Death’s Falcons

Carmen

Marjory KENLAY Prologue

15 août 2017

Shaw

Mourir pour la personne qu’on aime inconditionnellement m’a toujours paru honorable et courageux. Seulement, à cet instant précis, je pense à toutes ces choses que je ne pourrai pas faire avec elle. Les moments de sa vie où je serai absente, ceux de bonheur où elle rira, ceux de tristesse où elle pleurera et tous ceux qui se trouveront entre les deux. La voir grandir, devenir adulte, c’est bien la raison pour laquelle je me sacrifie aujourd’hui, pour son avenir, de préférence heureux, même si cela implique mon absence. Je suis soudain prise entre deux feux, le désespoir contre la rage absolue. Cela dit, mon temps est compté et je souhaite mourir dignement. Il n’y aura pas de supplications, ni pleurs, je vais rester fière d’accomplir cette tâche, comme une offrande ultime. Mon existence contre la sienne. Mais l’inverse est tout simplement impossible, si elle n’est plus je n’ai aucune raison d’être. Je m’accroche à ces pensées férocement. Je ne lui ferai pas le plaisir de baisser ma garde. Hors de question !

Les liens en plastiques me scient les poignets, tant ils sont serrés. De même pour mes chevilles, attachées aux pieds de ma chaise de salon. Je suis ligotée là depuis maintenant cinq heures, avec pour seule compagnie, des pensées démentes et le tictac de l’horloge murale. Le dossier me rentre dans le dos et j’ai les fesses en compote. Mais peu importe, ça pourrait être pire, non ? En fait non ! Je crois bien avoir touché le fond. J’ai un mal de tête frôlant la nausée, sans parler de mon œil qui doit avoir pris une jolie teinte violacée due au direct ramassé. J’entends ses pas marteler le sol en parquet, d’impatience ou dans l’attente de trouver le courage de me faire sauter la cervelle. L’un ou l’autre, ça met mes nerfs à rude épreuve. Bah oui ! Je suis humaine après tout, j’ai envie de vivre, même si mes plans semblent compromis. Je me concentre sur ma respiration pour ne pas céder à la folie et perdre de vue mon objectif ultime : la sauver. Je me répète, comme un mantra, de visualiser mon plus beau souvenir. Ses éclats de voix chatouillant mes oreilles et son sourire illuminant mes ténèbres, voilà à quoi je vais m’accrocher pour rester courageuse.

Je suis résolument prête à mourir, quand j’entends au loin comme un ronronnement de Harley. Oh mon dieu ! Faites que ça ne soit pas lui, ou alors qu’il a emmené la cavalerie avec lui ! Car seul, j’ai peur pour sa vie. Et même si j’ai appris à connaître son côté obscur et son véritable rôle au sein du MC, je suis terrifiée. Je tends davantage l’oreille essayant de reconnaître le son de plusieurs motos, mais à mon grand désespoir, j’entends seulement la sienne. Je n’ai jamais vraiment été croyante, mais là tout de suite je suis prête à croire en n’importe quoi, pourvu qu’il reste sain et sauf. L’adrénaline m’envahit et me dicte mon acte de rébellion, en espèrent faire diversion. Ses pas se rapprochent de moi, puis apparaissent enfin dans la pièce, alertés par son arrivée imminente chamboulant certainement son plan. Il n’y a plus aucun doute, tant le bruit de la Harley est présent. Puis s’arrête enfin devant la porte de garage de ma demeure.

— Il va te tuer, tu le sais ça ? murmuré-je.

— Ferme-là, tu ne connais pas ses sentiments pour moi !

En effet, je ne les connais pas, pour la simple et bonne raison qu’il n’a jamais eu de sentiments amoureux pour elle. Même pas un tout petit peu, et ce, malgré toutes ces années passées à attendre après lui. Ça a toujours été moi, elle n’a jamais eu aucune chance. J’en suis convaincue à présent, il m’a confirmé ce que j’ai toujours su au fond de moi. Nous deux, c’était une évidence.

— Je ne parierais pas là-dessus ! déclaré-je en l’affrontant tant bien que mal du regard.

Je sais, je n’aurais pas dû la provoquer en voyant la folie se profiler dans ses yeux. Son regard est démentiel, il me glace le sang. Trop tard pour les regrets. Je sens une brûlure irradier dans tout mon bras gauche, suivie d’une autre déchiquetant ma peau quelque part ailleurs. La douleur est insoutenable, je hurle en pensant au petit bout de vie se développant en moi. Ce dernier me donne lui aussi envie de me battre, malgré tout. Mon esprit martyrisé divague, me quitte et me revient, sans savoir pour combien de temps il m’accorde la lucidité. Je ne perçois plus trop bien ce qui m’entoure et ce qu’il se passe dans la pièce. Mais, j’implore au fond de moi le peu de force me restant pour lui faire passer le message, pour sauver notre ange… il ne doit pas la tuer avant… d’avoir révélé… où la trouver ! Je suis tellement fatiguée, je ne sais plus si je rêve ou si c’est la réalité.

Put me to sleep evil angel Fais-moi dormir ange malveillant Open your wings evil angel Ouvre tes ailes ange malveillant

Mes paupières sont tellement lourdes, alors je succombe à la tentation de les fermer, pour quelques instants seulement. Chapitre 1

Shaw

Mars 2017

— Maman, on est bientôt arrivées ?

— Oui bientôt ma chérie, nous y serons dans pas longtemps.

— Ouiii ! Je veux trop voir tata et tonton Mal ! Youpi ! dit ma fille en tapant dans ses petites mains.

— Oui moi aussi j’ai hâte ma chérie.

C’est moche de mentir aux enfants et encore plus quand c’est le vôtre. Je suis heureuse de revoir ma sœur et mon frère, mais un peu moins de revoir mes parents. La dernière fois que je les ai vus, j’avais 21 ans et je venais d’enterrer Andrew, mon époux. J’étais inondée de chagrin et en colère contre le Club et la terre entière. J’avais besoin d’espace et de calme pour me retrouver ou plus honnêtement me trouver. Et ça, ma mère n’a pas voulu le comprendre et a très mal pris mon souhait de quitter Hillsdale. Cette petite bourgade du nord de la Californie m’a tellement pris et fait souffrir, que je devais partir et laisser tout ça derrière moi, derrière nous. Cependant aujourd’hui, je dois faire preuve d’altruisme et rentrer pour un temps indéfini à la maison.

Il y a quelques jours Marley, ma petite sœur, m’a passé un coup de téléphone, rien d’exceptionnel puisque j’ai gardé le contact avec elle et Malonne, son jumeau. Mais cette fois, son appel n’avait rien de courtois. Maman va mal, les médecins viennent de lui diagnostiquer un cancer du sein de stade II. Une mère, on en a qu’une et c’est la raison pour laquelle je souhaite enterrer la hache de guerre. Ça ne sera pas une mince affaire, quand j’ai quitté la ville il y a six ans, j’étais physiquement seule. À présent, je reviens avec Tara, une petite part de moi et de Andrew. Je reviens avec ma magnifique fille Tara et je m’accroche à cette pensée.

Je sens comme une boule coincée dans ma gorge, j’appréhende énormément la réaction de ma mère et de Terry, mon beau-père. Malonne n’a eu de cesse de me rassurer en me disant combien maman, comme tout le monde, tomberait sous le charme de Tara. C’est une enfant adorable, elle ressemble tellement à son père qu’il m’est parfois difficile de retenir mes larmes en la regardant. Il me manque tant. Néanmoins, maman est une femme fière et me pardonnera difficilement de l’avoir écartée de la vie de sa petite-fille par pur égoïsme et encore moins d’avoir abandonné « la famille ». Quand elle parle de « la famille », ce n’est pas seulement la famille Lang, mais le Moto Club des Death’s Falcons Sur le papier c’est un club de motards passionnés d’Harley Davison. Ouais, sur le papier alors…

Je me gare dans l’allée de la modeste maison de quartier résidentiel, aux volets bleu pastel. Voilà un bout de temps que j’ai fermé cette porte et que je lui ai tourné le dos. Je sors les clefs gardées sur mon trousseau malgré tout.

— On est où Maman ?

— Chez nous, ma puce.

— Notre nouveau chez nous ? Parce que chez nous c’est à L.A., tu te rappelles ? déclare-t-elle dubitative.

— Exactement, notre nouveau chez nous Tara. Ça te plait ?

— Je ne sais pas. On peut aller dedans, voir ?

Notre maison à Andrew et moi, n’a rien d’extraordinaire, tellement différente comparée à notre logement sur Los Angeles. Enfin, ça reste tout de même chez moi. Et malgré tous les souvenirs heureux et malheureux qu’elle renferme, je ne me suis jamais résolue à la vendre. Inconsciemment je savais combien elle me servirait à nouveau de refuge le jour où je serai prête. Je constate que quelqu’un y est passé récemment, car il n’y a pas une trace de poussière, ça sent bon le propre et le frais. Il y a eu un peu de changement de mobilier et un très beau bouquet de roses blanches et rose trônant sur le bar de la cuisine avec une petite carte, où y est inscrit « Bienvenue ». Marley et Eva à coup sûr. J’ai prévenu ces dernières de notre arrivée imminente il y a deux jours. Autant vous dire qu’elles étaient aux anges.

Une fois nous être rafraîchies du voyage et pris nos marques dans la maison, il est l’heure de se rendre chez les Lang. J’opte pour une tenue plutôt décontractée et confortable, car cette rencontre ne le sera pas. Un vieux jeans boyfriend, un débardeur blanc plus mes Vans de la même couleur aux pieds feront l’affaire. En revanche pour Tara, je préfère être irréprochable. Elle a choisi une jupe crème et dorée et un t-shirt à volants rose pâle. Les ballerines sont du même ton et elle a laissé ses beaux cheveux ondulés détachés. Ils ont la même couleur blonde que ceux de Andrew. Ses yeux sont verts et ont la même forme que les miens. Elle est un savant mélange de nous deux. Je préviens Malonne par SMS que nous partons de la maison et prends la direction de celle de mon enfance.

Quand j’entre dans le hall avec Tara à ma suite, j’entends ma mère qui demande à Malonne qui a sonné. Je m’arrête, souffle un bon coup et prends ma fille dans les bras pour me donner contenance et, au passage, une bonne dose de courage. J’avance vers le grand séjour où se trouve Victoria, ma mère.

— C’est moi, maman, déclaré-je d’une voix calme et posée.

— Marley ? lâche-t-elle.

Je continue dans ma lancée jusqu’à ce que l’on se trouve dans son champ de vision. Confortablement installée dans le canapé, ma mère ne me quitte pas du regard. Elle pose son livre à côté d’elle.

— Shaw ! s’exclame-t-elle stupéfaite.

Son ton ne laisse entendre aucune colère, juste de la surprise. Je m’éclaircis la gorge et la regarde dans les yeux. Je peux y lire son étonnement et sa curiosité. Son regard saute de mon visage à celui de ma fille.

— Bonjour maman, oui c’est bien moi.

Je serre ma puce dans mes bras et embrasse le dessus de sa tête.

— Tara ma chérie, dis bonjour à mamie Vicky.

— Oh mon Dieu !

Ma mère pose ses mains sur sa bouche, me laissant aisément voir les larmes remplirent ses yeux.

— Bonjour mamie Vicky, dit Tara en tendant les bras vers son oncle. Tonton Mal, câlin. réclame-t-elle.

Malonne s’empresse de prendre ma princesse dans ses bras pour l’étouffer de bisous et la câliner avant de sortir du séjour. Je le remercie d’un hochement de la tête. Mon petit frère a bien grandi depuis mon départ, c’est un beau jeune homme très intelligent. À mon grand regret, il ressemble un peu trop à son grand frère, Jay, et marche dans ses traces.

— Maman nous devons parler.

J’avance une main hésitante sur son épaule.

— De quoi veux-tu parler ? déclare-t-elle sur ses gardes. Du fait d’avoir abandonné les jumeaux ? Du fait d’avoir abandonné Terry ? Du fait d’avoir abandonné le Club ? Du fait de m’avoir abandonné moi ? Ou peut-être la raison pour laquelle tu m’as caché l’existence de ma petite fille ? Non, mais, sérieusement Shaw, quel enfant fait ça à sa propre mère ? Vas-y explique-toi !

Ma mère est peut-être atteinte d’un cancer, mais elle n’a rien perdu de son mordant. Ça ne fait rien, je m’y étais préparée, son amertume est légitime. Je prends place dans le fauteuil en face d’elle et relâche un profond soupir.

— Tu le sais très bien, la réponse est et sera toujours la même, insisté-je.

— Le Club ? T’as le culot de tout mettre sur leurs dos ! s’emporte Vicky.

— Je n’ai le culot de rien du tout, ce sont les faits. Le Club m’a bien trop pris et tu le sais. Je sais ce qu’elle cherche, elle veut me provoquer, mais j’ai grandi. Maintenant je réfléchis avant de m’emballer et je lui réponds le plus calmement possible.

— Je ne suis pas venue pour me disputer avec toi, alors si c’est ce que tu cherches, c’est bien dommage. En revanche, si tu veux entendre de ma bouche, les raisons qui m’ont poussée à agir de la sorte, je suis disposée à t’en faire part. À toi de voir.

Je me relève et m’apprête à battre en retraite, quand ma mère fait de même en saisissant ma main.

— Shaw… Excuse-moi de m’être emportée, j’ai eu mon lot de mauvaises nouvelles ces temps-ci et je suis à fleur de peau…

Ça ne paraît pas, cependant je sais combien ces excuses lui coûtent et mettent sa fierté à mal. Je ne dois pas perde de vue mon objectif : je suis revenue pour faire amende honorable, tenter de mettre de côté nos différends et clarifier le passé, pour elle. Il s’agit de ma mère et je l’aime malgré tout. Je veux être à ses côtés pour le combat qu’elle s’apprête à mener.

— C’est bon, maman.

— OK, bébé. Alors je t’écoute.

C’est parti pour un petit tour dans le passé douloureux.

— Quand Andrew a été chopé par les fédéraux et incarcéré, j’étais dans tous mes états, mais j’étais confiante, commencé-je. Je savais que le Club avait du monde derrière les barreaux et que Andrew aurait droit à leur protection à l’intérieur. J’ai appris ma grossesse à ce moment-là, j’étais enceinte d’à peine quelques semaines.

— Je n’en doutais pas chérie, ta fille lui ressemble beaucoup.

— En effet, elle tient beaucoup de son père et de plus d’une manière. Mais quand il s’est fait descendre, tout mon monde s’est écroulé, tout ce en quoi j’avais toujours cru, tout ce en quoi j’avais foi, j’ai tout perdu. Maintenant, avec le recul, j’en ai conscience, je n’étais pas rationnelle. J’étais dévastée par le chagrin, terrifiée à l’idée de donner naissance à un enfant, si jeune et surtout seule, sans lui. Comment je pouvais continuer d’avancer, alors qu’une partie de moi était morte dans ce pénitencier ?

Remuer tous ces souvenirs douloureux ravive la profonde blessure que je garde enfouie en moi depuis de longues années. Je sens les trémolos s’emparer de ma gorge et les larmes atteindre mes yeux pouvant difficilement les contenir.

— Puis la colère est venue se mêler à ma tristesse, il me fallait un coupable. Et le Club sonnait comme une évidence. Cependant je savais que je ne pourrais jamais lui faire payer ma perte. Alors j’ai utilisé ma colère et ma rage, que j’ai transformées en instinct de survie et de protection. Si je ne pouvais plus rien faire pour changer le passé, je pouvais cependant décider de notre futur.

— Ça se tient. Mais je ne comprends pas pourquoi nous avoir caché l’existence de Tara. Pourquoi tu ne m’as pas laissée t’aider ma chérie ?

— Il était hors de question que le Club fasse partie d’une quelconque façon de la vie de ma fille. Je voulais la protéger de toutes les merdes du MC. Et sauf ton respect, maman, tu es la régulière du président des Death’s Falcons...

— Malonne et Marley étaient au courant.

Ce n’est pas une question, mais je me dois de lui répondre.

— En effet et ne leur en veux pas ! Je leur ai fait promettre de garder le silence, je ne suis pas bien fière de ma stratégie, mais je n’avais pas d’autre choix.

— Depuis combien de temps ?

— Depuis le début. Comprends-moi bien, je savais que le Club ne me ficherait pas la paix s’il savait pour Tara. C’est une chose de prendre le large pour continuer ses études dans une grande ville, mais s’en est une autre de fuir pour élever un enfant en secret. Et puis nous n’étions pas en très bons termes si tu te souviens bien. Tu sais te montrer têtue et je crois que je tiens ces traits de caractère de toi, maman. Elle émet un soupir et à ce moment-là, je sais que je n’ai pas encore gagné la guerre, mais j’ai au moins remporté une bataille.

— Je n’ai pas l’impertinence de te demander de me pardonner, seul le temps pourra atténuer le mal causé. Mais je te demande d’essayer de me comprendre, j’ai voulu protéger ce qu’il me restait de ma famille, tout comme toi, tu as toujours protégé ta famille. Excuse-moi maman. — Seulement si tu me dis pourquoi je devrais le faire.

Ah oui, je la reconnais bien là, Vicky Lang. Je lâche un soupir théâtral.

— Eh bien, malgré nos différends et divergences d’opinions, tu restes ma mère. Je t’aime et j’aimerais être à tes côtés pour te soutenir et t’épauler dans les mois qui viennent. Alors qu’en dis-tu, drapeau blanc ?

C’est avec des trémolos dans la voix et les yeux brillants qu’elle me répond.

— C’est tout ce que je voulais entendre ma fille. Viens là.

Elle me tend ses bras dans lesquels je me jette immédiatement. J’avais oublié à quel point les bras aimants d’une mère pouvaient vous donner la force d’affronter tout un bataillon de motards.

— Tu m’as fait le plus beau cadeau qu’une mère peut vouloir.

Je la regarde stupéfaite, ne voyant pas où elle veut en venir. Ses lèvres s’étirent en un sourire malicieux.

— Le bonheur d’être grand-mère ! Chapitre 2

Jay

La sonnerie de mon portable me sort du sommeil. Je saisis l’objet machinalement et décroche sans même regarder l’identité de mon interlocuteur. C’est pour le Club, c’est toujours le Club.

— Ouaip !

J’ai la voix éraillée de sommeil.

— Fils, j’ai besoin de toi pour la session. Sois au garage dans une heure, ne sois pas en retard.

— Compte sur moi.

Je mets fin à l’appel de mon président sans plus de courtoisie. Je prends quelques secondes pour me réveiller, quand le bras d’Ashanty glisse sur mon ventre et descend en direction du sud. Cette nana est une vraie chaudasse. Toujours partante à n’importe quel moment du jour ou de la nuit. Et j’adore ça. C’est ce qu’il y a de bien avec Ash, nous sommes sur la même longueur d’onde. Elle sait très bien à quoi s’en tenir avec moi. Ce n’est un secret pour aucune de mes conquêtes d’un soir, je n’ai ni le temps ni la place dans ma vie et encore moins l’envie de me faire chier avec une nana. Je n’aurais jamais de régulière, chose qu’Ash ne convoite absolument pas. Entre elle et moi, c’est du sexe sans attache et sans prise de tête. L’éclate !

Ses ongles griffent avec délicatesse la peau de mon bas ventre, déclenchant une vague de plaisir se répercutant directement dans ma queue. Ash ne manque pas l’occasion qui se présente à elle et laisse ses doigts encercler mon érection matinale. Sa main monte et descend avec lenteur, augmentant mon excitation. Elle accélère crescendo le rythme de ses caresses et m’arrache un gémissement rauque. Je décide de la freiner légèrement, et dépose ma main sur la sienne. À ce rythme-là, le spectacle sera fini avant même d’avoir commencé. Elle émet un gémissement plaintif en réponse, sexy à mort !

— OK ! Fais ce que tu as à faire diablesse. Lâché-je vaincu en écartant les bras en signe de défaite.

Je suis maintenant allongé sur le dos, Ash à califourchon sur moi ses yeux pleins de malice rivés aux miens. Elle descend langoureusement, en faisant bien attention de frotter sa peau brûlante de désir contre la mienne. Sa bouche se promène sur mon torse, puis mon ventre, et putain de merde, elle lèche ma queue au garde à vous, avec gourmandise.

***

Je gare ma bécane à côté de celles de Jer et Klash, déjà arrivées au club house. L’Harley de mon père est là elle aussi. Les dernières semaines ont été plutôt rudes avec lui. Il vient d’apprendre que Vicky, sa régulière, a un cancer du sein. C’est la merde. Mon père est complètement fou de ma belle-mère. Si elle devait y rester, il serait anéanti ! La raison de notre présence à tous, ce midi, est l’annonce de la maladie de Vicky au reste du Club. C’est certain que ça va plomber l’ambiance. Avant mon père, elle était la régulière de Phil Ford, un des firsts membres fondateurs de notre MC. Vicky est extrêmement respectée et représente, en quelque sorte, par sa position de régulière du président des Death’s Falcons, la maman du Club. Les mecs sont au bar en train de siroter leurs bières. Je les rejoins et demande un café au prospect en attendant l’arrivée du reste des frères.

Bill, Brady, Mal et Stew font leurs entrées, la messe peut commencer. Nous sommes tous installés autour de la table de décision. Terry y préside, en bout, à sa gauche Stew, Bill, Mal et Pit. Et à sa droite, moi, Jer, Brady, puis Klash en face de lui. Kill et Vic, les prospects, sont debout un peu en retrait. L’avenir nous dira s’ils méritent d’être investis dans le Club. Avoir un siège à la table leur permettra le droit de vote, mais surtout, le patch aux couleurs du MC à porter avec fierté. Personnellement je pense qu’il ne devrait pas y avoir de problèmes pour leur avenir au sein du Club. Cependant si j’ai bien appris quelque chose durant les dix années passées ici, c’est combien la confiance est un luxe qu’on peut rarement s’offrir, alors sait-on jamais.

— Aujourd’hui les gars, on a plusieurs points à caler concernant le chargement en provenance de Russie.

La voix de notre président en impose, tout le monde respecte mon vieux autour de cette table.

— Klash, Brady, et Jay, vous vous occuperez de la réception du colis au hangar. déclare-t-il en nous pointant du doigt tour à tour. Le camion devrait être là vers seize heures. Jay, tu fais le point avec Barnet. Les gars vous le couvrez et faites l’inventaire du stock de munitions. — Stew et Jer, vous venez avec moi, on va voir Lopez et s’assurer qu’il a notre fric pour la livraison de la semaine prochaine. Pour les autres, vous allez aider les régulières à bouger les meubles pour la fiesta de ce soir. Prospects, vous escortez les femmes pour faire les courses et assurez-vous que tout roule. Les chambres doivent être nickel pour recevoir. On attend pas mal de frères.

— OK Terry, on s’en charge. clament en cœur les deux jeunes.

— Parfait. Hum…

Du regard, Terry cherche mon soutien que je lui confirme d’un hochement de menton. Il fait de même avec mon frère. J’allume une clope pour occuper mes doigts et m’attends à faire face à la chute d’ambiance imminente.

— Avant d’en finir les gars, j’ai quelque chose d’important à vous dire. commence mon vieux.

— Des soucis mon pote ? demande Bill.

— Une merde vient de nous tomber sur le coin de la gueule Bro.

Je tire une longue latte et fais craquer ma nuque. Je cache comme je peux mon malaise. Vicky n’est peut-être pas ma mère, mais elle est ce qui s’en rapproche le plus. Elle m’a toujours accepté comme je suis, contrairement à Betty et a été un bon nombre de fois mon garde-fou. Même si elle ignore les actes du Club, elle connaît ses règles et a toujours su réveiller ma conscience, les fois où je partais à la dérive. Elle est bien plus que la régulière de mon père, elle est la gardienne de ce foutu Club. Sa maladie nous concerne tous. Je me hasarde à regarder le visage de mon petit frère, il fait bonne figure face aux gars, mais en vérité il ne réalise toujours pas. Qui le pourrait ? Il est si jeune et la possibilité de perdre sa mère, non pas par des représailles ou un accident que le Club pourrait causer, lui fout un coup. Nan, c’est un putain de cancer qui menace de la lui arracher !

— C’est Vicky, elle ne se sentait pas vraiment en forme ces derniers temps, elle était constamment épuisée et elle avait des migraines pratiquement en continu. Alors elle a passé quelques tests médicaux et ce n’est pas bon du tout…

— Oh, mon dieu de merde ! C’est quoi Terry ?

Avant même que mon paternel réponde, j’écrase ma clope et réponds à Bill.

— Un putain de cancer, mec !

Je ne peux cacher mon dégoût et grimace d’amertume. Un chapelet d’injures s’échappe de la bouche de tous. Mes jambes tremblent toutes seules d’agacements et de nervosité. Terry instaure le calme et poursuit.

— Elle a un cancer du sein de stade II, c’est donc fifty-fifty. Je vais avoir besoin de disponibilité pour m’occuper d’elle. Alors je compte sur chacun de vous pour veiller sur le Club en mon absence.

— Bien sûr Prez, tout ce que tu voudras.

— Merci !

Sur ses remerciements, il frappe la fin de la session de son marteau, refermant la parenthèse émotion. Les gars vont tour à tour montrer leur sollicitude en assénant multitudes tapes viriles dans son dos pour lui insuffler du courage ainsi qu’à Mal. Je sors de l’église comme si j’avais le feu aux fesses. Je boirais bien un coup maintenant. Je fais signe à Kill de me servir une bière, et sors de mon paquet de Marlboro mon joint puis l’allume.

— Ça va Jay ? me demande Jer.

— Ouais, ça va mon frère.

J’inspire à plein poumon et recrache le mélange de tabac et d’herbe.

— Elle va surmonter ça, c’est une dure à cuire notre Vicky, mec ! continue-t-il.

— C’est clair, t’as raison. Mais ce n’est pas que ça, eux m’inquiètent…

Son regard suit la même direction que le mien se posant sur Malonne et mon vieux.

— Je sais ce que tu penses, mais on est une famille, on se serre les coudes et les liens se renforces dans les moments de merde intense, me rappelle-t- il.

— Ouaip ! lâché-je d’un rire amer.

Je tire une dernière fois sur mon joint et le lui tends. Il hoche la tête pour me remercier, avant de le porter à ses lèvres.

— Sincèrement Jay, de toi à moi, quelles sont ses chances de s’en sortir ?

— Franchement je n’en sais trop rien. D’après le doc, ils l’ont découvert assez tôt pour ne pas que ça soit irrémédiable. Mais elle n’échappera pas à la chimio et à toutes ces merdes.

— OK, dis-lui bien que nous sommes tous là, elle ne sera pas seule pour affronter ça.

— Tu lui diras toi-même, vieux, elle sera là à la fête du printemps.

Je prends une longue gorgée de bière et me dirige vers Malonne.

***

Seize heures pétantes, Barnet arrive au hangar. Je lui fais signe et viens à sa rencontre.

— Jay ? Terry n’est pas là ?

— Nan, il avait à faire. D’ailleurs à l’avenir c’est à moi que tu auras à faire.

— Ah ouais et pour combien de temps ? Parce que Keposwitch m’a donné des ordres Jay. Je tiens à ma famille et à ma vie, me dit-il inquiet.

— Le temps qu’il faudra Barnet. Kep j’en fais mon affaire, tout sera réglé d’ici ton retour, no stress, le rassuré-je.

— C’est bon pour moi, termine-t-il en me tendant la main.

— Parfait. Rétorqué-je en la serrant. Les gars on décharge ! Chapitre 3

Shaw

Voilà je suis rentrée chez moi. Que vais-je bien pouvoir faire à présent ? Il m’est impossible de reprendre le cours de ma vie d’avant. La Shaw de Hillsdale me paraît tellement loin de la Shaw de Los Angeles. Je suis déterminée à ne pas laisser les doutes et les fantômes du passé me déstabiliser. Le point positif à cette situation, c’est que je reviens avec un regard neuf, plus mature et avisé. De plus, je peux puiser ma force dans le sourire de ma fille. Tara étant couchée je m’autorise à prendre un verre de vin rouge, ma journée de mère solo est terminée. J’ai revêtu ma tenue de cocooning, un bas de survêtement gris clair avec un marcel, ce sont des vieilleries, mais je suis si bien dedans. Je porte mon ballon à mes lèvres et bois une gorgée. Ce breuvage est exactement ce dont j’avais besoin. Une bonne dose de réconfort après la journée affrontée.

Dans l’ensemble, l’entrevue avec Vicky s’est plutôt bien passée, par rapport à ce à quoi je m’attendais. Comme je l’avais espéré, elle adore Tara, rien d’étonnant à ça. Tout comme moi, elle semble vouloir repartir d’un bon pied et le fait d’accepter mon aide, en est la preuve. Avant mon départ pour L.A., j’étais assez proche de ma mère, enfin, comme peuvent l’être une mère et sa fille, toutes deux ayant des caractères bien trempés. Comme aimait le dire mon beau-père, « les chiens ne font pas des chats ! » Il avait tellement raison… cette pensée me plonge dans une douce nostalgie. Je ne peux pas lui en vouloir d’avoir choisi maman et pas pris mon parti. Victoria dit, Terry approuve ou fait, ça a toujours été ainsi. Son amour pour maman est inconditionnel et passionné. Ils sont une équipe prête à braver toutes les tempêtes ensemble. C’est beau et rare à la fois.

Quand je me suis mariée avec le père de ma fille, Andrew, je voulais croire plus que quiconque en un amour similaire à celui m’ayant servi d’exemple les trois quarts de ma vie. Mais, les étoiles ne devaient pas être alignées pour nous. Ce n’était tout simplement pas notre destinée. Je me suis demandé, l’année suivant son décès, ce que j’avais bien pu faire de si mal, dans cette vie ou une autre pour mériter une telle chose. J’ai appris à ne plus m’apitoyer sur ma tristesse, mais à m’en servir pour rebondir et voir le verre à moitié plein au lieu de vide. Cependant, j’ai mis définitivement en sourdine mon cœur et mes sentiments. Enfin pour un certain temps, même si je suis convaincue que ma chance d’être heureuse est morte avec Andrew. Pour le moment l’amour de ma fille me suffit.

Après avoir fait une énième fois le tour du propriétaire, comme si je découvrais les lieux et voyais pour la première fois ce jeune couple sur les dizaines de photos, je finis mon verre et me couche dans la chambre qui me servait autrefois de refuge.

Marley est la sœur la plus géniale du monde ! Elle a organisé notre arrivée comme une pro. Non seulement la maison, mais elle a également réussi à jouer des coudes dans son réseau de connaissance pour m’avoir un rendez-vous avec Madame Cooper, la directrice de l’école de Hillsdale. Les inscriptions en cours élémentaires sont quasi impossibles en cours d’année scolaire, toutefois, elle a quand même souhaité nous rencontrer Tara et moi pour étudier ma requête. C’était inespéré ! Comme j’ai pu le constater, l’école où j’ai étudié a complètement été rénovée de A à Z, elle est méconnaissable. Après m’être présentée à la secrétaire de Madame Cooper, elle nous invite à patienter un instant. Résultat des courses, après quelques minutes d’entretien, Tara était assise à son bureau dans la classe de Mademoiselle Brooke. J’étais bien plus anxieuse que ma petite fille à l’idée qu’intègre une nouvelle école avec tout ce que ça comprend. Mais comme toujours, elle a su, de son sourire magique, me rassurer sur mes choix. C’est avec bonheur qu’elle m’a dit au revoir de sa petite main.

Je me rends au salon de tatouage où travaille ma petite sœur pour prendre un café avec elle et surtout la remercier pour ce sacré coup de main. Arrivée à quelques rues du salon, la sonnerie de Toxic résonne dans l’habitacle de mon SUV.

— Salut B ! répondé-je.

— Hé ! Bombasse, comment s’est passé ton grand retour ? commence-t- elle joyeusement.

Je soupire.

— Si mal que ça ! s’étonne mon amie.

— Non en fait bien mieux que je ne le pensais. avoué-je.

— Raconte.

L’enthousiasme de mon amie est palpable.

— Les choses avec ma mère vont rentrer dans l’ordre et je viens de déposer Tara à l’école !

— En l’espace de trois jours ? C’est génial, je suis contente pour vous deux. Comment va ma petite chérie ?

— Elle va bien, pour le moment elle semble contente. La maison lui plaît, mais elle m’a quand même demandé de lui faire une chambre de princesse, tu vois le genre… lui dis-je tout en me garant dans la rue de InkHills.

— Oui carrément ! Et toi ma belle, pas trop dur de revenir dans cette maison sans ton mari ?

Je prends quelques secondes pour répondre à sa question, les mains cramponnées au volant en cuir.

— Je ne sais pas, c’est assez bizarre comme situation. Par moment je suis de retour dans le passé et l’instant d’après je réalise quel jour nous sommes. Eva et ma sœur ont pourtant fait du bon boulot en vidant le plus possible la maison de souvenirs. Mais l’âme de Andrew est toujours présente dans chacune des pièces. Je sens son odeur sur les oreillers de notre lit, c’est complètement dément !

Oui totalement impossible meuf ! Je passe une main nerveuse dans mes cheveux, cherchant à retrouver mon calme et poursuis.

— Et ça m’étouffe, j’ai peur de perdre pied à tout moment… je me sens tellement vulnérable entre ces quatre murs.

Sans parler de la culpabilité te submergeant… souviens-toi… susurre cette petite voix dans ma tête.

— C’est tout à fait normal, laisse-toi du temps Shaw. Et si tu as besoin d’air pur, refais toute la déco de cette baraque ! Qu’elle te ressemble à toi et non à l’ancienne toi !

Je hoche la tête comme si elle pouvait me voir.

— Tu fous tout à la poubelle, ce n’est pas comme si tu n’en avais pas les moyens, t’es blindée de fric ! insiste-t-elle.

— C’est une bonne idée ça !

Barbara est fantastique, elle sait toujours renverser les situations merdiques à leurs avantages.

— Tu sais que je te love, B !

— Bah, bien entendu que tu m’aimes ! Et c’est réciproque Bitch !

Nous partons dans un joyeux fou rire.

— Plus sérieusement, Charlie ne va pas tarder à t’appeler pour caler de nouveaux contrats pour Carmen, m’annonce-t-elle.

Mon côté professionnel réapparaît aussitôt.

— Pas de problème, je serai prête. Bisous, bisous, call-girl !

— Prends soin de toi Shaw. Lâche-t-elle avant de mettre fin à l’appel.

Après avoir raccroché avec mon amie, je rejoins ma sœur. Elle est en train de travailler sur un projet, pour son client de l’après-midi. Et ouais mon adorable petite sœur est artiste tatoueuse et elle est extrêmement douée. Un frère membre d’un gang de motards, une sœur tatoueuse et moi une escorte girl de luxe, belle brochette ! En revanche pour mon job d’escorte, Marley et Eva sont les seules à en avoir connaissance. Je n’ai pas honte de ce que je fais pour gagner ma vie. Cependant, devenir escorte girl n’a pas été évident et ce choix n’a pas été fait à la légère. Mais c’est le mien et il m’appartient. Quand B, m’a sérieusement proposée de me parrainer auprès de Privat Lesson Escort, j’ai d’abord cru qu’elle se payait ma tête. J’étais une toute jeune maman n’ayant plus confiance en son physique, il était en effet très loin de rivaliser avec celui de mon amie. Je lui serai éternellement reconnaissante d’avoir vu mon potentiel malgré moi et comme elle le disait tout à l’heure, mon job me fait gagner beaucoup d’argent.

Marley est seule au salon, donc nous parlons à cœur ouvert. Le principal sujet de notre conversation tourne autour de l’état de santé de maman. Le quotidien qu’il va falloir changer, les mesures à prendre pour l’épauler au mieux tout le temps de son traitement et plus encore. Je suis cependant admirative face à la force mentale de ma petite sœur. Elle a beaucoup de courage et essaie d’en insuffler suffisamment aux hommes de la famille Lang. Elle m’informe que contrairement à elle, Mal a beaucoup de difficultés à réaliser pour maman. Sous ses airs de grand costaud, il dissimule son côté petit garçon effrayé. Comme nous tous, il a peur de perdre une personne qu’il aime et il transforme cette peur en rage. Une colère qu’il ne sait pas vers qui diriger. Marley a peur qu’il se renferme sur lui-même, qu’il s’isole et qu’il rompe tout contact avec les siens, mais surtout avec elle. Malonne a besoin de temps pour diriger tout ça et sa jumelle fera de son mieux pour l’épauler et le réconforter.

Après ma visite à Marley, je continue sur ma lancée et appelle maman. Elle décroche à la deuxième tonalité. Je prends de ses nouvelles, ça sonne presque naturelle. Mais je n’ai pas d’illusions sur le temps nécessaire pour que chacune de nous deux retrouve sa place dans la vie de l’autre.

— Je vais très bien ma fille, ne t’inquiète pas. Je profite des quelques jours qu’il me reste de liberté avant d’être esclave de mon corps et de la science.

Le chirurgien a laissé une dizaine de jours à maman pour prendre ses dispositions avant l’opération. C’est une opération lourde et douloureuse, par conséquent, il a trouvé préférable de la laisse souffler avant le grand jour.

— OK, mais tu ne peux pas m’empêcher de me faire du souci. Ne te fatigue pas trop surtout, si tu as besoin je suis là. De plus Tara a été acceptée à l’école ce matin, donc je suis libre.

— C’est super que la puce soit à l’école avec des enfants de son âge.

— Ouais ! Tu en es sûre c’est bon ? insisté-je.

— Oui c’est bon je ne suis pas un putain de morceau de sucre ! s’emporte ma mère. Tu es libre, ça tombe bien, j’ai quelques courses à faire pour ce soir. Tu peux venir me chercher dans combien de temps ?

— Je pars d’InkHills et j’arrive.

— Parfait.

Puis elle raccroche.

***

Quand j’ai proposé mon aide à Vicky, je ne m’attendais pas à ce qu’elle me tire par les cheveux jusqu’au club house. Les courses, c’était pour le Club qui visiblement organise une petite sauterie ce soir. Ne voulant pas mettre le feu au drapeau blanc tout fraîchement hissé entre nous, je décide de prendre sur moi. Je suis revenue pour aider ma mère après tout et j’ai bien l’intention de le faire, même si je préfèrerais m’épiler les cils un à un. Mon unique hâte quand je passe la porte du club house, c’est d’en ressortir à grandes enjambées. Manque de bol, l’intérieur grouille de monde et bien sûr, je ne passe pas inaperçue. À croire que ma mère a prévenu les gars de mon arrivée en ville. Je suis cependant accueillie très chaleureusement, avec un petit pincement au cœur à presque m’en faire oublier ma haine envers ce foutu MC. Je ne les ai pas toujours détestés, non. Jusqu’à la mort de Andrew, je les ai toujours considérés comme ma famille et me sentais en sécurité au sein du Club. Mais ça, c’était avant. Ici, je suis la régulière de Andrew, mais surtout la fille de Phil Ford et celle d’adoption de Terry, les deux présidents de ces trente dernières années. On me respecte presque autant que Terry et ma mère. Je suis un peu la fille de tous ces grands costaux.

Les bras chargés de provisions, maman me presse vers la cuisine, quand je sens deux gros bras s’emparer de mes sacs.

— Salut Fillette ! Donne-moi ça ! résonne la voix dans mes oreilles.

— Pitt ! clamé-je, réellement heureuse de le voir.

Je le suis jusque dans la cuisine où reine Victoria prend pleine possession de l’espace.

— Ça fait un bail, Shaw. Ravi de ton retour au bercail.

— Ouais, merci… je lâche, mal à l’aise en faisant un signe de tête vers ma mère qui s’affaire au rangement des courses.

— C’est une bonne chose ton retour. Me dit-il en resserrant mes épaules de ses grosses paluches.

Je le gratifie d’un sourire. Je suis encore dubitative sur le sujet. L’avenir me le dira. Une chose est sûre plus vite j’en aurais fini avec les courses, plus vite je pourrais sortir de cet endroit maudit. Je regarde autour de moi me demandant ce que je fous ici, sans pouvoir y répondre.

— Si tu n’as plus besoin de moi, je vais récupérer Tara à l’école et rentrer chez moi. annoncé-je à ma mère qui a la tête dans le frigo.

— Quoi ?! Certainement pas jeune fille ! Tu ne vas nulle part. C’est la fête du printemps ! se catastrophe ma mère.

J’oubliais quelle importance pouvaient avoir ces ridicules fêtes annuelles pour elle. C’est la tradition du Club, à chaque saison, les Death’s Falcons organisent une grande fiesta et invitent les membres des autres chapitres et leur famille à Hillsdale. Comment ai-je pu oublier ? J’ai donné mon premier baiser à l’une de ces fêtes, il s’appelait Charly, il portait de drôles de lunettes lui donnant de faux airs d’Harry Potter.

— Il n’était pas question de ça, maman, je devais t’aider pas rester au Club.

J’essaie de répondre avec toute la diplomatie possible.

— Tu me fais chier Shaw ! C’est malheureux d’être obligé de quémander ta présence à une soirée si importante pour moi ! fulmine-t-elle.

Alerté par les protestations de notre mère, Mal déboule dans la cuisine. Il fait immédiatement office d’arbitre. Il lève les mains et nous regarde tour à tour.

— Que se passe-t-il ici ? tranche-t-il sur un ton ferme.

— Ta sœur ne veut pas rester ce soir. Je me faisais une joie d’avoir tous mes enfants, enfin réunis sous le même toit. Proteste ma mère d’une voix plaintive.

Mon plan initial vient de prendre l’eau, je suis dans de beaux draps. Si je ne reste pas, adieu la trêve ! Mon frère s’approche de moi, l’air agacé, mais compréhensif. Il est pris entre deux feux.

— S’il te plaît Shaw, je suis sûr que tu sais à quel point c’est important pour maman que tu sois présente ce soir. Pourrais-tu faire un petit effort, pour moi ?

Il a gagné, je ne peux pratiquement rien refuser à sa gueule d’ange.

— D’accord, je serais là. Mais je dois quand même récupérer Tara et voir si Eva ou Mary peuvent me la garder ce soir.

— Merci Sœurette ! me dit-il avant de déposer un baiser sur mon front, puis fait de même à notre mère.

— Tout ce que tu veux.

— Et toi sois sympa avec elle, OK ? ordonne-t-il à Vicky.

— Promis mon fils.

Je tourne les talons et regagne mon SUV pour appeler Eva. J’aurais aimé qu’elle ne puisse pas me dépanner sur ce coup-là, comme ça je n’aurais pas d’autre choix que de rester chez moi pour garder ma fille. Mais comme je suis une petite chanceuse d’avoir une amie comme elle, je vais devoir me rendre à cette « réunion » de famille. Étant éreintée par son travail d’infirmière urgentiste, Eva préfère sauter la soirée de printemps. Personne ne l’oblige, elle, je note ! Youpi ! Il va y avoir bien trop de monde que je n’ai pas envie de voir, je ravale la boule d’angoisse menaçant d’éclater en moi. Puis démarre en trombe pour quitter le parking du garage.

Rien à faire, je n’arrive pas à me détendre même au contact de ma fille, je navigue à vue. IL sera présent et IL est bien la dernière personne à qui j’ai envie de me confronter. IL est au centre de mes pensées et ça me fait encore plus chier. Je déteste l’effet qu’IL a toujours eu sur moi. Par le passé c’était seulement quand Andrew était dans la même pièce que mon esprit ne me tourmentait pas avec lui. Jason Lang, le fils du mari de ma mère est la raison principale de mon exil. Et dans une heure nous serons dans la même pièce comme une grande et belle famille aimante. Bordel ! Dix ans auparavant…

Shaw

Cher Journal, J’ai encore passé une nuit affreuse, je n’ai presque pas fermé l’œil tant les bruits provenant de sa chambre m’ont soulevé l’estomac. Ce mec est un porc, c’est un obsédé, il ne pense qu’à coucher avec tout un tas de pimbêches plus vulgaires les unes que les autres. Il faut bien lui reconnaître une légère qualité, il est endurant ! Je trouve tout ceci écœurant... Visiblement je suis la seule à qui ses pratiques dérangent. Quand j’en parle à maman elle me dit : « tu exagères ! » et me sermonne en me rappelant amèrement combien Jay est chez lui au même titre que moi, je dois m’y faire ! La barbe, elle ne se fait pas réveiller pratiquement toutes les nuits par des couinements de jouissance ! Ses plans cul crient son nom comme des possédées, sans parler du grincement du sommier faisant écho entre mes quatre murs. Même séparée par la salle de bain, leurs parties de jambes en l’air m’arrivent clairement aux oreilles. Les pétasses, je les haïs toutes sans exception ! Bon dieu, ça ne tourne vraiment pas rond chez moi ! Pourquoi tout ce cirque m’atteint autant ? Pourquoi je rêve chaque nuit qu’il se rende enfin compte de mon existence et de mes sentiments pour lui ? Pourquoi ai-je des sentiments pour mon demi-frère autres que fraternels, d’ailleurs ?

Je referme mon journal intime et mets un terme à mes lamentations du jour. Je suis vidée, moralement et émotionnellement. La journée va être rude, fort heureusement cette après-midi Eva et moi allons au cinéma et Brady devrait certainement se joindre à nous. J’ai à peine atteint l’escalier que j’entends déjà les jumeaux se chamailler sur un quelconque sujet. Entre leurs éclats de voix et mon manque sérieux de sommeil, ma tête est au bord de l’implosion. Cependant la délicieuse odeur s’échappant du rez-de-chaussée chatouille mes narines et attire davantage mon attention.

Maman est aux fourneaux en train de terminer une pile monstrueuse de pancakes. À cette image, mon estomac proteste bruyamment. J’ai la dalle ! J’enlace ma mère de mes bras par-derrière et dépose un baiser sur son dos pour lui dire bonjour. Je m’installe d’une démarche épuisée au bar et attends patiemment qu’elle me serve ses pancakes de la mort ! Elle dispose le tout en face de moi, je me jette alors comme une affamée sur ce festin.

— T’as une sale tête ma fille ! me lance-t-elle en déposant à côté de moi un mug de café au lait d’amande.

La bouche pleine de mon petit déjeuner, j’articule péniblement un « Jay » !

— Quoi Jay ? me fit-elle en prenant sciemment un air exaspéré.

Je l’imite en lui faisant les gros yeux le temps de finir ma bouche.

— Jay a eu de la compagnie cette nuit et ils n’ont pas été discrets... encore une fois. Insisté-je lourdement sur le encore une fois.

— Je vois... me dit-elle avant de boire une gorgée de son café.

— C’est tout ce que tu trouves à dire ? Je vois ? lui demandé-je, agacée par sa nonchalance.

J’en bave et tout le monde s’en fout ! Génial !

— Shaw s’il te plaît arrête d’en faire tout un plat. Jay est jeune et il s’amuse, je te l’accorde un peu bruyamment, mais rien de plus. Poursuit- elle d’un ton maternel.

Je fulmine intérieurement, c’est un dialogue de sourds, car je ne peux étaler le fond de ma pensée sans me compromettre ! Je préfère donc laisser tomber avant de passer pour une tarée. C’est ce moment-là que choisit mon obsédé de demi-frère pour raccompagner sa « compagnie de la nuit » ou plutôt lui indiquer la sortie sans cérémonie. Ce mec est un véritable connard, c’est sûr. Pourtant je ne peux m’empêcher de les suivre du regard, ne voulant perdre aucune miette du spectacle telle une masochiste. Je continue à m’empiffrer, histoire de me réconforter avec la nourriture, mais ma vaine tentative ne dupe pas Vicky émettant un soupir désapprobateur.

— Je ne sais plus quoi faire de vous, mes enfants ! lâche-t-elle théâtralement. Mais une chose est certaine, nous sommes une famille et nous devons vivre les uns avec les autres. Donc désolée pour toi ma fille chérie, mais tu vas devoir t’y faire. Et puis ce n’est pas comme si vous alliez vivre sous le même toit pour l’éternité. Jay est prospect depuis presque une année, d’ici quelques mois, il fera partie intégrante du Club. Il partira soit vivre au Club, soit dans un appartement du Club. Alors patience ma belle.

Elle finit sa tirade en déposant un baiser sur ma tête. Elle n’a peut-être pas tort, enfin si les choses étaient plus simples. Rien qu’à l’idée de ne plus vivre sous le même toit que lui, l’angoisse s’empare de mes boyaux me collant la nausée au passage. Je n’envisage pas ma vie sans lui ! C’est tout bonnement inconcevable, même s’il me met hors de moi les trois quarts du temps. Au final une discussion qui aurait dû me remonter le moral m’a fait l’effet complètement inverse. Je suis déconfite, à ramasser à la petite cuillère. La plaie !

En entrant dans la cuisine pour prendre son petit déjeuner, Jay me sort de mon mélodrame mental.

— Salut ma Vicky ! J’ai grave la dalle ! Ça sent vachement bon tout ça ma belle !

Blablabla blabla blablabla... connard !

— Salut Don Juan ! chantonne-t-elle en l’enlaçant. Viens t’asseoir là. Oh, ce n’est rien d’exceptionnel, juste des pancakes mon grand. Café ? Apparemment ta nuit a été plutôt courte.

Non, mais je n’y crois pas, pincez-moi je rêve ! Elle lui balance ça comme ça ! Hé oh, mais je suis là !

— Grillé ! raille-t-il joyeusement.

— En tout cas, tu en as peux être fait grimper une aux rideaux, mais je peux t’assurer que tes ébats ont mis notre petite Shaw de mauvais poil...

Mon regard se pose bien évidemment sur son corps d’apollon qu’il dévoile à moitié en faisant remonter son t-shirt sur son ventre et en le frottant distraitement de sa main. Stop ! Je ne peux pas rester sans rien faire ! D’un son proche du gémissement d’un animal agonisant, je lâche un « maman » suppliant.

— Bah quoi ? Tu viens de me faire une scène parce qu’ils ont fait du bruit une bonne partie de la nuit, te maintenant éveillée... Ne le prends pas mal, mon grand, mais à l’avenir dit à tes friandises de baisser d’un ton, l’insonorisation des chambres n’est visiblement pas au top. glisse-t-elle, amusée de la situation.

Je dois être écarlate, je sens la chaleur de la honte irradier tout mon buste pour finir par embraser mes joues. Le moins que l’on puisse dire c’est que ma mère n’a absolument aucun tact ! Comble de l’humiliation, à cet instant seulement, Jay semble s’être rendu compte de ma présence dans la pièce et me balance une œillade glaciale. Trop honteuse pour soutenir son regard pesant sur moi, je me dandine sur mon tabouret de bar. Ni une ni deux, je débarrasse les restes de mon festin, me ressert un mug de café et par me planquer sur le canapé avec les jumeaux. Chapitre 4

Jay

Le vent fouette mon visage et le soleil printanier tape dans mon dos. C’est la saison idéale pour faire de la bécane, le climat est doux et les jours de pluie vont se faire de plus en plus rares. Le monstre de mécanique que je chevauche dévore le bitume à grande vitesse. Quand mes frères et moi arpentons les routes de Hillsdale, les gens nous suivent du regard, happé par le bruit de nos Harley. Certains sont fascinés, d’autres beaucoup moins, de nous savoir dans les parages. La plupart des habitants de notre ville ont vu naître le Club et le respectent pour l’équilibre entre le bien et le mal qu’il a toujours instauré. La moitié du bureau du shérif est notre alliée, si on ne ramène pas de problèmes ils ferment les yeux. C’est donnant donnant, ce qui nous permet de faire notre business comme on l’entend et dans l’intérêt de tous. Je tourne en direction du poste de police, suivi par Brady et Klash. Nous garons les motos l’une à côté de l’autre dans l’ordre de hiérarchie. Je fais signe aux gars de m’attendre dehors.

— Je dois prévenir Fallon de l’arrivée imminente de nos frères des différents chapitres.

J’obtiens des hochements de menton en réponse. Je monte les marches du hall d’entrée du poste, deux par deux et gratifie d’un clin d’œil chaleureux l’agent Fiona, en face de moi. Tout en marchant à reculons, je sors mon portable de ma poche et lui mime de m’appeler quand elle souhaite que je la baise. Comme à chaque fois, elle rougit jusqu’aux oreilles. J’agite mes sourcils et lui fais un sourire carnassier. Ouais je sais, je suis un connard, mais je peux me le permettre et les gonzesses adorent ça ! Alors pourquoi je m’en priverais ?

— Jay, arrête de tourmenter l’agent Chady !

J’entends gronder dans mon dos.

— Shérif Fallon ! Je ne la tourmente pas… n’est-ce pas Fiona ?

— Oui… heu… non, enfin… bredouille l’intéressée.

J’accueille ses aveux avec un sourire béat.

— Allez fiston, me dit-il tout en m’indiquant le chemin de son bureau.

Je m’installe dans le fauteuil en face de lui et me mets à l’aise.

— Bon, que me vaut ta visite Jay ?

Je sors une clope de mon paquet, l’allume et tends le paquet de Marlboro au chérif qui m’imite.

— C’est la fête du printemps ce soir, nos frères des autres chapitres ne vont pas tarder à arriver. Terry voulait t’informer, c’est tout.

— OK, je gère, pas de grabuge, c’est clair ? me prévient-il faussement sévère.

— Limpide ! À ce soir, Patrick, dis à Fiona de venir, ça va être marrant !

Je descends de ma Harley Davidson, une FXDX Dyna Super glide Sport. Cette bécane est l’amour de ma vie, la seule et l’unique ! Je lui ai apporté pas mal de modification, moteur et look, elle est méchante et envoie du lourd. Certains frères sont arrivés et commencent déjà les festivités, bières en main. Il n’est pas plus de dix-sept heures et le garage se remplit à vue d’œil. Cette petite sauterie va faire plaisir à Vicky, elle en a bien besoin en ce moment. L’instant d’une soirée pouvoir oublier la merde qui l’attend et qui nous attend aussi, d’une certaine manière. Mon rôle va être de maintenir le Club en l’absence momentanée de mon vieux. Puis être présent pour lui et les jumeaux dans les moments durs. Leur rappeler les valeurs et les soutenir coûte que coûte. Ouais c’est clair, cette parenthèse arrive à point nommé ! Je vais à la rencontre de Mick, James, Denis, Paterson. Ils n’ont vraiment pas perdu de temps pour se mettre dans l’ambiance des festivités, qui comme par le passé sera démente. Une friandise chacun collée à leur cul ! D’ici deux heures, l’alcool, la bouffe et les gonzesses couleront à flots ! Je me joins à leur conversation.

Ils me présentent leur soutien face à la situation de Vicky, me donnent des nouvelles de leur Club et autres banalités du genre. Quand mon attention est détournée par le ronronnement d’un V8 encore jamais entendu au garage. Il m’interpelle d’autant plus que le garage a fermé y’a une heure et toutes les bagnoles ont rejoint leurs proprios, en vue de la soirée, au cas où il y aurait un peu de casse. Donc, il appartient à quelqu’un d’ici. Mon regard tombe sur la caisse détenant ce fameux bourrin. Putain, un Range HSE dernier cri blanc ! Ce n’est pas tellement notre came, mais ça reste une sacrée belle machine, un peu trop rutilante à mon goût. Malgré les vitres teintées, j’essaie de distinguer qui est à l’intérieur.

Une nana… rousse ? Non de merde, ça ne peut pas être elle… Shaw ? La Shaw de Vicky ? Je reste sous le choc, mais doute de ma découverte. Néanmoins, quand la conductrice du HSE lève la tête pour démarrer, tout s’éclaircit. C’est bien elle, je la reconnaîtrais entre mille ! La stupéfaction me fait dérater le cœur bastonnant comme un dingue dans ma cage thoracique. J’ai toujours su quelle personne serait Shawna Ford. Dangereuse pour moi ! Gentille, aimante, loyale, bonne et surtout intelligente. Enfin j’en étais persuadé, il y a six ans quand elle est partie pour une meilleure vie, jusqu’à maintenant... J’intercepte Mal de la main, quand il passe à quelques mètres de moi et m’éloigne des autres membres. Il me fait signe du menton.

— Yep Bro !

— La meuf dans le Range qui vient de partir, c’est qui ?

— Heu… Shaw ! Pourquoi ? balbutie-t-il.

Bien sûr, je le savais…

— Depuis quand elle est revenue ?

— Marley l’a appelée la semaine dernière quand on a appris pour maman. Elle a tout organisé pour son retour, préparé la maison avec Eva, l’école… Shaw et maman font la paix, à leur façon. Elles vont être à Hillsdale pour un certain moment. Voilà tu sais tout.

— Elles ? L’école ? Je n’ai pas dû bien comprendre, développe frangin !

— Ah ouais…

Malonne est soudain mal à l’aise, ce qui est plutôt rare avec moi ! Merde je suis son frère !? Il se passe nerveusement la main dans les cheveux et se gratte le crâne.

— Accouche ! lui dis-je sur le ton de l’agacement tout en allumant une clope.

— C’est pour Tara. lâche-t-il enfin, mais voyant mon incompréhension, il poursuit. La fille de Shaw et de Andrew, elle va avoir six ans cet été.

J’avale la fumée de cigarette de travers sous le choc de la révélation de mon frangin et tousse comme un ado à sa première bouffé de nicotine.

— Putain de merde, mais de quoi tu m’parles mec ! J’ai passé l’âge pour tes blagues pourries. Tu veux dire qu’elle avait un polichinelle dans le tiroir quand elle s’est cassée ?

— Ouaip.

— Et tu le savais ? craché-je en le fusillant du regard.

— Ouaip et ta sœur aussi.

De mieux en mieux, même ma punkette m’a caché l’info !

— Pourquoi j’ai l’impression de passer pour le dernier des cons ! tonné-je blasé.

— Hé ! Ne t’en prends pas à moi. Shaw ne nous a pas laissé le choix. C’était sa condition, si nous voulions voir grandir notre nièce. déballe-t-il en levant les bras au ciel pour marquer sa sincérité.

Je comprends à présent, pourquoi certaines situations m’ont paru louches dans le passé, tous les regards que seuls les jumeaux ont le secret quand il nous arrivait, très rarement, d’évoquer Shaw.

— Et puis tu n’étais pas le seul à être dans l’ignorance, Terry, Vicky et tous les autres. continue-t-il.

— Les retrouvailles ont dû être musclées.

Je tente une allusion, un sourire en coin, curieux d’en apprendre plus sur la femme de mon meilleur ami et à présent mère de son enfant. Mal sourit en comprenant où je veux en venir.

— Oui et non, Shaw a changé, tu sais. Elle est beaucoup plus posée qu’elle ne l’était. Maman ne le dit pas, mais elle crevait d’envie de renouer avec son aînée, tu vois… Puis quand tu connaîtras Tara, tu seras comme nous tous, littéralement sous le charme de cette petite princesse… Alors après dix minutes un peu tendues, elles ont fait une trêve.

Mal est appelé et me laisse seul face à mes réflexions. Je suis quelque peu sous le choc. Je ne m’attendais pas à revoir Shaw de sitôt. De plus, apprendre qu’elle est mère d’une petite fille... Aïe ! À cette pensée j’ai le cœur qui se serre un peu. Je ne peux qualifier ma réaction, car je ne l’ai encore jamais éprouvée en pensant à cette situation. Elle me laisse néanmoins d’humeur maussade. Je décide de chasser ces pensées de mon esprit et pars rejoindre la bande pour fêter comme il se doit le printemps.

Objectif atteint, une heure plus tard, j’ai plus d’alcool dans les veines que de sang. Je me laisse porter par les effets infligés de mon plein gré. Ce soir c’est la fête, pas de boulot pour le Club, pas d’embrouille. Tout est réuni pour passer une bonne soirée, relâcher la pression afin d’encaisser les prochaines semaines. Et j’ai bien l’intention, du moins autant que mon état me le permet, d’en profiter un max. Il me faut bien ça pour avaler le retour de Shaw. Treize ans auparavant…

Jay

— Jason Lang, cette situation n’est tout bonnement plus possible ! La routine dans laquelle tu t’engouffres n’est plus gérable ! s’égosille Betty, ma mère. Terry est au courant de la situation et est d’accord avec moi, soit tu pars en pension, soit tu pars vivre avec lui et sa femme.

— Parfait maman, belle attitude ! Ça y est tu as réussi à te débarrasser de ton bon à rien de fils !

— Ne dis pas n’importe quoi Jason, tu ne me laisses pas le choix ! s’époumone-t-elle. Tu sèches en permanence les cours, tu te fais attraper à boire de l’alcool et fumer de la marijuana au lycée, tu fais le mur pratiquement tous les soirs pour rentrer dans un état proche du coma éthylique ! Que veux-tu que je fasse ? Je n’ai pas le temps pour toutes tes conneries ! J’ai ta petite sœur à élever et tu ne renvoies vraiment pas une bonne image pour elle.

— Ouais, surtout ton connard de mari veut que je me casse !

— Ne parle pas de ton beau-père comme ça !

— Mon beau père ? Non, dis plutôt l’enfoiré que tu as épousé !

BAM ! Betty vient de me gifler. C’est la première fois depuis des années qu’elle me corrige ainsi. C’est clair que je ne l’ai pas loupée celle-là. Malgré ça, je suis furieux de son geste et vexé comme l’ado ingérable que je suis devenu peu à peu. J’aime ma mère, mais je hais son de mari, Karl Davis. Il est tellement différent de mon père, ça m’en donne la gerbe. La seule bonne chose découlant de cette union est ma petite sœur Hélèna. Je n’en reviens pas de comment l’annonce de mon renvoi pour avoir fumé un joint dans les gradins du terrain de foot du lycée, a pu dégénérer. Et puis de toute façon c’était à prévoir qu’ils me foutraient dehors ! Je fais trop tache dans leur belle petite famille de bourgeois.

Deux jours plus tard, j’ai atterri avec perte et fracas chez mon vieux que je connaissais à peine. Terry Lang. Mes parents m’ont eu quand ils étaient jeunes, ils s’étaient rencontrés à une soirée et neuf mois plus tard, je pointais le bout de mon nez. Dès mon plus jeune âge j’ai compris qu’ils n’étaient en réalité que des copains de baise ayant eu un moutard. Il n’était pas vraiment question de sentiments, ni d’amour entre eux. Cependant ils ont essayé pendant quelque temps de faire semblant d’être une famille, en vain. Ma mère a rencontré ce Karl quand j’avais deux ans et peu de temps après, elle était mariée et enceinte de cet abruti, bien trop propre sur lui. Le reste de mon enfance, j’ai fait de courts séjours chez Terry et Vicky. Mon vieux et sa femme se sont mariés un peu avant d’avoir les jumeaux Malonne et Marley et j’ai également hérité d’une demi-sœur cadette, Shawna.

Terry n’était pas souvent présent, bien trop occupé à faire tourner le garage automobile qu’il avait racheté à la mort de son ami, Phil en plus de gérer le MC dont il est le président et ça, ça en jette grave. En venant habiter chez mon père, j’ai fini par panser mes blessures en me rapprochant de lui et au final trouver mon chemin. Quand l’heure sera venue, à mes dix-huit ans, je serai prospect du MC, mais en attendant je suis des cours en alternance pour décrocher mon diplôme de mécanicien moto et auto. Mes journées sont chargées et mes nuits également. Mon père et Vicky sont assez cool comme parents, comparés à ma mère et à son naze de mari, ils me laissent, dans l’ensemble, tranquille et j’apprécie. Malgré tout, il me reste un problème de taille, Shawna.

Si j’arrive très bien à intégrer les jumeaux comme mes frères et sœurs, je n’y arrive pas du tout avec Shaw. Nous n’avons rien en commun, elle est plutôt discrète et silencieuse, alors que je suis indélicat et bruyant. Shaw est délicate et toute en douceur, comme un parfait bouton de rose et déjà petite, je savais combien elle était différente, spéciale et combien je ressentais le besoin de la protéger. Mais pas comme un grand frère, non, plutôt comme un trésor de guerre en ma possession. Et malgré les années passées, tout m’attire chez cette fille, au point d’en rester éveillé des nuits entières en pensant à elle.

Les hormones en ébullition, je veux toucher sa peau crémeuse, goûter ses lèvres rosées et me fondre tout entier en elle. Au simple son de sa voix, je bande comme un âne. Mes pensées ne renferment pas une once de fraternité. Déjà à cette époque-là j’avais conscience que mes envies étaient contraires à l’éthique. C’est la fille de Vicky, ma belle-mère et nous sommes le frère et la sœur des jumeaux. C’est moche, même pour un gars comme moi. Et ça n’a fait qu’empirer à partir du moment où j’ai débarqué chez mon vieux.

Je l’évite comme la peste, en prenant bien soin de ne jamais la regarder dans les yeux volontairement. Je fais tout mon possible pour ne pas errer dans la même pièce où elle se trouve, à moins d’y être absolument obligé. Il m’est tellement difficile de contrôler mes pulsions quand je la vois. J’en mets ma main à couper, un jour ou l’autre mes fantasmes malsains se produiront. Je m’évertue à être le plus antipathique possible afin qu’elle se garde de m’approcher. Quand elle me parle, je fais mine de ne pas l’écouter ou lui réponds en grognant, coupant son envie de s’épancher sur un quelconque sujet. Je joue au connard et elle me déteste, ça me va parfaitement. C’est plus simple ainsi de refouler mon aversion pour elle. Puisque Shaw aime l’ordre et la propreté, je fais exprès de mettre un bordel monstre dans notre salle de bain séparant nos chambres. Chapitre 5

Shaw

Quand je trouve enfin une place juste devant le portail du garage pour me garer, j’inspire et expire profondément tant je suis nerveuse. Si je suis là ce soir c’est pour faire plaisir à ma mère. Je crois bien que les prochains mois suivant mon retour vont être rythmés par ce désir de lui faire plaisir. J’en ai bien peur, mais je suis prête à faire une croix temporairement sur mes envies, si à la fin mes efforts lui permettent de se sentir mieux. Seulement je n’avais pas prévu de me retrouver si rapidement dans la gueule du loup. J’ai beau faire comme si cette soirée représentait un contrat, je n’arrive pas à m’en convaincre. Je ne me sens absolument plus à ma place dans cet univers. Allez Carmen, c’est une mission de plus et rien d’autre, tu peux le faire ma cocotte. Je me répète silencieusement cette phrase comme un mantra.

Devant le grand portail en métal sont postés deux membres dont je ne connais pas les identités. À peine sortie du 4x4, je gagne leur attention. Et quelle attention, je suis immédiatement considéré comme une vulgaire friandise à en juger par leur regard lubrique. Pourtant ma tenue est tout ce qu’il y a de plus banal, un jeans slim avec un chemisier en voile noir et des bottes en cuir noir avec dix centimètres de talon. Saletés de motards ! Les deux hommes me déshabillent des yeux à mesure que je me rapproche d’eux. J’y suis habituée, cependant, ici, jamais aucun homme n’avait osé me regarder de cette façon de peur d’être corrigé par Terry, Andrew ou encore Vicky. Un coup d’œil sur leur cuir m’informe qu’ils font partie d’un autre chapitre que celui d’ici. De plus ce sont des prospects, donc ils ne me connaissent pas, enfin pas encore. C’est le sourire collé aux lèvres et la poitrine gonflée à bloc que je m’arrête et m’adresse à eux.

— Salut les Prospects ! leur dis-je de ma voix la plus professionnelle possible.

— C’est une soirée privée, joli petit cul !

— Ah ouais, je m’en doutais un peu… Je suis Shaw, la fille de Victoria.

— Ravis de l’apprendre, on est tous les enfants d’une pétasse ! Mais en quoi ça nous concerne tout ça ma jolie ? raillent-ils ensemble.

OK Shaw, reste calme, ces deux-là ne sont pas des lumières, nul doute. Je ne veux pas me faire remarquer et puis, si l’entrée m’est interdite ça me fera une excellente excuse pour mon absence à cette maudite soirée. C’est juste, mais ça ne serait pas correct pour ces deux imbéciles, ils se feraient virer illico presto sans ménagement pour ne pas m’avoir laissée entrer.

— Si tu souhaites vraiment rentrer et que tu te montres très gentille avec moi et mon pote, on peut s’arranger… renchérit l’autre abruti. Stupéfaite, je passe à l’offensive.

— Bien tenté Prospect ! dis-je dans un rire amer. À ce que je vois, vous ne faites pas partie du Club d’Hillsdale ! Allez me chercher un membre du Club et de préférence un Lang, n’importe lequel fera l’affaire !

— Sinon quoi poupée ?

L’abruti numéro un croise les bras sur sa poitrine pour m’impressionner. Malgré le fait qu’il ne mesure pas loin de deux mètres, c’est peine perdue, je ne craindrai jamais un prospect ! Ce sont les petits toutous et hommes de ménage des MC. De plus ils ne sont pas d’ici.

— Oh, moi je ne te ferai rien ! Mais tu risquerais de perdre ton « précieux » cuir, Prospect…

Abruti numéro deux se décide à aller chercher quelqu’un.

— Voilà c’est ça tu fais bien, grand gaillard ! me moqué-je de lui.

J’attends, mettant mes mains sur les hanches et regarde bien droit dans les yeux numéro un. Je n’ai pas beaucoup à patienter avant d’être secourue par la dernière personne que je souhaitais voir sur cette foutue terre ! Quand je disais un Lang, je ne pensais pas à celui-ci. Il débarque en poussant le Prospect qui n’a pas bougé, aussi heureux que moi de se retrouver là. Saleté de karma ! Il se gratte la gorge et me regarde droit dans les yeux.

— C’est bon les gars, je gère, ça !

Ça ? Sans blague ! Il m’attrape par le bras et me tire sur le parking sans ménagement. Je risque l’entorse à tout moment, mais je frissonne à son contact, traître de corps… puis, il me force à lui faire face.

— Shaw ?! lâche-t-il les dents serrées.

— Jay !? le défié-je.

Je lui réponds sur un ton identique avant de le remercier de m’avoir fait entrer. Son regard bleu agacé me transperce, me faisant perdre de vue la raison de ma présence ici. Il me gratifie d’un grognement en guise de réponse. Je prends mon courage à deux mains et me lance.

— Je ne suis pas ici pour me prendre la tête avec toi, je suis revenue pour Vicky, commencé-je.

— Et laisse-moi deviner, une fois qu’elle sera guérie tu repars d’où tu viens ?

— Exactement.

— Parfait ! tranche-t-il d’un ton sarcastique.

Parfait ! C’est tout ce qu’il trouve à dire ? Je le regarde abasourdie par sa nonchalance.

— Autre chose ?

J’en reste sans voix. C’est alors qu’il tourne les talons et me laisse plantée là comme une potiche avant d’être rejoint par une friandise. Je les suis du regard en serrant les poings de toutes mes forces. Il m’exaspère. J’ai longtemps redouté ce moment où je me retrouverai de nouveau face à face avec lui. Malgré les six années passées loin de lui, à tout entreprendre pour l’effacer de ma mémoire, il persiste toujours à me torturer. Je suis à deux doigts de rebrousser chemin et d’aller me cacher dans mon lit. Ceci dit, je ne suis plus une enfant et je me dois d’affronter cette soirée dignement pour maman. La fête bat son plein, la cour du garage est pleine de monde qui rigole à gorges déployées et l’odeur délicieuse du barbecue [1]me chatouille les narines. Jusque-là je ne m’étais pas rendu compte de ma faim. Néanmoins, je laisse la barbaque et prends volontiers de la verdure.

Tous les membres du Club m’ont accueillie à bras ouverts et ont tout fait pour que je me sente à mon aise. Enfin presque tous. Depuis notre entrevue, à mon arrivée, je n’ai pas aperçu la face de rat de Jay dans les parages. Il doit être en compagnie de je ne sais quelle pétasse infestée de MST. Pourquoi je perds mon énergie à penser à Jay ? Je suis ravie de constater que maman rayonne au milieu de tout ce monde, elle peut, pour un court instant, oublier sa maladie. Je contemple avec beaucoup d’affection les échanges entre elle et Terry. On pourrait croire que, dans un milieu comme celui d’un MC, leur couple ne tiendrait pas, mais à en juger l’amour qui déborde de leurs regards et leurs baisers langoureux, il n’en est rien malgré toutes ces années. Je trouve ça magnifique. J’ai toujours envié ce qu’ils partageaient ensemble et connaître cet amour inconditionnel pour un homme. Je l’ai connu, si l’on peut dire.

Les enceintes crachent du rock endiablé, quand Marley me rejoint à la table de pique-nique où je me suis installée.

— Alors frangine, ta soirée se passe comme tu veux ? demande-t-elle en passant un bras sur mes épaules pour m’entraîner dans un câlin.

— Mieux que je ne l’aurais cru ! Et maman a l’air d’aller bien.

— Oui elle est dans son élément ici, tu sais.

Nous sourions, heureuses de voir notre mère profiter de sa soirée. Marley boit une gorgée de sa bière et me lance :

— Regarde-moi ces pétasses se déhancher comme des putes !

Elle me les désigne d’un geste de la main, comme si je ne les avais pas remarquées avant. Je me joins à ses éclats de rire.

— Ça, c’est bien une chose qui ne changera jamais ! raillé-je alors que Marley s’étouffe à moitié avec sa bière.

— Elles sont pathétiques ! Je dois bien l’avouer, certaines me font baver ! Le pire, c’est que ces connes pensent vraiment se dégoter un mec du Club et devenir des régulières ! Tu y crois, toi ? insiste-t-elle morte de rire.

Le fou rire me gagne et je sens ma vessie, pleine de bière, à deux doigts d’exploser.

— Oh punaise, il faut absolument que j’aille pisser !

— Je t’accompagne.

Ma sœur se lève illico prête à m’escorter jusqu’aux WC. À l’intérieur du club house, elle me conseille d’aller à ceux de l’étage. Elle fait bien de me le rappeler, car, les soirs de fêtes, les chiottes sont dégueulasses ou occupées par de la viande saoule. Je suis à deux doigts de me faire pipi dessus et les marches de l’escalier sont une torture pour ma vessie. Sur le palier, je longe le long couloir où se trouvent cinq chambres à dispositions des fêtards, une grande salle de billard et les WC vers lesquels je me précipite. Merde, ils sont HS ! C’est bien ma veine. Je pense tout de suite à utiliser ceux se trouvant dans une des chambres, à condition d’être inoccupées. Sinon c’est râpé pour les WC propres de l’étage. Je retourne dans le couloir pour inspecter les portes des chambres. À l’époque où j’estimais cet endroit comme ma deuxième maison, les gars avaient mis en place une sorte de code pour avertir si la chambre était occupée ou non. Après plusieurs accidents, quand nous étions plus jeunes, Terry a instauré le code qui consiste à laisser son cuir sur la poignée extérieure de la porte. Je compte deux cuirs, je cours vers une chambre libre, dont je laisse la porte bien ouverte.

Ma vessie enfin vidée, je me lave les mains, les sèche en m’inspectant dans le miroir. Je ne peux m’empêcher de repenser à la cause de mon retour à Hillsdale. Je me demande si j’ai fait le bon choix, si Tara sera heureuse ici et si Vicky s’en sortira. Je serre les dents et ravale les larmes qui menacent de déborder de mes yeux. Je me colle contre le mur froid de la salle de bains et me laisse glisser au sol en repliant mes jambes contre moi. Mon front contre les genoux, je ferme mes paupières et je fais un point sur ma vie. Los Angeles. Mon job. Tara. Ma famille. Je suis obligée d’admettre que ce retour ne se passe pas aussi mal que ça, à part avec Jay, mais ça… Un bruit me fait sursauter. Je me relève péniblement, les jambes ankylosées. J’ai dû m’endormir, impossible de savoir combien de temps j’ai passé dans cette pièce. À travers les murs, j’entends un couple parler puis, viennent rapidement des gémissements. Ils sont en train de se donner du bon temps. C’est fou comme les murs de placoplâtre sont fins. Ils ne sont pas pudiques ici, rien ne les gêne jamais. J’essaye de calculer à quand remonte mon dernier plan cul, mais je suis interrompue par un cri aigu provenant de la petite chanceuse. Connasse !

J’ouvre la porte, décidée à rejoindre Marley au rez-de-chaussée, mais je suis arrêtée nette, quand la lumière de la salle de bains éclaire le fameux couple n’étant pas dans la chambre voisine, mais bien dans celle-ci ! Je me retrouve nez à nez avec une version de Jay quasi bestiale, le regard assombri par le plaisir que lui apporte sa partenaire, la tête dans les coussins. Pour la deuxième fois de la soirée, je suis bouche bée devant lui. Cette vision me donne la nausée, ce qui ne semble ne pas échapper à Jay, le regard vissé au mien. Les coins de sa bouche s’étirent en un sourire prédateur, puis il se lèche la lèvre inférieure avec provocation. Je suis tétanisée, je souhaite m’enfuir loin de cette scène, mais mon corps refuse de m’obéir. Jay augmente la cadence de va-et-vient dans sa partenaire sans me quitter des yeux. J’avale péniblement ma salive, passe une main sur mon visage et arrive à mettre un pied devant l’autre pour sortir de cette foutue chambre. La voix de Jay m’accompagne lorsque je passe près du lit.

— Ne sois pas jalouse, Shaw, chacune son tour… lâche-t-il dans un râle rauque.

— Va te faire foutre connard ! sifflé-je furieuse.

Il accélère la cadence et grogne.

— Quand tu veux Rebelle !

