1 Journal En Forme De Lettres Adressée À Son Fils Monsieur L'abbé Georges
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Journal en forme de lettres adressée à son fils Monsieur l’Abbé Georges Deherripon, rédigé par Madame Hippolyte Deherripon-Glorieux résidant à l’époque 55 rue des Anges à Tourcoing. [p. 1] Dimanche 11 octobre 1914 Mon pauvre Georges nous avons reçu ta longue lettre jeudi 8 octobre par le dernier courrier arrivant à Tourcoing ; quant [à] celle que je commence ce 11 octobre, t’arrivera-t-elle et après quels événements !... Quelle peine j’ai éprouvée en te lisant, jamais je n’avais supposé que pendant plus de huit jours tu avais supporté des épreuves semblables, j’étais heureuse de savoir que tu avais quitté Pernant [?] avant l’invasion et que tu étais en sûreté à Avranches sans avoir subi les angoisses que nous subissons dans le Nord ; Depuis quelques temps les Allemands rodent autour de notre région ce ne sont que combat bien près de chez nous ; le canon gronde tout le jour il ne cesse pas un instant ; des avions surplombent nos villes ; Lille, Roubaix et Tourcoing sont déclarés villes ouvertes ; malgré cela il y a huit jours les ennemis ont voulu entrer en traite à Lille dans un train arrivant de Tournai, heureusement l’on a pu aiguiller leur train sur une impasse à Fives, où les alliés les attendaient ; ils se sont battus sur le grand pont près de la gare, refoulés dans les rues Pierre Legrand et de Bouvines (où habitent la Tante Louise) [p. 2] et les Bonte après avoir été battus, ils y ont incendiés plusieurs maisons nous ne savons lesquelles, nous n’avons aucune nouvelle toutes les communications sont coupées plus moyen d’aller à Lille, l’on se bat depuis huit jours autour de Lille. Vendredi dernier tous les hommes de 18 à 48 ans devaient quitter Lille, Roubaix et Tourcoing afin de ne pas être prisonniers des allemands, Eugène étant plus âgé ne devait pas partir, heureusement tu n’étais pas chez nous. 700 environ sont revenus, les routes vers Gravelines où on les envoyait étaient déjà en partie interceptées, l’on ne sait ce que sont devenus les autres, leurs familles sont très inquiètes car l’on sait qu’il y a des morts des blessés et des prisonniers. Lundi dernier un corps d’armée allemand a passé pendant deux heures à la barrière du Tilleul se dirigeant vers Halluin, c’était le ravitaillement les munitions etc. etc. d’un autre corps de troupe passant par Mouscron où ils ont saccagé la gare brisant tous les rails, les fils télégraphiques etc. etc. tu vois mon cher Georges que dans ce moment nous sommes toujours sur le qui vive, et plus moyen de quitter la ville, plus de communication. [p. 3] Lundi 12 Quelle nuit nous avons passé ! Vers 11 heures ½ de formidables détonations se font entendre et éveillent toute la population l’on bombardait Lille !… Cela a duré une heure ½ puis à 3 heures un dernier coup plus formidable encore ils faisaient sauter le nouveau pont du Croisé Laroche ! Heureusement il n’y en a qu’une partie de détruit. Toute la matinée de gros coups de canon se font encore entendre vers 2 heures un avion survole la ville et les coups cessent immédiatement l’on se battait à Ronchin et Lézennes ; mais ce n’est pas tout ils bombardent de nouveau Lille et La Madeleine, l’usine Kulmann est en feu !…Le soir tout le ciel était en flammes, le maire de Lille avec l’autorisation du Général allemand fait chercher à 8 heures les pompes à vapeur de Roubaix Tourcoing et Croix, l’on fait sauter à la dynamite certains pans de muraille pour empêcher l’incendie de gagner toute la ville !!!!… Mardi 13 Mon pauvre Georges quels désastres ! Des quartiers entiers de Lille sont anéantis ; le Journal de Roubaix nous donne quelques détails, la rue de Paris depuis la place jusqu’à bien au delà de l’Eglise [p. 4] St Maurice n’a plus de rue que le nom l’église St Maurice a 1 deux nefs brûlées, toutes les maisons qui l’entouraient n’existent plus ; place de la gare beaucoup de dégâts, l’on peut aller directement de la gare à la préfecture presque toutes les maisons de la rue de Béthune et du Molinel sont en flammes, dans la rue de la gare également ; sur la Grand place l’Echo du Nord n’existe plus le grand gare, et quelques maisons sont abîmées, sur la place ronde la statues de Testelin a beaucoup souffert, enfin dans d’autres rues des maisons brûlent ! Ces pauvres Lillois ont été surpris dans leur sommeil c’était un sauve qui peut épouvantable les uns dans la rue, les autres dans leur cave, car l’on ne s’attendait pas à ce bombardement, et chose horrible au milieu d’une ville en flammes, les Allemands, en frais costumes entraient dans Lille en jouant de la musique et en chantant !! C’était absolument ……….. Nos