Fiche pédagogique

Luck by Chance

Sortie prévue en salles 02 décembre 2009

( et Isha Sharvani dans une scène du film dans le film)

Titre original : Les films "" bourré d'ambition et bien décidé à réussir à , la mecque du Film long métrage, Inde 2009 Luck by Chance, tout comme cinéma. Mais il n'a pas le sou et ne connaît personne. Dans le Réalisation : London Dreams (Vipul Amrutlal locatif où se sont installés deux de Shah, 2009) ou Blue (Anthony Interprètes : Farhab Akhtar D'Souza, 2009) sortis sur grand ses amis, qui ont trouvé du travail ( Jaisingh), Konkona écran en Suisse, semble avoir qui dans une équipe technique, Sen Sharma (Sona Mishra), uniquement un titre en anglais, qui en dehors des studios, il en- Hrithik Roshan (Zaffar Khan), fait pour l'exportation mondiale. tame une liaison avec Sona Mis- Rishi (Romy Rolly) Est-ce une nouvelle tendance hra, jeune comédienne qui attend (Ranjit Rolly), des films dits "Bollywood" ? Peut- depuis des années LE rôle que lui (Minty Rolly), être. a promis un producteur. Sanjay Kapoor (Ranjit Rolly), (Neena Walia), Les quatre jeunes gens vivotent Isha Sharvani (Nikki Walia), etc Grâce à Trigon Films, la première oeuvre de la et... attendent! Jusqu'au jour où la Scénario : Zoya Akhtar et Ja- réalisatrice Zoya Akhtar est chance sourit à Vikram lorsqu'on ved Akhtar sous-titrée dans nos deux lui propose de remplacer, dans principales langues nationales, l'urgence, un célèbre acteur qui Musique : , ce qui est rare. Les aficionados lâche un premier rôle, pour cause Loy Mensonsa, Ehsaan Noora- helvétiques des films hindis de surmenage. ni savent qu'ils doivent maîtriser Pour mettre toutes les chances de Version originale et an- l'anglais, qui est LA langue de son côté, Vikram joue la carte de glaise, sous-titrée français et sous-titrage de ces productions. allemand la flatterie avec une star vieillis- Nous intégrons dans cette fiche sante mais toujours puissante, qui Durée : 2h36 quelques généralités sur les films est aussi mère de la jeune pre- dits "Bollywood" et leur diffusion mière du film, et entame une liai- Distribution : Trigon Films en Suisse. son avec la jeune fille.

