LE PRIEURÉ
F3 LA CROIX EXPIATOIRE
D iNSMINt
]Par M. LOUJ BENOIT.
AU centre d lnsmiiig, village de l arroinlisscnieiit de ChMcau—Salins, autrefois défendu par des fortifications dont on retrouve quelques restes, on remarque, dans un ilot de COflSti UCIiOUS qui occupe la partie la plus élevée 4 0 l église, reconstruite vers 1756 ; l ancienne tour, qui avait résisté aux assauts des Suédois, a été démolie assez réCemiTielit ; 20 Fossuaire et le cimetière ; 50 les écoles, l)ties dans la rue ilallcnberg ou des halles ; !V enfin les bàtiments élevés sut les ruines (l un antique IriciIié Fondé à une époque inconnue, le prieuré (l Hasmenf/k,, pauvre à son origine, niai protégé contre la violence, fut donné, en 1102, aux bénédictins de Saiffi—Millici, pat Thiéry, comte de Bai. Mais, si aucun événement remar- quable ne vient caractériser ses annales, dans lesquelles apparaissent les noms de 1)lusieut s seigneurs voués, meti
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Document il Il 111111 III 11H il il 1 il il 1 Ili
0000005517923 A tionnés dans les Communes de la JJ(( l # f/w, en re- vanche, on voit figurer, à l ombre (les murailles du mo-
nastère, une (le ces associations si, curieuses (IUC nOUS ont fait connauire les savants de la vallée rhénane. Nous avons déjà parlé (lu tribunal de la Mère-Cour d !nsming, (lui jugeait les litiges (le neuf villages enclavés dans les terres des seigneuries (l Albestroff, (le IliI1(uesange et de Morsberg5 . Autour (lu gazon de la cour du prieuré se réunissait un jury populaire, composé quelquefois (le OO paysans, obéissant à des statuts et à tles règlements précis. Cette organisation coloiigére, empruntée aux moeurs germaniques, subit (le profondes altérations qui en dénaurèrcnt complètement le caractère. Fatale à "au- (Ononhic primitive, l intervention du pouvoir central opéra une transformation lente, au profit des seigneuries (l a- bord, au profit (le FEint ensuite. C est ainsi que, de con- cessions en concessions, les gens (l Insnling, qui, de la clutellenie de Morsbcrg (Marimont), étaient passés dans celle de Pieuzc, se virent dans la nécessité de s adresser au duc de Lorraine, en 1i7 , pour conserver leurs an-- eienncs immunités et leurs franchises traditionnelles, qui disparurent en 1698, quand la terre d Insming fut érigée en prévôté par le duc Léopold.
1. Voy. M. Henri Lepage, t. I, p. 308 et suivantes. - On peut aussi consulter ta Notice de la Lorraine, par Dom Calinet. La note que nous publions est destinée b compléter tes documents fournis par les deux historiens que nous venons de citer, et auxquels nous renvoyons le lecteur. U. Voy. Etudc sur les institutions communales du Westrich, que nous avons publiée dans les Mémoires de la Société d Archéologie lorraine, 1866, p. 174. 3. Un édit du 13 juillet MO supprima la prévôté d lnsniing, qui fut réunie b celle nie Sarralbe. Qu étaient devenues, avec leurs formules naïves, ces « chartes d Amangcs ou tl lnsming, en papier roulé et en partie déchiré, tion collationnées » ? l Malgré son éru- dition et une critique scrupuleuse, Dom Calniet ne pou- vait comprendre des traditions si opposées aux insti- tutions centralisatrices du xviii 5 siècle : c est cc que démontre surtout l article insining, écrit d après les notes fournies pal un autre l)éflédietifl5 . Non seulement il n y est las question (le cet antique rotule, dont le savant ar- chiviste de la Meurthe n a l)ltls trouvé que l indication vague sur un inventaire sans date, mais c est à peine si, malgré une leelure attentive, nous y pouvons suivre la trace (les révolutions les plus radicales, des guerres les plus terribles : les rustauds enl 525, les reiU cs et les lansque- nets des guerres (le religion de la seconde moitié du xvi» siècle, les soldats de Mansfcld, ceux de Gallas et ceux de Turenne au xvii» siècle. Le prieuré d Insming vit se déchaîner sur lui une dé- plorable variété de maux, auxquels mit , le comble M. dc la Galaizière, l inflexible continuateur dc la politique cen- tralisatrice tics (lues de Lorraine Charles 111, Charles 1V et Léopold. Le grand—chancelier de Lorraine fit réunir, en 1749, le prieuré et ses revenus b sa riche abbaye de