Je sors en trombe, claquant violemment la porte derrière moi. Je longe le couloir et trouve une nouvelle chambre vide dans laquelle je me réfugie. Cette fois, je verrouille la serrure et m’assois sur le lit. Jay se fout de moi, il ne fait que rejouer une scène que je pensais appartenir au passé. L’enfoiré ! Je rationalise mes pensées, je souffle un bon coup et me décide enfin à rejoindre Marley. Mon cœur commence à récupérer un rythme régulier se calant avec les percussions du morceau joué en bas. Do i wanna know ? J’ai l’impression que le chanteur me parle, les paroles résonnent en moi tant elles me semblent familières. Chapitre 6

Shaw

Mon sommeil est agité. Rêves et cauchemars se confrontent dans une lutte acharnée. Ma respiration se fait profonde et bruyante, je sens mon cœur cogner comme un forcené dans ma poitrine, j’ai chaud et je transpire. Je me repasse la scène en boucle : Jay, nu, en train de baiser sa friandise devant moi. Et en y regardant de plus près, ce n’est pas une friandise… c’est moi ! Je secoue la tête pour chasser ces images, en vain. Stop !

Je me réveille en sursaut, j’ouvre les yeux et me redresse dans mon lit aux draps moites. Non, je ne laisserai pas ce connard me bouffer le cerveau encore une fois ! Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il m’est complètement nocif. J’ai fermé ce chapitre il y a des années en claquant la porte derrière moi quand je me suis fait la malle. Hors de question de tomber une fois de plus dans cette spirale grotesque.

Entre Jason Lang et moi, les rapports ont toujours été compliqués. Aussi loin que je m’en souvienne, Jay a toujours fait partie de ma vie, hélas. J’étais très jeune quand mon père s’est fait descendre pour le Club, nous laissant ma mère et moi seules. Enfin, pas vraiment seule, non, car nous pouvions compter sur les frères. Ma mère est passée de statue de régulière du Prez à une jeune veuve et mis à part mon paternel et le Club, Vicky n’avait pas de famille. Vicky aimait Phil passionnément et sincèrement, au point qu’il était devenu tout son monde. Les semaines qui ont suivi le décès de ce dernier, elle s’est renfermée sur elle-même, dévastée par le chagrin et la trouille de m’élever sans lui. Errant comme une coquille vide dans l’enceinte du Club, les frères s’inquiétaient chaque jour un peu plus sur son état émotionnel. Elle s’est alors peu à peu rapprochée d’un frère, Terry Lang, le VP de mon père. Terry a changé les choses. À force de patience, il est parvenu à faire réagir Vicky et l’a aidée à sortir de cette foutue tristesse. D’abord par pure amitié, puis elle a laissé place aux sentiments... Terry a rapidement fait de ma mère sa nouvelle régulière et nous avons emménagé ensemble tous les trois. Terry était génial avec moi, il n’essayait pas de remplacer mon papa, il tâchait de s’occuper du mieux qu’il pouvait de moi en restant dans son rôle de beau-père. Jason, son aîné était présent un week-end sur deux, vivant le reste du temps avec sa mère, Betty la première régulière de Terry. Puis les jumeaux sont arrivés et ont agrandi considérablement notre famille. Une belle et grande famille recomposée.

L’année de mes quinze ans, cet abruti de Jay est venu vivre avec nous. Et c’est à partir de ce moment-là où tout est parti en vrille et sacrément. Jay était en colère à longueur de temps, il en voulait à la terre entière, il détestait les règles de la vie de famille en général et ma personne par la même occasion. Je ne saurais pas dire ce que je lui avais fait, mais j’étais assurément son souffre-douleur. Il était tout le contraire de moi. J’étais une adolescente calme, posée, réfléchie et à l’écoute des autres. Et lui n’était que rage, provocation et fureur. Il avait la classe, j’étais ringarde. Lui rebelle et moi introvertie. Un pur canon de beauté face à une banalité sans bornes. Bref, chaque échange entre nous devenait apocalyptique ! Néanmoins, au fond de moi j’ai toujours été consciente qu’il portait une carapace et avait un bon fond, très bien caché assurément. C’était là toute ma faiblesse ! Il ne me supportait pas et au mieux, il me tolérait. Mais moi je vénérais l’air qu’il respirait en totale admiration devant lui. Paradoxalement, il avait le don de me faire enrager en cherchant la moindre occasion pour me mettre hors de moi les trois quarts du temps et le quart restant, il éveillait en moi des sensations d’envie. En sa présence mon cœur s’emballait comme un fou, l’air se vidait de mes poumons et mon ventre papillonnait de supplice.

Jason était mon fruit défendu et malgré ça tout mon être vibrait pour lui. Sale traître de corps ! J’étais complètement accro de mon « demi-frère ». Jay lui, ne me voyait que comme la gamine coincée de Vicky et rien de plus. Pourtant je me perdais inlassablement dans mes pensées et rêves éveillés où Jay me distinguait comme une jeune fille attirante. Je savais au plus profond de moi que mon souhait était en réalité pervers. Même, si le sang qui coulait dans nos veines était différent, c’était immoral de ressentir ou d’avoir du désir pour son « demi-frère ». J’avais beau me le répéter sans cesse, rien n’y faisait. J’étais captivée par Jason Lang au point de ne plus voir le moindre garçon autour de moi. Ils étaient soit trop, soit pas assez. Et surtout jamais Lui... Chapitre 7

Jay

Je ne sens même plus la morsure apaisante du Whisky glissant dans ma gorge. Je m’en suis tellement enfilé ce soir qu’il est inutile d’essayer de les compter. Je voulais me déchirer la tronche et bien c’est chose faite ! Je reprends une rasade d’alcool directement au goulot et j’en verse dans la bouche ouverte de la friandise se déhanchant sur mes genoux. Elle lèche ses lèvres pour ne pas en perdre une seule goutte. Son regard de salope capture mon regard de connard. Le mot luxure clignote dans ses yeux. Je bande grave, je suis insatiable. Ma petite salope s’approche de mon cou qu’elle me mordille. Je dois baiser ses putains de lèvres, tout de suite !

— Suce-moi poupée ! grogné-je comme un buffle.

Son sourire est plus qu’équivoque. Je ne connais pas son prénom, mais à quoi bon, dans mon état je suis infoutu de m’en souvenir. C’est une perte de temps et un détail insignifiant. Je les appelle toutes Poupée et elles adorent ça ! Ce diminutif leur donne l’impression que nous sommes « intimes ». Bordel, qu’elles sont connes ! En bonne fille, elle défait sans ménagement ma ceinture, fait sauter les boutons de mon jeans et sort de mon caleçon ma queue tendue. Elle prend mon érection dans ses mains et la fait glisser entre ses deux belles cervelles. Je m’empare de ses nibards à pleines mains et les compresse contre mon manche en prenant bien soin de faire des va-et-vient en relevant mon bassin. Ma queue bute contre son visage. Ma petite cochonne a le regard pétillant et commence à me lécher le gland. J’accentue le rythme, elle la prend davantage dans sa bouche chaude et mouillée. Le cocktail divin entre sa branlette espagnole et la pipe qu’elle me fait est dément. Je prends mon pied et fais profiter toute l’assemblée de mes grognements.

C’est donc sans aucune gêne que je me laisse faire dans un coin alors que d’autres membres boivent des coups et font la même chose que moi. Ma petite cochonne me pompe comme une déesse. À ce rythme effréné, je ne vais pas pouvoir me retenir encore bien longtemps. Je lâche ses seins pour m’emparer de ses cheveux et je la maintiens fermement contre ma queue en faisant attention de lui laisser de quoi respirer, ça peut être utile ! Un gémissement digne d’un porno sort de ses lèvres. Je le prends comme un top départ et bloque sa tête entre mes mains. J’approfondis mes coups de reins dans des va-et-vient presque brutaux. Ma petite salope tient la cadence, elle me pompe encore et encore sans relâche en me faisant des gorges profondes à vous en faire péter le cerveau. Je regarde ma queue entrer et sortir d’entre ses lèvres. Je la baise sans relâche et jouis comme un enfant de salaud dans sa bouche. Son surnom à elle sera Dyson, elle l’a plus que mérité !

Je me laisse retomber lourdement contre le dossier du fauteuil qui me supporte. Elles m’ont vidé ces gonzesses et dans tous les sens du terme ! Je fais dégager Dyson d’un geste de la main, avant de fermer mes yeux. De la même façon, je range mon service trois pièces à sa place et lâche un soupir de lassitude. Quand je rouvre les yeux, mon regard balaye la salle principale du Club. Les gars sont déchaînés ce soir, ça baise sur toutes les surfaces possibles. Dyson, n’a pas perdu de temps, elle se fait déjà culbuter par mon pote Jer, le cul en l’air sur une des tables de billard. avec The beautyful people nous crachant dans les feuilles, ah sacré Brian !

J’ai besoin d’air frais. Je m’extirpe, non sans mal, du vieux Chesterfield et titube jusqu’au bar. Je m’empare d’une Bud, histoire de calmer le jeu, mais pas trop quand même. Mes jambes supportent péniblement mon poids et le pivert martelant mon crâne n’arrange pas mon affaire. Une fois la porte de sortie dépassée, j’inspire à pleins poumons et laisse le vent me fouetter le visage. La brise printanière encore un peu fraîche me tire lentement de mon ivresse plus qu’avancée. Je grimpe sur une des tables de pique-nique disposées autour du barbecue encore allumé et mon regard se verrouille sur la fascinante danse des flammes. Je décapsule ma Bud, sors une clope de mon paquet et l’allume. La fumée emplit mes poumons, me donnant l’illusion éphémère d’aller mieux. J’alterne entre bouffée de nicotine et gorgée de bière, les yeux perdus dans le brasier. Mon esprit s’évade et rejoint inévitablement, comme toujours, la seule et même personne. Shaw... Ça faisait quelques années que je n’avais pas ressenti cette douleur me vriller le cœur. Bien sûr j’y repense momentanément. Mais les visites de Shaw dans mon esprit s’étaient taries. Dix ans auparavant…

Jay

Notre intronisation au Club, à Andrew et moi a duré trois jours entiers. Trois jours de run, de concert et de beuverie. Nous sommes complètement saouls et défoncés. Notre joie est à son paroxysme, mon meilleur ami et moi plus unis que les doigts d’une main, Death’s Falcons ensemble, frère pour la vie ! La fierté brille dans les yeux de nos pères respectifs voyant très distinctement la relève assurée. Le premier soir s’est déroulé en petit comité, juste les frères de notre chapitre. Nous avons d’abord sillonné les rues d’Hillsdale en faisant le maximum de bordel. Certains habitants présents dans les rues de la ville, nous regardent avec méfiance, mais la plupart avec envie. Ouais, on en jette grave et en impose des caisses. Si beaucoup nous craignent, nul n’est sans savoir que nous sommes tout puissants. Dans cette ville et ailleurs. Nous avons les bras longs et une quantité astronomique de connexions, sans compter le nombre hallucinant de connards bossant pour nous. Une dette redevable indéfiniment. Le shérif de la ville et son adjoint sont des potes de lycée de mon paternel et avec un peu de graissage de patte, ils marchent dans nos combines. Alors oui, nous sommes dangereux, oui nous sommes méchants et oui il ne faut pas déconner avec nous. Néanmoins, nous aimons notre ville et souhaitons la rendre meilleure, donc de ce fait nous n’hésitons jamais à faire le ménage dans nos rues. C’est la raison pour laquelle les habitants d’Hillsdale nous respectent et restent à leur place.

Le deuxième jour, nos frères des différents chapitres nous ont rejoints ainsi que tous les nomades à proximité de la ville. Notre petite bourgade de Californie s’est rapidement retrouvée à abriter plus d’une soixantaine de Death’s Falcons, plus déchaîné les uns que les autres. C’est la folie, Terry n’a pas fait les choses à moitié, pour son fils. Pour moi ! Putain je n’en reviens pas ! J’ai enfin tout ce que je désire le plus au monde, mon cuir, ma bécane et la reconnaissance de mon père. Les régulières ont fait un boulot de malade, veillant à ce que les frères ne manquent de rien. L’alcool et la nourriture coulent à flots. La journée, le Club accueille les femmes et les enfants des membres présents, mais une fois la nuit tombée, les enfants sont congédiés. Restent seulement quelques régulières, les plus influentes et bien entendu Vicky, la first old Lady, elle incarne l’âme de notre Club. Pour certain, elle représente « la régulière idéale » et pour d’autre, comme moi, la mère idéale. C’est seulement une fois avoir vidé les lieux des âmes sensibles et innocentes que la fiesta a vraiment commencé. Ou devrais-je plutôt dire la débauche.

Bref, ça fait deux jours que je n’ai pas dessaoulé, fêtant joyeusement mes écussons tout frais. L’ambiance est bonne enfant. La veille, Sylvester « SY », l’artiste tatoueur officiel du Club, nous a, à Andrew et moi, piqué les emblèmes de notre Club. Sur mon cheste trône fièrement « Death’s Falcons Motocycle Club CA » dans une calligraphie épaisse et menaçante en black and grey. Puis dans mon dos est représenté le faucon sur le skull, identique au patch de mon cuir. Je suis marqué à vie de la griffe du Club. J’ai dégusté, n’écoutez pas ceux qui vous disent qu’un tatouage ne fait pas mal, ils vous mentent ! Mais c’est pour la bonne cause.

Bizarrement mes mains ne sont jamais vides bien longtemps, il y a toujours quelqu’un prêt à me resservir et à trinquer à ma nouvelle vie. Sans parler de l’embarras du choix en matière de gonzesses. Le premier soir, je suis resté sage, étant limité dans mes gestes de par la fraîcheur de mes nouveaux tattoos. Par contre, ce soir, j’ai bien l’intention de me rattraper ! Bien trop de jolis petits culs se dandinent devant moi. Une putain de torture de vouloir leur résister.

Mon attirance pour Shaw me prend toujours autant la tête, un goût amer me reste malgré tout dans la bouche. Un goût d’inachevé, de frustration et d’ivresse inassouvie. Une main tendue me sort de mes idées noires en me proposant un verre et un bon moment. Je saute sur l’occasion. Une petite blonde aux yeux marron seulement vêtue d’un mini short en jeans et d’un minuscule haut me guide vers le garage. Un peu en retrait, j’avale mon verre cul sec avant de plaquer mes lèvres sur les siennes. Je l’écrase presque de tout mon poids contre le mur de béton. Nous sommes partiellement cachés du reste du monde, mais pas complètement. La friandise commence à me désaper en lâchant des petits gémissements d’excitation. Tout aussi impatient qu’elle, je fais le vide dans mon esprit et enclenche le pilotage automatique. C’est en homme des cavernes que je prends cette gonzesse contre le mur. J’ai besoin de me défouler, de posséder son corps alors je la baise comme une chienne et elle n’a pas l’air de s’en plaindre. Le reste de la soirée est très flou. Je me souviens m’être défoncé la tronche comme un malade puis plus rien jusqu’au lendemain, dans l’après-midi.

Le plus mémorable fut bien le troisième jour. L’alcool a remplacé le sang dans mes veines. Ayant pourtant bu pas loin d’un litre de café pour contrebalancer, je reste malgré tout raide. Mes frères, ces bâtards, ne m’encouragent pas à la sobriété, leur état est semblable au mien et le soleil de juin n’aide en rien. Certains sont étalés de tout leur long, çà et là, dans la cour du Club. Terry y a exceptionnellement donné une session, car nous étions bien trop nombreux pour tenir autour de la table. Marteau en main, il nous a avertis que c’est le dernier soir de fiesta et donc la débauche est partiellement finie. Du moins pour ceux de notre chapitre. Car les régulières et la famille sont conviées à venir fêter cet évènement avec nous. Il est grand temps de calmer le jeu et faire place nette pour ne rien laisser paraître de nos orgies de ces quarante-huit dernières heures. Les friandises ont été les premières à décamper. Inutile de s’attirer les foudres des régulières. Néanmoins quelques-unes seront de retour à la tombée de la nuit. Règle primordiale, « ce qui se passe au Club reste au Club ! ».

Quelques heures plus tard, la cour du Club grouille de gosses en surdose de sucreries. Mon frère et ma sœur sont là, mais aussi ma chère demi-sœur... Shaw et Eva, entre deux papotages futiles et une citronnade, surveillent les gamins qui courent partout. Mon petit frère, Malonne, s’arrête net en me voyant et court vers moi en criant mon prénom...

— Jayyy. Papa m’a dit que tu avais des nouveaux toutouazes ! s’égosille-t- il.

Bordel, il m’a cassé les tympans, mais j’éclate de rire à cause de son cheveu sur la langue, qui ne s’entend qu’en cas d’excitation extrême.

— Ouaip ! Tu veux les voir ?

Au même moment sa jumelle arrive suivie de près par Mary la fille de Klash. Leurs oui, me font grésiller les neurones. J’enlève mon t-shirt et tourne sur moi-même pour leur montrer l’œuvre de SY. Bien caché derrière mes Ray Ban, je lorgne les filles et comme à l’accoutumée, Shaw me mange du regard. Ça ne devrait pas, mais son appréciation me concernant me plais vraiment beaucoup. Mon attention est vite ramenée sur les gosses extasiés devant mes tattoos.

— Wahoo... ils sont trop classe tes toutouazes frangin. Lâche Mal. T’as trop de la chance, tu crois que moi aussi, un jour j’aurais les mêmes que toi et papa ?

L’admiration et l’espoir brillent dans les yeux du petit. Si seulement, il pouvait en être autrement, le Club est incrusté dans l’ADN des Lang.

— Bah si tu intègres le Club, bien sûr tu auras les tiens ! affirmé-je.

Inévitablement Marley met son grain de sel dans la conversation.

— Ouais et bah moi, quand je serais grande et bah je serais la meilleure des tatoueuses, les mecs !

— Ouais, bah faudrait déjà savoir dessiner, banane ! lui balance son jumeau.

— Hé moi, quand je serais grande je serais la régulière de Mal... me chuchote Mary en pleine admiration devant mon petit frère encore en train de se chamailler avec sa jumelle.

La nuit est tombée, les gosses sont rentrés se coucher et seulement les plus vieux sont encore présents. J’ai passé la majeure partie de la soirée à bouffer et picoler, comme d’hab’, à la table des plus anciens membres du Club. Entouré des trois Prez des chapitres voisins, j’écoute très attentivement chacun d’entre eux, leurs conseils sont comparables à de l’or en barre. Je me dois d’enregistrer mentalement chacune des conversations dont je suis témoin, car au moment voulu, je devrais intégrer leur Club temporairement. Bien qu’à présent je sois entièrement l’un des leurs, il n’en reste pas moins que je ne suis qu’un petit bleu. J’ai encore beaucoup à apprendre d’eux, donc rien de mieux que de continuer mon apprentissage à leurs côtés La[MD2] tournure de la soirée a changé. Sont revenus dans mon champ de vision, les petits culs des friandises, chaudes comme la braise. Des petits couples se forment par-ci par-là, mais tâchent de rester discrets. Les régulières sont, elles aux aguets. Entre les deux c’est une guerre froide et ça dure depuis des lustres. En clair elles se foudroient du regard. Un pas de travers et les régulières monteront au crédo. Tout ce spectacle me fait bien marrer. Les gars maquer par leur nanas, se la jouant petit chaton en roucoulant comme des mauviettes, alors qu’au même moment hier soir, ils avaient la tête entre les cuisses d’une de ces pétasses. Bien entendu pas tous, mais beaucoup d’entre eux ont baisés avec elles. La fidélité charnelle est quasi inexistante dans un MC. Les gars ne se privent de rien et de personne. Encore une fois ce qui se passe au Club y reste ! Il ne faut pas croire que je ne respecte pas les femmes. Je les respecte et les aime beaucoup trop même. Mais n’empêche ; la nana qui m’enchaînera à sa petite chatte magique n’est pas encore née ! Chapitre 8

Shaw

Ce matin j’ai fait le petit déjeuner préféré de Tara, pancake à la myrtille et sirop d’érable. Puis je l’ai déposée à l’école en lui faisant un énorme câlin. Je lui ai également promis de l’appeler chaque soir pour lui souhaiter bonne nuit. Comme me l’avait annoncé Barbara, Charly de l’agence d’escorte m’a envoyé ma nouvelle mission par mail samedi matin pour un contrat de quatre soirs. Ce qui m’a permis de ne pas perdre mon temps à analyser les évènements de vendredi soir lors de la fête du printemps.

Trois heures plus tard, je suis à l’aéroport de Los Angeles. Je dois être prête pour 19 h, une limousine m’attendra au pied de mon immeuble. J’ai très peu d’informations sur l’identité de mon client, seules indications : une photo de lui et un rendez-vous pour le vernissage d’un célèbre artiste peintre, Rufus Garber. Un livreur m’a déposé deux colis. Depuis mon premier jour d’escort girl, j’ai un petit rituel. Avant d’ouvrir chaque colis, je parcours du bout des doigts l’emballage, je ferme les yeux un instant avant de découvre ce qu’il y contient. L’agence impose au client de fournir une tenue qui convienne pour le rendez-vous et, en général, j’y trouve des robes hors de prix adaptées aux évènements où je dois me rendre. Je dégage prudemment le vêtement de son papier de soie. C’est une magnifique robe en sequin et voile doré et écru signé Gucci. Quand j’ouvre le second paquet, j’en sors une paire de Louboutin crème irisé avec des talons de douze centimètres. Comme dit le dicton : il faut souffrir pour être belle. Une fois prête, j’appelle mon amie Eva pour parler à ma fille qu’elle garde durant ce contrat. Elle décroche au bout de la deuxième sonnerie.

— Salut maman ! crie la voix joyeuse de Tara.

— Coucou ma chérie ! Comment s’est passée ta journée ? demandé-je curieuse.

— Parfaite, en plus tu ne me croiras jamais… Tata Marley est venue me chercher à l’école avec tonton Mal et Jay. Ils nous ont suivis avec leur moto. C’était trop bien ! Mais Marley n’a pas voulu que je monte sur la moto de tonton Mal…

— Ah, oui ils n’ont pas dû passer inaperçus à l’école. Tata Marley a eu raison, tu es encore trop petite pour monter sur une moto !

— Tonton Mal m’a dit que papy Terry me fera monter sur la sienne si je reste très sage.

Quelle plaie ces motards !

— Tu pars travailler ce soir maman ? me demande-t-elle.

— Oui ma chérie.

— Tu rentres quand ?

— Dans quelques jours, ma puce.

— Tu vas m’appeler tous les jours, d’accord maman ?

— Oui bien sûr, tous les soirs et tu peux m’appeler toi aussi, mon cœur.

— Alors d’accord, tu crois qu’Eva va bien vouloir que j’aille avec tata et tonton chez papy et mamie ?

— Quand tu le souhaiteras, Marley viendra te chercher.

— Chouette ! Je vais regarder mon dessin animé. Bisous maman, je t’aime ! chantonne-t-elle.

Avant d’avoir pu lui répondre que je l’aimais aussi, j’entends qu’elle laisse tomber le combiné sur une table et, au loin qu’elle appelle Eva.

— Shaw ? dit mon amie.

— Ouaip…

— Ton vol s’est bien passé ?

— Oui. Dis-moi, c’est quoi cette histoire de moto ? Tara est surexcitée.

— Eh bien, comme convenu, les jumeaux l’ont récupérée à l’école, mais ne t’inquiète pas, Marley avait sa voiture. Puis Tara est montée à l’arrêt sur l’Harley de ton frère. m’explique-t-elle.

— Et que faisait Jay avec eux ? demandé-je un poil irritée.

— C’est leur grand frère, ils sont toujours fourrés ensemble. De plus, je crois qu’il était curieux de faire la connaissance de Tara... Je sais bien qu’entre vous ce n’est pas l’amour fou… et encore moins avec ce qu’il t’a fait vendredi soir, mais quand je les ai vus tous les trois avec la puce, c’était trop tard.

— Ouais. Tu as raison, c’était déjà trop tard…

— Indirectement, Jason fait lui aussi partie de cette folle famille. Et puis, elle ne pouvait pas mieux être protégée, escortée par deux Death’s Falcons…

— C’est sûr ! Le message est passé, Tara va faire partie du MC aux yeux de tout Hillsdale. Bon ce n’est pas la fin du monde après tout… Je dois te laisser ma belle, il faut que j’aille bosser.

— OK, comment il est ? C’est un canon ? me demande curieusement mon amie.

— Carrément baisable, mon chou !

— Petite pétasse !!! T’as trop de chance, ils sont beaux, riches et te font grimper aux rideaux ! C’est trop injuste… chouine Eva.

— Tu parles comme si j’étais une pute ! m’offusqué-je faussement, histoire de la faire marcher.

— Non ma chérie ! Je parle de la chanceuse que tu es ! Aller va au boulot, je m’occupe de ton trésor.

Je remercie chaudement Eva avant de vérifier ma tenue dans la salle de bain. Quelques minutes plus tard, je suis maquillée, coiffée et très classe dans la robe Gucci assortie à mes nouveaux Louboutin. C’est à peine si je me reconnais moi-même. J’ai créé de toutes pièces la femme de ce soir, Carmen. Physiquement, c’est bien moi, mais mentalement, absolument pas. Carmen est une jeune femme belle et séduisante, sûre d’elle et de l’image qu’elle reflète autour d’elle. Quand je suis Carmen, je suis comme un caméléon afin de coller au mieux aux désirs des hommes que j’escorte. Je ne suis pas une prostituée, mais je ne m’interdis absolument rien. Légalement, la prostitution est interdite au sein de l’agence. Mais entre le client et l’escorte, tout est possible...

Le plus difficile a été d’être en total accord et acceptation avec ce métier, sans en avoir honte ou me haïr. C’est la raison pour laquelle est née Carmen. Elle me permet de garder la tête haute et de faire la différence entre les deux personnalités qui me constituent. On a tous une part en soi plus sombre. Quand je rentre dans la peau de Carmen, je laisse celle de Shaw, mère célibataire et veuve d’un membre de MC, pour devenir cette femme, celle qui offre un moment d’écoute, de partage, de bonheur et quelques fois de plaisir charnel aux hommes fortunés. Je gagne extrêmement bien ma vie. Pas comme B, mais bien assez pour élever ma fille convenablement et subvenir largement à nos besoins. En plus de mes commissions, je conserve la garde-robe offerte par ces messieurs. Sans parler des luxueux cadeaux reçus en échange de bon temps. Chanel, Gucci, Prada, YSL ou encore Range Rover font partie intégrante du job.

***

Quand j’arrive en bas de mon immeuble, le chauffeur de la limousine a déjà ouvert la portière et m’invite à m’installer dans le véhicule. Sur la banquette en cuir, face à moi est tranquillement installé mon client mystère. Mes yeux glissent sur son corps, de la tête aux pieds identique à la photo envoyée par Charly. C’est un très bel homme et le smoking full black qu’il porte, semble avoir été créé pour lui. Il me détaille, amusé par ma façon absolument pas discrète de le reluquer.

— Alors la marchandise vous plaît ?

— Absolument. Monsieur…

— Pardonnez-moi je manque à tous mes devoirs, Taylor Keers. annonce-t- il en me tendant sa main.

— Enchantée Monsieur Keers, je suis Carmen, lui dis-je poliment en saisissant cette dernière.

— Vous êtes époustouflante Carmen, je vais être l’homme le plus chanceux de ce vernissage !

— Bel homme et charmeur qui plus est… comment se fait-il que vous ayez besoin de mes services, monsieur Keers ?

— Oh, appelez-moi Taylor, Carmen et si vous n’y voyez pas d’inconvénients je préfère le tutoiement.

J’acquiesce d’un hochement de tête et ne le quitte pas des yeux en attendant sa réponse.

— Pour être complètement honnête avec toi, je n’ai ni le temps, ni l’envie de me lancer dans une relation amoureuse en ce moment.

— Je suis désolée, ma question était un peu déplacée.

— Non, Carmen, pas du tout. Au contraire même, j’apprécie de pouvoir discuter un peu de tout et de rien.

— Alors ma curiosité ne te dérange pas ?

Il secoue la tête en riant. Le son qui glisse entre ses lèvres me fait du bien et j’arrive à faire le vide dans ma tête. Voilà ce qu’il me fallait : m’évader et penser à moi… et à Taylor, évidemment. Je le trouve de plus en plus charmant et je lui prête une oreille attentive quand il continue.

— J’ai besoin de me détendre un peu, ces dernières semaines ont été très éprouvantes pour moi, entre la série dans laquelle je joue qui sort dans quelques jours et ma séparation…

La douceur de sa voix, sa posture, sa façon de me regarder, tout me plait chez cet homme et je me dis que ce week-end pourrait bien être parfait pour oublier tous mes soucis. Il hésite un instant et poursuit.

— Mon ex a sorti un single. Un vrai tube qui a remporté un disque de platine et qui parlait de l’homme qui a tout foutu en l’air : moi.

Il rit et attrape ma main pour la serrer délicatement.

— Je suis désolée.

— Je préfère mettre les choses à plat avec toi et maintenant que j’ai déballé tout ce que j’avais sur le cœur, je compte bien profiter de ta compagnie.

— En clair, ce soir est le parfait timing pour sortir de ta grotte en lui montrant que tu es passé à autre chose.

— Exactement, je pense qu’on va bien se plaire ensemble ces prochains jours.

— C’est le but… Joindre l’utile à l’agréable. rétorqué-je d’un air chargé de sous-entendus.

— Je le pense aussi.

Je distingue une étincelle dans ses beaux yeux bleus, me faisant penser à ceux de Jay. Je ferme les miens quelques secondes, pour éloigner son image de mon esprit.

— Je peux te poser une question indiscrète ?

— Pas trop indiscrète j’espère.

J’esquisse un sourire.

— Le disque de platine c’est pour quelle chanson ?

— Million reasons…

— Cette chanson est magnifique Taylor, vous deviez partager un amour très fort ensemble.

— Il l’était en effet, merci… me dit-il mettant un terme à notre jeu de regard.

Je lui souris avec beaucoup de tendresse. Il porte ma main à ses lèvres et y dépose un baiser avant de la lâcher. Je pense qu’il a raison, nous allons bien nous entendre. Je ne le connais pas encore, mais j’en ai vraiment envie, car le feeling entre nous est excellent. Voilà à quoi ressemble ma vie loin d’Hillsdale.

Taylor ne mentait pas quand il parlait de photographes. Le moindre de ses mouvements est immortalisé par un paparazzi ! La soirée est agréable malgré tout et Taylor me fait beaucoup rire dans ses jeux de séduction. On ne peut pas lui enlever son talent de comédien, tant il est bon et convaincant dans son rôle d’amoureux transi de Carmen. Je pourrais presque mordre à l’hameçon. Il m’a présenté à une multitude de personnes, plus influentes les unes que les autres.

La limousine se gare devant une grande bâtisse de deux étages, toute faite de parois en verre et bois. Splendide ! Taylor m’informe que c’est ici que je vais séjourner durant mon contrat, je ne peux qu’aimer. Il me fait visiter la villa, puis m’invite à l’étage pour découvrir ma chambre avec une salle de bain attenante et un grand dressing rempli de tenues que je vais pouvoir porter. Elle est parfaite ! Avant qu’il fasse demi-tour pour rejoindre ses appartements, je me tourne, face à lui. Nos regards s’accrochent l’un à l’autre.

— Merci, Taylor.

Je dépose un baiser sur sa joue. En parfait gentleman, il saisit mon poignet pour en embrasser le creux.

— Bonne nuit ma belle Carmen. Chapitre 9

Carmen

La nuit a été mouvementée, j’ai dormi par intermittence seulement. Mon esprit bien trop préoccupé par un certain biker blond aux yeux azur. Néanmoins, je dois me ressaisir, aujourd’hui, et ce pour encore quelques jours, je suis Carmen et non Shawna Ford. J’ai un contrat à respecter et à mener à bien. Ici pas de place pour mes états d’âme, je me dois d’être irréprochable et professionnelle. Taylor paye une petite fortune pour jouir de ma compagnie. Il va de soi que je n’ai pas le droit à l’erreur.

Le clapotis du léger remous de la piscine à débordement capte soudain mon intérêt. J’enfile mon bikini, me pare de mon paréo et, mes Prada sur le nez part en direction du bassin. Mes pieds nus foulent le sol de la villa. Il n’y a pas âme qui vive, Taylor doit encore dormir. Nous sommes rentrés assez tard la veille du vernissage de Rufus et il n’est que 9 h. J’ai tout de même le droit à un « Bonjour madame Carmen » de Viola, la gouvernante, au moment où j’atteins la cuisine. Elle me propose de préparer mon petit déjeuner et j’accepte avec grand plaisir, car je suis affamée ! Viola commence à s’affairer en cuisine et m’indique qu’elle disposera le tout à l’extérieur.

J’ôte mon paréo, le dépose sur un des transats et me dirige vers l’escalier de la piscine. L’eau fraîche me saisit dans un premier temps puis j’immerge la totalité de mon corps en prenant soin de ne pas mouiller ma longue chevelure nouée en un chignon haut. Les premières brasses me tirent quelques gémissements, dus à mon manque d’activité physique de ces derniers temps et petit à petit, cette impression s’estompe au fur et à mesure que mon corps glisse entre ces eaux. Après avoir fait plusieurs longueurs, je m’arrête contre la paroi du débordement. La vue est à couper le souffle. Contrairement à la majeure partie des célébrités hollywoodiennes, Taylor a privilégié les hauteurs de la « cité des anges », au tape-à-l’œil de Beverly Hills. Sa propriété surplombe toute la ville, le panorama est époustouflant. C’est un savant mélange entre la végétation et la civilisation urbaine.

— Bonjour ma douce Carmen…

La voix pleine de désir de Taylor me sort de mes pensées hasardeuses.

— Hello you ! dis-je sur un ton semblable au sien.

Taylor marche nonchalamment au bord de la piscine en caleçon de bain, ses Rayban vissées sur le nez. C’est indéniable cet homme est très séduisant. Sa musculature est parfaite, sa peau hâlée à juste dose et son sourire étincelant et hypnotisant. Seul bémol, et pas des moindres, aucune trace d’encre sublime sa plastique.

— Tu viens ? Viola nous a concocté un petit déjeuner de champions ! Il nous faudra bien ça pour affronter la journée marathon qui nous attend ma douce.

Il me tend sa main pour que je la saisisse et sorte de l’eau. Mon estomac se manifeste à la pensée du festin qui nous attend. Je prends place en face de Taylor qui n’a pas exagéré. Viola nous a préparé un menu effarant ! Moi qui ai pour habitude d’ingurgiter un café au lait d’amande et une tartine beurrée, seulement, là, tout me fait envie : des pancakes aux fruits frais sur un lit de sirop d’érable.

— Tu noteras qu’il s’agit de lait végétal, Viola a scrupuleusement appliqué tes habitudes alimentaires, communiquées par l’agence. précise Taylor.

— Je remercierai ta gouvernante pour cette attention. dis-je en versant ledit lait dans mon café encore noir.

— Tu ne bois jamais de « vrai lait » ?

Je lui réponds en mimant un non de la tête, ce qui a l’air de le dépasser.

— Jamais ? Tu n’aimes pas ça, ou bien tu y es allergique ?

— En effet je n’aime pas ça, comme aucun produit laitier d’ailleurs. J’ai beaucoup de mal avec toute alimentation à base de matières animales.

— Ah j’y suis, tu fais partie de ces gens branchés qui se disent « végan » !

Ce coup-ci je ne peux retenir un gloussement de moquerie envers mon hôte.

— Non je ne suis pas végane, seulement végétarienne et en effet la cause animale me parle, comme elle devrait parler à tous, tu ne crois pas ?

— Tu as sans doute raison… je suppose qu’en changeant nos mauvaises habitudes alimentaires, les choses changeraient de bien des façons.

— Très juste, mais il faut en prendre conscience. De nos jours avec toute l’information à portée de main, nous ne pouvons plus agir dans le déni et faire l’autruche face à la souffrance animale. soufflé-je.

— Ce sujet m’intéresse, je vais approfondir ça, je ne te promets rien cependant, mais ton discours m’interpelle. conclut-il.

Notre petit déjeuner engloutit et le planning de la journée établit, je m’éclipse pour aller me préparer. Je prends une douche rapide et saute dans mes habits qui se résument à un mini short en jeans clair et un chemisier rouge et blanc à carreaux que j’ai noué sur le devant. Je détache ma longue chevelure de feu et place seulement quelques mèches sur le sommet de mon crâne en une coque rétro, très classe. Je lasse mes Vans blanches à paillettes avant de jeter un dernier coup d’œil à ma tenue dans le miroir. C’est parfait !

Quand Taylor m’a proposé de choisir celle qui me conviendrait le mieux en matière de voiture, je ne m’attendais pas à avoir autant de choix ! C’est un effroyable dilemme, tant la qualité des modèles et leurs différents atouts me laissent dubitative… Mon choix s’arrête sur le dernier modèle de l’Huracan. Taylor félicite mon très bon choix avant de la déverrouiller. Excitée comme une puce, je trépigne d’impatience d’entendre le ronronnement du V10. Mais mon impatience est vite récompensée par la très charismatique sonorité des 640 CV développé par la Lamborghini. Des frissons parcourent tout mon corps, des pieds jusqu’à la pointe de mes cheveux. Je suis complètement barge des grosses cylindrées. J’ai même un sérieux problème avec, j’en ai conscience, mais je ne vois pas pourquoi je me soignerais ! Je ne me fais pas prier pour grimper sur le siège passager. La balade à bord de ce bolide est délicieuse. Notre but premier était d’être tout sauf discrets, et bien le cahier des charges est rempli. Dans les rues de Beverly Hills, rares sont les véhicules lambdas et passe-partout. Cependant bien que le luxe coule à flots dans ces quartiers qui transpirent l’opulence et l’aisance, une Huracan LP640-4 c’est extrêmement audacieux !

Rodeo Drive, nous voilà ! Cette avenue reflète à la perfection la superficialité de la population de Beverly Hills. C’est, paraît-il, la rue la plus chère du monde ! Les marques luxuriantes comme Chanel, Cartier, Louis Vuitton, Hermès et bien autres se côtoient dans un style très européanisé. Le luxe à la Française ! C’est époustouflant en effet, mais bien loin de la simplicité qui me résume. Je suis l’invité de Taylor, de ce fait mes désirs sont les siens, journée no limit ! Ce genre de discours fait partie de ma routine professionnelle, mais malgré le nombre d’années passées en tant qu’escorte, la gêne est toujours de mise face aux sommes exorbitantes dépensées lors des sessions shopping. C’est du gaspillage purement et simplement ! Cette population de fortunés en a fait son train- train quotidien, dépenser 50 000 dollars en une après-midi est devenue d’une normalité effarante. Je ne vaux pas mieux que tous ces gens. Déambulant dans une voiture à 200 000 dollars, une toilette des plus simple certes, mais griffée Gucci, plus un sac à main matelassé noir Chanel et portant des bijoux de mon sempiternel Thomas Sabo, ce sont les bras chargés de paquets quand nous rejoignons la Lambo, quatre bonnes heures plus tard. Je suis éreintée, c’est épuisant d’aller de boutique en boutique et le début de l’après-midi est déjà bien entamé, la faim commence à se faire sentir. Débarrassés de nos achats, Taylor me propose d’aller déjeuner dans un des restaurants branchés du quartier. Pendant notre virée shopping, nos trombines ont été immortalisées par différents paparazzis en quête de scoop. Jusqu’à présent, entre mon client et moi, aucun geste intime n’a été échangé laissant planer le doute sur notre relation. Nous devons passer à la vitesse supérieure. Ne serait-ce qu’un seul bon cliché serait suffisant pour mettre le feu aux poudres.

Je décide de prendre les choses en mains, après tout c’est mon rôle. Au moment de suivre l’hôtesse d’accueil du restaurant, je glisse ma main contre ses reins et l’enlace dans un tendre câlin. Taylor en bon acteur, répond à mon geste en déposant un baiser sur le haut de ma tête. J’entends les crépitements charismatiques du flash des appareils photo. Voilà déjà un cliché qu’ils vont se disputer pour une poignée de billets verts. Nous prenons place à notre table désignée. Nous sommes exposés, mais pas trop, c’est idéal pour continuer notre comédie.

— Tu es douée ma douce Carmen… me félicite mon « amoureux » du jour.

— Je te retourne le compliment, Monsieur Keers. N’est-ce pas la raison pour laquelle tu m’as embauchée ?

— Si tout à fait. Mais je suis novice et je t’avoue ne pas être complètement à l’aise avec cette pratique.

— Tu t’en sors à merveille… nous sommes deux acteurs ! lâché-je en terminant ma phrase d’un rire franc.

J’aime beaucoup ce Taylor, il est adorable, simple, sans prise de tête… Shaw pourrait se laisser séduire par un homme comme lui, inévitablement. Mais une absence de rugosité et d’obscurité me manquerait face à sa personnalité lisse et quelque peu ennuyeuse.

***

Le regard conquis de Taylor me rassure quelque peu sur mon audace vestimentaire. J’ai revêtu une robe de cocktail fourreau bordeaux, mettant à la perfection en valeur mon décolleté. Mes cheveux sont tous ramenés sur le côté en gros crans glamour. Mon make-up est sophistiqué, œil de biche et rouge carmin sur les lèvres. En parfaite femme fatale, j’attrape le bras de ce dernier. Un « tu es magnifique » glisse sur ses lèvres pleines. Mon sourire enjôleur lui déclenche d’infimes étincelles dans les yeux.

La limousine nous dépose à notre destination. Une immense demeure se tient devant nous. Nous sommes au manoir Wilferdz pour la très prestigieuse et prisée soirée caritative de la famille Wilferdz. Notre montée des marches est digne d’un red carpet hollywoodien. Aucun détail n’échappe aux cellules des objectifs des photographes braqués sur nous. Notre posture se veut très intime, mais distinguée.

Taylor me présente à une multitude de personnes à m’en donner mal à la tête. Peut-être est-ce dû au verre de Monbazillac que je viens de boire ? Ceci étant, je m’ennuie à mourir. Le cocktail de bienvenue terminé, nous sommes conviés à passer dans la salle de réception. Je ne suis pas plus gâtée pour le dîner élaboré par un grand nom de la gastronomie française. Décidément ces gros bourges ne jurent que par la France ! Je ne mange presque rien prétextant, comme la majeure partie des dames présentes dans l’assemblée, un régime drastique imposé par mon coach sportif. C’est bien plus classe et passe mieux au lieu de dire qu’on ne cautionne pas les pratiques de surproductions alimentaires pour ravir les papilles de ces snobs ! Vient l’heure du bal dansant. Enfin une bonne excuse pour quitter cette tablée d’hypocrites. Taylor m’enlace fermement, sentant mon vernis à deux doigts de craquer sous le poids de la supercherie que représente cette soirée caritative. Ses mains encadrent mon visage en le relevant délicatement et il plonge son regard dans le mien. Il articule un « je suis désolé », je lui souris tendrement et l’accepte. Lui donnant le top départ pour jouer son rôle d’homme amoureux de Carmen. Son sourire carnassier vient s’écraser délicatement sur la mienne. Je me laisse guider dans un baiser fort agréable, mais malheureusement très chaste. Trop chaste ! J’insère ma langue entre ses lèvres pour l’inviter à en faire de même et mes sens sont en ébullitions quand elles dansent enfin ensemble. Mon cavalier met cependant un terme à notre timide embrassade, pour m’entraîner sur la piste. Nos corps suivent la cadence imposée de la mélodie jouée par l’orchestre, dans une séduction silencieuse. La tension monte crescendo entre nous.

Trois chansons plus tard, nous rejoignons notre carrosse pour regagner la villa. Maintenant que nos bouches ont fait connaissance, nos corps sont en manque de rapprochement mutuel. Le chemin du retour me semble durer le double de temps comparé à l’aller, tant l’excitation est à son comble dans l’habitacle de la limousine. La main ferme et protectrice de Taylor enserre ma cuisse dans un contact divin. Nos respirations sont saccadées, gérant l’attente comme elles le peuvent. C’est à peine si mes escarpins foulent le sol de l’allée nous menant jusqu’à l’intérieur de la villa. Taylor ouvre la porte sans délicatesse tout en me tirant délicatement par le bras. Nous riions comme des gamins s’apprêtant à faire une bêtise. Puis sa bouche retrouve le chemin de la mienne dans un baiser plus affirmé ce coup-ci. J’interdis formellement à mon cerveau de partir dans des délires incluant Jay dans ce que je suis en train de faire. Mais très franchement, c’est peine perdue. Je m’accroche aux sensations de bien-être que me procure cet instant et laisse l’excitation dicter mes faits et gestes. J’ai tellement besoin de m’envoyer en l’air, ça en devient vital pour ma santé mentale et physique. Depuis la scène au club house, entre Jay et sa pute, je ressens le besoin bestial d’être prise et baisée par un homme. Taylor m’entraîne alors dans sa chambre à coucher. Dans la hâte, j’abandonne mes talons en chemin. Ce dernier me tourne autour comme si j’étais sa proie. Ça m’excite grandement. Ses mains commencent à parcourir mon corps frissonnant à son contact. Contre mon dos, il dépose de délicieux bisous sur la peau tendre de mon cou. Puis remonte jusqu’au lobe de mon oreille avant de le sucer lascivement.

— Es-tu certaine d’en avoir envie ma douce Carmen ? me susurre-t-il.

— Absolument sûre… s’il te plaît… gémis-je.

Le zip qu’émet la fermeture éclair de ma robe résonne dans l’immense chambre. N’étant plus qu’en sous-vêtement de dentelle de coloris identique à ma robe, je tremble d’envie pour mon amant. Taylor est un gentleman, tous ses gestes sont exécutés avec douceur et contrôle, respect et délectation. Pas une once de sauvagerie… À contrecœur je m’en contenterais, même si je désire réellement autre chose. Mon amant me guide, face contre le mur et s’affaire à me libérer des derniers remparts de dentelles lui bloquant l’accès à mes délices. Il dégrafe mon soutien-gorge et dans l’empressement déchire le bout de tissus me servant de petite culotte. Me voilà nue devant lui, offerte, en attente de promesses luxuriantes. Je l’entends se déshabiller dans mon dos, dans des bruits quasi inaudibles.

La peau de Taylor se colle contre la mienne en manque. Ses mains parcourent mon corps littéralement devenu leur terrain de jeu, m’arrachant au passage des gémissements d’approbation. Puis elles descendent vers le sud, pour mon plus grand plaisir. Ses doigts jouent avec mes lèvres mouillées d’excitation. Je gémis de plus belle. Bordel, ça m’avait manqué ! Mon bassin l’entraîne dans une danse lascive et sensuelle. Je suis récompensée par les grognements de mon amant. Il me pénètre d’un doigt dans un va-et-vient prometteur avant d’en insérer un second qui cette fois déchaîne mon bas ventre. Nous restons quelques minutes ainsi en jouant des préliminaires jusqu’à l’instant où les mains de Taylor quittent mon corps. Le bruit de ses pas s’éloignant un peu de moi, puis celui d’un emballage qu’on déchire déclenchent des picotements entre mes jambes. J’entends qu’il me revienne, suivies de ses mains se voulant apaisantes sur ma peau. En une poussée, je me retrouve propulsée en avant, son bassin contre mon fessier. J’apprécie le fait qu’il s’immobilise quelques secondes, pour habituer mon vagin au gabarit de son membre. Nous gémissons à l’unisson à chacun de ses coups de reins. Ses va-et- vient sont une véritable délectation. Mes mains s’ancrent sur le papier peint du mur face à moi. Mon visage est calé contre ce dernier, je me cramponne sous les assauts, maintenant déchaînés de mon amant. Il me baise d’une divine et savoureuse façon.

Quand Taylor s’apprête à me parler, je lui somme de ne pas le faire et de garder le silence. Mon esprit divague, mon imagination le quémande lui… Pas Taylor, mais bien Jay. Mon Jay de substitution, garde le silence, seuls ses grognements gutturaux, mêlés à mes cris de jouissance claquent entre les quatre murs de la chambre à coucher… Dix ans auparavant…

Shaw

J’ai fait profil bas toute la matinée et le début de l’après-midi, afin d’oublier cette désagréable humiliation. Mais je ne peux plus me terrer cachée dans ma chambre le nez dans mon « Chair de poule ». Eva passe me chercher dans une heure et je ne suis même pas douchée. Ce n’est pas vrai, ce n’est vraiment pas ma foutue journée. Jay est encore dans la salle de bain que nous partageons. Il y est depuis des plombes ! Mais il fabrique quoi là-dedans ? J’écarte de mon esprit les idées salaces tentant de s’y loger. Bon ça m’en a quand même donné un peu l’eau à la bouche tout ça... un beau mec, une baignoire, de la mousse et lui nu dedans... hum. Stop arrête tes conneries Shaw ! Satanées hormones ! Je prends mon courage à deux mains et abats mon poing sur la porte de notre salle de bain.

— Jay ! sors de cette foutue salle de bain ou je te jure que je rentre et te mets dehors !

OK j’y suis allée un peu fort, mais bon au grand remède les grands moyens. Sa réponse ne se fait pas attendre.

— Que de la gueule ! Je t’attends, tu devrais te dépêcher l’eau est en train de refroidir, Rebelle ! raille-t-il avec provocation.

Quel connard arrogant ! Du calme Shaw il veut te provoquer, rien de bien nouveau. N’empêche ma patience a des limites, les minutes s’écoulent à vitesse grand V.

— Mais SORS !!! lancé-je impuissante et à bout de nerfs.

Grrr ! Je bas l’air avec mes bras et tape du pied comme une gamine capricieuse. Il va voir de quel bois j’me chauffe, celui-là. Je vais l’attraper par le col et le sortir fissa de ma salle de bain ! Je suis spectatrice des faits et gestes de mon corps. J’entre comme une furie dans la pièce, le regard fixé sur ma proie. Jay, nu comme un vers dans la baignoire. Petite précision, il n’y a pas de bain moussant, l’eau est claire et transparente, laissant à ma vue les atouts de l’objet de mes fantasmes. Je n’y crois pas j’ai osé entrer, mais maintenant je ne sais plus quoi faire ! Je suis toute chose par ma prise d’audace soudaine et la chaleur s’empare de moi très rapidement colorant certainement mon visage de rouge tomate. Pfff... pour l’assurance, je repasserai.

Interdite, mon regard se verrouille au sien, quand ce connard commence à se relever pour sortir de l’eau. Le voilà face à moi, la vue est complètement dégagée, plus aucune entrave. Il est magnifique malgré son jeune âge. On pourrait croire que son corps est encore gringalet, mal dégrossi entre l’ado et l’adulte. Absolument pas, au contraire, il est déjà bien sculpté par la fonte qui lève, de par son job de préparateur moto au garage du Club et son poste de prospect. Quelques tatouages commencent même à décorer son corps comme une toile. Il est parfait, une putain œuvre d’art !

— Tu serais mignonne de me donner ma serviette et d’éviter de baver dessus, Shaw.

Connard ! Je n’arrive pas à le quitter des yeux, j’ai rêvé de ce moment des centaines de fois. Je photographie visuellement la moindre parcelle de son corps pour me les repasser aux moments opportuns. Je déglutis péniblement quand je m’aperçois que je ne suis peut-être pas la seule à apprécier ce moment d’intimité volé. Mon sang bat dans mes tempes, à m’en faire bourdonner les oreilles, ma gorge s’assèche. Mon cœur bat la chamade et mon ventre se contracte en guidant les battements de mon cœur entre mes jambes, flageolantes. Je sens ma culotte s’humidifier à la vue du membre impressionnant et fièrement dressé de Jay. Ne sachant pas quoi faire d’autre, comme une cruche je me cache les yeux de la main et essaie tant bien que mal d’attraper sa fichue serviette !

— Tu es vraiment un porc ! Tu bandes en plus ! C’est abject ! Vraiment Jay… clamé-je en essayant de feindre mon émoi.

Pas très convaincante ma fille ! Je l’attrape enfin et la lui tends, la main toujours sur les yeux. Mais à l’évidence il ne la saisit pas. Machinalement j’ôte la main qui me barre la vue afin de lui donner sa serviette. Grave erreur. Mes yeux sont pile en face de sa queue, mettant à mal mon supplice déjà bien présent. Je comprends maintenant pourquoi toutes ces pétasses d’un soir hurlent comme des possédées pendant leurs ébats. C’est une première pour moi d’être nez à nez avec le sexe d’un homme, en vrai. Mais je peux vous l’affirmer, ce mec est gaulé comme un étalon ! L’envie de connaître la sensation de l’avoir en moi, m’en donne l’eau à la bouche. Je mords ma lèvre inférieure pour m’empêcher de baver davantage devant ce spécimen, m’arrachant malgré moi un gémissement plaintif. Avec un peu de chance, Jay croira que c’est de mal et non d’envie à l’état pur. En dirigeant mon regard vers le sien, je me rends compte de son amusement. La chance n’est vraisemblablement pas au rendez-vous. J’arrive péniblement à détourner le regard, ordonnant à mes jambes de faire le chemin en sens inverse pour me réfugier dans ma chambre.

— Alors ça fait quoi d’admirer la perfection en chair et en os, Shaw ? Avoue, ça t’a donné envie d’y goûter, ma belle. lance-t-il ironiquement de la salle de bain.

— Va te faire foutre Jay ! craché-je de rage.

— Avec toi ? C’est quand tu veux Rebelle ! déclare-t-il, la voix volontairement traînante.

En deux phrases provocantes, il vient sans même le savoir de me jeter dans une mer de confusion. Je claque violemment la porte de ma chambre, attrape mes fringues sur mon lit et me précipite dans la salle de bain de nos parents. Une fois sous le jet brûlant de l’eau, je m’autorise à analyser ce qui vient de se passer il y a quelques minutes. Bordel, c’était quoi ça ?

Jusqu’à présent, rien de comparable ne s’était produit entre nous, c’est à peine s’il remarquait mon existence. Les images de son corps nu s’imposent à moi comme des flashbacks. Cette altercation m’a rendu toute chose. Mais purée, j’en ai aimé chaque seconde. Est-ce mal ? Oui bien sûr Shaw c’est mal ! Tu fantasmes comme une ado shootée aux hormones, sur ton « demi-frère ». Étonnamment mon côté prude et réservé me tenant habituellement à l’écart de toutes tentations sexuelles, ne s’est pas manifesté. Mais bon sang, que m’a-t-il pris d’entrer comme un boulet de canon dans la salle de bain ? Quand je suis près de lui, je débloque constamment à en agir très bizarrement. Pour preuve cet épisode... délicieux ? Chapitre 10

Shaw

— Voilà comment va se dérouler le protocole de traitement. Dans un premier temps, nous allons procéder à l’opération pour l’ablation de la tumeur cancéreuse du sein gauche, commence le chirurgien. Je ne vous cache pas qu’au vu de la mammographie, la tumeur est très mal placée, juste sous le mamelon. Je ferais tout mon possible pour conserver votre sein, mais je ne vous promets rien, j’aviserai pendant l’opération. Le test du ganglion sentinelle n’a pas été concluant, par conséquent je dois vous enlever la chaîne ganglionnaire du bras gauche. La bonne nouvelle est qu’il n’y a pas de métastases sur votre colonne vertébrale, la scintigraphie osseuse est bonne. Je vais également en profiter pour vous poser la chambre implantable, le Port-a-cath, c’est le dispositif servant à vous injecter les produits de chimiothérapie. Avez-vous des questions, madame Lang ?

J’arrive péniblement à lâcher le chirurgien du regard pour m’attarder sur Vicky. Elle semble nager dans la même mélasse que moi en réaction au récit scientifique du spécialiste assis derrière son bureau.

— Non, non je ne crois pas, je ne sais pas vraiment en fait... je n’ai pas d’autres choix que de m’en référer à vous. Je suis quelque peu perdue. avoue ma mère.

Oui perdue est bien le mot. Je reste silencieuse, j’ai l’impression que mon cerveau travaille au ralenti. L’analyse des informations se fera dans un petit moment. J’essaye, bien malgré moi, de paraître détendue et confiante, mais en réalité j’ai une de ces trouilles. Mais, je ne dois pas flancher et rester de marbre quant à mon ressenti face à la situation, pour Vicky. Je ne veux pas qu’elle se fasse du souci pour nous, elle doit penser seulement à elle pour son bien-être. Les prochaines semaines vont s’avérer difficiles. Elle aura besoin de toutes ses forces et le soutien inconditionnel de ses proches pour la porter dans le combat qu’elle s’apprête à mener.

— Oui c’est tout à fait normal, madame Lang, rassurez-vous, lui dit avec douceur l’oncologue. Mais sachez que vous êtes entre de bonnes mains. Votre cancer a été décelé à temps, toute notre équipe est confiante sur la suite. Un mois après votre opération nous entamerons la phase de chimiothérapie. Elle se fera en six étapes, tous les vingt-et-un jours. Trois séries d’une première molécule, puis trois séries de la deuxième associée à dix-huit cures d’intraveineuse, en gros un traitement sur vingt mois.

— Ah oui quand même, ce n’est pas rien docteur Bunsch !

Le protocole révélé du spécialiste me paraît énorme. Il sait ce qu’il fait, mais tout de même, je suis déroutée. Bien entendu je n’y connais rien, seulement les récits de personnes ayant subi une chimiothérapie me reviennent à l’esprit.

— C’est une chimiothérapie assez lourde, non ? lâché-je.

— Oui en effet elle l’est. Mais votre mère est jeune et a une bonne hygiène de vie, nous jugeons ce protocole en adéquation avec son niveau d’infection. reprend l’oncologue.

Je ne peux que valider ses dires, loin de moi l’idée de douter du professionnalisme des deux spécialistes en face de nous.

— Je ne vous cache pas, certains moments vont être plus difficiles que d’autres. Néanmoins, c’est un mal nécessaire, comprenez-vous madame Lang ? insiste le docteur Denis.

— Oui tout à fait docteur. lui répond ma mère sans hésitation.

— Parfait, alors voici la liste des méfaits de la chimiothérapie. déclare le spécialiste en tendant un feuillet en noir et blanc à maman. Oui vous allez perdre vos cheveux, vos cils et vos sourcils. Oui vous allez perdre du poids et oui vous allez être épuisée. Mais les symptômes sont temporaires, ne perdez pas ça de vue. Votre corps va rencontrer beaucoup de changement. Ce n’est pas un traitement anodin, mais croyez-moi ça vaut la peine d’en passer par là pour une guérison totale.

J’ai toujours admiré la force de caractère de ma mère, mais à cet instant mon admiration dépasse l’entendement. Vicky prend les choses avec le sourire et légèreté. Moi à sa place j’aurais été au fond du seau, mais pas elle. Je suis stupéfaite par sa façon de gérer la situation qui est pourtant grave. A-t-elle seulement versé une larme à l’annonce de sa maladie ? J’en doute fort. Ce n’est pas comme si tout son monde ne venait pas de s’écrouler... j’en reste muette...

Hé Vicky t’as un cancer du sein de stade deux, si tu ne fais rien tu vas crever, mais c’est cool ça gère meuf !

Je suis tétanisée par la peur de la perdre, que deviendrais-je sans ma maman ? Maintenant que nos moments ensemble sont comptés, je me rends compte à quel point j’ai été idiote et égoïste d’être partie d’Hillsdale presque sept ans plus tôt. Certes j’avais de bonnes raisons de prendre le large, mais si j’avais su, j’aurais affronté l’orage et dansé sous la pluie plutôt que de jouer à la poule mouillée.

Finalement, j’aime cette ville et j’aime mon existence ici. Même si je dois partager cette vie avec le Club. Peut-être est-il temps d’affronter mon passé, mes démons, mes mauvais choix et faire la paix avec le Club ? Car il est indéniable que les Death’s Falcons font partie de moi. Pour le bien de tous, je dois arrêter de me battre contre des fantômes et accepter ma destinée. Ça va être dur, mais pour Vicky je le ferai, je lui dois bien ça.

Je ramène maman chez elle après avoir récupéré Tara à l’école. Ce soir nous avons un repas de famille, pour mettre à plat les tensions gravitant autour de la maladie de Vicky. Pour le moment aucun changement, elle n’a pas perdu de son mordant. Ni l’angoisse ni la peur ne l’habite. Tant mieux, d’une certaine manière elle aura bien le temps de se prendre la tête une fois qu’elle y sera. Encore une fois elle m’épate.

Le premier à rentrer à la maison est Terry, depuis qu’il délègue pas mal d’affaires du Club à Jay, il est beaucoup plus disponible pour maman. C’est bien, du soutien voilà ce dont elle aura besoin. Je m’affaire à la préparation du repas, perdue dans mes pensées. Je coupe méticuleusement les crudités pour la salade, étant tantôt déstabilisée par les paroles des spécialistes, puis tantôt happée par mon désir pour Jay. Je ne fais pas la maligne, je suis entre le plaisir et le dégoût de me retrouver à la même table que ce dernier. Dans un sens ou dans un autre mon cerveau carbure force dix mille. Ça m’épuise, mais je fais face, je ne lâche rien. Nous sommes tous à table, seul Jay manque à l’appel, encore retenu par je ne sais quoi. Peu m’importe, en attendant il aurait pu faire un effort pour maman et Terry. La journée n’a pas été évidente pour aucun de nous, mais nous sommes tous ensemble pour la soutenir. Jay ne changera décidément pas, son comportement est puéril à souhait ! Terry propose d’attaquer le repas, prétextant que ça risque de faire arriver notre absent. Au moment de servir l’entrée, Jay débarque enfin.

Sans même s’excuser, il prend place à côté de Mal après avoir embrassé maman et s’être lavé les mains. Je lui jette un regard noir, mais il ne se donne même pas la peine de lever la tête vers moi. Ce mec est d’une aisance et d’un sans-gêne sans limites, c’en est effarant. Son attitude m’horripile ! Et bien entendu tout le monde excuse son comportement, une fois de plus ! Même ma fille est en extase devant cet imbécile, qui est tout sourire face à elle. Les gloussements de joie de mon ange résonnent dans la salle, détendant quelque peu l’atmosphère. J’essaye de me détendre pendant que ma fille arrive, grâce à ses mimiques, à faire retomber les tensions pesantes autour de la table. Une fois les entrées englouties, je me lève pour apporter la suite de notre repas. J’ai les nerfs en pelote, besoin de me dégourdir les jambes et respirer un air différent de celui de Jay. Je perds volontairement un peu de temps dans la cuisine, avant d’inspirer profondément et de regagner le reste de la tablée en pleine discussion. Je dépose le gratin de pommes de terre sur la table et commence à faire le service. Une fois toutes les assiettes pleines, je m’assois et m’apprête à avaler ma fourchette, quand un grognement me fait sursauter.

— Merde y’a pas de barbaque ce soir ? claque la voix de Jay.

— Non, Shaw et Tara sont végétariennes et maman en est écœurée. clarifie Marley.

Avant même de relever la tête pour voir la réaction de l’homme des cavernes qui partage notre repas, je sens son regard noir et lourd de reproches sur moi. Je prends mon courage à deux mains et le regarde droit dans les yeux. Mon cœur en loupe un battement tant son regard de glace me déstabilise. Je tiens bon et ne vacille pas face à son aplomb.

— Pourquoi ça ne m’étonne pas ça... dit-il avec un air narquois.

Ce mec me tape sur le système.

— Un repas sain ne devrait pas tuer un grand costaud comme toi Jay ! Rassure-moi, tu es plus solide que ça ?! lui dis-je ne pouvant m’empêcher de le provoquer.

Chose que je n’aurais pas cru possible, son regard devient bestial, semblable à un loup assoiffé de chair fraîche. Un sourire insolent étire ses lèvres pleines. Rare doivent être les fois où le VP des Death’s se fait mettre à l’amende par une gonzesse. Notre confrontation dure un certain temps, assez longtemps pour que Vicky y mette fin en prenant la parole.

— De toute manière, je ne me sens pas d’en manger pour l’instant mon grand. Je suis désolée, tu es déçu… mais je te promets, la prochaine fois je te fais une bonne entrecôte, des frites et de la salade comme tu les aimes. l’amadoue-t-elle comme seule une mère sait le faire.

Je lève machinalement les yeux au ciel en prenant une moue dégoûtée, Jay me capte immédiatement. Prise sur le fait et sentant le rouge me monter aux joues, je me plonge dans la contemplation de mon assiette.

— Pas de problème ma belle, une prochaine fois ! dit-il tout sourire à l’intention de maman.

Ce mec est une vraie girouette !

Le reste du repas se déroule dans le calme et sans affronts. Nous évitons d’aborder le sujet Cancer en présence de ma puce. Elle est petite, mais a les oreilles qui traînent partout. Nous avons déjà abordé le sujet à mon retour de L.A., car je ne veux rien lui cacher, mais je souhaite la préserver en édulcorant quelques passages pour ne pas la perturber. Le repas fini, Tara couchée dans ce qui fut à l’époque ma chambre, les discussions sérieuses peuvent commencer. Terry sort une bouteille de Jack’s et des verres. Il nous questionne tour à tour silencieusement. Je décline sa proposition, j’ai toujours détesté le Whisky. Ce n’est pas le cas des Lang et ils ne se font pas prier. Voyant que maman ne souhaite pas commencer, je lui jette un regard pour avoir son autorisation qu’elle m’accorde. Je prends une profonde inspiration et me lance. Les regards pétrifiés des jumeaux me pincent le cœur. Je tente au mieux d’énumérer tous les points évoqués par l’oncologue et le chirurgien de Vicky. L’opération a lieu dans trois jours, suite à ça, Vicky restera en convalescence pendant environ quatre semaines. Puis les séances de chimios tant redoutées pourront débuter. Terry et Marley nous posent, à maman et à moi, une foule de questions, dans la tentative d’apaiser leur stress plus qu’apparent. Mais contrairement à eux, Mal semble carrément absent. Il sirote son whisky, calé dans un des gros fauteuils du salon, le regard fixant un point imaginaire à l’horizon. Son comportement, ou plutôt son manque de réaction, m’interpelle et m’inquiète. Il a beau être un grand costaud, un motard portant fièrement les couleurs du Club, il n’en reste pas moins un gosse de vingt et un an. Une fois mon monologue touchant à sa fin, maman prend la parole.

— Ne faites pas ces têtes d’enterrement, je ne suis pas encore canée les gosses ! plaisante-t-elle.

— Victoria... gronde Terry pour lui intimer le silence.

— La vache tu nous sers du VICTORIA, mon amour ?! continue-t-elle en plaisantant. Ne te fais pas de soucis, le doc a dit que tout devrait bien se passer… OK je vais morfler, entre la chimio et l’opération, mais bon ce n’est pas comme si j’avais le choix. lui dit-elle tout en caressant sa poitrine, comme pour panser les blessures qu’elle seule aurait le secret.

Ce dernier se détend un chouïa avant de vider son verre cul sec. Jay l’imite et Mal les ressert, restant toujours silencieux. Je ne suis visiblement pas la seule à avoir remarqué le comportement inhabituel de mon frère. Marley tente de pénétrer son mutisme, mais Mal reste dans sa bulle.

— Lundi matin les gars, j’ai besoin de vous pour vous occuper du Club, j’emmène votre mère à l’hôpital. Je veux que les frères soient à la chapelle demain matin neuf heures pétantes. exige le président des Death’s.

— Je m’en occupe Prez ! déclare son VP.

— Malonne ? Je peux compter sur toi mon gars ? continue Terry.

— Yep Pa ! marmonne Mal avant de s’enfiler le reste de son verre.

Je reste spectatrice face à l’attitude détachée de mon petit frère et n’arrive pas à faire comme si de rien était. Ma voix vole déjà dans les airs avant même que je lui en aie donné l’ordre.

— Ça va Mal ? Tu n’as posé aucune question…

Je hoquète en le voyant bondir du fauteuil en cuir marron tout en donnant un coup de pied dans les coussins de sol.

— Putain vous allez me lâcher avec vos questions à la con ! Sérieux Shaw, tu crois que je me sens comment bordel ?! Ma mère à un putain de cancer et fait comme si tout était OK ! Franchement j’en ai rien à cirer de tes putains de questions frangine !

J’entends un « Malonne » autoritaire sortir de la bouche de ma mère avant que la sonnerie du téléphone de ce dernier se manifeste. Sans prendre la peine de nous concerter, il prend l’appel, marmonne un « j’arrive » et raccroche avant de ranger son portable.

— Vous m’avez soulé, je me casse, j’étouffe ici bordel ! lance-t-il avant de partir à grandes enjambées.

Rien ne le fait revenir sur sa décision, pas même les plaintes de Marley. Je suis choqué. Son agressivité confirme mes craintes. Je me tourne vers ma sœur avant de m’adresser à elle.

— Marley… lâché-je plaintive.

— Il ne me parle pas, absolument rien ! annonce-t-elle. Ça ne lui est jamais arrivé, Mal s’est toujours confié à moi. Mais depuis quelque temps, il évite le sujet maman, pire il me fuit !

La tristesse de ma petite sœur est palpable dans sa voix, ça me tord le ventre. Alors, je prends la parole en m’adressant à Jay.

— Tu dois lui parler Jay ! lui imposé-je.

Ce dernier lève les yeux de son whisky et me lance un regard exagérément froid, comme à son habitude. Mais je m’en fiche, s’il pense m’impressionner avec son regard de dur à cuir, il se met le doigt dans l’œil ! Il s’agit de notre petit frère, notre famille bordel ! Jay, se rendant compte de ma détermination, soupire bruyamment et s’adoucit légèrement.

— Tu crois vraiment qu’il me parlera à moi ? demande-t-il perplexe.

— C’est évident !

— Évident ! Tu te fous de moi ? Il dit que dalle à sa frangine alors que ces deux-là partagent tout depuis leur conception ! s’agace-t-il.

— Oui ça l’est, tu es son grand frère, son putain d’exemple et surtout son VP, Jay !

Jay semble peser le pour et le contre, quand la voix de Terry le sort de sa réflexion.

— La gosse n’a pas tort fils, Malonne t’admire depuis tout minot et d’homme à homme de plus frères de sang et d’armes, je pense que ça peut le faire.

— S’il te plaît Jay, Mal doit se confier à l’un de nous. Ça me bouffe, tu n’imagines pas comment, d’être mise sur la touche par mon propre jumeau. insiste Marley.

Dans une profonde inspiration reflétant son agacement, Jay promet à Marley d’y penser. Bien évidemment, de moi il s’en contre fou. Et réciproquement, ça m’est égal, car je souhaite simplement soutenir Vicky en gardant notre famille soudée. Je connais Malonne, il s’en remettra, mais pas sans aide et ce malgré ce qu’il a voulu nous laisser croire, Jay l’a bien compris.

La discussion clause, maman, épuisée par sa journée, monte se coucher, rapidement suivi par Terry. J’en profite pour finir de débarrasser et de ranger la cuisine pendant que Jay et Marley fument et boivent leur verre sur la terrasse. Mon ménage touchant pratiquement à sa fin, une voix familière me sort de mes réflexions.

— Et que ça brille ma belle ! se marre Brady en s’appuyant à l’îlot central. — Tu préfères que je te jette cette éponge dans la tronche avec ou sans élan ?! me moqué-je à mon tour en lui faisant face.

— OK drapeau blanc ! De toute façon tu es bien trop redoutable pour moi et puis les éponges et moi ça fait deux. lâche-t-il avec un grand sourire.

Nous rions de concert prouvant que notre complicité n’a rien perdu durant tout ce temps loin l’un de l’autre.

— Manque plus que l’autre hystérique d’Eva et vous nous propulsez dix ans en arrière tous les deux… râle Jay au moment où il passe la tête par la baie vitrée. Sors-nous plutôt des bières, au lieu de te marrer comme un abruti heureux.

— Ça va mec, c’est bon et ça fait redescendre la pression. Vous en avez tous besoin, je me trompe ? déclare mon ami à l’intention de son VP.

Jay nous gratifie d’un grognement en guise de réponse. Je ne me lasserai jamais de la façon qu’à ce type de s’exprimer ! Brady attrape quatre bières du frigo puis se dirige vers la terrasse. Mon regard tombe immédiatement sur la musculature de son dos et d’un fessier se voulant ferme. En près de sept ans d’exil, je ne suis pas la seule à avoir radicalement changé. Brady est resté le même, un ami fidèle avec une bonté d’âme à toute épreuve envers les personnes qu’il affectionne. Par contre, concernant son physique, il n’a plus rien de comparable avec les souvenirs que j’ai de lui.

Il faut dire qu’à l’époque, je n’avais de cesse de lorgner Jay en cachette, ne remarquant aucun autre garçon. Jusqu’au moment où mes yeux se sont posés sur Andrew. C’est à peu près à cet instant où Brady et Jay ont quitté la Californie pour le chapitre voisin dans l’Utah présidé par Nick. Et je savais déjà que mon ami d’enfance avait un léger béguin pour moi, pourtant, rien n’y faisait. Aujourd’hui, toujours le regard intensément posé sur mon ami, je dois dire que c’est un bonbon pour mes rétines. Brady est devenu un très bel homme. Sa corpulence, ses épaules carrées et musclées, des fesses rebondies à souhait ! Sans parler de sa gueule d’ange, chevelure brune, courte sur les côtés avec des mèches plus longues sur le dessus. Des yeux noisette sauvages, un nez droit masculin, une mâchoire carrée arborée par une imposante barbe de plusieurs années entretenue à la perfection. Sans parler de la multitude de tatouages semblant recouvrir une bonne partie de son corps. Il est clair que Brady a tout du biker sauvage, libre et sexy !

Quand je relève la tête pour revenir à la réalité, je tombe sur Jay me fusillant littéralement de son regard de glace. J’y devine une lueur de colère, accompagnée de quelque chose d’autre… de la jalousie ? Non !

— Tu viens Shaw ? m’appelle ma sœur.

— C’est ça Shaw, joins-toi à nous… grimace Jay.

— Avec joie ! Dix ans auparavant…

Jay

Puis, tout a empiré l’année de ses 16 ans...

Shaw doit aller avec des copines au cinéma, je reste plus d’une heure à barboter dans mon bain, à m’en faire sacrément chier. Je sais combien elle s’impatiente dans sa chambre pour prendre ma place. Elle finit par tambouriner comme une furie à la porte pour me faire sortir. Je peux l’entendre taper du pied, comme une enfant, sur le sol en parquet de sa chambre. J’ai l’intention de la faire enrager encore un peu, mais ma petite Rebelle m’a bien eu par surprise en déboulant dans la pièce. Son audace se lit sur ses joues empourprées par la gêne de me découvrir, normal, nu dans la baignoire. Son culot me plait, je veux dire vraiment, au point de ne pas pouvoir le cacher. Alors sans scrupule, je me lève pour sortir de mon bain froid en lui faisant face et lui demande ma serviette éponge. Ses yeux s’écarquillent comme des soucoupes, le visage rouge cramoisi et sa bouche grande ouverte. J’ai l’effet escompté sur elle. Elle s’en rend compte et pour se défendre, se cache les yeux d’une main pendant que l’autre cherche à tâtons ma serviette de toilette sur le meuble. Je fais exprès de ne pas la saisir quand elle me la tend. Je souhaite l’obliger à regarder. Ce qu’elle finit par faire. Son regard bourré de gène glisse sur mon corps pour se focaliser sur ma queue raide comme un piquet. Sa façon de me contempler trahit son envie irrépressible de moi. S’en est-elle aperçue ? Sans doute, car elle avale avec difficilement sa salive en croisant mon regard avant de prendre rapidement la fuite dans sa chambre, me claquant la porte au nez. Je l’ai bien mérité et suis assez fier de l’avoir un peu déstabilisée. Ouais je sais je suis un enfoiré de première…

Elle me hurle dessus dès que je mets un peu trop fort du hard rock dans ma chambre, ou quand je bois tout le jus d’orange. Et j’adore ça ! La voir furieuse me met dans un état d’excitation démentielle. Ses yeux vert mousse s’assombrissent, ses mèches rebelles rousses volent dans tous les sens autour de son visage et sa peau, si pâle habituellement, rosis sur ses joues en descendant jusque dans son cou. La curiosité me brûle de savoir jusqu’où sa peau rougit ? Dans ces moments-là, je me retiens de la plaquer contre le premier mur qui soit, lécher sa peau brûlante de rage et la prendre sur-le-champ. Elle me fait complètement vriller l’esprit. Autant j’aime cette emprise sur mon psychique qu’à l’inverse je la déteste. Je ne sais vraiment pas quoi faire de cette nana.

Je passe le plus clair de mon temps libre à mettre dans mon lit le maximum de filles pour oublier mon désir de baiser ma demi-sœur. Je fais bien exprès, les soirs où les parents sont absents, ou pas d’ailleurs, de ramener une nana et de la sauter sauvagement pour être entendu par Shaw. J’aime la provoquer, car elle ne dit jamais rien, ou une légère allusion tout au plus. Pourtant à sa façon de me regarder je sens la tempête que je sème dans son esprit d’adolescente. Je m’en délecte ! Nos chambres sont face à face, c’est un véritable jeu d’enfants de la faire enrager. Je suis obsédé par Shaw, une obsession vraiment malsaine, impossible à maîtriser. Je veux la faire réagir, je veux qu’elle ait autant envie de moi que j’ai envie d’elle. Il y a une puissante attraction entre nos deux corps attendant l’assouvissement mutuel. Nous le savons tous les deux. Mais aucun de nous ne veut s’y résoudre et faire le pas de trop qui changera irrémédiablement la donne.

Alors, je me suis dévoué... Chapitre 11

Jay

L’eau bouillante coule sur mon corps et qui l’accueille comme une pluie diluvienne. La morsure des jets anesthésie un tant soit peu mon esprit carburant à plein régime comme une berceuse au rythme de Lullaby de Franck Carter. Je dois partir ce soir pour le Nevada, avec mes frères, c’est la première fois que je commandite une mission pour le Club. Bien que j’ai l’aval de Terry, je suis seul maître à bord. En somme, rien de plus simple, Mal, Jer, Brady, Joey et moi allons effectuer une livraison en collaboration avec nos frères du Nevada. C’est un aller-retour aux alentours de Carson City. Une fois la marchandise livrée à Nash, chef de la tribu amérindienne descendant des Washoes, on se repose chez Hurl, le Prez du chapitre, avant de reprendre la route jusqu’ici. Rien de bien sorcier, cependant j’ai un putain de mauvais pressentiment inexplicable, je le sens dans mes tripes.