Public concerné : Synopsis Il sait que s'il veut profiter de cette Âge légal : 10 ans chance, il doit se débarrasser de Âge suggéré : 14 ans Luck by Chance, c'est l'histoire toutes les entraves... que sont de Vikram Jaisingh, un jeune devenus pour lui Sona, ainsi que homme fraîchement diplômé d'un cours d'art dramatique de , ses deux amis moins chanceux! ______Commentaires jeune inconnue se voit promettre Disciplines concernées : par un producteur ou réalisateur, Le propos du film est d'exposer on ne sait trop, un avenir de ve- Danse : influence des danses l'envers du décor et montrer qu'à dette. Pas immédiatement, il faut traditionnelles indiennes et des Bollywood, talent et volonté ne qu'ils se voient beaucoup, qu'il danses occidentales dans les suffisent pas, et de loin. Qui veut cerne bien son potentiel! À la chorégraphies Bollywood la fin ne doit pas lésiner sur les façon dont il la scrute, nous Education aux médias : les moyens, le hasard faisant rare- avons compris! codes du cinéma hindi, dit "Bol- ment bien les choses : rares sont Le montage du générique, en lywood"; genèse du cinéma bol- ceux qui ont "par hasard de la majeure partie au ralenti, illustre lywoodien; panthéon international chance", comme le suggère le les métiers techniques et coulis- des stars de Bollywood; la pro- titre. Les deux voies d'accès : le ses du cinéma, les costumes, les duction cinématographique in- casting couch (coucher...) ou le décors, les effets spéciaux, les dienne dans le cinéma mondial; népotisme (se faire pistonner...), voix derrière l'écran, les figurants, la presse people en France ce en quoi le film ne nous ap- ouvriers, cascadeurs, ouvreuses, (France Dimanche, Voici, Gala, Ici Paris, Point de vue, etc.) et en prend rien! L'originalité, ce sera projectionnistes... Un très beau Suisse; les blogs "people" (pe- de voir comment Bollywood se coup de chapeau à tous les obs- rezhilton.com); paparazzi et célé- dénonce tout en ne perdant pas curs sans lesquels il n'y aurait brités; sa cote d'amour ! Le film doit être pas de cinéma. On passe du vu et vendu, la critique reste donc plateau Antiquité égyptienne au Langues : l'anglais, "lingua fran- assez mesurée, mais le film plateau Empire romain, on croise ca" mondiale actuelle; histoire de convainc grâce à ses personna- des anges, des monstres, des l'impérialisme linquistique de ges et des situations qui sonnent robots : l'usine à rêves! Et ici et là l'anglais; histoire de l'impéria- juste. se dressent des portraits gigan- lisme linquistique du français; Népotisme et casting couch ne tesques : ceux des stars. Histoire : L'empire colonial bri- paraissent guère rebuter les per- Le film commence avec l'indica- tannique, sur lequel "le soleil ne sonnages du film, qui semblent tion "3 ans plus tard". Sona, la se couchait jamais"; l'Inde multi- majoritairement opportunistes, jeune fille de la séquence d'ou- ple, surpeuplée et divisée; dépourvus de loyauté, égocentri- verture, est toujours cantonnée ques et enclins à l'hypocrisie. dans des rôles de faire-valoir, Dans ce monde-là, ténacité et avec une ligne à dire ici ou là : cynisme, avec un peu de hasard, l'amie de l'amie, la cousine, la peuvent exceptionnellement faire voisine... On le constate dans l'affaire. Le quotidien est fait d'es- une scène d'un film se déroulant poirs déçus, de mensonges, et de dans les années 1930. La camé- ressentiments. Mélangeant co- ra cadre sur le visage de la ve- médie, drame et romance, la dette masculine. De Sona, on ne réalisatrice Zoya jette un regard voit que le dos. Jusqu'au "cut"! lucide, amusé et critique sur la Dans la séquence suivante, on faune qui forme son entourage découvre Vikram, à Delhi, suivant professionnel, dévoilant les intri- une classe d'art dramatique - gues, les compromis, les manipu- née dans une sorte de remise. On lations. Allusions, apparitions ou sourit en entendant le professeur imitations de stars truffent le film. (joué par , le ser- Les cibles de cette noce à Tho- gent Srinivas dans Slumdog Mil- mas sont surtout les producteurs, lionaire, 2008) expliquer à ses presque pathétiques dans leurs élèves qu'il est facile d'être un craintes superstitieuses et leur héros à Hollywood, mais pas à recours à des porte-bonheur pour Bollywood! Le métier est beau- s'assurer le succès. Ils n'en sont coup plus difficile en Inde : les pas moins les grands brasseurs acteurs doivent non seulement d'affaires et les faiseurs ou bri- savoir jouer, mais encore danser, seurs de carrières. Les réalisa- (faire semblant de) chanter, sau- teurs sont aussi brocardés, eux ter, nager, pratiquer les arts mar- qui vantent le scénario alors que tiaux, se battre, aller à cheval, être c'est surtout le casting qui de vrais athlètes... Et on sourit compte! encore plus quand on le voit Le film nous plonge avant le gé- corriger le jeu sobre de l'élève nérique dans le vif du sujet : une Vikram et lui dire qu'il doit y mettre

2 plus d'emphase! de deuxième classe qui ne la Quelques stars indiennes Pour Sona, l'attente se poursuit, porte pas aux nues, mais dont elle connues sur la scène internatio- pour Vikram, et les deux copains vit bien. Quant aux deux amis de nale : en quête de gloire dont on connaît Vikram, ils resteront dans la à peine le nom (c'est sans doute masse des semi-obscurs, l'un joue symptomatique!), elle commence. dans un petit théâtre de quartier, La réalisatrice est somme toute l'autre travaille comme régisseur- assez indulgente avec les acteurs accessoiriste. dont elle comprend les rêves, et les compromissions pour les réali- Quelques célébrités et des multi- ser. Même Zaffar, la star qui pré- tudes qui aimeraient prendre leur texte le burn-out pour quitter le place dans ce monde où la che- plateau (en réalité, on lui offre un ville ouvrière est multiple et ano- meilleur rôle), est plutôt sympathi- nyme. Ici, grands et petits canca- que. nent, dénoncent, mentent, s'em- brassent par-devant, se poignar- Les personnages principaux: dent par derrière. Les proches des Vikram est joué par le frère de la gens connus obtiennent des rôles réalisatrice. Son personnage est et les quidams talentueux sont fauché et ne connaît personne à refoulés. Les producteurs chan- Bollywood, il n'a donc pas de pis- gent d'avis, reniant leurs promes- ton. Mais il sait flatter, mentir, et ses. Les vedettes, comme Zaffar, faire preuve d'habileté pour ren- lâchent leurs commanditaires si contrer les gens utiles. Ténacité et une meilleure offre leur est faite. égocentrisme sont ses traits de C'est le très célèbre acteur Hrithik caractère qui semblent être un Roshan qui interprète l'acteur atout incontournable dans ce mé- prétendument surmené. Son per- tier. Quand il s'agit de sa carrière, sonnage est très séduisant, cha- il ne connaît plus ni amis, ni rismatique, manipulateur et il est amour. Lorsqu'il est convoqué assez puissant pour faire ce qu'il pour donner la réplique à Nikki veut. Son refus de jouer devient la

