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Cette dévotion prit un essor considérable au début du xvie siècle, lorsque de terribles épidémies, telles que la peste, multiplièrent les causes de mort subite. C'est de cette tragique époque que datent la plupart des statues de sainte Barbe que nous rencontrons dans le moindre de nos villages. Il ne faut pas chercher d'autre origine à la statue de Poiseul. Cette dernière démontre, par la richesse de son ornementation, par le profusion de ses sujets, quel culte fervent son donateur avait voué à la jeune martyre de Nicomédie. Certes nous ne pouvons pas parler d'œuvre d'art. La sainte manque de grâce et de vie. La tour est quelque peu prétentieuse et disproportionnée. Par contre le riche païen et le donateur sont mieux traités et oll'rent un accent de vie vrai- ment remarquable. Quoi qu'il en soit, par ses détails inspirés de la réalité même, par l'élégante disposition de ses éléments, ce groupe constitue une des pièces les plus curieuses de la statuaire bourguignonne du début du xvi° siècle. De plus, grâce à son inscription, il nous permet de nous rendre compte, d'une façon non douteuse, de la raison et de la portée de la dévotion rendue à sainte Barbe à cette époque. Un tel exemple, incontestable, méritait donc d'être signalé et mis en valeur.

* * * TOPOGRAPHIE ANCIENNE DE LA BANLIEUE DIJONNAISE DES BORDS DU SUZON AUX CONFINS DE BELLEFOND ET DE RUFFEY (par M. le chanoine M. Chaume, président) L'aspect primitif de cette portion de la banlieue dijonnaise s'est trouvé complètement bouleversé par suite de la construction, vers 169(1, de la nouvelle route de Langres qui, sortant du faubourg Saint-Nicolas entre le nou- veau cours du Suzon et le couvent des Capucins, aujourd'hui caserne Vaillant, file tout d'abord droit au nord, pour s'infléchir ensuite légèrement, à la hauteur de la ferme de Valmy, dans la direction du nord-nord-est, et traverser Norges- la-Ville, avant de rejoindre, à la source de Gueux, l'ancienne chaussée romaine dite « Voie d'Agrippa ». — Dans le dernier tiers du xixc siècle, l'établissement de la ligne ferrée de à is-sur-Tille, construite en bordure de la même chaussée jusqu'aux limites de la commune de Rulïey, n'a pas modifié de manière sensible l'aspect du territoire : il en eût été tout autrement si l'on avait réalisé le projet conçu par les premiers ingénieurs, puisque la voie, au lieu de contourner la ville par le sud, se serait directement dirigée vers le nord-est en passant par la place Darcy et la place Barbe 1. Une hypothèse ingénieuse, mais très vraisemblable, situe à l'extrême nord du territoire de Dijon le théâtre de la bataille fameuse, dite « combat de cava- lerie », qui, en juillet de l'an 52 avant notre ère, tourna au désavantage des Gaulois, et contraignit Vercingétorix à battre en retraite sur Alésia. César et ses légions étaient arrivés, autant qu'on puisse le conjecturer, par le vieux che-

1. Un plan de 1865, conservé aux Archives municipales (cote provisoire, O2-55 /11), nous donne le détail du tracé. Au sortir de la gare et au delà du pont de l'Arquebuse, la voie se dirigeait en tranchée ouverte vers Saint-Bénigne, puis s'infléchissait au milieu de la rue Mariotte pour emprunter un tunnel, qui lui permettait de franchir la place Darcy juste devant la Porte Guillaume ; elle revenait à l'air libre pour traverser le château, supposé démoli ; un nouveau tunnel aménagé sous les rues Micbel-Servet, Montigny et Devosge la conduisait presque perpendiculairement sur la rue Colonel-Marchand ; après quoi, revenue définitivement, à l'air libre, elle effleurait la place Barbe et s'engageait le long de la rue de Jouvence, pour gagner la route de Langres qu'elle traversait au niveau de la grande allée de Pouilly, et retrouver 2 km. plus loin le tracé actuel. SÉANCE DU 2 AVRIL 1941 171