Je m’appuie contre la faïence de la douche, les deux bras tendus, laissant la pression de l’eau masser mes trapèzes douloureux. Cette parenthèse m’apaise un petit moment, mais les évènements de ces dernières semaines me ramènent à la réalité. Le cancer de Vicky, le business du Club et le retour de Shaw. J’inspire profondément afin de calmer mon sang bouillonnant de désir dans mes veines. Cette meuf me vrille la tête, s’invitant à tout moment dans mes pensées. Le pire a été durant le repas de famille chez mes vieux la semaine dernière. C’était plus fort que moi, je l’ai provoquée et comme à son habitude Shaw ne s’est pas laissée faire. Me tenir tête à moi, mais c’est impensable ! Je suis le VP des Death’s Falcons bordel ! Personne ne me dit quoi faire, hormis mon Prez, mais surtout pas une gonzesse ! Heureusement que je peux compter sur mon pote Brady, mon frère d’armes. Nous avons vécu tant de choses ensemble depuis notre entrée au Club. J’étais au courant de son béguin pour Shaw, sauf que ce soir-là il a clairement dépassé les bornes en la draguant ouvertement. Et cette conne le matait avec envie, franchement, s’en était trop pour moi ! J’aime mon pote, vraiment, je serais prêt à donner ma vie pour la sienne, telle est notre devise entre frères d’armes, mais Shaw est à moi, point barre. J’ai fait l’erreur une fois de la mettre dans les bras d’un de mes meilleurs amis, je ne le referai pas. Si je ne peux pas l’avoir, personne dans mon putain de Club ne l’aura non plus ! Le bruit de la porte de la salle de bain qui s’ouvre me sort de ma léthargie. Quelqu’un entre dans la cabine de douche et la fraîcheur s’y engouffre, me raidissant instantanément au contact d’un corps contre mon dos. Je serre les mâchoires, ferme les paupières en m’imaginant une magnifique rousse aux yeux émeraude contre moi. Mais au son de la voix de l’intruse, ma chimère s’évanouit dans la brume ambiante.

— Ça va bébé ? me demande-t-elle au creux de l’oreille.

— Ouep ! lâché-je, ne voulant pas développer.

— Vraiment ? Tu étais si doux, passionné, tu ne m’avais jamais fait l’amour de cette façon Jay… c’était tellement différent… renchérit-elle en promenant ses mains un peu partout sur mon corps.

Ces mots me font l’effet d’une claque. Merde ! Ashanty s’est rendu compte de mon trouble, je n’ai pas été assez vigilant ! Habituellement, j’ai tendance à lâcher la bête qui est en moi, à être sauvage et brutal au plumard. D’autant plus avec Ash, pour un dominant elle incarnerait la parfaite soumise, elle aime ce côté-là de ma personnalité. Mais ce soir ce n’est pas avec elle que je baisais, non, c’était avec ma rouquine, ma petite Rebelle. Je voulais la marquer, la posséder littéralement alors j’ai pris Ash au rythme de mes souvenirs de Shaw. Ouais, je le sais, je l’ai toujours su, mon corps et ma tête veulent cette meuf. Si j’étais doté d’un cœur, ce crevard la voudrait lui aussi assurément.

— Nan, tu te plantes poupée, je ne fais pas « l’amour », je te baise, rien d’autre… toi et moi c’est juste du cul, violent, brutal et déplacé en général. Ce soir j’avais envie d’autre chose, maintenant si tu es restée sur ta faim, je peux te déglinguer comme la petite salope que tu es ! lui dis-je sur un ton cinglant avant de me retourner face à elle.

Un sourire vorace et une étincelle de luxure dans son regard me confirment ce dont elle a envie. Pas question de passer pour un passionné ou un sentimental à la mords-moi-le-nœud. Niet ! Je compte bien la retourner dans tous les sens et la baiser par tous les orifices pour calmer ma soif de Shaw. Je n’aurai de cesse seulement quand elle sombrera d’épuisement après avoir hurlé à maintes reprises mon nom. Voilà comment je mène ma vie. Pas de place pour les états d’âme et les sentiments.

Aucune attache, jamais !

***

J’arrive au QG des Death’s à l’heure prévue, les couilles vidées et la tête un peu plus légère. Je distingue Jer, Joey et Mal déjà en train de charger le fourgon de barils d’huile de vidange, huit au total. Largement de quoi dissimuler une dizaine d’AK 47, des fusils à pompe ainsi qu’une cinquantaine de 9 mm et leurs munitions. Je gare ma Dyna à son emplacement habituel et rejoins mes gars en allumant une clope. Brady arrive à son tour pour nous confirmer que tout est OK et sous contrôle. Le départ est imminent. Quand nous entrons au club house pour prendre notre dose de caféine nécessaire afin d’engloutir des centaines de kilomètres de bitume, mon vieux se joint à nous. Notre Prez nous donne ses dernières instructions, avant de nous serrer, chacun, dans une accolade virile, davantage soutenue pour mon frangin et moi. Un dernier « fais gaffe au gamin » de sa part et nous voilà en selle sur nos bécanes. Je prends la tête du convoi, suivi de près par Jer et Brady sur leur Harley. Mal, lui, conduit le fourgon avec Al son meilleur pote et membre du Club, catapulté à la dernière minute par Terry.

Les kilomètres défilent et l’engourdissement de mes membres commence à bien se faire sentir. D’un geste du poing, j’avertis les gars qu’une pause aura lieu à la prochaine station-service ouverte, ce qui ne tarde pas. Nous restons plutôt silencieux, concentrés sur notre tâche, même Al ferme sa gueule pour une fois. Ce mec est excellent, mais seulement quand il s’abstient de sortir ses blagues toutes pourries. Mis à part ses goûts douteux en matière d’humour c’est une très bonne recrue. Lui et Mal sont quasi inséparables depuis leurs dix piges. Un peu comme Jer, Brady... Joey, lui est arrivé un peu plus tard, mais a très vite intégré notre trio gagnant.

— Putain faut que je pisse ! rugit Al derrière moi avant de nous dépasser au pas de course vers une haie de la station.

Je crois bien avoir parlé trop tôt, rien ne peut arrêter cet abruti d’Al !

— Café, frangin ? demandé-je à Mal, coincé derrière le volant du fourgon.

— C’est bon Al m’en ramènera un dès qu’il aura soulagé sa vessie de gonzesse. bâille-t-il.

Nous rions comme un seul homme à cette très bonne comparaison. Je tape du poing sur la portière en signe d’acceptation et me dirige à mon tour vers la supérette. Brady reste avec Mal, pendant que Jer et moi allons chercher un truc à becter. J’ai la dalle ! Je me balade dans les rayons à la recherche d’un paquet de cookies, quand mon regard est accroché par une revue people en évidence près de la caisse. Je me rapproche avant d’attraper le torchon à scandales. Je suis sur le cul, stupéfait par ce que je vois. Je tourne frénétiquement les pages du magazine et finis par tomber sur l’article de la première page. En lettres capitales « QUI EST L’INCONNUE AU BRAS DE… » mes couilles ? Je sens l’adrénaline chatouiller la plante de mes pieds pour parcourir à la vitesse de l’éclair ma colonne vertébrale, jusqu’à mon cerveau. Au même moment, Jer se pointe avec deux cafés noirs. Je m’empresse de refermer le journal, le roule et le glisse dans la poche arrière de mon futal. Je remercie ce dernier d’un signe du menton. Je passe à la caisse après avoir enfin trouvé mes gâteaux, paye le tout et regagne le reste du groupe. La fraîcheur de la nuit emplissant mes poumons m’aide à retrouver un peu mon calme. Avant d’aller m’asseoir sur ma bécane, je balance, par la fenêtre ouverte du fourgon, la raison de ma fureur. Mon regard croise celui de Mal. Avant même qu’Al l’ouvre, je lui intime de fermer sa grande gueule d’un regard noir. Je crache juste à l’intention de mon frangin, un « va falloir qu’on cause de ça » en désignant la couverture de papier glacé. Mal acquiesce.

Nous nous remettons en route, après les indications de Brady sur la route à suivre pour esquiver au mieux la circulation, afin de ne pas se retrouver dans les bouchons matinaux dus aux civils se rendant au taf. Nous prenons la route vers l’aube naissante. La sensation de liberté insufflée par ma bécane m’aide à respirer et à reprendre mes esprits. Au bout de deux bonnes heures nous voilà enfin arrivés à destination, au QG du chapitre du Nevada. Une fois débarrassés de nos Harley et de nos bagages, Hurl nous accueille à bras ouverts. Mal et Al ont garé le fourgon dans la grange que nos frères utilisent pour préparer les livraisons. À cette heure matinale, seuls quelques gars sont sur place. Les autres pioncent encore chez eux, avec leurs régulières ou autres. Néanmoins, Fabian et Dylan sont accoudés au bar du club house en attendant d’être servis par le prospect.

— Café Zubrowka [MD3]les gars ? nous interroge Hurl en se dirigeant vers l’église.

Nous acceptons à l’unanimité. Un bon remontant sera le bienvenu après nos dix longues heures de route. Hurl nous invite à entrer et à prendre place autour de la table. Le VP, Dylan, s’installe à la droite de son Prez et Fabian sergent d’armes, à sa gauche. Les papotages sont de mise en attendant l’éternel retardataire, Chris leur road captain. Autant dire que sans lui, nous nagerons en eaux troubles pour cette mission. Bien entendu, la conversation tourne vite autour de mon vieux et de sa régulière. Voyant le malaise s’emparer de mon frangin, je prends la parole et rencarde Hurl et les gars sur les dernières nouvelles la concernant. Chris fait son entrée, acclamé comme le messie par nous tous.

— C’est bon, bande de petites fiottes, me voilà ! nous sort ce con, avec un sourire triomphant sur les lèvres.

— Allé lopette, arrête de faire ta p’tite princesse et pose ton cul ! lui ordonne Hurl sur le ton de la plaisanterie, mais ferme.

La messe peut commencer au son du marteau heurtant le chêne de la table.

***

L’heure de notre rendez-vous avec Nash est dans un peu plus de deux heures. Ce qui me laisse donc largement le temps de mettre cette histoire au clair avec Malonne. Je veux savoir ce qu’il sait sur la vie de Shaw à L.A. et en détail. Ouais je sais, je risque de me faire démasquer par mon frangin, mais j’en ai rien à cirer. Je dois savoir et tout de suite ! Je lui fais signe avant de sortir dans la cour du QG, il comprend illico et me rejoint. Je pose mon cul sur un des bancs en allumant mon joint, imité par Mal. Ce dernier me sort le magazine et me le met sous le nez les clichés de Shaw, ma Shaw, au bras d’un pingouin.

— Vas-y déballes…

Mon frangin déglutit et se lance.

— Très sincèrement, j’en sais foutrement que dalle, bro…

Je me contente de grogner en le regardant droit dans les yeux, septique. Je prends une grosse latte et poursuis.

— Dis m’en plus, qu’est-ce qu’elle fout quand elle part pour Los Angeles ?

— A priori Shaw est une sorte d’hôtesse d’accueil dans une agence de mannequinat. Il lui arrive assez fréquemment de se rendre à des réceptions avec le gratin hollywoodien… m’avoue-t-il en haussant des épaules. Sérieux j’en sais pas plus, elle reste toujours évasive sur son job, tu sais.

Ouais je le crois bien là-dessus. Il semblerait que la petite rouquine et moi ayons ce point-là en commun.

— OK et ce connard c’est qui ? Elle a un gars-là bas ? insisté-je.

— Tu me fais marcher là Jay ?!

Je fronce mes sourcils et lui crache ma fumée au visage. Puis il continue, étonné, en voyant ma tête.

— Sérieux bro, arrête de baiser le petit cul de friandise d’Ash ou des autres et sort de chez toi putain ! Ce mec c’est Taylor Keers… me lance-t- il comme si le nom de ce con devait me parler.

Ses manières commencent à me taper sur le système. Il a de la chance d’être mon petit frère, dans le cas contraire je lui aurais déjà fait bouffer son sourire d’attardé !

— C’est quoi ? Une putain de starlette à deux balles ? demandé-je légèrement agacé.

— Yep !

— C’est son mec ?! dis-je en m’étranglant presque avec la fumée de mon bédo.

— Aucune idée… t’as cas lui demander, mec ! Elle va pas te bouffer. Bon, on parle de Shaw donc rien n’est certain avec elle. dit-il dans un rire sarcastique.

Je sens que la conversation commence à dériver, je dois y mettre un terme avant que Mal flaire le coup fourré. Mais ce petit con ne m’en laissera pas le temps en voyant l’étincelle dans son regard semblable au mien.

— Putain j’y crois pas, Shaw te fous les jetons ! hoquette-t-il.

— Quoi ? T’es cintré ou quoi !

— Nan… t’as répondu trop vite vieux… dit-il le visage victorieux d’avoir mis le doigt sur quelque chose.

— Crois ce que tu veux, je m’en branle gamin ! Je vais me poser cinq minutes avant la livraison. Que personne ne vienne me péter les couilles, j’suis pas d’humeur ! Je mets fin à la discussion en jetant le carton de mon joint par terre. Je me lève, l’écrase avec ma Nike blanche et, sans un regard pour mon frangin, je rentre. Dix ans auparavant…

Shaw

Cher Journal. Par moment j’ai l’impression que mon esprit a inventé toute la scène de la salle de bain. Ça fait précisément neuf jours et depuis Jay ne m’a pas adressé la parole. Oh si bien sûr, un « passe-moi le sel, j’irais à la douche après toi et un pourquoi tu me mates comme ça ? » Mis à part ces trois phrases conditionnées, je n’ai rien eu d’autre. Il est vrai que nous ne nous lançons jamais dans de longs dialogues habituellement, mais quand même sa façon d’être avec moi est en dessous des moins cinquante degrés ! Il passe le plus clair de son temps au garage où au Club et rentre tard dans la nuit. Comment je le sais ? C’est simple, je l’attends toutes les nuits dans l’obscurité de ma chambre à l’affût du son de sa Harley. Je reconnais à coup sûr le bruit de son moteur, différent de celle de Terry.

Les journées où je suis privée de sa vue, je me délecte du spectacle qu’il me donne sans même le savoir, quand il rentre enfin à la maison. J’espionne ensuite le bruit de ses pas alourdis par ses chaussures. Je sors discrètement de ma chambre me pose en haut de l’escalier à pas de velours et le regarde déambuler. Son rituel est le même chaque soir. Il se déchausse tout en marchant vers la cuisine, ouvre le frigo en quête de grignotage et d’une bière. Sort par la porte de la cuisine et se pose sur la terrasse lourdement, le regard perdu dans le vague. Il tire plusieurs taffes sur son joint alternant entre gorgée de bière et nourriture. Se passant par nervosité ou lassitude, la main sur le visage et dans ses longs cheveux blonds. Il reste comme ça en tout et pour tout une quinzaine de minutes. Et c’est au bout de ce laps de temps que je dois la jouer fine, sans me faire prendre en flagrant délit d’espionnage. Redoublant de maîtrise, je rebrousse chemin jusqu’à ma chambre, me jette sur mon lit et réfrène ma respiration pour retrouver mon calme. À peine quelques minutes plus tard, son pas dans l’escalier se fait entendre, puis sur le sol du couloir. Et comme à son habitude, depuis neuf jours, il s’arrête devant ma porte, pose sa main sur la poignée que j’imagine au bruit presque inaudible de cette dernière et pousse un soupir assez fort pour l’entendre de mon lit. Cet instant ne dure jamais plus de quelques secondes. Je ressens ça comme une éternité tant l’espoir qu’il ouvre enfin cette fichue porte me consume un peu plus chaque nuit. Mais il n’en fait jamais rien. Il finit par reprendre ses esprits, je pense, et part se réfugier dans sa chambre. Chapitre 12

Jay

Quelque chose cloche et ça me gave de ne pas mettre le doigt dessus. Pourtant tout le monde semble détendu et prêt à effectuer une manœuvre de routine. Peut-être est-ce mes méninges qui me jouent des tours ? Arff, je n’en sais rien, certainement.

Le point de rendez-vous établi par Hurl et Nash ne devrait plus être très loin à présent. Mes frères et moi nous enfonçons peu à peu sur des chemins de terre dépourvus de bitume. Signe que les réserves sont toutes proches. Par sécurité, nous n’effectuons jamais l’échange dans ces dernières au cas où les choses tourneraient mal et pour que les femmes et les enfants amérindiens restent en sécurité. Ce peuple a déjà assez ramassé comme ça, inutile d’en rajouter. Nous leur vendons des armes, certes, mais c’est pour assurer leur défense. Les clans nazis sont tout proches des réserves et ces bâtards d’ariens rêvent d’une seule chose : purifier le Nevada de toutes races autres que la blanche dite « pure ». Ces bouffons oublis que les Amérindiens étaient sur place bien avant nous tous, alors ils s’en donnent à cœur joie pour foutre le bordel à coup de pression sur le peuple de Nash. Les Death’s faisaient déjà affaire avec son père, Chayton et ce sont des personnes de confiance et de parole.

Notre chemin s’arrête devant une vieille grange à bétails. À notre approche, les portes battantes s’ouvrent, laissant y pénétrer notre fourgon. Hurl salue Nash, puis vient notre tour. Je n’avais pas revu le chef depuis plusieurs mois, mais je ne manque pas son apparence soucieuse.

— Comment vas-tu mon ami ? lui demandé-je.

Comme pour confirmer mes doutes, il passe une main sur son visage las suivi d’un soupir équivoque.

— Je suis inquiet Jason, dit-il en tapant sur mon épaule respectueusement. Les ariens sont de plus en plus oppressants. Pas plus tard qu’hier matin, une de nos jeunes adolescentes s’est fait bousculer par un des leurs en allant au lycée. Il l’a menacée de la frapper si elle ne se laissait pas faire ou si elle ne restait pas silencieuse. Tu imagines ce qui aurait pu se passer si personne ne s’était arrêté pour intervenir ?

Je fronce les sourcils et inspire bruyamment. Mon manque de réponse suffit à Nash comme conclusion.

— Je pense comme toi, jeune Death’s. dit-il sagement.

C’est à mon tour de lui asséner une tape dans le dos en signe d’encouragement, avant de commencer notre deal. Je lui désigne les huit barils d’huile, où sont dissimulées les armes et je demande à Brady de les extraire. Nash, d’un signe de main, m’indique que j’ai toute sa confiance, mais j’insiste pour qu’aucun malentendu ne subsiste. Une fois l’échange effectué et les choses en l’ordre, l’atmosphère s’allège rapidement. Nous prenons quelques instants pour bavarder de tout et de rien et nous faisons le point sur nos deals en cours quand des détonations de fusils nous font tous sursauter. Putain, je le savais, bordel de merde !

— Tous à couvert !

Je jette ma clope, sors mon Glock et fais feu sur nos assaillants, suivi par mes frères.

— Mal, Al sécurisez la came !! Jer, Joey avec Nash et ses gars ! Brady comme dab !! aboyé-je.

— Yep, je suis là VP ! balance Brady.

À nous deux, épaulé de Hurl et ses gars, nous ripostons à chaque rafale de balles. J’ai à peine le temps de viser la tête d’un de ces fils de putes, qu’un drapeau SS attire mon regard. Ce sont ces enfoirés de nazis ! En plein dans le mille, un enculé de moins sur cette terre ! Les skins sont en sous-effectif par rapport à nous, c’est la raison pour laquelle, ces petites fiottes restent planquées dans leur pick-up. Néanmoins, leurs semi- mitrailleurs ne rigolent pas et nous arrosent abondamment. Nous arrivons tout de même à en toucher certains. Trois d’entre eux tombent de la benne avant que le pick-up allégé parte sur les chapeaux de roues.

— Putain de bâtard de Skin !!! rugit Chris.

Emporté par l’adrénaline de la confrontation, je verrouille mon regard sur les trois connards tombés du pick-up. Deux sont raides et par bonheur, il m’en reste un ! Je sens que je vais prendre un putain de pied à le torturer cet empaffé !

Pourtant ma joie est de courte durée quand j’entends Al et Jer beugler mon nom. Je me retourne avec la désagréable sensation de déchanter dans la seconde. Mon sang se glace quand mon cerveau m’envoie l’info. Mal est blessé, il a pris une balle ! De rage, je balance un coup de pompe dans la tronche d’un des skins morts et cours rejoindre mon frangin. À quelques mètres de lui, Dylan est au sol et Hurl lui comprime, avec ses mains, la plaie sur sa poitrine. Je me jette sur Mal qui est soutenu par Al.

— Putain gamin, ça va ?

— Ouais, ça va… siffle-t-il.

— La balle est ressortie Jay, mais n’empêche ça lui fait un sacré trou ! Dix centimètres plus haut et c’était tes couilles mon pote qui dégageaient ! déclare Al.

Sérieux, ce mec n’a vraiment pas de cesse ! Je jette un œil à la cuisse de mon frangin en me rendant compte qu’Al n’a pas tort. Mal a eu de la chance. Malheureusement ça n’a pas été le cas du jeune prospect d’Hurl. Le gosse a le corps criblé de balles et patauge dans un tapis ensanglanté. C’est triste, mais c’est le risque que nous encourons tous quand nous enfourchons notre bécane sous les couleurs de notre MC. La colère me gagne instantanément, sentant les picotements charismatiques d’un vrillage de neurones. Mes pas sont guidés par la fureur et le besoin viscéral de massacrer quelqu’un. Je me jette sur le trou du cul de nazi roulé en boule et frissonnant de peur. Je l’attrape par le col à bout de bras en pointant le canon de mon gun sur sa tempe.

— C’est le moment de balancer, sac à merde !

Ma menace ne semble pas l’atteindre. Ce connard me regarde droit dans les yeux en me rigolant au nez.

— Je te dirais que dalle… VP ! me crache-t-il au visage.

Dans sa bouche mon titre sonne comme insulte. Je suis à deux doigts de lui faire péter le caisson, mais me ravise. C’est à mon tour de me fendre la poire, en pensant à la façon dont je vais m’occuper de son cas. Cet abruti, déjà pâle, devient sur-le-champ diaphane. Voilà, je préfère cette attitude !

— Hé ouais connard, t’as déjà les deux pieds dans la tombe… maintenant à toi de voir de quelle façon tu veux crever ? Rapidement ou lentement ? le questionné-je.

Hurl me rejoint promptement et balance un uppercut dans la gueule du mec. Une fois que le Prez s’est défoulé, Chris, Jer et Brady le balancent dans le fourgon, pour le ramener au QG du chapitre du Nevada. Je suis comme envahi d’une douce frénésie. La peur du skinhead émoustille mes sens et l’idée de passer les prochaines heures à me défouler sur lui me galvanise.

Comme un boxeur, je m’apprête à monter sur le ring, pourtant ce n’est pas l’adrénaline du combat qui guide mes pas, mais bien l’appel du sang prêt à couler sous mes coups. Best Friends de Grandson, bat la mesure dans mes tympans tout le long du chemin pour arriver chez les gars. Contrairement à toute à l’heure, tous nos frères de ce comté sont présents. Hurl ordonne à quatre de ses hommes de se charger du corps du prospect, pendant que Jer et Al s’occupent du condamné à mort. Je m’assure que Mal est entre de bonnes mains. Un pote infirmier urgentiste est venu s’occuper de Mal qui se trouve dans une des chambres de l’étage, au calme. Tout est sous contrôle et après lui avoir fait un signe de tête, je descends m’occuper du facho. Malonne n’a rien dit, mais il sait ce que je vais lui faire. Je me dirige vers le bar pour prendre un remontant. Chris me sert puis me confie la bouteille de single malt, comprenant combien je vais en avoir besoin. La morsure de l’alcool m’insuffle le top départ pour laisser place à un tout autre Jay. Le boucher des Death’s Falcons.

Quand je pénètre dans le sous-sol du Club, le bâtard de nazi est déjà en place et m’attend. Tous les frères forment un cercle autour du futur cadavre. De par son rang de président, je laisse Hurl ouvrir les hostilités. Mais, très vite, ce dernier me cède la place, un sourire démoniaque aux lèvres. Ici, comme chez moi, ma réputation n’est plus à faire. Ce n’est un mystère pour personne, je suis un putain de sadique avec mes victimes ! Je prends un pied d’enfer à torturer nos captifs. Je bois une gorgée de whisky au goulot avant de confier la bouteille à Jer. Une tape sur l’épaule et je m’approche du prisonnier.

— À nous deux, jeune nazi ! On va bien voir si tes aînés t’ont aussi bien conditionné que tu le penses ! sifflé-je en me positionnant en face de lui.

Mon sang bouillonne dans mes veines et cogne brutalement contre mes tempes. Pas trop vite, pas trop fort, il doit pouvoir parler ! Je sors mon couteau Bowie de mon ceinturon, le fais virevolter entre mes doigts et le prends à pleines mains sans jamais quitter le gamin des yeux. Maintenant que j’ai l’esprit clair, je constate son jeune âge tout comme Malonne ou encore le prospect refroidi.

— Qu’êtes-vous venus faire toi et ta bande tout à l’heure ? demandé-je d’un ton rude.

— Faire une promenade Ducon ! crache-t-il.

Je lâche un rire sans joie. Ce branleur a vraiment cru qu’il était ligoté à une chaise en métal pour déconner ? D’un geste rapide, je plante mon couteau de chasse sur le côté de son genou. Les hurlements de cet enculé retentissent entre les murs quand ma lame de vingt s’enfonce comme dans du beurre sous sa rotule.

— Mauvaise réponse connard ! l’informé-je directement à l’oreille.

Pas bien sûr qu’il entend quoi que ce soit, car ses pleurs et ses cris couvrent même le bruit de mon souffle bruyant. Je viens de lui bousiller la poche synoviale et les ligaments en un coup de schlass et s’il advenait que ce connard sorte vivant de ce sous-sol, il ne remarcherait plus jamais !

— J’vais te dire deux choses. Je joins le geste à la parole en lui montrant mes deux doigts, au cas où il serait trop débile pour comprendre. Premièrement, mes frères et moi avons tout notre temps. Et deuxièmement, d’une façon ou d’une autre quand tu as mis ton cul dans ce pick-up tu as signé ton arrêt de mort… Maintenant à toi de voir comment tu veux que je t’achève parce que j’ai tout mon temps…

Je souhaite qu’il se mette à table, mais pas trop vite, j’ai besoin de me défouler et je me sens d’humeur taquine. Ce gros facho commence à retrouver son calme et tente une approche.

— Je ne sais rien, absolument rien ! Vous pouvez me tuer, j’en ai rien à foutre…

Je hoche la tête en signe de négation, ce n’est toujours pas la bonne réponse… Oh quel dommage ! Ce coup-ci j’envoie ma lame de toutes mes forces se planter dans son pied. Je suis récompensé par ses rugissements.

— T’as toujours Alzheimer précoce ou on continue ? L’un comme l’autre, moi ça me va !

J’en profite pour attraper la bouteille que Jer me tend et prends une bonne rasade de whisky.

— Je… je ne connais pas les détails du plan… seulement les grandes lignes ! me lâche-t-il entre deux couinements.

— C’est à dire ? questionne le Prez.

— On nous a demandé de nous rendre à cet endroit et… et de dézinguer tout le monde… pleurniche cette merde.

— Qui ça on ?! insiste Hurl.

— Je n’en sais rien, je vous le jure… on nous dit rien bordel !

Je repose la bouteille à même le sol et me jette sur le skin pour lui balancer mon poing dans sa sale gueule. Un énorme mollard de sang coule de sa bouche.

— On manque pas de respect au Prez chez nous, bâtard ! l’informé-je soutenu par les rugissements de voix de mes frères d’armes.

— Dernière chance mec, magne-toi de balancer quelque chose de concret, tu commences sérieusement à me faire chier… menace Hurl.

— Si je peux te donner un conseil, petit trou du cul, c’est de pas faire chier le VP ! précise Brady en tirant sur sa clope.

Je m’approche d’un pas menaçant vers ma victime, puis fais vagabonder ma lame sur son corps en cherchant quelle partie lui ferait le plus de dommage. Je découpe avec hargne le tissu de son t-shirt pour avoir un accès direct sur sa peau. Quand je découvre avec dégoût une énorme croix gammée tatouée sur son torse. Je commence à le taillader doucement, mais cette fiotte pleurniche sous la pression de ma lame.

— OK… OK ! J’ai peut… peut-être un truc pour vous… nos ordres étaient de tous vous buter et de prendre la marchandise pour un certain Zimmer… finit-il par dire.

— Zimmer tu dis ? Comme Edward Zimmer ? l’interroge Hurl.

— Ouais, c’est bien ce nom qu’on nous a donné. Mais je ne l’ai jamais rencontré, je ne le connais pas ! s’empresse-t-il de rajouter dans un croassement de détresse.

Je reporte mon attention sur le Prez qui me donne l’autorisation de le refroidir. Il a eu ce qu’il voulait : un nom. Zimmer, ça ne me dit rien à première vue, mais ne cherche pas plus d’explications pour le moment. Je finis de lui taillader la peau en le faisant geindre de plus belle. Son sang coule sur sa peau comme un ruisseau écarlate. Je m’en délecte. Une fois terminé et satisfait de mon œuvre, le cœur n’y étant plus, je décide de finir cette grosse merde, pressé de voir l’étincelle de vie quitter son regard. Pour Johnny, pour Malonne et surtout pour le Club !

Je récupère mon single malt et quitte le sous-sol, Brady et Hurl sur les talons. Une fois arrivé au bar, je suis agréablement surpris d’y voir Malonne installé dans un vieux canapé et entouré de charmantes friandises. Ce petit con a le sourire collé aux lèvres pendant que les nanas jouent les infirmières en le couvrant de caresses. Quand il m’aperçoit, il tend sa bouteille de bière dans ma direction pour trinquer.

— Ça va frangin, pas trop pénible la convalescence ? le taquiné-je.

— Au poil mon frère !

— Profite petit con, profite ! raillé-je satisfait de le voir comme ça.

Je passe par la salle de bains afin de me débarrasser du sang sur mes mains puis je m’installe confortablement à une des tables dans la cour extérieure. Je me roule un joint et l’allume. Les effluves de marijuana accompagnés d’une bonne gorgée de whisky me détendent instantanément. Ces derniers temps l’alcool et la drogue coulent à flots dans mon organisme comme seul anesthésiant à la fureur de mes pensées. La journée a été longue et peu reposante et cette petite parenthèse après avoir extériorisé ma bestialité face aux skinheads, me procure une paix inestimable. Mais de très courte durée, car, rapidement, Al et Brady se joignent à moi. Nous commençons à discuter de tout et de rien, mes frères ont, eux aussi, besoin de décompresser. Au loin, une équipe est chargée de transporter le corps du nazi qu’ils ont enrubanné et de s’en débarrasser sans laisser de trace.

Quelques minutes plus tard, des jolis petits culs sortent accompagnés d’autres gars et prennent place dehors avec alcool et musique. Les esprits s’échauffent et les friandises se trémoussent lascivement au rythme des notes de Carmen de Lana Del Rey. Je peine à rester lucide et je réagis à peine quand une petite brune s’assoit sur mes genoux. La petite coquine ne perd pas de temps et me bouffe la bouche comme une affamée. Elle me tripote, je suis au garde-à-vous et je réunis les quelques neurones qui fonctionnent encore pour la suivre quand elle me prend la main. Je me laisse faire, à demi conscient, et nous échouons derrière un hangar. En cinq minutes, je me retrouve la queue à l’air, je la soulève et l’empale sur mon érection. Je ferme alors les yeux pour imaginer une autre femme à sa place et lui fais l’amour sauvagement. Elle en redemande, mais je n’arrive pas à suivre tellement je suis déchiré. Quand je la regarde à nouveau, je suis déçu de me retrouver face à cette inconnue et je débande direct.

Je remballe mon service trois-pièces et la laisse en plan. J’ai pas fait trois pas que mon téléphone émet une sonnerie que je reconnais. Je décroche rapidement.

— Yep !

— Jay, vous devez rentrer au plus vite ! Y’a une friandise dans le frigo… sort-il d’une voix lasse.

En langage codé, une de nos friandises a été retrouvée morte.

— OK ! On reprend la route dès demain matin.

— Ça ne va pas refroidir, faites gaffe ! Le gamin comment il va ?

— C’est déjà oublié, quand je l’ai laissé il était en charmante compagnie !

Le rire de mon père allège quelque peu mon inquiétude, puis il met fin à l’appel. Chapitre 13

Shaw

Je ne pensais pas que la tâche serait si ardue quand j’ai décidé, sur un coup de tête, de repeindre la quasi-totalité de ma maison. Je n’arrive pas à rester sans rien faire, Vicky est dans chacune de mes pensées. Alors, cette nuit, n’arrivant pas à trouver le sommeil entre les quatre murs de ma chambre à coucher, je me suis dit que l’heure était aux changements. Je me suis sentie investie d’une mission, changer ce musée en demeure accueillante où il fait bon vivre et grandir pour ma petite puce. J’ai pris la décision de laisser le passé derrière moi et d’avancer vers un avenir auprès de ma fille et des miens.

Sur les réseaux sociaux, les travaux de rafraîchissement paraissent d’une facilité enfantine. C’est une sacrée belle intox ou bien je ne suis pas manuelle pour un sou. Du coup, lorsque j’ai levé les yeux et fait le tour de la chambre, le tsunami avait déjà tout dévasté sur son passage. J’ai un besoin urgent de renfort et j’appelle ma sœur et ma meilleure amie qui rappliquent illico. Je n’étais pas certaine qu’avec nos six bras nous y parviendrons, mais, au bout de quelques heures de travail acharné, les murs portent fièrement leurs nouvelles teintes. Rideaux, parures de lit, tapis et mobiliers donnent un style baroque chic à cette pièce. Pas peu fières du résultat, nous célébrons notre victoire avec un apéritif improvisé.

Confortablement installées sur la terrasse pour déguster nos verres de vin, Eva me questionne sur mon contrat à L.A. et surtout sur Taylor

— Vas-y balance tout sur ta star hollywoodienne ! m’ordonne-t-elle euphorique.

— Taylor !

— Ah ouais c’est ça TAYLOR ! Allé, allé, j’attends des infos croustillantes parce que c’est pas l’extase chez moi de ce côté-là…

Je prends une bonne rasade de vin et débute mon récit.

— Taylor est un homme extra. Il est doux, gentil, attentionné, de très bonne composition et surtout très doué au lit !

Je fais exprès de garder le meilleur pour la fin, pour mettre au supplice Eva qui me regarde avec de grands yeux et la bouche ouverte. Puis, je continue en triturant mes doigts.

— Il est très différent des hommes qui nous entourent. C’est peut-être la raison pour laquelle j’ai été attiré par lui.

— Ouais bah, pas étonnant on parle de Taylor Keers ! s’extasie Eva.

— Oh par pitié les filles, c’est seulement un mec ! Sérieux, rien d’exceptionnel !! Râle Marley.

— C’est qu’un mec… blablabla… c’est pas de notre faute si tu ne sais pas reconnaître une putain de bombe quand t’en vois une May ! se renfrogne mon amie.

— Arrête ton char ! Je sais reconnaître quand un mec vaut le coup d’œil. C’est pas parce que j’ai une grosse préférence pour les nanas que je suis aveugle… ça m’est déjà arrivé d’avoir le béguin pour un beau mec ! se justifie ma petite sœur.

Marley a fait son coming out lorsqu’elle avait quatorze ans. Si dans un premier temps Terry a eu du mal avec l’orientation sexuelle de sa fille, il a fini par plutôt bien le vivre et se console de savoir ses deux fils dans les bras de jolies gonzesses.

— Wow c’est un scoop ça ! Ma petite Marley a un faible pour un joli petit cul viril et service trois-pièces !!! dit-elle en riant. Genre qui ?!

— Désolée ma puce, mais tu en as trop dit ou pas assez ! Eva n’est pas prête de te lâcher avec ça. annoncé-je impuissante.

— Personne en particulier, j’ai juste dit qu’il y en avait. commence ma frangine. Je vois défiler beaucoup de personnes au salon de tattoo et j’ai déjà tatoué quelques hommes qui ne m’ont pas laissée indifférente. Et que s’ils m’avaient proposé un petit quelque chose, j’aurais pas dit non… voilà, fin de l’histoire mademoiselle investigation !

La curiosité me ronge, mais je vois au visage fermé de ma sœur que l’histoire est close. C’est pas très important après tout, mais je me mets cette info derrière l’oreille pour y revenir ultérieurement. Je propose aux filles de commander des pizzas, mais Marley a d’autres projets pour la soirée. Elle nous quitte en laissant le doute planer sur ses occupations nocturnes. Une fois nous être délectées des succulentes pizzas de Gino, je mets ma petite princesse au lit et retrouve Eva dans le salon.

— Ça va ma belle ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette aujourd’hui. demandé-je à mon amie en lui remplissant son verre de vin rouge.

— Bof… si ça va, ne t’inquiète pas… j’ai un tantinet le vague à l’âme ces derniers temps.

Il y a un mec là dessous, j’y mets ma main à couper. Mon amie est une femme tout simplement géniale, un véritable boute-en-train, dotée d’une joie de vivre que la plupart des humains ne possèdent pas. Alors, à voir sa mine déconfite, la conclusion est vite trouvée.

— À toi de te mettre à table à présent… comment s’appelle-t-il ? déclaré- je en l’invitant à m’en dévoiler un peu plus. — Tu me connais tellement bien, ça fait presque flipper…

— Presque… lâché-je en lui faisant un clin d’œil.

Elle boit une longue gorgée de son côtes-du-rhône, un petit régal français que j’affectionne tout particulièrement.

— Il s’appelle Conrad, je l’ai rencontré à l’hôpital, mais ça, tu t’en doutes. Sur le papier tous les ingrédients sont réunis pour que ça colle entre nous deux. Mais il me manque toujours un petit quelque chose… je crois bien être une cause désespérée. Ma destinée est peut-être de rester seule, vieille fille avec mes vingt-cinq chats… dramatise Eva.

Je suis à deux doigts de partir dans un fou rire, mais je me retiens pour ne pas la vexer.

— Qu’est-ce qui ne marche pas avec lui ? Il est pas sympa avec toi ? Il t’a laissé payer l’addition ? Ah non, je sais, il est nul au lit. plaisanté-je pour détendre l’atmosphère.

— Fous-toi de moi saleté ! Conrad est adorable, mais peut-être un chouïa trop ? Nan, il est très galant, il est chirurgien et a une bonne situation financière… et au lit ma foi, c’était pas le pied intégral, mais c’était sympa.

— Très sympa, généreux, mignon au lit ! Tu es habituée à vivre dans un univers qui rend plus triste le monde qui nous entoure.

La mine déconfite de mon amie me force à poursuivre…

— Eva, je m’explique. Toi comme moi avons passées plus de la moitié de notre vie entourée de bikers virils, dangereux et puissants. Ne penses-tu pas que les « moldus » sont, de ce fait, devenus fades à nos yeux ?

— Je vois où tu veux en venir meuf. En clair, tu nous penses condamnées à trouver notre moitié au sein d’un MC ?

— J’en ai bien peur, oui. avoué-je à elle comme à moi-même.

— Non, il en est hors de question Shaw ! Je ne veux pas continuer à vivre comme ça. J’aime le Club, bien plus que tu ne le penses. Mais c’est tout cet aspect de hors-la-loi, la violence, les magouilles, ce trop-plein de testostérone… très franchement j’en ai ma claque. Je ne veux pas d’un mec qui me fera passer après le Club, ses frères et tout le reste ! Je veux être totalement exclusive et sur tous les points. Si j’avais dû succomber à un biker, ça se serait déjà produit. Or, ce n’est pas le cas. Malgré l’indiscutable attraction qu’exercent certains de ces hommes sur moi.

— Comme je te comprends ma Best ! soupiré-je en trempant mes lèvres dans mon verre de vin. — Finis de parler de moi… Je n’ai pas voulu aborder le sujet fâcheux, car May était présente, mais maintenant nous sommes seules…

— Ah oui… et de quel sujet souhaites-tu parler ?

— Fous-toi de moi ! Jay, bien sûr ! Qui d’autre que Jay, Shawna Ford ?! T’en es où avec ce rustre ?

Je souris au mot rustre qui, très honnêtement, lui va à la perfection.

— Nulle part. Vendredi soir nous avons tous dîné chez les Lang… Jay s’est pointé avec une bonne demi-heure de retard, comme une fleur. C’est fou ! Plus il est exécrable, plus les gens l’adulent. Il est parti avec les gars, dont Mal, pour les affaires du Club cette nuit. Bizarrement je respire un peu mieux quand il n’est pas dans mon collimateur. Et ne me regarde pas comme ça !

— Rien de nouveau sous le ciel de Californie ! s’esclaffe-t-elle. Jay est singulier, il ne laisse jamais indifférent, que ce soit en bien ou en mal.

— Tu ne m’apprends rien, c’est vraiment compliqué, soupiré-je. J’aurais juste pensé qu’avec le temps je le supporterais davantage. C’est peine perdue, ce mec me sort par les yeux, et ce depuis longtemps. Je le tolère simplement pour le bien de ma famille.

— Et ça fait de toi une bonne personne ma belle. Surtout en ce moment, il est primordial de se serrer les coudes.

— J’y veille, mais cet homme des cavernes me donne du fil à retordre !

— Au risque de passer pour une conne, est-ce que vous avez essayé de parler ? Histoire d’enterrer le passé. ricane-t-elle.

— T’oublies direct, on va s’entretuer ! Jay réveille de vieux démons en moi et pas les meilleurs. Par contre, si tu souhaites venir à nos funérailles, c’est une excellente idée ! Je veux des roses noires sur mon cercueil. précisé-je fière de moi.

Eva glousse à deux doigts de recracher sa gorgée d’alcool sur moi.

— OK ! J’aurais essayé, vous êtes deux causes perdues. conclut-elle une fois plus calme. Chapitre 14

Shaw

Mes journées sont rythmées entre mes visites à Vicky à l’hôpital et les travaux de rafraîchissements de la maison. Tara a mis, elle aussi, du haut de ses presque six ans, la main à la pâte en choisissant les nouvelles couleurs de sa chambre. Comme le coloris licorne n’existe pas, nous nous sommes rabattues sur du beige et du lilas. Mercredi matin, j’ai la très désagréable surprise d’apprendre que Malonne s’est fait tirer dessus lors de leur « voyage d’affaires ». Par chance, sa blessure est superficielle, il doit rester immobile pendant une quinzaine de jours, le temps de la cicatrisation. Maman va de mieux en mieux. Elle se remet tout doucement de son opération. Le chirurgien a fait du très bon travail et un point important : il a réussi à conserver son sein. Si tout suit son cours, Vicky devrait sortir de l’hôpital dans moins d’une semaine et, en attendant, nous pouvons venir lui rendre visite quand elle n’est pas trop fatiguée.

Afin de prendre soin de ma famille et de ne plus laisser ma fille seule pendant mes missions d’escorte, j’ai décidé de démissionner. J’ai appelé l’agence et même si jusqu’ici mon job ne m’avait posé aucun problème, aujourd’hui j’aspire à autre chose. Je ne regrette rien de ces années, j’y ai beaucoup appris sur moi-même, sans oublier les sommes colossales amassées qui vont me permettre d’être à l’abri avec ma puce.

Mon contrat avec l’agence prendra fin après mon dernier engagement qui aura lieu ce week-end. Je profiterai de l’occasion pour déménager, ce qui ne sera pas bien compliqué, car le logement meublé appartient à l’agence. Seules mes affaires personnelles me suivront, mais pas avant d’avoir fait un gros tri. Je souhaite juste ramener le strict nécessaire. Je laisserai le soin à Barbara de prendre les vêtements et accessoires qui lui feront envie. Pour le reste, ils feront office de dons aux œuvres caritatives.

Après avoir rendu visite à Vicky et lui avoir annoncé mon déménagement pour lui remonter le moral, je récupère Tara à l’école. À peine remontée dans la voiture, mon téléphone vibre dans ma main.

— Allô Terry…

— Salut ma puce, t’es où là ? me demande-t-il brutalement.

— Je suis à l’école avec Tara qui vient de terminer sa journée. Pourquoi ? Quelque chose ne va pas avec maman ? m’inquiété-je.

— RAS de ce côté-là. Tu prends la gosse et tu rappliques dans l’instant au club house.

— OK, j’arrive ! Je suis là dans quinze minutes.

— Bien. me répond-il avant de mettre fin à notre conversation.

Il se passe quelque chose que Terry n’a pas souhaité me dire au téléphone, sa voix ne trompe pas. J’ai eu à faire au Prez des Death’s Falcons et non à mon beau père. Quinze minutes plus tard, je gare mon Range sur le parking du Club. Quand j’arrive, mes doutes sont confirmés et vu le nombre de voiture et motos sur le parking, si c’est une quarantaine, ça sera compromis pour moi. Tara se précipite en direction de l’espace de jeux en plein air, l’ambiance est pesante malgré les sourires et les mines gaies que me servent quelques régulières. Je garde un œil sur ma fille et inspire profondément, m’apprêtant à une confrontation avec Jay. Mais c’est le sourire de Brady qui m’accueille.

— Salut Brady ! lui dis-je en le serrant dans mes bras. Tu vas bien toi, tu n’es pas blessé ? Terry m’a appelée, dis-moi ce qu’il se passe ?

— Chut… ma belle. me dit-il doucement en caressant ma tête contre sa poitrine. Comme tu le vois, je vais bien et non je ne suis pas blessé. Pour le reste le Prez ne va pas tarder à rencarder tout le monde. Mais je peux te dire une chose, interdiction de sortir du Club pour l’instant.

Je ferme fortement les paupières et tente de respirer normalement. Je suis anxieuse, je n’ai jamais aimé les ultimatums imposés par la vie au Club. Mais aujourd’hui, elle n’existe plus la gentille petite Shaw qui obéit au doigt et à l’œil de son mari. Je n’appartiens à personne, seul mon statut de « fille de » entre en ligne de compte et ça, ça ne m’empêchera pas d’être libre de faire comme bon me semble. J’emmerde leurs ordres !

— OK… Comment va mon frère ?

— Lequel ? me demande mon ami dans une vaine provocation.

— Arrête de jouer au con s’il te plaît ! Tu sais très bien de qui je veux parler. Aux dernières nouvelles j’ai un seul frère ! lâché-je en me dégageant de lui.

Brady tente de me ramener à lui, mais je m’écarte de plus belle. Si à l’époque ses accès de jalousie ne me faisaient ni chaud ni froid, aujourd’hui ça me tape sur le système.

— Il va bien. Un pote infirmier s’est chargé de sa blessure. Tout roule ! m’informe-t-il froidement.

— Bien.

Je m’apprête à poursuivre mon chemin jusqu’au bar, quand Brady m’attrape la main en nouant ses doigts aux miens. Mon rythme cardiaque s’emballe. Je frissonne. Non, l’histoire ne peut pas se répéter. Ni une ni deux, avant de laisser mon esprit divaguer à des sentiments ou des désirs, je lui balance ce que j’ai sur le cœur en en rajoutant une couche pour tout arrêter avant que quoi que ce soit ne commence.

— Je t’aime Brady, bien plus que tu le penses ! Mais pas de la façon que tu aimerais. Je t’ai toujours estimé comme un très bon ami, mon meilleur d’ailleurs. Je m’excuse si d’une quelconque façon je t’ai induit en erreur. Ça n’a jamais été mon intention. Je…

Mon attention est détournée au moment où Hellfire de Barns Courtney, sort bruyamment de la voiture de ma petite sœur. Au même instant Brady lâche mes doigts et recule d’un pas, le regard fixé au-dessus de ma tête. Je le suis pour comprendre pourquoi ce changement d’attitude radicale et je vois Marley sortant furieuse de sa vieille Cox. Le visage impénétrable, elle passe devant nous la tête haute.

— No comment ! Journée de merde ! sort-elle en arrivant à notre niveau sans s’arrêter avant de passer la porte du club house.

— Jay se pose des questions sur ton job à L.A. à cause des photos avec ton acteur… reprend-il sur un ton dédaigneux.

— Je ne suis pas avec Taylor !

— C’est pas ce que le torchon dit, ma belle ! me défit-il. Et j’m’en fous, mais t’es prévenue il va très certainement t’en parler.

Pourquoi ça d’ailleurs ?

— Brady… je…

— Lâche l’affaire ! Je suis pas con, j’ai compris ! J’avais déjà compris il y a plusieurs années. m’avoue-t-il en passant nerveusement ses mains dans ses cheveux avant de regagner lui aussi l’intérieur.

Pourquoi les relations entre les hommes et les femmes sont si complexes ? Est-ce que l’amitié entre les deux sexes est obligatoirement vouée à l’ambiguïté ? Oui Brady me plait physiquement et mentalement. Mais céder à ses attentes serait me voiler la face une fois de plus. J’ai appris de mes erreurs et ne veux pas les réitérer. Avec Andrew, mon attachement au Club était sans limites, j’ai tout donné et j’ai tout perdu. Il me reste ma fille et même si je repars à zéro, elle reste ma priorité. Je ne veux plus être prisonnière. Il en est hors de question ! Chapitre 15

Shaw

J’entre d’un pas ferme et décidé dans l’enceinte du club house. Je balaye d’un regard circulaire la pièce abritant les familles des membres. Au loin, j’aperçois Marley et Brady en pleine discussion certainement au sujet d’un des nombreux tattoos de ce dernier, puisque ma sœur relève son cuir et son t-shirt pour y jeter un œil. Comme je m’en étais doutée, le corps de mon ami est en très grande partie recouvert d’encre. Malgré l’atmosphère pesante, les cris de joie des bambins résonnent dans tout le Club et je souris à cette constatation. Ma fille court après Camille, le dernier de Mont et Valy sa régulière. Les deux petits jouent joyeusement sous la surveillance de la grande sœur de Camille. Je crois bien que Tara a un petit faible pour ce chenapan de trois ans son aîné.

Je me dirige vers la cuisine et me verse un café dans un mug histoire de me préparer à la suite qui risque fort d’être désagréable. Je trempe mes lèvres dans le liquide chaud qui m’apporte une petite dose de réconfort et profite de ce moment d’accalmie pour partir à la recherche de mon petit frère. Je monte les escaliers, perdue dans mes pensées quand, au détour du couloir, je percute quelqu’un de plein fouet.

— Oh pardon ! dis-je en jurant à moitié entre mes dents. Je suis dans la lune, excuse-moi.

— Putain Shaw, fais gaffe où tu vas bordel !

J’essuie les quelques gouttes que j’ai renversées sur mon haut et relève la tête pour affronter le regard noir de Jay.

— Je me suis excusée Jay ! Estime-toi chanceux de ne pas avoir pris mon café chaud sur toi...

— Ah non… t’as pas compris là, c’est toi qui as eu de la chance ! me lâche-t-il en me fusillant du regard.

— Ouais si tu veux… je m’en fiche, fais comme tu veux, tu me gaves !

Je secoue la tête et le contourne pour rejoindre la chambre de Mal.

— Quoi ?! me demande-t-il en m’attrapant le poignet pour me stopper dans mon élan, sans doute surpris par ma réponse.

Je me retourne et le regarde droit dans les yeux en haussant des épaules. Il va bien falloir qu’il comprenne à un moment ou à un autre combien je n’ai pas peur de lui. Il a beau m’intimider de toutes les façons impossible et inimaginable, c’est ainsi…

— Je n’ai pas peur de toi Jay, donc lâche l’affaire OK. dis-je d’un ton doux, mais autoritaire.

— Pourtant tu devrais poupée ! rétorque-t-il avec amertume.

Poupée ?! Non là s’en est trop ! Ghost résonne dans ma tête quand j’éclate de rire sous son nez et enchaîne très sérieusement.

— En fait tu attends quoi de moi ? Hein, tu cherches quoi ? Et pour ta gouverne, je suis pas ta POUPÉE !

J’ai tout juste le temps de finir ma phrase que Jay me plaque contre le mur du couloir. Appuyant avec force son corps sur le mien je sens l’odeur de sa transpiration mélangée à celle de son cuir. Son souffle, chargé d’effluves d’alcool et de cigarette, caresse mon cou puis ma joue. Je ferme les yeux et me concentre pour ne pas que des flashbacks du passé ne submergent ma tête. Vicky. Tara. Je dois garder le contrôle et me montrer ferme avec lui sans pour autant créer un conflit.

— Je n’attends rien de toi… j’ai déjà eu ce que je voulais à plusieurs reprises ! Quand je veux, je prends sans rien demander à personne Shawna ! susurre-t-il d’un air menaçant.

Il appuie ses dires en serrant ma gorge de sa main d’une pression me laissant tout juste la possibilité de respirer. J’ouvre instinctivement mes paupières et plonge dans son regard devenu fou, un brin hésitante quant à son geste.

— À présent, tu es à ma merci. Tu n’as toujours pas peur ma petite Rebelle ? ricane-t-il.

Non, toujours pas… Je le laisse croire qu’il a une emprise sur moi, qu’il a remporté la partie, pourtant il ne maîtrise rien. Je fais oui de la tête pour être relâchée.

— Bien… maintenant, tu vas arrêter de me défier à tout bout de champ et redevenir la gentille petite Shaw obéissante. me dit-il en relâchant ma gorge.

— OK… dis-je dans un souffle.

— Et puis d’abord que viens-tu faire à l’étage ? demande-t-il en changeant de sujet comme si de rien n’était.

— Je cherchais Malonne. Brady m’a dit qu’il allait bien, mais je voulais m’en assurer personnellement.

Il me gratifie de son sempiternel grognement, hésite et passe une main sur son visage avant de me lancer d’un ton glacial.

— Fous la paix à Brady, c’est pas la peine de lui mettre le bordel dans la tête ! m’ordonne-t-il en faisant un pas en arrière près à poursuivre son chemin.

— Quoi !? déclaré-je. T’insinues quoi là, Jay ?

— J’insinue que dalle, je t’interdis juste de prendre un de mes frères, qui en passant en a toujours pincé pour ton joli petit cul, pour un con ! On le sait tous les deux, il n’a aucune chance face à ton connard d’acteur. me crache-t-il au visage.

Il sort un magazine de la poche arrière de son jeans pour me le coller sous le nez. Hébétée, j’attrape in extrémis la revue et me découvre main dans la main avec Taylor en couverture. Là il m’en bouche un coin. Je ne sais plus quoi dire… en fait si, je ne vais pas me laisser marcher sur les pieds. Brady est mon ami et ce qu’il se passe entre lui et moi ne regarde absolument pas ce trou du cul de Jay !

— Tu es en train de me traiter de traînée ? tranché-je furieuse.

— Ça dépend de toi, que fais-tu à L.A. Shaw ?

— Je travaille dans une agence de communication, je m’occupe du service évènementiel. Je suis fréquemment photographiée aux bras d’hommes influents. Ne va rien chercher de plus à ça !

— Ouais bah les gros titres ne disent pas ça, ni l’article. Vas-y fais toi plaisir, il est à toi. me nargue-t-il en m’indiquant du menton le torchon à présent entre mes mains.

— Quand bien même, Brady et moi ça ne te regarde en rien ! déclaré-je agacée et vexée par ses menaces.

— Encore une fois tu te trompes Shaw ! dit-il furieux. Ici c’est mon Club, ce sont mes frères, nos règles ! Rien ici ne se fait sans la permission de Terry ou la mienne ! T’as pas ton mot à dire, les meufs restent à leurs places ! hurle-t-il en joignant le geste à la parole.

— En effet, mais tu sembles oublier un détail mon cher Jay… je suis tout autant que toi ici chez moi… Mon père était président avant le tien ! Donc n’essaie plus de m’intimider avec tes paroles de macho raté ! craché-je en mettant un terme à cette discussion totalement stérile.

Ce mec va me faire devenir chèvre. Je me sens comme une aliéner tant je suis habité de sentiments contraires à son égard ! Je le déteste et pour autant il fait partie de ma famille ! Pas de demi-mesure avec Jay, mais, il vient de me dévoiler son jeu. Maintenant la partie peut vraiment commencer, je sais quoi faire pour qu’il me laisse tranquille. Je le laisse repartir et je trouve enfin mon frangin dans une des chambres de l’étage en compagnie d’une jeune femme que je ne connais pas et d’Al. Rassurée par l’état de santé de Malonne, mon inquiétude laisse place à la légèreté de la conversation. Rapidement nous sommes interrompus par Joey nous demandant de descendre pour le discours de Terry.

Tout le monde est rassemblé autour de mon beau-père. J’aperçois au loin Valy tenant ma fille dans ses bras. Je me faufile à côté d’elle et récupère Tara dans les miens. Le Prez des Death’s Falcons est très intimidant et inspire le respect et la force. Le calme s’impose laissant place à la voix de Terry comme seul bruit dans le club house.

— Si mes frères et moi, nous vous avons tous fait venir ici ce soir c’est qu’il y a quelques dommages collatéraux et ça chauffe un peu pour le Club. Pour le moment, vous n’avez pas besoin d’en savoir plus et vous devez rester tranquille, à partir de maintenant, on est en quarantaine jusqu’à nouvel ordre. Personne ne bouge son cul de la propriété. Il y a assez de chambres et de dépendances pour l’intimité de tout le monde. Si vous devez aller bosser, portez-vous pâles, j’en fais mon affaire. C’est bien compris ?

— Yep Prez ! affirme en cœur l’assemblé.

— Shaw, viens avec moi. me dit Valy. On va réquisitionner les autres régulières et s’activer à préparer de quoi dormir et manger.

J’acquiesce d’un hochement de la tête. Nous sommes mercredi soir, j’ai mon vol vendredi matin pour Los Angeles et comme je m’y attendais, ça ne va pas être une mince affaire de m’échapper de cette satanée quarantaine. Cette fois-ci c’est limpide comme de l’eau de roche, ça risque de barder pour mon matricule. Une fois tous les lits fraîchement faits et attribués, la nourriture est prête à être servie. Je m’éclipse à la recherche de Terry que je trouve dans la cour près du brasero en compagnie de Bill, Klash et Jer en train de boire et de fumer leur clope. Je suis accueillie par des clins d’œil et des regards tendres. Je les interromps poliment et demande à mon beau père de m’accorder un petit tête-à-tête. Il se lève et me propose de le suivre dans son bureau. Je le suis, silencieuse, et ferme la porte derrière moi. Terry, dos à moi, se sert un verre de whisky avant de s’asseoir d’une fesse sur le bureau en chêne sombre.

— Ça va ma puce ? t’as un blème ? me lâche-t-il nonchalamment en sirotant son verre.

— Ouais, rien de grave Terry, ça concerne cette quarantaine… il m’encourage à poursuivre d’un geste de la main. Je dois me rendre à L.A., j’ai un dernier contrat à honorer…

— Terry y’a…

Au même moment la porte du bureau s’ouvre sur Jay, surpris de me trouver ici.

— Ouais fils…

— Dès que t’as cinq minutes, une messe s’impose, Jer a du nouveau.

Mon regard vagabonde entre les deux Lang, ne perdant pas une miette de leur échange. Je perçois dans leur langage corporel une tension glaçant la petite pièce. L’heure est plus grave qu’il n’y paraît. À l’instant où j’ouvre la bouche pour reprendre notre discussion, Jer entre à son tour.

— Prez, VP, à l’église maintenant… les informe le sergent d’armes.

Ils hochent la tête simultanément.

— On discute de ça plus tard, gamine ! décide-t-il.

— Quand tu peux Dad ! lui dis-je m’apprêtant à quitter la pièce quand un bras robuste me barre la route et me stoppe.

— Donnez-moi deux secondes, j’arrive. ajoute Jay à l’intention des gars.

J’inspire profondément me préparant au deuxième round.

— J’attends ! intervient ce dernier.

— Et t’attends quoi au juste ?

— Shaw !! s’impatiente-t-il en fermant la porte du bureau avant de croiser ses bras en bombant le torse.

— Ça ne te regarde absolument pas ! dis-je en prenant une posture similaire à la sienne.

— Mais sérieux, quand est-ce que tu vas te rentrer ça dans le crâne, bordel de merde ! tonne-t-il.

C’est reparti pour un tour, ce mec me fatigue.

— Je pars vendredi matin pour L.A., ta quarantaine tu te la mets où je pense, monsieur le VP ! menacé-je.

— Dans tes rêves ! Tu vas nulle part, meuf ! s’emporte-t-il.

— Et quand est-ce que tu vas comprendre que je ne suis pas à tes putains d’ordres ? Je ne suis pas un de tes frères, je m’en branle de ta hiérarchie et tes fonctions au sein du Club, MEC ! Je me casse après demain, j’ai du taf ! Ça te va c’est bien, ça te va pas c’est la même ! craché-je folle de rage.

Sans l’avoir vue venir, je me retrouve, en un millième de seconde, propulsée contre la porte. Comme quelques heures plus tôt, le corps massif du blondinet se colle au mien. Sa respiration est saccadée. La mienne est laborieuse. Sans parler du flux sanguin dans mes veines martelant furieusement mes tempes. Ses mains emprisonnent mon visage de part et d’autre, laissant suspendre le sien très proche du mien. Son souffle sur ma peau déchaîne en moi une multitude de sensations.

Je déglutis nerveusement en rivant mon regard au sien. Mon supplice est de courte durée. Jay écrase ses lèvres contre ma bouche. Ce baiser n’a rien de doux et romantique. Absolument pas, c’est même tout le contraire. Ses lèvres ont un goût de domination mêlée à la punition et à la colère que lui intime mon attitude. Ses mains se referment sur ma joue et mes cheveux. Il écrase encore davantage son bassin contre le mien, au cas où je ne sentirais pas son érection poindre sous les boutons de sa braguette.

— Hum… tu es délicieuse ma petite Rebelle. Malgré toutes ses années, je n’ai jamais oublié l’effet que tu as sur ma langue. Ce goût d’interdit est pareil au plus pur des nectars…

— Jay… commencé-je à dire, rapidement stoppée par sa main sur ma bouche.

— Chut ma belle ! susurre-t-il à mon oreille. Alors dis-moi Shawna, qui va obéir aux ordres maintenant ?

Je ne réponds rien sachant pertinemment qu’il vient de marquer un point. Or, je ne m’avoue pas vaincue pour autant. Je plonge mon regard dans ses billes glacées et le défie.

— Tu pourras jouet avec moi des centaines de fois encore si ça te chante, mais je ne me plierai pas à ta volonté. Ça ne change rien Casanova, je m’envole pour Los Angeles vendredi. ajouté-je.

Jay s’apprête à riposter quand la sonnerie de son portable le coupe dans son élan. Il me fusille du regard tout en s’écartant de moi et décroche. J’en profite pour me recoiffer et effacer les dernières traces de ce moment d’égarement.

— C’est bon j’arrive ! grogne-t-il avant de raccrocher. Cette discussion n’est pas terminée ! dit-il en me pointant du doigt.

— Elle est close Jay ! tranché-je avant de quitter le bureau.

Pendant que les hommes sont à la messe, j’installe, à l’aide des régulières, le nécessaire pour le repas du soir. L’heure défile et les gars sont toujours enfermés dans leur pièce. On décide de ne pas les attendre et j’en profite pour organiser la garde de Tara pour ce week-end avec ma sœur et mes amies. Il se fait tard et Tara, épuisée d’avoir joué avec Camille pratiquement toute la soirée, s’écroule comme une masse dans son lit. Une fois certaine qu’elle est au pays des rêves, je me faufile sous une douche bouillante en quête de réconfort et me lave de toute culpabilité après ce qu’il s’est passé avec Jay. Je rejoins ma fillette sous les draps en faisant bien attention de ne pas la réveiller et j’estime avoir une chance inouïe que Tara soit si conciliante et facile à vivre. Son visage d’ange me rassure sur mes choix, j’essaye de penser à notre avenir ici, mais le regard noir de Jay s’impose dans mon esprit et je ne peux m’empêcher de repenser à notre baiser. Dix ans auparavant…

Shaw

Je me suis encore endormie avec Lana Del Rey tournant en boucle sur mon lecteur MP3. Quand Jay par se coucher, le sommeil peine à m’emporter alors j’écoute un bon moment la musique. Je m’autorise à repenser aux sensations éprouvées lors de l’épisode de la salle de bain. Puis rêve de la tournure que prendrait notre relation, si Jay ouvrait enfin ma porte...

Mon regard tombe sur mon réveil : dix heures trente. Mince maman voulait que je la rejoigne au garage avant dix heures ce matin. Et bien c’est râpé. Mon téléphone affiche plusieurs appels en absence, dont trois du garage et les deux autres d’Eva et Brady. Aujourd’hui c’est un jour spécial, j’ai seize ans ! Je vais enfin pouvoir conduire ma propre voiture et ne plus être le boulet de ma meilleure amie ou de n’importe qui d’autre. Je saute sous la douche, me prépare et quinze minutes plus tard, montre en main, je suis prête. Je dévale les marches de l’escalier à vive allure et me lance vers la cuisine. La maison est déserte à une exception près et de taille... Jay est dans la cuisine face à la machine à café. Merde ! Ma journée avait plutôt bien commencé et maintenant je ne vais plus être sûre de rien avec mon fantasme ténébreux en chair et en os dans la même pièce que moi.

Je lance un petit « bonjour Jay », timide. J’ai un grognement en guise de réponse. Pas grave je suis habituée de toute façon. Il aurait pu faire un effort pour ma journée d’anniversaire et me servir un « bonjour » de bon cœur. Mais non. Et puis j’en mettrais ma main à couper ; il ne doit même pas savoir pour mon anniversaire. Pfff... allez ressaisis-toi ma grande, aujourd’hui tu souffles une bougie ! Tu ne vas pas laisser ce connard, ton magnifique connard, te gâcher la journée. Car c’est le ShawDay aujourd’hui ! Je ricane toute seule en me dirigeant vers la machine à café pour me préparer le mien. Je n’ai malheureusement pas d’autre choix que de me rapprocher de très près de lui pour y accéder. Il a sa tête des mauvais jours, obnubilé par le fond de son mug.

Malgré moi, mon bras frôle son épaule quand je tente, sur la pointe des pieds, d’attraper une tasse dans le placard suspendu au-dessus de lui. Ce contact me provoque une petite décharge électrique causant une vague de frissons. Je me risque une œillade sur l’épaule dénudée de Jay. Il frissonne lui aussi, quelle drôle de coïncidence ! Je plonge mes yeux dans son regard noir dont je n’arrive pas à identifier ce qui l’attise. De la colère peut être ou bien de l’envie ? Ça suffit Shaw, ne prend pas tes rêves pour la réalité ! Je dois être toute rouge, c’est même sûr et pourtant je n’arrive pas à détacher mon regard du sien qui me transperce toujours. Le bruit du café coulant m’apaise légèrement. Une fois terminé, j’y ajoute mon lait, mon sucre et trempe enfin mes lèvres dedans. Miam, quel délice, rien de tel qu’un bon mug de caféine pour dissiper mes frissons matinaux. Ma bonne humeur est vite anéantie, quand Jay me grogne quelque chose.

— T’as pas un portable.

— Pardon ? Heu… si bien sûr pourquoi tu me demandes ça ? m’étonné-je.

— Alors, sers-t'en, bordel ! braille-t-il froidement.

Outch… il n’est vraiment pas à prendre avec des pincettes ce matin celui-là !

— Vicky essaie de te joindre depuis une putain d’heure.

Je reste muette ne comprenant pas trop où il veut en venir. Il continue, de plus en plus énervé.

— Vicky, elle a été obligée de m’appeler pour s’assurer que tu allais bien. Je dormais, je suis naze, Shaw !

— Oh... OK... excuse-moi, je ne pensais pas qu’elle t’appellerait. Je dormais moi aussi. avoué-je penaude.

— Ouais j’ai vu ça. marmonne-t-il.

Je le regarde, interdite, mon cerveau ayant un petit temps d’arrêt quand j’entends sa réponse.

— Je t’ai déjà dit d’arrêter de me mater comme ça... Merde Shaw, fais pas ta choquée, je t’ai déjà vu dormir dans ton lit, on vit ensemble je te rappelle !

Donc il est venu dans ma chambre et m’a regardée dormir, et plusieurs fois ! Je rêve ! Tout compte fait, il a bien fini par l’ouvrir ma foutue porte !

— Arrête de rêvasser et bouge-toi on décolle dans dix minutes. m’annonce-t-il.

— Quoi ? Comment ça on décolle dans dix minutes. l’apostrophé-je, stupéfaite.

— C’est simple pourtant ! me lâche-t-il en sifflant d’agacement. Moi, toi, ma bécane direction le Club... c’est monté au cerveau c’est bon ?

Non d’une licorne je vais monter derrière Jay, toute serrée contre lui, sur sa Harley ! Réflexion faite, cette journée est une putain de bonne journée ! Dix minutes plus tard, je suis dehors, devant la Harley de Jay, qu’il a enfourché. L’euphorie a laissé place à la trouille. Je ne veux pas que mes gestes trahissent mes sentiments pour cet homme.

— Tu grimpes, Shaw ?! On a pas toute la journée, bordel ! râle-t-il sans me regarder.

Je jette un dernier regard à ma tenue des plus banales, mais appropriée à la moto. Un jeans noir, un marcel de la même couleur illustré d’Ariel la petite sirène, mais punk avec des tattoos et des piercings. Ma veste en jeans et mes DC shoes aux pieds. Je fais passer mon sac en bandoulière dans mon dos, mets mon casque et grimpe.

— Je suis prête. déclaré-je

Il démarre, je passe mes bras, hésitante, autour de sa taille. J’ouvre mes mains et les pose sur son ventre ferme. Je viens de faire un salto arrière de jubilation. Les muscles de Jay se contractent à mon étreinte.

— Tiens-toi bien, Shaw, je ne veux pas te perdre en route... c’est un trop beau jour pour mourir.

N’ait aucune crainte, beau gosse, je n’ai pas l’intention de te lâcher d’un millimètre. Une fois ma bouffée de chaleur hormonale passée, j’en profite et me laisse bercer par le ronronnement de la moto. J’adore faire un tour de moto, je me sens libre, en vie. Quand nous nous rapprochons de l’emplacement du Club, je ne peux que ravaler une vague de déception. Le trajet a été beaucoup trop court à son goût. Je ne veux pas descendre de sa bécane et lâcher sa taille. Mais à peine entré dans l’enceinte du Club, j’aperçois une Vicky remontée comme une horloge suisse qui me guette à l’entrée de l’atelier. Une fois garé, je saute de l’engin pour rejoindre ma mère. Je reviens légèrement sur mes pas pour remercier Jay de m’avoir accompagnée, je suis récompensée par son éternel mouvement du menton. Ouais, un véritable rayon de soleil celui-là aujourd’hui ! Chapitre 16

Carmen

Je déverrouille ma porte d’entrée que je pousse doucement puis j’appuie sur l’interrupteur avant d’entrer. Je referme derrière moi, pose mon bagage et fais quelques pas lorsque mon pied bute contre un obstacle. Trop happée par mes pensées, je n’ai pas fait attention où je marchais. Je bloque, choquée, sans bouger devant mon salon semblable à un champ de bataille. Tout est sens dessus dessous. Comment est-ce possible ? Un cambriolage ? Dans une résidence surveillée comme la nôtre ? Je suis stupéfaite.

Je me dirige lentement vers mon dressing. C’est le seul endroit de l’appartement où sont entreposées des choses de valeur. Cadeau haute couture et bijoux de joaillier offerts par mes riches clients. Ils ont une grande valeur marchande, mais ne représentent rien de plus à mes yeux. Plus j’avance vers mon but, plus mon appartement prend des allures de parcours du combattant. J’en ai le ventre retourné, non pas par le matériel saccagé, mais par mon intimité bafouée. Fort heureusement, j’ai pris la décision de rentrer auprès de ma famille, laissant ma vie à L.A. dans le rétroviseur parce que dans le cas contraire je n’aurais jamais pu envisager de remettre les pieds ici avec ma fille en conservant un sentiment d’insécurité.

Après avoir évalué les dégâts et le préjudice, j’appelle la police pour déclarer l’intrusion. Quinze minutes plus tard, deux inspecteurs constatent les faits.

— Vous êtes bien certaine qu’on ne vous a rien dérobé de valeur, madame Ford. me demande l’un d’eux.

— Il ne me semble pas, les bijoux sont à leurs places dans le coffre, le reste étant de la haute couture, même s’il manquait une ou deux robes, rien d’indispensable et encore moins vital. énoncé-je.

Je les regarde s’activer dans mon cent mètres carré. J’en profite pour me préparer un café et me poser quelques instants. J’aurais pensé que la rixe ayant explosé ce matin entre Jay et moi m’aurait secoué les neurones, mais ce n’est visiblement pas le cas.

***

Quelques heures plus tôt.

— Tu crois aller où comme ça Shawna ! me lâche froidement Jay quand je passe la porte du club house.

— Bosser, Jay ! Et tu le sais très bien…

— Putain, mais qu’est-ce que tu n’as pas compris dans « quarantaine » et « ne bouge pas ton cul d’ici » ? crache-t-il en s’approchant vers moi d’un pas menaçant.

Je croise les bras sous ma poitrine, tout en soupirant d’exaspération, car c’est là tout mon problème. Ce mec m’exaspère, il va me faire devenir chèvre avec ses ordres à deux balles.

— Bon, épargne-moi un second round, je te prie... j’ai un vol et je ne compte pas le louper pour un discours futile et stérile.

Jay fulmine de rage, je le vois à ses yeux exorbités ainsi qu’à sa respiration hachée. Il tente de me répondre quelque chose de certainement bien cinglant, mais je le coupe dans son élan en tendant ma main vers lui pour le stopper tout en me dirigeant vers mon Range Rover.

— Tu te fous de moi bordel ! hurle-t-il de colère.

Je ne prends pas en considération ses vociférations grotesques et m’apprête à grimper dans mon véhicule.

— Tu es tant en manque que ça ma petite Rebelle ? Au point de courir vers la queue de ton crétin d’acteur, ou un autre ! raille-t-il en me provoquant.

Quel connard ! C’est même le Roi des connards ouais ! Ma fureur a atteint son paroxysme, mais, au dernier moment, je prends la décision de changer mon fusil d’épaule.

— Tu es jaloux ? ricané-je. Lâche-moi la grappe et va te faire sucer par une de tes pétasses, il ne doit pas en manquer par ici. La frustration ne te va pas bien au teint !

Je relève la tête fièrement, lui fais un clin d’œil et démarre avant de quitter le QG. Je souris encore de mon audace, ravie de l’effet que mes paroles ont eu sur Jay. J’expire un grand coup, sa colère ne me déstabilise presque pas et je suis ravie de partir bosser loin de tout ce bordel.

***

Mon mug entre les mains, je cligne plusieurs fois des paupières et me rends compte que les deux agents m’ont rejoint. Je leur propose un café qu’ils refusent poliment avant de prendre congé. Quand je suis enfin seule, j’entreprends la tâche colossale de remettre cet endroit dans un semblant d’ordre. Je suis dégoûtée en constatant l’étendue des dégâts. Sérieusement, je m’en serais bien passé ! Pourquoi prendre le risque de commettre un délit pour ne rien emporter ? Ce n’est pas logique, il y a forcément une raison. Mais laquelle et surtout pourquoi moi ? Las, je m’active pour ne pas empiéter sur le timing que j’aime me réserver pour mes rendez-vous. Au bout de quatre interminables heures, c’est mission accomplie !

Dubitative, devant mon dressing enfin rangé, je relis les instructions laissées par mon client de ce soir. Mon rendez-vous souhaite que je porte une tenue rouge et du carmin aux lèvres. Soit. Je repère la robe qui me semble être idéale pour l’occasion ainsi que la paire d’escarpins qui l’accompagnera à merveille. Je file sous la douche et me détends enfin sous le martèlement bienfaisant et relaxant du jet d’eau. Quand l’interphone retentit, Carmen est sur son trente-et-un et opérationnelle pour remplir ses fonctions.

Au pied de l’immeuble, ma limousine attend patiemment que je monte à son bord. Je m’y engouffre, salue Mathias, un des chauffeurs attitrés de l’agence mit à notre disposition puis tiens une conversation polie avec lui le temps du trajet. Je n’ai que peu d’informations sur l’identité de mon client du jour, ou devrais-je dire de la soirée. Seul indice, il a un goût très prononcé pour le rouge. Rien de plus. La curieuse que je suis n’en a clairement pas assez à se mettre sous la dent, mais pas la peine de tergiverser dans moins de vingt minutes, ma patience sera récompensée.

Arrivé à destination, Mathias coupe le contact de la Mercedes et descend pour ouvrir ma portière. Il m’informe qu’il sera de retour dans deux heures, comme convenu avec l’agence, pour me raccompagner chez moi. La durée de mon contrat est d’une seule soirée, c’est assez rare, mais ça ne me déplait pas. J’avais vraiment besoin d’un moment loin de Hillsdale. Loin du Club. Loin de Jay. Bye bye, Shaw, Welcome, Carmen.

À ma grande surprise, je suis accueillie par un visage familier. Dimitri est un ami de longue date, un ami en qui j’ai une énorme confiance, un ami sur qui je peux compter sans relâche. C’est assez rare, mais son dévouement pour moi et ma fille a fait la différence. Notre lien d’amitié s’est créé simplement comme une évidence.