Salman Khan Walia, une jeune actrice qui grande chance d'un inconnu. monte grâce aux relations de sa Le film ne manque pas de rappe- mère, très bien introduite dans les ler que deux mégastars actuelles, milieux influents, Vikram sait jouer Amitabh Bachhan et Shahrukh habilement la carte du charme : il Khan, ont commencé leur carrière séduit mère (en apprenant sa de la même façon que Vikram, en carrière par coeur) et fille (en de- reprenant un rôle qu'un acteur venant son amant). La mère est connu avait abandonné. un personnage à la Gloria Swan- , l'un des fils du célé- son, dame de fer, mais toujours brissime , joue Romy sensible à la flatterie. La fille sem- Rolly, un producteur rondouillard, ble gentille et futile, on la sent roublard et manipulateur, dont les manipulée et pas vraiment à sa procédés ne manquent pas de place dans ce monde. Mais elle faire sourire. Dans une même obéit aux lois du milieu, et surtout scène, il dit noir à la personne en à celles de sa mère. Avec Nikki, face, et blanc à son interlocuteur cinq jeunes gens en quête de au téléphone. Il s'attribue toujours reconnaissance. Seuls Vikram et le rôle positif, il transforme ses Nikki atteindront le firmament. échecs en victoire. Cette propen- Sona Mishra a sans doute cédé sion à changer son histoire d'une aux sirènes du casting couch, et a seconde à l'autre, l’espace de cru aux promesses de son protec- deux plans, n'est pas son apa- teur. Jusqu'à ce qu'il lui fasse nage, c'est propre à ce milieu où il comprendre que pas une star ne faut adapter le discours à l'interlo- la veut comme partenaire! cuteur. Il n'est même pas antipa- Comme si elle était déjà fanée! thique, un malin qui arrive toujours Elle se rabattra sur des séries à faire croire qu'il est là pour vous! télévisées, une sorte de carrière Vantant les mérites de ses pro- Shahrukh Khan 3 ductions, il parle de Rollywood (se brillant de mille feux. Des centai- Quelques stars indiennes hissant ainsi au rang de Bolly- nes de danseurs et d'artistes de connues sur la scène internatio- wood, Tollywood et autres Molly- cirque forment le corps de ballet nale : wood!). qui se produit dans les airs et sur Neena Walia, le personnage de le sol. La caméra filme du haut de star vieillissante et richissime (il la tente ou tourne autour de faut voir les accessoires de mar- l'arène, le spectacle est total et que qu'elle arbore!) est plus re- flamboyant. doutable. Elle connaît toutes les Un deuxième numéro musical est ficelles, elle a une longue et glo- celui du couple cinématographi- rieuse carrière dans le milieu, et que, Nikki et Vikram, qui se dé- on ne la roule pas. Grâce à ses roule dans une nature paisible et relations et son argent, elle im- verdoyante, sur l'eau, dans les pose sa fille, et il n'y a pas de hautes herbes, entre les brancha- manager plus cynique et plus dur ges. Ce qui incite le producteur à qu'elle. Anna Magnani dans Bel- dire "On se croirait en Suisse!". lissima (Luchino Visconti, 1950) Le troisième est orchestré autour était une enfant de choeur en de Vikram qui est devenu une comparaison! On apprend qu'elle star, et qui fait danser une cour de a mangé beaucoup de vache en- figurants à son rythme, reprenant ragée pour arriver où elle est : elle les prérogatives qui étaient celles vient d'un milieu très pauvre, elle de Zaffar dans le premier numéro. a lutté contre sa famille et contre Etonnants et même époustou- de très pénibles circonstances flants sont les multiples change- pour s'en sortir. Avec Vikram (et ments de costumes des protago- Sona dans une moindre mesure), nistes, la précision du play-back et elle illustre un certain espoir, une la diversité recherchée des cou- possibilité de sortir de rien et de leurs et des matériaux. Aishwarya Rai réussir. Les autres musiques soulignent Partenaires incontournables et des moments décisifs, les péripé- dangereux du show business : les ties de l'instant dans la vie des journalistes de la presse "people" protagonistes. Ces parties n'ont dont le pain bénit est fait des rien de clinquant ni de magnifique, grands et petits scandales. La elles illustrent l'attente au sein de réalisatrice en donne l'illustration l'usine à rêves. L'intermède musi- par un article qui traîne Vikram et cal consacré à Sona ne comporte d'autres membres de l'équipe du pas de danse : on entend une voix film dans la boue, mais ne réussit féminine, mais les lèvres de Sona pas à le détruire, parce qu'une restent serrées. La caméra fixe attitude et des déclarations son visage mélancolique, son consensuelles imposées par la regard pensif, la suit dans la rue, production redoreront l'image du ou à l'intérieur d'un pousse- couple qu'il forme avec Nikki Wa- pousse, dans la solitude et l'incer- lia dans le blockbuster (Dil Ki Aag titude de ses chimères... ?) qu'ils viennent de tourner. La dynastie Akhtar Rani Mukhejee Musique : Luck by chance est une oeuvre Luck by Chance comporte trois de famille : les Akhtar sont depuis numéros musicaux avec une cho- dix ans dans le business. Le père régraphie impressionnante, tous est poète, scéna- trois faisant partie du film dans le riste, dialoguiste, compositeur et film, et offrant une vision de rêve, parolier. Le frère de la réalisatrice, de faste et de splendeur. , est metteur en Le numéro qui se déroule sous la scène. Il est pour la deuxième fois tente géante d'un cirque est parti- seulement devant la caméra dans culièrement spectaculaire. La star le film de sa soeur, dont c'est la