pauvres Lesay sont bien à plaindre surtout Auguste qui est à la guerre, plus de maison, plus de maison de commerce et plus de femme elle est toujours dans une maison de santé ; l’on craint qu’il y ait beaucoup de victimes dans les caves [p. 5] Toute la ville est affolée des fugitifs nous arrivent de tout côté ; que faire ? Par mesure de précaution chacun prépare ses caves pour s’y réfugier avec ses provisions, mais nous n’en avons pas de votées ; des amis nous en offrent ; chez Paul D’Hour la cave est très belle mais bien près de l’église et de la mairie enfin du centre qu’ils visent toujours ; nous préparons quelques valeurs avec du linge et des provisions et attendons ! Car pour le moment ils sont occupés à Lille, l’on nous a dit que si l’on voyait des préparatifs de bombardement nous serions avertis par la sonnerie des cloches. Nous allons encore nous coucher au bruit du canon car l’on continue à se battre dans la région car à ce qu’il paraît nous sommes maintenant le centre de la bataille. Mercredi 14 Plus de journaux mais toujours réveillé au son du canon ! mais il paraît plus éloigné et nul ne sait maintenant où l’on se bat. De grandes quantités de troupes sont passées ce matin par la route Roubaix-Wattrelos. Ce matin un officier supérieur allemand est arrivé à la mairie réclamant six otages Mr le Doyen de St Christophe et du Sacré Cœur Mr Romain Duquesnoy, Georges Duvillier et deux [p. 6] conseillers municipaux, et annonçant pour trois heures une troupe allemande, promettant de ne rien faire à la ville si la population restait calme ; Mr Dron a promis et puis a remis à l’officier allemand deux prisonniers lui disant « si les Français étaient venus je les leur aurais remis, maintenant je vous les rends ; l’officier le remercia de sa courtoisie. A quatre heures deux cents fantassins entrent en ville avec quelques cyclistes et une voiture de munitions et un Break ils restent à peine dix minutes à la mairie ils partent pour Roncq emmenant les douze otages de Roubaix et ceux de Tourcoing dans un Break. L’état major s’installe à Roncq dans la campagne de Mr Louis Tiberghien, avec son aumônier. Nous ne pouvons nous habituer à ce bruit de canon qui résonne toujours ; nous nous demandons hélas ce que demain nous réserve nous conservons notre confiance quand même. Monsieur le … doyen de Notre-Dame est mort ce matin après de longues souffrances supportées avec beaucoup de résignation, offrant sa vie pour la France. Jeudi 15 Le canon nous laisse un peu de repos nous l’entendons que de très loin. Les Allemands sont arrivés vers 10 heures du matin [p. 7] prendre possession de la ville musique en tête et en jouant sur la place et à la mairie leur première occupation est de venir enlever tous les appareils de la poste, téléphone, télégraphe etc. Ils ferment la poste ; quand ma lettre pourra-t-elle te parvenir !..... A la banque de France ils enlèvent la réserve qui était de 2 millions1/2. L’après-midi un détachement part sur Roubaix musique en tête, un autre s’installe dans la rue de Gand ; vers 4 heures ils ont réquisitionné des hommes qui se trouvaient dans la rue pour faire des tranchées au Pont de Neuville puis ils installent leurs canons près de la ferme Montagne braqués sur Menin qu’ils veulent détruire. L’on fait évacuer immédiatement Linselles, Neuville etc. Tous ces fugitifs nous arrivent avec leur 2 mince bagage c’est navrant ! Le soir à partir de 7 heures la ville est comme une ville morte, aucun bruit de voitures etc. les gaz sont éteints à 9 heures. Malgré cela mon cher Georges notre confiance en St Christophe est très grande nous le prions beaucoup ; nous avons des Bavarois catholiques ils sont moins mauvais que les autres. Encore un jour de passé dans l’attente, nous [p. 8] ne savons pas encore où nous irons si l’on bombarde la ville, Delsine a une petite cave voûtée, il nous offre de la partager avec sa famille peut-être accepterons-nous nous serions plus près de chez nous. Tu dois bien penser à nous mon cher enfant, nous sommes toujours en session de prière, nous n’avons naturellement aucune nouvelle d’Hippolyte, Renaix étant toujours occupé par les Prussiens. Il est enfin permis d’entrer dans Lille, mais il faut y aller à pied, c’est le seul moyen de transport qui nous reste, quelques messieurs y sont allés, hélas ! La réalité est plus épouvantable que ce que l’on pouvait s’imaginer, c’est comme je te le disais des amas de décombres, du côté gauche de la rue de la gare et à la place des Régnaux les maisons étaient encore en feu sur cette place des monceaux de cadavres de chevaux se trouvaient encore ! C’est tout le quartier du commerce qui est détruit il y a au moins 700 maisons de brûlées et autant de détériorées.