La Révolution Tranquille

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La Révolution Tranquille POUR EN FINIR AVEC LE MYTHE DE LA RÉVOLUTION TRANQUILLE Recueil d'essais Jean‐Claude Dupuis, Ph.D. Fondation littéraire Fleur de Lys Depuis 2003 Lévis, Québec, 2019, 202 pages. Édité par la Fondation littéraire Fleur de Lys, organisme sans but lucratif, le pionnier québécois de l’édition en ligne avec impression papier et numérique à la demande. Adresse électronique : [email protected] Site Internet : http://fondationlitterairefleurdelysaccueil.wordpress.com/ Tous droits réservés. Toute reproduction de ce livre, en totalité ou en partie, par quelque moyen que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur. Tous droits de traduction et d’adaptation, en totalité ou en partie, réservés pour tous les pays. La reproduction d’un extrait quelconque de ce livre, par quelque moyen que ce soit, tant électronique que mécanique, et en particulier par photocopie et par microfilm, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur. Disponible gratuitement en version numérique (PDF). ISBN 978‐2‐89612‐564‐7 © Copyright 2018 Jean‐Claude Dupuis Illustration en couverture : Poing fermé – Image tiré de la couverture du manifeste du Parti Libéral du Québec intitulé «Maintenant ou jamais! Maîtres chez nous!!!», 1962. (modifié‐ montage infographique). Dépôt légal – 1er trimestre 2019 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada Imprimé à la demande en format numérique au Québec. 2 RÉSUMÉ La Révolution tranquille (1960‐1970) est le mythe fondateur du Québec contemporain. Ce mythe glorifie la destruction de l’ancienne identité nationale canadienne‐française, fondée sur la religion catholique, au profit d’une nouvelle identité québécoise, axée sur la philosophie libérale. Mais nos manuels d’histoire présentent une fausse image de la Révolution tranquille, et, plus encore, du Québec duplessiste qui l’a précédée. La Révolution tranquille n’a pas été un mouvement de modernisation et de démocratisation, car le Québec d’avant 1960 était déjà moderne et démocratique. La Révolution tranquille a plutôt été un phénomène de « dépersonnalisation » collective. En 1960, le Québec se sentait trop minoritaire en Amérique du Nord. Il admirait et enviait secrètement son colonisateur anglo‐saxon. Il a choisi de s’auto‐acculturer, d’assimiler certains éléments de la mentalité anglo‐protestante pour « mieux relever le défi économique ». Le Rapport Parent rejeta la pédagogie française traditionnelle au profit de la nouvelle pédagogie américaine. L’esprit utilitaire du High School a remplacé l’esprit humaniste du collège classique. Les Canadiens français sont alors devenus des Québécois, c’est‐à‐dire des Américains francophones. Jean Lesage l’avait promis : « Québec sera une province comme les autres. » Ce recueil d’essais pourfend l’histoire officielle de la Révolution tranquille. La Grande Noirceur du régime Duplessis n’a jamais existé. Jean Lesage n’a pas modernisé le Québec; il l’a seulement américanisé. Paul Gérin‐Lajoie a démoli l’un des meilleurs systèmes d’éducation au monde. Le cardinal Léger aura été l’idiot utile de l’anticléricalisme. L’Église défendait la classe ouvrière. La grève d’Asbestos a été une entreprise de subversion. Les curés n’ont jamais forcé les femmes à avoir des enfants à chaque année. Le nouvel « historien national », Maurice Séguin, n’était pas aussi nationaliste qu’on le pense. La culture québécoise est définitive‐ ment plus matérialiste que l’ancienne culture canadienne‐française. Malgré tout, le pays réel survit sous le pays légal. Le jeune Québécois contemporain garde encore quelque chose de son ancêtre canadien‐français. La patrie pourrait renaître et apporter un « supplément d’âme » à l’Amérique du Nord. Nous sommes un peuple qui ne sait pas mourir, écrivait Félix‐Antoine Savard. Mais la renaissance nationale exige une révision de l’histoire, car celui qui contrôle l’histoire, disait George Orwell, contrôle le présent. 3 SOMMAIRE RÉSUMÉ ................................................................................................................... 3 PRÉSENTATION ........................................................................................................ 5 PARLONS DE MAURICE DUPLESSIS......................................................................... 11 LA RÉVOLUTION TRANQUILLE : MODERNISATION OU ACCULTURATION? ............16 PAUL GÉRIN‐LAJOIE ET L’AMÉRICANISATION PÉDAGOGIQUE ...............................34 LE CARDINAL PAUL‐ÉMILE LÉGER : DE L’ÉGLISE TRIOMPHANTE À L’APOSTASIE TRANQUILLE......................................44 L’ÉGLISE ET LA TROISIÈME VOIE ÉCONOMIQUE.....................................................79 LA VÉRITÉ SUR LA GRÈVE D’ASBESTOS...................................................................93 LA LÉGENDE NOIRE DU CLÉRICO‐NATALISME......................................................117 MAURICE SÉGUIN ET L’HISTOIRE NÉONATIONALISTE..........................................134 LE CODE QUÉBEC : QUE SOMMES‐NOUS DEVENUS?...........................................164 AU SUJET DE L’AUTEUR........................................................................................ 