Karisma Kapoor en est Zaffar qui danse avec sa première réalisation. Et la mère partenaire Nikki et toute une cour Honey Irani écrit des scénarii. dans des décors scintillants et Cela rend cette critique du népo-

4 tisme assez savoureuse, mais que dans la plupart des films "Bol- finalement d'autant plus crédible. lywood", où on croit parfois re- Quelques stars indiennes Cela explique aussi pourquoi et trouver la gestuelle des acteurs du connues sur la scène interna- comment ils ont réussi à convain- muet. Beaucoup de scènes sont tionale : cre un grand nombre de leurs en demi-teintes. La narration est collègues de faire une apparition fluide, l'observation est juste, le dans le film. scénario n'est ni caricatural ni manichéen. Un montage rythmé Les guest stars entre séquences du film et du film , Abhishek Bachchan, dans le film, entre rêves et illustra- Vivek Oberoi, Rambir Kapoor, tions de ces rêves fait passer Shahrukh Khan, font allègrement les 156 minutes. apparition dans le film, soit en jouant leur propre rôle, soit en Message du film incarnant des aspirants comé- Entre conte moral et étude d'un diens. Il y en a bien plus, certes, milieu, Luck by Chance offre une et des vedettes féminines, mais je diégèse universelle, car elle pour- ne connais pas assez bien rait aussi bien avoir pour cadre l'Olympe du film hindi pour citer Hollywood, Rome, Paris ou autres Aamir Khan d'autres noms. Cinecitta : beaucoup d'appelés, Les aficionados de Bollywood peu d'élus, et une armée d'ano- souriront aussi lorsqu'ils enten- nymes sans lesquels rien n'est dront dire à Rishi possible.... Kapoor (fils du grand Raj Kappor): Le mot de la fin revient à la très "Tu es comme un père pour moi!". grande star Shahrukh Khan, dans En l'occurrence, c'est vraiment son propre rôle. Il rappelle à Vi- son père! Cette petite phrase re- kram de ne pas négliger ses amis, vient plusieurs fois dans le film, ceux qui l'étaient quand il était formule de respect, appel à la inconnu. Car ceux-là resteront filiation, déclaration toujours liée à sincères, et lui diront la vérité, le une tactique pour obtenir quelque ramèneront sur terre. Alors que chose de la personne visée. les nouveaux amis ne sont que Hrithik Roshan flatterie et intérêt. Telle est la ran- Mise en scène : çon de la gloire. Les dialogues de Javed Akhtar (père de la réalisatrice) sont inci- Comme l'intérêt du cinéma hindi sifs et drôles. Ces répliques sont pour ses coulisses est très grand distillées avec le sens du moment depuis quelques années, nous juste dans une mise en scène terminons avec quelques mots précise, calculée, où les regards, sur deux autres mises en abyme gestes et attitudes des personna- récentes de Bollywood, qui tien- ges nous laissent imaginer la hié- nent plus du conte que de la rarchie et les lois cruelles qui ré- chronique : Billu (Priyardarshan, gissent le milieu. L'entracte (tou- 2009) confronte un modeste coif- jours annoncé à l'écran) a lieu à la feur (Billu) avec son ami d'en- Govinda fin de la phase d'exposition. La fance, Sahir Khan, devenu acteur deuxième partie est consacrée à célébrissime. Lorsque Sahir re- l'intrigue et son dénouement. La vient tau village pour un tournage, photo de Luck by Chance est Billu est cajolé par les villageois, soignée, que ce soit pour les scè- qui espèrent grâce à lui approcher nes dans la nature, dans les stu- l'idole de l'écran! Ils sont prêts à dios ou dans les intérieurs miteux tout ! (on repense à la scène de respectivement luxueux où vivent Slumdog Millionaire, où le petit les protagonistes. Le fil narratif est garçon n'hésite pas à plonger raconté un peu à la manière occi- dans la nauséabonde cuve de dentale, sans explosions senti- récupération des latrines publi- mentales ni gestuelles outranciè- ques où l'ont enfermé des garne-