— Bonsoir Shawna

— Carmen… lui rappelé-je en lui faisant un clin d’œil. Bonsoir Dimitri.

— J’étais persuadé qu’une robe rouge t’irait à merveille et je serai ton cavalier pour la soirée, ma chère Carmen.

— Ça me fait plaisir d’aller dîner avec toi ce soir. répondé-je, heureuse de passer un moment avec lui.

— Alors c’est parfait. Prenons place à notre table. dit-il en tendant son bras pour que je le saisisse.

Je le laisse me mener à l’intérieur du restaurant, puis prends place sur la chaise qu’il m’offre. La mélodie Money, Power, Glory de Lana Del Rey bat timidement la mesure en fond sonore dans la salle. Piquée à vif par la curiosité, je regarde mon ami en me demandant pourquoi Carmen est là.

— Tu te demandes bien pourquoi je t’ai invitée ce soir. lance-t-il comme s’il avait entendu mon questionnement silencieux.

— Tu lis dans mes pensées mon cher Dimitri !

— J’ai eu vent de ton envie de quitter Los Angeles, pour retrouver ta famille et je me suis dit que c’était le moment où jamais d’avoir un petit tête-à-tête avec toi avant ton départ.

— C’est vrai, je rentre chez moi, là où est ma place… mais pourquoi Carmen ?

— Hé bien, parce que j’ai rencontré Carmen avant de connaître Shaw et que l’on devienne ami. Donc je trouvais ça amusant d’être ton dernier client. déclare-t-il en plongeant son regard bleu électrique dans l’émeraude du mien.

Le dîner se déroule dans la joie et la bonne humeur. Dimitri est de bonne compagnie et me fait rire au récit de ses anecdotes de flic plus ahurissantes les unes des autres. Le repas est délicieux et de plus végétarien… encore un bon point pour l’inspecteur. Détendue, je finis par lui parler du cambriolage survenu quelques heures plutôt dans mon appartement. Évidemment il est déjà au courant de cette intrusion et quand enfin vient le moment de se séparer, Dimitri insiste pour me ramener, même si je bénéficie des services de Mathias. Je préviens mon chauffeur, lui explique que Dimitri est un ami que je connais depuis longtemps. Mathias prévient la boîte de mon annonce et j’accepte la proposition de mon ami. De toute manière, c’était peine perdue de croire qu’en bon inspecteur de police Dimitri n’inspecterait pas les lieux avant de m’y laisser seule, sans défense.

Hésitante et un peu anxieuse, j’inserts la clef dans la serrure de ma porte d’entrée. Dimitri a revêtu son faciès d’homme de loi. Son visage est impénétrable, tant ses traits sont soudainement plus durs qu’à l’accoutumée. Il entre en premier, me faisant signe de rester derrière lui en silence. Dans l’obscurité de la pièce, il s’engouffre d’un pas sûr et chevaleresque. L’inspecteur Wolkoff revient vers moi très rapidement après avoir fait le tour des lieux. Il me lâche un RAS, me faisant relâcher ma respiration, retenue malgré moi dans l’attente. Je rentre à mon tour et allume toutes les lampes de l’appartement.

— Café Dimitri ? demandé-je.

— Avec plaisir koufeta* (friandise en russe).

Je lui souris et dépose un plateau avec deux mugs sur le bar de la cuisine. On s’installe et la discussion tourne très vite sur mon départ pour Hillsdale. Cependant, après quelques minutes, la bonne humeur de Dimitri s’est comme qui dirait évaporée. Je le trouve un tantinet plus froid et sarcastique. Il emploie allègrement des mots en russe que je ne comprends pas, sans pour autant m’en donner la signification. Rien de bien méchant, pourtant ça me déstabilise. Je décide donc d’écourter notre entrevue.

— Je te remercie pour cette très agréable soirée, mon ami, et surtout, merci d’avoir pris la peine d’inspecter mon appartement. C’était très gentil à toi Dimitri, mais je suis épuisée, déclaré-je.

Je me lève et me dirige vers l’entrée. Dimitri ne bouge pas et je m’aperçois rapidement qu’il n’a pas saisi le message.

— Hé là… c’est le moment où tu me dis avoir passé une bonne soirée également avant de prendre congé. lui dis-je avec beaucoup de douceur et de gentillesse.

Dimitri se lève à son tour en avançant d’un pas transpirant d’assurance vers moi. Son regard électrique me transperce avant de prendre la parole.

— J’ai bien compris malenkaya shlyakhov* (petite salope/cochonne en russe). Néanmoins, la soirée n’est pas encore terminée Koufeta ! crache-t- il.

Il fait un pas de plus en ma direction., s’approchant toujours un peu plus jusqu’à ne plus avoir d’espace entre son torse et mon corps. Coincée sous sa large corpulence, mon sang ne fait qu’un tour. Je ferme les yeux en comprenant que je suis prise au piège. Son souffle chaud glace ma peau.

— Mais vois-tu, Carmen, j’ai payé très cher pour avoir le droit de passer une soirée avec toi… m’explique-t-il de sa voix traînante dans le creux de mon oreille.

Je tente de le pousser de la paume de la main, mais son corps résiste et vient davantage se coller au mien.

— Bien… cette soirée ne touche pas encore à sa fin… je compte bien en avoir pour mon argent ! siffle-t-il en prenant mes joues en étau dans sa grande main. Tu n’es qu’une pute ! Et tu sais ce qu’on fait aux putes comme toi ? On les BAISE Shawna ou Carmen comme tu préfères !

À cette affirmation, je sens le sol se dérober sous mes pieds. J’ai du mal à réaliser ce revirement de situation, le comportement de Dimitri que je pensais être mon ami. Cherche-t-il seulement à me faire peur ? Ou veut-il prouver quelque chose en me faisant du mal ? Les questions se bousculent dans ma tête et malgré la terreur qui s’insinue dans mon ventre, je ne compte pas me laisser faire.

La rage met mes veines à feu et à sang, telle la lave en fusion. C’est bien mal me connaître, je ne plierais pas sans m’être battue comme une guerrière. Je lui assène un violent coup de genou dans les parties intimes. Il écarquille les yeux, surpris et hurle de douleur. Cet abruti fait plusieurs pas en arrière en titubant maladroitement et s’appuie au bar pour reprendre son souffle. Ce qui me laisse le temps de regagner la cuisine en quête d’une arme. Je trouve immédiatement un couteau et m’en empare férocement. Mes doigts autour du manche, je cours droit sur lui. Dimitri comprend très rapidement le but de ma manœuvre et esquive mon assaut. Je n’arrive qu’à lui entailler l’avant-bras avant qu’il me percute de plein fouet. Je tombe à la renverse les quatre fers en l’air et perds mon arme qui glisse sur le parquet à un mètre de moi. Je rampe au sol pour la récupérer puis la récupère, mais une main s’empare de ma jambe avant que je n’aie eu le temps de me redresser. Je me retourne vivement et plante mon couteau dans sa cuisse en appuyant de toutes mes forces. Je suis stoppée net par un coup puissant au visage et m’affale de nouveau par terre. Ma tête cogne lourdement contre le carrelage, alors que ce bâtard de russe rit à gorge déployée de la situation. D’une poigne de fer, il me relève par les cheveux, m’arrachant au passage un hurlement de douleur. De son autre main, il m’enserre la gorge durement. Je me débats du mieux que je peux, balançant mes bras et mes jambes dans sa direction. Quelques-uns de mes gestes atteignent ma cible, mais ne la font pas plier pour autant. De mes ongles manucurés, je le griffe dès que l’occasion se présente.

Je suis à deux doigts de l’asphyxie, quand l’inspecteur Wolkoff me jette avec force face à la table à manger. Un court instant, sa poigne quitte ma trachée, me laissant un maigre répit et une faible bouffée d’air immerge mes poumons malmenés. Cependant le choc du bois contre ma poitrine n’arrange rien et la maudite main de Dimitri se retrouve comme aimantée à mon cou. Totalement prisonnière, je ne peux plus rien faire. Au moment où je m’apprête à pousser un cri de désespoir, je sens la fraîcheur du canon d’une arme à feu. Le corps de mon bourreau est étroitement lové contre le mien. Je sens parfaitement l’excitation que lui procure la situation, poindre et étirer la toile de son pantalon au niveau de son entrejambe. Quel malade ce type !

— N’y songe même pas, petite salope, ou je te dézingue illico presto, compris ! Je vais prendre mon dû et tu vas obéir comme la gentille Koufeta que tu es ! Et tu sais pourquoi ?

— Tu n’es qu’un putain de taré ! grincé-je.

— Certainement, j’en conviens… Tu vas rester docile, sinon je me ferai le plaisir de m’en prendre à ta gamine adorée…

Je me débats pour me soustraire de sa prise, mais ne fais que l’exciter davantage.

— Et ne crois pas que ton très cher Jason Lang ou encore ces petits cons de bikers me font peur ou pourraient me nuire ! ricane-t-il dans mon dos. Personne ne peut rien contre moi, bébé, je suis un putain d’inspecteur de police ! Alors vas-y dandine toi contre moi et fais-moi bander davantage ! J’aime sentir ton cul de traînée contre ma queue !

Le flingue toujours appuyé contre ma nuque, la main de Dimitri agrippe ma cuisse, puis remonte pour se faufiler sous ma robe. D’un geste dénué de douceur, il claque ma fesse, m’arrachant un grognement de surprise. Je ravale péniblement la bile remontant au fond de ma gorge. D’un geste brusque, il déchire ma culotte avant de me susurrer à l’oreille.

— Je vais te baiser Shaw. Je vais te baiser comme une chienne sauvage. Je vais prendre un pied d’enfer à te défoncer encore et encore. Je vais te marquer pour que tu n’oublies pas à qui tu appartiens. Ça fait tellement de temps que j’attends ce putain de moment ! me dévoile-t-il avant d’éclater de rire en même temps qu’il pénètre douloureusement mon intimité de sa virilité indécente et répugnante.

Je réprime un cri de rage quand sa main empoigne mes hanches sans le moindre tact en effectuant un va-et-vient bestial. Toujours plus fort, toujours plus loin en moi, jusqu’à la garde. Je plante mes ongles dans le bois de la table et à mesure qu’il assène ses coups de reins barbares, mon esprit déserte mon corps pour se réfugier au seul endroit où je ne me suis jamais sentie autrement qu’en sécurité. Dans des yeux semblables à un iceberg, un fjord revigorant et familier, Jay. Une larme solitaire s’échappe de mon œil. C’en est déjà beaucoup trop pour ce connard qui piétine mon amour propre et mon âme pour assouvir ses pulsions malsaines et inhumaines. Une litanie de grognements répugnants sonne la fin de mon calvaire. Je sens son sexe s’extirper d’entre mes lèvres douloureuses et boursouflées. Je serre les mâchoires en gardant pour moi les gémissements de souffrance que son geste me provoque.

— Malenkaya shlyakhov tu vois quand tu veux, tu sais te montrer obéissante ! C’était parfait, ta chatte de traînée est délicieuse. dit-il en maintenant toujours le canon de l’arme sur ma nuque.

Il inspire profondément comme si l’on venait réellement de partager un agréable moment ensemble.

— Évidemment, tout ça restera entre nous parce que tu ne porteras pas plainte… tu veux que je te dise comment je le sais ?

Je sens son sperme dégouliner entre mes cuisses. Je retiens un vomissement et secoue la tête. Son flingue s’enfonce dans ma nuque.

— Je t’écoute… murmuré-je à peine.

— Tu ne le feras pas, car dans le cas contraire, je balance tout ce que j’ai récolté depuis plusieurs années sur ton connard de biker et son Club de merde ! Ce n’est pas un coup de bluff. Je ne bluffe jamais ! siffle-t-il. Si tu parles, ils sont tous morts. Et je ne te parle pas de ce qui pourrait arriver à la petite Tara…

À l’évocation du nom de ma fille, mes barrières de protections sont à la limite de se fracasser. Son but est de me mettre davantage à ses pieds. Je suis subitement projetée en arrière, tirée par les cheveux. Collée contre son torse, il m’ordonne d’ouvrir la bouche, certainement mécontent de mon manque de réaction. Tremblante de rage et de terreur, je m’exécute. Ce psychopathe y glisse le canon de son flingue. — Tu m’as bien compris petite conne ? Je veux t’entendre le dire ! s’emporte-t-il.

Autant que la situation me le permette, je tente d’articuler les mots qu’il souhaite entendre. Satisfait, il se rhabille, range son arme et, sur sa menace à peine nuancée, mon bourreau quitte l’appartement en me laissant là comme un vulgaire kleenex. À vif, je sursaute quand la porte claque violemment contre le chambranle. Dictée par la peur, je me rue sur cette dernière et la verrouille prestement. Pulvérisée, voilà ce que je suis. Dans un ultime élan de force, je me dirige maladroitement vers la salle de bain. Comme un automate, je finis par entrer dans la douche et je me laisse glisser lamentablement au sol, déversant tout mon soûl sous la pluie bouillante et battante du jet. Je ne sais pas combien de temps j’y reste. Assez longtemps pour finir que l’eau froide me saisisse et me fasse sortir de là.

Anéantie, je m’effondre sur mon lit, telle une clocharde à qui l’on aurait volé son dernier souffle de vie au détour d’une ruelle pas éclairée… puis sombre dans un sommeil sans rêves. Dix ans auparanvant…

Shaw

J’ai passé la journée à seconder Vicky et les régulières en cuisine pour l’organisation de mon repas d’anniversaire. Nous le fêtons en famille, au Club chaque année et j’adore perpétuer cette tradition. L’espace de quelques heures, nous ne sommes plus que des personnes célébrant la joie et la bonne humeur comme une famille normale. En un peu plus Rock&Roll ! J’en profite pour faire une petite pause et rejoins les jumeaux chahutant avec les autres gosses du Club. Dans moins d’un quart d’heure, Eva et Brady devraient arriver, démarrant officiellement ma soirée d’anniversaire. Mes deux meilleurs amis sont comme moi, des mômes du Club. Eva est la fille de Klash et Dana, nous avons le même âge et sommes inséparables. Sa sœur Mary a l’âge des jumeaux et passe beaucoup de temps avec eux. Cette dernière mange Malonne des yeux et dit : « quand je serai grande, je serai la régulière de Mal. ». Ce qui fait grincer des dents l’intéressé. Et Brady est le neveu de Fallon le chérif d’Hillsdale et ami d’enfance de Terry. Donc il traîne depuis presque toujours au Club.

Il est dix-neuf heures, la fête bat son plein. J’ai beau être entourée de ma famille et de mes amis, je ne suis pas vraiment dans mon élément. Et plutôt mal à l’aise. Les gens, autour de nous, rigolent, chahutent et boivent en mon honneur, mais je dois dire que tout ça me dépasse un peu. Eva me sort de mes pensées en criant à tue-tête.

— Allô la terre... ici Eva. J’appelle la reine de la soirée... allez Shaw sort de ta cachette ma belle.

— Tu es sûre, je ne suis pas ridicule ? Je ne m’habille jamais ainsi… c’est beaucoup trop… vraiment pas moi ? Et le maquillage, ce n’est pas un peu trop Eva ? lui demandé-je nerveusement cherchant un souffle de courage tant je ne me reconnais pas dans cet accoutrement.

— Non, mais tu rigoles, tu es canon ma belle ! Regarde-toi ! Ce n’est qu’une robe longue bohème crème, elle t’arrive jusqu’aux chevilles.

— Oui je sais bien, mais elle ne cache pas grand-chose en haut, avec ses bretelles fines et son décolleté plongeant.

— Je te l’accorde les bretelles fines et le petit décolleté sont audacieux, mais crois-moi, le tout reste très sage. On dirait une princesse Bobo. Puis, avec tes cheveux détachés, c’est vraiment canon. insiste-t-elle le regard pétillant.

Je me contemple un peu plus attentivement dans le miroir et finis par reconnaître qu’elle n’a pas tort. Je suis différente, c’est indéniable, mais pas non plus transformée ! J’ai juste l’air un peu plus âgée, en même temps, je m’apprête à souffler ma seizième bougie avant la fin de la soirée. — Et puis le make-up est super light, du mascara, un peu de blush et un gloss nacré nude. Tu es tellement jolie naturellement, que plus de maquillage t’enlaidirait ! tranche-t-elle, les mains sur ses hanches d’un air de dictatrice de la mode.

— Tiens bois ça, ça te fera du bien.

Mon amie me tend un gobelet rempli de jus de fruits, ça tombe bien le plein de vitamine est bienvenu. J’en bois une bonne rasade, le vidant presque entièrement quand ma gorge s’enflamme en réaction au breuvage. Les yeux ronds d’Eva me scrutent attentivement.

— Ah tu as mis quoi là-dedans Eva ?! C’est pas du jus de fruits ! croassé- je.

— C’est pas mal hein ? minaude-t-elle avec malice.

Je lui fais la grimace en réponse.

— C’est ce que les frères donnent aux friandises et à voir comment elles descendent toutes leurs verres, j’ai eu envie de tester... moi je trouve ça super bon !

— Tu sais au moins ce qu’il y a avec le jus de fruits ? la menacé-je mécontente.

— Bah de l’alcool Shawna...

Je lui offre mon sourire le plus con en magasin, là, il est clair qu’elle me prend vraiment pour une truffe. Nous nous mettons à éclater de rire et j’en profite pour finir mon verre de jus amélioré. À peine l’ai-je terminé que la voilà déjà prête à me resservir. Oh et puis on n’a pas tous les jours seize ans. Je lui tends volontiers mon gobelet pour la troisième fois quand Brady nous interrompt dans notre délire de nana.

— Holà chicas ! Heu... il se passe quoi les filles ? bredouille-t-il interloqué par notre hilarité.

— Bois un petit coup avec nous Brady ! commence Eva.

Ses yeux se posent immédiatement sur moi en quête de réponse, mais je n’en ai pas vraiment.

— D’où vous sortez ce punch ?

— Du quoi ?! répondons en cœur Eva et moi.

Brady nous prend nos verres des mains et nous sermonne gentiment. Ce mec est l’incarnation même de la gentillesse, il passe son temps à nous faire plaisir. Nous sommes ses petites sœurs de substitution. Quand nous sommes allés au cinéma cette semaine, il nous a annoncé qu’il postulait pour être Prospect. J’en reste encore étonnée. Dans un mois Jason et Andrew porteront les couleurs du Club et deviendront membres des Death’s Falcons, de ce fait, le Club recrute.

J’ai enfin trouvé le courage de quitter la salle de bain pour affronter les regards de ma famille. Je dois bien le reconnaître, mon amie avait raison. Après avoir bu plusieurs punchs, je me sens davantage à l’aise et ne fais presque pas attention à ce qu’il se passe dans la cour. Il y a plus de visages, comparé toute à l’heure, dont plusieurs friandises tournant autour des membres comme des mouches à merde. Mais elles se tiennent à une certaine distance des régulières. Pour leur sécurité, c’est préférable. Sérieusement, elles croient vraiment que les gars vont faire d’elles des régulières dignes de porter leurs vestes ? Leur naïveté m’a toujours dépassée.

Je navigue d’une personne à l’autre en piochant sur les tables quelques amuse-gueules au passage quand un ronronnement et des phares de voiture attirent mon attention en entrant dans la cour où se tient la petite sauterie. Je lève la tête dévorée par la curiosité et ne me rends même pas compte que Andrew se tient derrière moi avant qu’il ne me parle à l’oreille.

— Voilà un bien joli carrosse pour une bien belle princesse... Chapitre 17

Shaw

À mon réveil, quelques heures plus tard, je n’ai pas voulu passer une minute de plus dans cet appartement, seul témoin du cauchemar que je viens de vivre. La peur au ventre de croiser mon bourreau, j’ai pris le premier vol pour Hillsdale. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même et l’épuisement n’arrange rien, mon corps tout entier hurle de douleur quant à mon esprit il ressemble à un champ de bataille.

Dès mon arrivée, j’enfile une tenue confortable et me glisse dans mon lit en PLS. Mes doigts pianotent sur l’écran de mon téléphone à la recherche de la seule personne à qui je peux me confier sans crainte de jugement ou de représailles. Avec le métier que j’ai, c’était inévitable, mais je n’ai pas la force d’entendre un sermon sur le sujet. Eva décroche à la deuxième sonnerie.

— Salut ma chérie !

Je ne me fatigue pas à la saluer en retour, pas certaine d’arriver à articuler deux mots si je la laisse parler davantage.

— Eva, j’aurais besoin que tu passes chez moi en sortant du travail.

— OK, tu es déjà rentrée ?

— Oui.

— Très bien, je suis là dans moins d’une heure. Tout va bien Shaw ?

— À toute à l’heure. murmuré-je en coupant la communication.

Comme convenu, une heure plus tard ma meilleure amie déboule dans ma chambre à coucher. Surprise de me trouver là, elle s’avance et me parle d’une voix douce.

— Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Et pourquoi es-tu dans ton lit, plongée dans l’obscurité ?

— Tu devrais t’asseoir, répondé-je en me tournant vers elle.

Mon amie s’installe sans me quitter des yeux comme si j’allais me changer en citrouille d’un instant à l’autre. En temps normal, nous en aurions ri, mais je n’ai pas le cœur à ça. Je me redresse en m’appuyant contre la tête de lit et me lance :

— Je ne suis faite violer.

— Quoi !? Mais comment est-ce possible, quand ça ? Oh Shaw, ma chérie ! s’écrit-elle en me prenant dans ses bras.

— Mon contrat d’hier soir était un piège. Je n’ai rien pu faire pour empêcher ça.

Dans ses bras protecteurs, je me laisse aller à la vague de tristesse qui me transperce de part en part. Mes pleurs ne semblent pas vouloir cesser. Je lui raconte tout, inutile de garder ça pour moi. Elle me console, m’apaise et je m’endors, ma main dans la sienne.

Je suis réveillé quelques minutes plus tard, par des voix provenant de mon salon. D’un pas maladroit et le corps endolori, je rejoins Eva et ne suis pas surprise de voir Brady et elle en pleine discussion. Sans même saluer mon ami, je me jette dans ses bras.

— Tu sais que je vais lui dire, ma belle ? annonce Brady.

— Je sais, laisse-moi simplement le temps de reprendre pied. Je ne suis pas prête pour en découdre avec lui.

Je me dégage et regagne le fauteuil près de la bibliothèque.

— Pour le moment, je garderai le silence, mais Jay doit savoir, Shaw.

Je le remercie silencieusement d’un sourire las.

— J’ai pris l’initiative d’appeler une collègue de l’hôpital interne en gynécologie, pour qu’elle t’ausculte. m’avertit Eva.

— Inutile.

Eva insiste, mais je refuse poliment. Ma peur est en train de muer en colère.

— Je le connais.

Brady bondit sur ses jambes à ma révélation avant de s’agenouiller face à moi.

— De qui s’agit-il ?

— Je ne te le dirai pas, je ne peux pas Brady...

Je ne quitte pas des yeux mon ami. Ce qu’il s’est passé m’a complètement retournée, mais il est hors de question que je laisse peser une telle menace sur ma fille, sur mes amis, sur ma famille. En prenant conscience que ma vie est ici, près des miens, je me redresse légèrement dans mon fauteuil et serre les poings avant de murmurer :

— En tout cas, pas tout de suite.

***

Jay

Il y a deux jours que nous avons levé la quarantaine, après avoir eu quelques infos par Hurl du Nevada. Tout le monde s’y est plié sans s’opposer aux ordres, enfin, presque tout le monde. Shaw, cette meuf me fait vriller un peu plus chaque jour ! À tout moment de la journée, elle s’immisce dans ma tête, enflammant mes pensées d’envies primaires et bestiales la concernant. J’ai beau baiser avec d’autres femmes dès que l’occasion se présente, et des occasions il ne m’en manque pas, rien n’y fait, Shaw est là ! Son image, son odeur et son goût sur ma langue me rendent tellement. Comme si je n’avais pas retenu la leçon, il a fallu que je l’embrasse encore ! Cette femme est une drogue qui malmène mes sens, un doux poison qui s’infiltre par les pores de ma peau et rampe dans mes veines. Si mon esprit tente par tous les moyens de la repousser, mon corps lui, est attiré par elle comme un papillon de nuit à une flamme.

J’ai mené ma petite enquête sur la nature de son job à Los Angeles. Elle s’est bien foutue de ma gueule, son travail n’a rien à voir avec hôtesse ou un truc dans le genre. Absolument pas… Elle est escorte girl de luxe. Ma petite Rebelle est une audacieuse, pourquoi faire le boulot de madame tout le monde, je suis fan de cette meuf. Peu de femmes exerceraient ce métier avec fierté et de ce que j’ai pu constater, elle est appréciée, ce qui ne m’étonne pas vraiment. Néanmoins, je veux qu’elle arrête ça ! Rien que d’imaginer un autre homme poser ses mains sur son corps divin, me rends fou. Assis au bar, je chasse Shaw de mes pensées et regarde mon ami affalé dans un des vieux fauteuils du club house. Son attitude est sacrément louche depuis qu’il est revenu, ce qui ne lui ressemble pas. Brady est un mec qui ne se prend pas la tête et là clairement, ça turbine grave dans sa caboche.

— Qu’est-ce qu’il t’arrive mon pote ? T’as passé la journée à ruminer et tu te vénères pour n’importe quoi… tu veux qu’on cause ? balancé-je.

Brady me fusille du regard tout en sirotant son Jack Daniel’s.

— Je sens que quelque chose de mauvais se prépare. Toutes ces merdes, le cancer de Vicky, tu sais que c’est une mère pour moi ? Le deal du Nevada, la friandise retrouvée raide. Nous sommes au moins quatre à nous l’être envoyée ! Et puis… non laisse tomber, c’est carrément pas le moment mec.

Il n’a pas tort, ces derniers temps on les cumule. Le cas de Vicky a affecté tout le monde, elle représente la mère idéale pour plusieurs d’entre nous. Pour le Nevada, grâce à Hurl, nous savons qu’un certain Stan est derrière tout ça. Le fameux avocat véreux s’est mis à table et au bout de dix minutes de petites tapes sur les doigts, il a tout balancé même si ce Stan est un putain de fantôme, mais ce n’est plus qu’une question de temps avant que Malo, Al et Victor ne retrouvent sa trace. Ces trois geeks sont redoutables avec un ordinateur entre les mains. Et en ce qui concerne la friandise, tout porte à croire qu’elle n’est qu’un dommage collatéral en réponse à l’attaque déjouée des nazis chez Hurl. Nous avons les flics du comté dans notre poche, Bill veille personnellement à ce que leurs poches débordent de billets verts contre des informations pertinentes et, évidemment, leur silence.

— Bordel mec, qu’est-ce que je dois laisser tomber ?! relevé-je.

Je le regarde prendre une longue taffe avant de me tendre son joint.

— Promets-moi juste de garder ton sang-froid, de te souvenir de ce qu’elle représente pour toi.

— Dans tes rêves mon frère !

— Je m’attendais à cette réponse, poursuit-il.

La pression sanguine tape frénétiquement dans mes tempes prêtent à exploser sous les paroles bienveillantes de mon ami. Je lui fais signe d’accoucher, car je crains le pire ! Un flot de paroles sort d’entre ses lèvres. Les mots se bousculent dans ma tête formant ce maelstrom qui ne semble plus vouloir me quitter depuis que Shaw est de retour. Il lui est arrivé quelque chose ! Un éclair de lucidité parvient à transpercer l’épais brouillard qui habite mes sens.

— Si tu veux qu’on se la mette, ça ne me pose aucun problème. fanfaronne-t-il. Si seulement ça pouvait t’aider à retrouver tes couilles et aller faire la paix avec Shaw !

Ni une ni deux, je lui saute dessus avant qu’un trou noir m’engloutisse. Dix ans auparavant…

Shaw

La voix grave de Andrew est douce et suave, elle m’en donnerait presque des frissons, mais ce n’est pas celle-là qui me fait frissonner d’ordinaire. Ses lèvres effleurent mon cou, son souffle chatouille ma peau et ses mains frôlent mes hanches. Il y a comme un radar qui s’allume dans ma tête. Pas par désagrément, non, loin de là. Pour une fois que quelqu’un me remarque, j’apprécie. Mais c’est plutôt le regard noir de Jay sortant de la Mini Cooper arrivée dans la cour, qui me pousse à me retourner et mettre un terme à ce drôle d’échange. Je ne sais pas pourquoi j’agis comme si j’étais la propriété de Jay, car entre nous ça n’arrivera jamais. Mon cerveau, quelque peu alcoolisé, n’a pas le temps d’analyser la situation que tout le monde se met à siffler et taper dans ses mains en scandant mon prénom. Je pivote alors sur moi-même en observant les visages heureux de l’assemblée, guidée par une main robuste m’attrapant par le poignet. Il m’attire un peu en retrait et j’entends un vague « lâche là ! »

— Viens essayer ton cadeau « petite sœur » !

J’ouvre de grands yeux sur Jay, ne réalisant pas que la Mini est pour moi ! Cependant, sa phrase sarcastique résonne dans ma tête. Mon poignet me brûle et la chaleur envahit mon corps. Je bredouille un OK en trottinant derrière lui pour suivre sa cadence. Fort heureusement, je n’ai pas cédé face à mon amie, préférant mes ballerines à ses godasses compensées. Il m’ouvre la portière passager et me jette avec une délicatesse toute relative sur le siège en fermant sèchement la portière.

— Hé mollo, je ne suis pas un ballot de paille, marmonné-je à voix basse...

— T’as fini de râler... il ne te plaît pas ton cadeau ? insiste-t-il.

— Je râle si je veux « grand frère » ! La délicatesse tu connais ? Visiblement pas ! braillé-je en faisant mine de bouder sur mon siège et resserrant les bras sur ma poitrine.

Mauvaise idée, dans cette fichue robe elle paraît deux fois plus grosse. Je sens au même moment le regard désapprobateur de Jay qui démarre la voiture.

— Je t’ai déjà dit de pas m’appeler comme ça ! siffle-t-il froidement. Aux dernières nouvelles, aucune nana ne se plaint de mon manque de délicatesse, pour preuve, elles en redemandent... et tu es aux premières loges pour l’entendre, pourtant, Shaw.

Mais quel connard arrogant, bordel, je le hais ! Je bougonne de plus belle, il me fait chier !

— T’as pas répondu à ma question, elle te plaît ou pas la caisse ? me lance-t-il en faisant crisser la gomme des pneus sur le goudron de la cour.

C’est alors que mon cerveau, à demi opérationnel, intègre ce que vient de me balancer Jay.

— Tu veux dire qu’elle est vraiment pour moi ? Hystérique, je continue sur ma lancée, sentant l’adrénaline déferler dans mon corps. Cette Mini Cooper S JCW est à moi ?

— Ouais c’est bien ce que j’ai dit. dit-il en me gratifiant d’un sourire provocateur.

— Waouh.... Mais c’est tout bonnement impossible, cette bombinette est d’une rareté absolue ! Il en existe seulement deux milles sur tout le marché européen... mais comment est-ce possible Jay ? énoncé-je, ébahie.

Si je n’étais pas retenue par ma ceinture de sécurité je lui sauterais sur les genoux !

— Ouaip ! Elle est bien à toi, tu ne rêves pas et pour ce qui est de la rareté, tu remercieras mon paternel. Il s’est donné un mal de chien pour te la faire importer.

— J’en crois pas mes oreilles ! C’est un truc de malade là Jay !

Ma joie est telle que sous le coup de l’impulsivité je dépose un baiser sur la joue de Jay qui est concentré sur la route. Par réflexe, il marque un temps d’arrêt, pile et me regarde en fronçant les sourcils, sans doute partagé entre la surprise et l’agacement. Son regard acier est troublant d’intensité. Il se veut menaçant et glacial, j’en frissonne. Devrais-je frissonner de peur ? Oui assurément ! Est-ce que je frissonne de peur ? Non absolument pas ! C’est même tout le contraire. Je crois n’avoir jamais autant eu envie de lui qu’en cet instant. Je tente de dissimuler mon trouble face à son regard pénétrant et mets la musique comme si de rien n’était. L’envoûtante mélodie de Jerome emplit le petit habitacle, cette bagnole elle est parfaite. Mon sang ne fait qu’un tour dans mes veines se mélangeant savoureusement à l’alcool ingurgité un peu plus tôt. La chaleur me monte aux joues, l’adrénaline me fait vibrer. Je ferme les yeux et cale mon corps bien au fond du siège Recaro. J’inspire profondément pour laisser toutes les sensations m’envahir de plaisir. Je me surprends à fredonner le refrain en remplaçant Jerome par Jason. Le vrombissement du moteur s’imprime dans mes reins, me collant de plus belle au siège. Je savoure ce moment hors du temps, me délecte de chaque frisson parcourant mon corps, le sourire accroché aux lèvres.

Je ne sais pas où nous allons, mais entre nous, la destination n’a pas d’importance comparée au voyage. Jay s’en donne à cœur joie, malmène la boîte manuelle, poussant, à chaque rapport, un peu plus la mini dans les tours. Nous ne faisons plus qu’un avec l’asphalte sous la gomme. Mon Dieu, j’aime tant cette divine sensation de liberté. Je me décide enfin à rouvrir les yeux. Nous avons quitté la ville. Je distingue les lumières vacillantes dans les rétroviseurs. Mon regard cherche celui de Jay, toujours imperturbable fixé devant lui.

— Tu m’emmènes où comme ça, Jay ? osé-je la voix rendue roque par mon silence.

J’attends patiemment sa réponse, mais elle ne vient pas. Je scrute attentivement l’environnement qui nous entoure. Ce n’est pas évident à l’allure à laquelle roule Jay, je ne distingue pas grand-chose, excepté du noir et des bois. Quand il donne un brusque coup de volant vers la droite pour s’engouffrer dans un petit chemin sombre et délabré. Je retente ma chance et repose ma question.

— Jay ? Tu veux bien me répondre s’il te plaît.

Ma voix est basse et légèrement chevrotante à présent. Je suis partagée entre l’excitation et un soupçon de pétoche quand même. Peu à peu, Jay ralentit la cadence. La mini nous ballotte dans tous les sens, le RAM de maman n’aurait pas été un luxe pour affronter ce terrain.

— Tu me fais confiance Rebelle ? me répond-il enfin.

Heu... bonne question est-ce que je fais confiance à ce bellâtre ? Oui aveuglément ! Mais Jay ne me laisse pas le temps de cogiter et arrête la Mini abruptement. Il se détache de la même manière et m’intime d’en faire autant. Puis sort de la voiture. Hébétée, je regarde autour de moi. Il allume une cigarette et tire nerveusement dessus en passant la main dans ses cheveux ébouriffés. Le malaise s’empare de moi. Elle était pourtant simple sa question ! Merde voilà que je l’ai foutu en rogne... je n’en loupe vraiment pas une avec ma maladresse. Il tape au carreau de mon côté et me fait sursauter de plus belle.

— Tu sors ou t’as décidé de dormir là ?

Je me ressaisis et le rejoins d’un pas mal assuré, ne comprenant pas bien ce qu’il attend de moi. Je me plante à quelques mètres de lui en attendant qu’il éclaire ma lanterne. Nous nous trouvons sur un terrain vague avec, pour seul vis-à-vis, une vieille bâtisse collée à une grange bordée d’immenses arbres. Je ressers mes bras autour de ma taille ne sachant pas quoi en faire. En plus j’ai l’air idiote avec cette robe dans un endroit pareil en compagnie de Jay. Je le regarde appréhendant la suite. D’où je me trouve, je ne le vois que de trois quarts et l’obscurité de la nuit ne me laisse peu entrevoir son visage. Il n’a pourtant pas l’air énervé, plutôt confiant et sûr de lui. Du grand Jay, tout l’inverse de moi. Mon regard continue de l’observer, j’admire la fluidité de ses gestes, cette aisance dans sa démarche. Il se tourne complètement vers moi, prend une dernière bouffée de nicotine et jette son mégot par terre. Sa démarche est féline presque prédatrice, son regard perçant bloque le mien. Mon cœur bat à cent à l’heure, ma poitrine se serre et mon entrejambe palpite en réaction à cet homme déstabilisant. Il est à quelques centimètres de moi, mon regard glisse sur ses lèvres pleines et gourmandes. Ma respiration est erratique et ma peau frissonne de nouveau. Son souffle caresse délicatement ma chair à vif alors qu’il suffirait d’un battement de cils pour qu’il me touche enfin. Il brise enfin le silence nous enveloppant.

— Tu n’as toujours pas répondu à ma question Shaw ? Me fais-tu confiance ma belle ?

Il prend bien soin de détacher chacun des mots de sa phrase et souligne celle-ci en glissant un doigt le long de mon cou pour finir sous mon menton. Il me relève délicatement la tête, ses yeux gris verrouillant les miens. Je déglutis péniblement et lâche un oui quasi inaudible. Il l’accueille en se léchant lascivement la lèvre inférieure, me laissant toute pantelante face à ce geste bourré d’érotisme. Bye bye petite culotte !

— Parfait ! Attrape ça et met toi derrière le volant, je te donne ta première leçon ! clame-t-il.

Ma première quoi ? Je n’ai pas le temps d’atterrir que Jay m’a mis dans la main la clef du bolide et se trouve déjà sur le siège que j’occupais à l’allée. Il a dû se rendre compte de mon flottement puisqu’il clarifie la situation.

— Ta première leçon de conduite, Schumi !

— Mais j’ai déjà eu mon permis de conduire Jay ?! l’informé-je bêtement.

— Oui ça, je sais ! Tu sais peut-être conduire, mais tu ne sais pas piloter ! lâche-t-il d’un petit rire sarcastique.

Jay qui rigole, alléluia ! C’est à marquer d’une croix sur le calendrier, ma parole je n’en reviens pas !

— Alors, ramène tes fesses ici.

Je m’exécute dubitative en haussant les sourcils.

— Tu vas voir, on va bien s’amuser Rebelle ! insiste-t-il en utilisant encore ce sobriquet.

Je n’en doute pas ! Je ne me déballonne pas, il ne sait pas combien je suis accro de ces petits bolides. Je tourne la clef dans le neiman puis mets le contact pour laisser place au bruit sourd et rauque très caractéristique du 1,6 L. Je jubile intérieurement. Mes rêves deviennent réalités ce soir.

— Tu sais passer les vitesses d’une boîte mécanique ? m’interroge mon moniteur fraîchement proclamé.

— Oui.

— OK...

Il paraît surpris que je sache déjà le faire, je ne vois pas pourquoi. S’il me connaissait mieux, il le saurait. J’attends mes seize ans depuis au moins quatre bonnes années. Et l’unique raison de cette attente ? Conduire un engin pareil ! Par chance, à l’auto-école où j’ai pris mes leçons de conduite, il y avait une Mustang en boîte mécanique. Habituellement, nous apprenons à conduire sur des automatiques, mais je ne voyais aucun intérêt puisqu’il était évident que je voulais être seul maître à bord de ces bolides.

— Bon bah montre-moi ce que tu sais faire... mais vas-y doucement sur l’embrayage, car la boîte est courte.

Parfait, je vais prendre un malin plaisir à le surprendre. Let’s go ! Ce terrain vague est une véritable aubaine, je démarre comme une furie et pousse mon jouet dans les tours. La sonorité des 218 CV est jouissive, un sentiment de liberté envahit mon âme. Je suis dans mon élément, je repousse mes limites au maximum, faisant grimper l’adrénaline ! Je lâche tout et tire un câble pour faire demi-tour et repartir de plus belle. Je suis récompensée par les cris de joie de Jay. Il n’en revient pas c’est clair ! Hé ouais, pas si coincée que ça la gamine, prends-toi ça dans les dents beau gosse ! Au bout de cinq minutes, je m’arrête enfin devant la vieille grange et sors comme une tornade de l’habitacle pour évacuer ce trop-plein d’exquises sensations. Jay m’imite, visiblement habité par la même frénésie. Un sourire sincère illumine son visage. Je sautille comme une gamine et crie à pleins poumons dans l’obscurité réconfortante de la nuit.

— Putain que c’était bon ça ! Je ne connais rien de semblable à cet effet Jay ! C’est tellement excitant ! m’égosillé-je de joie.

Mes yeux cherchent frénétiquement une lueur dans les siens, semblable à la mienne. Son regard s’embrase les faisant intensément briller. C’est à couper le souffle tellement il est beau. Je suis alors stoppée net dans mon élan d’euphorie. Les bras de Jay viennent d’enlacer ma taille pour me ramener contre son torse ferme, renforçant son étreinte davantage. Ma poitrine se tend sous son contact. Sa main libre glisse dans ma nuque, jusqu’à la base de mes cheveux. Il maintient une légère pression derrière ma tête, son pouce s’attarde sur ma mâchoire pour enfin venir caresser mes lèvres entrouvertes. Son toucher embrase mes sens, je suis comme habitée par un ouragan, je frissonne d’envie et de désir pour lui. Il lèche ses délicieuses lèvres, geste sonnant ma perte. Mon cœur explose dans ma poitrine se soulevant à un rythme diabolique. Je sens les pointes de mes seins se dresser de délectation. Les battements de mon cœur vibrent en écho avec mon entrejambe qui s’humidifie chaque millième de seconde un peu plus. Sa bouche gourmande s’abat sur la mienne. Oui !!!

Je suis comme tétanisée, je ne sais pas quoi faire, je n’ai jamais fait cela auparavant ! Arrête de paniquer ma fille ! Ce mec hante ton esprit nuit et jour depuis des années et est en train de te donner le plus beau cadeau d’anniversaire de la galaxie... alors, détends-toi, laisse-toi guider par ce bellâtre et prends ton pied ! hurle la voix de ma conscience.

Je lâche tout et agis sous l’instinct. Mes mains remontent dans ses cheveux avant de les tirer. Une plainte de complaisance sort d’entre ses lèvres. Il les ouvre et de sa langue, vient forcer le passage des miennes. C’est une divine torture, sa langue experte danse avec la mienne et me propulse dans une mer de délectation. Je ne m’en sors pas si mal, tiens le rythme effréné instauré par Jay en gémissant malgré moi d’appréciation. Son étreinte se fait encore plus étroite contre ma taille, mon corps est comme imprimé dans le sien. Ce n’est que lorsque mes jambes entrent en contact avec la carrosserie de la Mini que je me rends compte qu’il m’a fait reculer. Ses mains lâchent ma taille et mon cou pour attraper mes cuisses. Il me soulève comme si je ne pesais rien et me dépose sur le capot de la voiture ! Sans cesser de m’embrasser. Ses doigts glissent sur le tissu de ma longue robe, cherchant à faire le chemin inverse sous ce dernier. Il caresse habilement et tendrement mes jambes, me faisant frissonner de plus belle sur son passage. Sa poigne se fait plus ferme et écarte mes cuisses. Oh mon dieu ! Je ne crois pas être prête pour ça !

Les jambes écartées, Jay vient se loger entre celles-ci faisant remonter mon jupon à la lisière de ma petite culotte. Il m’incline sur la carrosserie en s’allongeant presque sur moi. Une de ses mains prend d’assaut mon sein et le malaxe lascivement. Je sens le fruit de son excitation collé à mon intimité, palpitant sous l’effet de son érection grandissante. Il dévore ma bouche, me suce, me lèche en frottant son membre contre ma lingerie complètement mouillée. S’il continue, je vais exploser, je suis une véritable bombe à retardement. La crise cardiaque me fait de l’œil... Pour une première expérience, l’adrénaline est au rendez-vous ! Je reviens vite fait sur terre quand le grognement rauque de Jay sort de sa poitrine. Il met fin à notre échange et se décolle net de moi. Il rompt froidement le lien invisible qui s’était insinué en nous, me glaçant du regard. Les sourcils froncés et les lèvres pincées retenant un chapelet de grossièreté, il extrait son portable de la poche arrière de son jeans.

— Ouaip !

Son ton est sans appel et de sa froideur habituelle. Il ne me quitte pas du regard, me mettant mal à l’aise. La température ambiante vient de dégringoler, la fraîcheur de la brise printanière, me glace les os, se mariant à la perfection avec le bleu glacier de ses iris et le rictus de dégoût qu’affichent ses lèvres. Elles bougent, mais je ne parviens pas à comprendre les mots qui en sortent. Bye bye, ma petite bulle de luxure. Welcome la dure réalité !

— En bagnole, on se casse ! crache-t-il avec dédain.

Je suis en état de choc et tremble comme une feuille.

— TOUT DE SUITE SHAW ! me hurle-t-il pour me faire réagir.

J’exécute son ordre et le rejoins. Je me sens comme la dernière des idiotes. Ce mec me souffle le chaud et le froid. Je suis incapable d’anticiper ses sautes d’humeur. Le chemin du retour se fait bien plus rapide que l’aller. L’atmosphère est pesante et Jay ne dessert pas les mâchoires tout du long, ne m’adressant pas même un regard. Je suis une nouvelle fois invisible à ses yeux. Ce sentiment me tord les boyaux, je suis à deux doigts de m’effondrer en un amas larmoyant. Non ! Il en est hors de question ! Je ne cèderai pas devant ce connard de beau gosse ! Nous arrivons enfin au Club, la fête en mon honneur, bat toujours son plein. Jay gare ma voiture et en sort comme s’il avait le feu aux fesses. Toujours aucune attention... Je suis transparente, je n’existe pas... je ne serais jamais rien pour lui...

Il court vers ses frères qui lui tendent, à la hâte, un verre d’alcool. Ce dernier l’avale cul sec, avant d’en remplir un second. Je suis spectatrice de la scène, encore assommée par son changement d’attitude face à la situation. Notre rapprochement. Merde, il regrette et a détesté ça ! Je le répugne ! Mais je n’ai pas vraiment le temps de m’apitoyer sur mon sort, car mes deux compères me sortent prestement de la Mini. Je ravale ma souffrance à la vue d’une friandise déjà accrochée au cou de Jay. Elle se frotte d’impatience contre son corps. Un sourire bestial étire ses lèvres quand il pose une main sur la fesse de sa connasse. Elle lui lèche le cou, passe une main sous son t-shirt tout en l’entraînant vers le club house. J’en n’en perd pas une miette, c’est plus fort que moi. Eva me donne un coup de coude dans les côtes en suivant mon regard. Je romps le contact visuel, inspire profondément et colle mon sourire parfaitement faux sur mon visage.

Quand j’ouvre les yeux, Jay a disparu... Chapitre 18

Jay

D’une démarche peu sûre de moi, je descends de ma Dyna et monte les petites marches du perron, avant de toquer au panneau de bois. Comme si elle n’attendait que moi, la porte s’ouvre sur Shaw. Les yeux rouges et le visage pâle, elle ne semble pas surprise de me voir là. J’avance une main vers elle, mais je n’ose pas la toucher, je ne veux pas la brusquer, m’imposer à elle. Shaw finit par me faire un minuscule sourire et une larme coule le long de sa joue. Je ne peux me retenir davantage, je fais un pas vers elle lorsqu’elle se jette dans mes bras. Shaw est ma famille, je dois la protéger et je m’en veux d’avoir joué au con à cause de ce qu’elle réveille en moi. Alors qu’elle pleure en silence, je la serre contre mon torse, mon visage dans ses cheveux, une main caressant son dos. Soulagé de la savoir là, près de moi, je la soulève dans mes bras, entre à l’intérieur de la maison et repousse la porte d’un coup de pied.

— Excuse-moi Shaw. murmuré-je à son oreille.

— Tu n’as aucune excuse à me faire, Jay…

Je la repose au sol et prends son visage entre mes mains. Impuissant face à la détresse que je lis dans son regard, je me décide à tourner la page, à faire ce qu’il fallait que je fasse dès le début.

— Notre guerre à deux balles m’épuise Shaw ! J’aurais dû être là ! J’aurais dû te protéger, protéger ma famille.

Pas un mot ne sort de sa bouche et de mon pouce, je chasse les larmes qui continuent de déborder de ses beaux yeux. Je comprends, à cet instant, combien j’aime cette femme, mais que cet amour est impossible. Les paroles de Fourth of July me poignardent le cœur tant nous les vivons et revivons inlassablement.

It was the fourth of July C’était le 4 juillet You and I were, you and I were fire, fire, fireworks Entre toi et moi, toi et moi, c’était comme le feu, feu, feu d’artifice I said I'd never miss you Je t’ai dit que tu ne m’avais pas du tout manqué But I guess you never know Mais j’imagine que tu ne soupçonnes même pas à quel point j’ai pu douter May the bridges I have burned light my way back home J’essaye de me convaincre que c’était la meilleure solution On the fourth of July Le 4 juillet

Ma rage revient au galop et mes pensées se tournent vers ce sale fils de pute qui a osé poser ses mains sur ma Shaw. Je vais le traquer, le retrouver et lui faire bouffer sa queue d’enculé.

— Qui ? Juste, dis-moi qui… lui demandé-je.

— S’il te plaît Jay, laisse tomber… ça n’en vaut pas la peine. murmure-t- elle la tête basse en fuyant mon regard.

— Arrête ça ! grogné-je en lui relevant le visage de l’index sous le menton. Qui ?

— Je ne peux pas te le dire, sans risquer la vie de Tara, la tienne et celle de tous les Death’s.

Je me recule d’elle comme si ses paroles venaient de me brûler semblable à de l’acide, la laissant pantelante. J’ai besoin d’un léger instant pour assimiler. À force de ronger mon frein, la maîtrise de moi m’échappe un court instant, assez pour que mon poing s’abatte contre le placo du mur à côté de Shaw. Elle sursaute d’effroi en lâchant un petit cri strident. Je m’en excuse et la supplie presque de me révéler l’identité de son violeur. Je distingue parfaitement les lueurs de terreur et de vengeance qui se mêlent l’une à l’autre dans son regard. Cette meuf et moi sommes faits du même bois… Je suis la glace et elle le feu… Shaw est ma faiblesse, mais ma putain de force !

— J’allais me prendre un verre avant que tu arrives, je t’en sers un ?

— Avec plaisir. répondé-je en la suivant jusque dans le salon.

Shaw me fait signe de m’installer sur le canapé, puis elle me rejoint avec nos deux verres et se pose sur le fauteuil face à moi, assise en tailleur.

— Je ne me suis jamais méfiée de lui et le considérais comme un ami. Il a toujours été gentil et bienveillant avec Tara et moi. Il m’a bien bernée.

— Tu dis qu’il nous a menacés.

Instantanément, son visage vire au diaphane, comme si un flash douloureux de cette maudite soirée lui revenait en mémoire. Elle ferme les yeux, inspire et expire profondément avant de me donner ce dont j’ai tant besoin.

— Tu dois savoir que c’est un homme difficilement atteignable, l’inspecteur Wolkoff a les bras longs, Jay. Il, enfin… quand… Elle secoue la tête vivement comme si le poids de son souvenir était trop pesant, mais poursuit.

— Il s’est vanté d’avoir une encyclopédie de preuves sur les affaires du club et que d’un claquement de doigts il aurait le pouvoir de vous envoyer à l’ombre pour un très long moment, si je ne lui obéissais pas… finit-elle par m’avouer en cachant son visage entre ses mains.

C’est donc un enfoiré de flic. Les trous du cul comme lui sont mes préférés ! Tellement imbus de leurs petites personnes, ils se pensent intouchables et tout puissants. Je vais me régaler de lui prouver le contraire. Il s’est attaqué à la mauvaise gonzesse et son erreur lui sera fatale ! C’est un homme mort ! Maintenant, reste plus qu’à mettre les gars sur sa trace, choper son cul, le ramener à la maison pour que je m’amuse un peu avec lui, moi aussi… Je me contiens et très sincèrement je ne sais pas comment j’y parviens. Certainement pour préserver Shaw, elle en a bien assez bavé comme ça.

— Ta force est époustouflante…

— Parce que tu crois que j’ai eu le choix ? Non… c’est marche ou crève dans la vie. Plutôt que de courber l’échine en attendant l’inévitable, je préfère marcher droit devant la tête haute.

Je souris à ses mots. En effet Shaw n’a jamais fait partie de celles qui s’apitoient sur leur propre sort en attendant que la tempête passe.

— T’as toujours été une dure à cuire malgré ta timidité évidente.

— D’où le surnom que tu m’as donné…

— Il te va à la perfection, Rebelle.

Son visage s’illumine d’un sourire à me faire louper un battement de cœur. Je ne saurais dire quoi, mais quelque chose vient de changer entre nous. Peut-être que cette histoire est ce dont nous avions besoin pour rendre les armes et cesser une bonne fois pour toutes ce bras de fer entre nous. Je la contemple poser ses lèvres sur le verre fin et prendre une gorgée de vin rouge. Je me sens soudain très à l’étroit dans mon caleçon. Me voilà revenu, en une œillade, à l’adolescence. Shaw a toujours eu cet effet sur mon corps. Je prends à mon tour une rasade de whisky et tente de réfréner mes ardeurs.

— Je suis fatiguée, moi aussi, de jouer au chat et à la souris, commence-t- elle.

— Tu m’as manqué durant toutes ces années. Je t’en ai voulu, un certain temps et puis la rancœur s’est envolée quand j’ai compris qu’elle n’avait jamais été contre toi. Plusieurs fois j’ai eu envie de t’appeler, mais la peur que tu me détestes toujours me paralysait.

— Je ne t’ai jamais détesté Shaw !

— Ce n’est pas l’impression que tu donnais et puis tu voulais que je parte. se justifie-t-elle.

Je me relève, marche dos à elle vers la bibliothèque, m’apprêtant à faire la chose qui me terrifie depuis très longtemps, lui dire la vérité. Face aux livres, mon regard s’arrête sur une photo d’elle et de Tara.

— Je me suis toujours montré froid avec toi pour te décourager de m’approcher.

— Ça n’a pas du tout fonctionné. Alors pourquoi Jay ?

— Je n’ai jamais réussi à te voir comme ma petite sœur, confessé-je. Je ne voulais pas prendre soin de toi, ni t’aimer comme un frère l’aurait fait. J’étais jeune et pourtant j’ai vite compris que tu serais ma faiblesse, tu avais déjà cet ascendant sur moi.

***

Shaw

Assise dans mon canapé, mon regard suit Jay. J’ai le sentiment d’avoir retrouvé celui que je considérais, malgré tout, comme mon ami. J’ai sous les yeux le vrai Jason Lang, celui qui malmenait mes sens et ma raison. Qui malmenait, ou qui malmène toujours ? Cette question, je me la pose depuis notre baiser. Il a installé le doute dans ma tête soulevant un flot de questions à son égard. Le choc de ces dernières heures m’a fait prendre conscience d’une chose : Jay compte pour moi. Sa révélation me donne un peu d’espoir pour la suite, je la vois comme une porte ouverte. Je voue une lutte acharnée contre moi-même depuis beaucoup trop longtemps. Et pour être tout à fait honnête, l’affection et la tendresse que je ressens à cet instant pour lui réaniment doucement mon cœur défaillant. Je veux Jay dans ma vie même si je ne suis pas certaine que nous arriverons un jour à nous apprivoiser.

— C’était réciproque Jay.

— Est-ce que ça l’est toujours ? demande-t-il en se retournant.

Intimidée, je relève avec lenteur mon regard jusqu’au sien. Nous avons tous deux conscience que ma réponse risque de changer la donne. Que dois-je faire ? Continuer à nier et me cacher ? Ou revendiquer ce que je ressens et désire ? Je respire un bon coup et me lance :

— Oui, même si j’ai souhaité des centaines de fois ne jamais avoir croisé ton chemin. Ça a toujours été toi, Jay.

— As-tu une idée de quel genre d’homme je suis ?

Je souris à sa réplique et sans le quitter des yeux, je me redresse et lui tends la main. Jay franchit les quelques pas qui nous séparent avant que nos doigts s’enlacent. Je me retiens de frémir au contact de sa peau rugueuse et brûlante. Bien sûr que j’ai une idée de quel homme il est. C’est un homme qui n’a pas peur de risquer sa vie pour protéger sa famille. C’est un homme qui fera tout pour laver mon honneur. C’est un homme qui va trouver cet enfoiré de Dimitri et le tuer.

À présent, l’étau dans ma poitrine est plus léger, l’impression de partager ce fardeau avec lui laisse la place à des sentiments que j’ai voulu garder au fond de moi. Là, à cet instant, je me sens plus forte que jamais. Je relève la tête, il pose sa main sur ma joue avant que ses lèvres se fondent aux miennes. Il m’embrasse avec une douceur jusqu’alors inconnue. Notre baiser s’intensifie, j’essaie de tenir le rythme qui monte crescendo quand un flashback de mon agression me submerge. Je me dégage avec force de Jay, complètement ensevelie sous le poids de mon cauchemar.

— Ce n’est que moi Rebelle ! annonce-t-il en levant les mains de part et d’autre de son corps.

— Oui je sais... tremblé-je, excuse-moi, j’ai aucun contrôle là-dessus.

— Chut... calme-toi, je vais te prendre dans mes bras, OK ?

Je n’arrive qu’à hocher la tête. Une fois dans ses bras, mon cœur et ma respiration s’apaisent.

— Merci.

— Tu te sens mieux ? demande-t-il, sans pour autant relâcher sa prise.

— Oui. Ça finira par passer, ne t’inquiète pas.

Je me dégage légèrement pour voir son visage et ne suis pas surprise à la vue du masque de glace qu’il arbore. Je le supplie du regard de revenir à moi et ne pas laisser ma maladresse gâcher cette bulle hors du temps qui nous encerclait.

— Tu sais que je vais le tuer, je t’en fais la promesse Shaw. Ce flic est un homme mort ! crache-t-il faisant son possible pour contenir sa rage.

Je me love contre lui et caresse sa joue en lui souriant.

— Je sais Jay, je sais… Dix ans auparavant…

Jay

Le soir de ses seize ans, j’ai vu rouge quand mon meilleur ami, Andrew, l’a accostée. Ce dernier n’a jamais caché son attirance pour ma demi- sœur. Mais à ce moment précis, c’en est trop pour moi. Son attitude ne trompe pas, il a l’intention de la séduire. Je réagis sous le coup de l’impulsivité, je veux éloigner Shaw le plus loin possible de mon ami. Et quel meilleur prétexte pour détourner son attention de Andrew, que de lui proposer un tour de Mini ! C’était évident qu’elle ne refuserait pas, bien trop accro aux bagnoles. En y repensant, c’est assez troublant cette passion pour les voitures.

Bref, tout le long du chemin, j’ai réussi à maîtriser, le chasseur en moi. Elle est tellement belle, putain ! Dans sa longue robe beige et son décolleté de ouf, mettant en valeur sa délicate poitrine. Son parfum, son rire, sa voix, tout dans le petit habitacle de la caisse me hurle de lui sauter dessus. Jusqu’à sa provocation non dissimulée quand elle fredonne sa petite chanson. Elle me veut elle aussi !

Shaw me fout sur le cul en prenant le volant de la Mini, cette nana conduit comme un mec. Une vraie tête brûlée, shootée à l’adrénaline. C’est à cet instant que je perds les pédales. Le bug cérébral total, laissant mes pulsions bestiales aux commandes. J’ai signé mon arrêt de mort ce soir-là. En m’emparant de ses divines lèvres. À la surprise envahissant son corps, ça doit être la première fois pour elle. Mon excitation est à son comble en sachant être le seul à avoir l’honneur de cueillir ce fruit défendu. Oui un bel enfoiré ! Je bande rien qu’en y repensant !

Par chance, je suis sauvé par le gong. Me rappelant à l’ordre avant de faire une connerie monumentale. Oui j’ai envie d’elle, oui elle m’obsède. Mais je ne la veux pas comme ça. C’est Shaw merde ! Je me suis comporté comme le premier des bâtards. Je me dégoûte. Sans ce coup de téléphone, je l’aurais certainement prise comme une putain de friandise sur le capot de sa bagnole. Pas très glamour pour sa première fois.

Je coupe court à mon délire. La vue de ses jambes fines et laiteuses découverte sous sa jupe remontée à la taille me fait l’effet d’un coup de batte de baseball dans le bide. Mais qu’osais-je lui faire ? Je suis en colère contre moi, contre elle aussi, pour cette facilité à me déstabiliser. Je me sens comme un moins que rien. Je ne suis pas assez bien pour elle, ni à l’époque ni maintenant. Je dois m’éloigner d’elle, l’attraction de mon corps sur celui de Shaw est trop intense.

J’ai fui aux bras de la première pétasse prête à assouvir mes pulsions sexuelles. Ce soir-là, j’ai dû baiser au moins quatre fois cette meuf. Mais une seule avait toute mon attention dans ma tête. Shawna Ford. Aberrant de voir à quel point le scénario se répète.... Chapitre 19

Une semaine plus tard.

Shaw

Je viens de déposer ma puce à l’école et depuis peu, j’ai pris l’habitude de boire mon café en musique dès mon retour à la maison. In my arms de Grysfoflk à fond, je me délecte du moment présent et j’en profite pour fredonner quelques strophes dans une justesse toute relative.

I feel we're falling away Je sens que nous tombons au loin You got me hoping for a miracle Tu m’as espéré un miracle Give me one more day Donne-moi un jour de plus Let me hold you in my arms, yeah Laisse-moi te prendre dans mes bras, yeah Let me hold you in my arms Let me hold you in my arms Let me hold you in my arms Let me hold you in my arms

Darlin' are you with me? Bébé es-tu avec moi ? I hear you crying but there's no tears J’entends tes pleurs, mais il n’y a pas de larmes Feel we're riding in the backseat Sens-tu que nous faisons marche arrière Nobody wants to take the wheel Personne ne veut prendre les commandes

Tout cela me procure un sentiment de bien-être et d’apaisement. Comme si, en un claquement de doigts, toute ma vie avait basculé dans le monde des Bisounours avec son lot de bonnes nouvelles. Ça fait une semaine que Jay reste avec moi pour me tenir compagnie. Il a enfin déposé les armes à mes pieds, afin de me laisser l’atteindre comme je l’ai toujours désiré secrètement. À tout moment notre idylle peut prendre fin, alors, je m’y accroche aussi solidement qu’il m’est possible. Nous avons besoin de rattraper les années perdues à s’éviter. À défaut de laisser nos corps s’exprimer, nos langues, elles, le font. Nous sommes devenus champions du monde en roulage de pelles, ça c’est une certitude, mais pas seulement.

Nous parlons énormément. Chacun à tour de rôle, nous nous dévoilons. Je lui ai confié les sentiments contraires que j’avais nourris pendant toutes ces années loin de lui, mais aussi ceux lors de mon retour dans cette petite ville. Nos retrouvailles, nos chamailleries, nos confrontations, autant de combats inutiles et tout juste bons à nous faire enrager. Mais surtout l’amour incontrôlable et proche de la folie que je lui voue. Lui, ne s’épanche pas des plombes sur ce qu’il ressent. Jay n’est pas du genre à virer romantique et tout le bordel. C’est un homme, un vrai, brutal et doux à la fois, honnête et bourré de secrets, bienveillant et vulgaire, docile et bestial… un biker de MC ! Donc inutile d’attendre des mots doux à la con… Il me donne ce dont j’ai besoin pour avancer la tête haute, main dans la main avec lui. Je suis sa régulière. Jamais ce titre n’avait tant fait écho en moi auparavant.

Quand je suis devenue la propriété de Andrew, l’idée d’incarner la « chose » d’un homme me révulsait profondément. Je voulais être considérée et respectée pour la personne que j’étais et non pour la fille DE et encore moins la régulière DE. Néanmoins, il m’a fallu plusieurs années avant d’avoir conscience que ce n’était pas tant la forme, mais bien le fond qui me posait un problème. Donc régulière, pourquoi pas, cependant pas de cet homme-là…

Aujourd’hui, plus âgée, mature et réfléchie, j’adopte et apprécie à sa juste valeur ce prestigieux titre tant convoité et pourtant si rarement donné. Quand il m’a appelée par mon titre référant sa propriété, mon attachement et engagement envers lui, j’ai bien cru que mon cœur allait exploser dans ma cage thoracique. J’aurais tant aimé le remercier comme il se doit de cette offrande. Malheureusement, même si je le désire de tout mon être sans parler de mon corps frissonnant au moindre de ses contacts, je ne suis cependant pas certaine d’être prête à passer à l’acte. Tachas, la collègue d’Éva, m’a auscultée et conseillée de laisser passer une dizaine de jours pour permettre à mon intimité meurtrie de se remettre au mieux. De son côté, Jay est d’une patience absolue. Il prend soin de moi et malgré son envie bestiale de me dévorer, il préfère attendre que je sois prête sans jamais me forcer la main. J’ai tellement besoin de lui, ses baisers et ses caresses éliminent chaque jour un peu plus les sensations et les souvenirs obscènes laissés par mon violeur. Je le sais, je le sens tout au fond de moi, seul Jay pourra me réparer.

***

— Le responsable actuel ne désire plus s’investir dans ce night-club, vous jugerez par vous-même, mais il y a un véritable potentiel. Je pense que ce lieu pourrait vraiment coller à vos attentent madame Anderson. me déballe l’agent immobilier.

Je le regarde en ne laissant paraître aucune émotion particulière. Cet endroit me plaît fortement, cependant pas la peine de l’informer de mon intérêt, je me méfis comme la peste de ces vautours d’agents.

— Ça explique la longue liste de travaux de rénovation à prévoir. L’espace est intéressant, néanmoins on se croirait dans un squat pour toxico… si vous voulez que l’on fasse affaire il va falloir revoir le prix de vente compte tenu de son lamentable état. lâché-je avec désinvolture.

Je continue mon introspection sans un seul regard pour Nicolas, l’agent en question, contacté deux jours auparavant. Depuis mon retour dans la ville m’ayant vue grandir, un projet trotte dans ma cervelle. Je me retrouve sans emploi et je ne sais rien faire d’autre à part du relationnel. J’ai donc pris la décision d’ouvrir un night-club. Rien d’original, cependant, Le Carmen aura plus d’une flèche à son arc. Je souhaite en faire un lieu de volupté et de jouissance où seul l’esprit de chacun est sa propre limite.

La salle principale se composera d’un immense bar, d’une piste de danse et d’une grande scène, le tout encerclé de petites tables rondes et de banquettes intimistes. La clientèle sera triée sur le volet. Je proposerai, en première partie de soirée, des shows dans un style cabaret avec différents thèmes axés sur le délice de la chair et la luxure. Une fois terminés, les danseurs chaufferont la piste de danse en mettant en confiance les hôtes.

En quelques sortes une boîte de Pandore s’ouvrira à eux. Chaque pièce aura le thème de leur choix. Le paradis du fantasme, tout sera mis en scène pour satisfaire au mieux les envies et les pulsions sexuelles de chacun. De ce fait, je détiendrais un point de pression sur ces personnalités influentes, car bien évidement l’établissement sera doté de caméra derniers cris totalement invisibles à première vue. Honte à moi ! Je vais filmer tout ce beau monde dans des situations, plutôt embarrassantes ! Parfait ! Jean Dufaux disait « Donne au peuple du pain et des jeux et il ne se révoltera pas » moi je rajoute qu’en plus de ça il te mangera dans la main et te sous-estimera. Ça permettra de protéger mes arrières et un atout de plus dans la manche de Terry. L’idée a fait mouche chez le Prez des Death’s. Il est le premier à qui j’ai soumis mon projet et il m’a encouragée à aller jusqu’au bout. Je n’aurai aucun problème pour acquérir cet endroit, Terry a les mains très longues, sans compter sur certains de ses « amis » lui en devant une. Tout ça tombe à pic pour moi et Le Carmen. Il m’a également assuré avoir son soutien plus la protection du Club, juste au cas où.

— Je pense qu’une baisse de tarif est tout à fait envisageable. Je reprends contact avec vous rapidement, madame Anderson.

— Entendu, mais soyez très rapide, le temps c’est de l’argent, Nicolas… lui rappelé-je en serrant sa main tendue pour le saluer.

***

Ayant encore pas mal de temps devant moi avant d’aller récupérer ma fille à l’école, je profite de cette petite liberté pour rendre visite à maman. Son retour de l’hôpital remonte à quelques jours et même si Terry ne la lâche pas d’une semelle, je veux m’assurer qu’elle n’a besoin de rien. À mon arrivée, mon beau-père est en grande discussion avec Bill et Brady, en train de boire des bières dans la cuisine.

— Salut les gars, il n’est pas un peu tôt pour boire ? les taquiné-je gentiment.

— Salut gamine. me salut mon beau-père avant de se lever pour me serrer dans ses bras massifs.

Je m’attarde un court instant sur son regard paisible malgré l’état de santé de maman plus tous les tracas que véhicule le Club. J’embrasse Bill puis m’approche naturellement de mon meilleur ami qui m’esquive en se relevant rapidement en lâchant un « je vais pisser ». J’en profite pour me servir un café au lait d’amande avant de rejoindre les deux anciens à la table.

— Comment tu te sens Shaw ? me demande Bill, penaud.

Voilà bien le genre de conversation que je voulais éviter, mais de toute évidence, impossible.

— Je vais, j’apprends à vivre avec… mais merci de t’en soucier Bill.

Il me gratifie de leur sempiternel haussement de menton et j’en profite pour changer rapidement de sujet.

— Comment va Vicky, T ?

— Bien, ma fille, elle se repose là. Elle passe son temps à pioncer à cause de la dose de cheval d’antidouleurs que lui a prescrite son chirurgien, mais, au moins, elle ne souffre pas.

— Ouais je me doute. On est là, tu le sais daddy ? tenté-je de le réconforter.

— C’est la même pour toi gamine ! Les gosses sont sur le cul de ton enfoiré de flic.

Sa révélation me touche en plein cœur. Je ne devrais pas me réjouir de la suite des évènements, mais ne peux m’en empêcher. Je ne trépigne pas de joie à l’idée que les gars se frottent à ce connard de Dimitri, car j’ai de plus en plus le sentiment que ce dernier est la face visible de l’iceberg. Après tout ce temps d’absence, je reviens avec des valises pleines de merdes. Comme si le Club n’en avait pas déjà assez comme ça à gérer sans les miennes.

— Et tu sais à quel point ton frangin, Al et Vic sont doués avec l’informatique. Ces petits cons arrivent à te dégoter n’importe quoi, n’importe quand. renchérit Bill. Ces gosses ne tiennent vraisemblablement pas de nous, dit-il en donnant un coup de coude à son Prez.

Terry et Bill continuent d’en rajouter tout en se marrant d’eux ou de leurs fils respectifs. Cependant, un sentiment nouveau me bouffe. Une multitude de questions, toutes plus anxiogènes les unes que les autres, s’entrechoquent dans ma cervelle en ébullition. Et s’ils étaient blessés ? Pire s’ils ne s’en sortaient pas ? Et si ce fils de pute de Dimitri m’arrachait ma famille ? Que ferai-je ? Si je le pouvais, j’étriperais ce fumier de mes propres mains. Mais soyons réalistes, je n’ai même pas eu la capacité de l’empêcher d’abuser de moi.

C’est à ce moment où Brady réapparaît pour se vautrer sur la chaise qu’il occupait. Son geste a le mérite de me ramener sur terre. Quand mes yeux se posent sur lui, je reste bouche bée devant les coups encore visibles sur son visage. La vache, celui qui lui a fait ça n’y est vraiment pas allé de main morte ! Bon dieu, je suis choquée à la limite de recracher ma gorgée de café.

— Merde Brady, ta tronche ?! Qui t’a fait ça ? Comment vas-tu ? lui balancé-je.

Il me répond avec un rire sans joie avant de me regarder droit dans les yeux, un rictus narquois étirant ses lèvres cachées par son imposante barbe.

— Demande à celui qui passe ses nuits dans ton lit. me défit-il d’un ton amer.

Nerveusement mes yeux scrutent nos deux aînés, toujours en train de se fendre la poire au sujet de je ne sais quoi. Soulagée qu’ils n’aient pas été témoins des allusions à peine voilées de mon ami, je m’approche plus près de lui et lui demande froidement de développer.

— Je lui ai tout balancé… comme tu dois t’en douter, il a pété les plombs sur moi, me précise-t-il en montrant d’un geste théâtral son visage boursouflé. Puis une fois calmé il est venu te rejoindre.

C’était à prévoir, Jay avait trop bien pris la nouvelle de mon viol. Son calme était quelque peu déstabilisant, mais, pour une raison qui m’échappe, me réconfortait. J’avais besoin de cette accalmie et l’en remercie malgré tout. Ceci dit j’aurais préféré qu’il s’abstienne de prendre pour un punchingball la poire de mon ami. Brady se lève et me fait signe de le suivre sur la terrasse en sortant une clope de son paquet. Je lui emboite le pas, curieuse d’en apprendre plus sur cette sordide histoire.

***

Depuis ma conversation avec Brady, je suis une véritable pile électrique. Incapable de me concentrer sur quoi que ce soit, j’ai même du mal à me centrer sur Tara et ce qu’elle me raconte. Pourtant, ce sont les seuls vrais moments de paix que j’ai depuis que je suis ici.

Après dîner, je couche Tara dans son lit et la borde quand elle me supplie de rester près d’elle.

— Maman tu peux me raconter mon histoire ? me demande Tara, les yeux pétillants d’étoiles.

— Encore Coco ma chérie ?

— Ah ouiii ! Je l’aime trop de trop mamoune… se réjouit-elle.

Oui ça, je le sais ! On a bien dû voir le dessin animé une centaine de fois, sans compter les innombrables histoires du soir. Mais peu importe, je m’exécute avec plaisir.

— Tu crois que si moi aussi je pars dans le monde des morts je verrais mon papa là-bas ? m’interroge-t-elle.

— Très sincèrement je n’en sais rien ma chérie… il y a tellement de choses que nous ignorons. Et encore plus quand il s’agit des personnes parties au ciel. hasardé-je.

Malgré ma réponse peu tangible, Tara semble convaincue pour le moment. Ma fille est tellement innocente et joyeuse que je m’efforce d’être la meilleure gardienne pour maintenir son bonheur. Dire qu’elle souffre du manque de son père est complètement exagéré, car elle ne l’a jamais connue, ni même eu un papa de substitution. C’est davantage l’image masculine qui l’intrigue par rapport à ses camarades de classe.

— Tu crois que tonton Jay voudrait bien être un peu mon papa ? Pas tout le temps, mais des fois quand je suis triste ou quand je me fais mal ? demande-t-elle.

— Heuuu… pourquoi tu me parles de Jay ma puce ? la questionné-je bêtement.

— Bah parce qu’il fait souvent dodo à la maison avec toi et moi je l’aime beaucoup. dit-elle simplement comme si c’était l’évidence même.

— Et comment tu sais ça, ma petite fouineuse d’amour ?

— Quand je vais faire pipi, je prends ma veilleuse parce qu’il fait tout noir dans le couloir. Tu vas pas me rouspéter, hein maman ?

— Non chérie, vas-y dis-moi. la rassuré-je.

— Je suis venue deux fois dans ta chambre, j’avais un peu peur et je vous ai vu tous les deux. glousse-t-elle derrière sa petite main.

Je l’imite, amusée. Décidément, les enfants savent tout sans vraiment s’en rendre compte. Je lui fais un dernier câlin de bonne nuit, avant de quitter sa chambre de princesse. Mary est déjà arrivée et attend tranquillement dans le salon en observant les nombreux romans qui abritent la grande bibliothèque.

Eva ressemble beaucoup à son père, Klash, quant à Mary c’est le portrait craché de Dana. La petite sœur de ma meilleure amie a toujours été d’une timidité presque maladive, au quotidien, elle paraît effacée et est toujours silencieuse. Mais quand elle est avec ma Tara, c’est une tout autre personne, une gamine épanouie et resplendissante. Je n’aurais pas pu espérer meilleure nounou pour Tara et étant donné mes projets professionnels, savoir Tara sous la surveillance de Mary me rassure énormément.

— Ne te gêne pas Mary, prends celui qui te fait de l’œil.

— Merci Shaw ! Tu en as tellement, je ne sais plus où donner de la tête, me dit-elle en souriant.

Elle finit par retirer un livre de son étagère : La rose des vents d’Isla A.

— Excellent choix.

— C’est dans ce livre qu’on a affaire à un connard arracheur de cœur ? me demande-t-elle les pommettes légèrement rosies.

— En effet c’est bien ça, impossible d’en sortir indemne ! ricané-je. Mais tu sais, les impressions sont parfois trompeuses, surtout en matière d’homme.

— Ouais bah ça, ça reste à voir ! lâche-t-elle d’un air désabusé.

Puisque cette andouille de Jay n’a pas jugé bon de répondre à un seul de mes coups de fil, ni même aux innombrables SMS envoyés suite à ma discussion avec Brady, je déboule donc, prête à en découdre avec l’idiot faisant battre mon cœur. Brady m’a pourtant fait promettre de ne pas rappliquer au Club ce soir, ni même à chercher à avoir des réponses sur la nature du pétage de plombs de Jay envers Brady. Je ne suis pas sans savoir qu’à leurs yeux cette histoire ne me regarde absolument plus. Mais voilà, ils se trompent amèrement s’ils croient que je vais rester dans mon coin comme une gentille petite victime. Niet ! Je ne veux pas être mise sur la touche, pas cette fois, c’est bien trop personnel.

J’ai accepté d’être sa régulière, mais je ne suis pas pour autant une potiche ! Une putain d’équipe, voilà ce que nous sommes. D’autant plus quand il en vient aux mains avec un de ses frères, par ma faute. Je me gare à l’arrache et sors avec perte et fracas dans la cour du Club. Seulement quelques bécanes sont présentes. Celles d’Al, Brady, Jeremy, Joey, Mal, qui malgré les réticences du docteur remonte sur son bolide. Et bien sûr la Dyna de Jay. La fine équipe quoi.

