Charlemagne Tome Second Période D'organisation
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CHARLEMAGNE TOME SECOND PÉRIODE D'ORGANISATION PAR JEAN-BAPTISTE CAPEFIGUE PARIS — LANGLOIS ET LECLERCQ — 1842. CHAPITRE PREMIER . — RELATIONS DIPLOMATIQUES DE CHARLEMAGNE, ROI ET EMPEREUR. CHAPITRE II . — PREMIÈRE PÉRIODE DES CAPITULAIRES DE CHARLEMAGNE. CHAPITRE III . — TRAVAUX PUBLICS, COMMERCE, INDUSTRIE. CHAPITRE IV . — ÉTAT DES SCIENCES ET DE LA LITTÉRATURE SOUS CHARLEMAGNE. CHAPITRE V . — L'ÉGLISE ET SES CONSTITUTIONS SOUS CHARLEMAGNE. CHAPITRE VI . — LA VASTE ORGANISATION DES MISSI DOMINICI. CHAPITRE VII . — COUTUMES ET MŒURS DU RÈGNE DE CHARLEMAGNE. CHAPITRE VIII . — DERNIÈRE PÉRIODE DES CAPITULAIRES. CHAPITRE IX . — LA FAMILLE DE CHARLEMAGNE ET LES TROIS DERNIÈRES ANNÉES DE SA VIE. CHAPITRE X . — LA CITÉ ET LE DROIT PRIVÉ CARLOVINGIEN. CHAPITRE XI . — CHRONIQUES, CHARTES, DIPLÔMES ET MONUMENTS DU RÈGNE DE CHARLEMAGNE. CHAPITRE XII . — CARACTÈRE ET DESTINÉE LITT2RAIRE DE LA PÉRIODE CARLOVINGIENNE. CHAPITRE XIII . — CE QUI RESTA DEBOUT DE L'ŒUVRE DE CHARLEMAGNE. RÉSUMÉ — PÉRIODE DE L'ORGANISATION (768-814). PARTAGE DE L'EMPIRE DE CHARLEMAGNE. CHAPITRE PREMIER RELATIONS DIPLOMATIQUES DE CHARLEMAGNE, ROI ET EMPEREUR Rapports avec Rome. — Motifs de l'alliance. — Les papes Etienne — Adrien. — Correspondance. — Série des épîtres d'Adrien. — Surveillance sur l'Italie. — Le pape Léon. — Nouveaux liens avec le Saint-Siège. — Situation respective de l'empire et de la papauté. — Relations avec les empereurs de Constantinople. — Constantin Copronyme. — Léon IV. — Constantin et Irène. — Pensée de rapprochement entre les deux empires. — Alliance et projet de mariage. — Nicéphore. — Traité de limitations. — Négociations diplomatiques avec les califes. — Aroun-al-Raschild. — Rapports avec les émirs sarrasins d'Espagne, — Avec les tribus nomades, — Avec l'heptarchie anglo-saxonne et les rois d'Ecosse. 768-814. Les rois mérovingiens avaient concentré leurs relations politiques dans les nationalités franque, salique et ripuaire ; absorbés par les dissensions intérieures, par les guerres intestines, ils furent rarement en rapport avec les peuples de la vieille civilisation. Les rois de Neustrie ou d'Austrasie, d'Aquitaine ou de Bourgogne se disputent des villes, des provinces, mais on ne trouve que des relations lointaines et irrégulières avec le grand empire d'Orient, Constantinople et le califat. Ils sont comme des chefs barbares qui sollicitent de l'empereur une dignité de palais ; peuples à peine civilisés, ils imitent les coutumes et la pompe des princes plus avancés dans le luxe et les splendeurs du pouvoir 1. Il n'en est pas ainsi de la race carlovingienne depuis Charles Martel ; cette dynastie accomplit un grand œuvre ; Charlemagne fonde un empire qui peut le disputer en étendue au califat, ou à la couronne des Grecs : roi et empereur, sa correspondance est active : non seulement il reçoit les hommages et les tributs des vaincus, mais encore il entretient des rapports réguliers avec les papes, les empereurs et les califes. La première correspondance des Carlovingiens se trouve naturellement engagée avec les papes ; le pontificat et la nouvelle dynastie ont conclu presqu'un pacte inviolable, la deuxième race lui doit son empreinte de civilisation et de législation romaine. Etienne Ier 2, qui a sacré Pépin, n'a-t-il pas frappé d'une excommunication canonique tous ceux qui oseraient porter la main sur cette couronne ? Et à son tour, Pépin n'a-t-il pas donné au Saint-Siège de vastes et riches possessions temporelles, ses villes, son exarchat, Ravenne, Bologne, Rimini. A Charlemagne, Etienne II 3 doit aussi l'extension de ses domaines et la protection accordée à la chaire de saint Pierre contre les Lombards ; les Francs ont dompté la race si souvent hostile au siège pontifical ; cette continuité de rapports entre Rome et Charlemagne prend une extension encore plus active à la suite de l'avènement du pape Adrien. Adrien, issu des grandes familles romaines, est le descendant des sénateurs et des consuls ; les images des ancêtres brillent dans son palais 4 : entre lui et les Lombards, il y a des haines invétérées ; il a hérité des antiques idées romaines sur la supériorité de la ville éternelle ; il veut soumettre l'Italie par les clefs de saint Pierre, comme autrefois les empereurs Pavaient domptée par les étendards des centurions et des tribuns ; la tiare du pontificat a remplacé la couronne de laurier des césars. Adrien et Charlemagne vivent dans la plus confiante intimité 5. Consacré roi des Lombards, Charlemagne prend les états du Saint-Siège sous la protection de son épée, et nul n'ose y toucher, Grec, Italien, ou Sarrasin. En même temps, Adrien exerce pour le roi des Francs une surveillance attentive sur l'Italie ; tous les faits qui peuvent troubler la puissance de Charlemagne lui sont dénoncés ; quand un comte ou un évoque lombard menace d'une sédition, Adrien se hâte de l'écrire à son ami ; c'est l'agent attentif de la puissance des 1 Cependant le règne du roi Dagobert me paraît faire une grande exception. La civilisation orientale avait envahi par le commerce les formules et les dignités des rois francs. (Voyez sur ce règne spécialement A UDOENS de Vita S. Elegii : Bollandist., August., 7.) 