Anil Kapoor res. Le jeu des acteurs est sobre, ments... pour apercevoir Amitabh beaucoup moins amphigourique Bachchan en chair et en os). La

5 star Sahir Khan, qui n'a pas la souvient de sa vie antérieure, et grosse tête, rappelle dans un dis- essaie de positiver dans cette vie cours final très didactique que ce qui a échoué dans la précé- l'homme n'est pas ses personna- dente. Ce film veut aussi montrer ges, que l'artiste est un homme que derrière toute vedette, il y a comme les autres, et que richesse un être humain comme les autres. et gloire ne changent pas un indi- Les deux Om sont joués par Sha- vidu. Quant à hrukh Khan, qui joue Sahir Khan (, 2007), il illustre en- dans Billu. core mieux ce message avec le C'est à lui qui règne sur la scène personnage d'Om, acteur inconnu cinématographique depuis vingt qui meurt dans les années 70, et ans, que revient de droit, dans ces revit dans la peau d'une star adu- trois films sur le cinéma, le mot lée, quarante ans plus tard (mé- sage et modeste de la fin. tempsychose oblige!). Om se ______

Quelques généralités sur le cinéma Bollywood: Bollywood, (une contraction de Hollywood et Bombay), est le nom générique qui qualifie les productions cinématographiques en langue hindi produites à Mumbay (Bombay). Le terme de "Bollywood", peu populaire auprès des réalisateurs indiens (qui préfèrent "cinéma hin- di"), est apparu à la fin des années 1970. Les films "Bollywood", parlés hindi et anglais, sont conçus pour plaire au plus grand nombre et s'ex- portent dans le monde entier (qui plus est mieux que les films de Hol- lywood! Les pays musulmans sont grands consommateurs de "Bolly- wood", sans doute parce que la censure indienne y proscrit tout baiser ou scène érotique, si discrète soit-elle !). Vous serez peut-être étonnés d'apprendre que de tels films sont toujours montrés à Kaboul en 2009! Le film doit pouvoir être vu et compris par le plus vaste public possible, de tous les âges, de toutes castes et religions. Les films "Bollywood" sont la version indienne du "musical" améri- cain. L'intrigue est d'une haute teneur morale, le bien finit toujours par triompher du mal, et le film compte toujours plusieurs scènes chantées et dansées. Ils sont un genre en soi, même si les Occiden- taux qualifient un peu dédaigneusement de "masala" (mélange d'épices) ce qui vient de Mumbai. La recette à succès pourrait se résumer à : deux ou trois stars, quelque 6 chansons et 3 numéros de danse et chant en moyenne, de la romance, de l'action, du sus- pense, et une morale à toute épreuve! (À signaler qu'au début du parlant, les films hindi offraient régulièrement 20, voire 40, et même 60 chansons!). Les chants sont toujours interprétés en play-back par des professionnels triés sur le volet. Les danses et chorégraphies sont aussi un mélange (masala) de danses traditionnelles et moder- nes, des Indes et du monde occidental. La musique (B.O.) est mise en vente au moins deux mois avant la sortie du film : elle est en cela un élément essentiel de sa promotion. Pour donner quelques chiffres, il se tourne actuellement quelque 250 films hindi par an, pour une production globale indienne d'en moyenne 900 films par an, en comptant quelques chiffres plus éle- vés comme en 2003, où le pays a sorti plus de 1'000 films! À titre de comparaison, les Etats-Unis en tournent environ 500 par an et la France moins de 200. Tous les films ne sont pas rentables, et la production hindi est victime d'un énorme marché noir de vente de DVD, VHS, et autres versions piratées. Il y en a dans cette énorme production pour tous les goûts : terro- risme, espionnage, gangstérisme, invasions extra-terrestres, guerre, horreur, romance, conflits familiaux, quête identitaire, chocs cultu-