J’entre à l’intérieur et tombe sur mon meilleur ami assis au comptoir du bar. Quand il me voit, il bondit sur ses jambes en me fusillant du regard.

— Putain, Shaw, tu fais quoi là !? rugit-il fou de rage.

— Je viens voir Jay… ce n’est pas interdit que je sache !? le défié-je.

À ma hauteur, il s’arrête en croisant les bras sur son imposant torse en signe de mécontentement. Mais je m’en contrefous, Brady ou pas, personne ne m’empêchera d’en découdre avec mon mec ! Alerter par nos éclats de voix, Malonne et Jer nous rejoignent dans la grande pièce. Eux non plus n’ont pas l’air ravis de me voir ici. Mais c’est quoi leur putain de problème ce soir ?

— Poussez-vous de mon chemin, je dois voir Jay !

— Non Shaw, pas maintenant et pas ce soir… il ne vaut mieux pas. m’avertit mon petit frère dans une tentative maladroite.

— Et pourquoi ça ? m’offusqué-je, agacée.

Je prends ma pause « pétasse » en le provoquant à la limite de l’hystérie. Mon frangin déglutit, vraisemblablement gêné de mon attitude, mais j’en ai que faire. Je soupire d’exaspération, juste au cas où il ne se serait pas aperçu de mon agacement profond.

— Shaw pour une fois, s’il te plaît écoute ce qu’on te dit… laisse tomber pour ce soir, Jay n’a vraiment pas la tête à gérer un de vos mythiques matchs de ping-pong ! me menace-t-il avec conviction.

— Rien à foutre, ôte-toi de mon chemin Malonne… lui ordonné-je.

— Shaw, non ! s’interpose Brady en se positionnant devant la porte de la cave.

Furieuse je repousse mon petit frère avec la grâce d’un rugbyman avant de me précipiter vers le sous-sol. J’ouvre violemment la porte, la faisant claquer contre le mur adjacent. Je dévale les marches de l’escalier métallique pendant que les gars me somment de ne pas y aller, de remonter et d’attendre Jay. Ils sont derrière moi, mon audace en est presque jouissive. Mais mon entrain retombe comme un soufflet à l’instant où mes yeux plongent dans deux mers glacées. Je me stoppe et fais même un pas en arrière, face à l’inconnu qui se trouve devant moi et qui a pris possession de l’homme que j’aime. Dix ans auparavant…

Jay

Les jours suivants sont durs à encaisser. Shaw est blessée par mon attitude et mon manque d’attention envers elle. Je l’évite clairement, la limite a été franchie. Le peu de volonté encore présente en moi pour ne pas déraper davantage est en train de se fissurer un peu plus à chacun de ses regards pour moi. Elle va mal, mais reste digne, mettant à mal ma ténacité de lui échapper. Je cumule les plans cul en ramenant une nouvelle meuf tous les soirs, m’arrangeant pour que Shaw soit témoin, d’une façon ou d’une autre, de ma débauche. Devenant encore plus mesquin chaque jour. Elle doit lâcher prise et abandonner l’idée d’elle et moi. Elle est en train de tomber amoureuse, et ça, je ne peux pas l’accepter.

Effectivement je ressens des choses pour elle. C’est pourquoi je n’ai pas le droit de lui prendre ses espoirs de vie amoureuse normale. Shaw représente la pureté et moi les ténèbres. Même si les circonstances étaient différentes, les qu’en-dira-t-on ne nous épargneraient pas. Aux yeux de beaucoup, notre relation serait incestueuse, même s’il n’en est rien et pour cause, Shaw est la fille de Vicky, l’épouse de mon vieux, faisant de moi son demi-frère. Je peux supporter d’être traité et regardé avec dégoût, mais pas elle, ça la bousillerait. Donc je me dois d’endosser le rôle du parfait enculé, pour la protéger de moi et la repousser. Jusqu’à ce qu’elle cesse de m’aimer.

J’ai eu la brillante idée de mettre mon ami Andrew dans les pattes de Shaw. Ce dernier est partant, ça fait quelque temps qu’il tourne autour du pot. Sachant pertinemment qu’il la veut elle et mon autorisation de grand- frère, sur le papier, l’idée est fabuleuse, c’est clair comme de l’eau de roche. Il se rapproche d’elle, l’apprivoise pour enfin la séduire. Leur idylle naissante n’est pas au goût de tout le monde. Si Eva, la fille de Klash, semble s’en réjouir, Brady, lui paraît tendu et envieux, ne voyant pas d’un très bon œil leur rapprochement. Je plains mon pote, il n’a jamais eu aucune chance avec Shaw, elle ne le voit même pas. Chaque jour, je me fais violence pour laisser de la place à mon meilleur ami. Malgré ça, je les garde tout de même à l’œil, soucieux du bien-être de ma petite Rebelle. Comment je tiens le coup ? Je sais combien mon pote considère et kiffe vraiment Shaw. Il en est mordu lui aussi et désire son bonheur. C’est un gars bien, mon meilleur pote.

Je suis à longueur de temps tiraillé entre le soulagement et l’affolement. Seuls remèdes à toutes ses conneries, le boulot et le Club. Je me jette dans ces derniers corps et âme pour oublier et empêcher mon cerveau de faire des conneries. Depuis mon plus jeune âge, je suis habité par le démon de la mécanique entre autres. Mon domaine de prédilection : les bécanes et de préférence, les Ricaines. Ma mélodie préférée : le rugissement des cylindres. Mes odeurs préférées : celle de l’essence et de l’huile. Mes sensations préférées : être libre et tout puissant quand je chevauche ma bécane. De cette façon les liens pères et fils se sont renforcés, pour mon plus grand plaisir. J’ai toute son attention et son estime. Même s’il n’en dit rien, je vois distinctement la lueur de fierté dans ses yeux de père. Ce qui pour beaucoup aurait été une complication d’avoir, en son paternel, deux visages, celui de géniteur et celui de Prez, confortent mes choix de vie. Je souhaite plus que tout au monde, porter fièrement les couleurs du Club. C’est un besoin viscéral ! Le Club fait partie de moi et pas juste une petite part. Chaque jour je confie ma vie entre les mains, digne d’une confiance aveugle, à mes frères. Je suis né pour être un Death’s Falcons et rien ni personne ne pourrait changer ça.

Je suis un pur produit du Club !

Un mois s’est écoulé depuis la soirée d’anniversaire de Shaw. Mon année de prospect touche à sa fin et j’arbore dignement mon tri patchs, tout fraîchement brodé sur mon cuir. Ça y est, j’y suis, je fais partie intégrante du Club. Putain j’ai attendu ce jour toute ma vie ! Mon Club ! Mon titre de fils du Prez et digne hériter, ne m’a pas donné le droit à des traitements de faveur. Bien au contraire. Les First ont été plus rudes avec moi. Ils disent que je suis une putain de tête brûlée dotée d’une sacrée paire de couilles. Ça, c’est du compliment ! Jusqu’à maintenant j’ai toujours vécu comme si je n’avais rien à perdre. C’est ce qui indique notre taux de dangerosité. Plus tu as à perdre plus tu as peur de perdre. Me concernant, tout peut s’arrêter demain, j’en suis pleinement conscient et en accord avec ça. C’est la raison pour laquelle, personne ne me dicte ma putain de conduite ! Je suis un électron libre, taré sur les bords. Je ne dois rien à personne, ne promets jamais rien et vis chaque jour comme si je n’allais pas en voir la fin. Les seules personnes à qui je dois tout, ce sont les membres de mon Club, mes frangins.

Le Club à la vie à la mort Chapitre 20

Jay

Quand Mal m’a passé ce coup de fil à l’aube, j’ai vu rouge. Impossible de calmer mon esprit d’hyperactif, tout en moi est exacerbé. Ce bâtard d’enculé de flic est un putain de fantôme. Il est bien réel, ça oui, mais depuis qu’il a violé Shaw, c’est comme s’il avait quitté la surface de la Terre. Nos petits génies n’ont rien trouvé de transcendant, néanmoins ils ont mis le doigt sur quelque chose ou plutôt sur quelqu’un. À mon grand désespoir, ce n’est pas Wolkoff, mais nous sommes sur ses traces grâce à un de ses complices. De quoi me mettre un petit truc sous la dent, car à cette allure, si je ne trouve pas de palliatif pour contenir ma rage, je vais exploser en plein vol !

Et là voilà, malgré le mur digne de celui de Berlin que j’ai érigé pour tenir ma petite tornade rousse loin de tout ça. Je ne suis même pas surpris de son audace. Mon silence face à ses appels a dû attiser sa soif de curiosité, sans compter sur son désir de m’émasculer. Ouais ma régulière - que j’aime la sonorité de ce mot dans mon esprit - est une vraie Rebelle. Le sobriquet dont je l’ai affublée il y a des années lui va sur mesure. Shaw est la femme la plus forte et déterminée que je connaisse, elle ne lâche rien, même quand tout semble perdu d’avance. J’en suis la preuve vivante ! Ses deux joyaux verts me transpercent de part en part. L’expression sur son visage me perturbe. A-t-elle peur de moi ? Est-ce que je la dégoûte ? Regrette-t-elle ses sentiments pour moi ? Réalise-t-elle enfin quel monstre sanguinaire je suis ? Malgré les moments intimes passés ensemble cette semaine, le doute s’immisce en moi. Me pardonnera-t-elle mon geste, ou me condamnera-t-elle ? Je la regarde dans l’attente d’une phrase de sa part qui ne daigne pas sortir de sa ravissante bouche.

J’inspire à pleins poumons pour faire redescendre la pression emmagasinée depuis son entrée dans le sous-sol.

— Jason… murmure-t-elle nerveusement.

Au même instant Joey et Al avancent de quelques pas vers elle. Je lève la main pour leur signaler que je gère. Sans quitter d’un iota les yeux de ma belle, je sens le regard noir et désapprobateur de mon pote. Rien à foutre, c’est ma meuf ! Le tout est de savoir pour combien de temps encore ? Mais je reste silencieux ne sachant pas par où commencer, la laissant s’approcher de moi.

— Qu’es-tu en train de faire ? demande-t-elle ses mains plaquées sur mes joues.

Elle dépose délicatement ses lèvres sur les miennes, se foutant éperdument d’avoir un public. Je ferme les yeux de peur que mon imagination soit en train de se jouer de moi. Quand je les rouvre, elle est toujours là, plus belle que jamais.

— Shaw, tu ne devrais vraiment pas rester là… ce sont les affaires du Club… Jay a besoin d’avoir toute sa tête. lui demande calmement Joey.

Cependant, je la supplie du regard de rester près de moi, de ne pas me tourner le dos, de ne pas avoir peur de celui que je suis vraiment.

— Je ne vais nulle part les gars. dit-elle sur un ton ne laissant aucun doute sur ses intentions. Shaw englobe la pièce d’un regard circulaire prenant bien soin de faire passer le message à chacun des gars présents. Ses sourcils se froncent puis les traits de son visage se figent de surprise quand elle se retrouve face à notre prisonnier.

— Pourquoi Mathias est-il attaché à ce poteau ? me questionne-t-elle stupéfaite.

— Tu le connais ?

— Bien sûr, c’est le chauffeur de l’agence d’escorte pour laquelle je travaillais… quelqu’un veut bien m’expliquer ce qu’il se passe ?

— Il a mis ton appart à sac pour te faire flipper. Le complice de l’inspecteur pour que ta confiance en lui soit totale et qu’il puisse s’occuper de toi. Ce bâtard mérite tout autant que je m’occupe de lui comme je vais m’occuper de l’autre fils de pute ! craché-je avec véhémence.

Fier de ses prouesses, le chauffeur, déjà pas mal amoché par mes soins, tente de donner le change avec un sourire venimeux. Le magnifique visage de ma régulière se tord sous la violence de ma révélation. C’est à mon tour de trouver un truc pour la réconforter. En règle générale, réconforter une gonzesse ne fait pas partie de mes prérogatives, mais pour Shaw, quitte à passer pour un con, je vais essayer. Maladroitement, j’attrape sa nuque à pleines mains, pour l’entraîner contre mon torse. Son visage s’écrase sur ma poitrine avant de lâcher à voix basse :

— Je vais lui faire payer, compte sur moi ma belle. Ce connard a signé son arrêt de mort en s’en prenant à toi. Je vais m’en occuper personnellement. lui promets-je. Ça risque d’être très moche à voir Shaw, je ne veux pas que tu sois spectatrice de la suite.

— Rien à foutre, s’il te plaît Jay, j’ai gagné ce droit ! C’est à moi que c’est arrivé !

Je lève la tête au ciel, comme si la réponse allait être inscrite au plafond, franchement quel con. Putain de gonzesse ! J’ai envie de lui donner ce dont elle me demande et comprends sa requête. Bordel, si j’accepte je vais passer pour un putain de canard devant mes frères, un gentil petit toutou à sa mémère ! Chiotte ! Dans un cas comme dans un autre, je suis baisé ! Je sonde les visages nous observant en quête d’une réponse. Mais ne trouve rien d’autre que des mines fermes et catégoriques. Seul Malonne semble nager dans une mélasse identique à la mienne…

— Nan ! c’est mort VP, se sont les affaires du Club. Les nanas n’ont jamais eu leurs mots à dire. me rappelle à l’ordre Jer.

Je lève la main pour lui signaler avoir capté le message avant de m’adresser à Shaw. Je me dégage délicatement de son étreinte en prenant son visage en coupe.

— J’suis catégorique ma belle, c’est non ! Ne le prends pas mal, je ne fais que mon devoir, te protéger ! ? Les règles du Club sont les mêmes pour tout le monde, régulière ou pas bébé. tranché-je.

— OK, babe, juste un truc avant et je vous laisse, promis !

Je recule de plusieurs pas pour me rapprocher de mes frères. D’un hochement de tête, Jer, Joey, Al et Brady me donnent leurs accords.

— Vas-y.

Les cinq corps de ces derniers autour de Shaw, prêt à agir si besoin. Ma petite furie prend un peu d’élan avant de balancer une monumentale gifle sur la joue du chauffeur. Ce qui a le mérite de lui faire ravaler son petit sourire en coin et serrer ses mâchoires. Bien joué bébé ! Ça, c’est ma régulière ! Je ne peux cacher la joie s’emparant de moi. C’est le sourire aux lèvres que j’allume ma clope en m’installant confortablement sur la chaise disposée à côté du plan de travail et fredonne Kill 4 Me de Marilyn Manson, tournant en boucle dans ma tête.

Ma rebelle renifle comme un mec, avant de cracher un espèce de mollard, à la gueule du fils de pute. De concert, les gars et moi explosons de rire ! C’est la grâce incarnée, Shaw passe ses mains sur son visage afin d’en dégager ses mèches rebelles. Digne d’une petite Harley Quinn, ma belle sautille et grimpe franchement sur mes genoux. Glisse sa main dans ma tignasse avant de dévorer ma bouche de ses lèvres parfaites. Sa langue espiègle force le barrage pour venir darder la mienne. C’est alors qu’une danse endiablée de langues et de dents se joue entre nous. J’entends au loin comme des acclamations suivies de sifflements. Quelques bouts de phrases me parviennent aux oreilles. Comme « c’est pas trop tôt », « putain de merde », ou encore « il vous en aura fallu du temps ».

Notre étreinte se veut plus fougueuse, il me faut un effort digne d’un titan pour y mettre fin. Nous avons un auditoire, non pas que ça me gêne d’être reluqué par mes amis, mais là, on parle de ma Shaw. Par le passé, j’en ai toujours eu rien à foutre de m’envoyer une friandise devant mes frères, je m’en branlais complètement sauf que c’est la meuf dont je suis amoureux qui est à califourchon sur moi.

— Tu dois y aller maintenant. déclaré-je difficilement, avec un léger sourire aux lèvres.

— OK… je serais là-haut, je t’attends. m’informe-t-elle tout en me libérant.

— Je vais rester au Club cette nuit… c’est préférable.

Ne sachant pas bien combien de temps va tenir l’autre con avant de me balancer ce que je veux savoir, je l’informe de mon absence histoire d’éviter un second pétage de câble de sa part. De plus, même si Shaw prétend me connaître, ne pas avoir peur de mon côté sombre, je ne veux pas tenter le diable. Il est évident qu’elle ignore jusqu’où je suis capable d’aller dans mes délires.

— D’ac'… déclare-t-elle simplement avant de faire quelques pas vers l’escalier.

Je la regarde monter aisément les marches, sans quitter une seconde son fabuleux pétard, en rêvant de le culbuter dans un futur très proche… Une fois en haut, la porte claque sur son passage. J’en profite pour me relever de ma chaise afin de jauger les avis de mes frères sur ce qu’il vient de se passer.

— Je ferai toujours passer le Club avant tout les gars, les meufs resteront toujours en dehors.

Je scanne les regards de chaque frangin, m’indiquant que tout est OK de leurs côtés.

— Mal, Brady, je peux compter sur vous ?

— Ouais, mais faudra qu’on cause toi et moi après ça… m’informe mon petit frère.

— Très bien, alors va chercher des munitions au bar. demandé-je, après lui avoir dit oui d’un hochement du menton.

Je remets un peu d’ordre dans les outils dont je vais me servir pour torturer notre cher Mathias, quand Brady me rejoint.

— Alors comme ça, Shaw est ta régulière… C’est officiel… ce n’est pas une question, mais bien une constatation.

— Yep ! Ça te pose un problème, mon frère ? insisté-je.

— Aucun, si tu m’assures de les rendre heureuses elle et Tara… commence-t-il. T’as bien réfléchi aux conséquences et aux responsabilités que ça implique ? Si oui, et seulement dans ce cas-là, je m’effacerais pour vous laisser la place nécessaire. Mais dans le cas contraire, Jay, je serai sans pitié pour te prendre ce que j’ai toujours désiré ! Je me suis bien fait comprendre, mon frère ?

Ce n’est pas à Jay, le VP, qu’il s’adresse, mais bien à Jay, son ami de très longue date. Il est le mieux placé pour avoir pleine connaissance de mes agissements envers Shaw pendant toutes ces années. Il en est amoureux, ça, je l’ai toujours su, cachant ses sentiments en prétextant une grande amitié. Et je sais qu’il veillera au grain et ne m’épargnera pas au moindre faux pas.

— C’est très clair, et je te remercie de te soucier d’elles. Mais je suis prêt à endosser ce rôle à présent. affirmé-je, sûr de moi.

— Parfait, alors ne merde pas ! conclut-il.

Je n’en ai vraiment pas l’intention. Ça ne sera pas évident tous les jours, mais je vais y travailler d’arrache-pied. Shaw mérite un meilleur homme que moi, je vais tacher d’être cet homme-là, pour elle. Avec l’alcool coulant à flots dans mes veines, je me sens pousser des ailes tel un ange de la mort. Ce connard de Mathias a fini par cracher le morceau. Il a confirmé mes doutes sur le viol de Shaw. Cette attaque était calculée, seulement le viol ne faisait pas partie du plan. Dimitri devait la malmener et lui faire passer un message pour le Club, ce qu’il a fait. Avec un petit supplément de sa propre initiative. Faut croire que lui aussi est tombé sous le charme de ma sirène. Son erreur lui sera fatale. Ce soir c’est juste un avant-goût, un échauffement. Quand je serai face à lui le ton changera radicalement.

Je salue les gars, après avoir confié le corps tiède du chauffeur à Mal, Al et Joey, pour rejoindre mes appartements. Je suis littéralement vidé, la journée et la nuit ont été éprouvantes. Je rêve d’une bonne douche bien chaude et de mon vieux plumard. OK, j’avoue, une bonne douche avec ma petite Rebelle pour finir dans son lit bien douillet aurait été le top du top. Malheureusement pas cette nuit. Je serai en tête à tête avec le tueur sommeillant en moi, bestial et primal. Chapitre 21

Jay

D’un pas lourd et éreinté, je pénètre dans mon loft situé au-dessus du garage. La mezzanine offre un espace plus que conséquent avec ses cent mètres carrés de surface. Un véritable palace pour une garçonnière où jamais aucune nana n’y a mis les pieds. Ici, je suis dans ma bulle et c’est seulement entre ses murs que je m’autorise à être moi, Jason Lang et non Jay VP des Death’s Falcons et digne héritier de son paternel ! D’où ma grande surprise quand, au moment où je me débarrasse de mon cuir et de mes pompes tout en marchant, je capte des mèches blondes sur le côté de mon lit. Je me dirige vers le coin nuit surélevé et reste interdit. La vision de Shaw, étendue gracieusement sur mon lit, me fait faire un bond dans le passé. Un passé où, ado, je pénétrais dans sa chambre pour la regarder dormir.

Je m’arrache à sa contemplation pour constater mon état déplorable, tant le sang séché immacule mes fringues. Je fais marche arrière, faisant passer mon t-shirt par-dessus ma tête et défais ma ceinture en atteignant la salle de bain. J’enlève mon calbut puis mes chaussettes avant de m’engouffrer sous l’eau bouillante. Je ferme les yeux sous les jets d’eau et commence à décompresser de ces dernières heures. En faisant le point, je me sens vraiment bien. Shaw est ici. Chez moi. Et j’en suis plus qu’heureux. Bizarrement, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’elle soit là, bien au contraire. C’est comme si sa place avait toujours été auprès de moi. Je me savonne énergiquement, ne voulant pas perdre plus de temps, afin de rejoindre ma Rebelle au bois dormant.

Un corps froid vient se coller contre mon dos. Les mains parfaitement manucurées de ma belle se posent avec douceur sur ma poitrine. Son petit museau frais se cale contre mon épaule. Et là, à cet instant, plus rien n’existe à part elle et moi.

— Laisse-moi m’occuper de toi Jason… me susurre-t-elle à l’oreille.

Je lève les bras au-dessus de ma tête en signe d’accord. Avec des exigences comme celle-ci, elle peut bien faire ce qu’elle souhaite de moi. Shaw commence à me savonner soigneusement les épaules, le dos, les bras avant de me faire tourner sur moi-même. Elle continue à étaler le savon sur mon torse tout en descendant lascivement vers mon ventre puis plus bas encore. Nos regards, emplis de désir, se croisent. Ma gorge est sèche, je déglutis difficilement, perturbé par l’étincelle de malice s’émanant de ses deux émeraudes. Elle s’en rend amplement compte puisqu’elle se mord la lèvre dans un sourire taquin avant de s’agenouiller devant moi. Je retiens ma respiration comme intimidé par son geste.

Son attitude met le feu aux poudres et je ne peux manifestement pas le dissimuler. Ma petite ingénue regarde mon membre au garde à vous avec gourmandise. Oh, bordel ! Si elle continue, elle va me tuer ! Je pose mes mains contre les parois de la douche, lève la tête sous les jets d’eau pendant que Shaw continue sa tâche en savonnant mes tibias, mollets pour enfin arriver à mes cuisses et bien entendu mes fesses. Elle prend plaisir à me torturer de la sorte. Elle doit prendre les exigences de ma queue pour un signal d’alarme, car au moment où je m’apprête à lui dire qu’elle n’est obligée de rien, sa langue s’enroule autour de mon gland. À court d’oxygène, je suffoque d’extase. Ma belle, au départ un peu hésitante, prend de l’assurance à mesure où mes grognements s’intensifient. Ses stimulations sont divines alternant entre sussions et va-et-vient de ses mains sur mon membre. Mais quand de son autre main elle commence à masser mes bourses, je sens que je ne vais pas tenir longtemps si je la laisse me sucer de la sorte.

Je coupe l’eau et lui demande, tendrement, de se relever. Un peu surprise, elle rougit.

— Ça ne te… je m’y prends mal ? me demande-t-elle timide.

— Quoi ?! Non tu es parfaite bébé ! Seulement si tu continues à me baiser avec ta bouche de cette façon, dans trente secondes je suis un homme mort ! ironisé-je voulant dissiper son malaise.

Elle me sourit tendrement avant de se relever. J’attrape fermement ses hanches pour la ramener contre moi avant de plaquer sauvagement mes lèvres sur les siennes. Notre baiser est enflammé, fougueux et sauvage. Bon sang, cette bouche me rend barge, le goût de sa langue sur la mienne est tellement enivrant. Comment ai-je fait, toutes ces années, pour vivre sans ses baisers ? J’y mets difficilement un terme, attrape une serviette de bain et l’emmitoufle dedans. J’en saisis une pour moi, la noue à ma taille et essore mes cheveux dégoulinant en les lissant vers l’arrière. Je m’arrête un instant pour prendre le temps d’apprécier le spectacle que cette femme m’offre.

— Jay ? Pourquoi tu me regardes comme ça ? dit-elle en souriant.

— Je t’admire… tu es tellement belle, putain ! Je me sens comme un gosse chevauchant pour la première fois de sa vie une Harley !

Elle éclate de rire et vire au rouge tomate. Je ne vois pas bien pourquoi elle rit comme ça, mais ça provoque quelque chose en moi, ça débloque des sensations qui m’apaisent et me terrifient à la fois. Mon cœur en manque un battement.

— Jay, tu me vois flattée d’être comparée à une virée en Harley !

— Ouais dit comme ça, ça le fait moins… je suis pas très doué. lui avoué- je penaud.

— Je m’en fous, je ne suis pas avec toi pour ton côté « romantique ». ricane-t-elle en mimant les guillemets.

— Tu aimerais que je le sois davantage ?

— Nan… en aucun cas ! ne changes pas pour moi, je t’aime comme ça !

Je lui souris, rassuré ! Bordel ouais, je suis soulagé, car toutes ces conneries, trop peu pour moi !

— Maintenant viens me rafraîchir la mémoire et me montrer en quoi tu es doué beau gosse ! me défit-elle en sortant de la petite pièce.

Comme un lion en rut, je la suis, prêt à lui bondir dessus tel le félin que je suis en sa présence. Je me stoppe pour la contempler déambuler dans mon appart’, dans ma bulle. Puis je lui cours après et tire d’un coup sec sur la serviette l’habillant. C’est l’air faussement choqué qu’elle me fait face, une lueur mutine dans le regard, sa petite moue étire ses lèvres, illuminant son visage. Je laisse, moi aussi, tomber ma serviette, histoire d’être à armes égales. Ni une, ni deux, tel un quarterback je me rue sur cette tentatrice, la soulève dans mes bras pour la coller contre moi. Son cœur bat la chamade emportant le mien dans un rythme endiablé. Je mange littéralement ses lèvres, ma langue dévore la sienne, laissant seulement échapper des gémissements de plaisir. Mes mains solidement ancrées sur sa peau, je l’entraîne jusqu’à mon lit King-size. En règle générale, je me serais contenté du sol sous mes pieds pour la baiser encore et encore dans tous les sens. Mais je me rends compte qu’il n’y a qu’avec Shaw que le confort m’importe. Alors, je la dépose sur les draps avec une délicatesse toute nouvelle puis m’écarte d’elle pour la sonder.

— En es-tu certaine ? lui demandé-je dans un instant de doute.

— Bien plus que ça !

Je lui offre mon sourire carnassier en réponse tout en me jetant sur la peau laiteuse de son cou pour la parcourir de baisers en alternant avec de petites morsures. Je souhaite marquer chaque centimètre de son corps avec ma bouche. En arrivant au niveau de son bas ventre, la peau de ma déesse s’habille d’une nuée de frissons. Mon souffle la fait frémir de plaisir. Je décide d’abréger ses souffrances et actionne la vitesse supérieure en m’immisçant entre ses cuisses offertes d’une manière alléchante. Quand ma bouche se dépose sur ses lèvres humides, Shaw se crispe sous la jouissance que lui procurent mes effleurements. D’appétence, je laisse ma langue traîner doucement sur ses lèvres, puis accentue mon geste en passant sur son clitoris que je me régale à lécher. Lapant son nectar, mordillant sa chair tendre, son bassin ondule en réaction à mes caresses, ses reins se cambrent sous le poids du désir. Je prends mon pied à la bouffer, son goût est enivrant, mais il est urgent que je m’enfonce en elle au risque d’être traité d’éjaculateur précoce. Je joins un doigt à ma gâterie, puis en ajoute un second dans un va-et-vient délicat.

Je me redresse, embrasse amoureusement sa cuisse, son ventre, ses tétons durcis sous l’excitation avant d’atteindre mon but, sa divine bouche. Je lui demande silencieusement l’autorisation et elle me la donne sans aucune hésitation. Alors je m’engouffre en elle en prenant soin d’être le plus doux possible. Je la pénètre centimètre par centimètre pour enfin arriver à la garde. Jamais avec aucune autre femme je n’ai ressenti ses sensations. Shaw est mon évidence et là, sans la quitter des yeux, nous ne formons plus qu’un ! Je n’ose presque pas bouger de peur de lui faire mal, mais encore une fois, c’est sans compter sur ma belle comprenant très vite mon malaise.

— Hé babe, je vais bien, tout est OK…

— C’est OK ?

— C’est OK !

Ses mains sur mes fesses me guident et je reprends totale possession de mes moyens. Je lui impose un va-et-vient qui s’intensifie crescendo, récompensé par les râles qu’elle émet. Je m’empare totalement de son intimité, coup de reins après coup de reins nous portant toujours un peu plus près de la jouissance. Autant elle que moi, avons besoin de ce plaisir, de ce Graal salvateur et divin pour faire table rase du passé. Son bassin absorbe à la perfection mes coups de boutoir. Je ne résiste plus quand je l’entends prononcer des mots ne voulant plus rien dire. Après quelques petits va-et-vient, je nous propulse dans une mer de délectation, au septième ciel et bien plus haut encore. Shaw crie mon nom en tirant sur les draps, je la regarde totalement subjugué par sa beauté, fier du plaisir que je lui ai procuré, en digne homme des cavernes, je me délecte de voir quelques gouttes de mon foutre glisser d’entre ses lèvres en même temps que je m’en extirpe, comblé.

Épuisé, je la rejoins sur le matelas et me love contre son dos en l’entourant de mon bras. Le nez dans sa chevelure, je hume ses mèches rebelles et au moment même où elle me susurre un merci, mes yeux se ferment et je me laisse tomber dans les bras de Morphée. Chapitre 22

Un mois plus tard,

Shaw

— Putain, tu es magnifique ma best ! clame Eva le sourire aux lèvres.

Son compliment a le mérite de me faire atterrir en repoussant tout un flot de pensées pour me recentrer sur l’instant présent. Depuis tout à l’heure, je me prépare, tel un automate, comme je l’ai fait pendant de nombreuses années. Seule différence avec ce soir, je ne revêts aucun costume, je serai Shaw afin de donner vie à Carmen en lui offrant ces lieux. Le Carmen ouvre ses portes dans quelques minutes. Je suis très fière du chemin parcouru en quelques semaines seulement. À croire que la roue semble vouloir tourner. J’ai acquis ce night-club au tarif souhaité, les travaux ont été bouclés dans un temps record et d’une main de maître. Le miroir me renvoie mon reflet. Apprêtée d’une robe noire en dentelle à manches courtes, jonchée sur mes escarpins de la même couleur, ma longue chevelure de feu relevée ressort plus qu’à l’accoutumée. Mon regard pétille d’étoiles toutes récentes, d’assurance et de bonheur. En effet, je suis heureuse. Cette soirée est très importante pour moi, c’est la consécration d’un projet me tenant à cœur. Il m’a permis de me tenir la tête hors de l’eau pour ne pas sombrer après mon agression. De plus je suis assez ambitieuse et si les choses se passent comme prévues, bientôt je tiendrais au creux de mes mains un petit bijou.

— T’es pas mal non plus ma caille ! riposté-je, taquine.

— Bah ouais, on est méga canon, ce n’est pas de notre faute, l’ADN, voilà tout !

Je regarde pour la centième fois ma montre qui avance à l’allure d’un escargot. Plus que vingt minutes. J’inspire. J’expire. Eva s’aperçoit de mon stress et tente de le dissiper à sa manière.

— Détends-toi, tout est OK. Rien n’a été laissé au hasard, l’ensemble de ton équipe a checké les différents postes du Club. Respire, d’ac’ ?

Je secoue frénétiquement la tête en un oui et lisse ma robe en me dirigeant vers mon bureau où est resté mon téléphone portable. Je m’en empare, le déverrouille. Plus que dix-huit minutes. Eva a raison, j’ai contrôlé et recontrôlé l’ensemble du Carmen, en long en large et en travers. Comme on dit Let’s go ! Mon mobile en main, je quitte la pièce d’un pas sûr, fin prête à accueillir le beau monde convié à cette soirée d’inauguration. Je rejoins Al au poste de sécurité, Eva sur mes talons pour les dernières recommandations. En pénétrant dans la salle, mon regard balaye les différents écrans de caméras installés çà et là dans le Club puis s’arrête sur celui de la porte d’entrée. Une pointe de stress me pique le ventre quand je constate la quantité de personnes attendant l’ouverture des portes. Encore un œil sur ma montre. Plus que dix minutes.

— Je compte sur toi pour briefer Francis et l’équipe de sécurité.

— Comme convenu, patronne ! ironise-t-il.

— Arrête ça tu veux…

Il me gratifie d’un hochement de tête et d’un sourire communicatif. Au moment où je m’apprête à quitter le QG, il m’interpelle :

— Hé Shaw… tu es canon ma belle !

— Merci Al…

Je fais un crochet par les loges des danseurs, continue vers les trois bars de la salle principale et ainsi de suite pour vérifier que tout est en place. Parfait. Plus que quatre minutes… la pression est à son max. Eva me prend la main et la sert fermement en signe de soutien. Je suis aux anges de l’avoir à mes côtés ce soir. Contrairement à elle, Jay et les autres membres du Club ont préféré rester discrets, ce que j’apprécie pour le moment afin que leur présence ne soit pas assimilée au Carmen. Trois, deux, un, ouvrez ! Le DJ balance sa playlist en commençant par Disclosure, You & Me pour une entrée en scène des plus sensuelle. Je salue les premiers clients que les hôtesses réceptionnent en leur proposant des coupes d’un prestigieux Champagne français tout en les dirigeant à travers la boîte de nuit. Très rapidement la salle principale se remplit. Je galope jusqu’à Al pour m’assurer qu’il n’y ait pas de débordement.

— Tout se passe comme prévu ? le questionné-je.

— Comme sur des roulettes. Déjà cent couples de comptabilisés aux entrées.

— Bien, c’est même très bien… ils sont bien pris en charge par une hôtesse ?

— Yep ! Les girls font leurs tafs Shaw, déstresse ! me rassure-t-il.

— Ouais bah c’est facile pour toi, je n’ai pas le droit à l’erreur ce soir ! me renfrogné-je.

— Tout va bien, tout le monde gère à la perfection. souligne Al.

Je lui souris faiblement, Al est ma baby-sitter en l’absence de Jay.

— Allez suis moi, on va se boire un verre au balcon, ça va te détendre et tu pourras garder un œil sur tout ce beau monde. m’invite-t-il.

Al avait raison, dix minutes plus tard, mon Martini citron m’apporte un soupçon de légèreté. Eva nous a rejoints toute guillerette. Le point de vue d’ici est exceptionnel. Le balcon englobe l’ensemble de la grande salle à cent quatre-vingts degrés. Le spot est parfait. Les convives semblent se plaire, l’ambiance est entrainante. Al m’avertit du nombre d’entrées. Voilà, le Carmen est au complet et dans l’obligation de refuser du monde. Excellent ! Pari gagné !

— Cinq cents Shaw !! crie-t-il fou de joie.

Je lui envoie un half five, suivi d’une danse de la joie ! Sautant comme une gamine dans les bras de ma best qui, comme moi, partage le même enthousiasme.

***

Des éclats de rire me tirent doucement de mon sommeil. J’ouvre faiblement les yeux et distingue l’heure. Je n’ai jamais été très matinale et avec mes nouvelles fonctions ça ne va pas aller en s’arrangeant. Je pose un pied au sol, puis deux et me laisse guider par ce doux son chatouillant mes oreilles. J’échoue dans la cuisine où Tara et Jay déjeunent. Je les observe un instant, en retrait, adossée au chambranle de la porte. Un immense sentiment de plénitude m’envahit. Je suis ravie de constater combien ma fille s’entend à merveille avec l’homme qui partage ma vie. La crainte qu’elle ne valide pas mes choix en matière d’homme m’a toujours terrifiée. Mais je n’ai plus de soucis à me faire, car comme Tara me l’a dit quelques semaines plutôt, elle aime beaucoup Jay. En même temps, quelle fille peut se vanter de ne pas succomber au charme de cet apollon ?

— Bonjour Mamoune ! me salue ma fillette. Regarde ce que tonton Jay m’a apportée ! Une Barbie sur sa licorne !

Au même moment mon homme se tourne vers moi, en souriant.

— Waouh, joyeux anniversaire my Little Sunshine… lui répondé-je en l’embrassant sur le front.

— Merciii… chantonne-t-elle.

— Salut bébé. Me dit Jay avant de déposer un doux baiser sur mes lèvres.

Jay se lève et embrasse tendrement mes lèvres avant de me faire couler un café. Je m’assois à côté de Tara et attrape un pancake que j’avale goulument. Jay revient s’installer face à nous en déposant un mug de café brûlant sur le bar, devant moi.

— Je ne pensais pas te voir ce matin, il y a eu un souci avec Mary ? le questionné-je un peu déstabilisée par le changement de programme.

— Absolument pas, Mary va très bien. Je l’ai relevée de ses fonctions vers 9 h 30. Tara dormait encore, toi aussi. Comme c’est l’anniversaire de la Mistinguette, j’en ai donc profité pour vous préparer le p’tit déj’. m’informe-t-il simplement.

Je lui souris, attendrie par son geste, car ce n’est pas rien un petit déjeuner confectionné de la main de Jay quand on connaît le phénomène.

— C’est très charitable de ta part, ça n’a pas été trop difficile de faire quelque chose pour une autre personne que toi, VP ? le taquiné-je en prenant une bonne gorgée de ce divin nectar.

— Ouais bah, t’y habitues pas trop ma belle ! me lance-t-il accompagné d’un clin d’œil dévastateur, faisant rater un battement à mon cœur hautement amoureux.

Nous nous regardons un instant, des flames de désir s’échappent de son regard de glace, déclenchant un incendie dans ma petite culotte. Tara nous ramène sur terre en manifestant sa présence.

— J’ai fini, je vais jouer avec ma Barbie ! Merci tonton Jay, tes tartines dix sur dix !! clame-t-elle en cavalant vers sa chambre.

Comme un top départ, mon homme se jette sur mes lèvres pour me rouler une de ses fameuses pelles, me laissant totalement amorphe après son passage.

— Putain que tu m’as manqué cette nuit, bébé… siffle-t-il entre ses dents. Al m’a dit que la soirée a été un gros carton. C’est génial ma belle, je suis très fier de toi ! T’as kiffé au moins ?

— J’avais une trouille pas possible, mais au final, tout s’est enchaîné à la perfection. Oui je me suis régalée, même si j’aurais préféré que tu m’accompagnes… avoué-je en faisant une petite moue.

— Arff, je sais, mais on en a déjà parlé… en douceur, OK ?

— Je sais…

Je m’apprête à poursuivre quand son portable vibre sur la table de la cuisine. Jay s’en empare et décroche dans la foulée.

— Yep ! OK, j’arrive.

Juste quelques mots et il met fin à la communication.

— Faut que j’y aille.

— Pas de repos pour les braves ?

— Il semblerait ma belle. dit-il en se relevant.

Je l’imite et me place devant lui. Je l’entoure de mes bras et il m’embrasse passionnément avant de se défaire délicatement de mon étreinte.

— On se voit au club house tout à l’heure pour l’anniversaire de Tara ? lui demandé-je.

— Hé comment bébé ! lâche-t-il avant de m’asséner une tape sur la fesse accompagnée d’un sourire carnassier.

Comme une imbécile heureuse, je glousse en le regardant quitter la maison. Je finis mon petit déj’, servi avec amour par mon mec, sur un petit nuage en mode super mood tout en repensant à l’excellente soirée d’hier ! Je me suis rarement, ou alors il y a des lustres, sentie si bien, heureuse tout simplement. La présence de Jay n’y est pas pour rien, assurément. Mais là, je suis surtout fière du chemin accompli, fière de moi. Chapitre 23

Shaw

— Tu as vu Tara ? demandé-je à Valy, la régulière de Mont, en train de faire place nette dans le club house pour la petite fête de ce soir.

— Il me semble qu’elle joue dehors avec Cam et Julian mon neveu. me renseigne-t-elle.

Au même moment, Eva et Mary m’informent qu’à l’extérieur, les tables et les bancs sont installés. Mary me confirme que ma fille est bien en train de jouer avec ses camarades et que tout va bien. Seulement, je remarque son regard fuyant, Mary semble mal à l’aise, pourtant elle est ici chez elle. Silencieuse, elle reprend le sens inverse pour aller surveiller les enfants. J’en profite pour en jeter deux mots à Eva.

— Ça va ta sœur ? Elle n’a pas l’air dans son assiette…

Ma meilleure amie inspire bruyamment avant de me répondre.

— C’est pas faux, mais je sais pas ce qu’elle a. À chaque fois que j’essaye de l’interroger, elle m’envoie chier daredare ! s’exaspère-t-elle.

Vicky, confortablement installée dans un énorme chesterfield, stoppe sa discussion avec Dana en contemplant du coin de l’œil les membres du MC sortir de l’église, Terry en fin de cortège. Comme nos mères respectives, Eva et moi sommes happées par l’entrée massive de ces hommes bruyants. Au même moment, Tara pénètre dans le club house sur les épaules de Mary. La petite brunette freine plein fer. Mon regard passe rapidement de Vicky à Dana, puis d’Eva à Mary. Toutes les quatre semblent hypnotisées par ce qu’elles voient. Eva bouffe Jer du regard ! Quant à Mary, plus difficile à décrypter par rapport à son aînée, laisse très peu d’émotions transparaitre. J’aime déchiffrer les comportements des gens et « l’objet » de son moment de latence, n’est autre que mon petit frère, Malonne. Les frangines ont le béguin pour deux membres des Death’s Falcons…

Je m’efforce de ne pas prêter trop d’attention à Jay et ne m’attarde pas plus qu’il n’en est nécessaire sur son visage, ni même son corps. Les seuls à être au courant de notre relation sont essentiellement ses frères d’armes : Brady, Jer, Joey, Al et Mal gardent notre secret. En plus de ma best, Eva, évidemment. Je sens mon sang bouillir à la démarche féline de mon homme. Mon cœur fait une embardée quand nos regards se croisent. Ce connard a un petit sourire en coin, devinant mon trouble. Un jour, peut- être, je pourrai déambuler en ces lieux la tête haute, revendiquant fièrement mon appartenance à cet homme. Mais ce ne sera pas pour aujourd’hui. Dans l’idéal, j’aimerais attendre que maman se soit remise de son traitement de chimio, pour ne pas avoir l’impression de l’affaiblir davantage. C’est certain, elle aura un choc quand elle apprendra pour nous et je suis loin d’être convaincue qu’elle l’accepte. Donc, ne pas tenter le diable et encore moins la contrarier serait préférable, elle en bave déjà assez comme ça. Jay partage également mon point de vue.

— Tonton Mal tu viens jouer avec moi à la balançoire ? hurle ma fillette à l’attention de son oncle.

Ce dernier écrase sa clope dans un des cendriers trônant sur le bar avant d’aller la rejoindre. Malonne se retrouve nez à nez avec Mary. Il baisse aussitôt la tête et, c’est l’air contrit qu’il soulève Tara des épaules de son amie d’enfance, sans même un regard pour elle. Mary, sans un mot, part rejoindre sa mère sur un des canapés de la grande salle. Il secoue la tête dans un geste presque imperceptible puis, escorté de la princesse du jour, quitte la pièce grouillant de monde.

Après m’être assurée que personne ne manque de rien, j’en profite pour rejoindre les filles autour de Vicky. Bien entendu, la discussion tourne autour de sa maladie, son combat acharné contre son cancer du sein et du courage dont elle fait preuve chaque jour, telle une guerrière. Je ne suis pas peu fière d’elle, surtout quand je repense aux dernières semaines et dans quel état déplorable l’a plongée son traitement. Il est évident que de la voir ici, ce soir, le sourire aux lèvres, me fait l’effet d’un putain de miracle !

Le soleil de l’après-midi a laissé place aux rayons orangés du début de soirée. Les gars installent le nécessaire pour faire griller de la viande au barbecue. Aidée de Malonne, je commence à rassembler les gamins pour le lavage de mains avant de dîner. Une fois chose faite, Tara, sur son petit nuage, s’installe à la table lui étant dédiée et recouverte de cadeaux à son attention. Les adultes se sont rassemblés autour d’elle, appareil photo en mains prêts pour le déballage de papier coloré quand la voix de ma petite sœur retentit contre les murs de la cour.

— Hé attendez-moi ! J’en ai aussi… clame-t-elle joyeusement les bras chargés de présents.

— Non, mais ils sont complètement fous, il doit bien y avoir une quinzaine de paquets ! Tara a seulement six ans, quand elle sera majeure vous lui offrirez quoi ? marmonné-je pour moi-même.

— Elle recevra une voiture… siffle une voix sensuelle à mon oreille.

Je me tourne vers lui, légèrement déstabilisé par le ton de sa voix. Brady me replonge des années dans le passé lors de mes seize ans, me rappelant la phrase prononcée par Andrew « un beau carrosse pour une belle princesse ».

— Tu devrais calmer le jeu sur la picole Brady… lui conseillé-je, vraiment inquiète de la tournure de la situation, en désignant la bière qu’il tient à la main.

— Quoi, on a même plu le droit de décompresser avec un bon verre pour fêter l’anniversaire d’la p’tite Tara ? me demande-t-il nonchalamment.

— Si absolument, mais essayé de rendre jaloux ton ami n’est vraiment pas l’idée du siècle… tu ne crois pas ?

Ce dernier, visiblement bien imbibé, tire une latte sur son joint avant de prendre la parole.

— T’as peut-être raison… p’t-être bien que je le cherche un chouïa ? dit-il en se grattant la barbe de sa main libre, son mégot calé entre les lèvres. Et p’t-être bien que j’ai envie de foutre un peu le bordel ce soir ?

— Et en quel honneur ? demandé-je exaspérée en croisant les bras sur ma poitrine.

Ce qui est de toute évidence une très mauvaise idée puisque mon ami se met littéralement à loucher sur mes attributs drapés d’un caraco à fines bretelles en satin et dentelle rose pâle.

— Roooh putain Shaw, mais arrête de m’allumer comme ça ! Je suis un simple mortel ma belle, ne me tente pas… minaude-t-il lascivement en prenant une gorgée de bière.

Ces mimiques à la con me feraient presque rire… presque.

— Arrête ça tu veux ! Ça va très mal finir et tu le sais ! Alors si on peut éviter un deuxième round entre vous deux ce soir je suis preneuse ! lui ordonné-je très sérieuse.

Comme sauvé par le gong, Marley se poste entre nous deux, les sourcils levés en signe d’interrogation.

— Tout va bien ici ? nous questionne-t-elle.

Brady et moi répondons en même temps, mais avec des versions aux opposés.

— Ça va, notre ami a juste un petit coup dans le nez et devient un peu lourdingue. tempéré-je.

— Ne l’écoute pas je vais très bien, bébé. clame-t-il en tentant de faire bonne figure.

— Ouais bah, vu ta tronche, permets-moi d’en douter mec ! balance ma frangine.

Il secoue la tête de mécontentement, avant de poursuivre :

— Putain vous êtes bien les deux mêmes ! Autant casse-couilles l’une que l’autre… Bordel ça ne m’a pas suffi d’en chier avec une, non maintenant…

Brady est complètement saoul et Marley ne lui laisse même pas le temps de finir sa bougonnerie en lui mettant une main sur la bouche. Un échange de regards mécontents circule entre eux, puis May l’entraîne un peu à l’écart.

— Que te voulait-il ?

Je sursaute à la dureté de la voix de Jay. La main sur le cœur comme tentative de le réfréner, je me tourne vers lui, un sourire timide aux lèvres.

— Rien en particulier. Il a un peu trop bu et il débite des conneries, rien de nouveaux sous le soleil de Californie… tenté-je d’ironiser.

Mais ma tentative retombe comme une crêpe hors de sa poêle. Comme seule réponse, j’obtiens le grognement de mon homme.

— Je l’ai à l’œil, ne t’inquiète pas, OK ?

Ma fille a été pourrie gâtée. Elle a reçu pas moins d’une vingtaine de jouets : Barbie, poney, licorne, baguette de fée et j’en passe. Exténuée par cette journée plus qu’éprouvante pour une enfant de six ans, je viens de la coucher dans une des chambres de l’étage. La fête bat son plein. Maintenant que les enfants ont déserté les lieux, la soirée peut vraiment commencer pour les adultes sans pour autant atteindre un degré de dépravation digne des Death’s Falcons, car ce soir, les membres sont en famille ! Avec leurs régulières dans les pattes, ces grands costaux sont comparables à des petits chatons alanguis par l’alcool. En pleine discussion avec Eva, Mary et ma sœur, je me détends et apprécie pleinement ce moment avec les miens. Quand tout à coup des tintements de verres s’élèvent au-dessus de la musique, notre attention à tous est retenue par Brady se tenant tout près du brasero, deux chopes de bière en main. Il est clair qu’il est bourré comme un coin à présent et ça ne laisse présager rien de bon.

— Oyez, oyez mes frères, mes amis, mes chères régulières et tout particulièrement à toi, Vicky ! Notre maman de substitution, la main de velours dans un gant de fer, notre louve… bref… je m’égare là !

Brady fait une pause et en profite pour boire une bonne gorgée de ce qui me semble être du bourbon dans une de ses chopes.

— Ouais… je disais donc… dit-il en se frottant le front de l’index et renversant, au passage, de son breuvage. Merde ! Je disais quoi déjà ?

— Tu devrais peut-être descendre de là mon frère et aller te pieuter ? T’as pas l’air très frais l’ami… lui propose gentiment Al.

— Nannn… laisse-moi finir Al, je veux parler à Vicky. dit-il tout en repoussant son ami d’un geste de la main. Vicky, je voulais te dire combien je te soutiens et je suis vachement fier de toi, pour toute cette merde que tu gères assez bien, sérieux ! Vous ne trouvez pas qu’elle gère grave notre First Old Lady ? rugit-il à notre attention.

Les voix s’élèvent et approuvent son petit pitch dans l’obscurité de cette nuit d’été. C’est bien joli tout ça, mais je ne vois pas trop bien où il souhaite en venir et ça commence à me rendre nerveuse.

— Alors voilà ma belle, j’ai une belle surprise pour toi

— Ah oui ! l’encourage ma mère.

— Oui et elle est super chouette, tu vas être ravie de savoir ! Roulement de tambours les amis. Shawna et Jason couchent ensemble et depuis un sacré moment même, mais ils sont en couple maintenant ! lâche-t-il joyeusement.

C’est à peine s’il a le temps de terminer sa tirade que Jay lui saute à la gorge. Choqué par le déballage de ma vie privée devant une grande partie du club, je reste statufiée et mon cerveau a littéralement buggé, ne me donnant plus aucune information. Je n’ose même plus battre des paupières au risque d’exploser en plein vol. Je distingue un amas de corps se jetant sur Jay et Brady pour tenter de les séparer. Jay est fou de rage, il fulmine en enchaînant les coups qu’il porte sur le corps imbibé d’alcool de son ami. Mais ce n’est pas tout, au moment où les deux bikers sont enfin séparés, on me traîne vers l’arrière avec une poigne féroce. Je me retrouve face à face avec Terry, complètement incrédule suite aux révélations de Brady. Vicky s’agrippe de toutes ses forces à son mari en me jetant un regard empli de questions.

— C’est quoi ces conneries gamine ? me crache-t-il au nez.

La gorge sèche, je déglutis faiblement, n’ayant pas encore pris la décision sur la façon d’aborder cette situation. Par chance je peux compter sur le soutien de ma meilleure amie qui prend instinctivement ma défense auprès de mon beau père.

— Terry, les choses ne sont pas aussi simples que l’a insinué cet abruti de Brady ! Essayez de prendre du recul tous les deux et peut-être même, laissez passer quelques jours pour en discuter posément.

— Non ! crie ma mère à bout de force.

Alors je sors de ma léthargie pour l’affronter et lui dire toute la vérité.

— Que veux-tu que je te dise ?

— La vérité bordel de merde, Shaw !

— Brady a dit vrai… confirmé-je penaude. Je te passe les détails, ils ne regardent personne. Tout ce dont vous avez besoin de savoir c’est que Jay et moi sommes ensemble et nous nous aimons.

— Tu te fous de moi là ? Comment peux-tu être amoureuse de ton frère, pire encore, comment peux-tu coucher avec lui ? s’insurge-t-elle.

— Il n’a jamais été mon frère ! À d’autres, maman, tu me fais une leçon de morale ? Toi, qui t’es envoyée le meilleur ami de ton défunt mari, le corps tout juste tiède ! aboyé-je, en colère par son attitude faussement scandalisée.

BAM ! Vicky m’en colle une. OK c’est de bonne guerre, je l’ai cherchée. Mais je trouve son geste excessif et disproportionné étant donné qu’elle a, un jour, eu à quelques détails près, la même place que moi. Je ravale ma rage et tente de rester digne avant de m’adresser à mes parents.

— Vous vous demandez pourquoi nous ne vous avons jamais rien dit nous concernant ? Et bien regardez vos têtes et vous comprendrez… vous nous jugez et nous condamnez. Pourtant nous n’avons rien fait de mal, à part nous aimer. énoncé-je simplement.

Sans rien ajouter d’autre, je tourne les talons en les laissant en plan. Ma seule envie est de me jeter dans les bras de mon homme, de prendre ma fille sous le bras et de partir d’ici à la vitesse de la lumière. Quand je pénètre dans le club house, je baisse la tête afin de ne pas voir la pitié qu’arborent très certainement les membres accompagnés de leurs régulières. Tous ici m’ont vu grandir aux côtés de mes frères et sœurs. J’en mets donc ma main à couper qu’ils pensent comme Vicky et Terry et que notre couple est incestueux.

— Ça va bébé ? me demande Jay.

Incapable de lui répondre, je me contente de le supplier du regard pour m’emmener loin d’ici, loin de toutes ces ondes négatives. Au lieu de ça, ce dernier agrippe mon visage qu’il ramène vers le sien pour m’embrasser avec passion et amour. Sa langue me goûte, m’enivre et m’apaise. Pendant un faible instant, j’arrive à faire abstraction de ce qui nous entoure en m’abandonnant entièrement à son baiser. Il met un terme à notre échange, fracassant la petite bulle de plénitude dans laquelle je me sentais invulnérable. Jay colle son front contre le mien et me susurre de relever la tête. Je m’exécute. Il articule un « tout ira bien » etje prie fortement pour qu’il dise vrai.

— Shaw est ma régulière ! prononce-t-il à voix haute. Si ça pose un blème à l’un d’entre vous, j’en ai rien à foutre ! Le premier qui vient casser les couilles à ma meuf, je lui casse les dents. Vous voilà averti !

— Ils s’y feront, laissez-leur un peu de temps pour l’accepter, les enfants, OK ? nous rassure d’une voix paisible et douce, Dana.

— Bill ? interroge Jay.

— Yep, fils !

— Klash ?

— Amen gamin !

— Pit ?

— Bah je comprends pas bien votre délire avec vos régulières, alors qu’il y a des petites chattes à des kilomètres à la ronde prêtent à se faire dézinguer par un biker… si c’est ce qui te fait bander, c’est plutôt cool VP !

— Merci pour la poésie mon frère ! ricane mon homme.

— Mont ?

— Yep bro !

— Klash ?

— Je n’ai qu’un mot à dire, ENFIN !

Les éclats de voix qui retentissent dans la salle me font chaud au cœur. Jay enlace ses doigts aux miens en me regardant, un grand sourire dessiné sur son visage. Il semble heureux.

— Même si tu le sais déjà, je te le répète mon frère, c’est OK pour nous. Commence Jeremy. Quand Brady va dessaouler, ce con va se rendre compte tout seul de sa connerie… donc ne soyez pas trop dur avec lui. Dans le fond, c’est juste un abruti qui n’a pas su choper la gonzesse qu’il convoitait.

Je souris à Jer, il vient de dire à voix haute mon ressenti sur la situation. Je ne pourrai jamais, sur du long terme, en vouloir à mon ami. En revanche, ce soir et les jours à venir, je ne veux pas voir sa face de rat. On va lui laisser le temps d’accepter notre relation.

— Va chercher la puce et on s’arrache bébé.

— Hors de question de réveiller Tara, les jeunes. Elle dort à poings fermés et puis une soirée tous les deux vous fera le plus grand bien, histoire de faire redescendre la pression… si vous voyez ce que je veux dire ? nous informe Valy, le regard aguicheur.

— C’est clair, laissez-la dormir ici. J’ai pas vraiment envie de rentrer chez les vieux, ni chez moi pour l’instant, je vais pioncer ici. nous informe Mal.

— Carrément moi aussi je reste, en plus, il faudra bien que quelqu’un s’occupe de Brady quand il aura émergé… déclare Marley.

Le corps de Jay se tend à l’évocation de notre ami, mais je le ramène à moi en embrassant sa main encore solidement accrochée à la mienne.

— C’est bon pour toi ma belle ? me questionne-t-il.

— C’est bon. S’il y a quoi que ce soit, vous m’appelez et je viens la chercher illico. Les avertis-je sérieusement.

— Compte sur nous maman poule !

Rassurés avec la bénédiction d’une très grande partie des Death’s, nous quittons le Club pour nous retrouver juste lui et moi.

Seulement nous.

Ensemble . Chapitre 24

Shaw

Jay a pris le volant et c’est seulement au bout d’une quinzaine de minutes que je m’aperçois qu’il ne nous conduit pas chez moi.

— Où allons-nous ?

— Je t’emmène quelque part, au calme, pas très loin. me répond-il vaguement.

Comme une idiote, à ses mots, un sourire digne des stars hollywoodiennes se peint sur mes lèvres. Notre escapade a un goût lointain de déjà vu, l’excitation qu’elle me procure reste identique malgré les années passées.

Je crois reconnaître la voix de Lenny Kravitz, je tends donc le bras pour augmenter le son du poste radio. La douce mélodie d’Again remplit l’habitacle du Range. Comme s’il avait pu écrire les paroles de cette chanson, Jay attrape ma main au vol, puis la porte à sa bouche pour y déposer de délicats baisers. De plus quand les seules paroles qu’entendent mes oreilles sont :

All of my life Toute ma vie Where have you been Où tu étais I wonder if I'll ever see you again Je me demande si jamais je ne te reverrai And if that day comes Et si ce jour arrive I know we could win Je sais qu’on peut réussir I wonder if I'll ever see you again Je me demande si jamais je ne te reverrai

Comme si la folie prenait possession de mon corps, je lui demande de s’arrêter sur le côté de la route désertique, lui indiquant un petit sentier un peu en retrait. Il me regarde, interdit, mais s’exécute. Le Range prend la direction escomptée en s’engouffrant sur le petit chemin paumé. À peine at-il le temps d’immobiliser le 4x4 en actionnant le frein à main, que je lui grimpe dessus en remontant ma jupe sur mes hanches. Je glisse mes doigts sur le côté du fauteuil pour le reculer et le baisser à ma guise.

Ma bouche s’aimante à ses lèvres. Ses mains agrippent fermement mes fesses sous le tissu de mon jupon. Nos lèvres s’emboitent, nos langues se délectent dans un baiser sauvage de désir. Mon bassin ondule naturellement contre l’érection naissance de Jay qu’il appuie davantage contre moi. Immédiatement, le renflement de sa braguette frotte contre ma petite culotte, mise à mal par mon excitation incontrôlable. Je gémis dans sa bouche sans jamais quitter ses lèvres. Il me soulève juste un peu pour défaire sa ceinture et déboutonner son jeans duquel il sort son membre prêt, avant d’écarter mon tanga de dentelle sur le côté. Je cesse de l’embrasser pour contempler sa queue avant de la prendre en main et de la guider vers l’entrée de mon vagin.

C’est alors qu’il gémit à son tour sans me quitter des yeux. Je prends un malin plaisir à le défier de mon regard de prédatrice tout en m’abaissant en douceur sur son membre. La bouche en cœur, je bascule la tête en arrière, mais Jay ne me laisse pas faire, encadrant mon visage de ses mains.

— Ouvre les yeux bébé, je veux que tu me mates te baiser… ça me fait bander à mort.

J’esquisse un petit sourire en réaction à sa requête et m’exécute. Mes va-et-vient sont exagérément lents, le mettant au supplice. Je me régale de le voir autant se contenir alors qu’il est plutôt du genre à ne pas me ménager. Cependant cette lenteur est absolument divine, ça ne durera pas longtemps avant que Jay ne prenne les choses en mains et j’attends cet instant avec impatience. Il titille mes tétons durcis par son toucher et se redresse pour marquer ma peau de baisers voraces allant de mon cou jusqu’à la naissance de ma poitrine. Comme un sauvage, mon amant tire sur le décolleté de mon caraco, faisant sortir ma poitrine de son balconnet. Il aspire avec gourmandise mes tétons, me provoquant des cris de plaisir.

Le top départ est donné. Son bassin vient à la rencontre du mien dans une cadence plus rapide, marquant davantage ses coups de reins profonds et endiablés. Ma lenteur a laissé place à sa bestialité. Il me baise, intensément, sauvagement, amoureusement. Je sens le moindre centimètre carré de mon corps s’électriser à sous ses mains. Les parois de mon intimité se tendent sous la jouissance. Jay le sent et lâche un grognement guttural à chaque petite pression que lui inflige mon vagin. Nous sommes tous deux très proche de l’orgasme. Il devient presque insoutenable de garder les yeux ouverts, mais quand mes paupières flanchent, Jay me rappelle à l’ordre en tapant dans le font de mon bas ventre. Ma respiration se fait laborieuse, mon rythme s’emballe dans un rythme effréné. Les pincements charismatiques de la délivrance naissent dans mes reins simultanément à ma poitrine qui se gonfle sous l’excitation. Mon homme distingue parfaitement mon état et décide d’en rajouter une dose en me serrant contre son corps. Haletant, il donne des coups de langue sur la et j’explose comme une bombe entre ses bras qu’il ressert fermement autour de moi, jouissant à l’unisson.

Une fois retrouvés nos esprits, nous reprenons la route. Une dizaine de minutes suffit pour arriver devant un chalet coquet. Jay stoppe le véhicule dans l’allée.

— Nous sommes arrivé ma petite Rebelle. clame-t-il mystérieusement.

— Où sommes-nous ?

— Chez moi ! enfin techniquement chez Betty, puisque je lui en ai donné l’usufruit.

Betty est la mère de Jay et de ce fait la première femme de Terry. Depuis mon retour à Hillsdale c’est la première fois qu’il évoque cette dernière. De souvenir, lui et elle n’étaient pas en très bon terme. Cette partie de sa vie, Jay ne la dévoile pas et malgré l’envie de tout connaître de lui, je préfère réfréner ma curiosité sur ce sujet épineux. Nous descendons du Range pour nous diriger vers la maisonnette.

— OK, et personne n’y habite ? demandé-je.

— Nan… c’était la cabane de ma grand-mère, Betty a préféré la villa qu’elle avait sur la côte de San Diego. Bien plus bling-bling pour son crevard de mari. Grand Pa m’emmenait pêcher sur le ponton juste là. M’explique-t-il en pointant un doigt vers l’étendue d’eau que je distingue à peine sous la clarté de la lune. J’ai même appris à nager dans ce lac ! Hors de question de laisser ce connard de Ray la vendre. Alors je l’ai rénovée et voilà…

Je comprends tout à fait, cet endroit est chargé de souvenirs lui étant chers. Il attrape ma main pour que je le suive. L’intérieur est en total contraste avec l’extérieur. L’entrée débouche sur une grande pièce à vivre, avec en face de nous une grande baie vitrée. Le mobilier et la décoration sont du dernier cri, mais mon hôte ne me laisse pas vraiment le temps d’en apprécier les détails ayant visiblement d’autres projets en tête pour nous deux.

Ses mains reprennent très vite possession de mon corps et leurs contacts sur ma peau me provoquent une nuée de frissons enivrants. Il attrape le tissu de mon caraco d’été pour me le faire passer par-dessus la tête puis il fait glisser ma jupe sur mes jambes en s’accroupissant devant moi. Tout en se redressant, ses lèvres effleurent ma hanche, mon ventre puis ma poitrine habillée de dentelle rose pâle.

— Encore monsieur Lang ? le taquiné-je.

— J’ai des projets pour toi ce soir et inutile de crier ou de vouloir t’enfuir d’ici, il n’y a personne à des kilomètres à la ronde…

— Tu es un psychopathe ! Punaise si je ne te connaissais pas, tu me foutrais presque les jetons !

Il rit de bon cœur avec cette lueur espiègle dans le regard que j’aime tant. Puis il me cloue une fois de plus le bec en dévorant mes lèvres de sa bouche pulpeuse. D’une main, il dégrafe mon soutien-gorge, comme s’il avait fait ça toute sa vie… je m’enlève cette pensée de la tête, ne voulant pas réfléchir davantage à la montagne de sous-vêtements défaits à son actif.

— Reste avec moi bébé, nous sommes seuls ici, OK ? me rassure-t-il en ayant certainement senti mon trouble. — Tu as eu tellement de conquêtes, c’est un brin déstabilisant par moment… lui avoué-je, peu fière du sentiment de jalousie m’envahissant.

— Si tu veux mon avis, il y en a eu beaucoup trop et des prestations médiocres aussi, crois-moi, ma belle. Au risque de renforcer mon image de psychopathe, la plupart du temps je m’imaginais avec toi… tu es la seule que je veux, toi et personne d’autre, compris ?

Incapable d’articuler un traître mot, je me contente de hocher la tête. J’en profite pour agripper son t-shirt et le mettre torse nu. Je dépose des petits baisers sur sa poitrine qui se font de plus en plus insistants. Je mordille ses tétons, puis les lape comme une petite chatte. Sa main vient d’instinct agripper mes cheveux pour coller ma tête contre sa peau. Sa respiration se fait plus saccadée, alors j’insiste un peu plus en parsemant le reste de son buste de coups de langue. Je me retrouve peu à peu à quatre pattes devant lui. Je m’empare de sa ceinture, la défais, ouvre sa braguette et fais descendre son boxer pour avoir accès à son érection palpitante. Je le masturbe doucement tout en humectant mes lèvres. Je lèche son gland avec gourmandise, plongeant mon regard dans le sien en fusion. Je poursuis mon introspection délicieuse le long de sa virilité, dans un mélange de succion et mordillement. Quand sentant sa patience prête à atteindre sa limite, je le prends enfin en bouche. J’en salive de plaisir. Ma langue continue de jouer sur sa peau fine, creusant mes joues et lui imposant un va-et-vient intense accompagné de mes mains.

Beaucoup pense que la fellation est un acte de soumission. Moi je vois plutôt ça comme un don de soi de ma part et un lâcher-prise en toute confiance pour lui. Jay est littéralement à mes pieds, j’ai les pleins pouvoirs sur lui, le dominant de la plus délicieuse des façons. Ma gâterie dure quelques minutes encore avant que, d’un geste tendre, mais autoritaire, il me demande de cesser.

— Viens par là… me guide-t-il en m’aidant à me relever.

Il nous fait faire quelques pas dans la grande pièce, puis me fait virevolter dos à lui. Il caresse mes seins gorgés de plaisir, tourmente mes pointes à présent sensibles, puis m’allonge face contre le plan de travail de la cuisine. La fraîcheur de la pierre me fait pousser un petit cri de surprise, mais j’obéis.

— J’aime quand tu es docile et obéissante ma Rebelle ! parade-t-il à mon oreille en recouvrant mon corps du sien.

— Le contraire m’aurait étonné… dis-je d’une voix traînante.

Jay se laisse glisser contre peau et écarte mes jambes à l’aide de son genou. Il malaxe la chair tendre de mes cuisses en remontant vers mes lèvres désireuses d’être touchées à leur tour. De ses doigts agiles, il les écarte, joue avec mon clitoris gonflé de désir, finissant par glisser deux doigts en moi. Je gémis de ravissement ! J’en veux tellement plus. Je frotte mon entrejambe contre ses doigts m’imposant un va-et-vient intense. Mais ce n’est toujours pas assez. Je le supplie de m’en donner plus, haletante et désireuse de le prendre en moi. Mais ce goujat retire ses mains d’un geste brusque. Je m’apprête à lui crier dessus pour qu’il recommence quand un mélange de picotements et de caresse humide, me liquéfie de délice. Putain, ce mec est doté d’une langue extrêmement douée et puis cette barbe ! Au risque de passer pour une star du X, je gémis comme une gonzesse en chaleur, en même temps c’est bien à ça que Jay me réduit à chaque coup de langue.[MD4] Il me lape, me goûte, me mordille tout en torturant mon clito ajoutant à nouveau, deux doigts dans mon vagin. Je n’en peux plus, je ne sais plus comment je m’appelle tant ses caresses me font planer.

Sa bouche quitte ma chatte ainsi que ses deux doigts en moi, mais ne lâche pas mon clitoris. Jay m’assène une claque vive et sonore sur la fesse, ayant le mérite de propulser mon plaisir encore un peu plus loin. Mon amant choisit ce moment pour m’emplir de son membre épais. Je jure de satisfaction. Il me prend sauvagement à la limite de la brutalité, mais les préliminaires étant d’une telle qualité que je me délecte à chacun de ses assauts bestiaux. Serait-il sage d’en vouloir encore plus ? Sage certainement pas, mais divin absolument !

— Encore… vas-y… j’en veux plus JAY ! le supplié-je lascivement en bougeant des hanches le feu aux fesses.

Jay me pilonne encore et encore, cognant contre mon fessier consentant. C’est alors qu’une sensation totalement inconnue, mais d’une intensité et d’une grande réjouissance envahit mon être.

— Et comme ça bébé… tu aimes ? Ou j’arrête ? me questionne-t-il.

Toutes mes zones érogènes sont sollicitées et stimulées, je sens à présent distinctement qu’il me pince le clitoris, m’emplit de sa putain de queue, mais me pénètre aussi de ses doigts dans mon anus. Putain de merde, jamais on ne m’avait fait une chose pareille ! Je devrais en être choquée, mais très sincèrement entre les bras de Jay je me sens d’attaque à de nouvelles expériences. Et surtout je les apprécie grandement. Ses va-et- vient sont simultanés, profonds et tellement bons. Je me sens basculer, peu à peu, vers un puissant orgasme.

— Je ne t’entends pas ma chérie ! Dis-moi tu aimes ça ? renchérit-il en bougeant ses doigts contre mes parois.

Je hurle un oui proche de la folie pendant qu’un orgasme d’une intensité jamais connue me terrasse et continue de grimper, encore plus haut, encore plus fort. Jay me pilonne encore un peu en maintenant tous ses points de pression et jouit à son tour violemment avant de relâcher mon bouton de chair et mon rectum pour enfin s’effondrer contre moi. Les battements de nos cœurs sont synchros. Plusieurs minutes s’écoulent avant que nous nous décollions l’un de l’autre, savourant cet instant post coïtal. Jay finit tout de même par se dégager de mon intimité et m’aide à me redresser puis, sans un mot, me conduit jusqu’à la salle de bain. Il fait couler l’eau dans une énorme baignoire à remous et m’embrasse encore et encore, toujours sans un seul mot. Je n’en ai pas besoin, car ses billes azuréennes parlent d’elles même, laissant à ma portée tout ce dont j’ai besoin.

— Moi aussi je t’aime… lui murmuré-je avant de baisser les yeux, rougissante comme une ado.

Jay relève mon visage, en me souriant tendrement.

— Tu as toujours été la seule à me mettre à terre, tu fais battre mon cœur de pierre, bébé… merci de vouloir de moi. m’avoue-t-il en me donnant un dernier baiser.

— Ça a toujours été toi, Jason Lang…

— Ouais je sais ma belle ! Allez maintenant à la flotte, chaudasse ! lâche- t-il ironiquement.

— Comment tu m’as appelée ? répliqué-je, faussement choqué.

— Bah quoi ? Fais pas genre ! Avec ce que je viens de te mettre, à d’autres, petite cochonne… rétorque-t-il en me faisant un clin d’œil. Si tu savais comment j’ai pris mon pied en comblant tous tes orifices… hum… tu es tellement bonne bébé. renchérit-il.

Ne sachant plus où me mettre ce coup-ci et rouge comme une tomate, je cache mon visage.

— J’en conclus que personne n’avait encore jamais pris ton petit cul.

— Jay ! le sermonné-je… en effet, c’était nouveau pour moi.

— Tu m’en vois ravi ! J’aime que tes premières fois soient avec moi ma belle… déclare-t-il sans une once de plaisanterie dans la voix. Juste pour en être certain, même si je m’en doute, t’as aimé ?

— Oui, beaucoup…

— Ne sois pas timide avec moi. Tu dois me dire ce dont tu as envie et inversement… compris ma belle ?

— Promis ! déclaré-je, rassurée.

Nous finissons par entrer enfin dans cette baignoire, rythmés par les notes envoûtantes de Born to die de Lana Del Rey. Jay s’installe le premier, me faisant signe de m’adosser contre lui. La chaleur de l’eau anesthésie mes muscles endoloris par nos parties de jambes en l’air. Cette soirée est tout bonnement parfaite. À l’instant T, je suis la plus heureuse au monde. La journée a commencé dans une douceur semblable à sa fin. Seul l’épisode avec Brady a jeté un froid. Mais mon homme a su, d’un revers de la main, balayer cet incident. Entre ses bras, je me sens pleinement à ma place, prête à soulever des montagnes. Et c’est ce que les prochains jours nous réservent : affronter notre famille. Même si nos amis et les « frères » de Jay acceptent notre relation, ça ne sera pas une mince affaire qu’il en soit de même pour Vicky et Terry.

Comme dit le dicton, demain est un autre jour alors tachons de profiter du jour présent dans son intégralité… Chapitre 25

Jay

Le vibreur de mon portable me sort du sommeil. J’ouvre un œil, reconnais instantanément l’endroit où je me trouve et avant même d’avoir tourné la tête vers elle, je sais que Shaw est avec moi. Son parfum enivre mes sens avant de descendre jusqu’à ma queue. Bah ouais, même l’odeur de cette meuf me fait bander comme un âne. Je passe une main sur mon visage et l’autre serre mon paquet pour calmer mon érection matinale. Je me redresse et chope mon portable pour prendre l’appel.

— Deux secondes Mal. préviens-je mon frangin.

Je me lève du lit et sors de la chambre d’un pas feutré en faisant attention de ne pas réveiller ma p’tite Rebelle puis ferme la porte derrière moi. La faible lueur du jour traverse à peine la baie vitrée donnant sur la terrasse et le lac. Je consulte l’horloge de mon portable qui m’indique six heures et des broutilles.

— T’es tombé de ton plumard frangin ?

— Quelque chose comme ça, ouais ! T’es où ? lâche-t-il, pince-sans-rire.

— À la maison du lac, pourquoi ? demandé-je.

— Jer vient de se faire embarquer par la maison poulaga. On a besoin que tu rentres. Terry est bloqué avec Mam…

Son annonce me fout en rogne direct. Encore une putain de bonne journée sous le soleil de Californie !

— Putain de merde… je réveille Shaw et on arrive. déclaré-je.

— OK, ça marche… acquiesce-t-il.

— Comment va Tara ?

— Impec, elle pionce encore mec. me rassure-t-il.

On échange quelques banalités avant de mettre fin à l’appel. J’allume la Nespresso puis je fais couler deux cafés. Les tasses fumantes dans mes mains, je pars réveiller ma nana.

— Rebelle, bébé… l’appelé-je tendrement.

Elle grogne en guise de réponse.

— Je sais il est tôt, mais faut qu’on bouge.

Elle ouvre, avec difficulté, ses beaux yeux émeraude avant de les encrer dans les miens. Elle est magnifique, même les yeux gonflés par la fatigue et les cheveux en vrac. Je suis mordu et depuis un bon bout de temps. Je m’assois sur le côté du matelas et lui tends une tasse pleine de café. Shaw se redresse puis s’empare du café.

— Pas de lait d’amande, ou soja, ou encore coco ? demande-t-elle en retroussant son petit nez en trompette.

— Désolé bébé.

Je hoche la tête de gauche à droite. Sa moue s’accentue, mais elle boit malgré tout le breuvage foncé. Vingt minutes plus tard, je lui explique brièvement ce qu’il en est pendant qu’elle grimpe sur le siège passager du Range.

— Outch… gémit-elle en fronçant les sourcils.

Je l’interroge du regard tout en démarrant le V8.

— J’ai mal au cul… lâche-t-elle avec malice.

— Soit heureuse, tu ne chevauches pas ma Harley, raillé-je, un sourire narquois aux lèvres.

Elle lève les yeux au ciel, faignant l’agacement puis pose une main sur ma cuisse. Le retour se fait dans un silence reposant, que ni Shaw ni moi ne souhaite rompre. Arrivé au club house, je gare le 4x4 de Shaw en face des bécanes. J’inspire profondément, j’ai pleinement conscience que la journée ne va pas être une mince affaire. Mais quand faut y aller, faut y aller.

— Ça va aller, bébé ? demande-t-elle, glissant ses doigts dans mes cheveux en bataille.

— Je survivrai. soufflé-je ironiquement.

Je m’approche de ma belle et l’embrasse avec gourmandise, la laissant pantelante. Quand je me décale d’elle, ses yeux étincèlent de désir.

— Je vais préparer le petit déjeuner pour ceux qui le souhaitent en attendant le réveil de Tara. m’informe-t-elle avant de bondir du siège passager.