nin celtique ou préceltique dont Pierre Perrenet a naguère décrit le tracé, lepuis Langres jusqu'au gué de Chèvremorte et aux villages de la Côte dijon- îaise. Ils avaient franchi l'Ignon à la chaussée de l'étang de Marcilly, avaient ;agné l'emplacement de la gare actuelle de Gémeaux, passé aux sources de la ^orge, et finalement atteint Asnières : et c'est en descendant d'Asnières qu'ils ie seraient trouvés en face de l'armée gauloise, arrivée par le vieux chemin de Daix, et dont les trois camps étaient sans doute postés sur les hauteurs domi- îant . Il est difficile de préciser sur quel point la route suivie par César franchissait ie Suzon. On peut songer tout aussi bien au gué voisin de la ferme de la Charmette qu'aux « Ponts » d'Ahuy : dans la première hypothèse, on retrouverait des tronçons de cette route dans le chemin qui longe la lisière ouest du bois des Grottes d'Asnières et dans le chemin de la charme de Kompot, au nord de Fon- taines ; dans la seconde, elle se confondrait avec le chemin d'Asnières à Ahuy, passerait à la Maladière de ce dernier village, pour rejoindre le chemin de Rompot à un kilomètre environ au nord de Fontaines. Un autre très vieux chemin de la banlieue nord de Dijon est l'ancien chemin d'Is-sur-Tille qui, venu de Savigny-le-Sec, passait à la Charmette et longeait la rive orientale du Suzon, pour aboutir à Saint-Martin des Champs et à la porte au Fermerot (à l'extrémité nord de la rue de la Préfecture). A 800 mètres au nord de Saint-Martin, une bifurcation gagnait directement la Maladière en suivant un tracé que jalonnent aujourd'hui encore le chemin du bas des Fer- rières et la rue de Chateaubriand. — Dans la seconde moitié du xvme siècle, après la construction de la nouvelle route d'Is-sur-Tille (qui se détache, comme on sait de la route de Messigny, elle-même embranchée sur la nouvelle route de Langres) l'ancien grand chemin d'Is-sur-Tille était communément désigné sous le nom de « chemin des Charbonniers ». La « voie d'Agrippa », construite au début du règne d'Auguste, resta en usage, quoique avec des fortunes diverses, jusqu'aux temps modernes. Désignée au xvme siècle sous le nom de « chaussée de César » ou d'« ancienne levée des Romains », nous la trouvons appelée indiiTéremment, aux xive et xve siècles, « grand chemin de Langres » et « chemin du pont de Norges ». L'angle de la route de Rufïey, face au boulevard Pascal, marque l'endroit où se détachait de la voie d'Agrippa la voie secondaire qui, passant devant la Maladière, aboutissait à la porte nord du caslrum, en suivant approximativement le tracé de la rue de la Préfecture. Intermédiaire entre le grand chemin d'Is-sur-Tille et le grand chemin de Langres, le « grand chemin des Charmes d'Asnières », dit aussi « grand chemin de Norges », pénétrait sur le territoire actuel de la commune de Dijon à 300 mètres environ à l'est de la ferme de Valniy, et rejoignait le grand chemin d'Is-sur-Tille à 800 mètres au nord de Saint-Martin des Champs, juste à l'endroit où s'amorçait la bifurcation conduisant à la Maladière. La partie subsistante de ce chemin débouche sur l'actuelle route de Langres à 500 mètres au nord de l'allée conduisant à Pouilly 1. Dans la même région, et plus précisément entre le grand chemin d'Is-sur-Tille et le grand chemin des Charmes d'Asnières, les textes du xive et du xv" siècles signalent l'existence d'un « chemin des vaches... revenant à la Tour de Poilley ». Sauf erreur, ce chemin devait suivre à peu près le tracé de la route actuelle de Langres jusqu'au point où celle-ci rencontre le chemin d'Asnières à Dijon, et se confondre ensuite avec ce dernier. Les procès-verbaux des bornages de la banlieue de Dijon et des dîmeries de Saint-Etienne et de Saint-Bénigne font encore connaître, au nord de Pouilly, deux autres chemins parallèles au grand chemin de Norges (ou des Charmes

