French Touch 100. De Daft Punk À Rone
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OLIVIER PERNOT Depuis vingt-cinq ans, les artistes hexagonaux, à l’image de Laurent Garnier, St Germain, Air, Justice, David Guetta ou Gesaffelstein, imposent leur musique électronique dans le monde entier. Dès le FRENCH TOUCH 100 début des années quatre-vingt-dix, les DJs et producteurs techno DE DAFT PUNK À RONE sont en quête d’écoute et de reconnaissance. Puis vient la période faste d’une house héritée du funk et du disco qui voit apparaître Daft Punk, Cassius ou Étienne de Crécy. La France devient dès lors une place forte de la musique électronique dans ses vagues successives, electroclash (Miss Kittin & The Hacker, Vitalic), techno minimale (Popof, Julian Jeweil), electro distordue (Justice, Birdy Nam Nam) ou EDM (David Guetta, DJ Snake). OLIVIER PERNOT L’histoire de la French Touch est racontée à travers une sélection de cent albums ou maxis qui ont conquis la planète. French Touch 100, de Daft Punk à Rone présente des musiciens et des groupes majeurs . à travers un disque phare de leur parcours. Chaque chronique mêle faits historiques, analyses et anecdotes, montrant ainsi l’énergie de cette dynamique musicale. Né à Paris en 1971, Olivier Pernot est un journaliste indépendant. Il suit depuis vingt-cinq ans l’évolution des musiques électroniques. Aux éditions Le mot et le reste, il est l’auteur de Electro 100, les albums essentiels des musiques électroniques. Collection publiée avec le concours financier de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. FRENCH 100 TOUCH Prix : 20 euros M ISBN : 978-2-36054-393-9 — LE MOT ET LE RESTE R couv_frenchtouch.indd 1 06/09/2017 14:43 OLIVIER PERNOT FRENCH TOUCH 100 de daft punk à rone le mot et le reste 2017 à Anna INTRODUCTION Le 26 janvier 2014, Daft Punk remporte cinq Grammy Awards. Nominé cinq fois, le duo électronique français repart avec autant de trophées lors de cette 56e cérémonie qui se déroule au Staples Center à Los Angeles. Le groupe reçoit en particulier des récompenses dans les catégories Album de l’année et Meilleur album dance / electro- nica pour Random Access Memories, « Disque de l’année » pour le single « Get Lucky » réalisé avec Pharrell Williams et Nile Rodgers. Ce jour-là, la France est au centre du show-business états-unien et assoit sa position dans la musique électronique. Si cette date est symbolique, elle a eu des précédents et plusieurs artistes français ont déjà été primés aux Grammy Awards : Deep Forest en 1995 (meilleur album world pour Boheme), Justice en 2009 (meilleur remix pour sa version de « Electric Feel » de MGMT), Phoenix en 2010 (meilleur album alternatif pour Wolfgang Amadeus Phoenix), David Guetta en 2010 et 2011 (meilleur remix pour « When Loves Takes Over (Electro Extended Remix) », un de ses titres, et meilleur remix pour celui réalisé pour « Revolver » de Madonna). Daft Punk, lui-même, avait déjà reçu des statuettes en 2009 avec l’album Alive 2007 (meilleur album electronic / dance) et le single qui en est extrait, « Harder, Better, Faster, Stronger » (meilleur enregistrement dance). La conquête de l’Amérique a longtemps été un doux rêve pour les musiciens français. Ces dernières années, ce rêve est une réalité pour des DJs et producteurs électroniques et des groupes qui utilisent cette technologie dans leur musique. En plus de ceux cités précédemment, le succès transatlantique de DJ Snake, ƱZ et M83 est tout aussi remarquable. Les musiciens hexagonaux brillent également dans d’autres pays du monde, du Japon au Brésil, de l’Australie à l’Angleterre, la plaque tournante de l’industrie du disque en Europe. Avec cette visibilité internationale, obtenue grâce à la musique élec- tronique, la France retrouve le luxe d’une époque très ancienne, il 5 FRENCH TOUCH 100 y a plus d’un siècle, et tranche aussi avec un passé plus récent où tout ce qui venait de l’Hexagone faisait sourire ou provoquait l’indifférence. PARIS AVANT LA TECHNO À la fin du xixe et au début du xxe du siècle, Paris est une des capitales mondiales de l’art. Le courant de la musique impres- sionniste est emmené par Claude Debussy et Maurice Ravel. Erik Satie, influencé par l’impressionnisme, se distingue par l’écriture de motifs répétitifs : il est reconnu dans les années soixante comme le précurseur de la musique minimaliste américaine. L’époque compte aussi des musiciens importants tels que Gabriel Fauré et Henri Dutilleux, et précédemment, à la fin de la période romantique, vers la fin du xixe siècle : Camille Saint-Saëns, Charles Gounod, Jacques Offenbach et Frédéric Chopin (ce dernier étant d’origine franco-polonaise). Sans oublier Georges Bizet, dont l’opéra Carmen est l’un des plus joués dans le monde. La musique de ballet Boléro de Ravel, le drame lyrique Pélléas et Mélisande ou l’œuvre symphonique Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy, ou encore les musiques pour piano Gymnopédies