— C’est ça, femme, aux fourneaux !! crié-je à son intention, en descendant à mon tour du Range. Shaw se retourne, me provoque et sourit en brandissant un fuck victorieux dans ma direction. Je pars immédiatement dans un fou rire en me disant que je l’ai bien cherché. Cette meuf a du chien, elle est parfaite pour moi ! Je regarde son joli petit cul se diriger vers l’intérieur quand mon frangin m’interpelle et rompt la magie de l’instant. On s’embrasse avant de rejoindre la table en attendant les gars qui ne vont pas tarder à arriver. Je m’affale sur mon fauteuil, Mal à mes côtés et sors tout le nécessaire pour nous rouler un joint. Une fois fait, je le cale entre mes lèvres, l’allume, tire une longue taffe et le fais tourner à Malonne.

— Bon c’est quoi cette histoire avec Jer ? Pourquoi les keufs l’ont embarqué aux aurores ? demandé-je.

— J’en sais pas grand-chose, c’est Al qui m’a prévenu. Je ne suis pas rentré hier soir à cause de Tara. m’explique-t-il en tirant sur le joint avant de me le tendre.

Jer, Mal et Al se partagent une baraque à quelques pâtés de maisons entre ici et chez mes vieux. Je hoche la tête pour le remercier et lui reprends mon pétard.

— T’as appelé Fallon, ou Fiona pour avoir plus d’infos ?

— Non, c’est toi que j’ai appelé en premier. Al ne va pas tarder à nous en donner, il a suivi Jer et Fallon au commissariat. poursuit-il.

— Parfait, appelle-le.

Au même moment Shaw toque à la porte avant d’entrer, les mains chargées de deux mugs de café fumant. Elle les dépose devant nous d’un air agacé. Je lève un sourcil interrogateur en la regardant droit dans les yeux.

— Il n’est pas un peu tôt pour vous enfumer la tête les gars. ronchonne-t- elle.

J’esquisse un sourire en coin avant de me faire dérober l’objet en question par le gosse. Il tire une grosse latte et recrache l’épaisse fumée blanche par le nez en direction de sa sœur. Quel petit con quand il s’y met.

— Tu devrais essayer, frangine, t’as l’air tendu comme un string… je t’assure ça te ferai un bien fou. raille-t-il, fier de sa connerie en lui tendant notre joint.

— Petit con ! lâche-t-elle, accompagné d’un geste de la main dédaigneux. Des news de Jer ?

— Nop…

— Bien, je serai par là. nous signale-t-elle en tournant les talons.

Je la regarde quitter la petite pièce tout en buvant une gorgée de café noir.

— Brady ?

— Il doit encore pioncer dans sa piaule. m’indique mon frère.

Malonne appelle Fallon, pendant que moi j’en profite pour aller réveiller notre cher ami. Au passage, je jette un coup d’œil dans la cuisine et y vois ma régulière en train de préparer une montagne de pancake, aidée de Valy. Elles se trémoussent sur un titre de YelaWolf, American you. Comme un abruti je souris bêtement en les regardant faire puis, sans me départir de mon air de bouffon, je monte les marches deux par deux. Devant la chambre où cette andouille de Brady se trouve, je tends la main pour ouvrir d’un grand coup sec la porte, mais je suis coupé dans mon élan quand elle s’ouvre d’elle-même, sur Marley. Marley ?! Déconcerté, je la regarde sans bien comprendre ce qu’elle fout là. Mon trouble dure à peine quelques secondes avant d’esquisser un air revanchard à son intention.

— Marley…

— Jay… dit-elle sur le même ton.

— Toi ici ? Pourquoi ?

— Je me suis occupée de Brady, bredouille-t-elle un brin mal à l’aise.

— C’est-à-dire ? insisté-je.

Ma petite sœur croise les bras sous sa poitrine en m’offrant une de ses fameuses grimaces, un éclat de défi dans ses iris semblables aux miennes.

— Je l’ai sucé pour le consoler et lui m'a prise par tous les orifices pour me remercier, connard ! crache la petite peste.

En même temps, question conne, réponse idiote. May aime les minous, pas les grosses queues. Elle et Brady sont juste des potes, de très bons amis même.

— Bien joué, Sista ! Je te lâche avec ça… tu vas où ?

— À la maison, relayer papa pour votre session. Il vient de m’appeler, maman n’est pas en forme ce matin. m’annonce-t-elle.

— D’ac’ !

Elle fait quelques pas, puis se retourne au moment où j’entre dans la chambre.

— Hé, Jay ! Vas-y mollo avec ce petit blaireau. Il regrette pour hier soir, vraiment. Ne sois pas trop dur avec lui. me demande-t-elle.

Je lui réponds d’un signe du menton, puis elle poursuit son chemin. Quand j’entre, mon pote sort de la petite salle d’eau.

— Salut mec ! Pas trop mal aux cheveux ? raillé-je, un peu trop fort pour un matin de gueule de bois.

Il se contente de grogner en s’habillant. Je m’installe confortablement dans le vieux fauteuil club marron, puis une fois mon ami habillé, il s’assoit sur le lit en face de moi. Brady se frotte énergiquement le visage avant de lisser frénétiquement son imposante barbe. Il a une sale gueule et semble vraiment emmerdé par ses frasques de la veille. Il souffle un bon coup, les mains toujours collées à son visage puis sort un joint de son cuir. Je le regarde l’allumer, ne perdant pas une miette du spectacle qu’il m’offre. Ce naze s’est mis dans la merde tout seul. Il pense certainement que je lui en veux, mais ce n’est pas le cas. Il m’a plutôt enlevé une putain d’épine du pied. Certes, son style reste à peaufiner, mais il a fait son effet.

— Je m’en veux, mec… lâche-t-il penaud en me tendant son joint.

Je m’en empare et l’encourage à poursuivre.

— Je ne sais pas ce qu’il m’a pris, j’ai déconné grave ! se lamente-t-il.

— Si tu sais mon frère. claqué-je froidement, avant de tirer une latte.

²Brady me regard droit dans les yeux et balance :

— Ouais, c’est vrai… J’ai toujours eux des sentiments pour Shaw et quand elle est revenue, j’ai bêtement envisagé pouvoir la séduire. Putain, on a vraiment cette conversation mec !? déclare-t-il, gêné.

— Ouaip, bro !

— J’hallucine… dit-il en réclamant son pétard. Malgré toutes les années passées loin d’elle, le béguin que j’avais quand j’étais ado est revenu intact. Pareil pour elle, sauf que son béguin n’a jamais été à mon intention, si tu vois où je veux en venir ?

Bien sûr que je vois où il veut en venir, Shaw a toujours été à moi. D’un mouvement de la tête, je confirme ses dires.

— Arfff, j’étais jaloux, voilà ! merde c’est dit ! crache-t-il enfin.

— Bien. déclaré-je simplement.

— Bien, c’est tout !? Tu te fous de moi Lang ? Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? braille-t-il.

Je fais exprès de retarder ma réponse, histoire de lui foutre un peu la pression. Je m’incline davantage vers lui dans une posture théâtrale, j’ai toute son attention et déclare :

— Ouais, bien, seulement bien ! Et pour répondre à ta question Brady : moi, je ne vais rien faire du tout. Maintenant, écoute-moi, car je déteste me répéter. Toi mon ami, tu vas définitivement tirer un trait sur ma régulière. J’en ai rien à foutre de savoir comment tu vas t’y prendre ni avec qui. Je veux simplement que tu cesses tes conneries une bonne fois pour toutes. Tatoue-toi ça dans ta cervelle de con !

Je fais une pause et me rencogne dans le fauteuil.

— Parce que Shawna est à moi, c’est ma régulière, je vais l’épouser et lui faire des gosses ! Donc si tu ne passes pas à autre chose rapidement, Bro, ça va te détruire. Tout comme si tu continues à nous mettre des bâtons dans les roues, je serai obligé de te régler ton putain de compte. Sérieux ça me ferait vraiment chier, sale fiotte !

Mon ami se gratte la tête puis la barbe comme s’il allait trouver une réponse au travers de tous ses poils. Je vois bien la perplexité sur ses traits, mais également qu’il saisit le message.

— Ça me va Jay. Merci de ne pas m’éclater la tronche… ironise-t-il.

— Pas de quoi, moi je ne te ferai rien. Par contre, j’en connais une qu’il ne va pas falloir tenter. raillé-je.

Brady sur les talons, nous descendons au rez-de-chaussée, en direction de l’église dans laquelle nous prenons place autour de la table. Les gars sont au complet à présent. Je salue mon paternel d’un hochement de tête qu’il me rend malgré nos récents différends. Al ferme la porte derrière lui, la session peut enfin commencer. Terry prend la parole et rentre dans le vif du sujet sans plus attendre.

— Bon les gars, peu d’entre vous ignore que Jer s’est fait coffrer ce matin. Les mecs de Fallon se sont pointés vers 5 h 30 chez lui, pour homicide sur la friandise retrouvée y a quelques semaines.

— C’est complètement dingue ! crache Bill, stupéfait.

— Non pas tant que ça, le contre Al. Jer se tapait Lydia et le soir du meurtre ils se sont frités la gueule chez nous. Jer l’a foutue dehors en la traînant par les cheveux. nous informe Al.

Les gars chuchotent et les questions vont bon train entre l’étonnement et le mécontentement.

— Véridique ! insiste Malonne. Lydia s’était pointée à l’impro et manque de bol, Jer n’était pas seul ce soir-là. Lydia a pété les plombs. Ils se sont engueulés et il a fini par la foutre dehors.

— Merde c’est pas bon ça. ronchonne notre Prez. Al tu sais ce qu’ils ont contre lui ?

— Je sais pas grand-chose, mais Fiona m’a dit qu’il y avait un témoin oculaire de leur différent… certainement la pute qu’il s’est tapée ce soir- là. marmonne Al.

Putain c’est vraiment pas bon, ni pour Jer, ni pour mon frangin et Al. Je me tourne vers Malonne le cerveau en ébullition.

— T’y étais toi aussi ? C’était qui la deuxième meuf ?

— Bah ouais, je viens de le dire… nous étions tous les trois à la baraque. Jer dans sa chambre et nous en train de jouer Red Redemption II. confirme-t-il. Une danseuse du Carmen je crois, mais j’en suis pas certain.

— Attendez-vous à être convoqués aussi. Si c’est bien la meuf qu’a baisée Jer ce soir-là, elle balancera pour vous également. remarqué-je blasé.

— Jay a raison. Malonne et Al, je compte sur vous pour ne rien lâcher même pas votre niveau dans ce jeu vidéo à la con. annonce mon vieux.

— Et la meuf, on en fait quoi ? questionne Pit.

— Rien pour l’instant, mais s’il s’avère que c’est bien une danseuse du Carmen, on s’en chargera comme il se doit. tranche le président en sondant le regard des gosses.

Les deux gamins acquiescent sans broncher. J’écoute d’une oreille distante les conversations entre les membres. Ma cervelle cherche le point central de toute cette histoire. À première vue, les évènements semblent isolés sans aucun lien, mais c’est l’effet recherché. Le lien entre la fusillade au Nevada, le viol de Shaw plus le meurtre dont est accusé Jer… toutes ces merdes ne sont pas des coïncidences, mais bien des pièces d’un puzzle qui s’emboitent peu à peu dans mon esprit. Je m’apprête à exposer mon point de vue quand un cri strident me pète les tympans. Je me lève d’un bond en faisant tomber ma chaise à la renverse dans la précipitation. Je sors en trombe de l’église en courant en direction de l’éclat de voix. Shaw est accroupie par terre à la limite de l’état de choc, dans ses bras, Tara pousse des hurlements de douleurs. Je me rue sur elles.

— Elle a dû louper une marche dans sa descente, je ne sais pas… je n’y étais pas… bégaye-t-elle, impuissante.

— Chut… ma puce. Ça va aller, on s’occupe de toi. tenté-je de rassurer la fillette en larmes.

Shaw en profite pour faire un inventaire rapide de l’étendue des dégâts. Un peu de sang coule sur sa tempe gauche. Elle lève le t-shirt de la petite, dénudant les trois quarts de son dos en vérifiant que Tara n’ait ni plaie ni bosse sur le corps. Mon regard est alors happé par une tache qui débute à la naissance de ses reins. Un parfait croissant de lune remplit de grains de beauté qui n’a rien de commun, hormis le fait que sa jumelle est placée sur ma peau au même endroit. Putain, je n’y crois pas ! Mon sang bout dans mes veines. J’inspire et expire calmement, ce n’est pas le moment de partir en vrille. Tara a le crane ouvert, elle a dû heurter l’arrête d’une marche.

— Il faut l’emmener aux urgences, Tara a besoin de points, Shaw. déclaré- je froidement. Chapitre 26

Shaw

Les pleurs de Tara ne tarissent pas, elle est en état de choc et sa blessure saigne de plus en plus. Valy et Jay tentent de calmer ma gosse pendant que je m’empare de quoi bander sa tête dans la cuisine. Une fois chose faite, Jay la prend dans ses bras, la dépose dans son siège auto et sans plus attendre, je prends la direction de l’hôpital.

Je me gare à l’arrache sur le parking des urgences. Jay, lui, est parti devant moi avec sa Dyna, prétextant ressentir le besoin de rouler pour se calmer. Je n’ai pas bien compris pourquoi, mais je ne l’ai pas contredit. L’état de Tara m’inquiète davantage que les états d’âme de mon mec. Je ne perds pas de temps et détache ma fille de son siège auto en prenant bien soin de la balloter le moins possible. La serviette éponge mise autour de sa tête en partant est imbibée de son sang. Comme tout à l’heure, Jay est déjà à mes côtés et me pousse délicatement pour récupérer Tara. Sa présence m’apaise, même si j’ai endossé à la perfection le rôle de maman solo pendant plusieurs années, le savoir là pour nous me rassure.

À l’accueil, la secrétaire nous enregistre immédiatement. Puis, avant d’avoir posé le stylo que je tiens pour remplir les documents, deux infirmières nous prennent en charge. Les blessures d’enfants ne sont pas prises à la légère d’autant plus quand il s’agit d’un choc à la tête.

— Monsieur Anderson. commence la deuxième infirmière.

— Lang. lâche Jay sans desserrer les mâchoires.

Sa réaction, tout comme son attitude, jette un froid glacial dans la petite chambre.

— Veuillez m’excuser, monsieur Lang, vous pouvez déposer votre fille sur le lit. Nous allons l’ausculter, prendre ses constantes en attendant le pédiatre de garde. nous informe-t-elle avec professionnalisme, pendant que sa collègue prépare tout le nécessaire, n’osant plus jeter le moindre coup d’œil dans notre direction.

Jay s’exécute et Tara est tout de suite prise en charge par les infirmières. Une fois terminé, elles nous préviennent qu’il va y avoir un peu d’attente avant de voir le pédiatre. Je rejoins ma fille, confortablement installée dans son lit. Sa chute l’a complètement choquée, elle est d’un calme presque inquiétant. Pourvu que le doc ne tarde pas, je suis vraiment inquiète. Constatant qu’il ne répond rien, je m’apprête à lui rentrer dans le lard, quand enfin le spécialiste entre dans la chambre. Je me lève pour le saluer alors que « monsieur je tire la tronche » ne bouge pas de sa chaise et hoche seulement du menton en guise de bonjour. Le regard du pédiatre passe de moi à Jay en s’arrêtant une seconde de trop sur le gilet aux couleurs du Death’s Falcons. J’en profite pour prendre la parole et engager la conversation au sujet de ma fille.

— Bonjour docteur, je suis Shaw Anderson, la mère de Tara. commencé- je.

Le médecin sort de son trouble et me fait face.

— Oui, bonjour madame Anderson. déclare-t-il en me serrant la main, sans s’adresser à Jay. Les infirmières m’ont transmis le dossier de votre fille. Il est inscrit que Tara a fait une chute dans les escaliers, c’est bien ça ?

J’acquiesce, puis il poursuit sur sa lancée, nous expliquant le déroulement des examens. Après avoir terminé de l’ausculter à son tour, les deux infirmières reviennent dans la chambre et préparent Tara, qui doit subir une IRM cérébrale. Pour se faire et dû à son jeune âge, le pédiatre doit l’anesthésier. Mon cœur de maman fait des saltos, tant je suis nerveuse à cette idée. J’essaie de rationaliser, l’anesthésie est pour son bien, elle dormira, ne souffrira pas et ne sera pas effrayée par toute la machinerie médicale. Il ne faut que quelques secondes à l’équipe médicale pour endormir ma fille à l’aide d’un masque coloré pour enfant. Puis tous les quatre quittent les lieux. Je tente de réfréner les larmes d’angoisse envahissant mes yeux. Je bats des cils pour les chasser, c’est idiot de se mettre dans un tel état pour des examens. J’en conviens, mais quand on est maman, le moindre grain de sable menaçant votre enfant devient votre ennemi number 1. J’enroule mes bras autour de moi, le regard perdu par la vue que m’offre la fenêtre.

— C’est bon, elle est entre de bonnes mains Shaw. claque la voix de Jay entre les quatre murs de la chambre d’enfant.

Je me retourne, comme au ralenti et plante mon regard dans ses iris de glace. Ce n’est pas sa phrase qui me choque, mais la façon et le ton avec lesquels il a prononcé ces mots. Quelques syllabes dures et méprisantes, comme si je m’apitoyais ou encore chouinais à cause d’un ongle cassé. Quelque chose ne va pas, Jay est sur les dents depuis notre départ du Club. Son énervement est très certainement dû aux affaires du MC. Mais mon intuition me souffle qu’il en est tout autre. Agacée, je finis par rompre le silence.

— Tu as quelque chose à me dire ? lui demandé-je, sur la défensive.

Il me défit du regard, une moue provocante étire ses lèvres pendant que ses doigts lisent sa barbe blonde. Le rythme soutenu de Freeze Me bat la mesure contre mes tempes. Son air ne me dit rien qui vaille, je ne vais pas aimer la suite. Peu importe, nous devons crever l’abcès, au risque d’exploser.

— Depuis quand ? déclare-t-il calmement, trop calmement même.

Je ne comprends pas de quoi il parle, cependant à la dureté des traits de son visage, j’ai, d’après lui, la réponse à sa question.

— Quoi ?

Il se relève d’un bon en faisant valdinguer la chaise derrière lui.

— Putain Shaw ne me prend pas pour un de tes cons de clients de merde ! DEPUIS. QUAND ? hurle-t-il.

Choquée et un peu effrayée, mon cerveau turbine quand je fais tilt.

— Hum… lâché-je dans un sourire sans joie. Tu veux savoir depuis quand j’ai des doutes sur l’identité de son géniteur ?

Il se contente d’un haussement de sourcils sévère, je continue.

— Très sincèrement, je n’ai jamais vraiment douté et je me suis simplement confortée dans ce qui me semblait le plus logique pour tout le monde.

— Shaw bordel ! gronde-t-il. Tu ne vas pas me dire que la tâche que porte Tara au bas des reins ne t’a pas parue familière ?!

— Non !

Son rire sardonique emplit la pièce.

— Tu me prends pour le dernier des cons, sérieux ?!

La panique s’empare de moi quand il avance à pas lent dans ma direction. Il ne me ferait pas de mal, mais je sais de quoi cet homme est capable, alors le doute à cet instant me gagne. Je cherche rapidement quoi dire pour ma défense.

— Je t’assure que jusqu’à mon retour et la première fois où nous avons couché ensemble, je n’en avais pas connaissance, Jay, je te le jure !

— Connerie ! réplique-t-il en faisant un pas de plus.

— Non, c’est vrai ! m’emporté-je furieuse à mon tour. Comment j’en aurais eu connaissance ? Tu crois franchement que le soir où tu m’as dépucelée sur le bureau de ton père je m’en suis rendu compte ? J’étais obnubilée par autre chose, si tu vois de quoi je parle et après cette soirée- là, tu m’as fui comme la peste, tu t’en souviens ? Je marque une légère pause, happée par mes souvenirs avant de continuer. À mes yeux, seulement ma fille possédait cette foutue marque jusqu’à ce que je remarque quelque chose, l’autre jour, sous la douche...

Son regard hivernal toujours braqué sur moi, il soupire lourdement puis se met dos à moi. Jay lève son t-shirt et baisse son froc. La fameuse tâche de naissance apparaît, absolument identique à celle de ma fille.

— Tu l’as bien vue, là ? s’enquière-t-il sur un ton las.

Mon mec me fait de nouveau face en se rhabillant.

— Tara est ma gosse, bordel ! Et je l’apprends seulement maintenant, alors que tu en as la certitude depuis des semaines ! Merde Shaw ! insiste-t-il.

Je déglutis péniblement à ses accusations. Oui en effet, Jay a le droit d’être énervé, mais pas de m’en vouloir. Il a perdu ce droit le soir où il m’a ordonnée de me barrer de Hillsdale.

— Pourquoi tu me fais ça, Shawna ? me demande-t-il, cette fois-ci sans une once d’agressivité.

Bonne question, si seulement j’avais la réponse ! Je pourrais continuer à me voiler la face, mais au fond de moi j’ai toujours su que ma petite fille n’était pas la fille de mon défunt époux. Dès sa naissance, ses billes bleu glace qui lui mangent le visage m’avaient marquée. Andrew et Jay avaient sensiblement la même couleur de cheveux, par contre leurs yeux étaient bien différents, Andrew les avait noisette. Puis en grandissant, je voyais Jay dans les mimiques de poupon de Tara. Mais c’est quand elle a eu l’âge de trois ans où l’infime doute auquel je m’accrochais, par culpabilité, s’est littéralement fracassé.

J’étais allée chercher ma fille à la garderie. En rassemblant ses affaires, je m’étais surprise à la contempler à son insu. Ma fille était en train d’envoyer bouler un de ses petits camarades qui voulait la moto sur laquelle elle zigzaguait. Il lui avait dit que les filles, ça ne faisait pas de moto, seuls les garçons le pouvaient. Elle s’était arrêtée net devant lui, avait passé sa petite main potelée dans ses cheveux de paille et l’avait regardé en restant perplexe. Puis elle avait fini par éclater de rire en se moquant de lui et en lui répondant d’un ton cassant : « Si tu tousses à cette moto, je te roule sur les doigts et tu pourras jamais en faire ». Je m’en souviens comme si c’était hier, car les similitudes avec Jason étaient immanquables. Tout y était, le regard mauvais, l’intonation de sa menace, mais surtout son air intimidant. J’avais eu, en quelques secondes, un condensé de Jason Lang sous mes yeux, en ma petite fille pas plus haute que trois pommes. Impossible qu’il s’agisse de mimétisme, puisqu’elle ne l’avait jamais vu ni même entendu parler de lui. Andrew était un motard lui aussi, oui, mais, il était d’une gentillesse à toute épreuve, il n’était pas menaçant, mais prévenant et arrondissait toujours les angles. Tout le contraire de Jay.

— OK, je te dois une explication. lui avoué-je, le cœur battant à tout rompre.

Je fuis son regard, devenu écrasant. J’ai peur de sa réaction, peur que finalement il envoie tout valser. J’ai la trouille, mais les dés sont jetés, fini les mensonges et les non-dits entre nous. Ça passe ou ça casse. Jay reste silencieux pendant que je me détourne de lui, fixant mon regard sur une forme distincte sans la voir réellement, par la fenêtre de la chambre.

— Tu devrais t’asseoir, Jay. lui conseillé-je, sans même le regarder.

J’inspire fébrilement, cherchant la force de rouvrir cette partie de mon passé. Il le faut, Jay doit savoir et moi je dois faire la paix avec ma culpabilité.

Let’s Go ! Sept ans plus tôt…

Shaw

— Shaw réveille-toi ma puce, Jay va te ramener chez toi. déclare Vicky en me caressant le visage tendrement.

J’ouvre péniblement un œil gonflé de fatigue.

— Je sais ma puce, mais tu dois te reposer. Demain nous en saurons plus sur la peine qu’encoure Andrew. tente-t-elle de me rassurer.

Je me redresse, amorphe, et me frotte le visage des mains.

— Est-ce que je peux rester dormir à la maison cette nuit ? Je ne me sens pas d’être seule chez moi, pas après l’arrestation d’Andrew. lui demandé- je penaude.

— Aucun problème bébé. déclare ma mère en me prenant dans ses bras pour me consoler.

Notre câlin dure quelques minutes avant que mon pire cauchemar n’arrive et se place devant nous. Jay vient de rentrer de l’Utah et je le hais encore plus aujourd’hui. Je le déteste pour m’avoir abandonné après avoir pris ce qui m’était de plus cher : ma virginité. Et même si ça remonte à quelques années maintenant, sa présence, ce soir, me fout les nerfs en pelote. Il va me raccompagner chez nos parents, notre premier tête à tête depuis cette foutue soirée. Sans même m’adresser un mot, mon chauffeur me tend ma veste en jeans et part en direction de la cour. J’embrasse ma mère, salue de la main les membres que je croise et lui emboite le pas. Je sors du club, Jay m’attend sur sa bécane. Je marque un temps d’arrêt, cette scène m’est familière. Le cœur au bord des lèvres, j’éprouve des difficultés à avancer.

— Bordel, Shaw, on a pas toute la nuit ! grogne-t-il, agacé par ma lenteur.

Bon sang ce mec est insupportable ! Ça ne devrait pas et pourtant, ce con m’arrache un sourire. Je m’avance d’un pas lent, exprès pour le faire enrager. À sa hauteur, je prends le casque et l’enfile sur ma tête pendant puis il démarre sa Dyna. Quand je la chevauche à mon tour, je prends appui sur ses épaules et lui susurre au creux de l’oreille.

— Tu m’as manquée aussi, belle gueule.

Je m’installe confortablement contre son dos musclé. Jay, égal à lui- même, fait comme si de rien n’était et enclenche la première. Quand je passe mes bras autour de son corps, je le sens se raidir sous mon emprise.

Le trajet est passé à la vitesse de l’éclair. Jay gare la moto sur le parking devant le garage de nos parents. Il met la béquille avant de couper le contact. — Lâche-moi, Shaw… maintenant ! râle-t-il.

Je m’exécute enfin et le libère. Jay enjambe son bolide comme s’il avait le feu aux fesses, ou bien est-ce à cause de moi ? Je l’imite, enlève le casque et le lui rends.

— Pourquoi ? lui demandé-je simplement en me plaçant devant lui.

Son regard de glace examine la moindre parcelle de mon corps. Comme toujours, sous son œillade, mes sens s’enflamment. Il fixe un peu trop longtemps mes lèvres en humectant les siennes. Puis me répond enfin.

— Je ne vais pas faire celui qui n’a pas compris ton allusion. Pourquoi ? Parce que c’était mal, déplacé et interdit, même pour un gars comme moi, Shawna. déclare-t-il avant de tourner des talons pour rejoindre l’intérieur de la demeure.

Sa franchise me prend de court, je ne m’y attendais pas et reste plantée comme une cruche. Ne l’ayant plus dans mon champ de vision, je me mets un coup de pied au cul, mentalement, et le rejoins. Je traverse le hall d’entrée pour me diriger vers la cuisine. J’aimerais approfondir le sujet avec lui, mais je ne le trouve nulle part. Alors, j’attrape deux verres à tequila, un citron dans la corbeille à fruit et le coupe en quartier. Puis la salière et la bouteille d’alcool dans le placard. Direction la terrasse. Évidemment, Jay est installé à la table en train de fumer son joint. Comme par le passé. Je dépose mon butin sur cette dernière. Son regard se veut interrogateur.

— Tequila ? Tu ne vas quand même pas me laisser boire seule, comme une alcoolo ? fais-je d’une moue faussement outrée.

— Tu bois maintenant ? s’étonne-t-il.

— Ouais entre autres… répondé-je en versant l’alcool dans les shooters.

Je m’assois en face de lui, pose mon portable sur la table en mettant en route ma playlist.

— Tu ne vois pas d’inconvénient ? le questionné-je en montrant de la main l’appareil.

Il me répond d’un haussement d’épaules. La mélodie de The Neighbourhood flotte dans l’air chaud de cette soirée de septembre. Je dépose le sel sur ma main, chope l’agrume au passage et tends mon verre dans la direction de mon fantasme. Nous trinquons sans entrechoquer nos verres et avalons en même temps notre tequila cul sec. L’alcool enflamme ma trachée sur son passage. Je suis captivée par le bellâtre me faisant face. Il tire une grosse taffe sur son joint. Je tends la main et le lui quémande. Les yeux exorbités, il marque un temps d’arrêt.

— En effet, pas mal de chose ont évolué en mon absence… vraiment Shaw, tu fumes aussi ? insiste-t-il.

Je roule des yeux au ciel, soulée qu’il continue à me prendre pour la gamine de dix-sept ans qu’il a laissée en plan derrière lui, trois ans plus tôt.

— Je ne suis plus une gosse Jay, bordel ! tonné-je.

Un rictus sarcastique vient illuminer son visage.

— C’est vrai tu es une femme mariée à présent, madame Anderson ! raille- t-il avec amertume en montrant mon alliance de son index.

Jay me tend son pétard, je m’en empare et le cale entre mes lèvres avant de tirer dessus à mon tour. À ce rythme-là, un verre de tequila ne suffira pas. Puisqu’il semble enclin à avoir une conversation avec moi, je ne vais pas le lâcher. J’ai tant besoin de réponses de sa part. Ce soir, Jason n’y échappera pas. Je nous ressers avant d’engloutir à nouveau nos verres.

— Pourquoi m’avoir mise dans les bras de ton meilleur ami, si au final tu ne supportes pas me savoir avec lui. Je suis sa propriété maintenant, sa femme pour le meilleur et pour le pire. Lui balancé-je avec défi.

Jay nous ressert avant de répondre, je tire un dernier coup sur son joint et le lui rends. Je vide encore une fois mon shooter. Il va falloir ralentir la cadence, car je vais rapidement être pompette.

— J’ai agi par pure logique. Tu plaisais à mes deux meilleurs potes, je ne pouvais pas t’avoir, mais ne supportais pas qu’un connard te touche. Je savais qu’à tes yeux Brady était comme un frère, mon choix s’est donc reporté sur Andrew. Lui et moi avons assez de points en communs pour faire comme un transfert de moi à lui… et ça s’est produit. Maintenant qu’il a fait de toi sa régulière, je suis un homme mort au sein du Club si je t’approche. Désolé Rebelle, mais je tiens trop à ma vie d’enfoiré pour me faire abattre par un de mes frères. m’explique-t-il avec conviction.

Malgré l’ivresse s’installant peu à peu dans mon esprit, les pièces du puzzle prennent place et s’emboitent afin de comprendre sa façon de voir les choses. À cet instant précis, j’ai exactement le sentiment d’être un vulgaire pion qu’il manipule à sa guise. Pour son plus grand plaisir malsain.

— Putain de merde Jay ! C’est brillant comme idée, vraiment, de cette façon je suis pleinement intouchable… clamé-je. Non sincèrement y a du génie là-dedans, simplement on fait comment si moi, ce n’est pas ce que je veux ?

Je me rapproche de sa chaise avant de planter mon regard désinhibé et chargé de désir dans le sien. Il déglutit, quelque peu déstabilisé par mon audace. J’attends presque patiemment qu’il me pose la question me brûlant la langue. Mais rien ne sort de sa putain de belle gueule. Je remplis une fois de plus nos verres, bois le mien pour me donner davantage de courage. Ce tentateur lèche avec sensualité ses lèvres gourmandes en signe de provocation. Putain, ce mec me rend barge ! Jamais Andrew ne m’a mise dans un état semblable. Jamais. Le morceau de musique se termine laissant le silence nous happer pour balancer les premières notes de R.I.P 2My Youth. Jay ferme les yeux comme s’il se délectait du moment, suivant le rythme de la tête.

— Qu’est-ce que tu veux ? me demande-t-il enfin, ses iris céruléennes braquées sur moi.

Alléluia ! J’ai bien cru ne jamais entendre ces mots. Ni une ni deux, pleine d’audace, je me hisse à califourchon sur lui et passe mes doigts sur son visage en soutenant son regard.

— Toi…

Je m’attends à être repoussé violemment, mais il n’en fait rien. Au contraire, il glisse sa main dans mes cheveux en ramenant mon visage contre le sien. Puis il frôle ma lèvre inférieure avant d’écraser sa bouche dessus. Son baiser me renvoie trois années en arrière. Tout va très vite, il me bouffe littéralement et je le désire follement. Et ce n’est pas le renflement sous sa braguette qui nous dira le contraire.

— Rebelle… on peut nous surprendre à tout moment… siffle-t-il entre ses dents.

— C’est bon ça… rétorqué-je à bout de souffle.

Il passe ses mains sous mon haut, malaxe mes seins sous la dentelle de mon soutien-gorge. Très rapidement, il atteint la ceinture de mon jeans et le défait avec une facilité qui me laisse pantelante. Je parcours son corps avec délectation, griffe au passage ses abdos fermes puis arrive moi aussi aux boutons de son jeans baggy. Je glisse ma main à l’intérieur et saisis son érection. Jay me fait légèrement me relever pour me libérer de mon slim puis il descend son jeans sur ses fesses pour dégager l’accès à son caleçon. Pendant que ma main le caresse de haut en bas, la sienne s’aventure dans ma culotte décalée sur le côté. Il pince mon clitoris de son pouce et de son index pour enfin glisser son majeur entre mes lèvres humides. Je gémis, en me délectant de ses attouchements et quand il insert deux doigts en moi par surprise. Nous prenons soin l’un de l’autre quelques minutes jusqu’à ne plus pouvoir attendre davantage. Mon amant attrape à pleines mains mes hanches et me guide pour m’empaler sur sa queue. J’étouffe un juron entre le plaisir et la souffrance. Bordel, j’avais oublié quelle place il prenait. Jay fait un aller-retour avant de me tendre une capote.

— Je suis peut-être alcoolisé, mais pas demeuré, souligne-t-il, alors que je n’y avais même pas pensé.

Je n’en utilise plus avec Andrew depuis bien longtemps. Dans le feu de l’action, j’ouvre l’emballage avec les dents et déroule le préservatif sur l’impressionnant membre de Jay. Mon trouble d’avoir oublié une chose aussi cruciale, comme me protéger, dissipé, je reprends place sur Jay et le chevauche avec vitalité. Ma chair frémit sous ses assauts. Ses va-et-vient sont brutaux et féroces, tellement lui. Je me laisse totalement faire, ayant fantasmé cet instant des centaines de fois. D’un coup de rein, il nous relève et me plaque sur la table après avoir envoyé valser son contenu dans un bruit de fracas. Sur le dos, je le regarde me prendre avec tant de passion et d’érotisme. Je gémis de plus belle.

— Sérieux, quelqu’un va nous entendre, crache-t-il en s’écartant de moi. Suis-moi.

Il me tend une main que j’attrape et le suis, totalement hypnotisée par son aura. Nous traversons la cuisine puis le couloir avant de chuter dans les escaliers. Nos ébats reprennent là où ils s’étaient interrompus. Les arêtes des marches me lacèrent le dos, mais je n’en fais cas, désireuse et affamée de cet homme. Il prend ma bouche en otage accentuant chaque coup de reins de petites sussions sur ma langue. J’en perds la tête tant l’intensité de notre échange me perturbe et me ravise en même temps. Je suis surprise quand un puissant orgasme me scotche littéralement à m’en couper la respiration. Jay accélère ses coups de boutoir pour à son tour jouir violemment en moi. Il s’affale de tout son poids sur mon corps en me câlinant. Je suis au paradis, loin de tout, avec celui désiré depuis toujours. Je ferme les yeux, ma tête me tourne, résultat d’une partie de sexe endiablée et un fort taux d’alcool dans le sang. Néanmoins l’ivresse que je ressens n’est pas seulement due à la tequila, mais en grande partie à cause du biker niché entre mes jambes.

Quand j’ouvre mes yeux, je suis ébloui par les rayons de lumières traversant les persiennes de ma chambre d’adolescente. Pas la peine de me retourner pour savoir que je suis seule dans mon lit. J’ai la bouche pâteuse et une migraine force dix mille qui me vrille les méninges. Si mon corps ne hurlait pas sous de nombreuses courbatures, je pourrais presque croire avoir fantasmé toute la scène de la veille. Presque… Cette nuit, l’idée me paraissait bonne, seulement, au réveil, toute brume alcoolisée disparue, la dure réalité me heurte de plein fouet.

Je n’ai plus dix-sept ans, je ne suis plus la petite Shaw fraîche et insouciante, incontestablement amoureuse de son demi-frère. Mais bien une femme mariée à un homme génial, enfin si l’on oublie qu’il croupit dans une cellule pour avoir fait usage d’armes à feu sur la voie publique. Je lui dois respect et fidélité, bordel ! À aucun moment il est stipulé que j’ai le droit de le tromper avec son meilleur ami, son frère d’armes… Je m’effondre et fonds en larmes. Je n’aurais jamais le droit d’aimer Jay. J’ai fait un choix, celui d’aimer et de chérir pour le meilleur et pour le pire Andrew Anderson, et ce, jusqu’à la mort. Je suis devenue tout ce que je haïs : une sale traînée. Chapitre 27

Shaw

— Quand je me suis réveillée, tu n’étais déjà plus là et les jours suivants, tu m’as délibérément ignorée.

Comme Jay ne dit rien, je poursuis.

— Je me détestais déjà assez d’avoir trompé mon mari et puis je savais que seul l’alcool avait dicté tes faits et gestes. Je ne voulais pas me ridiculiser davantage, tu dois me comprendre Jay. plaidé-je.

— Ce n’était pas le cas. L’alcool, n’y était pour rien il t’a désinhibée… tranche-t-il en passant la main dans sa tignasse blonde.

— Ouais, on va dire ça… déclaré-je évasivement. Bref, tout ça pour dire que je ne te l’ai pas caché délibérément. J’ai su que j’étais enceinte le jour où tu m’as « gentiment » demandée de foutre le camp de ta vie et de Hillsdale.

Je cherche son regard du mien, voulant qu’il saisisse bien le fond de ma pensée.

— L’annonce de ma grossesse m’a donné la force de me tirer. Sans oublier de déballer tout ce que j’avais sur le cœur à nos parents. À aucun moment et tu dois me croire, je n’ai envisagé que tu pouvais en être le père. insisté- je avec douceur. Andrew voulait un enfant, j’avais récemment arrêté de prendre ma pilule contraceptive.

— Je me doute que je ne faisais pas partie de tes plans.

Je m’adosse à la fenêtre, la fraîcheur du verre apaise un peu mon sang en ébullition.

— JE ne faisais pas partie de tes plans Jay. Il n’y en avait que pour le Club ! Tu ne voulais pas voir au-delà… ce matin-là, tu as été on ne peut plus clair ! Ton choix était fait. Tu voulais les Death’s, pas moi !

Il se rapproche d’un pas vers moi, ne laissant plus que quelques centimètres entre nos deux corps. Comme aimanté, le mien vibre et frémit, dans l’attente qu’il me touche.

— Putain ! J’étais à la rue Shaw, je ne savais pas quoi faire d’autre ! Je venais d’enterrer mon meilleur pote, j’avais mal bordel… la dernière chose dont j’avais besoin c’était de t’avoir dans mes pattes alors que je partais complètement en live, les mois qui ont suivi ont été des plus sanglants. se justifie-t-il.

Je m’apprête à rétorquer que j’avais tout autant mal que lui, si ce n’est plus, quand quelqu’un toque à la porte, me coupant dans mon élan. Voyant que je ne réponds pas, Jay prend les devants et invite la personne à entrer. Nous sommes tous les deux surpris en voyant la silhouette de Vicky passer le pas de la porte, suivi de Marley. Interdite, je tente d’analyser la situation. J’observe les traits fatigués du visage de ma mère en quête d’information. Mais Jay met un terme à ce malaise flottant.

— Si tu es venue pour en remettre une couche, Vicky, sache que ton timing est vraiment très pourri. l’avertit-il.

Marley fuit mon regard, gênée, puis guide notre mère vers le fauteuil qu’occupait Jay à notre arrivée.

— Non, je ne suis pas venue pour me battre avec vous les enfants. Je n’en ai ni la force ni les bonnes raisons. lâche-t-elle d’une voix tendue.

Je suis tout ouïe de connaître la raison de sa venue.

— Tout d’abord, je voulais m’excuser pour ma réaction d’hier soir. Je ne m’attends pas à ce que vous me fassiez de cadeau, mais j’ai réagi sous le coup du choc. Dire que je ne m’y attendais pas et que je suis tombée des nues serait me foutre de vos tronches.

Je tente de prendre la parole pour la questionner, mais Vicky me stoppe dans ma lancée en me faisant signe de ne pas l’interrompre.

— Je vous ai élevés, vous avez vécu sous mon toit, je vous ai observés. J’ai toujours su que ma fille avait un faible pour toi seulement, je n’avais pas envisagé qu’il serait réciproque. J’ai passé la nuit à réfléchir et à emboiter les pièces du puzzle. poursuit ma mère. J’ai alors compris pourquoi. Pourquoi, ce défilé intarissable de filles différentes. Pourquoi tous les coups étaient permis entre vous. Et puis je me suis souvenue de quelque chose : toi quittant le bureau de Terry suivi de ma fille en larmes quelques minutes plus tard. déclare-t-elle.

— Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ?

— Je pensais que vous vous étiez encore une fois engueulés ! confirme Vicky.

— OK, c’est bien beau tout ça Vicky, mais j’ai pas l’intention de faire machine arrière. Donc bénédiction ou pas, j’en ai rien à foutre, Shaw est à moi point barre. tranche Jay.

— J’y venais, dit-elle le sourire aux lèvres. Ne fais pas souffrir ma fille VP, je viens tout juste de la retrouver, je ne veux pas la perdre à cause de toi… compris ?

En guise de réponse, Jay hoche de la tête avec malice. Les tensions retombées, l’atmosphère est plus sereine. Je serre maman dans les bras, soulagée qu’elle accepte notre relation.

— Sinon, initialement, nous étions venues pour voir comment va Tara. coupe ma sœur.

Je leur fais un résumé des infos en notre possession et leur indique que les examens ne vont pas tarder à s’achever. Je profite de ce moment d’accalmie pour aller me chercher un café, Jay m’accompagne. Sur le chemin, mon portable sonne dans ma main, je décroche et articule en même temps un « boulot » silencieux à mon mec.

— Salut Ashanty, merci de me rappeler.

La discussion est brève, je lui explique ce que j’attends d’elle pendant mon absence de quelques jours et lui rappelle combien je reste joignable sur mon portable. Sachant pertinemment qu’Al veille au grain, mes recommandations faites, je raccroche l’esprit tranquille. Pendant mon coup de fil, Jay en a profité pour me faire couler un café au distributeur en face de nous. Il m’avertit qu’il est brûlant et s’excuse pour l’absence de lait végétal. Cette scène me rappelle vaguement celle de ce matin à la maison du lac. Comme quoi il y a des jours où il est préférable de rester sous la couette.

— Alors, Ash ? me demande-t-il sur ses gardes.

— Quoi Ash ?

— Tu sais qu’elle et moi…

— Que vous avez niqué ?! le coupé-je.

— Je voulais la faire un peu plus fine, mais en gros c’est ça. ricane-t-il.

— Je ne vais pas te raconter de connerie, je ne saute pas au plafond de le savoir, mais c’est du passé. me rassuré-je. Et toi, avec Ashanty, t’en es où ?

— Nulle part, c’est de l’histoire ancienne. Elle et moi, nous nous sommes bien éclatés, rien de plus. Un plan cul, pas de sentiments ni prise de tête. affirme-t-il simplement.

Sentant un froid entre nous, Jay s’arrête net et se place devant moi. Il prend mon visage en coupe et me force à le regarder droit dans les yeux. Je n’en mène pas large, c’est clair, mais la dernière envie que j’ai est qu’il me prenne pour une chouineuse.

— Hé bébé, laisse tomber direct, cette nana est insignifiante pour moi. T’es hors catégorie ! Merde, je suis vraiment pas doué pour tous ces trucs ! C’est toi et toi seule que j’ai toujours voulu, même quand je croyais ne pas te vouloir ça battait pour toi là-dedans. dit-il en tapant du plat de la main sur sa poitrine. Alors s’te plait, ne laisse pas ces pensées de merde niquer notre groove ! Pour info, histoire que les choses soient bien claires, je prends le complet : toi et ma gosse Tara. déclare-t-il avec aplomb.

Malgré moi j’éclate de rire. Pour beaucoup, ça serait la pire déclaration d’amour de la terre, mais pour moi c’est le putain de Graal !

***

Dix jours plus tard…

Jay

Ma meuf a demandé à ce qu’on fasse un test de paternité à Tara. J’attends les résultats avec impatience, même si aucun doute ne subsiste. Je veux voir notre ADN écrit noir sur blanc. La puce se remet très bien de ses mésaventures, à croire que la chute n’a jamais eu lieu dans son esprit. Tant mieux, je préfère qu’elle n’en soit pas traumatisée. Shaw a pu se rendre disponible pour veiller sur Tara la semaine, mais, le week-end, les affaires reprennent. Le Carmen a besoin de SA Carmen. En effet Al et Ash, ont bien gérés le Club en l’absence de ma régulière, mais personne n’arrive à la cheville de Shaw. Elle a un don pour mélanger business et divertissement. Cette nana m’étonnera toujours. Surprenante ! J’ai troqué ma Dyna contre le Range de Shaw pour récupérer Tara à l’école afin de passer un peu de temps entre « père et fille ». En papa modèle, je l’ai emmenée manger une glace et nous voilà au parc pour enfants. La gosse se régale et je dois bien l’avouer, moi aussi. Qui l’aurait cru très franchement ? Je dois avoir une drôle de dégaine, assis là sur un banc à l’ombre d’un énorme arbre, à surveiller d’un œil avisé ma « progéniture ». Peu commun, je m’en rends bien compte aux nombreux regards langoureux que me lancent les mères au foyer présentes dans le square.

La gosse m’interpelle en faisant de grands gestes en haut du toboggan. Je lui réponds à l’identique, me fendant la poire avant que le vibreur de mon portable m’alerte. Je ne connais pas le numéro, mais décroche en restant méfiant.

— Monsieur Jason Lang ? demande une voix nasillarde à l’autre bout du combiné.

— Lui-même ! rétorqué-je.

— Bonjour, monsieur, veuillez m’excuser pour le dérangement, je suis mademoiselle Peal, chargée de votre dossier de recherche de paternité.

Mon cœur s’affole quand elle se présente, pressé de connaître le verdict.

— Bonjour, mademoiselle, je vous écoute. — Voilà, madame Ford Anderson et vous-même avez fait la demande d’un test ADN, vous concernant.

— C’est exact.

— Monsieur Lang, les analyses génétiques sont formelles et confirment les liens de filiations biologiques. En d’autres termes, l’enfant Tara Ford Anderson est bien votre enfant biologique.

Putain, le temps d’un instant ma respiration se bloque dans ma cage thoracique. Enfin, j’en ai la certitude, Tara est ma gosse ! J’entends, en fond, la voix de mon interlocutrice, mais suis incapable de déchiffrer ce qu’elle déblatère. Poliment, je mets fin à la communication. Je me sens léger, délesté d’un poids dont je n’avais pas connaissance jusqu’à aujourd’hui.

Sur mon petit nuage, je cherche du regard ma petite fille dans le dédale de jeux pour mômes. Dans mon champ de vision, des dizaines de couettes blondes et de coupe au bol sautent dans tous les sens. Mais pas de Tara. L’adrénaline me décolle le cul du banc et je bondis sur mes guibolles. J’arpente le jardin d’enfants, passe la tête dans chaque tunnel, passerelle, toboggan et j’en passe. Tara reste introuvable. Les pieds dans le sable, je sillonne les environs.

Certainement alerté par mon attitude, une femme d’une trentaine d’années, m’accoste et me demande ce qu’il ne va pas. Je lui parle de Tara, lui fais une description assez fidèle de l’accoutrement de la petite et d’autres mamans s’approchent de nous et nous proposent leurs aides. Ce n’est vraiment pas de refus. Je ne comprends pas comment, en seulement quelques secondes d’inattention, j’ai pu la perdre de vue. Bordel, la panique commence à me gagner. Sentiment plus que nouveau pour moi. Moi qui suis habituellement d’un calme olympien, doté d’un sang-froid à faire saliver de jalousie les vampires, me voilà en proie à une peur viscérale. Elle me vrille le ventre, compresse mon cœur et obscurcit ma vue. Je suis proche de l’asphyxie. La jeune femme blonde s’en rend compte et me secoue par le bras pour me faire revenir à sur terre. Mon regard s’éclaircit avant de se verrouiller au sien. Elle m’aboie des ordres que je note dans ma tête pour ne rien oublier. Maintenant toutes les personnes présentes sur l’aire de jeux contribuent activement à la recherche de Tara. Le chasseur en moi est de retour, en pleine possession de ses moyens. J’appelle Fallon, puis les gars du Club et dix minutes plus tard, toute la cavalerie m’a rejoint. Je remercie les mamans m’ayant aidé et soutenu avant de leur assurer de les tenir informées sur les recherches. Elles me souhaitent bonne chance et beaucoup de courage ainsi qu’à ma femme.

Bordel, mais comment vais-je bien pouvoir annoncer ça à Shaw ? Elle va péter les plombs. Super, la première fois que ma meuf me confie notre fille avec une confiance aveugle, je merde royalement. C’est sûr, Shawna ne me le pardonnera jamais. Je suis un homme mort ! Je prends mon courage à deux mains et quitte enfin les lieux du kidnapping, car c’est bien de ça dont il est question à cette heure. D’après Fallon, il doit agir vite, il dit que les premières vingt-quatre heures sont cruciales pour la survie des victimes. Son équipe d’enquêteurs ratisse l’aire de fond en comble, à la recherche du moindre indice. Vingt-quatre heures c’est le temps que je leur laisse pour me ramener ma gosse saine et sauve. Une fois ce temps-là écoulé, j’agirai à ma façon et de manière chirurgicale, vous pouvez en être certain.

Le moment de mon émasculation a sonné. Je grimpe dans le 4x4 en direction du Carmen. Arriver sur le parking du Club, je gare le Range de Shaw à sa place attitrée, coupe le contact et inspire à pleins poumons. Pour la première fois de ma putain de vie, je suis terrifié par ce qu’il m’attend. Je n’ai pas peur de prendre une raclée, non, les coups je les encaisse plutôt bien et sais parfaitement me défendre. C’est bien la réaction de la femme que j’aime qui me terrifie. En un claquement de doigts, Shaw peut m’anéantir, me pulvériser et danser sur ma tombe. Tout homme a un point faible, un talon d’Achille et la plupart du temps, cette faiblesse prend le visage d’un ange. Ma femme peut se révéler mon paradis comme mon enfer en une fraction de seconde. Chapitre 28

Shaw

Ça fait deux jours que je ne suis pas rentrée chez moi, terrifié par le silence que j’y trouverais.

Ça fait maintenant soixante-deux heures et dix-sept minutes que Tara a disparu.

Je n’ai pour ainsi dire quasiment pas fermé les yeux depuis. Épuisée et surtout pétrifiée de peur de ne jamais la retrouver. La police d’Hillsdale fait tout son possible et idem pour le Club. Malgré ça, je ne suis en rien apaisée. Une multitude d’émotions se bousculent en moi, ni cohérentes, ni rationnelles et encore moins justes. Je m’en veux de m’en être prise à Jay, je n’ai pas été sympa avec lui. L’accuser d’être à l’origine de la disparition de Tara, c’était moche, je le sais très bien. Mais après l’assassinat de Lydia, la friandise que s’envoyait Jer, Dimitri plus les merdes avec les nazis, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Je suis sortie de mes gonds. Elle était sous sa putain de surveillance, une seconde d’inattention et c’est le drame. Personne n’est sans savoir qu’il ne faut pas quitter des yeux un enfant dans un parc ! Je lui en veux, oui, et je m’en veux encore plus de ne pas avoir été là. Si j’avais été là, rien de tout ça ne serait arrivé. En fait, je ne sais pas, je ne sais plus. Seule certitude, Jay n’allait vraiment pas bien lui non plus, il souffre et s’en veut. Demain, il faudra que je lui présente des excuses, mais pour l’instant, je suis épuisée, mon cœur pèse lourd dans ma poitrine. Je ne peux m’empêcher de penser à ce que ma petite Tara doit ressentir, seule, apeurée, dans un endroit inconnu, elle doit croire que je l’ai abandonnée ! Sentant les larmes glisser sur mes joues, je me décide à sortir de mon 4x4 pour rejoindre ma demeure afin de m’effondrer sous une douche brûlante pour pleurer et réussir à dormir un peu. Je n’ai pas fait cinq pas à l’intérieur que la culpabilité m’étouffe de nouveau. Je jette mes clefs sur la console de l’entrée et ôte mes chaussures compensées en même temps que je lâche mon sac à main. Il heurte le sol dans un bruit sourd, me rappelant la présence du Glock. Vicky m’a obligée à le garder sur moi, au cas où. Je me dirige vers ma chambre quand un bruit me fait sursauter. Je ne suis pas une froussarde de base, mais ce soir mes nerfs sont à vif et je me rends compte qu’il est ridicule d’avoir peur d’une vieille baraque qui craque. De peur de ne pas reconnaître l’inconnue que je suis devenue en quelques heures, je me résous à ne pas croiser mon reflet dans le miroir. Pour y voir quoi ? Une pauvre nana dans un état lamentable, venant de perdre les deux amours de sa vie en une fraction de seconde ! Après toutes les absurdités que j’ai crachées au visage de Jay, je crains que notre relation aussi « belle » soit elle, soit réduite à néant. Je me suis montrée méchante, tapant là où ça fait mal. C’est à peine si je contrôlais le flot atroce de paroles sortant de ma bouche. Je m’arrête, respire profondément pour me calmer, puis me raisonne et reprends mon chemin. À nouveau ce bruit. Je m’arrête, un drôle de pressentiment s’empare alors de moi. Je fais demi-tour dans le couloir pour récupérer le Glock chargé dans mon sac à main.

Hélas, je suis coupée dans mon élan par un coup qu’on me porte au visage, me faisant tomber au sol, complètement sonnée. Il me faut plusieurs secondes pour émerger. Allongée sur le carrelage froid, je tâte doucement mon œil du bout des doigts. La vache, ça fait un mal de chien. Toujours au sol je sens une présence au-dessus de moi puis entends sa respiration.

Dimitri ?

— Alors tu fais moins la maligne maintenant, connasse !

Le coup que je viens de prendre a dû m’endommager une partie du cerveau à m’en faire délirer. Je reconnais cette voix féminine. Elle me repousse du pied pour me faire rouler sur le dos. Encore sous le choc, je ne réussis pas à lui résister bien longtemps et me retrouve, face à elle, stupéfaite.

— Ash ?

— Ah tu ne l’as pas vue venir celle-là, hein ? lâche-t-elle sournoisement.

C’est à peine si je la reconnais. Son visage est différent, plus dur, son regard comme fou et sa voix emplie d’une sombre amertume. Ceci dit, quand on constate la façon dont elle vient de m’assommer, je ne peux qu’attester de sa folie. Je me retourne aussi rapidement que mon corps me le permet en me traîne vers l’entrée. Je n’ai même pas fait deux mètres, qu’elle m’attrape par la cheville en tirant dessus comme une forcenée. Je commence à me débattre, mais elle me stoppe d’un effroyable coup de pied dans le dos. Étouffant un gémissement de douleur, je parviens temps bien que mal à protéger mon ventre de mes bras. Un frisson me parcourt l’échine à l’instant où je comprends que ça sera elle ou moi.

Cette tarée m’attrape par les cheveux et m’ordonne de me relever. Je m’exécute avec beaucoup de difficultés, la douleur est telle qu’on dirait qu’elle est en train de me scalper. Je retrouve un peu de mon équilibre, un genou à terre en me retenant au chambranle de la porte séparant le couloir du salon. De son autre main, elle attrape mon menton. Ses yeux trahissent le plaisir que la situation lui procure. Je ne comprends pas. Pourquoi s’en prend-elle à moi ? Puis dans un éclat de rire démoniaque, elle me gifle avec force. La puissance de son geste me renvoie illico au sol. Le sang emplit ma bouche de son goût métallique. Ash me saisit de nouveau par les cheveux de façon à ce que nos regards se rencontrent. Je me mets rarement en danger, mais je ne peux rien contre mon patrimoine génétique, un volcanique mélange entre un président de MC et de la First old lady ! C’est plus fort que moi, je la provoque.

— Alors on fait quoi maintenant ? Pour une raison qui m’échappe tu as une dent contre moi, une petite clarification s’impose, tu ne trouves pas ? lui craché-je.

— Ne fais comme si tu étais en position de force, Shawna ! C’est moi qui mène la danse. Tu ne pouvais pas rester à L.A., hein ? Non, il a fallu que madame la Princesse revienne à Hillsdale ! Tout allait très bien pendant ton absence ! Il est à moi, espèce de connasse !

Elle tente de m’en remettre une, mais cette fois j’ai anticipé et parviens à la contrer.

— Mais de quoi tu parles ?

Je me relève d’un bond et la cogne de toutes mes forces au visage. Elle titube, je saisis l’ouverture et lui administre une rafale de coups de coude dans les côtes. Je tire violemment sur sa tignasse pleine d’extensions, elle hurle de douleur, mais je ne me laisse pas attendrir par cette psychopathe. D’autant plus que je ne connais toujours pas la raison de sa colère à mon égard. Nous tournons pendant quelques secondes pour finir par tomber non loin de la table basse.

— Jay ! Il est à moi ! Tu crois pouvoir me les prendre tous les trois ? C’est là, où tu te plantes chérie !

J’ai le dessus sur elle et la situation. Je ne comprends vraiment pas où elle veut en venir. Jay, OK, mais les trois, je nage carrément.

— Les trois ? lui demandé-je dans l’incompréhension.

Ma main, toujours dans ses cheveux, j’y ajoute la deuxième et je projette tout mon poids pour prendre de l’élan en même temps que je tente de lui faire un croche-pied. Elle est coriace, mais je finis par y arriver. Sa tête heurte le parquet dans un bruit sourd. L’envie de lui fracasser encore et encore la boîte crânienne, jusqu’à être à bout de force est très tentante. Néanmoins, j’en profite pour me faufiler de nouveau en direction de mon arme. Je n’en reviens pas, à peine ais je saisi mon sac que cette conne se rebiffe et me charge de nouveau. Elle m’assène son poing directement dans le dos, le choc me coupe la respiration et je tombe sur les fesses en suffoquant. Je vois venir son coup de pied et, par réflexe, je me mets en boule. Je ferme les yeux et hurle :

— JE SUIS ENCEINTE !

Les châtiments cessent immédiatement. Je me risque à ouvrir mes yeux. Ash, me regarde, les lèvres retroussées sur ses crocs telle une bête sauvage, sa rage évidente fulmine dans ses yeux noirs. Persuadée qu’elle va battre en retraite et en rester là, je m’autorise un moment d’inattention. Erreur fatale. Ashanty s’empare de mon sac à main, comprenant que je cherchais à y récupérer quelque chose. Un sourire sadique étire ses lèvres quand elle sort le flingue du sac. Elle en jubile presque. À son tour, elle attrape mon chignon fait à la va-vite pour relever ma tête puis me balance, d’un coup net et précis, la crosse du Glock contre la tempe.

***

Je ne sais pas combien de temps a duré mon évanouissement, mais à présent, je suis ligotée à une chaise. La moindre petite partie de mon corps me fait horriblement mal. Puis les derniers évènements me reviennent à la vitesse grand V à l’esprit.

Ash.

La bagarre.

Au sujet de Jay ?

Je me débats, en vain.

— Ashanty ?

— La belle au bois dormant s’est enfin réveillée ! J’ai failli attendre ! éructe-t-elle.

— Qu’est-ce que tu me veux, et pourquoi toute cette merde ?

C’est d’un pas nonchalant qu’elle me rejoint au beau milieu du salon. Elle tire une chaise et se penche sur le dossier de façon à me dominer du regard.

— Jay le sait ?

Je comprends qu’elle parle de ma grossesse. Je fais non d’un signe de tête, elle soupire d’exaspération.

— Je viens de l’apprendre. lui répondé-je.

Je n’en ai pas encore eu le temps, ou plutôt le courage. Mais je ne me justifie pas, je ne lui dois aucune explication. Seule Eva le sait, elle m’a pris rendez-vous, il y a deux jours, avec Tacha, son amie interne en gynécologie. Elle s’était déjà occupée de moi après le passage de Dimitri sur mon corps. Elle m’a fait une prise de sang et la réponse, ne s’est pas fait attendre. Cinq heures plus tard, j’avais la confirmation qu’un petit être grandit en moi.

— Je peux te poser une question ? Elle me fait oui de la tête, alors je me lance. Tous les trois ? De qui parlais-tu ? Je ne comprends pas Ash.

— C’est moi la personne instable mentalement, mais c’est toi l’abrutie, ça, c’est clair ! Tu n’es pas sans savoir que je connais Jay depuis le cours élémentaire Jay, Andrew et moi étions inséparables, comme des frères et sœurs. Et c’est de cette façon qu’ils m’ont longtemps vue. Jusqu’au jour où Andrew a commencé à me regarder différemment, d’une façon moins fraternelle.

Je me suis toujours doutée qu’il y avait eu un petit quelque chose entre elle et mon mari, mais Andrew m’avait toujours affirmé le contraire. C’était pour lui un béguin de lycée. Il disait qu’avant moi, aucune autre n’avait eu de l’importance à ses yeux. Nous étions si jeunes…

— J’étais aux anges qu’il me voit enfin comme une fille et non plus comme une pote. Nous sommes sortis ensemble pendant plusieurs mois, jusqu’à ce qu’il se détourne de moi pour toi !

Et merde !

— Je ne pouvais pas rivaliser, tous les mecs que je côtoyais, n’avaient que ton nom à la bouche, Shawna ci, Shawna ça… la suite tu la connais, il m’a jetée puis s’est marié avec toi !

Ses yeux me jettent des éclairs.

— Je suis sincèrement désolé Ash, je ne le savais pas. Ça vaut ce que ça vaut, mais c’est Andrew qui m’a séduite et non l’inverse. Je ne me serais jamais intéressée à lui si j’avais su pour vous deux, je te le promets Ash ! Ni Andrew ni Jay ne m’en avaient parlé…

— Ouais ! Et Jay, parlons-en ! Quand tu es partie, j’ai fait profil bas pendant un certain temps, histoire de me faire oublier. C’est à cette période où les toubibs m’ont diagnostiquée comme étant une personne émotionnellement instable.

Elle s’approche un peu plus près de moi.

— Tu vois, j’ai des sautes d’humeur qui me font faire certaines choses que je ne devrais pas… je suis bipolaire, mais tant que je suis scrupuleusement mon traitement, ça roule pour moi.

Son sourire démoniaque refait surface.

— Au fur et à mesure des années, Jay et moi nous sommes rapprochés, nos sentiments l’un pour l’autre sont devenus très fort, tu vois. J’étais à deux doigts de devenir sa régulière, je le sais très bien, quand il ne passait pas ses nuits au club house, il les passait avec moi, tu vois hein ?

— Oui, très bien.

Cette révélation me glace le dos. Elle est en pleine crise et si je comprends bien, à ses yeux je suis la cause de ses malheurs. Andrew puis maintenant Jay…

— Puis la princesse a décidé de faire son grand retour ! dit-elle dans un geste théâtral du bras. Le comportement de Jay a commencé à changer à ce moment-là. Il a espacé ses nuits avec moi, puis ses visites et un jour il ne m’a plus touchée… tu sais ce que ça fait quand le père de ton bébé te rejette ?

What ? D’où ça sort ça ?

— Quoi ? grincé-je, abasourdie.

Est-ce le fruit de son imagination instable ou bien dit-elle la vérité ?

— Ouais tu as bien compris, quand tu es revenue j’étais enceinte de cinq semaines.

— Tu l’en as informé ?

— Non, je n’ai pas eu le temps, il ne me calculait plus, ne m’appelait plus et ne répondait plus à mes appels ou SMS. J’ai essayé par tous les moyens d’attirer son attention, jusqu’à ce qu’il me dise qu’il n’avait plus de temps à nous accorder. Sans plus d’explications... Je suis peut-être légèrement secouée, mais pas aveugle, j’ai un sens de l’observation anormalement développé. J’ai bien vu la façon dont il te regardait, chaque mouvement de son corps est dicté par ton aura, donc j’ai compris que le scénario se jouait encore une fois à mes dépens. Ça m’a mise dans une rage folle, je me suis sentie abandonnée et terrifiée à l’idée d’élever un enfant seul. Bref, ça a déclenché chez moi une crise psychotique de bipolarité et provoqué ma fausse couche…

Sa voix n’est plus qu’un murmure. Une seule et unique larme coule de son œil droit, signe de sa tristesse. J’en ai la gorge nouée, sa peine me touche profondément. Aucune femme ne devrait affronter ça toute seule. Malgré la situation, j’ai mal pour elle.

— Tu en as parlé à quelqu’un ? Tu as besoin d’aide Ashanty, la perte d’un enfant est une épreuve affreuse à surmonter…

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase, qu’elle me hurle dessus.

— M’aider ! Espèce de salope qu’est-ce que tu en sais de la souffrance que j’ai endurée ? Putain de princesse de merde ! Je ne retournerai pas voir ses connards de toubibs ! J’ai arrêté tous mes traitements, ils m’embrouillent la tête et j’en ai ras le bol qu’on me dicte ma putain de conduite. crache-t- elle en tapant ses tempes de la paume de ses mains.

Je me serais passée de cette précision, il est évident qu’elle a arrêté son traitement. Ses actes en attestent. Sans parler de sa folie immanquable.

— D’accord, d’accord, excuse-moi ! m’empressé-je de lui dire. Qu’as-tu prévu pour moi ?

— Pour toi, et bien, t’éliminer. Si tu n’es plus là, il me reviendra, comme avant. Et ne t’inquiète pas pour Tara, je serais une bien meilleure maman que toi. D’ailleurs tu ne sais même pas où elle se trouve en ce moment !

Mon sang ne fait qu’un tour en entendant le nom de ma fille. Et mon instinct me hurle que cette tarée a des informations qui me manquent.

— Qu’as-tu fait Ash ? Ne lui fais pas de mal, elle est innocente ! Elle n’a rien à voir là-dedans, s’il te plaît ne lui fait pas de mal. Ashanty je t’en supplie, ne fais pas de mal à ma fille… la supplié-je dans un murmure.

— Elle va bien et il ne lui fera rien, ce n’est pas le plan. dit-elle en tapotant ses doigts sur le dossier de sa chaise.

— Qui ça il ?! Et quel plan ?

— Ouais le plan, ma parole t’es vraiment conne, tu captes rien ou quoi ? Le mec qui me donne un coup de main pour garder ta fille cachée ! Je te bute et je la libère. Par contre si l’idée de me tuer te venait, il la descend, compris ?

Horrifiée, je fais oui d’un geste de la tête. La situation est plus que critique.

— Parfait ! Je serai sa sauveuse ! Sans toi, elle m’aimera comme sa maman et Jay reviendra vers moi. C’est aussi simple que ça, ils sont à moi ! jacasse-t-elle.

Un sentiment de rage m’envahit et je ne peux m’empêcher de lui cracher le fond de ma pensée.

— Tu es complètement cintrée si tu crois que vous allez jouer au papa et à la maman ensemble ! Jay l’apprendra et il te tuera ! rétorqué-je au bord de la rupture.

Je me débats de toutes mes forces pour me défaire de mes liens, mais je n’y arrive pas. Mon calme s’est vivement dissipé et je n’ai qu’une idée en tête : la tuer !

— Tu n’es qu’une putain de tarée sociopathe ! Il te manque carrément des cases ma pauvre fille ! craché-je. Jamais, tu m’entends, jamais, ils ne t’aimeront !!! JAMAIS !!!

Les coups d’Ash ne se font pas attendre. Elle me tombe dessus dans une telle violence que je suis convaincue de sa détermination à voir aboutir son plan machiavélique. Je pense à Jay puis à ma fille retenue je ne sais où avec je ne sais qui. Les coups pleuvent, mon corps n’est que douleur puis, vient le trou noir.

***

Mourir pour la personne qu’on aime inconditionnellement m’a toujours paru honorable et courageux. Seulement, à cet instant précis, je pense à toutes ces choses que je ne pourrai pas faire avec elle. Les moments de sa vie où je serai absente, ceux de bonheur où elle rira, ceux de tristesse où elle pleurera et tous ceux qui se trouveront entre les deux. La voir grandir, devenir adulte, c’est bien la raison pour laquelle je me sacrifie aujourd’hui, pour son avenir, de préférence heureux, même si cela implique mon absence. Je suis soudain prise entre deux feux, le désespoir contre la rage absolue. Cela dit, mon temps est compté et je souhaite mourir dignement. Il n’y aura pas de supplications, ni pleurs, je vais rester fière d’accomplir cette tâche, comme une offrande ultime. Mon existence contre la sienne. Mais l’inverse est tout simplement impossible, si elle n’est plus je n’ai aucune raison d’être. Je m’accroche à ces pensées férocement. Je ne lui ferai pas le plaisir de baisser ma garde. Hors de question !

Les liens en plastiques me scient les poignets, tant ils sont serrés. De même pour mes chevilles, attachées aux pieds de ma chaise de salon. Je suis ligotée là depuis maintenant cinq heures, avec pour seule compagnie, des pensées démentes et le tictac de l’horloge murale. Le dossier me rentre dans le dos et j’ai les fesses en compote. Mais peu importe, ça pourrait être pire, non ? En fait non ! Je crois bien avoir touché le fond. J’ai un mal de tête frôlant la nausée, sans parler de mon œil qui doit avoir pris une jolie teinte violacée due au direct ramassé. J’entends ses pas marteler le sol en parquet, d’impatience ou dans l’attente de trouver le courage de me faire sauter la cervelle. L’un ou l’autre, ça met mes nerfs à rude épreuve. Bah oui ! Je suis humaine après tout, j’ai envie de vivre, même si mes plans semblent compromis. Je me concentre sur ma respiration pour ne pas céder à la folie et perdre de vue mon objectif ultime : la sauver. Je me répète, comme un mantra, de visualiser mon plus beau souvenir. Ses éclats de voix chatouillant mes oreilles et son sourire illuminant mes ténèbres, voilà à quoi je vais m’accrocher pour rester courageuse.

Je suis résolument prête à mourir, quand j’entends au loin comme un ronronnement de Harley. Oh mon dieu ! Faites que ça ne soit pas lui, ou alors qu’il a emmené la cavalerie avec lui ! Car seul, j’ai peur pour sa vie. Et même si j’ai appris à connaître son côté obscur et son véritable rôle au sein du MC, je suis terrifiée. Je tends davantage l’oreille essayant de reconnaître le son de plusieurs motos, mais à mon grand désespoir, j’entends seulement la sienne. Je n’ai jamais vraiment été croyante, mais là tout de suite je suis prête à croire en n’importe quoi, pourvu qu’il reste sain et sauf. L’adrénaline m’envahit et me dicte mon acte de rébellion, en espèrent faire diversion. Ses pas se rapprochent de moi, puis apparaissent enfin dans la pièce, alertés par son arrivée imminente chamboulant certainement son plan. Il n’y a plus aucun doute, tant le bruit de la Harley est présent. Puis s’arrête enfin devant la porte de garage de ma demeure.

— Il va te tuer, tu le sais ça ? murmuré-je.

— Ferme-là, tu ne connais pas ses sentiments pour moi !

En effet, je ne les connais pas, pour la simple et bonne raison qu’il n’a jamais eu de sentiments amoureux pour elle. Même pas un tout petit peu, et ce, malgré toutes ces années passées à attendre après lui. Ça a toujours été moi, elle n’a jamais eu aucune chance. J’en suis convaincue à présent, il m’a confirmé ce que j’ai toujours su au fond de moi. Nous deux, c’était une évidence.

— Je ne parierais pas là-dessus ! déclaré-je en l’affrontant tant bien que mal du regard.

Je sais, je n’aurais pas dû la provoquer en voyant la folie se profiler dans ses yeux. Son regard est démentiel, il me glace le sang. Trop tard pour les regrets. Je sens une brûlure irradier dans tout mon bras gauche, suivie d’une autre déchiquetant ma peau quelque part ailleurs. La douleur est insoutenable, je hurle en pensant au petit bout de vie se développant en moi. Ce dernier me donne lui aussi envie de me battre, malgré tout. Mon esprit martyrisé divague, me quitte et me revient, sans savoir pour combien de temps il m’accorde la lucidité. Je ne perçois plus trop bien ce qui m’entoure et ce qu’il se passe dans la pièce. Mais, j’implore au fond de moi le peu de force me restant pour lui faire passer le message, pour sauver notre ange… il ne doit pas la tuer avant… d’avoir révélé… où la trouver ! Je suis tellement fatiguée, je ne sais plus si je rêve ou si c’est la réalité.

Put me to sleep evil angel Fais-moi dormir ange malveillant Open your wings evil angel Ouvre tes ailes ange malveillant

Mes paupières sont tellement lourdes, alors je succombe à la tentation de les fermer, pour quelques instants seulement. Chapitre 29

Jay

Je tourne en rond comme un con depuis pratiquement deux foutus jours. Comme je m’en étais douté, Shaw a pété les plombs à l’annonce du kidnapping de Tara mettant à feu et à sang tout sur son passage. Sa fureur et sa rage se sont abattues sur moi. Ma régulière a eu des propos extrêmement durs même si je sais que j’ai une grande part de responsabilité dans ce drame. Je ne me suis pas défendu. À quoi bon ? Je suis fautif sur toute la ligne. J’ai délibérément laissé Shaw se défouler sur moi. Inutile de m’embarrasser d’excuses plus mielleuses les unes que les autres, ça ne changerait pas la donne aux yeux de ma belle. Prenant mon mal en patience, je l’ai ramenée chez nos parents, plutôt que chez elle et ne m’y suis pas attardé, comme l’a exigé Shaw.

Alors me voilà, semblable à un lion en cage, prêt à en découdre avec la terre entière. Chaque seconde qui passe me pousse davantage vers un gouffre de folie. D’ordinaire, je retournerais cette ville en un tour de bras, faisant craquer des mâchoires et saigner des pifs. Seulement, le sentiment amer d’impuissance me terrasse. Les gars sont, bien entendu, sur le coup, travaillant avec Fallon. Je reçois à l’instant T toutes les infos sur l’affaire « Tara ». Malgré ça, je ne parviens pas à respirer. Je tente pour la énième fois de la journée de joindre Shaw. Encore sa putain de boîte vocale ! Je suis une véritable bombe à retardement, si je ne fracasse pas la gueule de quelqu’un très vite, je vais finir par chercher des noises n’importe où. Mon portable dans une main et un joint dans l’autre, je retente une dernière fois de la joindre. Je tire comme un forcené sur mon bédo et me cale dans la chaise de jardin. Fermant les yeux pour me calmer, j’essaye de faire preuve de toute la patience qu’il me reste à présent. Putain de répondeur ! Je bondis sur mes jambes, cette fois à bout de tout. Brady sursaute sur le siège en face de moi. Mais reste silencieux en m’interrogeant du regard.

— J’en peux plus, je vais là voir, men ! l’informé-je sans me retourner partant en direction de ma bécane.

Je décampe comme un taré, plein gaz. Je passe dans un premier temps chez nos vieux. Mais sans même m’arrêter, je note l’absence du HSE de Shaw. Elle ne peut pas être bien loin dans l’état émotionnel dans lequel elle se trouve. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Merde, pourquoi je pense à un truc pareil ? La fraîcheur de la nuit, saisissante, donne un coup de fouet à mes pensées pourries. Poignée dans l’angle, je me précipite chez elle. J’aperçois au loin le 4x4 blanc garé devant le garage. C’est dans les déflagrations des pots d’échappement déchirants le calme de la nuit, que j’arrive devant la petite maison de ma régulière. Je me gare, mets la béquille et saute de ma Dyna en me précipitant vers la maison.

Au moment de passer la porte d’entrée, je marque un léger temps d’arrêt. Dois-je frapper ? Non, je ne frappe plus depuis longtemps. Peut- être dort-elle déjà ? Si c’était le cas, Shaw aura verrouillé la porte d’entrée et je ne pourrais que rentrer au Club. Quand la paume de ma main entre en contact avec la fraîcheur du métal de la poignée, une douleur sournoise s’amuse à me tordre les tripes. Comme un avertissement, je ressens les signes avant-coureurs d’une très mauvaise blague. Soudain, les détonations d’une arme à feu provenant de l’intérieur me forcent ouvrir la porte d’un geste brusque et à débouler, mon neuf millimètres en main, comme un sauvage dans la maison plongée dans l’obscurité. Je fonce jusqu’aux hurlements de douleurs que j’entends dans le salon.

C’est un cauchemar. Ou alors, je délire complet. Mon état émotionnel en a pris un sacré coup ces dernières soixante-douze heures du cou, je me dis que ça ne peut être réel. Pas ma Shaw, impossible. Mon moment de latence prend fin quand, la mère de ma fille à demi consciente, marmonne des mots que je n’arrive pas à comprendre. Je la rejoins et m’agenouille pour mieux l’entendre.

— Sauve notre ange… tu ne dois pas la tuer, pas avant qu’elle… te révèle… où la trouver… suffoque-t-elle à bout de force.