t. Ce rotule se trouve mentionné dans les Communes, t. I, p. 540. - Cutting était aussi le chef-lieu d une mairie, à laquelle res- sortissaient cinq villages. (Voy. M. llelkri Lepage, Statislijue de la Meurthe, t. Il, p. 135.) 2. En marge (le l article Insming, écrit par Dom Calme[, on lit n Mémoires communiqués par le R. P. l)om Joseph Brulaudi,. Ce fut un personnage de cc lioni qui défendit la tour (lu clocher contre les Sué- dois, - La famille des Bruland et des Torlotins fonda, au xvul° siècle, la chapelle Sainte-Aune, si splendidement reconstruite, grâce à la munificence (le M. Thiébatit, d lusaiing. - -
Saint-Mihiel, et le titre prieui al fut éteint pour jamais. Baitllélen]v-LOujs_Maçtjn Chaumont de la Galaizière, fils de l intendant, avait été nommé abbé de Saint-Mihiel, en remplacement d Antoine de Lcnoncourt, mort le 4 novembre 1744. Stanislas lui donna, le 7 janvier 476, la coailjutoierje de Saint-Dié, dont il fut le dernier grand- prévôt et le premier évéque. Ce sont ses armes, sur- montées du chapeau de cardinal, qui ornent la clef de voate actuelle de l arc triomphal de l église d Insming. Le 51 octobre 1791, Mgr de Chaumont, en sa qualité de prieur d Insming, avait donné an curé 11 louis d or, dont un pour le vin des messes, et 10 pour desservir la la confrérie du Saint-Sang. En 1775 partit à l imprimerie de J.-.J. Lambelet, à Dieuze, miii petit in-811 de 46 pages, en allemand, ren- fermant les statul S (le la confrérie d 1nsrnin, celle du Sair1tSaererncnt & (le l autel. Nous lisons dans la pré- face que ce fut une des plus anciennes confréries de l évèché de Met-z, érigée autrefois en l honneur de saint Clément, avec celles (le Yittcrshourg, en l honneur de saint Georges, et de ilunskit icli, en l honneur de saint Jean-Baptiste ; ces deux villages dépendaient alors de la paroisse d lnsming. Nicolas de I)ardanie, coadjuteur de l évêché de Metz, réunit, le 5juillet 1621, ces trois confré- ries en une seule, qu il plaça sous l invocation du Saint- Sacrement, dans l église des Bénédictins d Insming, où elle resta jusqu en 175. A cette époque, M. de Mareille, vicaire-général de l évéque de Metz, transféra, le 16 août,
1. Satzangn Ablass und Andachts-ubungea der Bruderschafft der aller- IleiligsLen Sacrainents des Altars, welche anno 1621 den 3 Iulii in der danialiligen Benedictiner Kirch zu lusmingen aulîgerichici... zu Dieuze bey. J. J. Lambelet, bucliirucker mal Buchhander, 1771. — o-- de l église prieurale supprimée, dans l église paroissiale (l Insming, la confrérie et tous les biens qui en dépen- daient. Enfin, en 1768, de nouvelles bulles apostoliques confirmèrent les anciennes indulgences de cette pieuse association. Nous possédons peu de documents concernant l intro duelion de la réforme : Dom Jean de Saussure, prieur d Insming et collateur de Saint-Léonard, avait été forcé, en 1565, de donner son consentement à la vente et à la sécularisation, en faveur du rhingrave Jean-Philippe, du prieuré (le Saint-Léonard, dont Dominique Husson, doyen de Saint-Nicolas de Munster, avait la prébende. Il est vrai que cc petit prieuré, situé sur une colline qui domine Fénétrange, était prié de tous ses biens par suite du changement de religion (le ses seigneurs voués . Après la guerre dévastatrice des rustauds et la séculari- sation de plusieurs domaines conventuels, la situation du prieuré (l lnsming était devenue très-précaire. Un mou- lin, quelques terres, des turnes assez peu productives, réparties, il est vrai, sur une dizaine de localités, mais sui lesquelles d autres seigneurs possédaient aussi des droits, constituaient toutes ses ressources. Un dénombrement des revenus du bailliage d Alle- magne, (tressé par le président de la Chambre (les Comptes de Lorraine Thiéry AI, nous fait connaitt e quels étaient les biens que possédait le prieuré d lusming à la fin du
1. Cette sécularisaLion occasionna, à la tin du XVIII C siècle, un long procès entre le prince de Vaudéniont, acquéreur, et le prieur dins- ming. (Voy. Fonds de la collégiale de Fénétrange, Archives déparie - mentales de ta Meurthe.) - - xv lc siècle. Nous reproduisons in—extenso cc documeii emprunté aux Archives de la Meurthe , et qui est inédit
Prieuré d Arnanges soub la ehùtellenie de Dieuze.