6 rels, conflits historiques, guerre civile, occupation, soulèvement, montée du nationalisme, etc. On sait que le producteur Anil Ambani, de "Big Pictures" qui a copro- duit Luck by Chance, a signé un contrat en 2008 avec Steven Spiel- berg et "DreamWorks". Ils projettent de coproduire 5 à 6 films Holly- wood-Bollywood par année sur une durée qui n'a pas été précisée.

Bollywood et la Suisse : L'industrie cinématographique indienne et la Suisse ont longtemps fait bon ménage, ceci à partir des années 1960. Les paysages alpestres suisses pouvant remplacer à l'écran ceux du Cachemire, mais aussi les sites touristiques connus (Lucerne, le Lavaux, Locarno, etc.) sédui- saient les producteurs indiens. Il s'est tourné en moyenne 20 à 30 films indiens par année dans nos contrées jusqu'à la fin du siècle passé. Mais il semble que nos compatriotes soient devenus gourmands, factu- rant de plus en plus le privilège de filmer nos monts indépendants (sic), multipliant les tracasseries bancaires, tandis que d'autres pays, plus pragmatiques (Angleterre, , Italie, Hollande, Hongrie, etc.), se sont mis même à payer déplacement et hébergement des équipes de tournage indiennes pour les attirer. Comment résister à de tels argu- ments ? Il faut savoir que lorsqu'un film Bollywood montre des sites étrangers urbains ou naturels spectaculaires, c'est une véritable pro- motion qui attire une vaste affluence de touristes indiens (nantis) sur ces lieux par la suite. Maintenant que la Suisse est de moins en moins filmée par Bollywood (10 à 20 films au plus par année depuis 2005), le nombre de visiteurs indiens a drastiquement diminué. Où va donc no- tre sens du tourisme ? [Sources : Bollywood, a Guidebook to popu- lar Hindi Cinema, Tejaswini Ganti; et l'article "Bollywood" de Hubert Niogret dans le Dictionnaire du Cinéma asiatique] ______

Objectifs pédagogiques par des gens de toute confes- sion et de toute formation. • Sachant qu'environ 43% de la • Prendre conscience des population de l'Inde est anal- contraintes du "star system" phabète, analyser les possibi- et des implications du statut lités du média film comme ou- de star dans l'Inde actuelle. til pédagogique. • Se familiariser avec les ciné- • Comprendre les ressorts de la matographies Nollywood, Lol- mise en abyme dans le cadre lywood, Kollywood, Tollywood de la narration du film. Analy- ou encore Mollywood. ser la critique faite du milieu décrit (qui s'auto-critique tout en se "vendant")? • Montrer les caractéristiques qui permettent à ce film d'être vu sous toutes les latitudes, ______

Pistes pédagogiques 2. Observer le niveau de Sur le film proprement dit : langage des personna- 1. Mettre en évidence les ges et le ton du film. moyens utilisés par le 3. Observer la fréquence réalisateur pour faire et l'ampleur des inter- passer son message, et mèdes musicaux et dé- informer tout en dis- battre s'ils s'intègrent trayant. . bien dans la narration. 4. Commenter la phrase du producteur lorsque