La panique m’envahit quand elle ferme les yeux et s’évanouit. Je ne comprends toujours pas où elle veut en venir. Impuissant face à la scène qui se joue devant moi, je la secoue comme un prunier en réclamant des explications qui ne viennent pas. Je prends son pouls, il est faible et irrégulier, mais présent. Je hurle son prénom, la supplie de se réveiller, de m’en dire davantage. J’ai besoin d’un putain de signe, de quelque chose à quoi me raccrocher, de quelqu’un à massacrer de mes propres mains. Puis, vient la rage. Elle se répand à la vitesse grand V, enflammant mes veines pendant sa montée en puissance, laissant place au chasseur que je suis, au psychopathe assoiffé de vengeance et de sang.

Je comprends alors que la vraie partie de chasse vient de commencer. La fusillade des nazis, le viol de Shaw, le kidnapping de Tara et maintenant l’agression de la femme que j’aime. Ce qui, au départ, paraissait comme une guerre de territoire s’avère avoir un goût plus personnel. Et si ces enfoirés de Stan et Dimitri n’étaient qu’une seule et même personne ? Où peut-être un duo démoniaque ? Un, cherchant à récupérer par n’importe quel moyen le secteur des Death’s et l’autre, agissant dans ce sens, dicté par une haine évidente envers moi. Je penche pour cette seconde hypothèse. Je me relève sur mes jambes, scanne la pièce du regard et m’apprête à me friter avec l’un des deux. Je reste interdit quand je tombe sur le visage d’Ashanty, debout dans un coin du salon.

C’est à une vitesse effarante que la pièce manquante du puzzle s’emboite dans mon esprit. Jusqu’à encore peu de temps, j’étais l’homme qui n’avait rien à perdre et en un claquement de doigts, me voilà à la tête d’une famille, autre que mon Club, à protéger. Ces fils de putes avaient besoin de viser en plein cœur pour m’atteindre et, fidèle à ma réputation de chasseur des Death’s, j’allais les traquer pour le viol de Shaw… et pendant qu’ils gagneraient du terrain. Merde ! Je me suis fait avoir comme un bleu en fonçant tête baissée. Mais pour ce faire, une aide interne leur était nécessaire. Et quoi de mieux qu’une amoureuse transit pour mener à bien « l’opération vengeance » ? Les mots de ma belle prennent tous leurs sens. Ashanty détient Tara quelque part. Où ? Je n’en sais encore rien, mais je sais comment arriver à mes fins avec cette tarée. Tout être humain a une faiblesse et bien celle d’Ash c’est moi !

— Tu as vu ce que je viens de faire pour toi, mon JayJay ?! s’écrit-elle, guillerette.

Je souffle un bon coup et lui sourit.

— De quoi tu parles bébé ? D’elle ? la questionné-je en montrant du doigt sa captive.

— Ouiiii ! Tu peux être fière de moi, je lui ai réglé son compte !

— En effet, je vois ça…

— C’est fini, tu n’as plus de soucis à te faire, mon amour, tu es libéré de cette dingue. se réjouit-elle.

— Éclaire ma lanterne, nous pouvons reprendre notre truc tranquillement ? Toi et moi comme avant son retour ?

— Exactement Jayjay ! chantonne-t-elle en courant vers moi.

Bordel ! Je déteste ce putain de surnom. Dans l’élan, ses bras se nouent autour de mon cou et ses lèvres se collent contre les miennes. Je suis à deux doigts de lui gerber dessus, mais me souviens qu’elle est mon laissez-passer pour récupérer ma fille. Alors je fais ce qu’elle attend de moi, je m’empare de ses lèvres avec sauvagerie, la mordant presque. Je fais preuve de tout le self-control en ma possession pour ne pas lui arracher la bouche de mes dents. Elle glousse de ravissement, pensant avoir gagné la partie et je ne l’en détrompe pas. Sachant que l’état de Shaw est alarmant, je décide de mettre fin à notre étreinte et d’accélérer la cadence.

— La gosse, elle est où ? demandé-je en m’écartant de la sangsue.

— En sécurité, ne t’en fais pas. Il ne lui fera aucun mal, je te le promets ! déclare-t-elle simplement.

Je bous littéralement, j’ai une de ces furieuses envies de lui arracher la tête.

— C’est qui lui ?! aboyé-je.

Ash colle son corps contre le mien, tendu comme un string. Puis passe ses mains dans mes cheveux.

— Arf… personne de bien important. C’est un type que j’ai rencontré il a quelques mois dans un bar à la sortie de la ville.

Mais de quoi elle me parle ? Je n’en ai rien à foutre de son histoire de cul ! Je veux savoir où est ma gosse bordel ! Je ronge mon frein et feins le calme absolu.

— J’avais un peu trop bu et une chose en amène à une autre… tu vois ce que je veux dire, hein, Jayjay ? Nous n’étions déjà plus ensemble, mais ne t’inquiètes pas, il ne compte pas à mes yeux ! C’est toi l’amour de ma vie.

— Abrège ! grogné-je.

— Oui, OK… Ce con est totalement fou de moi, je le mène par le bout du nez, c’est trop délire ! Bref… pour la faire courte, Dima m’a aidée à mettre au point ce plan. C’est très simple, je devais attirer l’attention de Tara au parc pour l’emmener loin de toi. De ce fait Shaw allait vouloir te massacrer et elle ne voudrait plus de toi, vous alliez vous engueuler puis rompre. C’était d’une facilité déconcertante ! La petite m’a tout de suite suivie, je lui ai juste dit que maman lui préparait une surprise au Carmen et que tu étais d’accord pour qu’elle vienne avec moi. Un jeu d’enfant !

Je vais vraiment finir par la tuer ! J’inspire et expire pour conserver une apparence désinvolte et calme. Je fredonne intérieurement le morceau des Breaking Benjamin que je me suis écouté en boucle aujourd’hui.

— OK, comment tu as dit qu’il s’appelait l’autre naze ?

— Dima ! Je t’avoue que j’ai un peu pitié de lui, je me suis bien foutue de sa tronche. Il est persuadé de mes sentiments pour lui… quel gâchis ! déblatère-t-elle.

Dima, Dima, putain ça ne me dit absolument rien ! Je fais finir par péter un câble, si elle n’accélère pas !

— ASH ?!

— Excuse-moi mon amour, je m’égare quelque peu… Dimitri garde Tara le temps que je m’occupe de Shaw et qu’on le rejoigne tous les deux. Toi, moi et Tara allons former une magnifique petite famille ! J’en suis tellement heureuse ! jubile-t-elle.

Oh, mon Dieu, je vais vraiment dégueuler là !

— Dimitri, tu dis ?! Il nous attend tous les deux à votre planque ? Tu en es bien certaine, poupée ?

— Absolument ! Viens, on y va ! affirme-t-elle en sautillant de joie.

Mon tête-à-tête avec ce bâtard va enfin avoir lieu ! Bouge pas Dima, le chasseur des Death’s Falcons va venir s’occuper de toi ! Ash noue ses doigts aux miens en tirant sur mon bras, pleine d’enthousiasme. Elle s’arrête avant de faire volte-face.

— Bébé, qu’est-ce qu’on fait d’elle ? marmonne-t-elle avec une moue de dégoût en m’indiquant Shaw, toujours ligotée à sa chaise.

La mort dans l’âme, je fais mine d’en avoir rien à cirer.

— Rien, j’appelle les gars, ils s’en chargeront !

— Parfait alors ! déclare-t-elle le sourire rayonnant.

Cette nana est conne, bordel de merde, ce n’est pas permis d’être fêlé à ce point ! Force est de reconnaître que ça m’arrange bien à cet instant. Nous sortons de cette maudite baraque, je prends mon portable et appelle Brady. Mon frère décroche à la première tonalité.

— Yep bro ! répond-il, tendu.

— Y a une inondation chez Shaw, magne-toi de venir éponger avec une entreprise de nettoyage ! Ça urge !

Je raccroche avant même qu’il glisse une question. De toute manière Brady a très bien saisi notre conversation codée. J’espère simplement qu’il ne sera pas trop tard quand mes frères arriveront ici. J’embarque Ash avec moi en direction de leur planque. Mon corps frémit de rage à l’idée de me retrouver en face de celui que je traque depuis plusieurs mois. Sept ans plus tôt…

Bordel, je l’ai encore fait… putain Britney Bitch sort de ce corps !

Je suis un sale lâche, un putain de crevard, merde qu’est-ce qui cloche chez moi ? Cette meuf a le don de me pousser dans mes retranchements. Mais à présent, nous ne jouons plus. Shaw est mariée à mon meilleur ami. J’ai baisé avec sa femme cette nuit. Mon acte est impardonnable, sans compter combien j’ai pris mon pied. Littéralement ! Shaw est divine, sauvage comme un fruit défendu. Elle est bien la seule à me mettre à genoux ainsi. Je vais devoir vivre avec ça sur la conscience. Regarder Andrew dans les yeux et lui mentir sur mes intentions envers sa régulière. Deux fois, putain ! Ça ne doit pas se reproduire.

À peine avons-nous terminé de nous envoyer en l’air dans les escaliers que Shaw s’est endormie. Vive la tequila ! Je l’ai mise au lit et suis allé nettoyer le bazar mit sur la terrasse. J’ai ramassé les preuves de notre passage enflammé sur la table familiale. Il est trop tard pour les regrets mon pote, soupiré-je à moi-même. Une fois terminé, je quitte la maison de mon vieux comme si j’avais le feu aux fesses. Dans notre frénésie érotique, nous avons eu du cul de ne pas nous faire choper par nos parents. Là, j’aurais assurément été un homme mort. J’enfourche ma bécane et avale le bitume à une allure folle qui me conduirait à plusieurs infractions si je me faisais prendre, mais je m’en fous royalement.

Je suis un Death’s Falcons bordel !

Pas un motard, mais bien un biker !

Sans foi ni loi, faisant partie des « un pour cent », vivre vite mourir libre…

La nuit a été courte, je n’ai pratiquement pas fermé l’œil. Je bois mon café sur la mélodie de Skylar Grey Back From The Dead, qui est tellement appropriée au moment, dès que je reviens dans les parages, je fais des conneries avec Shaw. J’ai bien la tête enfoncée profondément dans le cul quand je quitte le loft pour rendre visite à mon ami. Le quart d’heure de route séparant le club house du pénitencier me permet de faire le vide dans ma tronche. J’ai besoin de voir mon meilleur pote, de m’assurer que tout roule pour lui, enfermé dans cette cage xxl.

Ça me tue de le savoir là-dedans. Tombé pour une connerie alors que sous les couleurs du club, nos actes ont été bien pires. Je rumine toute cette merde en l’attendant sur ma chaise de métal au parloir, puis Andrew arrive enfin. Il semble bien se porter, pas de blessures à première vue. Il s’assoit en face de moi, derrière la vitre et s’empare du combiné au même moment que moi. Au départ notre conversation est maladroite, mais seulement un court instant. Mon frère me relate les faits, pourquoi, comment, etc… Comme je m’en doutais, Andrew s’est vraiment fait coffrer pour donner l’exemple. Le procureur tente de mettre la pression à notre MC par son arrestation. Foutaises, mais il n’empêche que Andrew risque gros avec son casier judiciaire déjà bien remplit pour un mec de vingt-quatre ans. Quinze, vingt ans… il peut espérer sortir dans une dizaine d’années pour bonne conduite. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas demain qu’il retrouvera le confort de son foyer et la chaleur de sa régulière. Putain, quel gâchis. Il m’informe être protégé à l’intérieur par nos alliés, sans omettre une participation de sa part.

— Je le sais, je vais moisir un bon moment ici mec, commence-t-il, et quand j’en sortirai, si j’y survis, ce qui est moins sûr malgré toutes les protections du monde, je ne serais plus du tout le même gars. soupire-t-il, lucide face à la situation.

— Ne dis pas de conneries mec, Terry fait jouer ses contacts pour sauvegarder tes belles petites fesses de blanc. ironisé-je, faignant d’être attiré par ses attributs.

Nous rions ensemble, avant de redevenir sérieux.

— Tu vas me manquer mon frère, lâche-t-il d’un ton amer.

— Putain, je suis là je ne te lâche pas Bro. le contré-je tout en frappant un coup sec sur la vitre nous séparant.

J’ai la gorge nouée, notre conversation à un arrière-goût d’adieu.

— Tu veux bien me rendre un service ?

— Évidement ! déclaré-je.

— Prends soin de mon rayon de soleil. Shaw est un putain de joyau, mec. Tu l’as toujours su ! Je ne suis pas un con né de la dernière pluie, je sais très bien que c’est la raison pour laquelle tu me l’as mise dans les pattes. m’avoue-t-il. Mon frère, je ne vais pas pouvoir honorer ma parole, « la protéger, la chérir et prendre soin d’elle » derrière les barreaux. Mais toi, tu le peux. Elle doit passer à autre chose, je ne veux pas qu’elle gâche sa vie à m’attendre, au risque de récupérer un monstre, si je sors un jour. Elle mérite bien mieux et nous le savons tous les deux Jason. insiste mon ami.

— Je ferais de mon mieux, Bro, lui promis-je.

Sur le chemin du retour et les jours suivants, la visite à mon ami et ses paroles meublent mes silences et mes nuits sans sommeil. M’occuper de Shaw ? C’est la pire idée qu’il ait pu avoir. Elle est bien trop pure et délicate pour moi. Je l’ai déjà assez souillée comme ça… non vraiment, ce que me demande Andrew est impossible pour moi, sans la massacrer, elle.

Puis tout bascule quand je reçois un appel du pénitencier m’annonçant la mort tragique de mon meilleur ami. Andrew était au mauvais endroit, au mauvais moment. Une bagarre a éclaté entre deux bandes rivales de détenus, Andrew a pris des coups de couteau pour défendre son coloc de cellule. Résultat des courses, trois morts, un du camp adverse et deux chez nos alliés, dont mon frère d’armes.

La rage, la colère et la peine s’emparent de moi. Ce coup de fil m’a anéanti. Je lui avais promis d’être là pour lui et sa protection était assurée. En cet instant, je me hais davantage. La culpabilité ressentie par rapport à ma trahison redouble d’intensité. Je me sens comme une merde. Je viens de perdre une des personnes que j’aime le plus dans ce bas monde. Je vais faire jouer mes contacts et ceux du MC pour choper le nom du bâtard qui a assassiné mon frère. Je le retrouverai, le traquerai avant de l’abattre comme un porc. J’en fais la promesse !

***

Je n’ai pas vu Shaw depuis plusieurs semaines. Je l’évite, mal à l’aise face à la situation. Mais aujourd’hui je ne vais pas pouvoir l’esquiver. Ce soir a lieu la veillée funèbre d’Andrew. Tous les membres du Club de Death’s Falcons de ce chapitre et des voisins vont se recueillir et lui offrir un ultime adieu, mais aussi montrer leur gratitude à sa veuve, Shawna. J’ai la tête et les tripes en vrac. Un amas de bordel me pourrit l’esprit et m’empêche de respirer. Je ne veux pas la voir, car je vais perdre les pédales. Tiraillé entre l’envie de la rejeter le plus loin possible de moi et le besoin de l’emprisonner pour la garder à tout jamais dans mes bras. Cette soirée va être d’une torture sans nom.

J’ai passé la journée à broyer du noir, à m’enfumer la tête et à boire l’équivalent de mon poids en bourbon. Nos frères voisins sont arrivés dans l’après-midi et nous sommes pas loin d’une centaine. Malgré la douleur qu’engendre la perte d’un de nos membres, l’atmosphère n’est pas écrasante. Il est évident que les enceintes ne crachent pas de métal, pas non plus de p’tit cul de friandises. Nous sommes en toute intimité, en famille, à pleurer un être cher parti beaucoup trop tôt. Le corps de ce dernier repose dans un cercueil en chêne presque noir, portant les couleurs du MC. Nous avons débarrassé la plus grande chambre de l’étage pour le disposer, couronnes de fleurs et offrandes jonchent le parquet de la chambre. Par chance, Andrew n’a pas trop morflé au visage et c’est à peine si l’on distingue le maquillage camouflant ses ecchymoses. Les pompes funèbres ont fait un super travail, de cette façon, le cercueil restera, jusqu’au dernier moment, ouvert sur mon ami endormi pour l’éternité.

Affalé dans le chesterfield marron dans un des coins de la pièce, je regarde le va-et-vient des membres de notre grande famille. Je suis entouré de monde, mais me sens effroyablement seul. Comme paralysé, je suis incapable de me décoller de mon fauteuil pour laisser seul mon ami. Je fume joint sur joint, bois verre sur verre comme si ma vie en dépendait. En un sens, ils m’aident à tenir le coup. À aucun moment la jeune et jolie veuve de mon frère, n’a pointé le bout de son nez. Je sais exactement dans quel état elle demeure en cet instant. Ravagée, vidée, anéantie, en colère, seule. Désespérément seule…

La nuit est tombée depuis un bon bout de temps quand une voix, SA voix me sort de mon sommeil alcoolisé. Je me redresse d’un bond maladroit et prends la parole.

— Je vais te laisser avec ton époux.

Sans même me jeter un regard, Shaw, enfin ce qu’il reste d’elle, acquiesce faiblement. Je suis dévoré par le besoin de la toucher, mais je sais combien l’idée elle-même est merdique. Je prends mon courage à deux mains et sors d’un pas lourd de la chambre, pour leur laisser de l’intimité. Épuisé et las, je dégringole de tout mon long, face de la porte. Mes longues jambes prennent pratiquement tout le couloir, mais je ne bouge pas d’un iota. J’ai attendu là comme un con pendant des heures. Je l’ai attendu, mais elle ne sortait jamais de la chambre. Alors, à un moment donné, je me suis levé pour regagner le loft en travaux et je n’ai pas croisé grand monde sur le court trajet me séparant de mon plumard. Chapitre 30

Brady

Le coup de fil de mon VP est plus qu’explicite. En langage décodé : quelqu’un est gravement blessé chez Shaw et ce quelqu’un a besoin de soins urgents. Faites que ce ne soit pas Shaw ! Avant de quitter le club house, je préviens la cavalerie. Seuls Jer, Klash, Al et Kill, le prospect, sont présents. Je leur fais part du message de Jay et nous partons tous en direction de la petite maison aux volets bleus. Cette baraque n’est qu’à quelques kilomètres de là, néanmoins, j’ai l’impression que les minutes représentent des heures. Je ne vois pas le bout de l’asphalte, ni même ce qui m’entoure. Je suis comme dans un état second, entre l’inquiétude et l’excitation. Putain, pourvu que ce ne soit pas Shawna !

J’atteins le premier la maison de mon amie, je me gare et me précipite à l’intérieur. Il y fait très sombre j’allume la lumière du couloir en appelant Shaw. Je n’entends absolument rien d’autre qu’un silence morbide. L’odeur de la poudre et du soufre chatouille mes narines, guidant mes pas jusqu’au carnage. Je n’en crois pas mes yeux. Je me rue sur ma meilleure amie. Mon premier réflexe est de chercher un pouls, c’est inespéré, compte tenu de l’état déplorable dans lequel elle est… enfin ce qu’il reste d’elle. Je sens de très faibles pulsations sous mes doigts. Je m’empresse de défaire les liens autour de ses poignets et chevilles à l’aide de mon Bowie. Shaw me tombe littéralement dans les bras, inconsciente. Au même moment les gars font leur entrée dans le salon. Je perçois quelques grognements étouffés. Ouais, notre petite Shawna n’est pas belle à voir. Je l’enserre fermement contre moi, ravagé par la douleur.

C’est incompréhensible, pourquoi Jay l’a laissée ici, dans un état plus que critique ? Mon meilleur ami est-il à l’origine des blessures de Shaw ? C’est un homme sans aucune pitié, ça je sais, mais ce n’est pas l’auteur de cette boucherie, ça ne colle pas. Enfin, je prie pour que ça ne soit pas le cas. Je suis planté là, comme un gosse, le cul sur les lattes du plancher avec cette petite chose inanimée dans les bras. Je la berce ne sachant que faire d’autre. Un brouhaha évolue autour de moi, mais je n’arrive pas à me focaliser dessus, tant mon esprit s’égare vers des pensées négatives. Dévastatrices, même. Mon cerveau turbine à mille à l’heure, remettant en cause tout ce qui me définit. Les paroles de Best Friend d’Eminem et Yelawolf résonnent dans ma tête. Mes choix de vie, mes envies bordéliques, mes ambitions et espérances au sein du Club, mon amitié fraternelle avec Jason. Absolument tout ! Ce connard avait LA meuf, celle pour qui mon cœur se retourne dans ma poitrine depuis des lustres. Et voilà le résultat. Putain, je semble calme, je le suis vu de l’extérieur, mais à l’intérieur, je tente de contenir la rage montant en moi tel un virus meurtrier. Je jure sur l’honneur de mon putain de cuir que si Jay est le bourreau de ma belle, je vais le tuer de mes propres mains. Ça signifiera certainement mon arrêt de mort, mais venger la personne qu’on aime n’est-elle pas la plus belle preuve d’amour ? Je tuerais pour Shawna Ford et sacrifierais ma vie sans aucune hésitation.

Soudain des bras enveloppés de blouse blanche, se posent sur mes épaules. D’un geste brusque, je les repousse sans jamais lâcher Shaw. Ils réitèrent leurs gestes, me faisant sortir de mes pensées. Je lève les yeux sur les individus et comprends rapidement qu’il s’agit d’ambulanciers. Je me montre docile, me relève et libère mon amie pour la déposer sur le brancard que m’indiquent les soignants. Je suis très vite mis sur la touche et l’équipe médicale examine Shaw dans les moindres détails. Une pluie de questions s’abat sur moi, cependant je reste muet. Ne rien dire, n’être au courant de rien est la base du Club. De toute façon, je suis incapable de relater quoi que ce soit, car je suis dans le flou le plus total moi aussi. Notre comportement, à mes frères et moi, semble agacer l’équipe de secours. Rien à foutre, ils devront faire avec et fermer leur gueule s’ils ne veulent pas que je casse des mâchoires. Leurs gestuelles s’accélèrent grandement avant de faire rouler le brancard jusqu’à l’ambulance. Je leur colle au train, ne perdant pas la moindre miette de leurs agissements. L’infirmière, plutôt charmante d’ailleurs, me propose de monter avec Shaw dans le fourgon. Mais je décline poliment. J’ai besoin de respirer à pleins poumons, enfermé entre ses quatre bouts de tôle, je risque fort de perdre le contrôle.

Sans plus de bla-bla, j’enfourche ma bécane en faisant signe aux gars que je ne lâche pas d’une semelle Shaw. Puis démarre en trombe et escorte l’ambulance. Ce n’est que deux, trois minutes plus tard où j’aperçois Kill dans mon rétroviseur. Mouais, c’est pas comme si j’avais besoin d’un baby-sitter, mais dans le fond, c’est peut-être pas plus mal. La présence du prospect devrait m’empêcher de faire des conneries.

Arrivée aux urgences, Shaw est très vite prise en charge par l’équipe médicale de l’hôpital. Encore une fois, on nous regarde avec méfiance avant d’être mis dans un coin. À leurs yeux, Kill et moi sommes des malfrats et certainement les coupables idéaux. J’arrive tout de même à glaner quelques infos avant qu’ils emmènent mon amie dans un espace réservé aux soignants. Une aide-soignante d’une vingtaine d’années, blonde aux yeux bleus vient m’accoster. Elle nous propose d’attendre dans le petit salon à droite du couloir et d’être patient avant d’avoir plus de précisions sur l’état de mon amie. Kill la dévore des yeux, faudrait être aveugle pour ne pas la trouver canon. Sa moue rieuse me fait penser à May. D’ailleurs, en parlant de Marley, je dois l’avertir, elle et ses parents. Terry va être ingérable, sans parler de Vicky.

Putain frère, dans quelle merde t’es-tu fourré mon ami ? Chapitre 31

Jay

J’ai suivi Ashanty jusqu’à une vieille baraque délabrée au fin fond de la cambrousse. Pas de risque, personne ne viendra les débusquer ici. C’en serait presque flippant, scénar typique d’un bon thriller. La peur au ventre de ne jamais revoir ma belle, j’inspire profondément, cherchant la force en moi pour affronter les heures à venir, conscients que personne ne viendra à ma rescousse pour sauver mon cul de ce plan suicide. Seul, me voilà totalement seul ! Je dois reconnaître que leur machination est plutôt brillante, car ils ont su m’éloigner de tout pour m’affaiblir. Ash me connaît, du moins elle connaît le Jay pote de baise, mais pas Jay le VP des Death’s et tout ce que ça implique. Donc il me reste l’élément de surprise.

Elle sort de sa caisse et m’invite à la suivre. Je scrute scrupuleusement les lieux, autant qu’il m’est possible en pleine nuit. Je n’ai pas prévu de faire de vieux os ici de toute façon. Mon plan est basique, je bute cette pute, récupère ma gosse et chope l’autre violeur pour m’en occuper tranquillement. Je veux prendre tout mon temps. Ça fait des semaines où je ne rêve plus que de cet instant. Le moment où je pourrais enfin venger et honorer ma régulière.

Avant de mettre un pied à l’intérieur, une carrosserie brillante attire mon regard. Sur le côté du taudis, une allemande noire est garée. Il faut s’attendre à avoir de la compagnie, un sourire diabolique s’imprime sur mon visage, impatient de passer à l’action.

— Ne fais pas attention à la déco mon cœur, ça fait bien longtemps que mamie Ivana a passé l’arme à gauche. me prévient Ash.

Ce bouge est aussi dégueulasse à l’intérieur qu’à l’extérieur.

— On est chez ta grand-mère ?

— Oui ! Ce palace est mon héritage ! lâche-t-elle sur le ton de l’ironie avant de poursuivre, j’en ai de la chance tu ne trouves pas mon chou ?

Donne-moi encore un de tes surnoms à la con et je t’arrache la langue avec les dents !

— En effet… grogné-je.

Je continue de la suivre à travers la bâtisse, toujours en mode repérage pour l’après. Trois pièces en rez-de-chaussée, cuisine, salle à manger, plus une petite pièce, certainement un bureau. Une porte un peu à l’écart attire mon attention. Serait-ce l’accès au sous-sol ? Possible. Les lieux sont calmes, quand enfin nous tombons sur quelqu’un. Un mec assez baraqué, je dois le reconnaître, est dans la cuisine en train de regarder un vieux film en noir et blanc, assis sur une petite chaise en bois. La musique stridente s’échappant du téléviseur à tube cathodique me hérisse le poil. Au moins nous sommes dans l’ambiance, j’en souris de plus belle.

— Salut Damian, où est Dima ? demande Ash au guignol, face à nous.

— À l’étage, balance-t-il sans même nous jeter un coup d’œil.

Amateur ! Bref, rien à foutre, ça sera encore plus simple de cette façon. Nous empruntons l’escalier délabré et grinçant, si bien que je me demande à quel moment il va céder sous notre poids. Un long couloir s’impose devant nous, où quatre portes se font face. J’emboite le pas de Ash, quand elle fait volte-face, plongeant ses yeux bleus dans les miens.

— Écoute Jay, il va falloir que je joue la comédie… m’informe-t-elle dans un murmure, Dimitri croit que je suis amoureuse de lui. S’il se rend compte de mon mensonge, il risque de voir rouge et je ne veux surtout pas qu’il te fasse du mal ou pire encore qu’il en fasse à la petite. Tu comprends, hein… poussin ?

Cette gonzesse n’a vraiment pas la lumière à tous les étages. Elle est dans le déni complet, sans se douter un seul instant qu’elle vit ses dernières heures. Je vais prendre un malin plaisir à me la faire. J’acquiesce d’un hochement du menton, puis elle ouvre la deuxième porte sur notre droite avant de me faire un signe de tête. Je m’y engouffre en passant devant elle. Avant que je saisisse ce qu’il se passe, je sens la dureté d’un objet métallique entre mes deux omoplates.

— Dima mon chéri, j’ai un cadeau pour toi ! annonce-t-elle gaiement.

C’est alors que mon regard croise enfin celui de ma future victime. Ce connard est plutôt séduisant, mais de carrure inférieure à la mienne, des cheveux noir corbeau et des yeux presque transparents tant ils sont clairs. Sapé avec classe, pantalon, veste de costume foncée comme sa chemise. S’il croit que ça m’intimide, bah faudra repasser.

— Parfait mon petit sucre. Tu as fait du bon boulot, tu mérites que je m’occupe bien de toi. La félicite-t-il, me lâchant un court instant des yeux.

J’en étouffe un ricanement en l’entendant.

— Un problème le biker ? me demande-t-il.

— Un seul… d’environ un mètre quatre-vingt, un costume de mafieux qui sent le ruscof à des kilomètres ! Mais le qualifier de problème serait lui donner trop d’importance, mec ! craché-je en roulant des épaules pour le narguer.

— Ouais c’est ça petit biker de merde ! Fait comme si tu avais la meilleure place et non celle du mort ! se défend le fameux Dimitri.

Au même moment, Ashanty appuie son geste en collant davantage le canon du flingue contre ma peau. Je sens l’adrénaline d’avant carnage me gagner peu à peu. Celle-là même guidant la frénésie psychotique qui me caractérise la plupart du temps. Et bien entendu je deviens incontrôlable quand elle atteint son paroxysme. Et j’aime cette putain de folie qui s’empare doucement de mon être.

— À genoux connard ! m’ordonne Dimitri.

— Écoute le Jay. murmure Ash.

Nonchalamment, je me retourne face à elle, l’arme à présent contre ma poitrine et la défis du regard en jouant de mon charme sur elle.

— Et si je ne veux pas poupée, que vas-tu faire avec ton Glock ? déclaré-je en léchant mes lèvres en signe de provocation.

Cette dernière est totalement déstabilisée par mon aplomb. Elle déglutit difficilement tout en clignant des paupières, comme perdue. La pression entre moi et le canon diminue considérablement. C’est à ce moment où l’autre abruti comprend combien Ash m’est totalement acquise et asservie. J’en jubile !

— Putain, mais qu’est-ce que tu fais petite conne ? s’emporte le ruscof.

Ash souffle un bon coup et semble décidée à lui obéir, mais c’est sans compter sur mon talent de persuasion.

— Tu le laisses te parler comme ça, bébé ? Ce connard est indigne de toi poupée. lui susurré-je du bout des lèvres afin qu’elle soit la seule à m’entendre.

Je suis à deux doigts de gagner, mais pour ce faire je dois passer à la vitesse supérieure. Ma main s’empare de sa chevelure peroxydée avant de plaquer mes lèvres contre les siennes, étouffant ses couinements de douleurs. Je la transporte dans un baiser sulfureux, ma proie se liquéfie sous les assauts de ma langue. J’y mets fin quand j’entends de l’agitation dans mon dos. Un langage que je ne comprends pas rompt alors le calme de la pièce. C’est maintenant que je rentre en scène ! L’instru de Killings Strangers battant la mesure dans mes veines. Let’s Go !

— Excuse-moi poupée, mais entre nous ça ne va pas le faire ! précisé-je froidement avant de lui envoyer un coup de boule en pleine tronche.

Le cartilage de son nez se broie sous la puissance du choc, elle hurle de douleur et je balance son corps de succube contre le parquet dans un bruit sourd. Je me retrouve face au lourdaud de la cuisine qui vient de débarquer, alerté par les rugissements de Dimitri. Ce type est une montagne et sait se servir de ses poings, mais moi aussi. Certes il est entraîné et préparé pour ce genre de situation, mais je pare ses coups avec mes avant-bras protégeant mon visage, mon adversaire met de la puissance dans ses gestes, mais il n’est pas assez rapide comparé à moi. Je lui envoie un direct du gauche, le faisant reculer de plusieurs pas. Sonné, il revient à la charge d’un pas titubant. Je m’apprête à lui remettre la même, mais des bras robustes m’entravent. Pas grave, j’encaisse les deux trois patates que me balance le fameux Damian. Je serre les mâchoires qui s’entrechoquent violemment à chacun de ses coups. Je crache ma salive ensanglantée dans un sourire frisant l’hystérie tant je sens la bête prendre procession de mon corps en intégralité. Ces hommes ignorent ce qui les attend, ils ne sont clairement pas prêts pour le sort que je leur réserve. Je vais les pulvériser et empiler leurs cadavres encore chauds sur mon passage. J’attends l’ouverture idéale pour me sortir de cet étau, pas trop vite, juste ce qu’il faut pour donner de la confiance à mes adversaires. Quand je l’entrevois enfin, je patiente quelques secondes pour que le colosse soit assez proche et lui assène un front-kick dans les burnes. Il grogne de douleur, mais ne lâche pas l’affaire pour autant, ce mec est un putain de coriace. Je réitère plusieurs fois mes coups de pieds, c’est seulement au bout de la troisième tentative que je finis par le sécher. HS, il tombe au sol, les mains autour de ses bijoux de famille.

J’essuie d’un revers sec du bras, le sang coulant de mes lèvres fendues, Damian et Ash sont au sol, inconscients. Quand je me tourne vers Dimitri pour lui mettre une dérouillée, il se tient là, debout, une arme pointée sur moi.

— Maintenant, fini de jouer, biker de merde !

Je souris. Il n’a pas encore compris que tout ça n’est qu’un jeu. Un putain de jeu avec mes règles. Un putain de jeu dans lequel le gagnant ne peut être que moi. Je suis prêt à le massacrer, son révolver ne m’impressionne pas et je sens, dans son regard, qu’il sait que je n’ai pas peur. Ash émet un grognement, Dimitri lui jette un regard. Quelques secondes d’inattention, je me rue sur lui, le fais tomber au sol dans un bruit sourd. Son arme est propulsée à quelques centimètres de lui. Le Russe tente de la récupérer, mais je ne lui laisse pas le temps de la saisir et les coups pleuvent sur son visage. Il se protège et me file une beigne du plat de la main sur mon menton, me sonnant légèrement. Il en profite pour récupérer le couteau qui se trouve à sa ceinture et me taillade méchamment le bras. Il me repousse, je me jette sur l’arme pendant que Dimitri prend la tangente. Le flingue en main, j’ignore mon biceps qui aurait besoin de quelques points de suture, je tire une balle dans la tête de Damian, Ash, quant à elle, en a aussi profité pour se carapater.

Guidé par la rage, je quitte la pièce sur les charbons ardents. J’explose à coups de pied toutes les portes closes sur mon chemin. RAS à l’étage. Où ont-ils pu se planquer ? Je dévale les marches de l’escalier d’un pas déterminé et continue mon introspection sur mes gardes. Rien au rez-de-chaussée, je me dirige donc vers la seule pièce encore inexplorée : la cave.

Cet endroit ne m’inspire rien de bon. J’ouvre la porte à la volée et commence ma descente, déterminé à en finir. L’appréhension de ce que je risque d’y découvrir pèse une tonne dans mon estomac et pourtant je me dois d’accomplir ma tâche, celle de récupérer ma gosse saine et sauve et en bonus mettre la main sur le ruscof. Je cherche à tâtons un interrupteur histoire d’éviter de me casser la gueule dans ma descente. Une fois avoir mis la main dessus la lumière jaillit, vacillante, comme si c’était fait exprès. En bas des escaliers, je tourne sur moi-même pour découvrir un endroit sordide. À peine ai-je fait deux pas qu’une chaise se fracasse sur moi. Je tombe comme une merde au sol sonné par la violence du choc et en perds le pistolet. Je reviens à moi, plus énervé encore. Le regard meurtrier, je regarde dans la direction inverse. Ce fils de pute de Dimitri se tient là, à quelques pas le flingue qu’il vient de récupérer pointé sur moi, un sourire grotesque fixé sur ses lèvres. Je vais lui faire passer l’envie de se fendre la poire. Je bondis sur mes jambes et le charge avec force. Nous tombons tous les deux à la renverse. Après plusieurs attaques, je finis par prendre le dessus au moment où une violente douleur à la hanche me terrasse. Le Glock en main, Dimitri se relève en riant. Je plaque une main sur ma plaie qui saigne abondamment et tente de me redresser. Il prend alors plaisir à me coller un énorme coup de pied dans la gueule. Fracassé, je retombe au sol et cet enfoiré me savate en alternant les coups dans la tronche et les coups dans le ventre. Je me retiens de gémir, je ne veux pas lui donner ce plaisir.

— Alors, tu te la racontes moins maintenant, connard !

Une lueur de provocation fend son regard, accompagné d’un sourire arrogant.

— Elle était tellement bonne ta petite pute… j’en bande encore ! siffle-t-il entre ses dents.

À cette simple phrase, lourde de sens, mes neurones s’entrechoquent pour me faire complètement disjoncter. Je vais le crever ! J’encaisse et attends le bon moment pour attraper son pied qui devait atterrir à nouveau dans mon bide. Surpris, il se retrouve à terre et j’arrive à prendre le dessus et à récupérer le flingue en quelques secondes. Mon œil gauche est tellement enflé que je ne peux plus l’ouvrir, mais je vise le front de Dimitri, une grimace en guise de sourire. Je suis partagé entre l’envie de l’achever et celui de le traîner jusqu’au Club pour m’occuper de son cas. Mes interrogations sont interrompues au moment où une voix aiguë de petite fille sort de derrière mon dos.

— Tonton Jay ! au secou…. hurle Tara.

Mon cerveau carbure à plein régime en voyant ma fille. Mais un frisson meurtrier remonte le long de mon échine à la vue de l’arme à feu posée sur la tempe de mon bébé. Seuls les gémissements camouflés de Tara par la main d’Ashanty et ceux de Dimitri s’élèvent dans la cave. Quand Ash déclare :

— Laisse-le partir où je lui fais sauter la cervelle !

— Tu penses vraiment me faire peur Ash ? Tu n’as décidément aucune valeur ! lui craché-je au visage.

Cette fêlée enlève le cran de sureté de l’arme sans jamais quitter mon regard. Pris entre deux feux, celui d’en finir avec lui et celui de sauver ma puce, le doute s’empare de moi et l’autre chien en profite pour se relever. Je sens l’opportunité de me le faire s’évaporer au fur et à mesure où les secondes s’égrènent. Je tends mon bras d’un geste vif, en direction de Ash qui déglutit, fébrile. Je reste précis et loge une balle entre ses deux yeux. Son cadavre s’écroule au ralenti sur le sol, laissant une traînée de sang s’écouler du trou créé par l’impact et libérant enfin ma gamine.

Tara se jette dans mes bras littéralement en larmes et choquée par le spectacle que je viens de lui offrir. J’ai à peine le temps de passer un coup sur mon visage, qui ne doit plus avoir grand-chose d’humain avant qu’elle se colle à moi. Mes bras courbaturés et ensanglantés enlacent avec fermeté son frêle corps. Je plonge mon nez dans sa chevelure blonde, semblable à la mienne et inspire sa délicieuse odeur de vanille, contrastant avec l’odeur métallique de la poudre. Les battements de mon cœur redoublent de puissance à l’idée d’avoir enfin Tara dans mes bras, saine et sauve. Sans grande surprise au moment où notre étreinte prend fin, Dimitri n’est plus qu’un fantôme. Ce fils de pute m’a encore filé entre les doigts. Je suis fou d’avoir loupé cette opportunité ! Et pourtant si je devais réitérer mes agissements, je ferais exactement la même chose. Ma fille, ma priorité !

— Chut ma puce c’est terminé, je suis là et je te ramène à la maison. déclaré-je avec douceur.

Encore les joues baignées de larmes, Tara hoche la tête de haut en bas, désireuse de foutre le camp d’ici sans plus attendre. Je range mon Glock dans la ceinture de mon jeans avant de prendre ma gosse et de décamper. Méfiant et sur mes gardes, nous quittons cette satanée baraque. Je respire à pleins poumons enfin à l’extérieur, l’air de la nuit fraîche apaise quelque peu mon corps exténué.

— Attends-moi là ma puce, j’en ai pour cinq minutes et on se casse je te le promets. l’avertis-je avant de m’élancer sur le côté du bougre.

En arrivant tout à l’heure, j’ai aperçu plusieurs bidons rouges non loin de la berline noire. La Mercedes, elle, n’est plus là, mais les bidons sont toujours à la même place. Une aubaine, car comme je l’espérais, ils sont pleins d’essence. J’en attrape deux avant d’entrer à nouveau dans le taudis. Je déverse la totalité des barils dans tout le rez-de-chaussée, prenant bien soin d’imbiber au maximum le vieux mobilier de mamie Ivana ! Une fois terminé, je regagne le perron, sors mon Zippo, l’ouvre, l’allume, regarde avec fascination sa flamme une dernière fois avant de le balancer sur le canapé délabré.

La mousse s’embrase en une fraction de seconde, puis se propage presque aussi vite. Le spectacle est de toute beauté, mais loin de moi des tendances à la pyromanie. J’ai déjà assez de bugs comme ça. À petites foulées, je rejoins Tara toujours assise derrière ma bécane.

— Ouf ! Tu les as tous fracassés Jay ! lâche-t-elle d’une voix pleine d’admiration.

— Pour toi, je fracasserais la terre entière ma puce, sois-en sûre !

Son regard brillant et son sourire bourré de malice valent tous les trésors et tous les massacres du monde ! Je lui colle mon casque sur sa petite tête, enfourche ma Dyna, puis lui explique comment me tenir. Une fois prêts, je démarre et nous quittons enfin cet endroit de malheur. Le trajet risque d’être éprouvant compte tenu de mon piètre état, je peux cependant compter sur mon mental pour nous emmener loin de ce brasier. Chapitre 32

Jay

À chaque kilomètre, les vibrations dans la fourche de ma bécane me cassent davantage les bras. Je sens mes muscles endoloris se tétaniser. Je ne suis plus qu’à quelques pâtés de maisons de l’hôpital, ma fille toujours collée à moi. Arrivés à destination, j’appelle mon meilleur ami pour qu’il vienne récupérer ma gosse. Comme si ce dernier me guettait, je vois son imposante carrure s’avancer d’un pas rapide vers nous. Je suis éreinté et carrément pas d’humeur à affronter le regard noir de Brady.

— T’étais où bordel de merde et c’est quoi cette sale tête que tu te traînes ? aboie-t-il, furieux.

— Parti récupérer ma gosse !

Ce dernier pose alors son regard sur les deux petites mains empoignant ma taille. Les traits de son visage se défroissent instantanément, puis il fait un pas dans la direction de Tara.

— Putain t’as la gosse ?! Mais comment t’as fait ?

— J’ai éclaté du bâtard ! Passons les détails tu veux, j’ai pas de temps à perdre avec ça. L’important c’est que Tara va bien. Je veux que tu la prennes avec toi.

— OK, mais avant ça, j’ai besoin de savoir deux choses… commence-t-il avant de s’interrompre.

— Savoir quoi ?

— Shaw ? C’est toi qui lui as fait ça ? peine-t-il à articuler.

Je suis furieux que mon ami de longue date puisse me penser capable de faire une chose pareille à ma régulière.

— Nan… Ash ! déclaré-je d’un ton dédaigneux.

De surprise, ses yeux s’arrondissent comme des soucoupes.

— Elle est…

— Raide ? Ouais !

Mon ami tique sur mes derniers mots, cependant il ne rebondit pas, comprenant que l’heure n’est pas aux explications.

— Deuxième chose, tu ne vas nulle part avant de t’être fait rafistoler par Eva. lâche-t-il sur un ton qui ne laisse pas de place aux protestations.

Je lève les yeux au ciel, je ne suis pas d’humeur pour ses requêtes à la con. La question tant redoutée me brûle la langue, je finis par me lancer, je dois savoir à mon tour ce qu’il en est de ma Rebelle.

— Comment va-t-elle ? Est-elle…, je ferme la bouche incapable d’articuler mes pensées embrouillées.

— Arrête Bro, c’est une battante ! Elle est mal en point, mais elle est bien prise en charge. Elle devrait pas tarder à sortir du bloc. m’informe Brady.

Je relâche un profond soupir de soulagement. Putain, elle se bat ! Tout n’est peut-être pas fini ?

— Tout le monde est là, vient avec nous dans la salle d’attente.

J’en ai envie, véritablement, mais la culpabilité me vrille les tripes. C’est par ma faute qu’elle est dans ce putain d’état. Moi, mes choix, mes actes sont à l’origine de la plupart de ses malheurs. Je ne peux tout simplement pas me voiler la face. Je n’ai rien de bon à lui apporter ! Sa vie serait tellement plus calme et sûre sans moi. Je ne suis pas digne d’elle, je ne la mérite pas.

— Non sans façon mec, j’ai à faire. Prends la gosse et laisse là à Vicky et Marley. Je vous appelle d’ici peu. annoncé-je en descendant de ma Dyna.

J’attrape Tara et la fais descendre également avant de lui enlever le casque de sa petite tête.

— Tu quoi ? J’ai pas bien compris Jay ? Tu te fous de moi c’est ça, t’es pas sérieux ? rétorque mon ami.

— T’as très bien compris mon frère. Shaw est sur cette foutue table d’opération à cause de moi ! Je pense bien être la dernière personne au monde que souhaite voir notre famille à cet instant précis ! m’enflammé- je, à bout de patience.

Mon ami passe sa main dans ses cheveux avec rudesse analysant mes paroles. Je sais combien il comprend ma frustration.

— Je ne vais pas te casser les couilles, t’as d’jà bien ramassé pour aujourd’hui. Mais viens au moins écouter ce qu’a à dire le toubib à propos l’état de Shaw… après tu fais comme tu veux. À mon tour, je réfléchis aux mots de mon frère d’armes. Quand des petits doigts enlacent avec douceur les miens, je baisse instinctivement le regard sur la fillette me tenant la main.

— S’il te plaît Jay, emmène-moi voir maman… lâche-t-elle de sa voix fluette.

Sa moue et son regard pétillant d’espoir ont raison de moi. Quand nous arrivons dans la salle d’attente réservée à la famille de Shaw, une vingtaine de paires d’yeux se tournent vers nous. D’abord choqués par mon allure, puis soulagés de voir la petite dans mes bras. Vicky est la première à sortir de son absence et me rejoint sans plus attendre.

— Oh, mon dieu, mon bébé, Tara, mon amour, commence-t-elle en caressant ma fille qui s’accroche à mes bras.

— Elle va bien Vicky, en état de choc peut-être, mais surtout épuisée. la rassuré-je.

— Où était-elle ? Qui la retenait ? Comment as-tu su où la trouver ?! me questionne-t-elle rapidement.

Je sens les regards insistants de ma famille sur mon matricule, alors je me lance :

— Je répondrai à tes questions en temps et en heure ma belle, promis. Mais pour l’instant ce qui compte, c’est qu’elle est là, saine et sauve. Donc, rassurez-vous tous. insisté-je.

— OK bébé… il faut qu’on te soigne mon grand, insiste ma belle-mère. Tu viens avec mamie ma chérie ?

Pour seule réponse ma fille tend les bras vers sa grand-mère en quête de réconfort maternelle.

— Pour ceux qui se poseraient encore la question, non, je n’ai rien à voir avec les blessures de Shaw, ce n’est pas moi le coupable… donc arrêtez de me regarder comme ça, compris ? craché-je entre mes dents.

— Ne t’inquiète pas pour ça, mon fils, nous savons très bien que tu n’y es pour rien ! balance mon père d’un ton autoritaire.

— Vraiment ? En es-tu sur ? ricané-je amèrement au visage de mon président.

C’est le moment que choisit Eva pour m’emmener avec elle. À contrecœur je la suis, sans pour autant quitter du regard mon paternel. Elle me guide jusqu’à une petite pièce dédiée au personnel soignant. Voyant que je peine à me débarrasser de mon cuir et mon t-shirt, la meilleure amie de ma régulière m’aide et découpe le tissu de coton avec une paire de ciseaux.

— Tes blessures sont impressionnantes, mais superficielles, tu t’en sortiras VP. déclare-t-elle faiblement.

Elle m’envoie me nettoyer dans la salle d’eau attenante. Face au miroir, je m’autorise à enfin relâcher la pression. Les bras cramponnés à la faïence du lavabo, j’inspire et expire essayant de calmer le monstre en moi. J’y parviens quelque peu. Je me débarrasse des éclaboussures d’hémoglobine de mes adversaires, de la crasse et de mon propre sang puis je rejoins Eva, prêt à me faire rafistoler. Une demi-heure plus tard, mes plaies sont suturées avec soin. Eva m’a dégoté un t-shirt noir que j’enfile sous mon sempiternel blouson arborant fièrement mes écussons. Je m’apprête à quitter la salle après l’avoir remerciée, mais mon infirmière m’interpelle.

— Je ne vais pas te servir un tas de conneries sur un plateau d’argent. débute-t-elle d’une voix blanche. Shaw est très mal en point et nous savons tous les deux que tu n’y es pas pour rien dans cette histoire. C’était presque inévitable… le danger te colle à la peau et la violence est ton carburant. Tu es le diable en personne ! Mais pour Shaw tu es son diable, son monde celui qu’elle a choisi en connaissance de cause et non par dépit. Ne perds pas ça de vu dans ton combat avec ta conscience.

Ses paroles me touchent de plein fouet. Je suis un poison pour ma belle et nous le savons tous. Les mâchoires crispées, je lâche :

— Pour ce faire, faudrait-il déjà avoir une conscience ou un soupçon d’humanité…

— Je n’ai jamais douté de ton humanité Jason, tu es un mal nécessaire à ce monde qui marche sur la tête. Nous avons grandi avec cette devise marquée au fer rouge dans notre cœur : « marche ou crève », danger, noirceur, violence, mort, loyauté et amour sont notre mantra, celui des Death’s Falcons ! cite-t-elle avec vigueur.

Je ricane à court de mots, car Eva a tapé dans le mille, elle n’est pas la fille de Klash pour rien. Les femmes de ce Club ont presque autant de couilles que nous. De vraies guerrières !

— Va faire ce que tu as à faire, mais ne la laisse pas tomber encore une fois. Sincèrement, je ne suis pas certaine que notre Rebelle se relève ce coup-ci si tu n’es pas là…

Sur ces mots, je quitte d’un pas déterminé la petite pièce. Je sais ce qu’il me reste à faire. Je resterai indigne d’elle tant que je n’aurai pas la tête de ce bâtard entre mes mains. Non, mon tumulte interne n’aura pas de cesse et jamais je ne pourrai prétendre à quoi que ce soit venant de Shawna tant que je ne l’aurai pas vengée comme se doit de le faire un homme !

Je me défoule sur le distributeur de la salle d’attente en attendant ma dose de caféine. Les regards de mes frères, braqués sur moi, me brûlent le dos. Ils veulent des réponses, un plan d’attaque, un truc à se mettre sous la dent. Mais je suis trop largué pour leur donner quoi que ce soit à ce moment. Je bois d’un trait mon piètre café, avant de balancer le gobelet en plastique dans la poubelle. Ma petite sœur me tend la main, le regard se voulant rassurant, avant de me prendre dans ses petits bras. Une voix inconnue, grave et sûre d’elle s’élève dans le silence oppressant de la salle. May me relâche immédiatement.

— La famille de mademoiselle Shawna Ford ! clame-t-il fortement.

Je marque d’abord un temps d’arrêt, puis m’avance vers l’homme vêtu de bleu marine d’un pas conquérant.

— C’est ma femme ! Jason Lang. déclaré-je, face à lui.

— Très bien monsieur Lang. Je suis le docteur Appleby, mon équipe et moi-même venons de prendre en charge votre compagne. Allons un peu à l’écart, je vous prie, commence-t-il.

— Non, toute sa famille est là doc’. l’arrêté-je.

— Très bien, comme vous voudrez. Mademoiselle Ford…

— Shaw, le coupe Vicky.

— Shaw. reprend ce dernier, a subi une intervention pour extraire les balles d’arme à feu qu’elle a reçues. Les dommages sont présents, certes, mais en aucun cas irrémédiables. Malheureusement, elle a fait une hémorragie externe le temps d’être prise en charge aux urgences, ce qui a mis en danger certains organes vitaux, notamment ses reins et son poumon gauche. Mais aussi, et j’en suis désolé, provoqué une fausse couche. Nous n’avons rien pu faire pour sauver le fœtus, monsieur Lang, vous m’en voyez navré.

Mes poumons se vident instantanément de leur air, j’ai la tête qui tourne, je suffoque.

— J’ai pris la décision de la mettre sous sédatif, afin de traiter au mieux et sans souffrances les différents organes. Dans une dizaine de jours tout au plus, nous mettrons fin au coma artificiel. Pour l’instant vous devez vous accrocher sur le plus important, Shaw est tirée d’affaire, mais demeure très faible et nécessite un repos total.

Mon esprit reste bloqué sur le mot fœtus. Tout ce qui sort des différentes bouches autour de moi ne m’atteint plus. Je viens de prendre un coup semblable à un uppercut dans la tronche.

Shaw était enceinte.

Elle attendait mon bébé. Pourquoi me l’avoir caché ? Je me croyais vidé, mais je me rends compte combien cette annonce me bousille davantage. Mon rythme cardiaque s’emballe à nouveau, mon sang bout et tape dans mes veines. Le monstre en sommeil se réveille. Sentant que je vais craquer, je prends la tangente, car ce n’est ni le moment ni l’endroit pour exploser en plein vol.

Je quitte se foutu hôpital à grandes foulées, faisant abstraction des tiraillements de douleur que m’infligent mes blessures fraîchement recousues. J’enfourche ma bécane étouffant un gémissement de souffrance et me casse sur les chapeaux de roues. Chapitre 33

Marley

L’annonce du docteur machin me donne des sueurs froides. Depuis quand ma sœur était enceinte ? Je n’étais même pas au courant… ce n’est pas comme si ces derniers jours je n’avais pas eu l’occasion de l’observer à ma guise. Rien, absolument rien ne m’a mis la puce à l’oreille. Ma frangine est une championne quand il s’agit de dissimuler les faits… y’a qu’à voir sa relation amoureuse. Ma sœur et mon frère m’ont caché pendant des années ce qu’ils avaient fait adolescents. Alors une grossesse, trop facile pour elle. Ça ne me dérange pas outre mesure, je ne suis pas sa confidente, notre écart d’âge peut-être en est la cause, n’empêche je prends la nouvelle moyennement.

Mon regard se pose directement sur mon grand frère. Ce dernier semble pétrifié par ce qu’il vient d’apprendre. Tout porte à croire qu’il n’était pas non plus dans la confidence. Tout de suite, je me sens un peu mieux, bien que le terme ne soit pas vraiment approprié. Les poings serrés de Jay n’annoncent rien de bon et dans sa posture, tout porte à croire qu’il est en train de vriller. J’en ai la confirmation lorsque son imposante carrure quitte la salle où nous nous trouvons tous. Mon jumeau lance un regard à notre père pour avoir son accord et suivre Jay, mais Terry signe un non de la tête, laissant Malonne sur la touche, mécontent de cet ordre. Je ne m’interpose pas entre eux, même si j’arrive à sentir la frustration embrasant chaque parcelle des cellules de mon double. Pourquoi ? Le Club bien sûr ! C’est toujours une affaire de Club ! J’ai beau être la fille du président, je n’ai pas mon mot à dire quand il s’agit de mes frères ou encore de la famille. Les femmes sont bonnes qu’à foutre le bordel d’après eux ! Je t’en foutrais des propos sectaires et discriminatoires. Je laisse couler, ce sont les règles et les codes de notre grande famille…

Au bout d’un certain temps, une infirmière vient nous chercher à tour de rôle pour passer cinq ridicules minutes avec Shaw. Mes parents sont les premiers à y aller. Puis vient notre tour à Mal et moi. Je ne suis pas prête à la voir comme ça, faible et éteinte. Pas ma frangine ! Non c’est une guerrière, ma deuxième maman, mon exemple, même si je ne lui avouerai jamais de la vie. Mal enlace ses doigts aux miens comme quand nous étions gosses et que nous devions affronter une tornade. Jamais l’un sans l’autre, telle est notre devise. Notre gémellité comme arme ultime face au reste du monde. Il me guide, alors je lui emboite le pas, la peur au ventre.

Enfin sortie de l’hôpital, je respire de nouveau au volant de ma Cox. Je la gare à l’arrache dans la cour du Club et en sors comme une furie. Je commence par le club house, survole du regard le bar vide, puis poursuis dans l’église. Personne. Le reste de bâtiment demeure complètement désert lui aussi. Quand le prospect sort de la cuisine, serpillère à la main, je l’interpelle.

— Salut Vic ! T’as pas vu Jay ?!

— Nan m’dame !

Je ne comprendrai jamais pourquoi cette andouille m’appelle madame. Bref… Je sais que Jay est là, sa bécane est à sa place. Le loft !

Mais oui, quelle conne j’aurais dû commencer par-là ! Je me foutrais des claques par moment, sérieux.

Je gravis les marches en aluminium de l’escalier menant à ses appartements. Je toque, au début doucement, puis utilise mon poing sur le panneau de bois me séparant de lui. Aucune réponse ! Ma patience légendaire vient de prendre fin, alors je déboule comme une forcenée dans sa tanière. Quand j’y fais deux pas, le désordre de la grande pièce me frappe. Jay n’est pas un maniaque dans l’âme, mais pas non plus un dégueulasse. Et là, clairement, le loft est sens dessus dessous. Le peu de meubles le décorant est pulvérisé entre les quatre murs. Je commence à avoir le trouillomètre à zéro. Après ma frangine, dans quel état vais-je retrouver mon aîné ?

— Jay ?! T’es là ? claironné-je.

Je récidive, mais l’écho de ma voix rebondit dans les cent vingt mètres carrés. J’avance à tâtons, sur mes gardes, et j’entends un fond sonore flottant dans la pièce. De la musique c’est bon signe. C’est alors qu’enfin je tombe sur lui et le spectacle qu’il m’offre n’est vraiment pas beau à voir. Jay, au beau milieu de son salon, est allongé par terre, sur le dos, un joint au bec.

— J… que fais-tu par terre entouré de tout cet attirail ? demandé-je avec douceur.

Mon frère est raide défoncé, son paquet de feuilles et ses têtes de weed sont éparpillés sur le parquet. Une bouteille de Jack Daniel’s au trois quarts entamée trône dans sa poigne. Le cocktail parfait pour se perdre complètement. En somme, il est imprévisible.

— Chère petite sœur… laisse-t-il traîner de sa voix pâteuse. Comme tu peux le voir, je me prépare à partir en guerre…

— En guerre ? Mais contre qui ? insisté-je, prudente.

— Contre le fils de pute qui a violé ma meuf, kidnappé ma gosse et qui essaie par tous les moyens de nous prendre notre territoire, chérie !

Je ne comprends rien à son discours certainement dicté par son degré de débauche. L’alcool et la drogue lui font dire des inepties. Shaw ne s’est pas fait violer, mais séquestrée et tirée dessus. En ce qui concerne Tara, il dit vrai et concernant cette histoire de territoire, je n’en ai aucune idée, ça sent les affaires du Club. Je le rejoins et m’accroupis à ses côtés en prenant soin de ne pas toucher trop brutalement les armes à feu qu’il a entassées près de lui : M14, AK47, deux fusils automatiques et à pompe, quatre 9 millimètres, deux Desert Eagle, une dizaine de grenades ainsi que des armes blanches de différentes dimensions. Tout ce qu’il faut pour faire un vrai massacre !

— Frangin, tu dois te reposer. Accorde un break à ton esprit. Ce n’est pas en te noyant dans le sky et l’herbe que tu vas y voir plus clair…

Ses iris couleur de glace fixent les miennes identiques, ressemblance typique des Lang. Le regard de mon grand frère est hanté par des ombres et des horreurs issues du tréfonds de son être. Je sais qu’il a commis des choses affreuses, j’en ai conscience. Il est un brin instable et sadique, il prend plaisir à « étriper du connard » comme il aime dire. Mais il agit toujours dans un seul but : celui de la famille ! Alors peut-être que pour beaucoup il n’est rien d’autre qu’un monstre, seulement, pour moi, il est comme le diable, indestructible et tout puissant. Mon frère est mon idole. Si j’étais attirée par les hommes, il est évident que je jetterais mon dévolu sur un mec lui ressemblant au maximum.

— J’ai complètement merdé avec elle, tu sais… Elle attendait un bébé ! Ils ont bien failli la tuer à cause de moi… crache-t-il les mâchoires serrées à s’en faire grincer les dents.

Je comprends amplement sa douleur. Aujourd’hui il vient d’apprendre qu’il aurait pu être père. J’ignore toujours qui sont les commanditaires et responsables de l’état déplorable de ma sœur, pourtant, une part de moi est rassurée, car Jay sait d’où vient la menace.

— Chut, je t’en prie, ne te blâme pas. Les choses rentrent dans l’ordre, Shaw va s’en tirer comme une championne et puis tu nous as ramené la petite Tara, ce sont de bonnes nouvelles Jay. Vraiment, focalise-toi là- dessus. le supplié-je.

Comme si mes mots le dégoûtaient, il rompt notre contact visuel, renifle bruyamment avant de tirer sur son joint presque terminé.

— Tara est ma gosse !

— Oui si tu veux, tu es le compagnon de sa mère donc son beau-père. confirmé-je.

— Nan ! Je suis son géniteur, May ! tonne-t-il la voix dure.

Stupéfaite, je me demande s’il dit vrai ou bien si ce sont les effets de l’alcool. Jay se rend compte de mon trouble et clarifie.

— Quand Shaw s’est tirée après la mort de Andrew, elle était enceinte, mais ça, tu le sais déjà petite sœur. m’accuse-t-il sournoisement.

Je confirme ses dires d’un haussement d’épaules en fredonnant mentalement le titre résonnant à cet instant dans le loft, Wolf de Boy Epic.

— Shaw m’a toujours fait péter les plombs et ça bien avant son retour d’il y a quelques mois. Ado, elle m’obsédait… adulte elle continuait à m’obséder. J’ai essayé de mettre le plus d’espace possible entre nous deux, mais en vain. poursuit-il. Quand Andrew s’est fait coffrer, nous avons couché ensemble… puis il s’est fait descendre et j’ai perdu les pédales. Je suis allé directement me réfugier dans le lit de la veuve de mon pote. Je te passe les détails… Ma Rebelle en voulait plus, elle était en colère contre le Club et moi j’étais anéanti et complètement flippé.

Il se relève brusquement me faisant sursauter, s’assoit et prend une longue gorgée de Whisky.

— Bordel, j’arrive pas à croire que je te dis tout ça, gamine ! C’est clair t’as raison faut qu’j’arrête la picole ! ricane-t-il, pété comme un coin. Tu dois savoir que je suis le seul fautif de la fuite de ta sœur. Je lui ai demandé de se tirer d’Hillsdale au risque de lui faire vivre l’enfer sur terre ! Et tu sais combien j’en aurais été capable.

Wow, je n’en reviens pas. Tous ces drames pour en fait que dalle !

— Ce qu’elle a fait… en même temps ça m’étonne à peine. Tara nous ressemble beaucoup, elle a les yeux des Lang. remarqué-je.

À cette comparaison, Jay sourit. Je profite de cette bonne dynamique pour retenter mon approche.

— Tu chlingues la mort, mec ! Ça te dit une bonne douche ?

— Seulement si tu m’aides. Je suis déchiré comme un terrain de manœuvre.

— C’est vrai que t’as une sale gueule VP. avoué-je penaude.

— Tu devrais voir leurs tronches ! se vente-t-il d’un air de conquérant.

— Non sans façon, c’est bon je te crois.

Soudain son air rieur disparait et laisse place à la froideur des fantômes qu’il trimballe avec lui au quotidien. Je le maintiens et l’entraîne jusqu’à la salle de bains. J’attends quelques minutes derrière la porte puis quand j’entends l’eau couler, je le laisse tranquille et vais dans la cuisine lui préparer un verre d’eau avec le somnifère que m’a donnée Eva. Elle m’a assuré qu’avec une dose pareille, Jay ronflerait au moins pendant douze heures et plus s’il est chargé. Ce qui est le cas ! L’eau cesse, je me précipite pour lui apporter sa serviette avant qu’il ne se casse la gueule pour en attraper une. Une fois chose faite, je lui tends le verre et les comprimés. Il tique direct.

— C’est quoi ?

— Anti-inflammatoire et antalgique pour tes blessures… rétorqué-je simplement.

Ni vu ni connu, il les avale. Je le guide vers son lit, soulève sa couette juste avant qu’il ne s’affale comme un cadavre dedans. Je prends soin de le border. Mon idole a dérouillé aujourd’hui et pas seulement physiquement, il est à deux doigts de basculer dans la folie. Je prie pour qu’un chemin en sens inverse existe, un chemin dont Shaw en est la clef… Les ronflements de mon épave de frère bourdonnent dans mes oreilles, signe que ma tâche a été accomplie à merveille et tout en douceur. Je prends le temps de ranger les armes dans leur malle métallique avant de quitter le loft.

Une fois à l’extérieur, mes doigts pianotent machinalement sur mon smartphone. Et l’appellent, lui.

— Yep !

Sa voix rauque me chatouille l’échine. Je m’éclaircis la voix avant de lui répondre.

— C’est bon ton VP dort comme un bébé. déclaré-je sans m’embarrasser des formules de politesse.

— Parfait gamine ! Tu lui as fait prendre les médocs d’Eva ?

— Oui !

Un silence gêné s’étire entre nous avant que je n’ose lui parler de la conversation étrange que je viens d’avoir avec mon frère.

— Brady ?

— Sakura ?

Je ne peux m’empêcher de sourire à ce diminutif dont lui seul m’affuble.

— Jay m’a dit des trucs chelous genre que Shaw aurait été violée, Tara kidnappée et enfin séquestrée par une seule et même organisation… comme tu me l’avais dit il était dans un état pitoyable, mais ses propos m’ont interpelée.

— N’y fais pas gaffe, ton frère était défoncé. déclare-t-il simplement.

— Tu me le dirais si ma sœur avait été violée ? Tu ne me cacherais pas un truc aussi énorme Brady… pas à moi ? lui balancé-je tac au tac.

— Y a des vérités qui ne sont pas bonnes à entendre… commence-t-il.

— Ça veut dire quoi ça ?! m’agacé-je.

— Rien de spécial ! lâche-t-il froidement. Tu devrais aller te reposer, les prochains jours vont être difficiles pour tout le monde.

Je soupire dans l’appareil, blasée de cette discussion et hoche la tête comme s’il pouvait me voir faire.

— Bonne nuit Sakura Girl… susurre-t-il lascivement avant de mettre fin à l’appel.

Putain de Biker ! Chapitre 34

Septembre

Shaw

— Shaw… m’appelle calmement Mary en même temps qu’elle toque contre la porte de ma chambre.

Je ne réponds pas, je n’en ai pas la force et encore moins l’envie. Je n’ai plus le goût à rien depuis ces derniers temps. Il y a un mois, Ashanty m’a tout pris. Elle a réussi là où bien d’autres ont échoué, car je suis complètement brisée. En l’espace d’un instant, j’ai perdu l’enfant que je portais et l’homme de ma vie. Depuis mon réveil, je ne cesse de demander à mon frère s’il a des informations sur l’endroit où se trouve Jay. Sa réponse est inlassablement la même, jour après jour. Jay m’a ramené Tara, mais il m’a plantée à l’hôpital et s’est tiré le lendemain sans aucune explication. Depuis, j’erre comme une âme en peine ne sachant pas bien comment continuer à avancer sans lui auprès de nous. Jason m’a repoussée une fois de plus… je devrais en être habituée, mais très franchement ça me tue à petit feu. Alors non, je n’ai pas envie d’ouvrir cette foutue porte, parler, lire ou encore m’alimenter ! Plus rien n’a une quelconque importance à mes yeux. Je suis vidée, la guerrière dépose les armes, basta…

Le bruit qu’émet la porte, quand Mary l’ouvre, me sort vaguement du gouffre dans lequel j’évolue ces derniers temps. Pas même la présence de ma fille est suffisante pour me secouer et me donner un coup de fouet. La petite sœur de ma meilleure amie s’assoit sur mon lit, dos à moi, faisant ployer le matelas sous son poids. Sa main s’attarde sur mon épaule comme pour soulager ma tristesse.

— Shawna, Tara se demande si tu vas te lever aujourd’hui ?

— Quelle heure est-il ?

— Midi ma belle… déclare-t-elle d’une voix douce.

Ne voyant aucune réaction de ma part, Mary continue sur sa lancée.

— J’ai préparé de quoi grignoter pour le déjeuner. Ton frère vient manger, tu veux te joindre à nous ? me propose-t-elle.

— Pas faim… articulé-je simplement.

— Je m’en serais douté. soupire-t-elle. Je sais combien les moments que tu vis sont difficiles ma belle, mais tu ne dois pas te laisser aller. Tout le monde est inquiet de te voir ainsi.

— Qu’en sais-tu Mary ? râlé-je me tournant face au plafond blanc de ma chambre à coucher.

— Je le sais c’est tout… être repoussée par celui qui me fait vibrer tout en l’ayant sous le nez à longueur de temps, spectatrice de son défilé de plans cul… bref, crois-moi je sais de quoi je parle. Même si la situation est différente.

Je la regarde fixer un point imaginaire sur le mur lui faisant face, interdite. Les traits de son visage reflètent l’amertume et la douleur présentes au fond d’elle. Je veux bien la croire, simplement, je finis par ne plus rien ressentir d’autre qu’un sentiment de vide.

— Est-il conscient du mal qu’il t’inflige en agissant ainsi ?

— Non, il ne me verra jamais autrement que comme la sœur ou encore la fille de. Je suis transparente à ses yeux, faisant partie intégrante du décor… lâche-t-elle tristement. Personne ne remarque la timide petite Mary ! Je suis dans l’ombre de mes parents, d’Eva et même de la tienne… Mais assez parlé de moi miss, tu dois te secouer ! Il est temps que tu sortes de cette baraque, ça fait trois semaines que tu n’as pas mis le nez dehors.

Et trois semaines que j’ai des baby-sitters à temps plein sur le dos, rôle tantôt rempli par Mary tantôt par Malonne. Je m’en serais bien passé, préférant connaître le lieu où se cache Jay. La petite n’a pas tort, mais en suis-je seulement capable ? Physiquement je me remets plutôt bien ayant eu ma dose de repos. Par contre, psychologiquement, pas sûr. Le seul endroit où j’ai envie d’aller me réfugier sont ses bras à lui. Ma peau brûle de l’absence de la sienne, de ses doigts calleux éraflant mon épiderme et l’embrasant sur leurs passages. Tout mon corps hurle le manque de lui. Mon âme se meurt sans lui.

J’ai passé la journée à végéter, mais ce soir je n’en peux plus d’être entre ces quatre murs chargés de souvenirs de mon biker. Comme une automate, j’enfile un bas de jogging et un sweat à capuche aux couleurs des Death’s appartenant à Jay. Mes Vans noires aux pieds, je quitte à pas de velours ma petite maison devenue en peu de temps ma prison. En passant discrètement dans le couloir qui donne sur le salon, je constate que Mal est toujours ici, affalé dans le canapé, Mary dans ses bras. Finalement, pas si transparente que ça, la petite Mary. Cette pensée me tire un sourire.

Me voilà garée dans la cour du Club. Le besoin irrépressible de me raccrocher à lui par n’importe quelle façon m’a traînée jusqu’ici. Les clefs du loft en main dans l’habitacle sécurisant de mon 4x4, je cherche le courage d’affronter la réalité. Les paroles de Zella Day me touchent en plein cœur :

You got those scissors from the draw Tu as les ciseaux du tirage au sort You never dug so deep before Tu n’as jamais creusé si profondément avant If I stop trying, we start dying Si j’arrête d’essayer, on commence à mourir You're cutting me out, baby who you fighting? Tu me coupes, bébé contre qui tu te bats ? Who you fighting? Contre qui tu te bats ? Who you fighting? Contre qui tu te bats ? You make we wanna love, hate, cry, take, every part of you Tu me donnes envie d’aimer, détester, pleurer, prendre, chaque partie de toi You make me wanna scream, burn, touch, learn, every part of you Tu me donnes envie de crier, de brûler, de toucher, d’apprendre, chaque partie de toi Ooh, ooh, ooh, ooh I close my eyes, just close the door Je ferme les yeux, ferme la porte You want a minute, I'll give you more Tu veux une minute, je t’en donnerai plus Maybe I don't want you either Peut-être que je ne te veux pas non plus We're both unsettled, nighttime creatures Nous sommes tous les deux perturbés, créatures nocturnes Shadow preachers, nighttime creatures Prêcheurs d’ombres, créatures nocturnes

Puis m’insuffle l’énergie nécessaire pour sortir de mon véhicule. Je monte d’un pas déterminé les marches en métal guidant au loft. La clef dans la serrure, j’actionne la poignée et ouvre avec retenue la porte d’entrée. Les lieux sont plongés dans l’obscurité. Immédiatement, des effluves viennent me chatouiller les narines me mettant à terre une fois de plus. Sérieusement, je m’attendais à quoi en venant ici ? Le trouver peut- être gentiment assis dans son fauteuil ? Foutaise ! Bien sûr que non, au lieu de ça, c’est un appartement vide qui s’offre à moi. J’allume toutes les lumières pour sortir de ce déni. Il est parti Shaw ! Il t’a laissée là ! Oublie-le ! me supplie la petite voix dans mon esprit. L’oublier ? Jamais de la vie ! Je le trouverai où qu’il soit. Je remuerai ciel et terre, j’irai jusque dans les ténèbres pour mettre la main sur l’amour de ma vie. Je n’accepte pas, je ne veux pas de cette finalité ! Il est hors de question que je reste les bras ballants, sans rien faire, sans me battre.

Épuisée et à bout de nerfs, je me réfugie entre les draps de son lit. La tête dans son oreiller, j’inspire son odeur comme une toxicomane en manque et pleure enfin, chose que je m’étais fermement interdite jusqu’à présent. Pleurer pour un homme qui ne vous mérite pas c’est faire preuve de faiblesse. Mais Jay a dépassé ce stade à l’instant même où il a abattu de sang-froid plusieurs personnes pour nous venger notre fille et moi. Le mot « mérite » paraît bien insuffisant face à ses agissements. Chapitre 35

Août

Jay

— Voilà ce qu’il s’est passé. Quand je suis arrivé chez Shaw, j’ai tout de suite compris que quelque chose clochait. La maison était anormalement calme et plongée dans l’obscurité. Trente secondes avant que j’y pénètre, des coups de feu ont retenti. Je suis donc entré comme un malade à l’intérieur. Elle était là, ligotée sur une chaise avec des impacts de balle dans le corps. expliqué-je la gorge nouée à mes frères. Nous sommes au grand complet autour de la table dans l’église, mais un silence de mort enveloppe la petite pièce. Aucun d’entre eux n’ose me couper, retenant leur respiration, les yeux ronds d’étonnement. Je romps ce silence oppressant en craquant une allumette avant d’allumer ma clope. Pas de joint ni d’alcool aujourd’hui, j’ai besoin de garder les idées claires. J’aspire la fumée en quête de ma dose de nicotine. Puis reprends mon récit.

— J’ai très vite compris que la situation allait empirer et mon intuition avait vu juste. Shaw à a peine eu le temps de cracher quelques mots pour m’informer de ne pas tuer Ash tout de suite, car elle seule savait où était Tara. Il a fallu que je ruse pour manipuler Ashanty. Cette salope venait de tirer sur ma régulière et séquestrait ma gamine. craché-je entre mes dents encore emplit de rage contre elle.

J’écrase ma cigarette terminée dans le cendrier, puis passe les mains sur mon visage pour me calmer. Inutile, je ne trouverai la paix qu’une fois leur compte réglé à tous.

— Donc tu as joué le jeu face à cette tarée pour qu’elle te mène jusqu’à la gamine. en déduit Brady.

Je hoche la tête pour confirmer.

— OK et ensuite ? me presse mon paternel.

— On a atterri du côté de Rilsvallet, une baraque lui appartenant. C’est là que ce chien de Dimitri se cachait avec ses hommes et bien entendu Tara. J’ai buté tout le monde, j’ai récupéré la gosse et foutu le feu à la cabane. Enfin presque tout le monde ! ce bâtard a filé au moment où je m’occupais d’Ash ! aboyé-je.

— Est-ce que le ruscof t’a dit quelque chose ? Pourquoi s’en prendre à une enfant de six ans et avoir violé sa mère ? demande Klash, anormalement calme face à mon récit.

— D’après toi, c’est une attaque personnelle ou contre le Club ? continue Terry.

— Les deux ! Je n’ai peut-être pas fait exploser sa cervelle, mais j’ai eu deux trois infos. Clairement leur motivation première est de prendre notre territoire, notre business et de nous enterrer avec. De ce fait, au lieu d’une attaque frontale qui se serait terminée en véritable massacre dans les deux camps, ils ont préféré la jouer fine en affaiblissant le Club de l’intérieur. Je pense que Shaw n’est qu’un dommage collatéral. Nous avons toujours été la cible principale.

Brady et Mal crachent des grognements simultanément, tandis que les autres tapent du plat de la main sur la table, irrités.

— Et quoi de mieux que d’anéantir le chasseur des Death’s Falcons en le touchant en plein cœur. Jusqu’à Shaw, tu n’avais jamais eu la moindre petite faiblesse à exploiter ! en conclut Al.

— Exact ! déclaré-je.

— Ta réputation d’homme sans limites et incontrôlable t’a desservi mon fils. Tant que tu n’avais rien à perdre, tu étais intouchable… les putains de fils de putes ! hurle à présent mon père.

— Ils prévoient leurs coups depuis un sacré bout de temps, parce qu’à moins de nous avoir espionnés à la loupe avec la plus grande discrétion, je ne vois pas comment ils auraient su comment nous atteindre et pire, qui atteindre. réfléchit Malonne.

Clairement, c’est ce qui a dû se produire. Comment pouvait-il savoir pour Shaw, à moins de l’avoir suivi jusqu’à L.A. où elle se cachait de nous ou plutôt de moi. La culpabilité vient une nouvelle fois me broyer les entrailles.