Tous les dismes gros et menus d Atnangcs, Itunkirch, Wiuersbourg, Nclliiig, Greningen, Rorhach, Klein, Tei- chen (Petit—Tenquin), les deux Kingen, Reningen, qui peuvent valoir 40 paires ...... 2,100 fi . Le molin appelé Nidermille, audit Amanges, 52 cartes de blé ...... 225 fr. 4 gr. Le gagnage dudit prieuré, 10 paires 46 fr. 8 gr. A 1 luntkirch, Dieffembueli et Rcningcn, paires ...... 32 fi . S gr. Tous les menus dismes ...... io fr. Enmenus censives ...... 0 fr. Les preys ...... 80 fr. Aujourd hui, rien ne vient plus rappeler aux yeux (le l étranger qui parcourt les rues d lnsmiiig l existence du prieuré (le bénédictins, SillOn UflC croix de carrefour, à laquelle Dom Calmet a consacré les lignes suivantes « A l endroit de la chapelle dont on a parlé, il y a une croix de pierre qui fut posée par Doni Claude de Villersa, comme Je marque l inscription gravée sur la croix, où sont ses armes ; sur les côtés on voit saint Clément et
f. Registre B. L., fo lxxj.
2. Dom François de Villers, religieux profés, coadjuteur en f591, abbé cii 1:93, tic Saint-Clémeu de Mon, 1613 à 35 ans. L abbé de Saint-Mihiel, en 1611, était Iltiiri de Lorraine, fils naturel du duc François. 1 croix de Carrefour âhsïnin oj6 ORF
1 -7— saint Nicolas ; au bas sont représentés de jeunes béné - dictins, le tout en relief ». Ce monument, qui consiste en un socle et une croix, couronnée par un chapiteau de la fin de la Renaissance, a 2" 62 dc hauteur. Il s élève sur un cnimarchcnient cir- culaire, au versant d un petit monticule, entouré de peu- pliers, à l embranchement des chemins de Vittersbourg et de Munster. Sur la face qui regarde Insming est atta- ché le Christ, au-dessus duquel est gravé le millésime de 4611, moitié en chiffres arabes, moitié en caractères romains, séparés par un O. Sur le socle est tin cartouche, dans l intérieur duquel nous avons cru lire cc seul flint GOFALENI)IER. Au revers est adossée la Sainte-Vierge, ayant sur la tête la couronne fleuronnée, dans ses bras le divin enfant auquel elle donne le sein, et à ses pieds l orbe emblématique de la lune. Une tête de mort au bas, et au haut l écusson orné (l un sautoir des Villers-le- Prud honiinet , complètent cette ornementation, que nous avons reproduite par la lithographie qui accompagne cette notice. Sous les deux branches de la croix sont sculptés, dans le style du moyeu tge, réminiscence (l un monument plus ancien, saint Clément tenant Je graouilly enchainé, et saint Nicolas bénissant les enfants. De jeunes bénédictins en adoration sont représentés des deux côtés du socle, tandis que les embranchements (le la croix sont décorés de petites figures d anges. Quant à l inscription mentionnée par Dom Calmet, nous n avons pu en décou- vrir les traces.