7 l'équipe de tournage est presse "people" présen- en montagne "On se tée dans le film. croirait en Suisse". 14. Observer les modestes 5. Débattre sur la fré- conditions de logement quence et le domaine de Sona, qui a pourtant syntaxique des expres- régulièrement de petits sions anglaises dans le emplois. discours hindi. 15. Observer les scènes de 6. Débattre si les interdits rue, les logements, les de la censure ont été moyens de locomotion respectés, contournés, des protagonistes: une voire transgressés dans vision de conditions ce film. modestes de vie très 7. Définir le mélodrame et inhabituelles dans un débattre si ce film est film "Bollywood". un mélodrame. 16. À quel moment du film 8. Qu'apprend-on dans ce se trouve l'entracte im- film sur l'origine sociale posé (intermission) ? des acteurs ? Que nous 17. Décrire la scène dans est-il dit sur les femmes laquelle Vikram et bien actrices ? d'autres jeunes gens at- 9. Dans une séquence se tendent un entretien déroulant dans les bu- avec les directeurs de reaux d'un producteur, casting. on voit deux affiches de films dont les titres sont Sur le genre "Bollywood" en For a Fistful of Rupees général : et The Good, the Bad 18. Sachant qu'une star and the Worst. Que masculine touche entre veulent suggérer ces ti- 10 et 30 millions de tres ? roupies par film, une 10. Vikram est engagé sur star féminine entre 8 et photo : il y pose comme 15 millions (1 million de un culturiste au décolle- roupies équivalent envi- té échancré. Que dé- ron à CHF 22'000.-), duire de cette carte de comparez les gains de visite qui sert de CV ? stars américaines aux 11. Prendre conscience de leurs. Et le gain de la censure exercée sur 50'000 roupies offert les scènes "érotiques" "généreusement" par ou "intimes" (Vikram et son producteur à Vi- Sona respectivement kram. Nikki) ? 19. Débattre sur les avan- 12. Vikram se voit proposer tages du play-back, son un rôle que le célèbre usage constant dans le Zaffar abandonne pour film hindi (dès 1935), et un rôle qu'un acteur en- son usage dans le show core plus connu a dû business occidental. laisser suite à un acci- 20. Entre 2003 et 2006, il y a dent. Ce sera la chance eu un engouement pas- de Vikram. Connaissez- sager chez nous pour les vous des vedettes qui films "Bollywood" (La- ont "percé" de façon gaan et Devdas ont lan- semblable dans le ci- cé une tendance). Qu'en néma américain ? Ou est-il aujourd'hui ? Vous français ? intéressez-vous à cette 13. Observer les titres et cinématographie ? couvertures de la 21. Relever les points communs et les gran-

8 des différences de style 23. Quand a commencé la entre un film typique- vogue du cinéma chan- ment Bollywood et un té et dansé en Inde ? film "mainstream Holly- 24. Tout film bollywoodien wood". qui est montré hors des 22. Le "musical" américain frontières indiennes (All Talking, all Singing, possède des sous-titres all Dancing!) a connu anglais. Justifier ce une grande vogue des choix. années 1940 à la fin des 25. Quelle est l'importance années 1960. On a parlé du cinéma hindi dans le d'un renouveau du "mu- cinéma indien ? sical" occidental depuis 26. Quelle est la recette les années 1990, avec donnée par un person- par exemple : Cry Baby nage du film pour un (John Waters 1990), Evi- bon film "Bollywood"? ta (Alan Parker 1996), On connaît la Chanson Sur l'Inde en général : (Alain Resnais, 1997), 27. Quelle est l'importance Moulin Rouge (Baz de la langue hindi parmi Luhrmann 2001), Dan- les quelque 22 langues cer in the Dark (Lars différentes qui se par- von Trier, 2000), Chica- lent en Inde ? go (Rob Marshall, 2002), 28. Que savez-vous de la The Phantom of the "Partition" de 1947, an- Opera (Joel Schuma- née où fut reconnue cher, 2004), Sweeny l'indépendance de l'Inde Todd (Tim Burton, de l'Empire Britannique 2008), Agathe Cléry pour ? (Etienne Chatilliez, 29. Que savez-vous du 2008), etc. Débattre sur conflit qui oppose Inde les chances de succès et Pakistan ? actuel de ce genre de film. ______Sélection de films Bollywood sortis sur grand écran en Suisse ou en France (avec sous-titres anglais) à découvrir : 1948 Aag, Raj Kapoor 1955 Shree 420, Raj Kapoor 1957 Do Ankhen Barah Haath, Rajaram Vankudre Shantaram 1964 Sangam, de Raj Kapoor, Inde 1964 (tourné partiellement en Suisse) 1975 Sholay, Ramesh Sippy 1989 Chandni, Yash Chopra (tourné partiellement en Suisse) 1995 Dilwale Dulhania Le Jayenge, , (tourné en partie en Suisse) 1997 Dil To Pagal Hai, Yash Chopra 1999 , Sanjay Leela Bhansali Hum Aapke Dil Mein Rehte Hain, Satish Kaushik (tourné, sauf erreur, partiellement en Suisse, entre Chillon et Villeneuve) 2000 Mohabbatein, Aditya Chopra Mission Kashmir, 2001 , Once upon a time in , (dis- tribué par Trigon) Kabhi Khushi Kabhie Gham, Karan Johar Ajnabee, Abbas et Mastan Alibhai Burmawalla (tourné partielle- ment en Suisse, dans le MOB) 2002 Devdas, Sanjay Leela Bhansali (distribué par Pathé Films S.A.) Company, 2003 Koi... Mil Gaya, Rakesh Roshan Saathiya, Shaad Ali