2 Etienne Ier gouverna l'église de 752 à 757. 3 Etienne II fut élu pape en 768 et mourut en 772. 4 Adrien occupa le pontificat de 772 à 795. 5 La correspondance du pape Adrien et de Charlemagne, telle que je vais la traduire, est entièrement dans le Codex Carolinus (manuscrit de Vienne). Les Bénédictins ne l'ont connue qu'imparfaitement ; toutefois, Dom Bouquet a publié plusieurs de ces lettres dans Gallor. histor. collect ., t. V. Francs ; les intérêts sont communs. Les épîtres d'Adrien, adressées à son fils et protecteur le roi des Francs, sont nombreuses ; tontes sont relatives à l'organisation de l'Italie et à l'esprit séditieux et mécontent des Lombards : tantôt il les dénonce comme affranchis de toutes les lois de la morale, tantôt comme les ennemis de la religion catholique et les implacables adversaires de saint Pierre, dont l'étendard brille sur le Vatican. Adrien témoigne sa joie à Charlemagne de tout le bien qu'il fait à l'église, de ses bonnes intentions pour elle : Mon bon et excellent fils, mon seigneur roi établi par Dieu 1, je te prie et te demande avec instance, comme si j'étais présent à tes yeux, que tu fasses accomplir ce que tu as promis au prince des apôtres pour le salut de ton âme, et pour que Dieu protégeât ton règne ; par là, le prince des apôtres te donnera une aide et une protection bien plus grande auprès de sa majesté divine. Et ce n'est que parce que le bon portier du ciel, saint Pierre, t'a aidé, que tous tes vœux se trouvent satisfaits ; c'est qu'il est cause que Dieu t'accorde la victoire et qu'il t'a mis en possession du royaume des Lombards ; aie donc en lui désormais la plus grande confiance, carie Seigneur, se rendant à ses pressantes sollicitations, courbera sous tes pieds toutes les autres nations barbares. Hâte-toi de nous satisfaire et de nous confirmer dans nos idées sur la constance de ton cœur, en ordonnant que l'on fasse tout ce que tu as promis. Nous avons en toi la plus grande confiance, et nous sommes sûr que l'amitié qui a été liée entre nous dans le palais apostolique conservera toujours son intégrité 2. Toutes les félicitations sont ainsi pour Charlemagne sur ses beaux triomphes ; c'est le bon fils, le roi d'Italie par la volonté de Dieu, celui dont la grande épée couvre le patrimoine de saint Pierre. S'il est un méchant, un homme perfide qui trouble la sécurité pontificale, le pape en écrit à Charlemagne pour obtenir qu'il soit expulsé de l'Italie. C'est toujours au nom du prince des apôtres que le pape réclame les droits de Rome, afin d'imprimer par cette prosopopée un plus haut, un plus saint respect aux hommes de force et d'armes : Nous nous plaindrons à ton excellence, doux et aimable fils, de Raginald, homme perfide qui sème la discorde et pousse les mortels au mal ; cet homme cherche tous les moyens de porter tort à la sainte église de Dieu et à nous ; il s'efforce d'enlever méchamment ce que tu as donné à saint Pierre pour le salut de ton âme, et il voudrait se l'approprier ; il est venu avec ses soldats dans notre ville, et en a enlevé les habitants. Je ne crois pas que tu en aies fait don pour l'exaltation de ce duc Raginald. C'est pourquoi nous te demandons avec instance que, par amour pour le bon apôtre saint Pierre, tu ne permettes pas à ce Raginald de demeurer en Italie 3. Non seulement Adrien aime à correspondre par lettres, mais encore il demande sans cesse que Charlemagne lui envoie ses missi dominici , il veut savoir toute la pensée du roi des Francs, son cher fils ; il persiste pour qu'il lui députe ses envoyés, et comme ils ne viennent pas, le pape délègue à Charlemagne des évoques pour conférer avec lui : Pendant que notre sainte mère l'église apostolique et romaine est dans la joie, en voyant la gloire de ton nom se 1 Epist. VII, Codex Carolinus . 2 Ann. 776. Le pape Adrien fait ici allusion au premier voyage de Charlemagne à Rome, quand il fut couronné roi à la Monza. Muratori a donné par extraits cette épître, et Baronius l'a publiée comme un témoignage des rapports paternels du pape avec l'empereur. 3 Ce Raginald était évidemment un comte de race franque, qui conservait son type anti- clérical comme Charles Martel ; ne serait-ce pas le même que Renaud de Montauban, altier, implacable, de la famille méridionale d'Aymon. (Cette lettre est dans le Cod.