— Je pense en effet que leur plan ne date pas d’hier, mais depuis le meurtre de Andrew, abattre le fils du Prez était trop direct et risqué, or le gendre c’était bien plus facile. Ils l’ont d’abord fait coffrer puis crever en taule où nous ne pouvions rien faire ni même connaître tous les tenants et aboutissants des faits qui ont eu lieu quand il a été tué. Ils ont allumé la mèche et attendu que la bombe explose en affaiblissant l’entourage de Terry. Je leur ai donné Shawna sur un plateau d’argent en la poussant à quitter la ville… et putain je m’en veux assez pour ça !

— Tu ne pouvais pas savoir comment les choses allaient évoluer, ni même que ces bâtards prévoyaient une attaque sur du long terme. tempère Bill.

Les gars acquiescent à l’unanimité aux dires de notre trésorier.

— Ouais p’t-être bien, mais n’empêche tout est de ma faute. clamé-je fermement empreint au dégoût.

— Quel est ton plan Jay ? demande Terry. — Mon plan… commencé-je plongeant mon regard de glace dans le sien. Je vais traquer ce Dimitri jusqu’à connaître sa marque préférée de papier cul, l’encercler et le détruire ! Pour ce faire je vais avoir besoin de vous les gars, en faisant un geste en direction des trois geeks.

— Tout ce que tu voudras VP. assure Malonne en posant ses avant-bras sur le bois de l’imposante table.

— Tu vas garder un œil sur ta frangine jour et nuit. En aucun cas elle doit savoir où je suis, ni ce que je fais, rien tu m’entends ?

Il me fait le salut du scout.

— Al, Vic et Mal vous allez me donner tout ce que vous trouverez sur ce mec, ce n’est assurément pas un fantôme. Il aime le luxe et à un ego surdimensionné alors trouvez-moi ses habitudes, ses anciens collègues, bref des infos récentes si possible !

— Comptes sur nous men !

— Je vais en jeter deux mots à Fallon. Je sais qu’il ne nous a pas été d’une grande aide sur l’affaire Tara, mais il doit avoir des connexions avec des confrères. En creusant bien, Dimitri et Stan vont ressortir de quelques affaires louches. explique Brady.

Au bout d’une petite heure de discussion, notre plan de défense se met en place. Chacun de nous a un rôle bien défini dans cette histoire, le mien également.

— T’es certain de ne pas vouloir Jer pour surveiller ton cul ? balance mon vieux.

— Non, je veux rester dans l’ombre le plus longtemps possible pour flairer ma proie. En équipe, ce ne serait pas judicieux et puis vous avez besoin d’être au complet ici. Ne t’inquiète pas pour mon cul ! La seule chose dont j’ai besoin, c’est de faire couler des litres de sang !

Mon sac enfin bouclé, je le charge dans l’Eleanor. Dimitri et ses hommes ne sont pas naïfs au point de croire que je ne viendrai pas m’occuper d’eux. Ces cons s’attendent à voir débarquer toute une horde de bikers assoiffés de vengeance, mais je ne leur ferai pas ce plaisir. Ils ne s’attendront pas à ma seule présence, sans couleurs, sans frères protégeant mes arrières. Donc rien de plus logique que de raccrocher mon cuir et ma bécane pour un certain temps. Me voilà juste Jay, le chasseur, psychopathe, no limit !

Avant de partir pour ma mission suicide, je fais un crochet par chez elle. La bécane de Mal et la voiture de Mary sont garées devant la petite maison aux volets bleu pastel, afin de préparer le retour de ma Rebelle chez elle. Vicky m’a annoncé que Shaw se débrouillait bien, elle se bat comme une lionne. Je n’ai pas pu me résoudre à aller la voir à l’hôpital. Impossible pour moi, à moins de faire fondre ma détermination comme neige au soleil. Ma faiblesse ! Je suis tellement faible face à Shaw. Ce que je m’apprête à faire ne laisse pas de place pour les sentiments.

Je garde espoir qu’au fond d’elle elle sache que je ne l’abandonne pas.

***

Septembre

Le tuyau de l’autre balance était juste. Ce chien de ruscof a un faible pour la gent féminine. Ce qui m’échappe, c’est pourquoi forcer une femme alors qu’il y en a tant derrière à attendre ses faveurs ? Vraiment ce mec est tordu ! Dimitri vit dans l’ombre de son grand frère, le fameux Stanislas Wolkoff. Mal et Al ont mis du temps à trouver un lien entre ces deux connards, mais, après plusieurs recherches infructueuses, le verdict est tombé. Dimitri et Stanislas sont frangins. Si pour le moment je n’ai eu à faire qu’aux sous-fifres, la rencontre avec Stan sera inévitable à un moment ou à un autre.

Dimitri a grandi et fait ses études aux States pendant que son aîné est resté en Russie sous la cloche de leur père Boryslav Rodomir, un baron de la mafia russe. Ces deux rejetons ont pris le nom de famille de leur mère afin de noyer le poisson. Maintenant que le Padre a les dents sèches, Stanislas souhaite agrandir son champ d’action dans l’illégalité, avec, entre autres, le territoire des Death’s Falcons en Californie. Ces hommes sont sans pitié et rien ne les arrête, un peu comme moi. Seul bémol et pas des moindres, ils ont les bras extrêmement longs. Je les soupçonne d’avoir un siège à la table des grands de ce monde, ceux jouant au poker à échelle humaine. Fort heureusement pour nous, notre organisation de simple petit biker s’élève jusqu’à cette putain de table. Merci les ancêtres ! J’ai pris un malin plaisir à le traquer. Entre les infos découvertes par nos deux geeks et les balances gravitants autour du ruscof, le jeu de piste était jouissif. Ce soir, je repère les lieux et m’assure que ma dernière victime disait vrai. Mes menaces contre sa petite pute ont été efficaces puisque Dimitri est bien sous mes yeux en ce moment même. Complètement fondu dans le décor, je l’observe avec insistance. Mon plan danse sous mes yeux, prêt à être activé. Mais patience, pas tout de suite. Chaque chose en son temps.

***

Deux jours plus tard…

Confortablement installé dans mon fauteuil type Chesterfield que dispose l’établissement des plus select, je déguste un Macalan à trente dollars les deux doigts. J’ai troqué ma sempiternelle tenue de biker pour une chemise noire, un pantalon à pince et des chaussures en cuir de la même couleur. Mes cheveux sont coiffés en arrière, quant à ma barbe elle est plus courte et disciplinée. De cette façon, je ne dénote pas et reste totalement incognito. Je m’imprègne de l’atmosphère des lieux. Cette boîte me fait énormément penser au Carmen. Les femmes sont de toute beauté, telles des sirènes en mal d’hommes à capturer dans leurs filets. La musique est actuelle et entrainante, malgré les avances de différentes bombasses présentes ce soir, je ne perds pas de vu mon objectif. Je ne suis pas ici pour jouir de la situation, non ! D’ailleurs ces créatures ne me font même pas bander.

Ma cible est dans mon angle de mire, je ne loupe pas un seul geste de notre cher Wolkoff. Il n’est malheureusement pas seul, deux hommes et deux femmes sont autour de lui. Aucun problème, mon arme massive de séduction ne va pas tarder à entrer en scène quand enfin une longue chevelure d’un roux vibrant fait son apparition, attirant mon attention non loin de Dimitri. Elle me fait un signe de la tête discret pour m’indiquer qu’elle visualise sa cible. Barbara est un parfait substitut de Carmen, c’est à s’en casser le nez dessus. Sa démarche est assurée, experte et d’un professionnalisme à en faire pâlir plus d’un. Elle envoute les regards des hommes sur son passage. Bien, très bien même, ça va être un jeu d’enfant pour cette escorte de remplir sa mission.

Je n’ai eu aucun mal à convaincre B de se jeter dans la gueule du loup. Cette dernière, comme nous tous, a été choquée par le viol de son amie et collègue. Alors, quand je lui ai soumis l’idée, ni une ni deux, elle était plus que partante pour me donner un coup de main, même si cela mettait sa vie en danger. Je la regarde s’installer sur le tabouret de bar dans le champ de vision de Dimitri. Ce mec est prévisible au possible et mord à l’appât ! Alors qu’elle joue l’indifférence la plus totale en commandant son cocktail, Wolkoff la déshabille de son regard pervers. Elle est plus qu’à son goût et son attitude me le confirme bien. Il fait un signe de la main au type à sa droite et fait déguerpir la grande blonde sur sa gauche. Un échange muet évolue entre les deux hommes avant que le gars se lève et parte en direction de ma complice. En véritable actrice californienne, Barbara se laisse accoster en répondant avec nonchalance à l’homme de main. Très vite, elle se retrouve assise aux côtés de Dimitri. Ils se sourient, parlent de choses certainement futiles. Voilà la partie du scénario la plus pénible pour moi. Mais c’est le déroulement idéal pour arriver à mes fins. Je laisse la belle, devenue rousse pour l’occasion, abuser de ses talents et de ses charmes sur notre violeur.

Au bout d’une bonne demi-heure, les choses semblent s’accélérer en notre faveur. Barbara cherche mon regard, puis une fois verrouillé, me fait signe qu’il est bon comme la romaine. J’avale avec entrain mon troisième verre de spiritueux, le faisant claquer sur la table de bois et me prépare à les suivre. Le corps élancé de B entreprend celui de Dimitri. Elle commence par le diriger vers la piste de danse où elle colle sa peau contre le buste de ce dernier. Bien que la musique soit rythmée, une danse langoureuse évolue entre ces deux-là. Ça y est, il montre des difficultés à contrôler ses membres, pressant l’appétissante fesse de la belle rousse. Elle en profite pour lui lécher le cou et l’entraîne dans un baiser écœurant. Notre appât se veut insistant d’impatience. Barbara s’en rend compte et, satisfaite, elle le guide dans la foule en ondulant son corps de plus belle. Les gorilles de Dimitri n’y voient que du feu et relâchent leur surveillance sans se soucier une seconde de la suite des évènements. J’en profite pour lever le camp et les suivre entre les danseurs loin de se douter de ce qui se trame pendant leur instant de détente.

La chevelure de feu quitte la piste de danse accompagnée du petit veinard. Ma complice suit à la perfection notre plan machiavélique. Consistant à chauffer au max Dimitri, l’entraîner par la porte de sortie menant dans la petite ruelle où l’attend sagement ma caisse. D’un pas lent, mais déterminé, je parcours le même chemin qu’eux comme une ombre. L’adrénaline coule dans mes veines, ma respiration se fait plus puissante, les battements de mon cœur tapent en rythme avec les percussions du morceau joué par le DJ, Games of survival… L’heure est venue de régler mes comptes avec cet enfant de putain. La musique s’atténue légèrement au fur et à mesure que je me rapproche de la sortie de service. J’inspire un grand coup puis ouvre la porte coupe-feu avec délicatesse pour taire mon entrée.

Comme prévu, B est assise sur le capot de la Mustang, Dimitri entre ses jambes. Ce con est bien trop occupé à dévorer sa bouche et à la peloter pour se rendre compte de ma présence. Le regard espiègle de ma complice me galvanise. Je sors mon arme de la ceinture de mon pantalon et sans aucune pitié colle le canon contre l’occipital de mon ennemi. Dimitri cesse d’embrasser Barbara, comme prêt à me bondir dessus.

— Je ne ferais pas ça si j’étais toi ! le menacé-je alors que j’enlève de cran de sureté de mon 9 mn.

Il crache une insulte dans sa langue natale entre ses mâchoires serrées.

— Dieu soit loué, j’ai bien cru que tu ne te pointerais jamais, beau blond ! lâche la rouquine soulagée.

— Et laisser ce chien te souiller davantage ? Certainement pas miss !

Barbara se dégage de son emprise pour grimper sur le fauteuil passager de ma bagnole.

— Comment t’as fait pour me retrouver Beach Boy ? demande ma proie.

— Comment, on s’en fout. Il ne faut jamais sous-estimer son adversaire !

Je ne le laisse pas développer, je n’ai pas le luxe d’attendre et puis j’ai hâte de me retrouver dans une pièce face à lui pour m’occuper de son cas. D’un coup sec derrière la tête avec la crosse de mon flingue, je l’assomme. Il tombe comme une merde au sol, s’éclatant l’arcade au passage. J’ouvre le coffre et le tire par les pieds. Bordel, c’est qu’il pèse ce con. Je le jette sans ménagement à l’intérieur, ayant au préalable scotché ses mains, ses pieds et sa bouche au gaffer noir.

Mon colis emballé, je mets les voiles. Direction Hillsdale ! Chapitre 36

Shaw

Je tape comme une tarée du poing contre la porte d’entrée de mon ami. Cette andouille à intérêt à être là, car je ne repartirai pas d’ici sans avoir eu les réponses à toutes mes questions. Rien ne me fera rebrousser chemin, pas si près du but ! Je me suis bien tenue tout le temps de ma convalescence, mais cette attitude de gentille petite fille est révolue ! J’en ai ras le bol de leur rétention d’informations, cette nuit ma patience et ma santé mentale ont atteint leurs limites.

— Brady !!! l’appelé-je en simultané avec mes coups.

J’entends comme grogner de l’autre côté du panneau de bois.

— Putain t’as vue l’heure bordel ? ronchonne-t-il en ouvrant la porte.

Oui bien sûr, il est six heures trente et alors ?

— Faut qu’on cause mec ! Donc pose ton cul dans ton canap’, je te prépare un café et tu balances tout ! lui ordonné-je à peine après avoir mis les pieds dans le hall d’entrée.

Brady me regarde de son air mauvais, gratte sa longue barbe et soupire, vaincu. Il le sait aussi bien que moi, il n’a jamais su me résister. En même temps, mon ami d’enfance m’en doit une, car je me souviens avec précision de son pétage de plomb lors de l’anniversaire de ma fille. Donc c’est le moment de se rattraper. Le grand brun se vautre dans son vieux divan pendant que je me dirige vers la cuisine nous faire couler deux mugs de café. Les mains chargées, je viens m’installer en face de lui. Il commence par boire une longue gorgée de caféine et me regarde en chiens de faïence par-dessus sa tasse fumante. Je soutiens son œillade sans ciller, aucunement perturbée. Ce dernier doit voir la détermination au travers de mes iris, car il m’invite à prendre la parole d’un signe du menton.

— Tu connais la raison de ma visite matinale ?

Il incline une nouvelle fois la tête pour confirmer ce que je sais déjà.

— Où est-il ? articulé-je calmement.

— Je ne peux pas te le dire.

Dire que je suis surprise de sa réponse serait un mensonge. Brady veut la jouer comme ça ? C’est bien dommage, car je vais être sans pitié… je ne permettrai à plus personne de s’immiscer entre mon homme et moi.

— Tu ne peux pas ou tu ne veux pas ? Sais-tu que la seule raison pour laquelle je ne t’ai pas encore tiré une balle dans le genou est l’amour fraternel que je te porte. énoncé-je, en plongeant mon regard impitoyable dans le sien.

Ses lèvres s’étirent en un rictus en entendant mon aveu.

— Il n’y a que toi pour mettre « amour et tirer une balle » dans la même phrase sonnant comme une menace. rit-il.

— Marre-toi si ça te chante, tu n’imagines même pas ce dont je suis capable de faire pour retrouver Jay !

Je m’impatiente de plus belle, bois en quelques gorgées seulement mon mug avant de le reposer avec force sur la table basse.

— Je ne te sous-estime pas ma belle, du calme. Et pour répondre à ta question, je ne peux pas… ton mec me l’a fait promettre avant de partir.

La loyauté que voue mon ami au Club et à ses frères est tout à son honneur, mais là on parle de Jay et moi ! Pas des affaires du MC, malgré la mince frontière existante entre les deux.

— J’ai besoin de savoir Brady ! m’emballé-je. Je suis en train de devenir complètement barge ! Vous ne me dites absolument rien, à quoi dois-je m’attendre ? Va-t-il réapparaître un jour ou est-il parti définitivement ? Va-t-il bien ? Est-il blessé ? Je dois lui parler, mettre les choses aux clairs… je dois m’excuser pour les derniers mots que je lui ai balancés.

Notre dernière conversation n’avait rien de juste ou encore d’agréable. J’étais anéantie, en colère contre lui pour avoir perdu la trace de notre fille. Telle une vipère, je lui ai craché mon venin en plein visage, alors, qu’en réalité, Jay était aussi malheureux que moi. J’ai merdé et je m’en rends compte, comment m’excuser s’il ne revient jamais vers moi, s’il m’abandonne ?

— S’il te plaît Brady, ne me laisse pas comme ça… le supplié-je.

***

Brady

Je regarde mon amie, face à moi, tremblante de rage, me supplier de lui donner quelques miettes d’infos. Je suis tiraillé entre ma loyauté et l’amitié envers mon VP et celle qui me lie à cette femme, longtemps convoitée et désirée. Shaw est clairement en droit de savoir, seulement dans notre monde, les femmes n’ont pas leur mot à dire en ce qui concerne les décisions du Club. Enfin en théorie, parce qu’en pratique, ce n’est pas si simple que ça. Les femmes nous tiennent par le bout de la bite et nous le savons tous, évidemment.

Comme une illumination, je prends enfin conscience combien cette femme ne sera jamais mienne. Jay a enfoncé ses crocs trop profondément en elle pour laisser de la place pour une autre personne. J’ai longtemps pensé être amoureux de cette magnifique rousse, mais il n’en est rien. J’ai des sentiments forts pour elle pourtant, en y regardant de plus près, elle ne me fait plus vibrer, comme avant. Je veux toujours la protéger, la prendre dans mes bras, c’est vrai qu’elle est belle et désirable, mais tout ça, est-ce de l’amour ? Quelque chose en moi est en train de changer, la voir aussi faible, aussi désarmée réveille en moi quelque chose d’autre… j’ai besoin de la protéger comme un frère le ferait pour elle. Doucement, ma conscience me dicte que c’est plus fort que de l’amour… que c’est ma famille.

Pour l’heure j’ai une décision importante à prendre. D’une manière ou d’une autre, je vais trahir la confiance d’un ami. Mais lequel ? Je peux tout aussi bien ne rien lui révéler, car Jay ne devrait plus tarder. Il m’a contacté il y a trois heures environ pour m’avertir qu’il rentrait chez nous avec le colis. Il a enfin mis la main sur cet enfoiré au bout d’un mois de traque acharnée et de pistes ensanglantées. Ces prochains jours vont être des plus bestiaux. Jay n’aura de cesse seulement quand Dimitri poussera son dernier souffle. Même si je n’ai pas encore connaissance de son plan macabre, je peux certifier combien le jeu de torture sera épique ! Mon ami est en mode chasseur depuis trop de temps pour redevenir docile en un claquement de doigts. Il en a pleinement conscience et c’est la raison principale de son éloignement. Les sentiments de mon VP pour sa régulière sont incommensurables, et ça, depuis des années. Mais n’empêche, la peur viscérale que sa belle le repousse en découvrant sa vraie nature bestiale, un poil dérangé, sans pitié et surtout sans aucune limite ne le quitte pas.

Comment réagira-t-elle quand elle prendra conscience de la monstruosité dont est capable l’homme qu’elle aime ? Prendra-t-elle peur au point de le repousser ? Ce qui lui briserait assurément. Mon instinct me crie de lui donner ce qu’elle attend de moi. Shawna a les épaules pour encaisser et gérer Jay dans son intégralité, entre eux deux c’est une évidence. Je suis à deux doigts de signer mon arrêt de mort.

Néanmoins ma décision est prise, advienne que pourra ! Chapitre 37

Jay

Je me suis repassé maintes fois le scénar dans ma tête, seul palliatif à ma soif de vengeance. À présent que j’y suis, c’est à peine si j’y crois. Enfin ! Un putain de mois à chercher ce mec et le voilà en chair et en os devant moi. Prêt à mourir sous mes coups.

Le MC est au grand complet. Avant de lui exploser la tronche, nous devons obtenir des informations de sa bouche, cruciales pour le futur de notre Club. Maintenant que nous avons les tenants et aboutissants des dernières attaques contre nos chapitres, les pièces du puzzle s’emboitent. Les Russes veulent notre cul et notre trafic. Nous avons conscience qu’en détenant le frère du leader de cette mafia, les conséquences de nos actes seront irréversibles. Nous entrons en guerre mes frères et moi. Encore une fois, c’est un vote unanime. Allez, il est temps de shooter à grand coup de pied dans cette putain de fourmilière.

Vic et Kill, assistés d’Al, ont ligoté notre prise d’avant-guerre. Un peu en retrait, j’attends que mon tour arrive. Les premières décharges d’excitation parcourent chacun des membres de mon corps. J’inspire profondément pour garder mon calme face à ce bâtard qui fait tout de suite moins le malin sans ses petits copains pour le protéger devant quatorze vilains Bikers. Cependant, lui soutirer les infos dont nous avons besoin ne sera pas chose aisée. Je le vois dans son regard, des ombres semblables aux miennes s’y reflètent. Je perçois, sa mâchoire se contracter au rythme d’un décompte. Je comprends sa rage évidente face à ma personne. Cet homme et moi ne sommes pas si différents, héritier futur de royaume souterrain de contrebandes et trafics en tout genre. Nous avons été élevés, façonnés dans ce but ! Seule différence, c’est moi qui ai remporté le cœur de la belle. En même temps, il a toujours battu seulement pour moi ! Son obsession pour Shaw était perdue d’avance et malgré ça il s’y est tout de même engouffré.

Mon paternel s’avance d’un pas lent vers la vermine nous faisant face. Dimitri comprend que c’en est terminé pour lui. Restera-t-il digne jusqu’à la fin ? J’en doute fort quand je repense à mes projets pour lui. Mon regard balaye rapidement la pièce insonorisée du sous-sol. Beaucoup d’hommes ont perdu la vie dans cet endroit par mes coups et ceux de mes frères d’armes. L’installation est digne d’une salle des tortures, ce qu’elle est en quelque sorte. Une poutre IPN traverse le plafond pour suspendre ou enchaîner énormément de poids. Le sol est carrelé dans son intégralité avec différentes bouches d’évacuations. Une gigantesque armoire métallique referme une centaine d’armes en tout genre.

Terry commence son interrogatoire soutenu par les visages fermés de nos frères.

— Je ne vais pas passer par quatre chemins. commence-t-il pressé d’en finir. Quelles sont les intentions de ta famille ?

— Nos intentions ? Éradiquer la merde de Club de motos que vous êtes ! braille-t-il dans un regain de confiance en lui.

C’est au tour de mon père de se fendre la poire. Il sort son paquet de clopes de sa poche en cale une entre ses lèvres puis l’allume avant de poursuivre :

— Je vois qu’il n’y a que dans certaines situations que tu manques de couilles, gamin.

Il tire une longue taffe et lui crache la fumée au visage. Ce bouffon toussote au même moment.

— Nous éradiquer tu dis ? Inutile de vous fatiguer, car ça n’arrivera pas. Vous êtes peut-être les rois dans votre bled en Russie, mais ici c’est pas la même. explique-t-il. Bien sûr, différentes mafias et organisations contrôlent ce pays, cependant mon MC a ses entrées et ses sorties ! Avant moi, mes ancêtres ont fondé les prémisses des Death’s Falcons. Personne ne viendra foutre le bordel dans mon business ! Tu saisis le ruskof ?

Terry n’est plus qu’à quelques centimètres de la face de Dimitri. Ce dernier en a perdu son sourire arrogant, la peur s’installant peu à peu sur ses traits.

— Comment ton frangin compte-t-il s’y prendre pour « m’éradiquer » ?

Wolkoff déglutit péniblement faisant tressauter sa pomme d’Adam et n’ayant d’autre choix que de passer à table.

— Il a conclu un deal avec les nazis de la côte ouest. Il les fournissait en meth et autres drogues de synthèse pour agrandir leur circuit de distribution et donc son cercle d’alliés contre votre tête. Au départ le plan était simple, nous trouvions une faille dans votre Club et l’exploitions. Notre cible a toujours été l’héritier du trône… mais sa folie nous a forcés à la jouer en finesse et avec patience. énonce ce dernier en grimaçant.

J’inspire, expire, je serre, desserre mes poings, rien ne calme ma colère sous-jacente. Il vient de confirmer ma théorie, c’était contre moi, une attaque personnelle destinée à m’affaiblir. En touchant à mes femmes, ils n’ont fait qu’enrager le diable caché en moi. Mon paternel me jette un regard derrière son épaule, comprenant lui aussi que Shaw et Tara n’étaient que des pions utilisés à des fins macabres.

— Ton frère est malin, gamin, mais il manque d’expérience et de modestie… il a commis une grave erreur…

Terry s’interrompt le temps de tirer une autre bouffée de nicotine. Dimitri plisse les yeux d’étonnement, l’air perdu par la tirade de mon père.

— Il t’a surestimé, te laissant te charger de la cible, alors que tu n’en avais pas l’étoffe. Tu as espionné Shawna, la seule faiblesse de mon VP, jusqu’à en être assez proche pour qu’elle ne se méfie pas de toi. En même temps, qui se méfierait de l’agent Dimitri Wolkoff ? Erreur fatale mec, les femmes de notre Club sont comparables à des sirènes, quand tu croises leur chemin, impossible d’en ressortir indemne ! Comme un con, t’as succombé à ma fille… et tu lui as fait du mal, tu l’as salie, tu as abusé d’elle ! crache-t-il entre ses dents serrées.

Je bous littéralement, je ronge mon frein, j’ai un mal fou à contenir ma fureur. Je veux sa tête sur un piquet ! L’œillade de mon père me fait comprendre que mon tour approche. J’attends son top départ comme un gosse à la veille de Noël ! Sauf que mes désirs sont bien différents d’un paquet coloré au pied du sapin. Du rouge, je ne veux rien d’autre que son sang sur mes mains.

— Tu vas mourir pour tes actes et ta lâcheté sac à merde ! On ne touche pas aux miens sans en payer le prix. vocifère-t-il en écartant les bras, englobant l’ensemble des frères ici présent.

Terry se rapproche dangereusement de Dimitri et aspire sa dernière latte.

— Mais pas de ma main, non ça serait trop facile… poursuit-il tout en écrasant le bout rouge de sa cigarette sur le front du russe.

Wolkoff hurle de douleur et je m’en réjouis.

— Garde tes gémissements pour lui, car, crois-moi, tu vas gueuler à t’en faire péter la voix ! raille-t-il en me faisant signe.

Ça y est j’entre en scène. L’odeur de la chair brûlée chatouille mes narines. J’avance d’un pas nonchalant vers ma victime en faisant craquer mes cervicales. Je fais rouler mes épaules comme les échaufferait un boxeur en montant sur le ring. Mon père m’assène une tape virile dans le dos, un sourire espiègle fixé sur ses lèvres.

— Fais-le souffrir, venge ta femme, la petite et reviens-moi fils. murmure-t-il à mon oreille.

Je lui réponds en inclinant la tête, un sourire semblable au sien sur le visage avant qu’il ne quitte le sous-sol accompagné des anciens. Seule la jeune génération reste pour me voir à l’œuvre. Brady et Jer de chaque côté de moi à une distance qui me laisse libre de mes gestes. Joey, lui, est avec les deux prospects, c’est une grande première pour eux même si pour Kill ça n’a rien de nouveau. Puis en face de moi derrière ma victime, Mal et Al analysent mes faits et gestes en tirant sur leur joint, impatient.

— À nous deux, petit prince de Russie…

Ce dernier s’agite sur sa chaise essayant sans doute de se libérer de ses liens. Ses yeux exorbités scannent le sous-sol à l’affût d’une aide diluvienne. Dommage, il n’en trouvera pas tout comme il ne trouvera la paix. Il voulait voir de quoi est capable le psychopathe des Death’s… et bien me voilà.

— Et maintenant que vas-tu faire de moi ? Me trancher en rondelles peut- être ? déclare-t-il dans un ricanement exagéré afin de masquer sa peur.

J’éclate d’un rire sadique et diabolique avant de lui tourner le dos pour balancer Portait Of An America Family à travers toute la pièce. Cet album est parfait pour animer cette séance de torture. Je me dirige ensuite vers l’armoire à jouets. Je cherche l’arme adéquate pour ne pas le saigner trop rapidement, car je veux d’abord voir de quoi sont capables nos prospects. Je saisis alors les petits couteaux de lancer, idéal pour commencer. Pendant ce temps, Joey et Brady pendent notre cible humaine à l’IPN, aidés du treuil, dans un battage euphorisant provoqué par les mailles de l’énorme chaîne.

— Les prospects. les appelé-je sans lever le nez de mes étagères.

— VP ? répondent-ils en cœur en arrivant à ma hauteur.

— On va jouer à un petit jeu… commencé-je en haussant les sourcils et souriant joyeusement.

Je leur tends, à chacun, quatre couteaux et leur fais signe de viser notre captif. Si Vic à un moment de brève hésitation, ce n’est pas le cas de Kill qui s’en empare le regard brillant de cruauté. Je jubile, c’est bon ça ! Les gamins s’éloignent de moi d’un pas déterminé vers Dimitri. Ce dernier déglutit en étouffant une plainte entre ses dents.

— Seule règle les gars, ce bâtard est à moi ! Soyez imaginatif, mais ne me le saignez pas comme un porc… j’ai des projets pour lui. raillé-je avec malice en rejoignant mon frangin pour lui piquer son joint.

Al en profite pour remplir mon verre de Whisky que je bois d’une traite. Je capte Brady du regard me signant qu’il doit sortir quelques minutes pour un coup de fil. Ça m’agace un tantinet puis tout compte fait nous ne sommes qu’à l’entrée, laissons les enfants s’amuser. Le premier à se lancer est Kill. D’un geste sûr de lui et plutôt juste, il envoie son couteau dans le biceps de sa cible. Le bruit de la lame entrant en contact avec la chair ajoutée aux grognements de Dimitri me réjouissent. Je regarde sa chemise blanche se tinter de magenta et encourage mes prospects à continuer. Vic enchaîne, lui éraflant l’épaule au passage. À tour de rôle, les gosses se défoulent, gratifiés par les couinements du ruskof.

Je saisis mon couteau fétiche. Il s’agit d’un couteau de cuisine destiné à lever des filets de poisson ou de fines pièces de bœuf. Je me dirige vers l’homme pendu comme un bout de barbaque en rythme avec la mélodie de Dope Hat. D’un coup sec, je découpe sa chemise jadis blanche, le mettant torse nu. Puis, enfin, commence mon massacre. Je plante ma lame aiguisée dans sa peau à plusieurs reprises. En totale acceptation face à ma cruauté, je prends un certain plaisir dans mes actes. La bête tapie en moi a pris possession de mon être et je me sens tellement bien, complet, dans cette phase psychotique. Je suis récompensé par un cri strident. Le sang jaillit de ses plaies et l’odeur de l’hémoglobine m’envoute, tel un toxico. Mes coups sont dans la retenue, ne cherchant qu’à le blesser superficiellement. Je découpe des lambeaux de peau puis tire dessus avec mes doigts pour dépecer cette enflure. Ses cris retentissent de plus belle. Je récidive non pas une, mais deux fois avant de jeter les morceaux d’épiderme à même le sol, devant lui. Les voix enjouées et satisfaites de mes frères raisonnent entre les quatre murs du sous-sol, couvrant presque celle de Marilyn. Je l’entends gémir d’agonie, mais putain je n’en ai pas fini avec lui.

— Si tu t’étais mieux renseigné sur mon compte plutôt que de reluquer le cul de ma régulière, tu te serais aperçu que je ne faisais pas dans la dentelle Ducon ! Tu vas morfler, d’après toi pourquoi ton frère voulait m’évincer de l’équation ? Certainement pas pour mes talents de cheerleader ! craché-je avec hargne.

Ne pouvant rien faire d’autre que de subir dans l’attente du coup de grâce, ma victime pleurniche et geint comme une gonzesse. Je fais signe aux gars de venir se défouler sur sa carcasse avant qu’il ne perde connaissance. Mon petit frère est le premier à lui balancer un uppercut dans la mâchoire en hurlant de rage. Il ne s’arrête pas en si bon chemin, le cognant de ses poings dans un bruit sourd quand ils heurtent le visage de l’autre. Lui, en règle générale si calme et raisonnable, pète littéralement les plombs face au violeur de sa grande sœur. Je me régale du spectacle en dégustant un deuxième verre d’alcool. Al enchaîne après mon frère, lui lacérant les cuisses d’un geste net et précis avec ses deux couteaux Bowie. Le russe pousse un hurlement m’annonçant qu’il commence à bien déguster, à la limite de tomber dans les pommes à cause de la douleur. Parfait, car la suite risque de le foutre sur le cul, sans mauvais jeu de mots. Les gars lui font un garrot à chacun de ses membres afin qu’il ne se vide pas trop vite de son sang.

Jer lui administre une ampoule d’adrénaline direct dans le cœur, car il est à deux doigts de tourner de l’œil. Les effets sont immédiats. Jer l’empoigne, il est bien alerte pour la suite, pendant que Joey actionne la télécommande du treuil pour le faire redescendre. À bout de force, mais boosté par l’adré, notre prisonnier s’affale, sur le ventre, sur l’établi non loin de la poutre. Nos trois regards se croisent, étincelants, satisfaits de la toute nouvelle position qu’il vient de prendre. Je tourne les talons vers le bahut à la recherche de l’objet de mes désirs, confectionné pour l’occasion. Pendant que Jer ligote à nouveau Dimitri au meuble imposant en prenant bien soin de lui écarter les jambes, Joey le défroque n’ayant que faire de ses lamentations en russe. Je balance un petit flacon de poppers à mon frère d’armes qui le réceptionne avec un sourire de débile profond.

— Déconne pas mec, juste un peu histoire de faciliter le passage, mais pas qu’il prenne son pied non plus. précisé-je.

À nos révélations, Dimitri se débat avec vigueur, mais en vain, car ses liens sont solidement attachés. Je fais signe à Al de lui donner un cacheton de MDMA, car je veux le maintenir bien éveillé. Ce connard lutte et ne veut pas ouvrir la bouche, puis sur les conseils de mon frère d’armes, le ruscof finit par coopérer. J’enfile une paire de gants en latex, puis, mon arme en main, je me place près de lui. J’attrape sa nuque et écrase davantage son visage sur l’établi de bois. Je me penche sur lui, prêt à lui montrer ce que Shaw a ressenti.

— Tu te sens comment, là, espèce de fils de pute ? Impuissant, à ma totale merci ! Tu la sens la peur panique qui s’empare de ton corps et de ton esprit. continué-je de lui murmurer à l’oreille tandis qu’il chouine de plus en plus fort.

Sans aucune pitié, j’enfonce la batte de baseball décorée d’éclats de bois et de verre pilé dans son anus. Ma victime beugle à la mort sous mes va- et-vient violents et ravageurs. Une grande quantité de sang s’écoule de son orifice, maintenant comparable à un chou-fleur. Il brame, pleure, crache, hurle. Malgré ça, je ne m’adoucis pas pour autant, bien au contraire. Sa lâcheté me dégoûte, cette grosse merde me débecte au plus haut point. J’ai beau être un peu désaxé sur les bords, je ne comprendrai jamais le plaisir que peut éprouver un violeur, ou peut-être bien que si. Se sentir pousser des ailes, la toute-puissance de prendre à sa guise ce qu’il convoite. Il y a des similitudes entre nos deux névroses, cependant, c’est trop facile et lâche de s’en prendre à une femme ou encore à un enfant.

Moi je n’aime pas la facilité et encore moins la lâcheté et c’est la raison pour laquelle je m’en prends essentiellement à des vermines qui ne manqueront à personne. Je me délecte de voir la souffrance que j’inflige et savoure la dernière lueur dans leurs yeux juste avant de succomber à la faucheuse. Ouais, ces sentiments me galvanisent !

— Tu n’es qu’une pute ! Et tu sais ce qu’on fait aux putes chez moi ? On les BAISE !! aboyé-je à son oreille.

Quand des cris d’effrois qui n’appartiennent pas au ruskof me parviennent, ma tête se tourne, comme au ralenti, en direction de leur auteur et je suis terrorisé dès l’instant où j’identifie la personne. Shawna. C’est un coup de massue. Pourquoi est-elle ici ? Je scrute son visage déformé par la stupéfaction avant de me focaliser sur le bras qu’elle serre avec force. Brady ! Ce fumier m’a trahi et l’a menée jusqu’ici. La rage bouillonne dans tout mon corps. Je vais me le faire ! Sept ans auparavant, Jour J…[MD5]

Jay

Nous enterrons Andrew cette après-midi. J’ai un mal de chien à sortir de mon lit, comme si, si j’y restais, tout rentrerait dans l’ordre. Foutaise ! Encore une belle journée sous le soleil de Californie. Treize heures pétantes Brady, Klash, Mont, Jer, Pit, Bill et moi scellons le cercueil sous le regard brillant de larmes de Shawna. Vicky et Terry la soutiennent pour ne pas qu’elle s’écroule. J’ai le cœur lourd. Notre douleur est sensiblement la même, nous avons, tous les deux, perdu un pilier majeur de notre existence, mais je ne peux soutenir son regard. Cela m’est impossible. À nous sept, nous soulevons ensemble le paletot de bois pour le déposer dans le mini-van. Terry ouvre la marche, semblable à un essaim d’abeilles, une soixantaine de bécanes partent en tête du convoi funèbre, suivi de près par le van en guise de corbillard. Notre cortège attise les curiosités, néanmoins peu d’habitants de Hillsdale ignorent la tragédie qui vient de s’abattre sur notre Club de motard.

Le soleil cogne fort sur le noir de mon cuir, mes lunettes de soleil sur le nez, je ne loupe pas une seconde de la cérémonie. Andrew était un chic type, beaucoup de personnes l’appréciaient, d’où la quantité impressionnante d’individus présents à son enterrement. Sa mère a même fait le voyage de New York à ici, malgré leurs différends, pour accompagner son fils dans les entrailles de la terre. L’éloge funéraire est très bien, si l’on peut dire. Mon esprit repasse en boucle les instants marquants de ma vie passée en la compagnie de mon défunt ami. Ému et perdu, ce sont les douces notes de Funeral de Band of Horses qui me ramènent au moment présent. Le cercueil noir disparait peu à peu dans la tombe fraîchement creusée. Mon regard a le malheur de tomber sur la silhouette de Shaw en train de jeter des roses noires dans la fosse, me déclenchant un frémissement incontrôlable, allant de mon cuir chevelu jusqu’à mes orteils. Cette dernière est violemment secouée par des tremblements de tristesse. C’est une putain de torture de la voir dans cet état. Je ronge mon frein pour courir à sa rencontre, seulement je m’en interdis. Je n’ai jamais eu de tel geste envers elle en public, or ce serait très curieux, même en ces circonstances. Mon ami, à ma droite, ne tergiverse pas pendant cent sept ans et part, d’un pas ardent, la rejoindre. Je rage intérieurement, car je crève d’envie de prendre sa place. Les voilà, tous les trois comme au bon vieux temps, Eva, Shaw et Brady. Putain de karma de merde ! Incapable d’assister à ce spectacle plus longtemps, je quitte la cérémonie avant son terme sans me retourner, malgré les avertissements de mes proches, en levant un fuck au- dessus de ma tête. Rien à foutre de toute cette connerie de cérémonie de mes couilles. Faut que je me barre avant de devenir zinzin. J’enfourche ma Dyna et m’arrache dans un vacarme exagéré.

J’avale l’asphalte, roule jusqu’à l’épuisement avant de m’arrêter dans un rade, je ne sais où. Je me gare, pénètre dans le café avant de m’installer au comptoir. Je commande une tequila, histoire de remuer le couteau dans la plaie. J’enquille mes shots ne pensant à rien ni personne d’autre qu’elle. Shaw, ma Rebelle si fragile et féroce à la fois. Arf… L’heure est venue de torpiller ce truc entre elle et moi. Je ne dois pas flancher, je dois me montrer catégorique et ferme. Peu importe la façon dont je vais m’y prendre, la finalité sera le seul impératif. Shawna doit me haïr si fort qu’elle souhaitera m’arracher la tête de ses propres mains.

Je quitte les lieux, dans un état proche du coma éthylique, en direction du pavillon de Shaw, déterminé. L’air frais du crépuscule n’a fait que renforcer ma décision. Arrivé devant chez elle, je mets ma béquille et coupe le contact. Je frotte avec vigueur ma face puis finis par recaler ma tignasse en arrière. Putain mon plan paraissait idéal quelques heures plus tôt dans ce bar à pute. Maintenant, je n’en suis plus tout à fait certain. Chiotte ! Ne perds pas ton objectif de vue, connard, me hurle ma conscience. Quoi moi j’ai une conscience ?! À la bonne heure ! Je ne peux plus reculer. Ce soir je deviens l’ennemi numéro un de Shaw. Alors j’ai intérêt de me surpasser pour la réussite de mon plan diabolique.

Je toque trois coups à la porte et attends. Au bout de quelques secondes, le battant s’ouvre sur ma cible. Elle est si fragile que ça va être un jeu d’enfant de la dévorer. Je suis un monstre, oui carrément. Mais la fin justifie les moyens. Elle est tellement pâle et semble avoir perdu du poids. Eva m’a confié combien l’état de santé de Shaw l’inquiétait, venant se rajouter à sa douleur des vomissements, certainement en réaction du décès de son mari. L’étonnement sur son visage est évident, tout comme les larmes qu’elle n’a cessé de verser depuis plusieurs jours. Ses yeux émeraude, rougis par les nuits sans sommeil et alourdis par des cernes gigantesques, brillent malgré tout de cette petite lueur me faisant tant fondre.

Et c’est là que tout dérape. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive, j’en sais foutre que dalle. Comme possédé, je franchis le peu d’espace entre Shaw et moi et me rue sur ses lèvres. Elle s’agrippe à moi comme si sa vie en dépendait. Ma queue au garde à vous, je la bouffe littéralement, la soulève en nouant ses jambes autour de ma taille. D’un pas sûr, je l’emporte jusque dans sa chambre à coucher. La plaque contre son lit et commence à la déshabiller. Tout va vraiment très vite et les litres d’alcools ingurgités, plus le brouillard dans lequel je me débats depuis plusieurs jours, n’aident en rien ma réflexion. Je finis par me perdre totalement au moment où je la pénètre enfin.

Je me réveille au petit matin sentant un corps contre le mien. J’y fais face en attendant que la brume enlisant mon cerveau s’atténue quelque peu. Ses yeux laissent passer bien trop de sentiments, ça me perturbe et me rebute. Constatant avoir, cette nuit encore, merdé, je dois rattraper le tir maintenant. Malgré mon égarement de la veille, ma décision reste inchangée. Shaw doit me rayer de sa vie.

— Je t’ai d’jà dit de ne pas me regarder comme ça ! craché-je rageusement.

J’en profite pour m’extirper de son lit. En plus je me la suis tapée dans son lit marital. Le dégoût m’envahit complètement, c’est la goutte d’eau qui me fait vriller. Je ramasse mes fringues et commence à me rhabiller, lui tournant le dos.

— Pourquoi, tu te sens toujours obligé de tout foutre en l’air Jason ? Reconnais que tu as un faible pour moi, ça nous évitera des prises de tête. me demande-t-elle de sa voix douce.

What ? Ça m’irrite de plus belle.

— Tu t’attendais à quoi, sérieux Shaw ? lui demandé-je avec condescendance.

— Un peu plus de considération dans un premier temps et peut-être aussi de la délicatesse. me répond-elle du tac au tac.

Je ris avec amertume à sa remarque toujours de dos, c’est plus simple de l’affronter ainsi. Et puis merde, je ne suis pas une baltringue ! D’un mouvement sec, je fais volte-face pour la défier.

— Redescends de ton nuage de bisounours ! Je ne fais pas dans la considération et la délicatesse, ça c’était ton autre biker, poupée ! rétorqué-je avec hargne.

Sa fureur ne se fait pas attendre. Ma rebelle bondit de son matelas, seulement vêtue d’un t-shirt en guise de chemise de nuit et se dirige avec conviction vers moi. BAM ! je n’en reviens pas, je ne l’ai pas vu venir comme on dit. Shaw vient de me gifler. Parfait, elle me facilite la tâche. J’attrape avec force son petit poignet dans une main et la force à reculer. Ma deuxième main saisit sa gorge et je la plaque contre le mur dans un bruit sourd. Elle devrait en être terrifiée, ce n’est cependant pas le cas. La rage fulmine dans ses iris vertes, me défiant à son tour. Putain qu’elle m’excite !

— T’as vraiment cru qu’il en serait autrement. Pour reconnaître un faible, il faudrait déjà en avoir un ! sifflé-je entre mes dents serrées.

— Alors pourquoi es-tu venu cette nuit ? insiste-t-elle avec affront.

Le sourire mauvais, je plonge mon regard de glace dans ses yeux envoûtants. Mentir, voilà ce que je dois faire.

— J’étais bourré comme un coin et j’avais envie de tirer un coup.

— Ah, et tu veux me faire croire que je suis le premier plan cul auquel tu as pensé ? Non, je ne te crois pas. minaude-t-elle, le même sourire que le mien aux lèvres.

J’inspire profondément, avant de lui asséner le coup de grâce.

— T’es un bon coup, n’y vois rien de plus. J’avais la certitude que dans ton état, tu ne te ferais pas prier. Voilà la véritable raison Shaw. J’ai pas de faible pour toi ! Non, crois-moi, quand je te vois, je vois Andrew… et très franchement ça me colle la gerbe. Tu ne représentes absolument rien pour moi. mentis-je.

À en croire le tremblement de ses lèvres et la brillance de ses yeux, mes paroles acerbes ont atteint leur but. Je l’ai blessée. Parfait !

— Ne fais pas ça Jay… J’ai besoin de toi à mes côtés… ma vie se casse lamentablement la gueule, le Club m’a tout pris. D’abord mon père, mon premier amour et maintenant mon mari ! S’il te plaît, ne me repousse pas encore une fois… m’implore-t-elle à deux doigts d’éclater en sanglots.

La situation n’est pas évidente pour moi, car très sincèrement, je suis à la limite d’envoyer mon plan se faire foutre. Mais, j’ai fait la promesse à mon ami de prendre soin de sa femme. Il est limpide que si elle reste auprès de moi, Shawna continuera à morfler. Le Club est inscrit dans mon ADN. Le Club à la vie à la mort. Aucune nana ne changera ça, pas même Elle.

— Je ne te veux pas dans ma vie, Shaw. C’était cool entre nous, mais c’est mort. Fais-toi une raison, bordel ! et lâche-moi la grappe ! hurlé-je en m’écartant d’elle.

En larmes, Shaw, comme une funambule, vacille entre la rage et le désespoir.

— Mais merde, tu attends quoi de moi ?! Je ne suis pas un putain de yoyo, Jay, je suis un être humain ! Tu ne peux pas me cracher à la gueule comme ça et te tirer de ma vie ! rage-t-elle, tremblante.

Raah ! Cette nana est un adversaire redoutable, elle ne lâche pas l’affaire facilement. En même temps on parle de Shawna Ford, elle est un pur produit du Club. Les Death’s Falcons coulent dans ses veines qu’elle le veuille ou non, c’est également inscrit dans son ADN. Je fonce sur elle, à quelques centimètres de sa face. Et enfonce le clou.

— Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans « JE NE VEUX PAS DE TOI DANS MA VIE ! » aboyé-je en tapotant mon index sur sa tempe. Casse-toi ! Fais ta life ! J’en ai strictement rien à foutre ! Jamais je ne te dirai ce que tu veux entendre ! JAMAIS !

Sans plus de cérémonie, je la regarde avec dédain. Il me semble entendre comme un bruit de verre pulvérisé, avant de prendre conscience qu’il s’agit de mon humanité venant de se fracasser. Je saute sur ma bécane et fuis à toute vitesse.

Ça y est, je l’ai fait.

Je viens de détruire mon joyau.

La femme de ma vie

Ma Rebelle.

Chapitre 38

Shaw

Je suis comme hypnotisée face au spectacle qui se joue devant moi. Mes yeux verrouillent les moindres gestes de l’homme que j’aime. Ce dernier n’a rien d’humain à cet instant. Non, il ressemble davantage à un bourreau, un monstre assoiffé de sang, le diable dans son plus simple appareil. Avoir peur ? Oui je le devrais certainement, mais ce n’est pas le cas. Brady m’a tout déballé et je sais à qui Jay prodigue ses sévices : Dimitri. Ce fumier n’a que ce qu’il mérite. Ce mec nous a fait bien trop de mal pour avoir une goutte d’empathie pour lui. D’abord mon viol puis le kidnapping de ma fille. Il devait payer pour ses atrocités ! Bon Dieu suis-je normale d’avoir souhaité ce moment des centaines de fois ?

Je peux reprocher beaucoup de choses au Club, mais pas leur loyauté envers les membres de leur famille. Quand on devient un Death’s, les codes et les règles d’un MC s’imposent à vous pour devenir intégrantes à votre vision de la vie. Seule devise : vivre et mourir comme bon vous semble, avec intégrité et respect pour le Club. Ce que Jay fait au quotidien. Alors non, avoir peur de cette facette de lui est totalement exclu, car je l’aime dans son intégralité, avec sa part de folie. Je l’aime tout court et bien plus dans des moments comme celui-ci !

Quand la poigne de Jay se resserre un peu plus autour du cou de mon violeur avant de lui hurler au creux de l’oreille « Tu n’es qu’une pute ! Et tu sais ce qu’on fait aux putes chez moi ? On les BAISE !! », je ne peux retenir un cri d’effroi. Les infâmes mots qu’il a prononcés lors de mon agression me retournent le ventre et je vois Jay faire volte-face pour plonger son regard de glace en fusion dans le mien. Je déglutis péniblement, prise sur le fait. Je n’ai rien à faire ici et je le comprends distinctement dans la véhémence de son regard. Très vite, Jer prend sa place derrière sa victime. Jay enlève ses gants de latex avec rage pour foncer comme un fou sur notre ami.

— Espèce de fils de pute !! POURQUOI ?? Elle n’a rien à faire ICI ! hurle Jay à s’en casser les cordes vocales.

Brady ne se démonte pas et fait face à son VP, les pieds plantés dans le sol et les bras croisés sur son imposante poitrine. Cependant, il ne prend pas de position défensive, comme s’il n’en avait que faire de la fureur de son ami. Là, j’ai la trouille ! Un affrontement entre ces deux-là est clairement la dernière chose que je souhaite. Putain de bikers !

Mais déjà le poing du blond s’écrase sur la mâchoire du brun. Brady repousse son frère d’armes avec violence, ce qui attise la colère de mon homme. Il enchaîne les coups de poing tandis que mon meilleur ami en rend quelques-uns. Je jette une œillade à la recherche d’une aide pour séparer les deux forcenés, mais les gars sont bien trop occupés à torturer Dimitri pour faire attention aux deux andouilles face à moi. Je croise tout de même le regard bleu de mon frangin qui, le sourire aux lèvres, fait signe de les laisser régler ça entre eux. Bordel, les Lang sont tarés !

Je comprends alors rapidement qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Gavée de leur comportement de gosses de bac à sable, je me dirige vers l’armoire ouverte, balaye les étagères des yeux avant de trouver ce dont j’ai besoin. J’attrape le plateau métallique où y est disposé différents outils de même alliage. Je souffle un bon coup avant de le bazarder de toutes mes forces au sol. Les objets heurtent le carrelage dans un vacarme assourdissant, ce qui met fin à toutes actions se jouant dans la pièce.

— ASSEZ !!! hurlé-je.

Huit paires d’yeux se verrouillent sur ma personne. Mais un seul regard m’importe et me questionne silencieusement.

— Ce n’est pas de sa faute si je suis ici, je ne lui ai pas laissé le choix ! énoncé-je avec force. Tu m’as mise sur la touche ! Tu es totalement fou si tu pensais que je ne viendrais pas fourrer mon nez dans cette histoire ! Encore une fois, je suis concernée par toute cette merde…

Il fait quelques pas pour s’avancer vers moi d’une démarche pleine d’assurance, sans rompre notre contact visuel. Je sens des fourmillements parcourir l’ensemble de mon corps. Ça fait si longtemps qu’il ne m’a pas regardée de cette façon. Un mois qui, en réalité, a le goût d’une éternité.

— Elle devait savoir mec… souffle Brady dans son dos.

— Ta gueule ! lui somme son VP sans même lui jeter un regard.

C’est clair, je suis loin d’être saine d’esprit quand je vois combien mon être tout entier vibre d’excitation face à Jay, ce qui est absolument inapproprié. La bestialité qu’il dégage m’envoute, les atrocités dont il est capable m’électrisent d’une façon totalement inexplicable. Mais je m’en fous ! Il peut bien massacrer des centaines de Dimitri, je ne l’aimerais pas moins pour autant. Inévitablement mon âme sœur se rend compte de mon trouble. Il lèche sa lèvre inférieure tout en continuant d’avancer vers moi, le regard sadique.

— Dis-moi Rebelle, ça te plait ce que tu vois ?! me provoque-t-il avec un sourire démoniaque.

J’essaye de retrouver une infime contenance, puis cale mes mains sur mes hanches et relève le menton en le défiant.

— Oui.

— Oh vraiment ? s’étonne-t-il les sourcils relevés, sans se départir de sa mimique.

— Oui. répété-je, sûre de moi.

— Comment le peux-tu ? Je suis un monstre bébé, un boucher, je prends mon pied à démembrer, fracasser et tuer des gens. Ça fait partie intégrante de moi, je ne changerai pas et resterai toujours dérangé là-dedans ! développe-t-il en tapant de son index et majeur sa tempe.

— J’en ai conscience Jay et je m’en fous, car je ne veux pas que tu changes. commencé-je. J’ai appris à aimer toutes les facettes de ta personnalité complexe. Le biker, le VP imprévisible, le connard sûr de lui, le meurtrier sans pitié ni limite… mais aussi l’homme généreux, loyal, aimant et excellent père. Tu es mon tout mec, ange ou démon ça n’a aucune espèce d’importance. Sérieusement Jay, je suis née dans la violence et la cruauté, l’ADN du Club coule dans mes veines tout comme toi ! Bébé, je suis une pute de luxe, donc ce que dit la morale on s’en branle ! insisté-je, animée d’un feu ardant.

Mes mots semblent le toucher, car je distingue une lueur nouvelle dans ses iris. Il franchit le dernier pas nous séparant avant d’écraser avec passion ses lèvres sur les miennes. Bordel, il m’a tant manquée. Jay me dévore avec rudesse et je le laisse prendre ce dont il a besoin. Puis il met fin à ce baiser chargé de promesses pour retourner à sa tâche. Jer a cessé ses sévices envers Dimitri dès l’instant où j’ai haussé le ton pour être entendue. Ce qui a permis un léger moment de répit à ce dernier plutôt mal en point. Je regarde mon homme se positionner devant sa victime et lui asséner de grosses claques sur les joues pour le réveiller.

— Hé Ducon, j’en ai pas fini avec toi ! balance-t-il.

Dimitri totalement dans les vapes, miaule plutôt qu’il ne parle. Il semble ailleurs, loin, défoncé, en même temps c’est préférable pour lui. Shooté, il tiendra plus longtemps face à ses tortures. Je suis curieuse de voir la suite de cette séance. Comment Jay va-t-il s’y prendre pour le faire souffrir ? Je suis comme envoutée par les faits et gestes de l’homme que j’aime. Ils paraissent tous d’un automatisme évident. Je frissonne de terreur et d’excitation à cette impression. Des bras robustes accompagnés d’une odeur familière s’emparent de mes épaules pour me caler contre un torse ferme. Malonne caresse mon bras comme signe de soutien. Je fais de même en enlaçant sa taille et en me cramponnant à son cuir. Il craint sans doute que je vacille, mais il se trompe, je ne me défilerai pas. Je suis là, car j’en ai besoin, Jay a également besoin de sentir combien je le soutiens, qu’importe le contexte. La politique de l’autruche n’a jamais fait partie de mon paysage, mais l’affront, oui.

Jay reprend place près de Dimitri, la batte de baseball maculée de sang en main. Et sans aucun ménagement l’enfonce violemment dans son rectum. Les hurlements du russe me font un bien fou ! Je veux qu’il souffre et qu’il souhaite mourir rapidement. Si j’en avais la force physique, je l’étriperais moi-même, mais je tiens beaucoup trop à ma manucure pour risquer de l’endommager. Après quelques minutes, Jason stoppe ses agissements, lâche à même le sol le rondin de bois et se dégante une seconde fois avant de s’emparer du verre de whisky que lui tend Al.

— Ça va frangine ? demande Mal un peu inquiet.

— Très bien !

Il ricane doucement puis reprend :

— Décidément vous vous êtes vraiment bien trouvés tous les deux ! J’ai toujours su que t’avais une crête de punk à l’intérieur de la tête, bordel !

Je ris franchement à sa comparaison. Mon petit frère n’a pas tort, j’aime surprendre. Mon physique de jolie pépète naïve et écervelée n’est qu’un leurre. Il est très rare qu’on soupçonne ma réelle identité tant j’aime noyer le poisson dans l’eau. Mon mental lui est tout autre : endurant, méthodique, alerte et sans pitié. Ma plus grande faiblesse est l’amour que j’éprouve pour les miens. Je n’aime pas grand monde, cependant quand j’aime une personne amicalement ou de façon fraternelle j’ai n’ai plus aucune demi-mesure. Je donne tout, mon temps, ma joie de vivre, ma confiance. D’où le danger à laisser entrer quelqu’un dans ma bulle de protection. Rares sont ces personnes qui me font baisser ma garde. Pour les autres, je ne leur ferai aucun mal, quoique. Je les maintiens à une certaine distance de sécurité, ne leur permettant pas de me connaître, ou à petite dose.

Je reprends mon sérieux quand mes yeux croisent ceux de mon beau blond. Les siens étincellent d’une joie lugubre teintée d’appréhension. Il a besoin d’être rassuré, alors je hoche la tête en signe d’assentiment. Je suis en phase avec ses actes, en aucun cas il doit en douter. Dans un regain d’énergie, il engloutit la fin de son verre puis échange quelques mots que je ne distingue pas avec Vic, Kill et Al. Les gars empoignent Dimitri et le transportent en laissant traîner ses pieds au sol jusqu’à un fauteuil en bois, digne d’une chaise électrique de prison. Mon violeur n’a plus rien de menaçant. Son visage tuméfié par les coups est enfoncé dans ses épaules, il ressemble davantage à une loque. Alors que les prospects le posent avec force sur le siège, ce dernier, comprenant qu’il doit être assis, grogne de terreur. Il tente de se débattre, mais n’arrive pas à grand-chose. Kill finit par prendre les choses en mains et d’un geste net, clou Dimitri sur l’assise en bois. La douleur que ressent l’agent Wolkoff est intense, ce qui lui provoque des hauts de cœur. Il finit par régurgiter le contenu de son estomac sur lui-même. Je plisse les yeux comme si c’était la pire chose qui m’était donnée de voir, alors que dix minutes plus tôt, je couvais du regard mon amoureux en train de sodomiser mon violeur. Je me ressaisis, ne voulant pas perdre une seule miette du spectacle. Jay attrape un tuyau d’arrosage et fait signe à Jer pour qu’il ouvre la vanne de la canalisation. Il asperge à grande eau le corps amoché du Russe au bord du malaise. Dimitri sursaute quand la fraîcheur de la flotte le percute sauvagement. Il souffre le martyre, c’est clair, mais à mes yeux c’est insuffisant. J’aimerais qu’il lui arrache les couilles et les lui fasse becter, histoire d’être sadique jusqu’au bout en restant dans le thème.

***

Jay

Ce trou du cul est à un doigt de passer l’arme à gauche. Je décide de jouer l’enfoiré et lui balance le jet d’eau dans la tronche. Ça a le mérite de le réveiller en plus de nettoyer tout le dégueulis et la pisse de son corps. Dimitri suffoque de surprise et boit la tasse par la même occasion. J’insiste bien sur ses bijoux de famille, car c’est à leur tour de ramasser. Par le passé, au Maghreb, la règle était simple : tu mentais on coupait ta langue, tu volais on coupait ta main, afin d’être certain que les coupables ne récidivent pas. Et bien la mienne, de règle, c’est : tu violes on te coupe la queue et les couilles ! Même si ma victime n’a aucune chance de recommencer un jour prochain, je vais l’émasculer juste pour le fun, parce que je suis un putain de désaxé ! Après l’avoir presque noyé, je décide qu’il est temps d’en finir. Je prends mon pied à torturer ce gars, j’attendais ça depuis tellement longtemps que je me délecte de chacun des coups que je lui afflige. Cependant, un imprévu et de taille vient de changer mes projets pour le reste de la soirée. Ma meuf ! Je suis apaisé de la savoir à mes côtés pour cette tâche. Shaw est mon alter ego, je me sens complet et en paix seulement en sa compagnie. Alors, quand je vois une étincelle de fierté briller dans ses yeux vers, ça me procure un effet de ouf, elle me rend barge ! Je n’ai plus tellement envie de faire mumuse avec ce connard de russe et je veux profiter de ma belle à la chevelure de feu. Rien que d’y penser, je sens comme un début d’érection étirer la toile de mon caleçon. Est-ce ma bestialité ou cette divine créature qui me met dans cet état ? Un peu les deux, je dois bien l’avouer.

Je reporte mon attention vers mon coffre à jouets, comme j’aime l’appeler, pour dégoter l’arme idéale pour le trancher. Je pourrais utiliser le même couteau dont je me suis servi pour le taillader et dépecer. Cela dit, je ne veux pas travailler en finesse, préférant laisser exploser ma cruauté en le faisant couiner comme le porc qu’il est. L’objet enfin en vue, je m’en empare heureux comme un gosse puis jette un regard sans équivoque à ma belle. Je me retourne, face à mon détenu, le sourire jusqu’aux oreilles et impatient de me mettre au travail. Wolkoff peine à garder la tête relevée ainsi que les yeux ouverts. Mais l’éclat de l’outil dans ma main le fait tressaillir. Son attitude me fait infiniment plaisir, je jubile quand mes proies tremblent de peur et gémissent de désespoir. À sa hauteur, je fais traîner le bout de la lame de la scie contre son épaule gauche. Puis descends lentement sur sa gorge, sa poitrine, son ventre et enfin à son entrejambe. Comprenant certainement où je veux en venir, cette baltringue se met à pleurnicher. Rien à foutre ! J’attrape à pleines mains son service trois pièces, qui entre nous est ridiculement décevant, tire dessus et positionne ma scie. Au-dessus de lui, j’attaque la découpe d’un geste sec alors que ses premiers rugissements me pètent les tympans. Ma prise se fait plus rude et mes gestes plus rapide. Dans un bruit salvateur, des jets abondants d’hémoglobine fusent de toute part. Mon sourire s’intensifie au fur et à mesure que je massacre sa virilité. Je le saigne comme un cochon et ce gros dégueulasse en fout partout. Au bout de quelques minutes, car oui je fais durer le moment et me délecte de chaque va-et-vient de la lame dans sa chair, le ruscof n’émet plus aucun son en état de choc. Cependant conscient, ce connard fixe son regard sur ma régulière le sourire étirant ses lèvres défoncées. Ma rage explose et je lui assène une gifle monumentale.

— Ne la regarde PAS ! aboyé-je à son oreille.

Jer, à côté de moi, saisit avec force la chevelure noire corbeau du russe et tire sa tête en arrière sans ménagement. Incapable d’aligner deux mots, notre condamné à mort se contente de fermer les yeux violemment. Je continue ma découpe faisant gicler davantage de sang, digne d’un abattoir. Une fois les derniers millimètres de peau déchiquetés, je pose la scie par terre avant de brandir à bout de bras l’amas de chair, victorieux. Mon frère d’armes balance grossièrement une poignée de sel sur la plaie béante de Dimitri, ce qui a le mérite de le faire émerger de sa léthargie et pousser un cri de l’au-delà. Parfait, ni une ni deux, j’enfourne ma prise dans sa bouche grande ouverte et l’enfonce jusqu’à l’étouffement. Al en profite pour immortaliser l’instant d’un cliché bien dégueulasse, mais qui fera la fierté de nos membres, demain à l’église. Les gars s’en donnent à cœur joie, face à ma performance. Néanmoins, j’en profiterais et analyserais ça ultérieurement, je n’en ai pas encore tout à fait fini. Je veux être celui qui mettra un terme à la misérable petite vie de Dimitri Wolkoff héritier de « La main pourpre » de Russie. Je m’autorise un dernier regard vers Shaw, qui encore une fois hoche sa tête en réponse à ma question restée silencieuse. J’inspire profondément prêt à lui asséner le coup de grâce. J’empoigne sa tignasse et verrouille mon regard enragé au sien, à présent résigné. Je sors mon couteau Bowie de ma ceinture et dans un rugissement, je transperce sa jugulaire avant de faire tourner la lame émoussée dans sa gorge. Comme un volcan en éruption, son sang jaillit par tous les orifices, accompagné de tremblements nerveux. Je le regarde, au paroxysme de mon art, se débattre avec cet afflux d’hémoglobine. Une multitude de sentiments passent dans ses yeux clairs avant de distinguer la lueur tant convoitée. Cette divine et fugace étincelle de fin de course. Le dernier souffle de vie soulevant la poitrine en synchro avec l’éclat de la mort. Je relâche ce corps maintenant sans vie, sectionne les liens qui le retenaient et demande à mes frères de continuer pendant que je me dirige vers l’ultime jouet de la soirée.

Je sens le regard pesant de ma régulière dans le dos. Elle n’aura loupé aucune miette du spectacle, comme si sa vie en dépendait. Et, en un sens, c’était bien le cas. Je m’empare de la hache de bucheron gisant dans un coin du sous-sol, la faisant traîner derrière moi. Le corps inerte du petit prince de Russie est étalé sur le sol. Je pousse sa tête du pied pour la mettre en place, projette mon arme dans les airs à bout de bras avant de l’abattre sur la carotide du cadavre. Son crâne se disloque de son cou dans un bruit sourd.

À cet instant précis, je me sens enfin méritant et digne de porter les couleurs des Death’s Falcons. J’ai vengé ma famille, mon Club et mes femmes. J’ai fait mon job, ce pour quoi je me lève chaque matin, respire et vis. Aujourd’hui, j’ai la conviction de n’avoir plus rien à craindre face à Shaw. Ce soir, j’ai joué cartes sur table, elle connaissait Jay le « gentil », maintenant elle connaît Jay le « no limit » ! Hé putain ça me fait un bien fou ! Je me baisse et saisis la tête du Russe pour la brandir au-dessus de moi comme un trophée.

— Attrape ça, Prospect ! T’as un colis à faire partir demain à la première heure. annoncé-je à Kill en lui balançant la tête décapitée.

Le regard pétillant et le sourire lui barrant le visage, ce petit con se prend en selfie avec la tronche du macchabée. Ce gars est complètement cramé, bien pire que moi ! Quoique, en y regardant de plus près, nous sommes tous les huit bien attaqués. Mes frères s’envoient la caboche à tour de rôle comme un ballon de basket au rythme de Get up and fight enveloppant cet instant atypique. Des petits bras enlacent ma taille par- derrière me guidant dans une étreinte douce et bienvenue. Nous restons un instant ainsi avant que je la fasse passer entre mes bras. Je plaque mes paluches, tachées de sang, sur son doux visage tout en fonçant sur sa bouche pulpeuse. Je gémis à leur contact et de ma langue écarte ses lèvres pour la dévorer. Bordel ! Je ne serais jamais rassasié de cette créature. Je suis prêt à tout pour cette femme, ma femme, la mère de ma fille, mon tout. J’ai mis un temps inconsidérable à en prendre conscience. Mais, à présent, tout est limpide, fini de tergiverser. Je suis digne d’être l’homme qu’elle désire et aime. Les jours ne seront pas de tout repos, les engueulades peut-être même mythiques, mais malgré tout je ne perds pas de vue que ce que nous allons partager ensemble est précieux et vaut tous les sacrifices et tout l’or du monde.

Ma Rebelle

Mon évidence… Epilogue

Shaw

Quinze jours se sont écoulés depuis la nuit où Jay m’est revenu dans son intégralité. Deux semaines où je respire enfin, chérissant chaque journée passée auprès de l’homme que j’ai toujours aimé. Les évènements du sous-sol n’ont fait que renforcer nos sentiments l’un envers l’autre. Il m’a offert la plus belle des preuves d’amour en ôtant la vie de mon agresseur. Et aujourd’hui il continue en officialisant notre union devant son Club, notre famille.

Pour l’occasion, tout le monde nous a rejoints à la maison du lac, où nous nous sommes réfugiés le lendemain qui a suivi le retour de Jay. Cette maison symbolise tant de belles choses dans mon esprit et mon cœur. J’aime ce calme enveloppant et bienfaiteur. Il est si aisé, ici, d’oublier le reste du monde pour nous perdre dans le nôtre, à l’abri de tous les regards. En revenant à Hillsdale je n’avais aucune idée de la façon dont la situation tendue entre ma famille et moi allait évoluer. Et encore moins celle déjà chaotique avec Jay. Il faut croire que mon karma en avait décidé autrement. J’ai affronté mes peurs en rentrant à la maison et telle une guerrière, j’ai remué la merde pour repartir du bon pied.

Et voilà où ça m’a menée : à l’autel face à mon futur époux.

Pour l’occasion, la terrasse sur pilotis a été décorée et arbore les couleurs des Death’s Falcons. Nous ne souhaitions pas avoir une cérémonie typique d’un mariage ordinaire et ça tombe bien, car le temps nous faisait cruellement défaut. Et puis ça ne nous ressemble pas. Seuls les compositions florales et les photophores déposés çà et là laissent penser à une fête. Mon regard balaye l’assistance composée des personnes que j’aime le plus au monde, pour revenir sur celle qui me tient par la main. Je bloque sur les doigts entremêlés de nos mains gauches. Hier soir, Marley nous a tatoué la première lettre de nos prénoms sur nos annulaires. Je suis si fière d’avoir son J gravé sur ma peau en guise de promesse éternelle, même si rien n’est jamais acquis, j’ai l’intime conviction que plus rien ne pourra nous séparer.

Soudainement intimidée, je relève la tête et plonge dans le regard bleu glacier de celui qui fait battre ma vie et vivre mon cœur. Jason Lang, ma force, mon oxygène, mon évidence…

— Bébé, tu veux bien répondre à Bill, s’te-plaît ? Pas que j’ai des doutes nous concernant, mais tu me fais flipper un peu là… me demande-t-il anxieux.

Je ris joyeusement en me moquant ouvertement de sa mine apeurée de petit garçon ! Notre famille m’imite, on distingue même quelques vannes douteuses balancées par nos potes. C’est que mon ténébreux biker a la frousse que je le laisse en plan, c’est un comble vraiment !

— Pardonnez-moi. déclaré-je. Oui, Bill, je t’écoute.

— Allez petite, fais-nous plaisir, dis oui à cette andouille. me supplie-t-il, le stress ne lui va vraiment pas !

Attendrie par la révélation de notre ami, je verrouille mon regard dans celui de Jay, avant de déclarer avec douceur :

— Je suis ébahie qu’après toutes les épreuves que notre couple a endurées, tu doutes encore de mes sentiments à ton encontre… OUI, Jason, je veux devenir ta femme et plutôt deux fois qu’une mon amour !

Le soulagement dans son regard est immédiat. Il ne laisse même pas le temps à Bill de terminer sa bénédiction qu’il fond sur ma bouche lâchant en même temps un « putain de merde t’es enfin à moi Rebelle ! » entrecoupé de coups de langue délicieux.

— Bon bah je pense qu’il a compris qu’il devait embrasser la mariée… bougonne le cinquantenaire derrière nous.

Les cris et rires de joie de nos invités se mélangent aux notes endiablées d’Are You Gonna Go My Way, réchauffant mon petit cœur de régulière officiellement mariée à un Lang ! Jay m’attrape par la taille pour me prendre dans ses bras sans jamais cesser de m’embrasser. Par bonheur ma tenue de mariée se résume à une combishort en suédine et dentelle écrue, chaussée d’une paire de compensés de la même couleur. Je peux donc m’accrocher aisément à lui en pendant mes bras à son cou. Ses mains caressent mon dos nu avant d’atteindre ma nuque, à présent frissonnante sous son toucher. Ses doigts glissent sur mon cuir chevelu et s’enroulent dans mes boucles cuivrées. À bout de souffle, nous rompons notre sulfureux baiser, nullement rassasiés l’un de l’autre. La nuit de noces s’annonce torride à souhait !

— Tu es ma putain d’évidence mon ange, je t’aime comme un fou… murmure-t-il ému.

— En même temps tu es fou mon Death’s Falcons ! clamé-je.

— Et le fou a trouvé sa folle ! affirme-t-il, le regard malicieux.

Il n’y a qu’un fou pour reconnaître une folle… nous étions destinés l’un à l’autre tout simplement…

FIN Playlist

Jerome – Zella Day American You – Yelawolf Are You Gonna Go My Way – Lenny Kravitz Again – Lenny Kravitz Lullaby – Franck Carter The Beautiful People – Marilyn Manson – Marilyn Manson Game Of Survival – Ruelle The Handler – Muse Fourth Of July – Fall Out Boy Best Friend – Yelawolf, Eminem KILL4ME – Marilyn Manson Elastic Heart – Written By Wolf Freeze Me – Death From Above 1979 In My Arms – Grizfolk, Jamie N Commons Shadows Preachers – Zella Day – Marilyn Manson Get Up And Fight – Muse Wolf – Boy Epic You & Me – Disclosure, Eliza Doolitle Born To Die – Lana Del Rey Back From The Dead – Skylar Grey The Funeral – Band Of Horses Follow – Breaking Benjamin Dance With The Devil – Breaking Benjamin Do I Wanna Know? – Arctic Monkeys Best Friends – Grandson Killings Strangers – Marilyn Manson Dope Hat – Marilyn Manson Million Reasons – Lady Gaga Carmen – Lana Del Rey Ghost – Halsey Hellfire – Barns Courtney Money Power Glory – Lana Del Rey Toxic – 2WEI Remerciements ou instant guimauve …

Avant toute chose, je tiens encore une fois à souligner le mot famille. La famille est la clé de voûte des Death’s Falcons, mais aussi mon repère, mon essentiel. Donc rien de plus normal que de commencer cette parenthèse finale par, remercier mes trois hommes de leur patience. Merci mes twins monsters de ne pas tenir rigueur à votre mère indigne, la quantité d’heure passée sur son ordinateur ! À mes parents, mon frère, je ne vous remercierai jamais assez pour tout le soutien, la joie et l’amour dont vous m’inonder. Il est très difficile de citer toutes les personnes qui ont contribués de près ou de loin à cette belle aventure qu’a été l’écriture de Carmen. J’espère n'oublier personne… À mes fantastiques bêta lectrices, Julie Dory aka ma Blove, Anne Laure aka ma Best et Marie. Merci de me supporter au quotidien, vous êtes toujours partante pour me suivre dans mes délires et idées farfelues… En fait vous êtes aussi folles que moi lol Je vous love mes girls ! Un énorme merci à ma super correctrice de choc, Marie Aubertin, pour le fabuleux travail fait sur ce texte. Je t’avais bien dit que je n’étais pas un cadeau !! Un merci tout particulier à mon ami Daryl Delight, de m’avoir guidé dans l’auto-édition en me montrant que je pouvais le faire. Je crois bien que je n’aurais jamais osé si tu ne m’avais pas poussé. Tu es toujours derrière moi… Thanks ! Mon Échelon, Isla A, non je ne t’oublie pas ! Merci pour nos partages musicaux qui m’ont accompagné tout au long de mes sessions écriture. Et plus encore, je pense que tu comprendras… Ma Steph, Stéphanie JL, mon petit rayon de soleil des iles, merci de toujours répondre présente ! Ma Diva, Siobhan Gabrielly, la bienveillance et la sagesse incarnée, merci beaucoup pour tout ! De Big Thanks à toutes mes lectrices qui me suivent et m’encouragent depuis le début, vous êtes trop nombreuses pour toutes vous nommées, sans vous je ne serai pas grand-chose. Merci d’embarquer dans mon univers et de faire vivre mes écrits. Sans oublier les superbes chroniqueuses qui ont accueilli en exclut mes bikers ; Les lectures de Karine, Céline des pages et moi, Létie sérial lectrice, Sandrine Nostralectio, Dans le regard de Leila, Virginie Les Romanchieuses, Ju lit de la romance, Les lectures dark & shine de Julie et ma Mumu, Muriel Lm. Merci de nous faire partager votre passion. J’espère que vous vous êtes régalé, évadé et avez rêvé en lisant l’histoire de Shaw et Jay, tout comme moi en l’écrivant. Encore merci de m’avoir lu. Dernière “petite” chose, j’attends vos retours avec impatience alors n’hésitez à venir en discuter avec moi sur les réseaux, je ne vous mordrai pas, promis ! XoXo

[1]Improbable, car Shaw est végétarienne, donc il me semble que ça devrait l’écœurer plutôt que de lui faire envie. [MD2]Tout ce paragraphe ne sert pas à l’histoire. Tu répètes beaucoup de mots, mais en plus, c’est une scène que l’on retrouve régulièrement dans le texte… Peut-être le supprimer ou alors ne mettre qu’une phrase d’accroche du genre : À 1 h du matin, l’ambiance change, les femmes deviennent plus légères et un combat entre régulières et salopes se prépare. Regards froids, roucoulements… les gars déjà casés s’éclipsent discrètement au bras de leur femme tandis que les autres se laissent tenter par le diable en petite culotte… [MD3]Qu’est-ce que ça signifie ? [MD4]Je supprimerai ce passage. [MD5]À dater