1. D azur au sautoir (l or. Au centre, un fleuron figurant sans d,,nk le rivet 1,i n1ninIien l ,eussoli. -8— Cette croix de carrefour, malgré sa forme na peu lourde, est d une plus grande valeur artistique que bleu des monuments pseudo-gothiques si à la mode aujour- d hui . Elle fut dressée sur l emplacement d une chapelle, dé- truite, suivant Dom Calmet, pendant la guerre des Sué- (lois. Nous admettons l existence de cette chapelle ; mais, si les hordes suédoises, auxquelles on n attribué si gratui- tement tant de ruines, l avaient détruite, la croix destinée à en rappeler le souvenir ne porterait 1)04 la date de 4611. 11 nous parait donc plus exact de faire remonter cet acte de vandalisme à l époque des guerres de religion, à celle des rustauds. M. Ilenri Lepage nous a fait assister au drame dont la halle d Insming fut le tliétrc en I 5i. Nous savons d après le procès-verbal, publié clans le Re- cueil de documents sur l histoire dc Lorraine, en 1861, quel mobile poussait les bandes de paysans insur- gés à remonter le cours de l Albe et à pénétrer en Lor- raine. On peut donc admettre qu ils détruisirent cette chapelle et pillèrent le prieuré d lnsming, comme celui (le Saint-Léonard de Fénétrange et comme tous les éta- blissements conventuels de la vallée de la Sarre, depuis Saint-Quirin jusqu à Notre-Dame-de-la-Traite, près de Sarreguemines.
4. Nous signalerons aussi deux croix de chemin, en bois, élevées l une sur la route, entre Insming et \Vittersbourg, l autre dans la forêt, entre Insming et Munster. Elles sont ornées d une niche sur- montée de la croix de Lorraine eu relief, décoration que l on re- trouve sur des portes, des granges et quelquefois en peinture sur les maisons. Ajoutons que quelques-uns de ces motifs d ornementation ne datent que dc cc siècle cl ont été renouvelés par respect pour la tradition. I
- 9 - Ce qui nous confirme encore dans cette opinion, cest (lue, dans sa trouvaille d une petite bourse de cuir, ren- fermant 78 pièces d or, faite par le berger d lrisining en 1856, au milieu d un champ, où le propriétaire actuel du prieuré avait conduit des décombres provenant d un vieux mur, on n a pu signaler que des pièces de monnaie du xve siècle, à l effigie des électeurs de Trêves, de Mayence, de Cologne et de l empereur Sigismond. On peut donc conclure de cette trouvaille que ce petit trésor, enfoui dans le prieuré, fut abandonné peut-ètre par un reli- gieux, surpris par la marche rapide des rustauds. En effet, un rassemblement formidable, composé des paysans de treize villages environnants, depuis llellimer jusqu à ChAteau-Voué, établit son quartier général dans la cour même du prieuré et ne se dispersa qu à la nouvelle (le l arrivée des troupes, commandées par Antoine, due de Lorraine. Les insurgés rentrèrent, pour la plupart, dans leurs foyers ; quelques-uns, les plus compromis, tra- versèrent les Vosges par Craufthal, et allèrent se faire tuer devant Saverne. Longtemps après, quand le pays semblait pacifié sous le règne du bon duc Henri, on éleva la croix expiatoire dont nous venons de donner la description. Quoique les noms des anciens prieurs n aient pas ae- (lUIS dc célébrité, quelques-uns d entre eux méritent cependant d être conservés Hugo, prieur de Salone et d Insming en 4180; Dom Jean de Saussure, qui vit la réforme en 1565 ; Dom Claude de Yillcrs en 4601 ; Henri de Lorraine, abbé de Saint-Mihiel et prieur d Insming en 463; Nicolas-François de Lorraine, aussi pi-jeu! d lns- niing-, 1634; Dom Billaut, qui soutint un long procès - 40 - contre le prince de Vaudémont en 1691 ; Doni Joseph Brulanil, le correspondant de Dom Calmet ; Dom Fran- çois Chastel, qui bâtit l église actuelle vers 176 ; enfin, le fils de M. de la Galaiziére, qui supprima le prieuré et les derniers vestiges des antiques institutions colongères.
NANCY, I M P RIMERIE DE A. LEPAGE, GRANDE-BUE, 14. 1