette photographie de décembre 1943 montre des volon- taires SS bosniaques appe- lés Handoza. Ces soldats, qui se tiennent au garde- à-vous, semblent professionnels – du moins tout aussi intimidants que leurs homologues alle- mands. L’uniforme de chacun est orné de la croix gammée, de l’aigle allemand Edward R. Murrow, éminent correspondant de et du Totenkopf des SS (tête de mort). guerre américain de la radio CBS, exposa la politique La propagande d’extermination des Juifs menée par l’Allemagne. Mur- nazie s’étendait au- row avait déjà présenté à l’Amérique des rapports delà des rivages de fiables et dramatiques sur les événements allemands : l’Europe jusqu’en Amé- l’occupation de l’Autriche avant la guerre, la rique. Prétendant conférence de Munich, la prise du pouvoir par les Alle- émettre de l’Iowa, la mands en Tchécoslovaquie et la bataille d’Angleterre. station de radio nazie Ses courageux reportages constituaient une exception « Station Debunk » dans les médias américains souvent cyniques devant exhortait au pacifisme les rapports sur la Shoah. et condamnait la poli- tique du président Roo- Le fort n° 9 était une prison sevelt. Pour rallier le et un site de massacre à soutien de l’opinion Kovno, en Lituanie, où au publique à l’effort de moins 9 000 Juifs furent assas- guerre américain, des sinés par des Allemands et des écrivains célèbres et Lituaniens en octobre 1941. des personnalités de la Ce jeune homme, Abe Diskont, radio associèrent leurs était l’un des 64 prisonniers forces contre la propa- qui s’évadèrent du fort n° 9, la gande de l’Axe. Rex Stout (photo), connu pour être veille de Noël 1943. Il l’auteur des romans policiers mettant en scène le détective rejoignit plus tard des partisans Nero Wolfe, anima le programme de radio de CBS et mourut en combattant les intitulé The Secret Weapon (l’arme secrète) et fut le porte- Allemands en 1944. parole de The Voice of Freedom (La voix de la liberté). différente de celle d’Hitler. » en Pologne, 60 Juifs qui travaillent camion est immédiatement abattue. dans une équipe chargée d’exhumer • 24 décembre 1943 : Sur les 64 Juifs les corps tentent de s’évader par un • Fin 1943 : Le chef des SS, Heinrich qui s’évadent du Fort n° 9 près de tunnel, mais bien peu réussissent. Himmler, ordonne que le camp d’ex- Kovno (Lituanie), 32 sont rapidement termination de Belzec soit rasé, repris, cinq sont abattus et huit • 25 décembre 1943 : Des camions comme l’ont été les camps de la mort autres capturés près du ghetto de transportant des femmes juives nues de Sobibor et Treblinka. Sur le site Kovno. Dix-neuf pénètrent dans le effectuent régulièrement des voyages des trois camps, la terre est labourée ghetto, mais l’un, le rabbin Gabriel vers la chambre à gaz d’Auschwitz-Bir- par les Ukrainiens qui s’y installent. Shusterman, meurt gelé. • À Borki, kenau. Toute femme qui saute d’un

503