9 Chokher Bali, Rituparno Ghosh (titre français : New York Masala), Nikhil Advani (distribué par Cineworx) 2004 Veer-Zaara, Yash Chopra (tourné en partie en Suisse, Fribourg) Swades - We the People, Ashutosh Gowariker Main Hoon Na, Farah Khan Ab Tak Chhappan, Shimit Amin Mujhse Shaadi Karogi, David Dhawan Asambhav, Rajiv Ray (tourné en partie en Suisse, Tessin) Yuva, de Bride and Prejudice, Gurinder Chadha Lakshya, Farhan Akhtar Black Friday, Phir Milenge, Revathy 2005 Sarkar, Ram Gopal Varma Paheli, Amol Palekar Antarmahal, Rituparno Ghosh Kisna-The Warrior Poet, The Rising - Ballad of Mangal Pandey, Ketan Mehta Salaam Namaste, Siddharth Anand 2006 Rang De Basanti, Rakesh Omprakash Mehra , Rakesh Roshan (distribué par Cineworx) 2007 Om Shanti Om, Farah Khan 2008 Neninthe, Puri Jagannath (tourné en partie en Suisse, Berne) Mehbooba, Afzal Khan , Apoorva Lakhia Singh is Kinng, Anees Bazmee Jodhaa Akbar, Ashutosh Gowariker 2009 Paa, de R. Balki ______Bibliographie sélective : GOMBEAUD, Adrien (et 21 collaborateurs), Dictionnaire du cinéma asiati- que, Ed. Nouveau Monde 2008, ISBN 978-2-84736-359-3 DWYER, Rachel : 100 Bollywood Films, Ed. BFI Screen Guides 2005, (en anglais), ISBN 1-84457-099-1 GANTI, Tejaswini : Bollywood, a Guidebook to popular Hindi Cinema, Ed. Routledge 2004, (en anglais), ISBN 0-415-28854-1 GARGA, B.D., So many cinemas, Ed. Eminence Designs 1996 (en anglais), ISBN 81-900-602-1-X BRAGG, Melvyn : The Adventure of English, the Biography of a Lan- guage, Ed. Sceptre 2004, ISBN 0-340-82993-1 ______Pour en savoir plus : Les distributeurs suisses alémaniques TRIGON, CINEWORX et CINE- DROME : http://www.trigon-film.org/ http://www.cineworx.ch/AZ http://www.cinedrome.ch/about.html Les coordonnées du programmateur de "Do You Bollywood" dans les locaux de Pôle Sud (http://www.polesud.ch/), 26 films montrés sur une durée de 18 mois (2008-2009) : mailto:[email protected] Les sites des organes Film Location et Allabout, spécialisés dans l'accueil d'équipes de tournage étrangères en Suisse : http://www.filmlocation.ch/contact.php http://www.allabout.ch/englisch_gross/index_allabout_base_e_g.htm L'organe Suisse Tourisme qui, en collaboration avec Film Location et Alla- bout, offrait son soutien logistique aux tournages Bollywood en Suisse : http://www.myswitzerland.com/fr/accueil.html Le premier film "masala" Heimat-Bollywood, du Soleurois Oliver Paulus, 2009, Tandoori Love, au sujet duquel vous pouvez découvrir les impres- sions de la TJC avec le lien : http://www.e-media.ch/dyn/bin/1108-7827-1-tandoori_love_retours.pdf

Suzanne Déglon Scholer, enseignante au gymnase, chargée de communication de Promo-Film EcoleS et fondatrice de la TRIBUne des Jeunes Cinéphiles, nov. 2009 10