1. Si nous ne faisons pas erreur, et si nous interprétons bien les données du plan de la banlieue dressé en 1717, de la croix élevée en ce point partait également un «nouveau chemin d'Is-sur-Tille» qui n'eut qu'une existence précaire : ce chemin traversait en ligne droite les « Crais de Suzon » et la « Combe Monnot » pour rejoindre l'ancien chemin à 600 m. environ au sud de la Charmette. 172 SÉANCE DU 2 AVRIL 1941

d'Asnières) et à la voie d'Agrippa : le premier, celui qui est le plus à l'ouest, est dit « royc de Norges » ; le second, celui qui est à J'est, est dit « chemin de Bellefond ». Tous deux se détachaient d'un chemin unique, passant contre Pouilly et détaché du grand chemin d'is-sur-Tille à Dijon à moins de 100 mètres au sud-est du point d'intersection de celui-ci avec la nouvelle route de Langres •— à l'endroit où le chemin de Dijon à Pouilly (qui ne correspond que partiellement au chemin dont il s'agit ici) débouche sur la rue de Chateaubriand. A l'est de la voie d'Agrippa, et s'amorçant sur elle dans la direction du nord- est ou du nord-nord-est, les textes anciens mentionnent, à partir du sud : la « roye » ou « chemin d'Espirey » encore reconnaissable aujourd'hui de part et d'autre de la fontaine du Pâquier de Dijon ; la « rouelle de Champregnault tirant à Rufîey » dont le point de départ se situe en face du parc de Pouilly, à 300 mètres au sud de l'endroit où le rû de Pouilly passe sous la route ; le « chemin de Ruiïey » dont le tracé subsiste, à peine modifié, dans la route actuelle. Toutes les voies et tous les chemins que nous venons d'énumérer constituent une sorte d'éventail dont le pivot se trouve approximativement à l'extrémité nord de la rue de la Préfecture. Elles n'étaient coupées transversalement que par un très petit nombre de chemins secondaires, « rouelles » ou sentiers, dont l'emplacement n'est pas toujours aisé à déterminer. Nous citerons, en allant du sud au nord : le chemin de Fontaines à Pouilly, continué vers l'est, avant l'établissement du Parc de Pouilly, par le chemin de Pouilly à Saint-Apollinaire, et par le chemin de Pouilly à Epirey : ce dernier seul subsiste encore aujourd'hui ; la « rouelle » ou « sentier de la Provigne » qui devait se trouver quelque part au nord de la source du rû de Pouilly, dans Ja région qui porte aujourd'hui au cadastre le nom de « Friande » ; la « rouelle du clos d'Auberive » aboutissant sur la voie d'Agrippa, et dont le tracé forme de nos jours une partie de la limite nord-est du territoire de Dijon : du côté de l'est-sud-est, cette rouelle semble s'être continuée par un « chemin vendangeret, dit de Champ-Regnault, que mentionnent divers textes du xvnc siècle ; et du côté du nord-ouest par le « rouelle de Suilley », qui se prolongeait peut-être au delà de la « roye » et du « grand chemin de Norges » jusqu'aux Charmes des Nouelles (partie sud des Charmes d'Asnières du cadastre actuel) ; le « chemin de Fontaines à Bellefond » dont le tracé demeure incertain ; le « chemin de Lalée » ou de « La leue », de tracé et de facture fort ancienne, et qui s'identifie de façon certaine au chemin actuel d'Aliuy à Ruftey. Outre Pouilly et Epirey qui ne cessèrent pas d'être habités durant tout le cours du Moyen Age, et qui représentent l'un et l'autre d'anciens chefs-lieux de domaines de l'époque impériale, Pauliacus et Spiriacus, il semble que la partie nord du territoire de Dijon a renfermé encore deux, sinon trois villae gallo-romaines : Charencey, Carentiacus, dont nous avons indiqué l'emplacement probable à la Maladière de Dijon ; une villa innommée, construite à proximité du Suzon, et dont les Ueux-dits « Les Varennes dessous les Murots » et « les Murées de Prêles », au sud de la Charmette, pourraient bien conserver le souvenir : ne s'agirait-il pas de Pierre- fitte, Petraficta, mentionnée en 834 par une charte de Saint-Bénigne '? peut-être Suilley ou Sully, c'est-à-dire un Suliacus différent de celui qui existait au voisinage de Saint-Apollinaire : l'importance du lieu-dit Suilley ou Soillex, à 500 mètres au sud-est de la ferme actuelle de Valmy, la convergence probable de plusieurs « rouelles » ou chemins, le dessin de certaines parcelles et l'existence d'un point d'eau, semblent témoigner en faveur de cette hypothèse. La Charmette est d'origine moderne, de même que Valmy, dont le nom se rattache à un primitif « Vaulemin » — sans doute la combe qui descend vers le Suzon en direction sud-ouest (aujourd'hui « la Combe au Cerf »).