et Gnossiennes de Satie sont des œuvres internationalement recon- nues. Elles ont traversé le xxe siècle et rayonnent encore, imposant la musique française sur la planète. Dans la première partie du xxe siècle, la France se distingue égale- ment par ses chansons. Les artistes de music hall français rayonnent à l’étranger comme Maurice Chevalier qui conquiert les États- Unis en chantant en français et en anglais, Mistinguett, Joséphine Baker, Américaine naturalisée Française, ou bien sûr Edith Piaf qui fait des tournées triomphales de l’autre côté de l’Atlantique. Le succès du film La Môme confirme la passion des Américains pour sa vie et sa carrière. D’ailleurs son jeune secrétaire et confident deviendra un autre grand exportateur de la chanson française : Charles Aznavour. Dans le courant du xxe siècle, d’autres chan- teurs et chanteuses français auront une renommée internationale, 6 DE DAFT PUNK À RONE tels Charles Trenet, Juliette Gréco, Mireille Mathieu, Dalida ou Patricia Kaas. Certaines chansons françaises vont voyager énormément, au-delà de leurs auteurs. La plus connue d’entre elles est « Comme d’habi- tude », chantée au départ par Claude François (écrite en 1967 avec Gilles Thibaut et composée avec Jacques Revaux), réadaptée en anglais sous le titre « My Way » et interprétée notamment par Frank Sinatra, Elvis Presley ou Sid Vicious des Sex Pistols. « Les Feuilles mortes », signée Jacques Prévert et Joseph Kosma en 1950, est chantée par Yves Montand, avant de devenir « Autumn Leaves », un classique du jazz joué par Miles Davis, John Coltrane ou Bill Evans. Eric Clapton, Iggy Pop ou Barbra Streisand en feront aussi des versions. Les chansons « La Vie en rose » d’Edith Piaf, mise en voix par Louis Armstrong ou Grace Jones, ou « Et main- tenant » de Gilbert Bécaud, interprétée par Shirley Bassey, Sonny & Cher ou Elvis Presley sous le nom « What Now My Love », ont eu également une très belle résonance internationale. Cette force de la langue française et la poésie de ses mots devient un poids, voire un handicap, quand le rock apparaît dans les années cinquante. Si des chansons françaises se sont exportées brillamment, les chanteurs hexagonaux ont adopté en retour le répertoire anglo- saxon et vont l’adapter dans leur langue. À titre d’exemple, sur le millier de chansons interprétées par Johnny Hallyday durant sa carrière, environ deux cent trente sont des adaptations, le plus souvent de titres américains, soit près d’un quart de son répertoire. Il chante ainsi des hits d’Elvis Presley (« Heartbreak Hotel » / « Je me sens si seul »), de Chubby Checker (« Let’s Twist Again » / « Viens danser le twist ») ou de Ricky Nelson (« Teenage Idol » / « L’Idole des jeunes »). Sylvie Vartan, Eddy Mitchell, Richard Anthony ou Claude François se font connaître également avec des reprises qui vont devenir des tubes dans leurs versions françaises.Ces adaptations sont réalisées pour le marché français et ne s’exportent pas. John Lennon, le leader des Beatles, déclare d’ailleurs avec beaucoup de malice et de causticité : « Le rock français, c’est comme le vin anglais. » Bref, le rock français n’existe pas ou est imbuvable ! 7 FRENCH TOUCH 100 Une poignée de chanteurs français réussissent pourtant à avoir une notoriété à l’étranger, comme Françoise Hardy ou Serge Gainsbourg. Ce dernier classe son album Bonnie And Clyde, chanté avec Brigitte Bardot, dans les meilleures ventes de disques aux États-Unis et la chanson « Je t’aime… moi non plus », réalisé avec Jane Birkin, rencontre un grand succès au Royaume-Uni où elle devient numéro un des ventes. Le rôle de la France sur l’échiquier de la musique mondiale continue à se restreindre durant les décennies suivantes : les plus grands groupes de rock et de pop nationaux des années soixante-dix et quatre-vingt, qui sont de véritables déferlantes dans l’Hexagone, ne dépassent pas les frontières car ils chantent en français : Téléphone, Indochine, Noir Désir ou Louise Attaque ont eu peu d’écho à l’étranger. De la même manière, les scènes jazz et blues françaises ne s’expor- tent guère. Hormis quelques exceptions avec des instrumentistes exceptionnels comme Django Reinhardt, Michel Petrucciani, Jacky Terrasson ou Stéphane Grappelli, le jazz français va rester discret sur la scène internationale. La France est pourtant un pays chéri des Américains qui fuient la ségrégation dans leur patrie. De nombreux jazzmen ou jazzwomen y vivent, comme Sidney Bechet, Bud Powell, Kenny Clarke, Coleman Hawkins, Archie Shepp, Nina Simone ou Dee Dee Bridgewater. D’autres y enregistrent – Miles Davis, Charles Mingus, Sonny Rollins, Lester Bowie / Art Ensemble Of Chicago –, parfois avec des instrumentistes français, et tous jouent dans les festivals hexagonaux. Le blues français est encore plus confidentiel et les musiciens reconnus – Jean-Jacques Milteau, Paul Personne, Bill Deraime – n’ont jamais réussi à égaler les grandes figures américaines.