187 DU MÊME AUTEUR .............................................................................................. 189 Édition écologique ............................................................................................... 200 Achevé d'imprimer............................................................................................... 201 4 PRÉSENTATION La Révolution tranquille a toujours été ma bête noire. Dans mon cours d’histoire de secondaire IV (1976‐1977), je scandalisais déjà mon enseignante, bonne péquiste de centre‐gauche, en défendant Maurice Duplessis. J’ai toujours été instinctivement en faveur de l’ordre et de la tradition. Au Cégep de Saint‐ Jérôme (1978‐1980) et au département d’histoire de l’Université de Montréal (1980‐1984), on m’accolait l’étiquette « extrême‐droite ». Je la portais avec fierté, par anticonformisme. Je considérais les années 1960 comme une période de « décadence ». Avec l’âge, j’ai nuancé mes positions, mais je n’ai pas changé ma vision du monde. Je serais ce que l’on appelle aux États‐Unis un « conservateur social » : à droite sur le plan moral et à gauche sur le plan économique. Lorsque qu’on me fait la blague classique de celui qui a le cœur à gauche, mais le portefeuille à droite, je réponds que je n’ai ni cœur ni portefeuille : j’ai seulement une tête, et elle est à droite. Au fond, il n’y qu’une seule étiquette qui me convienne parfaitement : je suis catholique de par la grâce de mon baptême. Mais pour éviter toute méprise, ajoutons : un catholique traditionaliste. Depuis l’échec du référendum de 1980, les Québécois semblent se désinté‐ resser de leur avenir national. Les baby‐boomers s’en désolent. La nostalgie du bon vieux temps de René Lévesque a remplacé la nostalgie du bon vieux temps de Maurice Duplessis, qui avait marqué la génération de mon père. Que les baby‐ boomers se consolent. Ils bénéficieront de « l’aide médicale à mourir » avant d’avoir compris ce qui s’est passé. Ça leur évitera une dure remise en question. Ils n’apprendront jamais que leur génération s’est trompée sur toute la ligne. Bien sûr, ils ne sont pas entièrement responsables. Ils ont été formés par la génération précédente, celle de l’Action catholique des années 1930. Tout s’est probablement joué à cette époque, durant la Crise économique et la Seconde Guerre mondiale. Mais ce qu’il ne faut surtout pas dire aux bien‐pensants du Devoir et de Radio‐Canada, 5 POUR EN FINIR AVEC LE MYTHE DE LA RÉVOLUTION TRANQUILLE c’est que l’étouffante pensée unique du Québec contemporain est le fruit amer de « l’esprit d’ouverture » de la Révolution tranquille. Avant 1960, la foi catholique et le classicisme français étaient à la base de la culture canadienne‐française. Après 1960, la démocratie libérale et l’utilitarisme nord‐américain se sont substitués aux paramètres traditionnels. Les Canadiens français se sont alors rebaptisés Québécois. Le changement de nom n’était pas anodin. C’était un syndrome de dépersonnalisation collective. « La dépersonnalisation est un symptôme psychologique dissociatif. Il s'agit d'un sentiment de perte de sens de soi‐même, dans lequel un individu ne possède aucun contrôle de la situation. Les patients sentent avoir changé, une grande prise de recul par rapport à soi‐même peut être ressentie. Ce symptôme apparaît souvent comme étant un mécanisme de protection de l'esprit contre une anxiété qu'il ne peut plus supporter (Wikipédia). » Appliquons ce schéma de crise psychologique individuelle à la société québécoise, ne serait‐ce qu’à titre d’allégorie. La Révolution tranquille a dissocié la nation canadienne‐française de la religion catholique. Dans les années 1960, le Québec a perdu le sens de lui‐même. Depuis ce temps, il cherche à se redéfinir, mais sans succès. Il n’était pas en contrôle de la situation, car l’esprit de la Révolution tranquille provenait de l’extérieur. La société québécoise fut déstabilisée par le Concile Vatican II, le libéralisme canadien‐anglais et la contre‐culture amé‐ ricaine. L’anxiété, qui fut à l’origine du désir de changement, découlait des trans‐ formations matérielles de l’après‐guerre, et, plus encore, du complexe d’infériorité d’un peuple colonisé qui souhaitait ressembler à son colonisateur, tout en le détestant. Les Canadiens français ne se sentaient plus capables de résister à la domination anglo‐américaine. Ils en avaient assez d’être une sorte de village d’Astérix, un petit peuple
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